BARRES EN ACIER INOXYDABLE

Enquêtes (article 42)


CERTAINES BARRES EN ACIER INOXYDABLE, NON ROULÉES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'INDE
Enquête no : NQ-90-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 13 novembre 1990

Enquête no : NQ-90-002

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation au sujet de :

CERTAINES BARRES EN ACIER INOXYDABLE, NON ROULÉES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'INDE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 13 juillet 1990 et d'une décision définitive de dumping datée du 11 octobre 1990 rendues par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, concernant l'importation au Canada de certaines barres en acier inoxydable, non roulées, originaires ou exportées de l'Inde excluant les barres d'acier inoxydable rondes résistant à la chaleur, connues sous le nom «Lister-22» importé par ou pour Lister Bolt and Chain Ltd. de Richmond (Colombie-Britannique) devant servir à la fabrication de chaînes pour fours.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de l'Inde ne cause pas, n'a pas causé et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre présidant


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Ottawa, le mercredi 28 novembre 1990

Enquête no : NQ-90-002

CERTAINES BARRES EN ACIER INOXYDABLE, NON ROULÉES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'INDE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible, soit cause ou a causé un retard sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de l'Inde, n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 15 et 16 octobre 1990
Date des conclusions : Le 13 novembre 1990

Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant
Sidney A. Fraleigh, membre
Michèle Blouin, membre

Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Agent de la recherche : Anis Mahli
Préposé aux statistiques : Robert Larose

Préposé à l'inscription et
à la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : John M. Coyne, c.r. et
Ronald C. Cheng
pour Atlas Specialty Steels
A Division of Sammi Atlas Inc.

(partie plaignante)
Peter Clark et
Janet M. Samaniego
pour Mukand Ltd.
Mahindra Ugine International
A Division of Mahindra Ugine Steel Co.
Ltd.
Grand Foundry Pvt. Ltd. et
Trefil ARBED Ltd.

(exportateurs - importateur)

Témoins :

David G. Pastirik
Directeur de la commercialisation
Atlas Specialty Steels
A Division of Sammi Atlas Inc.

Joseph G. Thompson
Directeur de la technologie
Atlas Specialty Steels
A Division of Sammi Atlas Inc.

Don Cody
Directeur, Analyses du produit et Budgets
Atlas Specialty Steels
A Division of Sammi Atlas Inc.

Denis L. Redican
Directeur des ventes du produit
Stainless Steels
Atlas Alloys
A Division of Rio Algom Limited

James H. Hollett
Directeur général
Unalloy Steel
A Division of Samuel Manu-Tech Inc.

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

L'EXPOSÉ DES MOTIFS

LE RÉSUMÉ

Dans le cadre de cette enquête, le Tribunal devait déterminer si le dumping des barres en acier inoxydable originaires de l'Inde avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production canadienne de ces marchandises.

Le seul producteur canadien, Atlas Specialty Steels, a prétendu que même si les importations originaires de l'Inde représentaient une part importante du marché canadien en 1988 et à certains moments en 1989, elles n'avaient pas causé de préjudice passé ou présent à la production canadienne. Les pertes financières et les pertes de part du marché de Atlas étaient attribuables principalement à d'autres facteurs, dont des problèmes de production à son usine. Cependant, Atlas a prétendu que les importations sous-évaluées originaires de l'Inde causeraient un préjudice sensible à l'avenir, compte tenu surtout de la régression du marché.

Le Tribunal convient que les importations sous-évaluées originaires de l'Inde n'ont pas été la cause des problèmes actuels ou passés de Atlas. Dans le cadre de son évaluation visant à déterminer si elles menacent de causer un préjudice futur, le Tribunal a examiné les directives concernant le préjudice futur figurant dans le Code antidumping du GATT. Cela a amené le Tribunal à examiner si la situation avait évolué par rapport à celle qui existait par le passé de manière à poser une menace vraiment prévisible et imminente de préjudice sensible à l'industrie nationale.

