TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ET TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, TRAITÉES À CHAUD OU NON

Enquêtes (article 42)


CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, TRAITÉES À CHAUD OU NON, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA ROUMANIE, DU ROYAUME-UNI, DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DE L'ANCIENNE RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE
Enquête no : NQ-92-007

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 6 mai 1993

Enquête no : NQ-92-007

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant :

CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, TRAITÉES À CHAUD OU NON, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA ROUMANIE, DU ROYAUME-UNI, DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DE L'ANCIENNE RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 6 janvier 1993 et d'une décision définitive de dumping [1] datée du 5 avril 1993 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada de tôles d'acier au carbone laminées à chaud et de tôles d'acier allié résistant à faible teneur, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à chaud, coupées en longueurs, d'une largeur allant de 24 po (610 mm) à 152 po (3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur allant de 0,187 po (4,75 mm) à 4 po (101,6 mm) inclusivement, y compris :

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ACNOR : G40.21, nuances 230G/33G, 260W/38W, 300W/44W, 350W/50W, 350A/50A, 350AT/50AT, 400W/60W, 260WT/38WT, 300WT/44WT, 350WT/50WT et 400WT/60WT, ou selon des exigences équivalentes de l'ACNOR ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ASTM : A283M/A283, nuances A, B, C et D, A36M/A36, A572M/A572, nuances 42, 50, 60 et 65, A588M/A588, A242M/A242, types 1 et 2, A515 et A516M/A516, nuance 70, ou selon des exigences équivalentes de l'ASTM ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelées «bandes»), des tôles en bobines et des tôles laminées dans les deux sens,

originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni, des États-Unis d'Amérique et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des tôles d'acier au carbone laminées à chaud et des tôles d'acier allié résistant à faible teneur, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à chaud, originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, sauf :

(i) les tôles en question d'épaisseur supérieure à 3,125 po (79,375 mm);

(ii) les tôles en question fabriquées selon les exigences des méthodes d'essai A515 et A516M/A516 de l'ASTM, nuance 70, de toute épaisseur. Plus précisément, cette exclusion s'applique aux tôles fabriquées selon les exigences de la méthode d'essai A516 de l'ASTM qui satisfont à l'une ou à plusieurs des prescriptions suivantes :

- les tôles qui doivent répondre à la norme TM 0284/87 de la NACE, la solution prescrite dans la norme TM 01-77/86 étant utilisée selon les teneurs suivantes : CLR 10 % ou moins, CTR 5 % ou moins et CSR 2 % ou moins;

- les tôles d'épaisseur supérieure à 2,5 po qui doivent satisfaire aux exigences de l'essai de résilience dans le sens transversal à -50 °F conformément à la méthode d'essai A370 de l'ASTM et présenter une énergie moyenne minimale de choc absorbée de 25 lb-pi et de 20 lb-pi pour les éprouvettes individuelles;

- les tôles d'épaisseur supérieure à 2,5 po qui doivent satisfaire aux exigences de contrôle par ultrasons de la norme SA-577 ou SA-578, ou les deux, de l'ASTM/ASME;

- les tôles qui doivent satisfaire à l'une des exigences de carbone équivalent suivantes qui sont prescrites dans la norme SA-20 de l'ASME :

a) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,40 pour les tôles d'épaisseur égale ou inférieure à 1,5 po;

b) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,42 pour les tôles d'épaisseur supérieure à 1,5 po;

c) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,42, les teneurs maximales en hydrogène et en oxygène étant respectivement de 2 parties par million et de 10 parties par million, pour les tôles d'épaisseur égale ou inférieure à 1,5 po;

- les tôles de largeur égale ou supérieure à 112 po et d'un poids total supérieur à 25 000 lb;

(iii) les tôles en question suivantes fournies à la société Hibernia Management and Development Company Ltd. (HMDC) ou achetées par cette dernière pour construire des installations en mer qui font partie du projet Hibernia :

- les tôles de type IP, IIP et VP fabriquées par la société Dillinger Hüttenwerke conformément aux exigences prescrites dans le document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0 en date du 23 septembre 1991 et publié par la HMDC;

- les tôles fabriquées par la société Fabrique de Fer de Charleroi constituées de 887,09 tonnes métriques d'acier de type II et de 1 026,74 tonnes métriques d'acier de type X et conformes aux prescriptions du document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0, en date du 23 septembre 1991, et du document no CM-E-V-S-MOO-GS-036.0, en date du 23 septembre 1991, et publiés par la HMDC;

- les tôles constituées de l'acier de type II destinées à être utilisées pour construire le module M20 et l'équipement mécanique GBS ainsi que les tours de forage, fabriquées par l'un des producteurs susnommés, conformément au document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0 précité.

Conformément au paragraphe 43(1.1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, en ce qui a trait aux marchandises susmentionnées en provenance des États-Unis d'Amérique, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, que le dumping au Canada des marchandises originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires (dissidence en partie du membre Fraleigh).

John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre présidant


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Ottawa, le vendredi 21 mai 1993

Enquête no : NQ-92-007

CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, TRAITÉES À CHAUD OU NON, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA ROUMANIE, DU ROYAUME-UNI, DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DE L'ANCIENNE RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que le dumping au Canada de certaines tôles d'acier au carbone en provenance de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. En outre, le Tribunal a conclu que le dumping au Canada de certaines tôles d'acier au carbone en provenance des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires (dissidence en partie du membre Fraleigh).

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 5 au 19 avril 1993
Date des conclusions : Le 6 mai 1993
Date des motifs : Le 21 mai 1993
Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant
Sidney A. Fraleigh, membre
Robert C. Coates, c.r., membre
Directeur de la recherche : Marcel J. W. Brazeau
Chef de projet : W. Douglas Kemp
Agents de la recherche : Douglas J. Allen
Peter Rakowski
Économiste : Simon Glance
Préposé aux statistiques : Nynon Burroughs
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Agent à l'inscription et
à la distribution : Margaret J. Fisher

Participants : Ronald C. Cheng
Gregory O. Somers
pour Algoma Steel Inc.
(partie plaignante)
et IPSCO Inc.
(fabricant)
Lawrence L. Herman
William R. Hearn
pour Stelco Inc.
(fabricant)
Peter Clark
John Haime
pour British Steel Canada Inc.
(importateur)
Simon V. Potter
Denis Gascon
pour Aciers Francosteel Canada Inc.
A.G. der Dillinger Hüttenwerke
(importateur-exportateur)
Chris Hines
C.J. Michael Flavell, c.r.
Geoffrey C. Kubrick
Paul Lalonde
James McIlroy
pour Bethlehem Steel Export Corporation
USX Corporation
(exportateurs)
Richard S. Gottlieb
pour Oregon Steel Mills, Inc.
(exportateur)
Donald J. Goodwin
Paul K. Lepsoe
pour Preussag Stahl AG
(exportateur)
Peter E. Kirby
pour Fabrique de Fer de Charleroi S.A.
Fabrique de Fer de Charleroi (USA) Inc.
(exportateur-agent)
G.P. (Patt) MacPherson
pour Alberta Pressure Vessel Manufacturers'
Association
(association commerciale)
John M. Gurley
pour Metalexportimport, S.A.
(exportateur)
Kenneth Besharah
pour Usinas Siderurgicas de Minas Gerais S.A.
(USIMINAS)
(exportateur)

Témoins :

Ian E. Williams, ing.
Directeur général
Ventes des tôles, tubes et produits façonnés
Algoma Steel Inc.

R.A. (Bob) Clark
Surveillant général
Contrôle comptable
The Algoma Steel Corporation, Limited

Robert W. Witty, ing.
Directeur
Ingénieur du contrôle de la qualité (Aciéries)
Algoma Steel Inc.

P. Murray Williamson
Directeur général - Ventes et commercialisation
Division des produits d'acierie
IPSCO Inc.

E.J. (Ed) Tiefenbach
Vice-président et Contrôleur
IPSCO Inc.

Glenn A. Gilmore
Surveillant des échanges commerciaux
IPSCO Inc.

Hugh A. Krentz, ing.
Président
Institut canadien de la construction en acier

J.E.M. Braid B.Sc.A., Ph.D.
Chef, secteur de la fabrication et évaluation des essais non-destructifs
Laboratoires de la technologie des métaux
Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie
CANMET
Énergie, Mines et Ressources Canada

William R. Cooper
Responsable des achats
Canron
Division de l'acier de construction de l'Est

Steve Shaw
Vice-président
Directeur général
Samuel & Fils & Cie (Québec) Ltée

S.R. (Sig) Taube
Vice-président et Directeur général
Samuel Plate Sales

Donald K. Belch
Directeur - Relations gouvernementales
Stelco Inc.

George R. Bereziuk
Directeur adjoint des ventes - Tôles
Stelco Inc.

J. (Jim) A. Anderson
Directeur des ventes - Tôles
Stelco Inc.

Robert Charles Matteson
Comptable - Tôlerie
Stelco Inc.

J.S. (John) Baker
Surveillant divisionnaire de la comptabilité - Tôles et feuillards
Aciérie de Hilton
Stelco Inc.

A.T. (Al) Brannon
Président
Brannon Steel

Ion Mladin
Ingénieur diplômé
Exportation des produits plats d'acier
District 11
Metalexportimport, S.A.

