CINTRES DE BOIS, REMBOURRÉS ET RECOUVERTS DE TISSU

Enquêtes (article 42)


CINTRES DE BOIS, REMBOURRÉS ET RECOUVERTS DE TISSU, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAIWAN ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
No de l'enquête : CIT-4-88

TABLE DES MATIÈRES


No de l'enquête : CIT-4-88

Le vendredi 14e jour d'avril 1989

ENQUÊTE EFFECTUÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 42 DE LA LOI SUR LES MESURES SPÉCIALES D'IMPORTATION AU SUJET DES :

CINTRES DE BOIS, REMBOURRÉS ET RECOUVERTS DE TISSU, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAIWAN ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien des importations, en vertu de l'alinéa 57(2)a) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, a procédé à une enquête en vertu des dispositions du paragraphe 42(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 15 décembre 1988 et d'une décision définitive de dumping datée du 13 mars 1989, faites par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, concernant les cintres de bois, rembourrés et recouverts de tissu, originaires ou exportés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées originaires de Taiwan et des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Selon le paragraphe 43(1.1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, en ce qui a trait aux marchandises susmentionnées originaires des États-Unis, le Tribunal conclut, en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, que le dumping au Canada des marchandises originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, tel que mentionné dans l'alinéa précédent.

Membre présidant : Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay


Membre : Robert J. Bertrand, c.r.
_________________________
Robert J. Bertrand, c.r.


Membre : Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau


Témoin : Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

Audience publique : Les 20 et 21 mars 1989

Participants : Brian J. Barr
Suzette Cousineau
pour LNK Manufacturing Agencies Inc. et
Brotav Investments Inc.
Downsview (Ontario)
M3J 2R1

(fabricants)
Richard A. Wagner
pour Marketing et Ventes Trendex Inc.
Lachine (Québec)
H8S 3S8

et pour Samuel Sales Agencies Limited
Markham (Ontario)
L3R 2W2

(importateurs)

Jury :

Membre présidant : Raynald Guay

Membre : Robert J. Bertrand, c.r.

Membre : Arthur B. Trudeau


Personnel désigné :

Chef, Enquêtes : Réal Roy

Agent de la recherche : Anis Mahli

Agent de soutien pour statistiques : Margaret Saumweber

Rédactrice : Lise Y. Tremblay

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal Sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

*La constitution du Tribunal canadien du commerce extérieur le 31 décembre 1988 a entraîné la cessation du Tribunal canadien des importations.

Exposé des motifs qui accompagne les conclusions rendues le 14 avril 1989.

Ottawa, le 28 avril 1989

ENQUÊTE EFFECTUÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 42 DE LA LOI SUR LES MESURES SPÉCIALES D'IMPORTATION AU SUJET DES :

CINTRES DE BOIS, REMBOURRÉS ET RECOUVERTS DE TISSU, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAIWAN ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le Tribunal canadien des importations a procédé à une enquête en vertu des dispositions du paragraphe 42(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à la suite de la décision provisoire de dumping rendue par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, concernant l'importation au Canada de cintres de bois, rembourrés et recouverts de tissu, originaires ou exportés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique.

Le 15 décembre 1988, le secrétaire du Tribunal a reçu du directeur général, Division des programmes de cotisation, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, une lettre datée du même jour l'informant de la décision provisoire de dumping. Un avis à cet effet a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 31 décembre 1988.

L'enquête ouverte par le sous-ministre faisait suite à une plainte déposée par LNK Manufacturing Agencies Inc. et Brotav Investments Inc. (LNK et Brotav). L'enquête visait les marchandises en question importées entre le 1er septembre 1987 et le 31 août 1988.

Sur réception de l'avis de décision provisoire de dumping, le secrétaire a envoyé un avis d'ouverture d'enquête au sous-ministre, aux gouvernements des pays exportateurs, aux fabricants canadiens, aux importateurs et exportateurs des marchandises en question ainsi qu'à d'autres dont le nom figure sur la liste d'envoi du Tribunal. Cet avis a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 7 janvier 1989.

Le 13 mars 1989, le Tribunal a reçu l'avis de décision définitive de dumping daté du même jour. Cet avis a été mis à la disposition des participants au début des audiences et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 1er avril 1989.

Le 31 décembre 1988, les dispositions des articles 16 à 37 et 41 à 62 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (projet de loi C-110) sont entrées en vigueur. Par conséquent, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a été créé et le Tribunal canadien des importations a cessé d'exister le même jour. Cependant, les dispositions provisoires de la Loi prévoient que les membres du Tribunal canadien des importations continueront d'exercer leurs pouvoirs à l'égard de toute question encore non réglée par le Tribunal. Ces pouvoirs sont énoncés à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Les présentes conclusions sont donc rendues conformément à ces dispositions provisoires.