En examinant ce point, le Tribunal a conclu qu'il y avait un certain nombre d'autres considérations qui avaient tendance à réduire la menace de préjudice futur. Parmi ces considérations, on note la décision prise par Atlas de moderniser ses installations de production de barres de petit diamètre et de devenir plus concurrentielle dans cette gamme de produits dans laquelle se retrouve une part importante des importations déjà effectuées de l'Inde; les craintes qui continuent d'être exprimées au sujet des problèmes de qualité des importations effectuées par le passé de barres originaires de l'Inde; la décision prise par Atlas en 1988 de faire de Unalloy, le seul acheteur le plus important de barres originaires de l'Inde par le passé, un distributeur autorisé et la hausse qui s'en est suivie des achats effectués par Unalloy de barres auprès de Atlas; et l'amélioration de la situation financière de Atlas au premier semestre de 1990 en raison d'une réduction de ses coûts de fabrication. De plus, en évaluant les effets de la régression du marché, le Tribunal était d'avis que ce facteur n'accroissait pas nécessairement la menace de préjudice dans ce cas, parce que les éléments de preuve présentés démontraient que le ralentissement de la demande entraînerait aussi des réductions des importations originaires de l'Inde. Dans l'ensemble, le Tribunal n'était pas convaincu que Atlas fait face, dans l'avenir immédiat, à une menace de préjudice sensiblement plus grande causée par les importations sous-évaluées originaires de l'Inde que par le passé, alors qu'elle ne subissait aucun préjudice.

LE DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

En application de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI), le Tribunal a procédé à une enquête à la suite des décisions préliminaire et définitive de dumping rendues les 13 juillet et 11 octobre 1990, respectivement, par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) concernant l'importation au Canada de certaines barres en acier inoxydable, non roulées, originaires ou exportées de l'Inde, à l'exception des barres en acier inoxydable rondes résistant à la chaleur, connues sous le nom «Lister-22», importées par Lister Bolt and Chain Ltd., de Richmond (Colombie-Britannique), ou en son nom, devant servir à la fabrication de chaînes pour fours. L'enquête de dumping du Sous-ministre portait sur les marchandises en question importées entre le 1er janvier 1989 et le 3 mai 1990.

L'avis relatif à la décision préliminaire et celui visant la décision définitive de dumping ont été publiés dans la partie I de la Gazette du Canada du 28 juillet et du 27 octobre 1990, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal, publié le 24 juillet 1990, a paru dans la partie I de la Gazette du Canada du 4 août 1990.

Dans le cadre de cette enquête, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés au fabricant canadien et à trois importateurs des marchandises en question pour obtenir des renseignements sur la production, des données financières, des précisions au sujet des importations et du marché et d'autres renseignements visant la période comprise entre le 1er janvier 1987 et le 30 juin 1990. À partir des réponses fournies et d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience concernant cette même période.

Le dossier de l'enquête renferme toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience, de même que la transcription des délib?E9‚rations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et d'autres à huis clos ont eu lieu à Ottawa à partir du 15 octobre 1990. La partie plaignante, Atlas Specialty Steels (Atlas), et les exportateurs indiens, savoir Mukand Ltd. (Mukand), Mahindra Ugine International, A Division of Mahindra Ugine Steel Co. Ltd. (Mahindra), et Grand Foundry Pvt. Ltd. (Grand Foundry), de même que Trefil ARBED Ltd., un importateur, étaient représentées à l'audience par des avocats.

Le Tribunal a aussi invité un témoin de Atlas Alloys et un autre de Unalloy Steel (Unalloy) à participer à l'audience et à répondre aux questions des membres du Tribunal et des avocats de chacune des parties.

Le 13 novembre 1990, le Tribunal a conclu que les marchandises sous-évaluées n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale des marchandises en question.