Constantin Zaharia
Directeur
Planification et orientation économique
Usine sidérurgique et aciérie
«SIDEX» S.A.

Cristina Stroe
Chef - Secteur des prix
Metalexportimport, S.A.

Thomas E. Kinley
Vice-président
British Steel Canada Inc.

Larry R. Mosser
Directeur de la commercialisation
Bethlehem Steel Export Corporation

Gerald C. Brown
Directeur des ventes
Bethlehem Steel Export Co. of Canada Ltd.

Ann Jacques
Bethlehem Steel Export Co. of Canada Ltd.

John J. Connelly
Président
United States Steel International, Inc.

T.H.E. Jones
Président
Noracor
Metals & Materials Inc.

Hugo G. Martin
Directeur des achats
Wilkinson Steel and Metals A Division of Premetalco Inc.

G.J. Lozinski
Président
Terra Nova Steel, Inc.

Edward J. Hepp, fils
Vice-président
Commercialisation
Oregon Steel Mills, Inc.

L. Ray Adams, fils
Vice-président et Chef des services financiers
Oregon Steel Mills, Inc.

Serge George Vinograd
Vice-président directeur
Fabrique de Fer de Charleroi (USA) Inc.

James R. Yates
Président - Directeur général
Aciers Francosteel Canada Inc.

Klaus Thomas
Directeur commercial
Preussag Handel

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [2] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping datée du 6 janvier 1993 et une décision définitive de dumping [3] datée du 5 avril 1993, concernant l'importation au Canada de tôles d'acier au carbone laminées à chaud et de tôles d'acier allié résistant à faible teneur (ci-après désignées tôles faiblement alliées à haute résistance), n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à chaud, coupées en longueurs, d'une largeur allant de 24 po (610 mm) à 152 po (3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur allant de 0,187 po (4,75 mm) à 4 po (101,6 mm) inclusivement, y compris :

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ACNOR : G40.21, nuances 230G/33G, 260W/38W, 300W/44W, 350W/50W, 350A/50A, 350AT/50AT, 400W/60W, 260WT/38WT, 300WT/44WT, 350WT/50WT et 400WT/60WT, ou selon des exigences équivalentes de l'ACNOR ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ASTM : A283M/A283, nuances A, B, C et D, A36M/A36, A572M/A572, nuances 42, 50, 60 et 65, A588M/A588, A242M/A242, types 1 et 2, A515 et A516M/A516, nuance 70, ou selon des exigences équivalentes de l'ASTM ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelées «bandes»), des tôles en bobines et des tôles laminées dans les deux sens,

originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni, des États-Unis et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine (les marchandises en question). L'enquête menée par le Sous-ministre sur le dumping a porté sur les importations de marchandises en question effectuées entre le 1er octobre 1991 et le 30 juin 1992 depuis tous les pays, à l'exception des États-Unis. Dans le cas des États-Unis, la période d'enquête a porté sur les envois de marchandises en question effectués du 1er janvier 1992 au 30 juin 1992.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 23 janvier 1993 et du 17 avril 1993 respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal le 11 janvier 1993 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 23 janvier 1993.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants et aux importateurs canadiens des marchandises en question dans le but de recueillir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d'autres précisions, relativement à la période allant de 1989 à 1992. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, parmi lesquelles les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties lors de l'audience, ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats et les procureurs indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Une conférence préparatoire à l'audience a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 22 mars 1993 et des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa du 5 avril au 8 avril 1993, du 13 avril au 16 avril 1993, ainsi que le 19 avril 1993. La partie plaignante, Algoma Steel Inc. (Algoma), ainsi que Stelco Inc. (Stelco) et IPSCO Inc. (IPSCO), qui appuyaient la plainte, étaient représentés à l'audience par des avocats. De nombreux exportateurs et importateurs étaient aussi représentés par des avocats et des procureurs à l'audience.

Le 6 mai 1993, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping de certaines tôles d'acier au carbone originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le Tribunal a également conclu que le dumping de certaines tôles d'acier au carbone originaires ou exportées des États-Unis n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires (dissidence en partie du membre Fraleigh).

Certains produits, tels que les tôles d'épaisseur supérieure à 3,125 po (79,375 mm) et les tôles fabriquées selon les exigences des méthodes d'essai A515 et A516M/A516 de l'ASTM, nuance 70, ont été exclus des conclusions de préjudice, de même que certaines nuances spéciales de tôles importées par la Hibernia Management and Development Company Ltd. (la HMDC) et par les membres de l'Alberta Pressure Vessel Manufacturers' Association (l'APVMA).

INTRODUCTION

Il s'agit de la troisième enquête sur le dumping de tôles d'acier au carbone au Canada au cours des 10 dernières années. Le 7 décembre 1983, le Tribunal antidumping a conclu à l'existence d'un préjudice causé par les importations de certaines tôles d'acier au carbone originaires de la Belgique, du Brésil, de la Tchécoslovaquie, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la République de l'Afrique du Sud, de la République de Corée, de la Roumanie, de l'Espagne et du Royaume-Uni (enquête no ADT-10-83). Puis, le 26 janvier 1984, le Tribunal antidumping a conclu à l'existence d'un préjudice causé par les importations de certaines tôles d'acier au carbone et allié originaires des Pays-Bas (enquête no ADT-13-83). En octobre 1985, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a accepté un engagement des exportateurs de tôles au carbone originaires de la République démocratique d'Allemagne (la RDA). Le 16 septembre 1988, le Tribunal canadien des importations a réexaminé les conclusions de préjudice et a exclu toutes les nuances de tôles laminées dans les deux sens sur le motif que ce type de tôles n'était pas produit au Canada (réexamen no R-10-88). Le 1er mai 1990, le Tribunal a annulé les conclusions de préjudice rendues dans le cadre des enquêtes nos ADT-10-83 et ADT-13-83, telles que modifiées dans le cadre du réexamen no R-10-88 (réexamen no RR-89-006). Le 7 juillet 1990, Revenu Canada a laissé l'engagement relatif à la RDA venir à expiration.

La présente enquête porte sur un éventail de produits relativement plus étroit que celui de l'enquête de 1983, mais vise les produits de six des pays touchés par cette dernière, en l'occurrence, la Belgique, le Brésil, la République tchèque, la République fédérale d'Allemagne, la Roumanie et le Royaume-Uni.

PRODUIT

L'acier est de la fonte brute affinée. Les fabricants d'acier intégrés produisent l'acier en combinant le minerai de fer, le coke, la castine et l'oxygène, et en surchauffant le mélange dans un haut fourneau. Le métal chaud résultant de l'opération (la fonte brute) est ensuite combiné à de la ferraille et à de l'oxygène dans un convertisseur à l'oxygène (CAO) de base ou dans un four Martin, pour produire de l'acier en fusion. Les mini-aciéries, contrairement aux fabricants intégrés, produisent de l'acier en fusion dans des fours électriques à arc (FEA) en utilisant de la ferraille d'acier comme charge d'alimentation. Dans le FEA, un courant est transmis d'une électrode de graphite à la ferraille, et de celle-ci à au moins une autre électrode. La chaleur engendrée par la résistance de la ferraille, de concert avec la chaleur rayonnée par l'arc électrique, assure la fusion de l'acier. Les fours Martin sont plus rares aujourd'hui que les COA et les FEA, car leurs dimensions et leur lenteur de fonctionnement les rendent moins efficaces.

À ce stade, dans le cas des fabricants intégrés comme dans celui des mini-aciéries, l'acier en fusion est versé d'une poche de coulée dans un panier de coulée de lingotière continue [4] d'où il s'écoule dans les moules, où il refroidit et forme des brames. Les brames continuent de se déplacer dans la coulée de lingotière, en refroidissant au fur et à mesure, jusqu'à ce qu'elles en sortent pour être oxycoupées à la longueur désirée.

Les brames sont ensuite introduites dans un four où elles sont réchauffées jusqu'à la température de laminage qui est comprise entre 2 250 et 2 300 °F. Lorsque la température requise est atteinte, les brames sont laminées jusqu'à ce qu'elles présentent la largeur et l'épaisseur finales exigées. Dans le meilleur des cas, les techniques de laminage actuelles permettent de réduire l'épaisseur des brames suivant un rapport de 3:1. Ainsi, une brame standard de 12 po est requise pour produire des tôles de 4 po.

Une fois le laminage terminé, les tôles sont dressées, marquées et inspectées pour voir si elles respectent les tolérances d'épaisseur et les exigences relatives à la surface. Les tôles sont ensuite mises à l'essai pour s'assurer qu'elles satisfont aux exigences du client.

