ROULEMENTS À UNE SEULE RANGÉE DE ROULEAUX CONIQUES

Enquêtes (article 42)


ROULEMENTS À UNE SEULE RANGÉE DE ROULEAUX CONIQUES, Y COMPRIS CUVETTES ET ASSEMBLAGES DE CÔNES, D'UN DIAMÈTRE EXTÉRIEUR VARIANT DE 1 À 6,625 POUCES INCLUSIVEMENT (25,4 À 168,275 mm) ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON
Enquête no : NQ-91-007

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 9 juillet 1992

Enquête no : NQ-91-007

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant les :

ROULEMENTS À UNE SEULE RANGÉE DE ROULEAUX CONIQUES, Y COMPRIS CUVETTES ET ASSEMBLAGES DE CÔNES, D'UN DIAMÈTRE EXTÉRIEUR VARIANT DE 1 À 6,625 POUCES INCLUSIVEMENT (25,4 À 168,275 mm) ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 11 mars 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 9 juin 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada des roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, y compris cuvettes et assemblages de cônes, d'un diamètre extérieur variant de 1 à 6,625 pouces inclusivement (25,4 à 168,275 mm) originaires ou exportés du Japon.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées originaires du Japon n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Ottawa, le vendredi 24 juillet 1992

Enquête no : NQ-91-007

ROULEMENTS À UNE SEULE RANGÉE DE ROULEAUX CONIQUES, Y COMPRIS CUVETTES ET ASSEMBLAGES DE CÔNES, D'UN DIAMÈTRE EXTÉRIEUR VARIANT DE 1 À 6,625 POUCES INCLUSIVEMENT (25,4 À 168,275 mm) ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées originaires du Japon n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 15 au 18 juin 1992 et
Le 22 juin 1992

Date des conclusions : Le 9 juillet 1992

Date des motifs : Le 24 juillet 1992

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant
Robert C. Coates, c.r. membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh
Agents de la recherche : Anis Mahli
Douglas Allen

Préposé aux statistiques : Margaret Saumweber

Avocat pour le Tribunal : David Attwater

Agent à l'inscription
et à la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Ronald C. Cheng et
Gregory O. Somers
pour Canadian Timken, Limited

(partie plaignante)
Brian J. Barr
Ronald I. Benn et
Suzette Cousineau
pour Koyo Canada Inc. et
Koyo Seiko Co., Ltd.

(importateur - exportateur)
Richard S. Gottlieb et
Peter E. Kirby
pour NTN Bearing Corporation of Canada Ltd. et
NTN Corporation

(importateur - exportateur)
Richard G. Dearden et
John P. O'Toole
pour Federal-Mogul Canada Limited et
Federal-Mogul Corporation

(importateur - exportateur)
Donald J. Goodwin et
Peter W. Collins
pour NSK Bearing Canada Ltd.

(importateur)
C.J. Michael Flavell
Geoffrey C. Kubrick et
Riyaz Dattu
pour Nissan Canada Inc. et
Nissan Motor Company, Ltd.

(importateur - exportateur)
Robert Rueter
pour Mazda Canada Inc. et
Mazda Motor Corporation

(importateur - exportateur)

Témoins :

Jerry C. Begue
Président
Canadian Timken, Limited

W.D. (Bill) Husband, C.M.A.
Trésorier
Canadian Timken, Limited

B.N. (Napier) Simpson, B.A., M.B.A.
Acheteur
Champion Road Machinery Limited

Joe F. Cassar
Commercialisation
Canadian Bearings Ltd.

Frederick M. Graham
Directeur général
Federal-Mogul Canada Limited

S.A. (Steve) Rose
Personnel des activités d'achat
Gestionnaire des produits
Composantes fabriquées
General Motors Corporation
Detroit (Michigan)

Rick Brown
Agent d'achats principal
Groupe motopropulseur
Approvisionnements en pièces et développement des sources d'approvisionnement
Chrysler Corporation
Auburn Hills (Michigan)

Earl Sibbett
Directeur d'usine
Hayes-Dana Inc.
Weatherhead Plant

J.K. (Ken) Fee
Directeur général des ventes
Koyo Canada Inc.

R.L. (Rick) Thomas
Vice-président
NTN Bearing Corporation of Canada Ltd.

Fred Hagino
Secrétaire-trésorier
NTN Bearing Corporation of Canada Ltd.

John Palmer
Vice-président
Matériel et administration
NSK Bearing Canada Ltd.

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Tour Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI), à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 11 mars 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 9 juin 1992, rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), concernant l'importation au Canada de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, y compris cuvettes et assemblages de cônes, d'un diamètre extérieur variant de 1 à 6,625 pouces inclusivement (25,4 à 168,275 mm) (les marchandises en question) originaires ou exportés du Japon. L'enquête de dumping menée par le Sous-ministre portait sur les marchandises en question importées entre le 1er septembre et le 30 novembre 1991.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont été publiés dans la partie I de la Gazette du Canada du 28 mars 1992 et du 20 juin 1992, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal, publié le 19 mars 1992, a paru dans la partie I de la Gazette du Canada du 28 mars 1992. L'avis de changement de la date de l'audience publique du Tribunal, publié le 29 avril 1992, a paru dans la partie I de la Gazette du Canada du 9 mai 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés au fabricant et aux importateurs canadiens des marchandises en question afin d'obtenir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations, le marché et d'autres précisions encore, relativement à la période comprise entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1991. Le Tribunal a également envoyé des questionnaires à six importants constructeurs de matériel (constructeurs OEM) pour recueillir des données sur leurs achats des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires ainsi que d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience.