LE PRODUIT

D'après la décision préliminaire de dumping rendue par le Sous-ministre, le produit visé par la présente enquête comprend certaines barres en acier inoxydable, non roulées, originaires ou exportées de l'Inde, à l'exception des barres en acier inoxydable rondes résistant à la chaleur, connues sous le nom «Lister-22», importées par Lister Bolt and Chain Ltd., de Richmond (Colombie-Britannique), ou en son nom, devant servir à la fabrication de chaînes pour fours.

Les aciers inoxydables sont des aciers résistant à la corrosion et à la chaleur dont la teneur en chrome, au poids, est d'au moins 10 p. 100. Il existe des aciers inoxydables de composition chimique très variée dont certains contiennent des éléments d'alliage autres que le chrome, comme le nickel et le molybdène. Ils peuvent être fabriqués pour répondre aux exigences mécaniques et physiques particulières d'une application finale donnée. Ces compositions sont classées par nuances reconnaissables au moyen de séries de représentations numériques attribuées par l'American Iron and Steel Institute (AISI).

Les barres en acier inoxydable peuvent se vendre sous la forme d'un produit laminé à chaud ou fini à froid, coupé en longueurs, de section ronde, plate ou hexagonale. Les nuances AISI de barres d'acier inoxydable les plus répandues sont les suivantes : 303, 304, 304L, 316, 316L, 410, 416 et 17-4 PH. Ces huit nuances représentent plus de 85 p. 100 de la consommation canadienne totale de barres en acier inoxydable.

Pour produire des barres en acier inoxydable finies à chaud, les lingots sont habituellement laminés, forgés ou pressés à chaud pour obtenir des blooms ou des billettes de taille intermédiaire qui sont ensuite laminés ou forgés à chaud pour leur donner leurs dimensions définitives. Après le laminage ou le forgeage à chaud, les barres en acier inoxydable finies à chaud peuvent subir diverses transformations, notamment le recuit ou un autre traitement thermique, le dressage mécanique, le décalaminage par décapage à jet ou autrement et l'enlèvement de matières en surface par écaillage ou tournage.

Les barres en acier inoxydable finies à froid sont produites à partir de barres finies à chaud par des opérations supplémentaires comme l'étirage à froid, la rectification sans pointes ou la rectification sans pointes et le polissage. Les barres en acier inoxydable finies à froid ayant une coupe transversale d'au plus 5/8 de pouce sont produites de la même manière, mais à partir d'un autre produit fini appelé tige. Les tiges sont fabriquées à l'aide des mêmes billettes de taille intermédiaire que les barres en acier inoxydable à diamètre plus grand.

Les barres en acier inoxydable constituent le matériau de construction de base de la plupart de l'outillage usiné utilisé par les industries primaires canadiennes. En outre, ces produits sont très répandus dans les industries secondaires pour fabriquer des pièces ou de l'outillage.

L'acier inoxydable en barres est souvent utilisé pour les applications qui requièrent un matériau de construction résistant à la corrosion et aux températures élevées. Le plus souvent, on l'emploie dans les secteurs des pâtes et papiers, des aliments et des boissons, de l'aéronautique, de la pétrochimie, de la production d'énergie, des mines et de l'automobile. Par exemple, l'acier inoxydable entre dans la fabrication de raccords utilisés en aéronautique et dans l'industrie, de soupapes pour l'appareillage industriel, d'arbres de transmission, de pièces de commutation électrique et de soupapes de moteurs d'automobiles.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Atlas est le seul fabricant canadien des marchandises en question et constitue l'industrie nationale aux fins de la présente enquête.

Atlas fabrique des types de barres dans les nuances populaires à son usine de Welland. Les barres en acier inoxydable ne représentaient qu'une faible proportion de la production totale d'acier de Atlas en 1987, mais elles sont intervenues pour une part beaucoup plus importante au premier semestre de 1990. Dans le secteur des aciers spéciaux, outre les barres et le fil en acier inoxydable, Atlas offre des aciers alliés pour outils, de l'acier moulé répondant à la norme AISI P-20, de l'acier au carbone pour outils, des aciers creux et pleins pour l'industrie minière, des aciers pour roulements à billes et des aciers alliés laminés à chaud ou finis à froid utilisés en génie. La société fabrique en outre de l'acier au carbone et des aciers à faible teneur en alliages, tout comme d'autres aciéries au Canada.