Marchandises en question

Pour les besoins de la présente enquête, les tôles d'acier au carbone sont définies comme suit :

Tôles d'acier au carbone laminées à chaud et tôles faiblement alliées à haute résistance, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à chaud, coupées en longueurs, d'une largeur allant de 24 po (610 mm) à 152 po (3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur allant de 0,187 po (4,75 mm) à 4,0 po (101,6 mm) inclusivement, y compris :

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ACNOR : G40.21, nuances 230G/33G, 260W/38W, 300W/44W, 350W/50W, 350A/50A, 350AT/50AT, 400W/60W, 260WT/38WT, 300WT/44WT, 350WT/50WT et 400WT/60WT, ou selon des exigences équivalentes de l'ACNOR ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- les tôles fabriquées selon les exigences de l'ASTM : A283M/A283, nuances A, B, C et D, A36A/A36, A572M/A572, nuances 42, 50, 60 et 65, A588M/A588, A242M/A242, types 1 et 2, A515 et A516M/A516, nuance 70, ou selon des exigences équivalentes de l'ASTM ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus;

- à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelées «bandes [5] »), des tôles en bobines et des tôles laminées dans les deux sens.

Secteurs du marché des tôles

Les tôles d'acier au carbone sont devenues le meilleur matériau pour une gamme variée de produits. Elles sont utilisées à des degrés divers dans les bateaux, les bâtiments, les ponts, les réservoirs de stockage et les appareils sous pression. Puisque les tôles d'acier au carbone peuvent être fabriquées selon de nombreuses prescriptions chimiques et physiques différentes, elles répondent aux besoins de nombreux types d'application.

Tôles d'acier au carbone

L'acier est considéré comme étant de l'acier au carbone lorsqu'aucune teneur minimale n'est précisée pour l'aluminium, le chrome, le cobalt, le columbium, le nickel, le titane, le molybdène, le tungstène, le vanadium, le zirconium ou tout autre élément ajouté pour obtenir l'effet d'alliage désiré, lorsque la teneur minimale prescrite pour le cuivre ne dépasse pas 0,40 p. 100 ou lorsque la teneur maximale prescrite pour quelconque des éléments suivants ne dépasse pas les pourcentages indiqués, soit 1,65 p. 100 pour le manganèse, 0,60 p. 100 pour le cuivre et 0,60 p. 100 pour le silicium.

Tôles faiblement alliées à haute résistance

L'acier faiblement allié à haute résistance (HSLA) comprend un groupe d'aciers déterminés dont la composition chimique a été spécialement conçue pour conférer des propriétés mécaniques supérieures, une meilleure soudabilité, de la dureté, et, dans le cas de certains de ces aciers, une plus grande résistance à la corrosion atmosphérique que celle qui peut être obtenue avec les aciers de construction au carbone classiques de résistance équivalente. Les tôles HSLA sont généralement destinées à des utilisations où leur plus grande résistance permet de faire des économies de poids.

Tôles traitées à chaud (tôles normalisées)

Les tôles normalisées (traitées à chaud) sont des tôles qui ont été traitées à chaud dans un four pour homogénéiser et affiner la structure du grain. Le but du traitement est d'améliorer l'aptitude de l'acier à résister à la rupture fragile à de basses températures d'utilisation.

Les tôles normalisées sont souvent prescrites pour les semelles de poutres de ponts, lorsque l'épaisseur des tôles est relativement grande ou lorsque la température d'utilisation est très basse, ou dans ces deux conditions. Les autres structures qui emploient communément les tôles d'acier au carbone normalisées sont les brise-glaces, les poutres de chemin de roulement de grue extérieures et d'autres structures soumises à des charges dynamiques. Ce type de tôles doit également être utilisé pour fabriquer certains appareils sous pression. Par exemple, lorsque de l'acier ASTM A516 pour appareils sous pression est utilisé et que l'épaisseur des tôles est supérieure à 1,5 po, ou lorsque les propriétés relatives à la dureté de l'entaille ont été précisées par le concepteur de l'appareil, les prescriptions exigent automatiquement que les tôles soient normalisées.

Prescriptions

Les marchandises en question sont fabriquées pour répondre à certaines prescriptions de l'Association canadienne de normalisation (l'ACNOR) et de l'American Society for Testing and Materials (l'ASTM), et ce, dans le cas de deux importants sous-groupes, soit l'acier de construction et l'acier pour appareils sous pression. Les exigences les plus courantes pour les tôles au Canada sont celles de la norme ACNOR G40.21, nuance 300W/44W (44W), un acier de construction soudable d'usage général, employé dans les ponts, les bâtiments et le matériel de transport, les pièces usinées et dans différents usages finals. Ce type de tôles constitue la grande majorité des tôles produites au Canada et importées des pays visés. Elles sont généralement fabriquées pour répondre à des limites de compositions chimiques et à certaines propriétés mécaniques particulières, et peuvent être obtenues facilement de nombreuses sources.

Les tôles pour appareils sous pression sont destinées aux appareils sous pression qui doivent maintenir une pression interne allant du vide absolu à 1 050 lb/po2, et à d'autres emplois critiques. Les tôles de ce type doivent subir un plus grand nombre d'essais comparativement à l'acier de construction et ne sont produites que par un nombre limité d'aciéries en raison des exigences particulières des transformateurs et des utilisateurs finals en ce qui a trait aux restrictions chimiques, aux prescriptions relatives à l'essai de fissuration à l'hydrogène [6] , au dégazage sous vide et à d'autres exigences semblables. Deux aciéries qui satisfont le gros de la demande canadienne de tôles de ce type se trouvent en Allemagne. Les prescriptions ASTM les plus courantes pour les tôles pour appareils sous pression en question sont les méthodes d'essai ASTM A515 et ASTM A516, nuance 70.

L'INDUSTRIE NATIONALE

L'industrie canadienne des tôles d'acier au carbone est constituée de trois producteurs, soit Algoma, Stelco et IPSCO. Algoma et Stelco produisent les marchandises en question en utilisant de hauts fourneaux et la technique de coulée continue, tandis que IPSCO utilise le four électrique à arc et la technique de coulée continue pour produire des tôles au carbone. Algoma et Stelco écoulent la plus grande partie de leur production en Ontario et au Québec, alors qu'IPSCO vend l'essentiel de la sienne en Colombie-Britannique et dans les Prairies.

Les tôles ordinaires, et surtout les tôles de construction 44W, représentent plus de 90 p. 100 de la production nationale. Le reste se compose surtout de tôles traitées à chaud pour appareils sous pression conformes aux méthodes d'essai A515 et A516 de l'ASTM. Plus des deux tiers de la production nationale est vendue par l'intermédiaire de distributeurs d'acier semi-ouvré qui, soit revendent les tôles de nuance ou de longueur standard, soit offrent des services de coupe sur mesure. Le reste va directement des aciéries aux transformateurs, aux utilisateurs finals, ou aux deux.

Algoma a été constituée en société le 1er juin 1992. La nouvelle société a hérité de tout l'actif et d'une partie du passif de son prédécesseur, l'Algoma Steel Corporation, Limited. Elle appartient à 60 p. 100 aux employés et à 40 p. 100 aux anciens créanciers. Algoma est un producteur d'acier intégré verticalement qui exploite une aciérie importante à Sault-Sainte-Marie (Ontario). Elle fabrique des produits plats laminés parmi lesquels les tôles, ordinaires ou traitées à chaud, les tôles fines, les feuillards, ainsi que des produits pour constructions, pour rails et pour tubes.

Stelco, qui est aussi intégrée verticalement, est le producteur d'un large éventail de produits d'acier, y compris les marchandises en question, qui sont produites à son aciérie de Hilton de Hamilton (Ontario). Elle produit des tôles traitées à chaud par l'intermédiaire d'une filiale, CHT Steel Company Inc., à Richmond (Ontario).

Le siège d'IPSCO se trouve à Regina (Saskatchewan). Cette société produit une gamme variée de produits d'acier, parmi lesquels les marchandises en question. Il s'agit d'un producteur de tôles au carbone beaucoup moins important qu'Algoma ou Stelco, qui représentent toutes deux plus de 80 p. 100 de la production nationale de marchandises en question et 100 p. 100 de la production de tôles traitées à chaud.

Pour ce qui est des marchandises faisant l'objet de la présente enquête, Algoma produit des tôles d'une largeur de 153 po au plus, et d'une épaisseur allant généralement jusqu'à 2 3/4 po, sur son laminoir à tôles de 166 po et son laminoir à feuillards à chaud de 106 po de Sault-Sainte-Marie. Stelco produit des tôles d'une largeur de 140 po au plus et d'une épaisseur de 3 1/8 po au plus sur son laminoir à feuillards à chaud de Hamilton. IPSCO produit maintenant des tôles au carbone d'une largeur de 72 po au plus et d'une épaisseur de 2 po sur un laminoir dégrossisseur réversible et sur un laminoir Steckel réversible situés à Regina.

RÉSULTATS DES ENQUÊTES DU SOUS-MINISTRE

Le 24 août 1992, le Sous-ministre a ouvert une enquête au sujet du préjudice causé par le présumé dumping de certaines tôles d'acier au carbone laminées à chaud et certaines tôles d'acier faiblement alliées à haute résistance originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République fédérale tchèque et slovaque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, de la République de Slovénie, du Royaume-Uni, des États-Unis et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Le 8 septembre 1992, le Sous-ministre a ouvert une enquête sur le préjudice causé par le présumé dumping de certaines tôles d'acier au carbone laminées et traitées à chaud et certaines tôles d'acier faiblement alliées à haute résistance originaires ou exportées des mêmes pays. Le 6 janvier 1993, le Sous-ministre, aux termes de l'article 38 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation [7] , a réuni les deux enquêtes en une, a mis un terme à l'enquête relativement aux marchandises en question importées de la République de Slovénie, et a rendu une décision provisoire de dumping au regard du reste des marchandises en question.

