PRODUITS DE TÔLES ET DE FEUILLARDS PLATS EN ACIER AU CARBONE ET EN ACIER ALLIÉ, LAMINÉS À CHAUD

Enquêtes (article 42)


CERTAINS PRODUITS DE TÔLES ET DE FEUILLARDS PLATS EN ACIER AU CARBONE ET EN ACIER ALLIÉ, LAMINÉS À CHAUD, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA FRANCE, DE LA ROUMANIE, DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ET DE LA RÉPUBLIQUE SLOVAQUE
Renvoi no : RE-98-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 18 janvier 1999

Renvoi no : RE-98-002

EU ÉGARD À un renvoi fait, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, par les sociétés Aciers Francosteel Canada Inc., un importateur, et Sollac, Aciers d’Usinor, un exportateur de France, au Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET EU ÉGARD À un avis donné par le Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l’article 37 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

AU SUJET DU dumping au Canada de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la France, de la Roumanie, de la Fédération de Russie et de la République slovaque.

A V I S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, que les éléments de preuve déposés auprès du sous-ministre du Revenu national indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la France, de la Roumanie, de la Fédération de Russie et de la République slovaque, a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Pierre Gosselin
_________________________
Pierre Gosselin
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de l’avis : Le 18 janvier 1999


Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant
Peter F. Thalheimer, membre
Richard Lafontaine, membre


Directeur exécutif de la Recherche : Ron Erdmann
Gestionnaire de la recherche : Audrey Chapman


Avocat pour le Tribunal : John L. Syme

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 3 décembre 1998, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre), saisi d’un dossier complet soumis par la société Stelco Inc. (Stelco), de Hamilton (Ontario), a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable au Canada de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la France, de la Roumanie, de la Fédération de Russie et de la République slovaque.

Le 18 décembre 1998, les avocats représentant un importateur canadien, la société Aciers Francosteel Canada Inc. (Francosteel), et un exportateur français, la société Sollac, Aciers d’Usinor (Sollac), ont saisi le Tribunal, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] , de la question de savoir si les éléments de preuve déposés auprès du Sous-ministre indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question, originaires ou exportées de la France, avaient causé un dommage sensible ou un retard ou menaçaient de causer un dommage sensible à la branche de production nationale [2] .

Aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la LMSI, le Tribunal doit donner son avis sur la question de savoir si les éléments de preuve, déposés auprès du Sous-ministre, indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. L’alinéa 37b) de la LMSI prévoit que le Tribunal donne son avis sur la question, sans audience, en se fondant sur les renseignements dont disposait le Sous-ministre pour en arriver à une décision ou conclusion. Le Tribunal ne peut donc pas tenir compte des renseignements qui n’avaient pas été déposés auprès du Sous-ministre lorsque ce dernier est arrivé à une décision.