Le dossier de la présente enquête renferme toutes les pièces du Tribunal, parmi lesquelles les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience, ainsi que de la transcription intégrale des délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, et seuls les avocats indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa à partir du 15 juin 1992. La partie plaignante, Canadian Timken, Limited (CTL), était représentée par des avocats, a présenté des éléments de preuve et avancé des arguments en faveur de conclusions de préjudice. Les avocats de Koyo Canada Inc. (Koyo) (importateur) et de Koyo Seiko Co., Ltd. (exportateur); de NTN Bearing Corporation of Canada Ltd. (NTN) (importateur) et de NTN Corporation (exportateur); de Federal-Mogul Canada Limited (importateur) et de Federal-Mogul Corporation (exportateur) (Federal-Mogul); de NSK Bearing Canada Ltd. (NSK) (importateur); de Nissan Canada Inc. (importateur) et de Nissan Motor Company, Ltd. (Nissan) (exportateur); et de Mazda Canada Inc. (importateur) et de Mazda Motor Corporation (Mazda) (exportateur) ont présenté des éléments de preuve et avancé des arguments en faveur de conclusions de non-préjudice.

Le Tribunal a cité à comparaître des témoins travaillant pour Champion Road Machinery Limited et Canadian Bearings Ltd. afin de répondre aux questions du Tribunal et des avocats. Des personnes travaillant pour General Motors Corporation (GM) et Chrysler Corporation (Chrysler) sont également venues témoigner à la demande des avocats de NTN.

Le 9 juillet 1992, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping des marchandises en question n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

LE PRODUIT

Les produits qui font l'objet de la présente enquête sont décrits par le Sous-ministre, dans sa décision provisoire de dumping, comme suit : roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, y compris cuvettes et assemblages de cônes, d'un diamètre extérieur variant de 1 à 6,625 pouces inclusivement (25,4 à 168,275 mm) originaires ou exportés du Japon.

Les roulements servent à limiter la friction dans divers processus mécaniques. Sur les six catégories de roulements à rouleaux existantes, les roulements à une seule rangée de rouleaux coniques sont de loin les plus répandus. Un roulement à rouleaux coniques se compose de deux éléments principaux : la cuvette (bague extérieure) et l'assemblage de cône. Ces derniers, généralement appelé cône dans le commerce, se composent d'une bague intérieure, de rouleaux coniques qui tournent librement entre la cuvette et le cône, et d'une cage qui sert de logement et dont la fonction est de maintenir une certaine distance entre les rouleaux.

La production des roulements à une seule rangée de rouleaux coniques se déroule en plusieurs étapes. Au cours de la première, les bagues intérieure et extérieure sont usinées à partir de tubes d'acier sans soudure, et le numéro de pièce, le nom du fabricant et le nom du pays d'origine y sont poinçonnés. Pour cémenter, durcir et bleuir l'acier, les parties sont trempées et revenues au cours de la deuxième étape. La troisième consiste en la finition : les surfaces intérieure et extérieure des bagues sont meulées, pierrées et achevées. Au cours de la quatrième, la bague intérieure, les rouleaux et la cage sont assemblés pour former un cône indivisible. Enfin, au cours de la dernière étape, la cuvette et le cône sont lubrifiés avant d'être emballés en gros, ou assemblés pour former des roulements qui sont mis dans des boîtes de carton individuelles, afin d'être expédiés aux constructeurs OEM et aux utilisateurs du marché secondaire (centres de services aux constructeurs OEM et aux derniers utilisateurs).

Les roulements à une seule rangée de rouleaux coniques sont disponibles en mesures métriques et en mesures impériales. Les roulements métriques peuvent également être identifiés par un numéro de l'Organisation internationale de normalisation (ISO). La plupart des roulements produits en Amérique du Nord sont conçus en fonction du système de mesures impériales.

Un numéro de pièce est attribué à chaque cuvette et à chaque cône. Ces numéros de pièce, une fois attribués par un fabricant, deviennent des normes universellement reconnues, et c'est pourquoi les cuvettes et les cônes produits par un fabricant de roulements sont compatibles avec ceux d'un autre. Un fabricant de roues, par exemple, peut acheter des cuvettes à l'un des fabricants de roulements pour les monter dans un moyeu, pendant qu'un fabricant d'essieux peut acheter des cônes à l'autre pour les monter dans un ensemble d'essieu. Quand viendra le moment d'assembler les moyeux et les essieux, ils seront compatibles, même si les cônes et les cuvettes qui les composent ont été produits par deux fabricants différents.

Les roulements à rouleaux coniques sont fabriqués de façon à fournir un soutien vertical aussi bien qu'horizontal. Ils ont été conçus à l'origine pour les roues de véhicules. Le principal marché de ces roulements est celui de l'industrie des voitures de tourisme et des camions, où ils sont utilisés non seulement dans les ensembles de roues et d'essieux, mais encore dans ceux des transmissions, des boîtes-ponts et des différentiels. Les marchandises en question servent également à des usages non-automobiles. Tout appareil qui se déplace et sur lequel s'exercent des poussées axiales et radiales peut avoir besoin d'un roulement à rouleaux. C'est le cas, par exemple, des moissonneuses-batteuses, des véhicules récréatifs, des motocycles et des remorques utilitaires, ainsi que de certaines machines industrielles telles que les convoyeurs ou les véhicules spécialisés des industries minière et forestière.

L'INDUSTRIE NATIONALE

CTL est le seul fabricant des marchandises en question au Canada. Il s'agit d'une filiale à 100 p. 100 de la société The Timken Company (Timken) de Canton (Ohio).