Le 5 avril 1993, le Sous-ministre a mis un terme à l'enquête relativement aux marchandises en question importées de la République slovaque et a rendu une décision définitive de dumping au regard du reste des marchandises, y compris celles en provenance de la République tchèque.

L'enquête de Revenu Canada a porté sur les envois de marchandises en question depuis tous les pays, à l'exception des États-Unis, effectués entre le 1er octobre 1991 et le 30 juin 1992. Dans le cas des États-Unis, la période d'enquête a porté sur les envois effectués entre le 1er janvier 1992 et le 30 juin 1992. Les envois depuis les autres pays que les États-Unis étant tout à la fois plus volumineux et moins fréquents, il a fallu prévoir une plus longue période d'enquête pour s'assurer qu'un échantillon représentatif des importations de tous les pays était examiné.

Au cours de son enquête, Revenu Canada a constaté que 12 aciéries de 8 pays (autres que les États-Unis) exportaient des tôles à 17 importateurs, des distributeurs pour la plupart. Dans le cas des États-Unis, il a été constaté que 6 aciéries et 37 autres exportateurs envoyaient des marchandises en question à quelque 70 importateurs, pour la plupart des distributeurs d'acier semi-ouvré, des transformateurs ou des utilisateurs finals.

Il a été déterminé qu'à l'exception de la Fabrique de Fer de Charleroi S.A. (Charleroi), en Belgique, et de A.G. der Dillinger Hüttenwerke (Dillinger), en Allemagne, les exportateurs des pays autres que les États-Unis sous-évaluaient la plupart de leurs exportations selon des marges de dumping supérieures à 20 p. 100. Dans le cas des exportations depuis les États-Unis, il a été constaté que les 6 aciéries examinées sous-évaluaient de 64 à 100 p. 100 de leurs exportations selon des marges comprises entre 4,6 et 53,8 p. 100. Oregon Steel Mills, Inc. (Oregon Steel), le plus important exportateur américain vers le Canada en 1992, sous-évaluait 83 p. 100 de ses envois selon une marge pondérée de 10 p. 100. Toutes les exportations des États-Unis, autres que celles provenant des 6 aciéries identifiées, ont été assujetties à un droit de 11,5 p. 100.

POSITION DES PARTIES

Industrie

Les avocats d'Algoma ont plaidé que les éléments de preuve, en cette affaire, doivent être évalués «en bloc», alors que les avocats de Stelco ont invité le Tribunal à se faire une «vue d'ensemble». À leur avis, le Tribunal ne devait pas se concentrer sur des points de détail touchant des pertes de vente et les pratiques d'établissement des prix propres à chaque société. Ils ont soutenu que les prix sous-évalués offerts pour un important volume d'importations en provenance de nombreux pays, par de nombreux exportateurs-importateurs et à différents niveaux du circuit de distribution, ont eu pour effet de détériorer les niveaux de prix nationaux à un point tel que l'industrie nationale a subi un préjudice sensible.

Selon les avocats, les rapports traditionnels entre le marché canadien de l'acier et le marché de l'acier à l'échelle internationale se prêtent à des conclusions de préjudice sensible. Sur un marché mondial caractérisé par la chute de la demande et par l'existence d'une surcapacité considérable, le dumping sur le marché canadien de l'acier, déjà affaibli par la récession, est sensiblement préjudiciable. Le système de distribution des importations au Canada facilite le mouvement des importations et favorise la pratique de ventes à quai [8] perturbatrices, exacerbant ainsi les effets du dumping.

Les avocats ont plaidé que la concurrence par les prix était acharnée sur le marché canadien des tôles et que des volumes importants de tôles d'acier au carbone sous-évaluées y avaient gravement érodé les prix. Les tôles d'acier au carbone nationales et étrangères étant des produits fongibles, le prix est un facteur prépondérant, et la pénétration de petites quantités d'importations sous-évaluées peut faire du tort sur un marché en recul.

Les avocats de l'industrie ont fait valoir que les prix sur le marché avaient chuté sous l'effet de la concurrence des importations sous-évaluées, et qu'une part du marché considérable était prise par les pays pratiquant le dumping. En 1989-1990, les importations sous-évaluées, d'abord depuis des pays non visés par les conclusions antérieures, ont augmenté au dépend des ventes de l'industrie. Ainsi, en 1991, la part des importations s'est déplacée vers les pays exportateurs libérés des contraintes antidumping en mai 1990. Les volumes des ventes des producteurs ont chuté en conséquence et la situation financière de l'industrie s'est détériorée.

Les avocats d'Algoma se sont reportés à des éléments de preuve permettant de quantifier le degré du préjudice subi par cette société face aux importations sous-évaluées. Les éléments de preuve ont clairement montré l'existence d'une différence entre les recettes des ventes de tôles d'acier au carbone d'Algoma, comparées aux recettes des ventes de tôles d'acier allié soumis au traitement de trempe et revenu, un produit plat laminé non visé, qui est moins sensible aux prix, et non touché par le dumping. Les avocats ont plaidé que cette différence entre les recettes de ventes reflétait la politique de réduction du prix des tôles d'acier au carbone adoptée par Algoma dans l'espoir de maintenir sa part du marché sous la pression toujours plus grande du prix des tôles sous-évaluées. Les avocats ont déclaré que cette politique n'était pas le résultat de la grève qui s'est produite chez Algoma et Stelco au cours de la deuxième moitié de 1990, ni de la concurrence par les prix avec d'autres producteurs nationaux. Les avocats ont fait valoir que c'est dans les ventes de tôles 44W, qui représentent plus de 75 p. 100 des envois de l'industrie, que la concurrence par les prix est la plus vigoureuse.

Les avocats de Stelco ont attiré l'attention sur les éléments de preuve présentés par Samuel & Fils & Cie (Québec) Ltée (Samuel), un grand distributeur national d'acier semi-ouvré, quant au fait que le marché des tôles est un marché de produits de base. Les niveaux de prix y sont établis sous le seul effet de la concurrence, et le prix le plus bas sur le marché devient généralement le prix de base, les volumes, le service et la disponibilité étant égaux par ailleurs. À la fin de 1990, le prix de base national a été établi en fonction des offres de l'Europe de l'Est. Dès lors, les distributeurs d'acier semi-ouvré ont négocié à ce niveau de prix leurs contrats avec les aciéries canadiennes de même qu'avec les fournisseurs étrangers qui étaient fiables.

Les avocats ont affirmé que pendant la grève de 1990, les prix auraient dû se stabiliser ou se raffermir quelque peu avec la raréfaction des produits nationaux. Or, les prix ont baissé davantage avec l'afflux d'importations sous-évaluées introduites pour combler le vide causé par la grève. Ce n'est pas avant 1992, avec l'annonce des enquêtes de dumping, que les prix ont enfin commencé à se stabiliser.

L'industrie craignait notamment que, si les tôles traitées à chaud étaient exclues des conclusions de préjudice, les aciéries exportatrices les substitueraient aux tôles non traitées à chaud. L'industrie avait pour position que, puisque de nombreuses aciéries d'outre-mer disposent d'une technologie de traitement à chaud peu coûteuse, et puisque les tôles traitées à chaud peuvent être utilisées dans toutes les applications nécessitant des tôles de construction, les usines exportatrices substitueraient les tôles traitées à chaud aux tôles non traitées à chaud. Pour ces raisons, les avocats d'Algoma ont demandé que les tôles traitées à chaud ne soient pas exclues, même si le Tribunal envisage d'exclure des nuances déterminées ou des tôles qui doivent être soumises à des essais particuliers, comme l'essai de fissuration à l'hydrogène.

Il y avait un autre secteur de préoccupation pour l'industrie, à savoir, les exclusions sur la base de la composition physique et chimique des tôles. Les avocats ont plaidé que l'industrie pouvait produire tout l'éventail des tôles défini par le Sous-ministre. Néanmoins, les avocats étaient disposés à accepter la liste d'exclusions que l'industrie avait examinée avec l'APVMA et la HMDC avant le début de l'audience.

Sur la question des exclusions de producteurs étrangers, les avocats de Stelco ont plaidé que ces exclusions ne devraient être accordées que dans des circonstances très étroites et uniquement lorsque les produits fournis par ces producteurs ne peuvent être produits par l'industrie canadienne.

Pour ce qui est des exportateurs américains, les avocats ont plaidé que USX Corporation (USX), Bethlehem Steel Export Corporation (Bethlehem) et Oregon Steel, qui ont comparu à l'audience et plaidé que leur part du marché avait décliné sensiblement en 1992, ne méritaient pas de considération particulière. Les parts combinées des importations de ces trois sociétés ont augmenté régulièrement pendant la période allant de 1989 à 1992, tout comme celles d'un certain nombre d'autres sociétés américaines qui exportent vers le Canada et qui n'étaient pas représentées à l'audience. Les avocats des fabricants canadiens ont plaidé que le Tribunal doit rendre une décision relativement à toutes les importations depuis les États-Unis.