Atlas écoule le gros de sa production par l'entremise de centres de service et vend le reste directement à d'importants utilisateurs finals. Les centres de service, qui fonctionnent comme des centres de distribution, achètent des barres de l'usine de Welland, gardent en stock une vaste gamme de produits et revendent ces derniers en plus petites quantités aux utilisateurs finals. Le réseau de distribution de Atlas comprend 11 centres de service, dont 2 se spécialisent dans la vente de produits à l'industrie aérospatiale. Atlas traite aussi avec un distributeur «principal» qui garde en stock de grandes quantités de produits dans les dimensions et les nuances les plus populaires et les revend à d'autres distributeurs. Au total, le réseau de distribution de Atlas comprend des entrepôts dans plus de 38 localités au Canada.

LES IMPORTATEURS ET LES EXPORTATEURS

Revenu Canada a étudié la situation de trois exportateurs indiens, soit Mukand, Mahindra et Grand Foundry. La majeure partie de leurs exportations de barres en acier inoxydable vers le Canada étaient destinées à des importateurs qui revendent les marchandises à des distributeurs, à des aciéries et à des utilisateurs finals (ateliers d'usinage). Dans certains cas, d'importants utilisateurs finals ont importé de petites quantités de barres directement des fabricants étrangers.

LES CONCLUSIONS DES ENQUÊTES DU SOUS-MINISTRE

Le Sous-ministre a choisi d'étudier les importations de barres en acier inoxydable en provenance de l'Inde entre le 1er janvier 1989 et le 3 mai 1990. Les valeurs normales des fabricants indiens étaient fondées sur leurs coûts de production, sur un montant au titre des frais de vente et d'administration généraux et sur les bénéfices.

Dans sa décision définitive, le Sous-ministre a indiqué que la totalité des exportations indiennes vers le Canada étaient sous-évaluées et que les marges de dumping moyennes pondérées variaient entre 25,8 et 36,9 p. 100 dans le cas des trois fabricants indiens.

LA PLAINTE

Les avocats de la partie plaignante ont déclaré qu'à la lumière des éléments de preuve, le Tribunal devrait déclarer que les importations indiennes n'ont pas causé et ne causent pas un préjudice sensible à Atlas mais qu'elles sont susceptibles de causer un préjudice à l'avenir. En expliquant pourquoi les importations indiennes n'avaient pas causé et ne causaient pas un préjudice sensible, les avocats ont souligné que même si ces importations ont atteint un sommet en 1988, l'industrie des barres en acier inoxydable était alors en pleine expansion. L'usine de Atlas a connu des problèmes de production en 1989, ce qui a entraîné des pertes financières. Enfin, les importations indiennes au premier semestre de 1990 ont été minimes.

Quant à la menace de préjudice, les avocats ont déclaré que de toute évidence, la quasi-disparition des importations indiennes résultait de l'enquête antidumping réclamée par Atlas à la fin de 1989. Si cette enquête ne démontrait pas que l'Inde se livrait au dumping, les producteurs nationaux seraient de nouveau à la recherche d'importantes quantités de marchandises sous-évaluées originaires de l'Inde, qui a déjà eu recours à cette pratique.

Les avocats ont ajouté que les problèmes de qualité soulevés à l'égard du produit indien n'étaient ni inhabituels, ni très répandus. Les parties intéressées sont à même de les résoudre et ont déjà pris les mesures nécessaires. En outre, les concurrents des fournisseurs indiens ont exagéré ces problèmes de qualité dans le cadre d'une stratégie de commercialisation visant à jeter le discrédit sur le produit indien. Atlas a douté que des considérations qualitatives limiteraient les importations indiennes futures.