L'usine de CTL se trouve à St. Thomas (Ontario) où la production a commencé en 1947. Cette usine fabrique environ 70 séries de pièces numérotées de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, dont le tiers représentent le gros de sa production. Les exportations de CTL consistent en ventes directes aux constructeurs OEM, surtout aux États-Unis, et dans d'autres pays. Ces ventes sont conclues par l'intermédiaire de la société mère et de ses sociétés affiliées, installées aux États-Unis et dans le monde. Pour fournir la grande variété de pièces numérotées dont a besoin le marché canadien, CTL importe des marchandises de sociétés affiliées à Timken, en particulier aux États-Unis. CTL fait alors office d'agent de commerce et reçoit une commission sur la vente des produits (importations indirectes) expédiés directement aux utilisateurs canadiens, lesquels se retrouvent pour la plupart sur le marché OEM. Par ailleurs, CTL importe directement, pour son propre compte, les roulements en question pour les revendre sur le marché secondaire canadien. La société écoule ses produits par l'intermédiaire de distributeurs autorisés à partir de ses centres régionaux de services à la clientèle à Toronto et à Edmonton ainsi que de ses bureaux de ventes à Montréal et à Vancouver.

CTL importe ses matériaux bruts (les tubes, les rouleaux, les cages, etc.) des usines américaines de Timken. Cette dernière dispose d'une usine de fabrication de tubes à Canton, qui fournit à CTL des tubes d'acier sans soudure d'une qualit 9‚ spéciale.

LES IMPORTATEURS ET LES EXPORTATEURS

Dans sa décision provisoire de dumping, le Sous-ministre a cité plusieurs sociétés qui importent les marchandises en question du Japon. Les trois plus importantes étaient Koyo, Federal-Mogul et NTN, qui rendent compte de plus de 90 p. 100 des importations totales de marchandises en question. Elles se fournissent auprès de fabricants japonais, Federal-Mogul important aussi pour sa part des marchandises en question de NTN-Bower Corporation, qui est installée aux États-Unis. La société mère japonaise de Koyo dispose également d'installations de fabrication aux États-Unis.

Les importateurs écoulent leurs produits à peu près de la même manière que CTL. Ils possèdent des entrepôts et des bureaux de vente à travers le Canada. Koyo et NTN vendent sur le marché OEM non-automobile ainsi que sur le marché secondaire, tandis que Federal-Mogul ne dessert que le marché secondaire automobile. Des sociétés affiliées de fabricants automobiles japonais sont également très présentes sur le marché secondaire, où elles fournissent un service d'entretien de leurs propres produits, et où FAG Bearings Ltd. et SKF Canada Ltd., deux grands fabricants européens, sont également implantés.

Les principaux consommateurs des marchandises en question sont, de loin, GM, Ford et Chrysler (les trois Grands). Ils rendent compte de l'essentiel de la consommation de roulements au Canada. Les autres utilisateurs notables sont des constructeurs OEM de pièces d'équipement agricoles, mécaniques, industrielles et de construction tels que John Deere Welland Works of John Deere Ltd., Versatile Farm Equipment et Caterpillar of Canada.

LES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

L'enquête du Sous-ministre a porté sur les roulements à une seule rangée de rouleaux coniques importés du Japon entre le 1er septembre et le 30 novembre 1991.

Dans sa décision définitive, le Sous-ministre a rendu des conclusions de dumping relativement aux cuvettes, aux cônes et aux ensembles de cuvettes et de cônes. De plus, il précisait que la plus grande partie des exportations japonaises avaient été sous-évaluées selon une marge de dumping moyenne pondérée de 36,17 p. 100.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

De 1989 à 1991, la production de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques de CTL a baissé d'environ un cinquième. Pendant cette période, CTL a exporté environ les deux tiers de sa production. La valeur de la consommation canadienne des marchandises en question a baissé régulièrement à partir de 1989, pour se réduire de plus d'un quart au cours des deux années suivantes. Pendant la même période, la part du marché de CTL, y compris les ventes à partir de la production nationale et des importations, a augmenté en 1990, puis est retombée en 1991 au niveau de 1989. La baisse de la part du marché de CTL est attribuable à la diminution régulière de ses importations indirectes. Les ventes totales de CTL représentent environ les trois cinquièmes de la valeur totale du marché canadien des marchandises en question. Elles se divisent en parts à peu près égales entre produits importés et produits nationaux, et les principaux clients de CTL sont sur le marché OEM.

Pendant la même période, les ventes de produits importés du Japon ont baissé. La part du marché s'est tassée en 1991 par rapport à 1990, et n'a jamais représenté plus d'environ un cinquième du marché total des marchandises en question entre 1989 et 1991. Les importations en provenance d'autres pays (et qui étaient pour la plupart des produits fabriqués aux États-Unis par d'autres sociétés que Timken) occupaient à peu près un quart du marché pendant la même période.

On peut relier le rétrécissement du marché des marchandises en question à une chute marquée d'environ 17 p. 100 de la production automobile canadienne et américaine, qui est passée de 12,8 millions d'unités en 1989 à 10,7 millions en 1991. Les ventes des constructeurs OEM canadiens non-automobiles consommateurs de roulements ont baissé proportionnellement, et même davantage encore dans le cas des machines agricoles.

CTL a déclaré des pertes importantes sur ses ventes nationales de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques de fabrication canadienne pendant la période d'enquête. Depuis 1989, CTL subit des pertes comparables sur ses ventes à l'exportation. D'un autre côté, CTL a fait d'importants bénéfices sur ses ventes de produits importés. Il ressort des données financières produites par CTL que toutes ses pertes sur les ventes nationales faites à des fins de consommation intérieure étaient le résultat de pertes de ventes sur le marché OEM. Les bénéfices réalisés par CTL grâce aux ventes de produits canadiens sur le marché secondaire au cours de chacune des trois années en question n'ont pas été suffisants pour compenser les pertes subies sur le marché OEM.