Quant à la question de la concurrence par les prix à l'intérieur de l'industrie, les avocats ont reconnu que la concurrence était forte entre Algoma et Stelco, mais ont souligné que c'était une chose à laquelle il fallait s'attendre. Pour ce qui est de la concurrence par les prix causée par IPSCO, les avocats ont fait remarquer que les tôles d'IPSCO présentent certaines limites de largeur et d'épaisseur qui doivent être intégrées ultimement dans le prix exigé de l'acheteur.

Quant à la question du préjudice futur, les avocats de l'industrie ont plaidé que si les États-Unis imposent des droits antidumping sur les importations de tôles au carbone, le Canada deviendra le déversoir des tôles au carbone sous-évaluées antérieurement destinées au marché américain. Les avocats ont soutenu que, compte tenu de ce fait et des autres éléments de preuve produits, le Tribunal devait rendre des conclusions de préjudice passé, présent et futur en raison du dumping des marchandises en question.

Importateurs et exportateurs

Les importateurs et les exportateurs ont avancé que la pénétration des importations, pendant la période examinée, était due dans une grande mesure à des facteurs autres que le dumping. Les importations n'ont pas beaucoup augmenté jusqu'en 1990, année au cours de laquelle la production d'Algoma et de Stelco s'est trouvée réduite pendant environ trois mois, alors que les deux sociétés étaient en grève. Tout juste après, Stelco a procédé à d'importants travaux de brasquage de ses fourneaux, ce qui a réduit sa production dans une proportion importante pendant encore plusieurs mois en 1991. Qui plus est, une partie importante des tôles au carbone importées correspondaient à des nuances et à des prescriptions que n'offraient pas les producteurs nationaux.

Les procureurs de la British Steel Canada Inc. (BSC) ont fait valoir que les arrêts de travail à Algoma et à Stelco n'ont pas seulement perturbé les approvisionnements pendant la durée de la grève et des travaux de brasquage des fourneaux, mais ont également créé une incertitude relativement à l'industrie avant et après la grève, certains acheteurs d'acier étant devenus hésitants à acheter le produit des aciéries nationales. En même temps, la force du dollar canadien et les taux d'intérêt élevés ont comprimé le marché des tôles d'acier. Un grand nombre d'entreprises de l'Ontario qui utilisaient les tôles au carbone comme un intrant ont fermé leurs portes ou déménagé leurs installations de production aux États-Unis, entraînant de ce fait une réduction de la demande de tôles. Les procureurs de BSC ont fait allusion à ces facteurs en rejetant l'allégation des avocats d'Algoma voulant que BSC ait profité de l'annulation des conclusions antérieures pour recommencer le dumping. BSC n'a fait qu'augmenter ses ventes de tôles au Canada qu'au moment où le marché était dans l'incertitude quant à la disponibilité des fournisseurs de produits canadiens. Lorsque les aciéries nationales sont revenues sur le marché, les ventes de BSC sont revenues à leur niveau normal et les producteurs nationaux ont retrouvé leur part du marché traditionnelle.

Les avocats ont fait remarquer qu'IPSCO, qui, en 1991, avait commencé à produire les marchandises en question dans une mini-aciérie à faible coût et extrêmement efficace, voyait ses volumes de production et ses ventes augmenter régulièrement. IPSCO est devenue rapidement un foyer de la concurrence par les prix et un concurrent redoutable dans l'Ouest canadien, où BSC était depuis toujours un fournisseur important.

Les avocats de Bethlehem ont plaidé que les volumes de production de chaque aciérie nationale avaient augmenté. En conséquence, il n'y a pas d'élément de preuve quant à la réduction du taux d'utilisation de la capacité. L'industrie produit au même niveau qu'avant la récession de 1989. Même si l'industrie occupait aujourd'hui 100 p. 100 du marché, elle produirait à un taux d'utilisation inférieur à 50 p. 100. De plus, IPSCO et Stelco produisent des volumes considérables de bandes sur les mêmes laminoirs que ceux utilisés pour produire les marchandises en question.

Les avocats et les procureurs de quelques-uns des principaux exportateurs et importateurs ont également soutenu que les produits qu'ils expédient au Canada, comme les tôles traitées à chaud et les tôles pour appareils sous pression, ne sont pas fournis par les producteurs nationaux selon les prescriptions des transformateurs et des utilisateurs finals. Le produit importé, du fait qu'il est de qualité supérieure et qu'il coûte un prix à la tonne nette plus élevé, ne pouvait causer de préjudice aux aciéries nationales. Les avocats d'Aciers Francosteel Canada Inc. (Francosteel) et de Dillinger ont déclaré que ni Algoma ni Stelco n'ont subi de préjudice causé par les importations de tôles traitées à chaud. Par exemple, le marché des tôles pour appareils sous pression est concentré dans l'Ouest canadien, pour les besoins de l'industrie pétrolière et gazière. Algoma et Stelco ne sont pas très présentes dans cette région, et IPSCO ne produit pas de tôles traitées à chaud.

Quoique l'industrie ait prétendu que les tôles traitées à chaud puissent être substituées dans tous les cas aux tôles non traitées à chaud, les avocats de Francosteel et de Dillinger ont allégué que ce n'était pas une solution viable, car le coût ne justifie pas la substitution. Ils ont attiré l'attention sur l'élément de preuve constitué par la déposition de l'un des témoins experts du Tribunal, qui a déclaré qu'en plus de 30 ans de travail dans ce domaine, il n'avait jamais entendu dire que les tôles pour appareils sous pression avaient été substituées à des tôles d'acier de construction. Les avocats de Dillinger, société qui exporte presque exclusivement des tôles traitées à chaud et des tôles pour appareils sous pression, ont soutenu qu'aucun élément de preuve n'a été présenté quant au fait que les exportations de tôles traitées à chaud et de tôles pour appareils à pression de cette société causaient un préjudice sensible à la production nationale. Le prix de vente des tôles de Dillinger a toujours été plus élevé que celui des tôles traitées à chaud de production nationale, et Dillinger n'a pas de concurrence de la part de l'industrie nationale pour ses tôles.

Pour ce qui est des prix, les avocats et les procureurs des importateurs ont déclaré qu'un certain nombre de facteurs influent sur l'établissement des prix nationaux des tôles d'acier au carbone. S'il est vrai que le prix mondial baisse régulièrement en raison, pour une bonne part, de la compression du marché international, les variations du taux de change et la concurrence par les prix au sein de l'industrie ont eu également un effet considérable en la matière. Dans le cas des tôles traitées à chaud et des tôles pour appareils sous pression, de nombreux avocats et procureurs ont déclaré que toute érosion des prix de ces produits ne pouvait être attribuée aux prix des tôles importées, parce que les prix de ces dernières ont toujours été supérieurs aux prix nationaux. Toute tendance à la baisse des prix des tôles d'acier au carbone nationales ne saurait être qu'un reflet de la baisse des prix mondiaux causée par la réduction de la demande d'acier.

Les avocats et les procureurs des importateurs ont plaidé que Stelco et Algoma ont toutes deux pratiqué des stratégies agressives d'établissement des prix, dans le but de reconquérir la part du marché qu'elles avaient perdue après la grève de 1990 et les travaux de brasquage des fourneaux de Stelco en 1991. Algoma et Stelco ayant réduit leurs prix et restreint leurs marges de profit pour s'emparer d'une part d'un marché qui se contracte, la concurrence interne ainsi produite a entraîné la baisse des ventes aussi bien que des revenus des deux aciéries nationales. Les avocats et les procureurs ont plaidé que les pertes résultant de l'adoption de ce genre de tactique ne pouvaient être attribuées aux tôles d'acier au carbone importées. De plus, les procureurs de BSC ont allégué que Stelco et Algoma pratiquent la méthode de l'établissement des prix de lot, dans le cas des marchandises en question et des produits de tôles non classés par nuance. Le dossier montre que l'emploi de cette méthode a conduit à l'étalement des stocks, qui, selon les procureurs, entraîne ultimement la baisse du prix des tôles de nuances plus chères.

Pour ce qui est du marché de l'Ouest canadien, l'avocat d'Oregon Steel a plaidé que c'est IPSCO qui est la société dominante en matière de prix dans cette région. Il a fait remarquer qu'une comparaison entre les prix d'Oregon Steel et ceux d'IPSCO, exprimés en dollars canadiens, indique que les prix d'IPSCO suivaient les variations du taux de change et ne demeuraient dans une fourchette inférieure à celle des prix d'Oregon Steel.

L'avocat a plaidé que les prix canadiens et mondiaux de l'acier étaient maintenant en train de se raffermir et qu'ainsi un préjudice n'était pas susceptible d'être causé dans le futur. Les facteurs qui avaient causé le plus de dommage aux aciéries nationales étaient leurs exigences en matière de tonnage minimal, leur refus de faire face à l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, leur incapacité de fournir certaines nuances de tôles en question, et le caractère limité de leurs ventes dans l'Ouest canadien.

Les avocats de Bethlehem et d'USX ont soutenu que les éléments de preuve montrent qu'Algoma est responsable de ses propres problèmes. Elle a perdu des sommes d'argent très considérables au cours des cinq dernières années, et a subi des pertes au cours de sept des neuf dernières années. Ils ont avancé qu'il était difficile d'accepter qu'Algoma avait subi un préjudice sensible du fait du présumé dumping Ä du moins de la part des États-Unis.