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, les avocats de Francosteel et de Sollac ont demandé au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si les éléments de preuve dont disposait le Sous-ministre indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question, originaires ou exportées de la France, avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage. Cependant, lorsqu’il donne un avis aux termes de l’article 37 de la LMSI, le Tribunal doit tenir compte de toutes les marchandises visées dans l’enquête du Sous-ministre. En outre, pour examiner la question de dommage ou d’indications raisonnables de dommage, le Tribunal a pour pratique de tenir compte des effets des marchandises sous-évaluées en provenance de toutes les sources désignées et d’en examiner les effets cumulatifs sur la branche de production nationale [3] ,[4] . Cette pratique se fonde sur la réalité commerciale que les effets sur une branche de production nationale, le cas échéant, de marchandises sous-évaluées en provenance de plus d’un pays, sont habituellement cumulatifs.Le Tribunal est d’avis qu’un examen distinct des exportations originaires de la France et des exportations originaires des autres pays désignés n’est pas fondé. Par conséquent, aux fins du présent avis, il a évalué les effets cumulatifs de toutes les importations dénommées par le Sous-ministre, originaires des quatre pays désignés, y compris la France.L’alinéa 37b) de la LMSI prévoit que le Tribunal donne son avis sans audience, en se fondant sur les renseignements dont disposait le Sous-ministre pour en arriver à une décision ou conclusion sur la question. Le Tribunal donne son avis au plus tard dans les 30 jours suivant la date où il est saisi.Le Sous-ministre a défini les marchandises en question ainsi qu’il suit :Des tôles et des feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, y compris des matériaux de récupération ou de qualité inférieure, originaires ou exportés de la France, de la Roumanie, de la Fédération de Russie et de la République de Slovaquie, d’une largeur variée, égale ou supérieure à ¾ po (19 mm) :a) pour les produits sous forme de bobine, d’une épaisseur de 0,054 po à 0,625 po (1,37 mm à 15,88 mm) inclusivement,b) pour les produits coupés à longueur, d’une épaisseur égale ou supérieure à 0,054 po, mais inférieure à 0,187 po (dimension minimale de 1,37 mm, mais de moins de 4,75 mm),excluant les tôles et les feuillards plats en acier inoxydable.Cinq producteurs canadiens fabriquent des produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud : Stelco, d’Hamilton; Dofasco Inc. (Dofasco), d’Hamilton; Aciers Algoma Inc., de Sault Ste. Marie (Ontario); Ipsco Inc., de Regina (Saskatchewan); Ispat Sidbec Inc., de Montréal (Québec). La plainte a été déposée par Stelco. Les autres producteurs ont envoyé au Sous-ministre des lettres d’appui et des éléments de preuve supplémentaires de dommage, y compris des données sur les volumes de production et les expéditions de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier, laminés à chaud.Le Sous-ministre a estimé les marges de dumping sur les ventes au Canada durant la période du 1er janvier au 30 septembre 1998. Une comparaison des valeurs normales construites et des prix estimatifs à l’exportation pour les pays désignés, estimés par le ministère du Revenu national (Revenu Canada), a indiqué qu’environ 95,8 p. 100 des marchandises visées dans l’examen avaient fait l’objet de dumping. La marge moyenne pondérée de dumping était de 20,4 p. 100 de la valeur normale totale des marchandises [5] .

Le Tribunal fait observer que, aux termes de l’article 35 de la LMSI, avant de rendre une décision provisoire lors d’une enquête de dumping, le Sous-ministre doit faire clore l’enquête lorsqu’il arrive à la conclusion, au sujet des marchandises importées d’un ou de plusieurs pays, notamment, que la quantité véritable ou éventuelle de produits bénéficiant du dumping ou de la subvention est négligeable [6] , au sens de la LMSI. Le Tribunal fait observer que Revenu Canada a appliqué le critère du volume « négligeable », d’une manière provisoire, à chacun des pays désignés. En outre, le Sous-ministre fait observer que le volume des importations et les marges de dumping ne font présentement l’objet que de données estimatives et qu’il mettra les données à jour aux fins de la détermination du caractère « négligeable » dans le cadre de la décision provisoire de dumping.

Les renseignements concernant le dommage dont disposait le Sous-ministre, lorsqu’il a pris la décision de faire ouvrir l’enquête, comprenaient une plainte confidentielle déposée par Stelco, des éléments de preuve de compression des prix, d’érosion des prix, de perte de ventes ainsi que des allégations de perte de ventes à des clients spécifiques de Stelco et de Dofasco, des données sur la production nationale et sur le volume des expéditions de marchandises similaires de tous les producteurs nationaux, des données sur le marché national de 1996 à septembre 1998, certains renseignements sur la capacité de production et sur l’utilisation de la capacité et une analyse de la plainte préparée par les agents de Revenu Canada.

Stelco a soutenu que le dumping des marchandises en question est directement responsable des effets suivants : a) suppression et érosion des prix; b) recul des revenus nets; c) baisse des marges brutes, du bénéfice d’exploitation et du revenu net; d) perte de part de marché; e) perte de ventes; f) accumulation des stocks. Dans la plainte qu’elle a déposée auprès de Revenu Canada, Stelco a présenté des éléments de preuve et des documents à l’appui de ses allégations de dommage aux ventes de marchandises similaires sur le marché extérieur ou « ouvert » à des acheteurs tiers, comme des distributeurs d’acier semi-ouvré et des utilisateurs finals.

Le marché de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, englobe les expéditions nationales des producteurs canadiens sur le marché ouvert et les importations de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires des pays désignés et des pays non désignés. Les renseignements dont disposait le Sous-ministre indiquent que le volume du marché des marchandises en question était d’environ 4,8 millions de tonnes nettes en 1996, de 5,6 millions de tonnes nettes en 1997 et de 4,5 millions de tonnes nettes au cours des neuf premiers mois de 1998. Les données indiquent que la part de ces expéditions des producteurs nationaux sur le marché ouvert a reculé entre 1996 et les neuf premiers mois de 1998.