Les avocats ont également soutenu que la reprise du dumping des importations originaires de l'Inde causerait un préjudice sensible à Atlas. Ils ont fait remarquer que même si les résultats financiers de Atlas se sont améliorés depuis six mois par rapport aux années précédentes, la situation financière de la compagnie demeurait précaire et celle-ci restait vulnérable face au dumping. À l'appui de cette affirmation, les avocats ont rappelé que dans les conclusions de réexamen qu'il a rendues en juillet 1990 au sujet des barres en acier inoxydable (RR-89-009), le Tribunal a déclaré que Atlas était effectivement vulnérable face au dumping, surtout en raison du rétrécissement du marché déjà en cours à cette époque et qui se poursuivait.

LA RÉPONSE

Les avocats des importateurs et des exportateurs de barres en acier inoxydable originaires de l'Inde étaient d'accord avec les avocats de la partie plaignante que les importations indiennes n'avaient pas causé et ne causaient pas un préjudice sensible à Atlas. Quant à la menace de préjudice, le Code antidumping du GATT prévoit que celle-ci doit être réelle, imminente et vérifiable. De l'avis des avocats, les allégations de Atlas ne sont que pure spéculation.

Selon les avocats, les faits démontraient que les livraisons de produits indiens étaient négligeables et que la demande pour le produit indien était à la baisse. Rien ne portait à croire qu'il y aurait renversement de la situation dans un avenir immédiat. Les avocats ont également déclaré qu'aucun élément de preuve ne permettait d'affirmer que les problèmes de qualité touchant les livraisons antérieures de barres indiennes avaient été corrigés. Les résultats de tests soumis par Atlas n'étaient pas probants, car la deuxième série de tests ne portait pas sur les caractéristiques d'usinage des barres indiennes. Les avocats ont donc affirmé que des préoccupations d'ordre qualitatif continueraient de freiner les importations provenant de l'Inde.

Quant à la prétendue vulnérabilité de Atlas, les avocats ont déclaré que la situation financière de l'entreprise s'était améliorée, comme en témoignait l'augmentation de ses bénéfices et de ses marges de rentabilité au cours des derniers trimestres. En outre, dans les conclusions de réexamen rendues en juillet concernant les barres en acier inoxydable, le Tribunal a souligné que les perspectives de Atlas étaient encourageantes, la société étant devenue un partenaire dans une alliance d'envergure internationale par suite de son acquisition par le Groupe Sammi de la Corée du Sud.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

La production de barres en acier inoxydable de Atlas a sensiblement augmenté entre 1987 et 1989, surtout en raison d'une hausse des exportations. Atlas a de nouveau accru sa production des marchandises en question au cours des deux premiers trimestres de 1990 par rapport à la même période l'année précédente, à cause du dynamisme soutenu des exportations.

Au cours de la période à l'étude, la consommation canadienne apparente des marchandises en question a atteint un sommet en 1988 avant de chuter d'environ un cinquième l'année suivante. Le recul de la demande amorcé en 1989 s'est poursuivi au premier semestre de 1990. En 1988 et en 1989, la part du marché de Atlas a évolué dans le sens contraire de la demande. Elle était à son plus bas alors que le marché était en pleine expansion en 1988 et a récupéré la majeure partie du terrain perdu pendant que le marché accusait une baisse en 1989. Toutefois, la baisse soutenue de la demande des marchandises en question au premier semestre de 1990 fait que la part du marché de Atlas a diminué de plusieurs points. Néanmoins, au cours de la période à l'étude, les ventes de Atlas sur le marché national ont toujours représenté une part importante de la consommation canadienne.