Des audiences publiques et à huis clos se sont tenues à Ottawa (Ontario) les 20 et 21 mars 1989.

LES PARTICIPANTS

Les parties plaignantes, LNK et Brotav, de Downsview (Ontario), étaient représentées à l'audience par des avocats qui ont déposé des déclarations de témoins publiques et protégées, soumis des éléments de preuve et cité des personnes qui ont témoigné en faveur de la plainte de préjudice sensible attribuable au dumping des marchandises en question.

Un avocat représentait les deux importateurs, soit Samuel Sales Agencies Limited (Samuel Sales), qui importe les marchandises en question de Taiwan, et Marketing et Ventes Trendex Inc. (Trendex), qui importe des cintres rembourrés des États-Unis d'Amérique. L'avocat de ces sociétés a déposé en leur nom des déclarations de témoins publiques et protégées, et il a cité des témoins qui ont déclaré que le préjudice subi par l'industrie canadienne est attribuable à des facteurs autres que l'importation sous-évaluée des marchandises en question.

Par ailleurs, les représentants de Shoppers Drug Mart (Pharmaprix) et de T. Eaton Company Limited ont été cités à comparaître devant le Tribunal pour répondre à des questions concernant leurs politiques et méthodes d'approvisionnement en marchandises en question.

LE PRODUIT

Les produits visés par la présente enquête sont décrits dans la décision provisoire rendue par le sous-ministre comme des cintres de bois, rembourrés et recouverts de tissu (cintres rembourrés) originaires ou exportés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique.

Les cintres rembourrés sont recouverts de satin et sont offerts en tailles, couleurs et paquets différents. L'industrie canadienne en produit de cinq tailles différentes : ordinaires, minces, pour vêtements de bébés, pour vêtements d'enfants et de grandes dimensions. Ils sont disponibles en sept styles : volantés, plissés, unis, en dentelle, à pointes métalliques, pour chemises et à rubans imprimés. La matière première comprend un cintre de bois, des tubes de vinyle, des pastilles aromatisées, du rembourrage feutré ou de la mousse plastique, des boucles, des agrafes et des feuilles de plastique pour l'emballage par rétraction.

Les cintres rembourrés sont fabriqués en trois étapes. D'abord, le satin est découpé, plissé et monté pour constituer des manchons de tissu couvrant chacune des deux moitiés du cintre. Dans le cas des commandes pour des cintres recouverts de dentelle, celle-ci est découpée et cousue sur le manchon à cette étape. À la deuxième étape, un manchon de plastique est glissé sur le crochet de métal et la partie en bois est recouverte à l'aide du rembourrage. De même, à ce stade de la fabrication, des pastilles aromatisées peuvent être introduites dans le rembourrage. À la troisième étape, les manchons de dentelle découpée sont insérés pour couvrir le rembourrage et le ruban coupé est attaché manuellement autour du crochet. Enfin, les cintres finis sont habituellement emballés par rétraction à la machine en paquets de deux, trois ou cinq, le plus souvent en paquets de trois.

Les cintres rembourrés sont importés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique par d'importants détaillants comme Woodward's ou Eaton's ou par des importateurs et distributeurs qui peuvent les utiliser comme articles d'exposition ou les vendre avec les produits de beauté et les accessoires de mode.

L'INDUSTRIE CANADIENNE

Constituée en 1981, la société Brotav est le seul producteur de cintres rembourrés au Canada. La société LNK, qui a été constituée en 1979, met en marché au Canada une grande partie de la production de Brotav. Ces deux sociétés partagent les mêmes locaux à Downsview, en Ontario. Elle sont exploitées par la même famille. Depuis le début de leurs activités en juin 1985, LNK et Brotav ont fabriqué plusieurs séries différentes de cintres rembourrés. Outre les marchandises en question, elles produisent également des revêtements parfumés pour tiroirs et des sachets, des pots et des chandelles parfumés. Avant 1985, ces deux entreprises importaient et distribuaient des articles destinés à l'industrie des produits de beauté.

Les marchandises en question sont vendues directement aux clients, notamment des magasins à rayons multiples, des magasins à grande surface et les principaux magasins au détail à succursales du Canada. Les cintres rembourrés sont souvent utilisés comme articles promotionnels à Noël et à la Fête des Mères; c'est pour cette raison que les ventes ont tendance à grimper au cours de ces périodes. Enfin, dans le cadre de la présente enquête, le Tribunal considère que LNK et Brotav constituent l'industrie canadienne, car elles sont les seuls fabricants des marchandises en question au Canada.