Les éléments de preuve soumis par CTL ont indiqué que les prix des marchandises en question sur le marché OEM ont généralement baissé en 1991 par rapport à 1990. Pendant cette même période, les prix moyens des roulements japonais étaient relativement plus élevés que ceux de CTL. Les prix moyens, sur le marché secondaire, étaient beaucoup plus élevés que sur le marché OEM, et avaient tendance à augmenter. De plus, les éléments de preuve ont démontré que les prix pratiqués par CTL sur le marché OEM étranger étaient semblables à ceux qu'elle pratiquait sur le marché OEM national.

LA PLAINTE

Canadian Timken, Limited

Les avocats de CTL ont soumis que les importations sous-évaluées du Japon ont empêché leur client d'augmenter ses prix et, dans bien des cas, l'ont forcé à réduire ses prix de catalogue pour toute la gamme des roulements à une seule rangée de rouleaux coniques. À l'appui de cette affirmation, les avocats ont fait remarquer que les prix des roulements japonais aux États-Unis ont augmenté après que ceux-ci soient tombés sous le coup d'une décision antidumping de l'United States International Trade Commission en 1987. Cependant, CTL ne pouvait pas redresser ses prix en raison de la disponibilité de roulements japonais sous-évalués sur le marché canadien. Les multinationales OEM, qui consomment annuellement au Canada environ 30 p. 100 de l'ensemble des marchandises en question qu'elles consomment en Amérique du Nord, ont refusé de reporter sur les roulements provenant de CTL le plein montant de l'augmentation de prix qui s'est produite aux États-Unis. En conséquence de la pression exercée sur les prix, CTL a subi des pertes très importantes en matière de production, de recettes et de rentabilité. Qui plus est, la baisse du volume de la production a conduit à celle de l'emploi et à la sous-utilisation de la capacité de production.

Selon les avocats, pendant que CTL voyait se rétrécir la part du marché qu'elle alimentait au moyen de produits nationaux et importés, la part du marché détenue par les importations japonaises augmentait. Qui plus est, le dumping a conduit CTL à exporter une plus grande partie de sa production nationale. Les avocats ont ajouté que les pertes de commandes dont CTL a fourni la preuve montrent que jusqu'à l'imposition des mesures provisoires, la rentabilité de CTL s'est ressentie de la concurrence des importations japonaises à bas prix. En conséquence, de 1986 à 1991, même pendant la période de suractivité de 1988, le revenu avant impôts de CTL a baissé sensiblement.

Les avocats ont représenté qu'en raison des marges de dumping importantes ainsi que du volume élevé des produits sous-évalués importés par NTN, Koyo, NSK et Federal-Mogul, le Tribunal ne devrait exclure aucun des produits de ces sociétés de ses conclusions, quel que soit le système de mesure utilisé et nonobstant le fait que CTL ne produit certaines gammes de dimensions que par intermittence. Ils ont ajouté que si les conclusions de préjudice sensible ne couvraient pas toute la gamme des produits cités dans la décision définitive de dumping du Sous-ministre, leur efficacité en serait compromise. Cependant, les avocats de CTL ne se sont pas opposés à des demandes de ceux de Nissan et de Mazda visant à exclure de toute éventuelle décision de préjudice sensible les ensembles complets de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques importés afin d'être vendus aux concessionnaires pour effectuer uniquement les réparations garanties de véhicules à moteur conçus par ces sociétés ou leurs sociétés affiliées.

LA RÉPONSE

Koyo Canada Inc. et Koyo Seiko Co., Ltd.

Les avocats ont soumis que le préjudice subit par CTL a été causé par d'autres facteurs que le dumping de marchandises en question importées du Japon. Ces facteurs sont les suivants : la récession mondiale; des pratiques de commercialisation rigides et traditionnelles; des changements importants survenus en matière de conception et de technologie; des pressions concurrentielles exercées par les principaux utilisateurs; des importations en provenance de pays autres que le Japon; l'augmentation de la capacité de production aux États-Unis; et des alliances stratégiques entre les principaux utilisateurs et les fournisseurs de roulements.

Les avocats ont plaidé que le marché des marchandises en question peut être défini comme un marché nord-américain. C'est ce qui ressort de la similitude entre les indicateurs économiques (part du marché, prix et marge brute) relatifs aux ventes nationales et aux ventes à l'exportation de CTL. Les avocats ont fait remarquer que selon les données fournies par CTL, la part du marché perdue par celle-ci de 1989 à 1991 a été accaparée par des importations de produits américains fabriqués par d'autres sociétés que Timken, et non par des produits importés du Japon. Pendant la même période, la part du marché détenue par les importations japonaises a diminué elle aussi. Pour ce qui est des affirmations de compression et d'érosion des prix, les avocats ont déclaré que les éléments de preuve fournis par CTL montraient que les prix demandés par celle-ci au pays et à l'étranger pour les pièces numérotées de fabrication canadienne étaient comparables. De plus, les avocats ont fait observer que, selon CTL, la chute des prix nationaux était causée par le dumping, tandis que celle des prix à l'exportation était le résultat des pressions concurrentielles existant sur le marché d'exportation. Selon eux, ces pressions concurrentielles prévalaient et dans le marché canadien, et dans le marché américain pour les marchandises en question, et ce sont ces pressions qui ont conduit Timken à baisser ses prix des deux côtés de la frontière. Les prix nationaux ayant oscillé à peu près aux mêmes niveaux que les prix à l'exportation, CTL a réalisé les mêmes marges brutes sur les ventes à l'exportation que sur les ventes nationales. Qui plus est, les ventes, par CTL, de produits de fabrication nationale sur le marché secondaire, sont restés profitables, ce qui fait contraste avec les pertes subies sur les ventes sur le marché OEM.

