PANNEAUX D'ISOLATION

Enquêtes


PANNEAUX D’ISOLATION THERMIQUE EN POLYISOCYANURATE (POLYURÉTHANE MODIFIÉ), ALVÉOLAIRES, RIGIDES ET REVÊTUS
Renvoi no : RE-96-001

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 8 novembre 1996

EU ÉGARD À des renvois faits, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, par les sociétés Roofmart (Ontario) Ltd. et Schuller International Canada Inc., des importateurs, au Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET EU ÉGARD À un avis donné par le Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l’article 37 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

AU SUJET DU dumping au Canada de panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique.

A V I S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente que les éléments de preuve déposés auprès du sous-ministre du Revenu national indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique, a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre présidant


Anthony T. Eyton
_________________________
Anthony T. Eyton
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Susanne Grimes
_________________________
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire






Renvoi no : RE-96-001


Date de l’avis : Le 8 novembre 1996


Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Anthony T. Eyton, membre
Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : Richard Cossette
Économiste : Simon Glance


Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 13 septembre 1996, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre), saisit d’un dossier complet soumis par Exeltherm Inc. (Exeltherm), a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable au Canada de panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus (panneaux isolants en polyiso), originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique (les marchandises en question). Le Sous-ministre était d’avis que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le présumé dumping «a causé et menace de causer un dommage à la production au Canada de marchandises similaires [1] ».

Les 10 et 11 octobre 1996 respectivement, l’avocat de Roofmart (Ontario) Ltd. et l’avocat de Schuller International Canada Inc. ont saisi le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [2] (la LMSI), de la question de savoir si les éléments de preuve déposés auprès du Sous-ministre indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou un retard, ou menaçait de causer un dommage.

Aux termes de l’alinéa 37b) de la LMSI, le Tribunal doit donner son avis sur la question, sans audience, en se fondant sur les renseignements dont disposait le Sous-ministre pour en arriver à une décision ou conclusion, dès qu’il en est saisi mais, au plus tard, dans les 30 jours suivant la date où il en est saisi.

Les panneaux isolants en polyiso sont devenus le principal produit isolant d’application commerciale pour les toits et les murs, essentiellement en raison de leur résistance aux hautes températures et de leur faible combustibilité. D’une façon générale, les panneaux isolants en polyiso ont les mêmes propriétés physiques, qu’ils soient utilisés dans les toitures ou les murs. Habituellement, les différences entre les deux utilisations ont uniquement trait à l’épaisseur, au type de revêtement (matériel collé sur les deux côtés de l’âme des panneaux) et aux dimensions des panneaux.

Les panneaux isolants en polyiso pour les toits sont en général offerts dans les dimensions suivantes : 3 pi x 4 pi, 4 pi x 4 pi et 4 pi x 8 pi. L’épaisseur des panneaux varie de 1,0 po à 4,0 po. Ces panneaux sont utilisés principalement dans la construction d’édifices commerciaux. Les panneaux isolants en polyiso pour les murs sont généralement offerts dans les dimensions suivantes : 4 pi x 8 pi et 4 pi x 9 pi. L’épaisseur des panneaux varie de 0,5 po à 4,0 po. En général, ces panneaux servent dans la construction des murs de résidences et d’autres édifices.

Les éléments de preuve dont disposait le Sous-ministre lorsqu’il a décidé d’ouvrir l’enquête comprenaient une plainte confidentielle déposée par Exeltherm, une analyse de cas préparée par les fonctionnaires du ministère du Revenu national (Revenu Canada) et des lettres à l’appui de la plainte, en provenance de trois producteurs canadiens : Isox Maritime Ltd. de Cocagne (Nouveau-Brunswick), Polytherm de Saint-Côme en Beauce (Québec) et Enerlab Inc. de Boucherville (Québec). Selon les renseignements versés au dossier, la production d’Exeltherm représente bien au-delà de 50 p. 100 de la production totale canadienne, et sa plainte a reçu l’appui de tous les producteurs canadiens connus.

Le Tribunal fait remarquer que Revenu Canada a évalué les marges de dumping des plus grands exportateurs des États-Unis de panneaux isolants en polyiso, qui représentent 95 p. 100 des envois au Canada pour la période du 1er janvier au 30 juin 1996. Les marges estimatives de dumping, exprimées en pourcentage des valeurs normales, ont varié de 4 à 23 p. 100 chez les plus grands exportateurs, la marge estimative moyenne pondérée de dumping étant de 16 p. 100.

Selon Exeltherm, avant 1994, la demande canadienne de l’isolant thermique pour les toits et les murs était en grande partie comblée par deux produits, à savoir les panneaux de mousse phénolique thermodurcissable et l’isolant en fibre de verre. Les panneaux de mousse phénolique étaient produits par Domtar, Inc. (Domtar) et Owens Corning Fibreglass (Owens), alors que l’isolant en fibre de verre n’était produit que par Owens. En 1994, tant Domtar que Owens se sont retirées du marché canadien des panneaux de mousse phénolique. Owens a fermé son usine de panneaux de mousse phénolique et a aussi vendu les droits de commercialisation de ses produits en fibre de verre pour les toitures. Domtar a vendu son usine de panneaux de mousse phénolique à Exeltherm, qui l’a transformée pour produire des panneaux isolants en polyiso.

Exeltherm fabrique des panneaux isolants en polyiso depuis le 1er juillet 1994. Les renseignements dont dispose le Sous-ministre indiquent que la demande de panneaux isolants en polyiso s’est accrue depuis 1994. Selon Exeltherm, cet accroissement est en grande partie attribuable à l’éviction du marché de l’isolant en mousse phénolique et d’une partie du marché de l’isolant en fibre de verre par le produit isolant en polyiso. Selon les renseignements disponibles, le marché estimatif total des panneaux isolants en polyiso a atteint près de 209 millions de pieds-planche en 1995.