LA PLAINTE

Dans leurs déclarations de témoins publiques et protégées, LNK et Brotav ont soutenu que les cintres rembourrés sous-évalués en provenance de Taiwan et des États-Unis d'Amérique causaient un préjudice sensible sous forme d'érosion des prix, de baisse des bénéfices et de report d'investissements. Les deux sociétés ont décidé de produire des cintres rembourrés en 1985 après avoir déterminé qu'elles pourraient réaliser un bénéfice en vendant ce genre de produit au Canada. Elles ont effectué des études de marché à l'aide de cintres importés des États-Unis d'Amérique et ont amorcé la production en 1985. Au cours du deuxième semestre de la même année, elles ont prétendu que les cintres rembourrés importés des États-Unis exerçaient des pressions à la baisse sur leurs produits. Pour préserver leur clientèle, elles ont décidé de tenir tête à leurs concurrents et ont commencé à réduire leurs prix en 1985 et 1986 en offrant des rabais et des remises. En 1987, le prix net moyen a chuté de plusieurs cents et est demeuré au même niveau par la suite. LNK et Brotav ont aussi allégué que les pressions exercées sur les prix par les cintres rembourrés en provenance de Taiwan, qui se vendaient à des prix très bas, les ont obligées à maintenir leur stratégie d'égalité des prix afin de conserver leur clientèle. En outre, elles ont déclaré que les prix des cintres rembourrés originaires de Taiwan sont demeurés au même niveau pendant toute la période à l'étude, soit de 1985 à 1988. Enfin, elles ont précisé que malgré leurs efforts pour rationaliser leurs activités et contrôler leurs coûts de revient, les pressions exercées sur les prix par les cintres rembourrés en provenance de Taiwan et des États-Unis d'Amérique ont entraîné l'érosion et la compression des prix de leurs marchandises au cours de la période à l'étude et ont affecté leur rentabilité.

Dans leur plaidoyer, les avocats ont soutenu que même s'il était vrai que leurs clients ont pu eux-mêmes contribuer à la guerre des prix, ils n'avaient pas le choix d'agir autrement s'ils voulaient conserver leur clientèle. Ils ont aussi déclaré qu'un importateur peut abaisser les prix sur le marché intérieur, mais qu'il ne peut user de représailles en sous-évaluant les prix.

LA RÉPONSE

En réponse aux allégations des avocats de LNK et Brotav, l'avocat de Samuel Sales et Trendex a mentionné que le préjudice subi par les parties plaignantes était imputable à des facteurs ne relevant pas du dumping.

Dans ses déclarations de témoins publiques et protégées, Trendex a informé le Tribunal que lorsqu'elle a été constituée en 1983, elle ne vendait qu'une ligne de cintres rembourrés fabriqués par Moonbeams and Rainbows Inc. de New York. En 1984, elle a commencé à distribuer la production de ce fabricant. Bien qu'en 1986 les ventes de cintres rembourrés représentaient la plus grande partie des ventes totales de Trendex, elles en constituaient moins du quart à la fin de 1987 et étaient négligeables en 1988. Trendex a imputé l'érosion de sa part du marché à la guerre des prix menée par LNK et Brotav. Trendex a soutenu que les cintres rembourrés de la série «jewel» étaient de la plus grande qualité et se vendaient à un prix plus élevé. À des fins de promotion, elle a mis en marché des cintres rembourrés de moindre valeur classés dans la série «star». Enfin, cet importateur a fourni des données sur les prix pour rejeter les allégations de LNK et Brotav au sujet de l'érosion et de la compression des prix.

Les représentants de Samuel Sales ont déclaré que leurs ventes et leur part du marché ont considérablement chuté depuis 1986 en raison des prix fixés par LNK et Brotav. Selon l'importateur, LNK et Brotav lui ont soutiré un important contrat d'approvisionnement des magasins Simpson's en 1986. Pour cet importateur, les ventes de cintres rembourrés représentaient une faible partie de son chiffre d'affaires total.