Les avocats ont demandé au Tribunal d'exclure de toute décision éventuelle de préjudice les pièces numérotées qui ne sont actuellement pas produites au Canada.

NTN Bearing Corporation of Canada Ltd. et NTN Corporation

Après avoir souscrit aux arguments des avocats de Koyo, les avocats ont fait observer qu'il se pouvait qu'en dépit des pertes déclarées par sa filiale canadienne, la société Timken ne perde pas d'argent sur la production de marchandises en question au Canada. CTL a des liens étroits avec sa société mère, et ces liens étroits permettent à Timken de choisir les moyens de transférer les bénéfices aux États-Unis. Qui plus est, les avocats ont mis en question la méthode employée par CTL pour répartir les frais de vente et d'administration entre les différents centres de profit, et ont laissé entendre que les pertes avant impôts de CTL sur les ventes nationales et extérieures des marchandises en question étaient exagérées. En outre, ils ont attribué une partie de ces pertes aux fluctuations du change.

Les avocats ont examiné et rejeté les éléments de preuve présentés par CTL relativement aux pertes de ventes et à la compression des prix, qui comprenaient 25 offres de prix aux constructeurs OEM. Les avocats ont soutenu que, dans presque tous les cas, CTL n'était pas un soumissionnaire intéressant. À leur avis, CTL ne pouvait pas offrir un service de même niveau que celui qui était offert par les importateurs de roulements provenant du Japon ou d'autres pays, et en particulier par ceux qui fournissaient la gamme complète de roulements, y compris les roulements à billes. Les avocats ont soutenu en outre que CTL avait des pratiques de commercialisation rigides. La société indiquait les prix en dollars américains et demandait à ses clients de se procurer une bonne partie, sinon tous les roulements dont ils avaient besoin, auprès de CTL ou de ses sociétés affiliées. Selon les avocats, la concurrence, sur le marché national, n'est pas venue seulement des importations du Japon, mais aussi des fournisseurs de produits d'autres pays, et qui se sont montrés efficaces dans leur lutte afin d'obtenir une part du marché.

NSK Bearing Canada Ltd.

Les avocats ont soumis que NSK devrait être exclu de toute décision de préjudice dans cette cause, parce que la quantité de ses importations et le volume de ses ventes de marchandises en question ont été négligeables. Cependant, si des conclusions de préjudice sensible étaient rendues contre les roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, le Tribunal devrait en exclure les roulements ISO. Les avocats ont plaidé, en outre, qu'aucun des cinq principaux clients de NSK en ce qui a trait à l'achat de roulements n'a été cité par CTL en rapport avec ses pertes de vente. NSK a l'intention de ne se concentrer dorénavant que sur l'importation de roulements ISO, qui, selon les avocats, ne sont pas produits au Canada.

Federal-Mogul Canada Limited et Federal-Mogul Corporation

Les avocats ont demandé au Tribunal d'exclure Federal-Mogul de toute décision de préjudice sensible, parce que le préjudice subi par CTL a surtout trait aux ventes aux constructeurs OEM. Federal-Mogul vend surtout les marchandises en question sur le marché secondaire automobile, qui est un secteur du marché sur lequel CTL est peu présent. De plus, Federal-Mogul n'est pas cité dans les exemples de pertes de ventes de CTL. Pour ce qui est de l'affirmation de compression des prix, les avocats ont renvoyé le Tribunal à un élément de preuve soumis par Federal-Mogul et qui contient une comparaison entre les prix pratiqués par Federal-Mogul et par CTL. Il ressort de cet élément de preuve, qui n'a pas été contesté par les avocats de CTL, que les prix de Federal-Mogul ont généralement été plus élevés. En conclusion, les avocats ont dit au Tribunal que Federal-Mogul n'importe plus les marchandises en question du Japon.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Le Tribunal doit tout d'abord se pencher sur la question de savoir si des conclusions de préjudice doivent être rendues séparément pour les ensembles de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, pour les cuvettes et pour les assemblages de cônes. Les avocats de NTN, en invoquant la décision Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping [1] de la Cour d'appel fédérale ont soutenu que le Tribunal doit rendre des conclusions de préjudice distinctes pour chacune de ces catégories de marchandises.

Dans la décision Noury Chemical [2] la cour a statué, étant donné que la décision provisoire de dumping visait «quatre catégories distinctes de produits qui ne sont pas règle générale, substituables», que le Tribunal antidumping devait déterminer si le dumping de chacune des catégories de marchandises, pour lesquelles des marges de dumping distinctes avaient été établies, avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires de chaque catégorie. Le Tribunal antidumping devait donc déterminer si les marchandises en question recouvraient plus d'une catégorie de marchandises qui ne peuvent généralement pas être substituées l'une à l'autre.