Exeltherm a soumis des renseignements fondés sur les données de Statistique Canada, relatives aux importations, qui indiquent une hausse marquée du volume des importations de panneaux isolants en polyiso en provenance des États-Unis depuis 1993. La hausse des importations a été accompagnée d’une baisse correspondante de la valeur unitaire déclarée des importations d’environ 7 p. 100 entre le premier semestre de 1994 et le premier semestre de 1996, selon les données compilées par Revenu Canada. Revenu Canada a aussi constaté que les exportateurs dont les prix étaient les plus bas ont représenté les plus forts volumes d’importations des marchandises en question.

Depuis 1994, le marché canadien des panneaux isolants en polyiso a été approvisionné uniquement à partir des importations en provenance des États-Unis et de la production nationale. Bien que ses ventes aient augmenté depuis qu’elle a commencé à fabriquer ces produits en 1994, Exeltherm soutient avoir été incapable d’atteindre les seuils prévus de production, de ventes et de part de marché, malgré l’augmentation sensible de la demande de panneaux isolants en polyiso. Plus précisément, avec l’introduction de ces produits au deuxième semestre de 1994, Exeltherm croyait pouvoir s’emparer d’une grande partie du march?E9‚ de l’isolant en mousse phénolique, auparavant détenu par Domtar et Owens, ainsi que d’une partie du marché de l’isolant en fibre de verre pour les toitures au Canada. Exeltherm soutient que la production, les parts de marché et les recettes sont sensiblement inférieures aux prévisions initiales, et cela, principalement en raison du volume de panneaux isolants en polyiso sous-évalués en provenance des États-Unis et sur le marché canadien.

À l’appui de son affirmation selon laquelle le dommage qu’elle subissait était causé par les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis, Exeltherm a produit des documents illustrant des exemples d’érosion des prix, de compression des prix et de perte de ventes attribuables aux importations sous-évaluées dans diverses régions du Canada pour la période allant du deuxième semestre de 1994 jusqu’en 1996. De plus, Exeltherm allègue que la chute des prix à laquelle elle a été confrontée est survenue malgré la hausse du coût des intrants durant cette période et l’augmentation de la demande de panneaux isolants en polyiso. Compte tenu des éléments de preuve déposés, Exeltherm estime que les marchandises sous-évaluées en question lui ont directement causé une perte annuelle de ventes de panneaux isolants en polyiso, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, et représentent des bénéfices annuels non réalisés de plus de un million de dollars par année. En outre, Exeltherm déclare qu’elle a enregistré un manque à gagner lié à la vente annuelle de produits relatifs aux panneaux isolants en polyiso, de plusieurs millions de dollars.

Exeltherm soutient également que, à cause du dumping de panneaux isolants en polyiso en provenance des États-Unis, elle n’a pas pu accaparer une part du marché qui lui permettrait d’exploiter ses installations au taux prévu d’utilisation de la capacité de production. Cette situation, selon Exeltherm, a réduit l’efficacité de son exploitation et contribué à rehausser les coûts unitaires fixes.

Les données financières déposées par Exeltherm indiquent une baisse des marges bénéficiaires brutes au cours de la période allant du deuxième semestre de 1994 jusqu’au cinq premiers mois de 1996. Sa situation financière s’est également détériorée au plan des bénéfices nets avant impôt au cours de cette période. De l’avis d’Exeltherm, ce piètre rendement financier est le résultat direct des effets, sur ses ventes et sur ses prix, des importations sous-évaluées en provenance des États-Unis. Quant à la menace de dommage, Exeltherm soutient que la pression constante qu’exercent les importations en provenance des États-Unis sur les prix et l’effet néfaste de telles pressions sur son bilan financier ont eu une incidence négative sur sa capacité de réunir du capital d’investissement et de poursuivre son plan de croissance.

Aux termes de l’article 34 de la LMSI, pour rendre des conclusions en faveur de la poursuite de l’enquête du Sous-ministre, le Tribunal doit être convaincu que les éléments de preuve déposés devant le Sous-ministre indiquent, de façon raisonnable, que la branche de production nationale a subi un dommage ou un retard, ou est menacée de subir un dommage et qu’il existe un lien de causalité entre les importations sous-évaluées et le dommage sensible subi par la branche de production nationale. Le Tribunal fait remarquer que certains renseignements au dossier semblent établir une corrélation entre les volumes croissants des importations en provenance des ?C9?tats-Unis et la baisse des prix, tant des importations en provenance des États-Unis que des produits nationaux. Pour ce qui est des clients, Exeltherm, le producteur dominant, a soumis des exemples spécifiques de perte de ventes en raison des importations, d’érosion et de compression des prix. Dans de telles circonstances, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que la branche de production nationale a subi un dommage ou est menacée de subir un dommage et qu’il existe un lien de causalité entre le dommage que la branche de production nationale soutient avoir subi, d’une part, et le dumping des marchandises en question, d’autre part. Ce n’est toutefois qu’en menant une enquête que le Tribunal pourra examiner à fond la relation de causalité, y compris d’autres facteurs, à part le dumping, qui peuvent causer un dommage.

Par conséquent, le Tribunal conclut, conformément à l’article 37 de la LMSI, que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique, a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.


1. Ministère du Revenu national, Énoncé des motifs , le 13 septembre 1996 à la p. 8.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47, art. 164.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 12 novembre 1996