Tout en convenant que la récession a également été un important facteur indépendant du dumping, les avocats des sociétés américaines ont plaidé que les indicateurs économiques laissaient penser que la récession touchait maintenant à sa fin. Les avocats ont souligné qu'avec la reprise du marché, le marché américain en expansion absorbera davantage d'acier et la probabilité de la poursuite du dumping des tôles depuis les États-Unis vers le Canada devient plus lointaine.

Quoi qu'il en soit, les avocats ont plaidé qu'USX et Bethlehem n'étaient pas des forces perturbatrices sur le marché, que les prix moyens des produits américains étaient beaucoup plus élevés que les prix moyens des produits canadiens, et nul n'a allégué que des ventes ont été perdues au profit d'USX ou de Bethlehem. La part du marché détenue par les produits américains était petite et a diminué pendant la période du présumé dumping préjudiciable. Bethlehem et USX avaient exporté quelques produits au Canada, mais il s'agissait généralement de produits de dimensions que l'industrie canadienne ne pouvait normalement pas offrir. Il faudrait aux producteurs canadiens énormément de temps et d'argent pour rajuster les coulées de lingotières et les laminoirs d'aciérie afin de produire ces dimensions plus grandes. Ce genre de rajustement entraînerait des pertes considérables en matière de production de marchandises standard, si bien qu'il ne serait pas rentable, pour l'industrie nationale, de répondre aux petites commandes de tôles fortes, comme celles qui sont achetées par certains des importants distributeurs d'acier semi-ouvré.

En outre, selon les avocats, Bethlehem et USX étaient de petits intervenants sur le marché canadien et aucun élément de preuve ne laissait penser que les ventes faites au Canada par ces sociétés avaient causé une érosion des prix ou des pertes de clients. À l'appui de cette affirmation, certains éléments de preuve produits à l'audience ont permis d'établir qu'USX et Bethlehem vendent à des créneaux. Samuel, par exemple, n'importait des États-Unis que des produits «très précis et visant des clients déterminés».

Les avocats d'USX ont plaidé qu'Algoma avait souvent parlé de l'érosion des prix en rapport avec une liste des prix de l'année record de 1988. La comparaison entre les prix comprimés de 1991-1992 et ceux de cette liste de 1988 n'a montré rien d'autre que l'effondrement général du marché des tôles d'acier, et n'a donné aucune indication quant aux effets du dumping. Selon les avocats, les augmentations de la production nationale ont fait baisser les prix sur un marché déjà comprimé. Ces baisses de prix ont donc causé un autopréjudice. De plus, l'admission, par Algoma, du fait qu'elle a pratiqué une saine concurrence par les prix avec Stelco, et l'admission, par IPSCO, du fait qu'elle a suivi les prix des importations à la hausse en 1992, laissent penser que la concurrence au sein de l'industrie canadienne a joué un grand rôle dans l'évolution préjudiciable des prix.

L'avocat et le procureur de Preussag Stahl AG (Preussag) ont réitéré bon nombre de points soulevés par les autres avocats et procureurs des exportateurs et importateurs et ont souligné que la plupart des tôles traitées à chaud vendues au Canada sont des tôles pour appareils sous pression. Preussag n'expédie que ce type de tôles depuis son usine d'Allemagne. L'avocat et le procureur ont également soutenu que ces produits sont vendus en fonction de la qualité plutôt que du prix.

Le procureur d'Usinas Siderurgicas de Minas Gerais S.A. (USIMINAS) a soutenu que l'industrie n'avait pas produit d'éléments de preuve significatifs quant à l'érosion des prix. La documentation soumise par les sociétés canadiennes ne portait, en termes généraux, que sur les offres de prix. Il a fait remarquer qu'Algoma et Stelco avaient pris l'initiative de réduire les prix de façon importante à la fin de 1991 et au début de 1992. De ce fait, les importations ont cessé d'être concurrentielles et les volumes ont baissé. Au même moment, les exportations de tôles canadiennes ont augmenté sensiblement, ce qui laisse penser que l'industrie canadienne était plus soucieuse de maintenir des volumes de production élevés que de tenter de protéger les prix.

Le producteur d'acier danois, Det Danske Stolvalseværk A/S (DDS), a fait connaître son intention de participer à cette enquête à titre de partie dans un avis de comparution envoyé par M. Per Krogh Jensen, directeur des ventes, et reçu par le Tribunal par télécopieur le 4 février 1993. Par la suite, DDS a reçu un exemplaire de tous les documents publics déposés auprès du Tribunal. Aucun représentant de DDS n'a comparu à l'audience, et la société n'a déposé aucun document auprès du Tribunal pendant le cours de l'enquête. Avant la publication des conclusions du Tribunal, le ministre danois de l'Industrie a déposé, par l'intermédiaire de son ambassade à Ottawa, un document auprès du Tribunal, que ce dernier a considéré comme étant principalement de la nature de l'argument. Ce document a été communiqué à toutes les autres parties qui se sont vues demander de le commenter. Le Tribunal a reçu ces commentaires et a accordé à ce document le poids jugé approprié.

Demandes d'exclusions

Plusieurs importateurs et exportateurs ont demandé à être exclus d'éventuelles conclusions de préjudice rendues par le Tribunal. Les avocats ou procureurs de chaque importateur ou exportateur, ou des deux, ont avancé différents arguments selon la nature de l'exclusion demandée.

Les procureurs de BSC ont demandé que soient exclues toutes les tôles en question d'épaisseur supérieure à 3,125 po et toutes les tôles dégazées sous vide, sur le motif que ces tôles ne sont pas produites par l'industrie nationale. Ils ont également demandé une exclusion pour BSC elle-même sur le motif que ses importations n'avaient pas augmenté sensiblement pendant la période en question et qu'elle s'était comportée de façon responsable sur le marché canadien.

Les avocats de Bethlehem et d'USX ont plaidé qu'une exclusion s'impose dans les cas où il n'y a pas d'élément particulier prouvant l'existence d'un préjudice causé par une société ou un pays donné, où les marges de dumping en cause sont modestes et où des éléments de preuve montrent que le comportement du producteur est différent de la situation sur le marché examiné. Ils ont fait valoir qu'en l'espèce, les éléments de preuve montrent que tel est le cas pour chacun de leurs clients pris individuellement, et pour les États-Unis en général.

Les avocats de Dillinger et de Francosteel ont demandé une exclusion pour les tôles spécialisées et pour les producteurs de ces tôles sur le motif qu'une bonne partie de celles-ci ne sont pas produites par l'industrie nationale, ou ne sont pas facilement disponibles auprès de celle-ci, et que, dans le cas de Dillinger, aucun élément de preuve n'indique que la société contribue au préjudice qu'ont pu subir les aciéries nationales. Pour ce qui est de la première demande, les avocats ont également cité des éléments de preuve concernant le caractère limité de la capacité de production des producteurs nationaux en matière d'épaisseur des tôles. Enfin, les avocats ont également émis l'hypothèse qu'il y aurait lieu, compte tenu des éléments de preuve, d'exclure les tôles dégazées sous vide.

L'avocat d'Oregon Steel a d'abord demandé que les tôles traitées à chaud soient exclues d'éventuelles conclusions de préjudice. De plus, il a demandé que les importations de tôles en question par son client en Alberta et en Colombie-Britannique soient exclues, car les éléments de preuve montrent que ces marchandises ne contribuent pas au préjudice, si préjudice il y a.

L'avocat de Charleroi a demandé une exclusion pour son client sur le motif que les éléments de preuve montrent que Charleroi est une entreprise qui se positionne sur un créneau spécialisé sur le marché canadien et qui ne vend que sur le marché haut de gamme des tôles très spécialisées. L'avocat a également indiqué que l'acier vendu par Charleroi à la HMDC pour le projet Hibernia représente la plus grande partie de l'acier que Charleroi est susceptible d'exporter au Canada. Enfin, l'avocat a fait remarquer que l'évaluation de dumping faite contre son client est fondée sur la vente de deux tôles à la HMDC.

Le procureur de l'APVMA et l'avocat de la HMDC ont demandé des exclusions de produits précis énumérés dans des ententes conclues avec Algoma et Stelco avant l'ouverture de l'enquête. Ces exclusions étaient fondées sur des éléments de preuve montrant que les produits énumérés dans chacune des ententes n'étaient pas fabriqués par les producteurs nationaux, ou n'étaient pas facilement disponibles auprès de ceux-ci.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le tableau suivant résume les principaux indicateurs économiques, à l'exception des prix, qui sont indiqués séparément.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES - MARCHÉ NATIONAL

1989

1990

1991

1992

Production (000 t/n)

393

315

316

452

Marché apparent (000 t/n)

486,0

443,4

439,5

400,1

% augmentation (diminution)

(9)

(1)

(9)

Part du marché (%)

- Producteurs nationaux

77,3

66,5

64,9

80,5

- Total des importations en question

18,0

30,9

34,0

18,3

- Importations américaines

2,6

10,8

8,5

5,0

- Toutes les autres importations en question

15,4

20,1

25,5

13,3

- Importations non en question

4,8

2,6

1,2

1,1

Exportations (000 t/n)

17,0

23,2

23,8

123,0

Ventes de l'industrie nationale

- 000 t/n

376

295

285

322

- $ (millions)

234,2

172,6

149,2

143,6

Revenu net de l'industrie (%)

17

3

(6)

(11)

Emplois dans l'industrie

657

862

605

791

Capacité (000 t/n)

970,8

1 070,8

1 070,8

1 070,8

Utilisation (%)

40

29

29

41

t/n = tonne nette.