Les importations de marchandises en question ont augmenté considérablement en 1997 par rapport à 1996 et ont continué de s’accroître durant les neuf premiers mois de 1998. Stelco et Dofasco ont soumis des renseignements sur le nom des clients, les types de produits vendus à ces clients et les prix de vente des produits en cause pour illustrer les cas de compression des prix. Les renseignements dont disposait le Sous-ministre comprennent des observations selon lesquelles l’érosion des prix a fait place à la compression des prix au troisième trimestre de 1998. En plus du dommage causé par la compression et l’érosion des prix, Stelco et Dofasco soutiennent toutes deux qu’elles ont perdu des ventes à des clients particuliers.

À la lumière des éléments de preuve dont disposait le Sous-ministre, le Tribunal est d’avis qu’il existe des indications raisonnables que la branche de production nationale a subi un dommage.

Quant à la question de la causalité, Stelco soutient que le dommage qu’elle subit a commencé à s’accentuer au troisième trimestre de 1998, lorsque les importations de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, sont entrés sur le marché canadien en quantités considérables et à des prix de plus en plus bas. Stelco et Dofasco affirment qu’elles ont été contraintes de choisir entre réduire leurs prix ou perdre des ventes à cause de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, censément sous-évalués, vendus sur le marché canadien.

Les renseignements dont disposait le Sous-ministre montrent qu’il y a corrélation entre la perte de part de marché de l’industrie, l’augmentation des importations des marchandises en question et l’amorce de la compression des prix, de l’érosion des prix et des pertes de vente. Le Tribunal est d’avis que la corrélation susmentionnée fournit une indication raisonnable que le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage.

En conclusion, en se fondant uniquement sur l’examen des renseignements dont disposait le Sous-ministre, le Tribunal est convaincu que, aux fins des articles 34 et 37 de la LMSI, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certains produits de tôles et de feuillards plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud, originaires ou exportés de la France, de la Roumanie, de la Fédération de Russie et de la République slovaque, a causé un dommage ou menace de causer un dommage.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47, art. 164.

2. Le 30 décembre 1998, les avocat s de la société Thyssen Canada Limited (Thyssen), un importateur des marchandises en question originaires de deux des pays désignés, ont saisi le Tribunal, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la LMSI. Thyssen a demandé au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises communément appelées feuillards, feuillards en bobines et/ou feuillards en bobines devant servir à la fabrication de tubes et inclus dans les marchandises en question avaient causé un dommage ou un retard ou menaçaient de causer un dommage. Le 6 janvier 1999, le Tribunal a avisé les avocat s de Thyssen qu’il était déjà saisi de la question de donner un avis dans cette affaire en réponse au renvoi fait, le 18 décembre 1998, par les avocat s de Francosteel et de Sollac.

3. Voir, par exemple, Moteurs à induction polyphasés originaires ou exportés du Brésil, de France, du Japon, de Suède, de Taiwan, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no CIT-5-88, Conclusions, le 28 avril 1989, Exposé des motifs, le 12 mai 1989; Certaines barres rondes en acier inoxydable originaires ou exportées de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, du Japon, de l'Espagne, de la Suède, de Taiwan et du Royaume-Uni, Tribunal canadien du commerce extérieur, renvoi no RE-97-001, le 13 février 1998; et Les feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de la République d'Indonésie, et les cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de la République d'Indonésie et de la République fédérative du Brésil, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no NQ-96-001, Conclusions, le 27 septembre 1996, Exposé des motifs, le 15 octobre 1996.

4. L'a rticle 3 de l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l'Organisation mondiale du commerce prévoit expressément l'évaluation cumulative des effets des importations sous-évaluées.

5. La marge moyenne pondérée de dumping était estimée à 12,0 p. 100 pour la France, 21,6 p. 100 pour la Roumanie, 23,4 p. 100 pour la Fédération de Russie et 6,7 p. 100 pour la République slovaque.

6. Aux termes du paragraphe 2(1) de la LMSI, « négligeable » s'entend d'un « [q]ualificatif applicable au volume des marchandises sous-évaluées, provenant d'un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant 3 p. 100 de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada. Exceptionnellement, n'est pas négligeable l'ensemble des marchandises sous-évaluées – provenant de trois ou plusieurs pays exportant chacun au Canada un volume négligeable de marchandises sous-évaluées – qui représentent un volume de plus de 7 % de cette totalité.


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Publication initiale : le 18 janvier 1999