BARRES RONDES EN ACIER INOXYDABLE

Enquêtes (article 42)


CERTAINES BARRES RONDES EN ACIER INOXYDABLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE L’ITALIE, DU JAPON, DE L’ESPAGNE, DE LA SUÈDE, DE TAIWAN ET DU ROYAUME-UNI
Renvoi no : RE-97-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 13 février 1998

Renvoi no : RE-97-001

EU ÉGARD À un renvoi fait, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, par les sociétés British Steel Canada Inc. de Montréal et British Steel Alloys de Vancouver, des importateurs, au Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET EU ÉGARD À un avis donné par le Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l’article 37 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

AU SUJET DU dumping au Canada de certaines barres rondes en acier inoxydable originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni.

A V I S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, que les éléments de preuve déposés auprès du sous-ministre du Revenu national indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certaines barres rondes en acier inoxydable originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Pierre Gosselin
_________________________
Pierre Gosselin
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de l’avis : Le 13 février 1998



Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Peter F. Thalheimer, membre



Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : Tom Geoghegan



Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 23 décembre 1997, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre), saisi d’un dossier complet soumis par la société Atlas Specialty Steels, division de Sammi Atlas Inc. (Atlas), a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable au Canada de certaines barres rondes en acier inoxydable originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni. Le Sous-ministre était d’avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient fait l’objet de dumping. En outre, les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que « le dumping de ces marchandises a causé un dommage ou menace de causer un dommage sensible à la production au Canada de marchandises similaires [1] ».

Le 14 janvier 1998, le conseiller de British Steel Canada Inc. de Montréal et de British Steel Alloys de Vancouver a saisi le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [2] (LMSI), de la question de savoir si les éléments de preuve déposés auprès du Sous-ministre indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question originaires ou exportées du Royaume-Uni avait causé un dommage sensible ou menaçait de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Aux termes de l’article 34 de la LMSI, le Tribunal doit donner son avis sur la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises à l’étude a causé un dommage ou menace de causer un dommage. L’alinéa 37b) de la LMSI prévoit que le Tribunal doit donner son avis sur la question, sans tenir d’audience, en se fondant sur les renseignements dont disposait le Sous-ministre pour arriver à une décision ou conclusion, dès qu’il est saisi mais, au plus tard, dans les 30 jours suivant la date où il est saisi.

Le Sous-ministre a défini les marchandises en question comme suit :

certaines barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni.

Les marchandises en question comprennent les barres rondes coupées à longueur ayant des diamètres variés et divers finis.

Les barres rondes en acier inoxydable peuvent être : 1) laminées ou forgées à chaud seulement; 2) laminées ou forgées à chaud et recuites; 3) laminées ou forgées à chaud et recuites et décalaminées ou écroûtées, ébauchées ou tournées; 4) étirées à froid et lissées au tour ou finies tournées, rectifiées sans pointes ou rectifiées sans pointes et polies; 5) laminées à chaud et écroûtées et lissées au tour ou finies tournées ou rectifiées sans pointes ou rectifiées sans pointes et polies.

L’acier inoxydable est un acier allié résistant à la corrosion ou à la chaleur, ou aux deux à la fois, dont la teneur maximale en carbone, au poids, est de 1,2 p. 100 et dont la teneur en chrome est d’au moins 10,5 p. 100. Il existe de nombreuses analyses chimiques distinctes ou nuances pour l’acier inoxydable. Ces nuances comprennent généralement d’autres éléments d’alliage que le chrome (p. ex., le nickel et le molybdène, entre autres) et elles peuvent être adaptées de façon à répondre aux exigences mécaniques et physiques particulières d’applications ultimes données. Les nuances les plus populaires des barres en acier inoxydable sont les types AISI 303, 304, 304L, 316, 316L, 410, 416, 420, 430F, et la nuance 630 ou la nuance de durcissement par précipitation 17Cr-4Ni. Ces nuances représentent plus de 85 p. 100 de la consommation canadienne totale de barres en acier inoxydable.