La part du marché détenue par les importations originaires de l'Inde a quadruplé entre 1987 et 1988. Bien que les importations indiennes aient été importantes en août, en septembre et en octobre 1989, le total des importations indiennes a diminué du tiers pour l'ensemble de 1989 par rapport à 1988. Au premier semestre de 1990, la part du marché des importations indiennes a chuté au point d'être négligeable. Depuis 1987, les importations provenant d'autres pays ont conservé leur importance sur le marché, totalisant plus de 50 p. 100 du marché national au premier semestre de 1990. Les importations originaires des États-Unis, qui sont demeurées importantes tout au long de la période à l'étude, ont sensiblement grimpé au premier semestre de 1990 par rapport à celui de 1989. Depuis 1987, les États-Unis sont de loin le plus important fournisseur étranger du marché canadien.

Les ventes de barres en acier inoxydable sur le marché national ont été rentables pour Atlas en 1987 et en 1988. Toutefois, le coût des produits vendus ayant sensiblement augmenté, des pertes importantes ont été encaissées en 1989. Même si les ventes nettes ont chuté de près du tiers au premier semestre de 1990 par rapport à la même période en 1989, on a constaté un retour à la rentabilité, le coût des produits vendus affichant une baisse encore plus marquée. Dans l'ensemble, les exportations, qui ont fortement progressé en 1989 et au premier semestre de 1990, ont été moins rentables que les ventes sur le marché national.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux fins de la présente enquête menée en application de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping constaté par le Sous-ministre a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale. Le Tribunal souligne qu'au cours de l'audience, les avocats de l'industrie ont soutenu que le Tribunal «devrait déclarer, compte tenu des éléments de preuve, que le dumping n'a pas causé, ne cause pas, mais est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires» [1] (traduction). Le Tribunal examinera d'abord l'affirmation des avocats au sujet des répercussions antérieures et courantes, sur l'industrie nationale, du dumping des importations originaires de l'Inde.

Les répercussions antérieures et courantes du dumping

Selon les éléments de preuve, les importations indiennes ont atteint un sommet en 1988 et en 1989 avant de chuter à un niveau négligeable au premier semestre de 1990. En outre, lorsque ces importations ont atteint leur sommet, d'une part, le prix des barres en acier inoxydable au Canada était stable et, d'autre part, la production et les recettes de Atlas atteignaient leur niveau le plus élevé de la décennie. Toutefois, au cours de cette même période, des problèmes de production sont survenus et ont entraîné, selon l'industrie, une augmentation des coûts qui a manifestement nui à l'atteinte des niveaux de rentabilité prévus malgré le dynamisme du marché à cette époque. Il est donc difficile de conclure que les importations sous-évaluées originaires de l'Inde étaient une cause importante de résultats financiers défavorables subis par Atlas au cours de cette période. Le Tribunal constate en outre qu'autrefois, les barres ayant un diamètre inférieur à 3/4 de pouce, dont la production efficace nécessite de l'équipement spécialisé dont Atlas ne disposait pas, intervenaient pour une bonne part des importations indiennes. Atlas confie à des usines des États-Unis le roulage de barres de ces nuances destinées à ses clients canadiens; elle ne pouvait donc offrir des barres de cette nuance à prix concurrentiel. On ne peut donc affirmer que les importations de petites barres originaires de l'Inde ont causé un préjudice à Atlas au cours de la période à l'étude.

Enfin, le Tribunal constate que l'impact que les importations indiennes avaient autrefois sur le marché canadien s'est atténué en raison de problèmes de qualité. Selon les éléments de preuve, il est arrivé que les barres indiennes ne puissent être usinées, alors que ces produits usinés constituent une bonne partie des applications finales des barres en acier inoxydable au Canada. Dans certains cas, le produit importé a été retourné au distributeur, voire mis à la ferraille. Les intervenants du marché connaissaient l'existence de ces problèmes et les entreprises canadiennes les évoquaient pour jeter le discrédit sur les marchandises importées de l'Inde. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal doit convenir avec les avocats de l'industrie que les importations indiennes sous-évaluées n'ont pas causé et ne causent pas un préjudice sensible à Atlas.