La production nationale a baissé de 20 p. 100 en 1990, est restée au même niveau en 1991, puis a atteint en 1992 son plus haut point en quatre ans, en raison, pour une bonne part, de l'expansion de la production destinée au marché d'exportation.

Le marché apparent a baissé régulièrement dans une proportion de quelque 18 p. 100 de 1989 à 1992. Pendant cette période, la part du marché des producteurs nationaux a diminué pour passer de 77 à 65 p. 100 en 1991, puis a rebondi pour dépasser les 80 p. 100 en 1992. Le total des importations en question est passé de 18 p. 100 de la part du marché en 1989 à 34 p. 100 en 1991, puis est retombé à 18 p. 100 en 1992.

Les ventes de l'industrie nationale, considérées en volume, ont baissé de 24 p. 100 de 1989 à 1991, puis ont augmenté de 13 p. 100 en 1992. En valeur, cependant, elles ont baissé régulièrement et fortement pendant la période de quatre ans, ce qui a causé des pertes financières considérables en 1991 et 1992.

INDICATEURS D'ÉTABLISSEMENT DES PRIX

Le tableau suivant montre un certain nombre de prix moyens de tôles ordinaires extraits de données soumises au Tribunal au cours de l'enquête.

INDICATEURS DE PRIX - MARCHÉ NATIONAL - TÔLES ORDINAIRES

($/tonne nette)

1989

1990

1991

1992

Prix de vente

Industrie

615

579

516

440

Total des importations en question

581

531

519

500

Importations américaines

635

595

613

607

Importations en question - Autres pays

575

496

482

455

Prix à quai

Importations américaines

415

546

550

551

Importations d'autres pays en question

547

473

451

426

De 1989 à 1992, le prix moyen des ventes de tôles d'acier au carbone ordinaires en question (surtout 44W) produites par les producteurs nationaux, qui représentait plus de 90 p. 100 des ventes effectuées pendant la période à l'étude, a baissé régulièrement, passant de 615 $ la tonne nette en 1989 à 440 $ la tonne nette en 1992, soit une réduction d'environ 28 p. 100.

En moyenne, les prix de vente de toutes les importations de tôles ordinaires en question ont baissé d'environ 14 p. 100, chutant de 581 à 500 $ la tonne nette. Les prix de vente des importations américaines ont chuté, passant de 635 $ la tonne nette en 1989 à 595 $ la tonne nette en 1990, de concert avec une augmentation radicale du volume, puis ont augmenté à plus de 600 $ la tonne nette en 1991 ainsi qu'en 1992. En même temps, les prix de vente des importations depuis les autres pays en question ont baissé de 21 p. 100, passant de 575 $ la tonne nette en 1989 à 455 $ la tonne nette en 1992. Le prix des importations a aussi présenté des tendances variées, selon la source et la gamme de produits. Les tôles pour appareils sous pression étaient le type de marchandise en question le plus cher. Les prix moyens des tôles d'acier en provenance des États-Unis étaient généralement les plus élevés. Les prix à quai des tôles ordinaires en provenance de toutes les sources autres que les États-Unis ont baissé pour passer de 547 $ la tonne nette à 426 $ la tonne nette, soit une chute de plus de 22 p. 100, de 1989 à 1992.

Le Tribunal a mené une enquête sur les prix qui a comporté l'examen des achats de tôles d'acier de construction 44W et de tôles pour appareils sous pression A516 conformes aux méthodes d'essai de l'ASTM par les distributeurs d'acier semi-ouvré, les transformateurs et les utilisateurs finals. Il est ressorti de cette enquête qu'en moyenne le prix des tôles 44W importées de tous les pays nommés était inférieur à celui du produit de fabrication nationale en 1991. Cependant, en 1992, l'écart s'est rétréci. Dans le cas des tôles A516 conformes aux méthodes d'essai de l'ASTM, l'enquête a montré que, comme dans le cas des tôles 44W, les prix des tôles importées et des tôles nationales ont baissé en 1992. Cependant, contrairement à ce qui s'est produit dans le cas des tôles 44W, le prix des tôles A516 conformes aux méthodes d'essai de l'ASTM importées dépassait le prix des tôles nationales, en 1991 comme en 1992, et parfois selon une marge importante, ce qui confirme la thèse selon laquelle le plus grande partie des tôles A516 conformes aux méthodes d'essai de l'ASTM importées sont des tôles pour appareils sous pression dont le prix est plus élevé.

QUESTION PRÉLIMINAIRE : MOTION D'EXCLUSION DE CERTAINS AVOCATS

Lors de la conférence préparatoire à l'audience, les avocats de Stelco ont déposé une motion demandant une ordonnance d'exclusion de cette enquête à l'encontre des avocats qui figurent sur la liste des experts du chapitre 19 de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [9] (l'ALÉ). Les avocats ont plaidé que ces particuliers sont à la fois des juges dans les causes où les conclusions du Tribunal sont portées en appel devant eux, et des avocats devant le Tribunal. À leur avis, cette situation suscitait des interrogations quant à l'équité de l'enquête du Tribunal. Ce dernier a entendu les arguments des avocats et des procureurs des deux côtés ainsi que ceux de l'avocat pour le Procureur général du Canada qui a comparu pour s'opposer à la motion. Après avoir examiné les arguments invoqués, le Tribunal a décidé que la question soulevée dans la motion était fondamentale au regard de la structure du chapitre 19 de l'ALÉ, mais que sa législation constitutrice ne lui donne pas le pouvoir d'accorder le redressement demandé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping des marchandises en question, conformément à la décision du Sous-ministre, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Pour rendre une décision dans la présente cause, le Tribunal doit d'abord déterminer si les producteurs nationaux constituent une proportion majeure de la production nationale totale de marchandises similaires. Deuxièmement, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve révèlent qu'il existe des sous-catégories de marchandises similaires dans cette enquête. Troisièmement, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve dont il dispose établissent que les producteurs canadiens ont subi, ou risquent de subir, un préjudice sensible, et s'il existe un lien de causalité entre le préjudice sensible subi et le dumping des marchandises en question. En dernier lieu, le Tribunal doit se pencher sur les demandes d'exclusions.

Industrie nationale

Aux termes de l'alinéa 42(3)a) de la LMSI, le Tribunal doit tenir entièrement compte du paragraphe 1 de l'article 4 du Code antidumping [10] du GATT (le Code), qui donne la définition de l'industrie nationale (dénommée dans le Code «branche de production nationale»). Le paragraphe 1 de l'article 4 prévoit que :

Aux fins de la détermination de l'existence d'un préjudice, l'expression «branche de production nationale» s'entendra de l'ensemble des producteurs nationaux de produits similaires ou de ceux d'entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production nationale totale de ces produits.

Le Tribunal conclut que cette exigence est satisfaite parce que la partie plaignante et les autres producteurs nationaux qui comparaissent à l'appui de celle-ci rendent compte de toute la production nationale de tôles d'acier au carbone.

Marchandises similaires

Avant la conférence préparatoire à l'audience, certains avocats et procureurs des exportateurs et des importateurs ont demandé au Tribunal de subdiviser les marchandises en question en catégories de produits, en l'occurrence, les tôles traitées à chaud et les tôles non traitées à chaud, et les tôles d'acier de construction et les tôles pour appareils sous pression. Lors de la conférence préparatoire à l'audience, le Tribunal a décidé qu'il entendrait les éléments de preuve sur cette question à l'audience et qu'il se réservait le droit de définir les catégories de produits pour les besoins de sa détermination de préjudice, en fonction de la nature des éléments de preuve produits à l'audience. Le Tribunal a également demandé au Sous-ministre d'indiquer séparément les marges de dumping des catégories possibles de tôles en question énumérées ci-après : les tôles traitées à chaud et les tôles non traitées à chaud, et, si possible, les tôles d'acier de construction et les tôles pour appareils sous pression. Avant l'audience, le Tribunal a fait savoir aux parties que le Sous-ministre avait répondu à sa demande en indiquant séparément les marges moyennes pondérées de dumping des tôles traitées à chaud ainsi que des tôles non traitées à chaud. Toutefois, le Sous-ministre avait indiqué qu'il n'était pas en mesure de fournir séparément les marges de dumping des tôles d'acier de construction et des tôles pour appareils sous pression.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les «marchandises similaires» par rapport aux marchandises en question importées comme suit :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

Le Tribunal estime que les tôles traitées à chaud et les tôles non traitées à chaud ne sont pas identiques parce que, tel qu'il est indiqué ci-dessus, les éléments de preuve montrent que le processus de traitement à chaud confère aux tôles traitées à chaud certaines caractéristiques de résistance que les tôles non traitées à chaud n'ont pas. En examinant si les utilisations et les caractéristiques des tôles des sous-catégories proposées sont très proches les unes des autres, le Tribunal constate que les tôles traitées à chaud sont substituables aux tôles non traitées à chaud dans toutes les applications, quoique cela ne se produise pas couramment. Étant donné que les marchandises de ces sous-catégories proposées sont substituables dans certains cas, le Tribunal conclut qu'elles sont très proches les unes des autres au sens de l'alinéa b) de la définition de «marchandises similaires» et, qu'en conséquence, les marchandises similaires dans la présente enquête ne doivent pas être réparties dans ces sous-catégories. En outre, le Tribunal examine les éléments de preuve relatifs aux particularités des tôles pour appareils sous pression importées dans l'optique d'exclusions possibles de conclusions de préjudice. La question est traitée plus en détail ci-dessous.