Les barres rondes en acier inoxydable sont utilisées pour diverses applications de production et d’entretien qui requièrent un matériau résistant à la corrosion ou à la chaleur, ou aux deux à la fois. Elles servent donc dans diverses branches de production, y compris les pâtes et papiers, la production d’énergie, la pétrochimie, les hydrocarbures, la robinetterie, l’automobile et les transports. Leur vaste éventail d’applications comprend les corps de soupape, les arbres de mélangeur et les arbres de pompe.

Au cours de la période de sept mois qui s’est terminée le 31 juillet 1997, le Sous-ministre a déterminé que 78,2 p. 100 de toutes les importations examinées en provenance des pays désignés étaient sous-évaluées, la marge moyenne pondérée de dumping, exprimée en pourcentage de la valeur normale, étant de 14,1 p. 100.

Le Tribunal fait observer que, aux termes de l’article 35 de la LMSI, avant de rendre une décision provisoire de dumping, le Sous-ministre doit faire clore l’enquête lorsqu’il arrive à la conclusion, notamment, que le volume réel ou éventuel de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, en provenance de toute source désignée est négligeable, au sens de la LMSI. Le Tribunal fait observer que le Sous-ministre a appliqué le critère du volume « négligeable », d’une manière provisoire, à chacun des pays désignés. Les résultats démontrent que chacun des pays susmentionnés se situe au-dessus du seuil minimum. Cependant, le Sous-ministre a indiqué qu’il procédera à la mise à jour des données aux fins de l’application du critère du volume négligeable dans le cadre de la décision provisoire de dumping.

Les renseignements concernant le dommage dont disposait le Sous-ministre, lorsqu’il a pris la décision de faire ouvrir l’enquête, comprenaient une plainte confidentielle déposée par Atlas et une analyse de ladite plainte préparée par les agents du ministère du Revenu national (Revenu Canada). La plainte d’Atlas présentait des données sur le marché national des barres en acier inoxydable, la part du marché d’Atlas et la part du marché détenue par les pays désignés de 1994 jusqu’au milieu de 1997, les prix offerts et la stratégie de prix appliquée par les pays désignés pour divers clients, le rendement financier et les tendances quant à l’utilisation de la capacité de production.

Dans la plainte qu’elle a déposée auprès de Revenu Canada, Atlas a indiqué que le marché national apparent a connu une croissance en 1995, par rapport à 1994. Cependant, en 1996, il a chuté sous le niveau de 1994. À la lumière des données disponibles pour le premier semestre de l’année, Atlas a soutenu que la décroissance du marché devrait vraisemblablement se poursuivre en 1997.

En même temps que le marché connaissait une décroissance marquée en 1996, la part du marché accaparée par les importations des pays désignés a augmenté sensiblement. Au cours du dernier semestre de 1996, la part du marché d’Atlas a atteint son seuil le plus bas de la période de 42 mois. Les données fournies par Atlas indiquent que les valeurs unitaires moyennes déclarées des importations en provenance des pays désignés ont sensiblement baissé au cours de ce dernier semestre de 1996.

Bien que la part du marché d’Atlas soit remontée à un niveau davantage coutumier au premier semestre de 1997, Atlas a soumis des éléments de preuve pour montrer que les valeurs unitaires moyennes déclarées d’importants volumes d’importations en provenance des pays désignés étaient, dans plusieurs cas, bien inférieures à celles du dernier semestre de 1996, augmentant d’autant la pression à la baisse sur les prix du marché canadien.

Atlas a aussi produit des éléments de preuve concernant l’érosion des prix. En effet, à plusieurs reprises, Atlas a dû offrir des rabais à ses clients durant la période du 11 mars 1996 au 4 juin 1997. D’autres éléments de preuve d’érosion comprennent des notes sur les prix et des listes de prix internes pour des clients déterminés, en vigueur de mai 1995 à avril 1997. Il a été allégué qu’Atlas a non seulement dû, à cause des importations sous-évaluées, baisser les prix qu’elle affichait mais qu’elle a aussi dû s’aligner sur les importations concurrentes en accordant des rabais et des remises concurrentielles spéciales à certains de ses clients.