Le préjudice futur

En ce qui a trait au préjudice futur, le Tribunal souligne que l'article 3, paragraphe 6, du Code antidumping du GATT traite de la question en ces termes :

6. La détermination concluant à une menace de préjudice se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être nettement prévu et imminent.

Bien que cette disposition du GATT n'ait pas été expressément intégrée à la LMSI, ce qui fait que le Tribunal n'est pas tenu de s'y conformer, elle n'en reflète pas moins pour le Tribunal les conditions à remplir pour conclure à l'existence d'un préjudice futur. En fait, les avocats de l'industrie doivent prouver que les circonstances ont évolué au point d'engendrer une menace «nettement prévue et imminente» de préjudice sensible pour l'industrie nationale.

À ce propos, les avocats de l'industrie ont souligné que le marché national des barres en acier inoxydable rétrécit et que l'industrie sera éventuellement confrontée à une situation économique plus pénible qu'en 1988 et en 1989. De façon générale, le Tribunal admet que le dumping frappe le marché plus durement si ce dernier est déprécié que s'il est en expansion. Toutefois, la menace de préjudice imputable au rétrécissement du marché est tempérée dans une certaine mesure par le fait que dans le cas présent, les éléments de preuve démontrent que la demande visant les importations indiennes diminuera probablement. Plus précisément, les éléments de preuve révèlent que depuis trois ans, les importations indiennes ont suivi l'évolution du marché. Elles ont d'abord augmenté et sont maintenant en baisse, tout comme le marché. Un représentant du «distributeur principal», Unalloy, jusqu'ici le plus important acheteur des produits importés de l'Inde, a confirmé que le ralentissement du marché réduira le niveau des importations provenant de l'Inde. Le témoin de Unalloy a déclaré que cette société avait commencé à réduire ses stocks vu la récession qui frappe le marché canadien et que pour l'instant, elle n'a pas l'intention d'acheter les marchandises importées de l'Inde en plus grandes quantités. Tout compte fait, le rétrécissement du marché n'alimentera pas nécessairement la menace de préjudice de la part des importations originaires de l'Inde.

Selon les avocats de l'industrie, les problèmes de qualité qui ont marqué les barres importées de l'Inde constituent un autre fait nouveau qui ajoute au risque de préjudice futur. Les avocats ont soutenu que ces problèmes avaient été corrigés. À l'appui de cette affirmation, l'industrie a déposé les résultats d'un test auquel les barres en question ont été soumises. Le Tribunal estime que ces résultats ne permettent pas d'affirmer que les problèmes de qualité ont été résolus. Plus précisément, le test ne démontre pas que les caractéristiques d'usinage des barres importées de l'Inde, qui étaient à l'origine des problèmes de qualité, aient été améliorées. En outre, les éléments de preuve démontrent que Maxtech Metal Product Inc., un important fabricant national de produits de métal qui a jadis connu des difficultés liées aux caractéristiques d'usinage des barres importées de l'Inde, a renoncé à utiliser ces dernières et s'approvisionne maintenant auprès de Atlas. Cela semble démontrer que le marché se méfie encore de la qualité des barres indiennes. Même si Atlas et d'autres intervenants ont fort bien pu exagérer l'étendue de ces problèmes à des fins commerciales, comme les avocats de l'industrie l'ont suggéré, il n'en reste pas moins vrai que cette situation n'a pas aidé l'Inde à rebâtir la crédibilité nécessaire pour constituer un intervenant valable sur le marché canadien à moyen terme. Le Tribunal estime donc que si la qualité entre en ligne de compte, elle atténuera la menace de préjudice futur imputable aux importations originaires de l'Inde au lieu de l'exacerber.