L'avocat qui représentait Trendex et Samuel Sales a soutenu que les éléments de preuve déposés ne laissaient entrevoir aucun préjudice sensible passé, présent ou futur à la production au Canada des marchandises en question. Il a précisé qu'entre 1985 et 1988 les indicateurs économiques de l'industrie canadienne (production, ventes, exportations, emplois, capacité et taux d'utilisation) ont connu des hausses marquées. Il a ajouté qu'au cours de cette période, les prix fixés par LNK et Brotav pour leurs principaux clients n'ont pas entraîné de baisse importante des prix. L'avocat a de plus précisé qu'il n'existe aucun élément de preuve pour prouver que Trendex est responsable des pertes de ventes, de l'érosion ou de la compression des prix. Il a prétendu que les cintres rembourrés en provenance de Taiwan représentent un produit de moindre qualité et que leur coût au débarquement est moins élevé que le coût de revient des produits canadiens. Enfin, il a soutenu que le rendement financier de l'industrie canadienne a été bon malgré la répartition douteuse des dépenses entre les marchandises produites et vendues par LNK et Brotav.

EXAMEN DU PRÉJUDICE SENSIBLE

Pour mettre en perspective l'incidence du dumping des cintres rembourrés sur la production au Canada des marchandises similaires, le Tribunal a analysé les données qualitatives et quantitatives fournies par les importateurs et par LNK et Brotav.

Avant le troisième trimestre de 1985, les importations en provenance des États-Unis d'Amérique constituaient la majeure partie de la demande intérieure. Toutefois, certains cintres rembourrés en provenance de Taiwan étaient également vendus sur le marché canadien. La société Trendex est devenue le principal importateur et distributeur de cintres rembourrés de la série «jewel», importés des États-Unis, pendant que LNK et Brotav procédaient à leurs études de marché au Canada. En outre, en raison de la qualité supérieure des cintres de la série «jewel», leur prix était plus élevé que ceux vendus initialement par LNK et Brotav lorsqu'elles ont amorcé la production au pays en 1985. Le témoin cité par Trendex a déclaré que la réduction rigoureuse des prix entamée par LNK et Brotav au cours de la période à l'étude a entraîné pour Trendex des pertes de ventes auprès de plusieurs importants clients, ce qui a obligé l'importateur et distributeur à mettre un terme à ses activités dans le domaine des cintres rembourrés au cours de la quatrième année de la période à l'étude. Selon les estimations, la part du marché que détenait Trendex a chuté d'environ 84 points entre 1985 et 1988. Taiwan a continué d'inonder le marché canadien de grandes quantités de cintres rembourrés vendus à des prix beaucoup plus bas que ceux pratiqués par Trendex et LNK et Brotav.

En 1985, la popularité soudaine de ce produit au Canada, tant comme cadeau que comme complément de produits de beauté et d'accessoires de mode, a pris les acheteurs des principaux magasins au détail à succursales du Canada par surprise. Il est évident pour le Tribunal que l'accueil formidable que les consommateurs canadiens ont réservé à ce produit constituait pour les parties plaignantes une indication de croissance importante et soutenue. Sur le plan de la quantité, les faits exposés au Tribunal révèlent que le marché apparent des marchandises en question a connu une croissance phénoménale, ayant plus que quadruplé entre 1985 et 1988. Bien que la production au Canada n'ait pas débuté avant le deuxième semestre de 1985, les ventes de produits canadiens destinés à la consommation intérieure ont représenté environ les deux cinquièmes du volume global des ventes au cours de cette année, le reste étant partagé entre les importations en provenance de Taiwan et des États-Unis d'Amérique. L'année suivante, le volume de ventes de cintres rembourrés dépassait de 168 p. 100 celui de 1985. Même si LNK et Brotav ont connu leur première année complète de production en 1986, leur volume de ventes a suivi la croissance du marché. Ces entreprises ont doublé leurs ventes de cintres et ont gagné un point de la part du marché. Par comparaison, les ventes de produits importés de Taiwan, qui ont gagné sensiblement en popularité, plus particulièrement les cintres de milieu et de bas de gamme, ont connu une croissance proportionnelle, gagnant huit points pour ce qui est de la part du marché. Les données recueillies révèlent que ces augmentations ont nui aux produits américains parce que la part du marché détenue par les importations en provenance des États-Unis a diminué d'environ 10 points. Entre 1986 et 1987, le marché apparent a enregistré une croissance de 26 p. 100 et la part estimative du marché du producteur canadien a augmenté d'un autre point, pour ensuite bondir de trois points en 1988. À la fin de cette année, LNK et Brotav ont établi un record de volume de ventes et constituaient le plus important fournisseur des marchandises en question au Canada. Cependant, les importations en provenance des États-Unis d'Amérique ont continué leur tendance à la baisse, perdant encore 10 points en 1987; à la fin de 1988, elles étaient négligeables. Pendant ce temps, les importations en provenance de Taiwan ont augmenté de neuf points en 1987 et d'un autre point en 1988. Enfin, on estime que plus de sept millions de cintres ont été vendus au Canada au cours de la période à l'étude. Ces ventes ont été réalisées en grande partie en 1985 et 1986, et le reste, en 1987 et 1988.