Pour démontrer la véracité de ses allégations de pertes de commandes, Atlas a soumis un certain nombre de rapports de visites-clients, c.-à-d. des notes de service internes préparées par le personnel de vente pour documenter les ventes perdues ou les stratégies d’établissement de prix concurrentiels. Les rapports documentent les présumées commandes perdues pour certains clients déterminés en 1996 et 1997. Dans chaque cas, le prix de vente indiqué a été inférieur au prix offert par Atlas.

À titre d’indication supplémentaire de l’incidence du dumping des barres en acier inoxydable par les pays désignés, Atlas a fourni des renseignements indiquant une baisse de sa rentabilité et de l’utilisation de sa capacité de production.

En preuve de la menace de dommage causé par le dumping des barres en acier inoxydable, Atlas a produit des renseignements qui, à son avis, démontrent que les pays désignés disposent d’une importante capacité de fonte et de production d’acier inoxydable de divers types et que ces importantes capacités de production dépassent les besoins du marché intérieur desdits pays, ce qui les poussent à exporter de grandes quantités d’acier inoxydable. Atlas a aussi déclaré que les producteurs d’acier inoxydable des pays désignés ont déjà fait l’objet de conclusions de dumping de barres en acier inoxydable ou d’autres produits en acier spécialisé sur le marché canadien, ainsi que sur d’autres marchés [3] .

Dans l’examen de la question de dommage ou d’indication raisonnable de dommage, le Tribunal a l’habitude de cumuler l’effet du dumping en provenance de toutes les sources désignées et d’examiner l’effet global du dumping sur la branche de production nationale. En l’espèce, le Tribunal a donc considéré l’effet cumulatif du dumping en provenance des huit sources désignées, y compris le Royaume-Uni, afin de rendre son avis sur la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’il y a dommage ou menace de dommage.

Le Tribunal fait observer que certains renseignements au dossier du Sous-ministre semblent indiquer l’existence d’un lien entre la hausse des importations en provenance des pays désignés et la baisse des prix nationaux des barres en acier inoxydable. Au niveau des clients, Atlas a soumis des exemples précis d’érosion des prix et de pertes de commandes. Sur le plan de la causalité, le Tribunal est d’avis qu’il existe une corrélation apparente entre la présence croissante d’importations sous-évaluées sur le marché canadien et la baisse des prix et du rendement d’Atlas, ce qui indique, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou menace de causer un dommage. Cependant, ce n’est que dans le cadre d’une enquête que le Tribunal pourra examiner complètement la question de savoir si la branche de production nationale a subi, ou pourrait subir, un dommage et s’il existe un lien de causalité entre un tel dommage et le dumping. Dans le cours de cet examen, le Tribunal considérera aussi les effets d’autres facteurs sur le rendement de la branche de production.

Compte tenu de l’information dont il dispose, le Tribunal conclut, aux termes de l’article 37 de la LMSI, que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certaines barres rondes en acier inoxydable originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.


1. Ministère du Revenu national, Énoncé des motifs, le 23 décembre 1997 à la p. 6.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47, art. 164.

3. Le 7 avril 1983, dans le cadre de l'enquête no ADT-1-83, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping de barres et de fils en acier inoxydable en provenance du Brésil, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, du Japon, de la République de Corée et de l'Espagne avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le 20 juin 1990, dans le cadre du réexamen no RR-89-009, le Tribunal a annulé les conclusions susmentionnées. Le 19 avril 1985, dans le cadre de l'enquête no CIT-16-84, le Tribunal canadien des importations a conclu à l'absence de préjudice concernant les barres et les fils en acier inoxydable en provenance d'Italie. Le 13 novembre 1990, dans le cadre de l'enquête no NQ-90-002, le Tribunal a rendu des conclusions d'absence de préjudice concernant les importations de barres en acier inoxydable en provenance de l'Inde. Revenu Canada déclare, dans son analyse, que des producteurs américains de barres en acier inoxydable ont obtenu, en février 1995, des conclusions de dommage auprès de la Commission du commerce international des États-Unis (United States International Trade Commission). Les dossiers de Revenu Canada ne précisent pas quels pays étaient visés.


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Publication initiale : le 13 février 1998