Contrairement à ce qui se passait dans le cas des marchandises visées par la décision Noury Chemical, le Tribunal remarque qu'ici, un utilisateur final peut acheter, soit un ensemble complet de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, soit la cuvette et l'assemblage de cône avec lesquels il peut lui-même construire un ensemble de roulements. Ces marchandises occupent le même créneau commercial pour la raison qu'elles sont utilisées par les mêmes utilisateurs finals, que leur fonction ultime est la même et qu'elles se font concurrence sur le marché, séparément ou combinées les unes aux autres. C'est pourquoi le Tribunal estime que ces marchandises constituent une catégorie de produit unique, contrairement aux catégories de marchandises visées par la décision Noury Chemical. En conséquence, le Tribunal a conclu qu'il n'y a lieu, en l'espèce, de rendre qu'une décision relativement au dumping des roulements à une seule rangée de rouleaux coniques, incluant les cuvettes et les assemblages de cônes.

Pour ce qui est du préjudice sensible que le fabricant prétend avoir subi, il n'est guère douteux, selon les éléments de preuve présentés au Tribunal, que CTL a subi un préjudice quant à la production de marchandises en question. De toute évidence, les ventes nationales, par CTL, de marchandises en question de fabrication canadienne, ont baissé de façon importante. Les éléments de preuve ont également indiqué que cette baisse des ventes est loin d'avoir été compensée totalement par les ventes à l'exportation, et qu'elle s'est traduite par une diminution du taux d'utilisation de la capacité de production ainsi que par des pertes d'emplois. CTL a présenté des états de résultats montrant que ces ventes reflétaient un recul important et régulier, de 1989 à 1991, de la production de marchandises en question destinées à la consommation nationale et à l'exportation.

Le Tribunal s'est penché sur la question de savoir si le préjudice subi par CTL est causé par des importations sous-évaluées du Japon ou si son rendement s'explique d'une autre manière. Si l'on examine la baisse des ventes de produits de fabrication nationale subie par CTL au Canada, on constate que le marché des marchandises en question s'est fortement ralenti de 1989 à 1991. Les ventes des industries consommatrices de roulements ont baissé, surtout en 1991, avec pour conséquence une réduction de la demande de roulements. CTL a conservé sa part relative sur ce marché en repli qu'elle approvisionnait en produits de fabrication nationale. Les ventes de produits importés du Japon ou d'autres pays se sont également ressenties du fort ralentissement du marché pendant la période d'enquête. Toutefois, la part du marché détenue par les importations japonaises a subi une légère érosion.

Il ressort des témoignages et des éléments de preuve que le marché canadien des marchandises en question se compose de deux segments très différents, à savoir le marché OEM et le marché secondaire.

Les ventes sur le marché OEM ont baissé beaucoup plus que sur l'ensemble du marché des marchandises en question. Ces ventes, qui n'étaient pas rentables pendant la période d'enquête, sont la raison principale des graves pertes subies par CTL. Quoique CTL écoule une partie importante de sa production sur ce segment du marché, la plus grande partie de celle-ci va aux trois Grands fabricants automobiles. Les données recueillies par le Tribunal indiquent qu'aucune des marchandises en question importées du Japon n'a été vendue aux trois Grands. Ceci a été confirmé par des témoins représentant GM et Chrysler. La baisse des ventes de CTL aux trois Grands est donc attribuable à d'autres facteurs que le dumping en provenance du Japon. Les ventes de CTL ont été particulièrement touchées par la baisse des ventes d'automobiles et de camions subie par les trois Grands pendant la période de la présente enquête. Leur part du marché s'est rétrécie non seulement en raison de la récession, mais aussi en raison du renforcement de la concurrence des automobiles et des pièces d'automobiles importées.

Il se peut que des changements technologiques aient également influé à la baisse sur les achats de marchandises en question par les trois Grands. La relative expansion des véhicules à traction avant a entraîné une baisse du nombre moyen de marchandises en question requis par véhicule.

Les témoignages et les éléments de preuve ne corroborent pas l'affirmation de CTL selon laquelle les marchandises sous-évaluées importées du Japon étaient la cause de la compression des prix des marchandises vendues aux trois Grands. Les témoins représentant GM et Chrysler aux États-Unis, qui sont responsables des achats de marchandises en question par leurs sociétés en Amérique du Nord, ont mentionné au Tribunal les politiques d'approvisionnement de leurs sociétés et la façon dont ils négocient les volumes et les prix avec les fournisseurs. Ces deux entreprises négocient avec les fournisseurs de roulements et s'entendent sur le volume et sur le prix des expéditions à leurs usines du Canada, des États-Unis et du Mexique. Ces témoins ont également déclaré au Tribunal que leurs sociétés se fournissent en Amérique du Nord pour obtenir des livraisons dans les délais exigés. Le Tribunal a reçu des éléments de preuve quant au fait que les pratiques d'approvisionnement de Ford, le troisième fabricant d'automobiles le plus important, n'étaient pas très différentes de celles de GM et de Chrysler. Le Tribunal conclut que la présence d'importations japonaises sous-évaluées au Canada n'a pas pu avoir de répercussion sur le volume des marchandises en question vendues par CTL aux trois Grands ou sur le montant perçu par CTL pour ces ventes. Qui plus est, le Tribunal n'est pas convaincu par l'affirmation des avocats selon laquelle les conclusions rendues aux États-Unis contre les importations en provenance du Japon n'ont pas eu un effet bénéfique sur les prix pratiqués par CTL envers les trois Grands et les autres multinationales OEM. Quel qu'ait pu être l'effet de ces conclusions sur les prix américains, il ressort des éléments de preuve que les trois Grands paient à CTL des prix comparables à ceux qu'ils paient aux autres sociétés affiliées de Timken en Amérique du Nord.