Malgré la croissance du volume de ventes, les parties plaignantes ont fait valoir dans leur plaidoyer que les importations sous-évaluées ont eu pour effet de réduire les prix. Les éléments de preuve qui appuient l'érosion des prix permettent au Tribunal de noter que la stratégie d'établissement des prix appliquée par LNK et Brotav, lorsqu'elles ont fait leur entrée sur le marché en 1985, a déstabilisé la structure de prix en vigueur sur le marché au cours de la période précédant 1986. Pour s'immiscer sur le marché, LNK et Brotav ont offert aux principaux détaillants un cintre rembourré ordinaire dont la qualité, selon les témoins, est comparable à celle des cintres de la série «jewel», à un prix se situant entre ceux des cintres rembourrés importés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique. La stratégie d'établissement des prix utilisée par LNK et Brotav s'est traduite par une augmentation des ventes après une baisse initiale des prix suivie d'une certaine reprise.

Pour ce qui est de la compression des prix, les éléments de preuve révèlent que LNK et Brotav ont dû concurrencer davantage les produits en provenance de Taiwan qui est devenu la deuxième plus importante source d'approvisionnement en marchandises en question en 1986, 1987 et 1988. L'accès à des cintres rembourrés à faible prix en provenance de Taiwan a indirectement obligé les parties plaignantes, en ce qui a trait aux cintres à prix faible et moyen, à écouler leur production à des prix acceptables pour les détaillants plutôt qu'en fonction du coût de revient. En bref, il semble qu'après avoir exclu Trendex du marché des cintres à prix élevé, LNK et Brotav ont commencé à concurrencer les cintres rembourrés en provenance de Taiwan pour ce qui est de la qualité et des prix des autres secteurs du marché.

Les éléments de preuve déposés n'appuient pas les allégations de LNK et Brotav, qui prétendent qu'elles ont subi des pertes de bénéfices. L'examen des données financières fournies comme preuve et l'analyse détaillée de la méthode d'établissement des coûts utilisée par les parties plaignantes ont indiqué que le ratio de bénéfices bruts par rapport aux ventes nettes a augmenté en 1986-1987 comparativement à celui de 1985-1986, et qu'il s'est maintenu en 1987-1988; ceci indiquait que LNK et Brotav étaient en mesure de passer intégralement l'augmentation de leur coût de revient à leur clientèle. De même, le ratio bénéfices avant impôts par rapport aux ventes nettes des marchandises en question a enregistré une hausse, passant d'une position déficitaire en 1985-1986 à une situation assez rentable au cours des trois exercices suivants. Bien que la croissance de ce ratio n'ait pas correspondu à celle du volume de ventes, cette situation pourrait être imputée à des hausses marquées du coût d'emprunt et du coût de vente des marchandises en question. En raison des éléments de preuve déposés, le Tribunal en vient à la conclusion que les importations sous-évaluées en provenance de Taiwan et des États-Unis d'Amérique n'ont pas affecté outre mesure la rentabilité de LNK et Brotav.

Le rendement d'autres indicateurs économiques, comme la capacité de production, les emplois, l'utilisation de la capacité et les exportations, a suivi l'augmentation du volume de ventes. En effet, la production et les exportations de LNK et Brotav à la fin de 1988 étaient plus élevées qu'au cours de leur première année d'exploitation, en 1986. Ces données ont démontré non seulement la croissance des ventes de ces deux entreprises sur le marché canadien, mais également leur entrée rapide et fructueuse sur le marché des États-Unis; après une percée modeste en 1986, elles ont enregistré une importante croissance en 1988.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping de cintres rembourrés en provenance de Taiwan et des États-Unis d'Amérique n'a pas causé de préjudice sensible aux parties plaignantes. Cependant, l'impossibilité de majorer les prix et d'accroître les bénéfices découle principalement d'un important écart entre le prix du produit canadien et le prix au débarquement du produit importé de Taiwan; à noter que cette différence est supérieure à la marge de dumping.

En raison de l'absence de préjudice passé et présent, et vu que la société Trendex n'est plus active sur le marché et qu'il existe un écart entre les prix du produit canadien et de la marchandise importée de Taiwan, le Tribunal ne peut conclure à la probabilité de préjudice sensible attribuable au maintien du dumping.

CONCLUSIONS

Compte tenu de tous les éléments de preuve qui lui ont été fournis, le Tribunal conclut que le dumping de cintres de bois, rembourrés et recouverts de tissu, originaires ou exportés de Taiwan et des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


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Publication initiale : le 24 juillet 1997