L'industrie considère que la capacité excédentaire de l'industrie indienne des barres en acier inoxydable est un troisième facteur qui menace aussi de causer un préjudice. À ce propos, l'industrie a fait allusion aux données sur la capacité de certains fabricants indiens de barres qu'ils ont fournies en réponse aux questionnaires de Revenu Canada ainsi qu'aux données contenues dans la publication commerciale intitulée Iron and Steel Works of the World, parue récemment. Le Tribunal constate que ces données représentent la capacité totale des fabricants indiens de marchandises en question et de produits en acier inoxydable non visés par la présente enquête. De plus, elles ne traduisent pas l'évolution nette qui s'est produite ou qui est prévisible, s'il en est, de la capacité des fabricants indiens de barres en acier inoxydable. Ces renseignements ne permettent donc pas au Tribunal de conclure que la capacité de production ou le taux d'utilisation de la capacité des fabricants indiens a évolué ou évoluera probablement dans un avenir prévisible au point de constituer une menace de préjudice à la production canadienne, sachant que la capacité de production excédentaire des fabricants indiens actuelle n'a pas causé de préjudice sensible à Atlas.

Tout compte fait, les arguments de l'industrie ne suffisent pas à convaincre le Tribunal du fait que Atlas sera confrontée, dans un avenir immédiat, à une menace de préjudice imputable aux importations sous-évaluées provenant de l'Inde beaucoup plus grave qu'auparavant. Au contraire, l'évolution de la situation pourrait fort bien atténuer cette menace. Premièrement, les éléments de preuve démontrent que Unalloy, jadis le plus important acheteur des produits importés de l'Inde, n'a pu s'approvisionner auprès de Atlas qu'en 1988, lorsque la société est devenue un distributeur autorisé des produits de Atlas, et que depuis ce temps, Unalloy est un client de plus en plus assidu du fabricant canadien. À l'heure actuelle, Atlas est le principal fournisseur de barres en acier inoxydable de Unalloy. Le maintien de cette tendance limitera la capacité de l'Inde d'accaparer une part du marché national et atténuera la probabilité de préjudice sensible.

Une deuxième considération susceptible de contrer la menace de préjudice touche le marché des barres en acier inoxydable ayant un diamètre inférieur à 3/4 de pouce. Tel qu'indiqué précédemment, Atlas n'est pas un fournisseur concurrentiel de ce produit. Au cours de l'audience, les avocats de l'industrie ont souligné que Atlas était sur le point d'investir de fortes sommes dans la technologie de production de barres de petites dimensions. Le Tribunal estime qu'à mesure que Atlas deviendra un fournisseur plus concurrentiel de ces produits, la demande visant les importations originaires de l'Inde devrait chuter.

Troisièmement, le Tribunal croit que même si le marché est plus fragile qu'en 1988 et 1989, les résultats financiers de Atlas pour le premier semestre de 1990 sont plus encourageants qu'à l'époque où le marché était plus dynamique. Plus précisément, les éléments de preuve révèlent qu'après avoir subi des pertes en 1989, Atlas a dégagé un bénéfice au premier semestre de 1990. Ce redressement est survenu malgré une chute des prix et parce que la société a réduit ses coûts de production. De toute évidence, si ces coûts continuent de diminuer, Atlas accroîtra sa compétitivité et la menace de préjudice imputable aux importations originaires de l'Inde s'en trouvera atténuée.

En terminant, il convient d'aborder les conclusions de réexamen de juillet 1990 que les avocats de l'industrie ont visées pour appuyer la cause de Atlas dans lesquelles le tribunal présidant a conclu que Atlas «serait susceptible de subir un préjudice sensible s'il y avait reprise du dumping par les pays désignés». Étant donné que l'Inde n'était pas un des «pays désignés» dans le réexamen, il est évident que les conclusions ne s'appliquent pas, à proprement parler, à la présente cause. De toute façon, le Tribunal a conclu, selon les éléments de preuve, qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun risque nettement prévu et imminent de préjudice sensible par Atlas qui soit imputable au dumping des importations provenant de l'Inde.

LA CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal déclare que le dumping de certaines barres en acier inoxydable, non roulées, originaires ou exportées de l'Inde n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. Compte rendu de l'audience, page 15.


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Publication initiale : le 22 juillet 1997