Le reste du marché OEM est constitué de sociétés nationales et multinationales qui utilisent des roulements dans la fabrication de véhicules et de pièces d'équipement mécanique de différents types, tels que les machines de construction et les machines agricoles. Il n'y a pas de données sur les ventes totales à ces constructeurs OEM, mais, selon les témoignages, elles ne dépassent pas 10 p. 100 du marché total des marchandises en question. Les éléments de preuve déposés montrent que les importateurs des marchandises en question en provenance du Japon ont une place relativement importante et ancienne sur ce secteur du marché. Cependant, ces importateurs des marchandises en question en provenance du Japon n'ont pas augmenté leur part de ventes à ces constructeurs OEM. La réduction des achats de marchandises en question par ces derniers a frappé de façon égale les ventes de CTL et celles d'autres fournisseurs, y compris les importateurs de marchandises en question en provenance du Japon. Les éléments de preuve indiquant que les ventes des fabricants de machines agricoles ont chuté brusquement de près d'un tiers de 1989 à 1991 montrent bien combien ce secteur du marché s'est comprimé. De plus, un certain nombre de constructeurs OEM ont mis un terme à leur production au Canada ou ont transféré une partie de celle-ci à l'étranger, ce qui a également entraîné une baisse de la demande de marchandises en question.

CTL a fait état d'une perte de ventes et d'une compression des prix dans le cas de plusieurs constructeurs OEM clients. Des témoins ont affirmé, et les avocats des importateurs ont soutenu, que, pour diverses raisons, CTL n'était pas un fournisseur concurrentiel pour ces clients. CTL n'a rien vendu à certains des clients identifiés depuis plusieurs années. Des rapports internes relatifs à des offres de CTL à ces clients ainsi qu'à d'autres encore ne permettent pas d'évaluer les affirmations de CTL. Les prix proposés par CTL à un acheteur canadien étaient les mêmes que ceux que Timken offrait à la société mère ou à la société affiliée aux États-Unis. En d'autres termes, les niveaux de prix étaient déterminés par les conditions existant aux États-Unis et ne pouvaient être reliés au dumping des marchandises en question au Canada. Le Tribunal remarque également que les premières cibles commerciales de CTL sont les fabricants canadiens affiliés à des sociétés multinationales.

L'analyse des renseignements recueillis quant aux prix indiqués par CTL dans des offres de vente fermes relatives aux marchandises en question ne s'est pas avérée concluante quant à la question de savoir si le dumping avait contribué à la compression des prix. Rien ne laisse penser qu'il ait existé une pratique constante de sous-cotation. Il y avait des cas de devis de produits japonais destinés à des pièces numérotées de fabrication canadienne, dont les prix étaient inférieurs à ceux de CTL. Mais ces mêmes devis comprenaient aussi des prix d'autres produits japonais destinés à d'autres pièces numérotées de fabrication canadienne, qui étaient supérieurs à ceux de CTL. Deux autres choses encore sont apparues plus particulièrement à l'examen des éléments de preuve fournis par CTL sur ses pertes de clientèle. La première était qu'au moins les deux tiers des pièces numérotées faisant l'objet de la plupart des devis étaient fabriquées par Timken. Or, une bonne partie des offres les moins chères concernaient des pièces numérotés de fabrication américaine. La deuxième est que rien n'indique que les niveaux de prix aient généralement baissé dans le cas des clients sur lesquels on dispose de données pour la période allant de 1989 à 1991. Cette conclusion est conforme aux données relatives aux prix fournies par CTL et par les importateurs japonais en réponse aux questionnaires du Tribunal. Les avocats de CTL ont soutenu que celle-ci avait dû réduire de façon drastique et toujours plus considérable ses «prix de catalogue». Sans une liste de ces prix de catalogue, et sans information sur la façon dont ils ont été établis, le Tribunal ne peut examiner en connaissance de cause des affirmations d'érosion ou de compression des prix faites relativement à ces prix de catalogue. Les données factuelles dont le Tribunal dispose montrent que, dans l'ensemble, les prix des marchandises en question se sont maintenus relativement bien si l'on considère la faiblesse du marché. Rien n'indique que les tendances aient été influencées de façon sensible par le dumping en provenance du Japon. En conséquence, le Tribunal ne considère pas que les éléments de preuve avancés par CTL confirment son affirmation selon laquelle les importations de produits sous-évalués en provenance du Japon ont entraîné pour elle une perte de clients ou la compression des prix offerts par elle à ces constructeurs OEM.

Le Tribunal s'est penché sur la question de savoir si le dumping des marchandises en question en provenance du Japon a eu une incidence sur les ventes de CTL sur le marché secondaire et sur les prix pratiqués par celle-ci sur ce marché. Les ventes sur le marché secondaire n'ont pas ralenti aussi fortement que sur le marché OEM. Les éléments de preuve présentés n'indiquent aucun changement important quant à la part du marché secondaire détenue par les importateurs de marchandises en question provenant du Japon. Qui plus est, Timken est devenue relativement plus présente sur le marché secondaire au fur et à mesure que CTL augmentait la part qu'elle tenait sur celui-ci et qu'elle fournissait en produits importés fabriqués par Timken. Il semble que les principaux perdants, dans la concurrence pour le marché secondaire, aient été des fournisseurs d'autres pays, et surtout les fournisseurs américains de Federal-Mogul.

Les éléments de preuve fournis par CTL à l'appui de ses affirmations de pertes de clients et de compression des prix sur le marché secondaire ne sont pas convaincants. Les données présentées par les parties montrent que les prix se sont maintenus sur le marché secondaire, ou ils étaient même à la hausse, et que le prix de plusieurs pièces numérotées importées du Japon était plus élevé que celui des mêmes pièces numérotées fabriquées par CTL. Un témoin a déclaré au Tribunal que les fournisseurs n'avaient consentis pratiquement aucun escompte, même si les acheteurs faisaient pression sur les distributeurs pour qu'ils réduisent leur marge. Il est d'ailleurs à noter, à propos de ce secteur du marché, qu'une partie importante des ventes de CTL consistaient en importations, non seulement des États-Unis, mais aussi des usines de Timken ailleurs dans le monde. Ces importations comprenaient des pièces numérotées fabriquées selon le système métrique, dont certaines portaient un numéro ISO. Il ressort des éléments de preuve produits par CTL elle-même que les ventes de produits de fabrication nationale aussi bien que de produits importés sont restées rentables dans ce secteur du marché. Le Tribunal en est venu à la conclusion que les éléments de preuve fournis par CTL ne confirment pas les affirmations de cette dernière quant au fait que le dumping de marchandises en question provenant du Japon a entraîné pour elle des pertes de clients ou une compression des prix sur le marché secondaire.

CONCLUSION

Dans toute cause de dumping, le Tribunal a l'obligation légale de déterminer si le dumping des marchandises en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la «production au Canada» de marchandises similaires. Dans le cas présent, le seul fabricant canadien produit les marchandises en question pour le secteur du marché OEM (des fabricants automobiles dans la plupart des cas) et pour le marché secondaire. Les éléments de preuve présentés au Tribunal montrent clairement que ces deux segments du marché sont distincts et, en fait, que le secteur OEM, en Amérique du Nord, est approvisionné d'une manière complètement différente de celle du marché secondaire. À cet égard, le Tribunal a remarqué que les consommateurs de roulements les plus importants, à savoir les fabricants automobiles, satisfont presque totalement leurs besoins auprès de fournisseurs nord-américains, et que le fabricant canadien écoule une grande partie de sa production auprès de ces acheteurs du Canada et des États-Unis. Les fournisseurs de produits japonais au Canada n'ont jamais été présents de façon notable sur ce secteur du marché OEM, et ne le sont pas davantage aujourd'hui. Compte tenu des arrangements actuels en matière d'approvisionnement et du processus de détermination des prix de vente pratiqués auprès de ces constructeurs OEM, les ventes de CTL sur ce secteur du marché au Canada sont effectivement à l'abri de la concurrence étrangère, quoique le Tribunal ne puisse ignorer cette production dans son évaluation du préjudice sensible. En conséquence, on ne peut attribuer le préjudice subi par cette société canadienne en ce qui a trait aux ventes des importations sous-évaluées en provenance du Japon.

Pour ce qui est des ventes aux autres constructeurs OEM ainsi que sur le marché secondaire, le Tribunal conclut que les importations sous-évaluées japonaises ont eu peu de répercussions, sinon aucune, sur les schémas d'approvisionnement et sur les prix. Le Tribunal conclut que le préjudice subi par CTL n'a pas été causé par le dumping dans ces segments du marché.

Le Tribunal estime que le préjudice subi par CTL est attribuable à d'autres facteurs. La récession a entraîné un ralentissement brutal du marché des marchandises en question. La plupart des ventes de CTL sur le marché OEM étant réalisées auprès des trois Grands et d'autres usines canadiennes de multinationales nord-américaines, le rendement financier de la société dépend du niveau des prix pratiqués par elle envers ces clients. Les pertes de CTL sont vraisemblablement attribuables au fait que ses ventes à ces multinationales étaient pratiquées à des prix tels qu'elles ne couvraient pas les frais.

Pour ce qui est du préjudice susceptible d'être causé par la poursuite du dumping des marchandises en question sur le marché canadien par les exportateurs japonais, les avocats de CTL ont affirmé que la capacité de production des marchandises en question était considérablement excédentaire dans le monde, et tout particulièrement au Japon. Dans ces conditions, les exportateurs japonais viseraient le marché canadien. Des témoins ont affirmé que les fabricants japonais fonctionnaient à pleine capacité et que les ventes au Canada ne représentaient qu'une toute petite partie des exportations japonaises de marchandises en question. Même si le Tribunal concluait que les exportateurs japonais disposent d'une capacité de production notablement excédentaire, il ne s'en suivrait pas nécessairement qu'on assisterait à un déversement de marchandises en question exportés au Canada.

Pour ce qui est du secteur OEM du marché, où CTL considère la menace de préjudice comme particulièrement sérieuse, les perspectives de pénétration des importations japonaises sont limitées. Compte tenu du fait que les fabricants automobiles s'orientent vers une gestion des stocks souple et vers des pratiques d'approvisionnement «juste à temps», il est peu probable que les fournisseurs étrangers s'empareront d'une part importante de ce marché dans un avenir prévisible. Pour ce qui est du reste du secteur OEM du marché où les importations japonaises sont présentes, le Tribunal en est venu à la conclusion que ces dernières n'avaient pas causé de compression des prix ni de pertes de clientèle. Les perspectives d'accroissement des ventes de CTL sur cette partie du marché OEM dépendront probablement de facteurs autres que la fixation des prix. Les ventes de CTL sur le marché secondaire sont restées rentables en dépit d'une forte concurrence, et rien ne laisse penser que la situation soit sur le point de changer. Enfin, la baisse des ventes des industries utilisatrices des marchandises en question a eu des répercussions importantes sur le marché. La baisse de la demande et les pressions sur les prix exercées par les utilisateurs importants continueront sans doute d'être les principaux facteurs influençant le marché et, par conséquent, le rendement de CTL.

En raison de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping de marchandises en question provenant du Japon n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de CTL de roulements à une seule rangée de rouleaux coniques pour la vente au Canada.


1. [1982] 2 C.F. 283.

2. Ibid., à la page 285.


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Publication initiale : le 17 juillet 1997