Préjudice sensible

Analyse des indicateurs du marché

L'enquête a commencé par un examen des répercussions que l'ensemble des importations de tous les pays nommés ont eu sur le rendement de l'industrie. En évaluant le préjudice subi par les producteurs nationaux, le Tribunal est d'avis que, quoique l'ensemble de la demande de tôles au carbone ne soit pas sensible au prix, la demande du produit d'un seul producteur donné est, dans une grande mesure, très sensible au prix. Les tôles d'acier au carbone sont généralement considérées comme étant un produit de base, et il est souvent difficile de faire la différence entre les tôles produites suivant les mêmes prescriptions dans diverses aciéries de différents pays. Par conséquent, la qualité du produit n'est normalement pas un facteur décisif dans le choix, par un client, d'un fournisseur particulier. Pour la plupart des centres de distribution d'acier semi-ouvré, qui représentent environ 65 p. 100 du commerce national des tôles au carbone, le prix est de loin le facteur prépondérant. D'un autre côté, les transformateurs et les utilisateurs finals achètent des tôles en quantités beaucoup plus petites pour les besoins de leurs activités, et la rapidité de la livraison des tôles fabriquées selon des prescriptions diverses est donc aussi un facteur important.

La surcapacité de production considérable de tôles au carbone qui existe à l'échelle mondiale et la nécessité, pour les producteurs d'acier, de faire tourner à plein leurs aciéries pour couvrir leurs frais généraux importants, conduisent, dans le meilleur des cas, à un surapprovisionnement mondial et à une importante concurrence par les prix au niveau international. Ces pressions sont accentuées en période de récession économique, alors que la demande de tous les produits d'acier tombe, quels que soient les prix. Les prix des tôles d'acier ont commencé à baisser régulièrement au Canada et ailleurs à la fin de 1989 lorsque la récession s'est installée. Les éléments de preuve laissent penser que le marché canadien des tôles a été particulièrement touché par ces tendances.

Le Tribunal a examiné les tendances des envois nationaux ainsi que des volumes et des valeurs de toutes les tôles d'acier au carbone importées au Canada depuis les pays visés et non visés pendant la période allant de 1989 à 1992 inclusivement. L'examen a porté, toutefois, sur la période allant de 1990 à 1992, vu les conclusions antidumping auxquelles ont été assujettis la plupart des pays visés jusqu'au début de 1990. Le Tribunal s'est également penché sur les tendances des prix d'achat et de vente de ces produits importés par rapport aux prix de vente des tôles d'acier au carbone de production nationale, et a étudié les changements des résultats financiers de l'industrie ainsi que d'un certain nombre d'autres indicateurs économiques, pour déterminer si l'industrie canadienne avait subi un préjudice.

La demande de tôles d'acier au carbone au Canada a baissé sensiblement de 1989 à 1992. Les ventes ont chuté de 18 p. 100, passant d'environ 486 000 tonnes nettes en 1989 à environ 400 000 tonnes nettes en 1992. En même temps, la valeur apparente du marché a chuté de 39 p. 100, passant d'environ 299 millions de dollars à environ 184 millions de dollars. Les aciéries nationales ont occupé traditionnellement environ 80 p. 100 de ce marché. Pendant les quatre années examinées par le Tribunal, la part de l'industrie est passée de 77 p. 100 en 1989 à environ 65 p. 100 en 1990 ainsi qu'en 1991, le tout au profit des importations depuis les pays visés, avant de revenir à un niveau d'un peu plus de 80 p. 100 en 1992.

À la fin de 1990, année au cours de laquelle l'industrie a subi une importante perte de part de marché, Algoma et Stelco, les deux aciéries nationales qui comptent pour la plus grande partie de la production nationale, ont subi des grèves qui ont duré plus de trois mois et qui ont créé de l'incertitude sur le marché pendant des semaines, sinon des mois, avant et après qu'elles aient commencé et fini. Cette même année, la part du marché national détenue par les importations des pays visés, et particulièrement des États-Unis, a sensiblement augmenté, passant à près de 31 p. 100, soit un gain de 13 points de pourcentage par rapport à l'année précédente.

En 1991, la demande a continué de s'affaiblir et l'industrie nationale a subi un autre léger recul, tant en terme de volume d'envois qu'en terme de part du marché. Le Tribunal constate que, quoique l'approvisionnement en produits nationaux ait été touché dans une certaine mesure par la réalisation d'importants travaux de brasquage à l'aciérie de Hilton de Stelco, au début de l'année, les marchandises en question de fournisseurs d'outre-mer ont continué, pendant le reste de l'année, d'entrer à des prix toujours plus bas et en quantités toujours plus grandes.

En 1992, Algoma, Stelco et IPSCO ont affiché des gains solides, tant en terme de volumes de leur production relative qu'en terme de part du marché. Ces gains ont permis à l'industrie de retrouver sa part du marché traditionnelle d'environ 80 p. 100. Quoique l'industrie ait récupéré toute la part qu'elle avait perdue au profit des pays visés, elle n'a pu le faire qu'en vendant à des prix inférieurs à ceux des produits sous-évalués sur le marché. Le Tribunal considère que le déclin continu du prix unitaire des tôles importées de la plupart des pays visés a exercé de fortes pressions à la baisse sur les prix des aciéries nationales, en particulier dans le cas d'Algoma et de Stelco.

La plupart des tôles d'acier au carbone vendues au Canada sont des tôles d'acier de construction. En 1992, ce type d'acier représentait plus de 80 p. 100 de l'acier vendu au Canada. Sur cet important segment du marché, les trois producteurs nationaux sont les principaux fournisseurs. Pendant la période examinée, l'industrie a vu sa part des tôles ordinaires, qui sont pour la plupart des tôles d'acier de construction, baisser, pour passer d'environ 80 p. 100 en 1989 à 68 p. 100 en 1991, et remonter pour culminer à un peu plus de 82 p. 100 en 1992 [11] .

Pendant les quatre ans de la période examinée, le prix de vente moyen des tôles d'acier au carbone ordinaires importées de tous les pays nommés, y compris les États-Unis, a baissé en moyenne de 14 p. 100. Ce chiffre se compare à la baisse de 22 p. 100 du prix des tôles ordinaires importées des pays autres que les États-Unis. Le prix des tôles importées depuis les États-Unis, d'un autre côté, n'a baissé que d'environ 4 p. 100.

Au fur et à mesure que la demande se détériorait et que les prix baissaient, les résultats financiers de l'industrie se sont aggravés, passant d'un bénéfice net de 17 p. 100 sur des ventes de 234 millions de dollars en 1989, à une perte nette de 11 p. 100 sur des ventes de 144 millions de dollars en 1992. Une partie de ces pertes doit être attribuée à la faiblesse de la demande sur le marché et à la concurrence qui en a découlé entre les aciéries nationales pour la part du marché. Les arrêts de la production à Algoma et Stelco ont eu aussi un effet négatif sur la part du marché de l'industrie canadienne à la fin de 1990 et au début de 1991. Quoi qu'il en soit, le fait que le recul sévère de la part du marché de l'industrie se soit poursuivi tout au long de 1991, même après que les effets de ces arrêts de la production aient cessé de se faire sentir, s'explique par la présence continue d'importations en question sous-évaluées ou à bas prix provenant d'outre-mer. Quoique l'industrie nationale ait récupéré sa part du marché en 1992 grâce à des politiques agressives en matière d'établissement des prix, ce ne fut qu'aux dépens de pertes financières plus importantes encore.

Analyse des importations américaines

Au fur et à mesure que les délibérations du Tribunal avançaient, il est devenu clair pour une majorité du Tribunal que les circonstances entourant les importations depuis les États-Unis étaient sensiblement différentes de celles entourant les importations depuis les autres pays visés. Ces différences ont convaincu le Tribunal que, pour les besoins de la présente cause, les éléments de preuve les concernant doivent être examinés entièrement, et que le préjudice éventuel causé par les États-Unis doit, s'il y a lieu, être considéré séparément du préjudice causé par d'autres sources.

Le Tribunal tient à souligner qu'en procédant ainsi, il n'a pas interprété le paragraphe 43(1.1) de la LMSI, qui exige que le Tribunal rende des conclusions distinctes à l'égard des États-Unis, comme signifiant qu'il faut faire un examen distinct des marchandises originaires des États-Unis dans les cas où la catégorie de marchandises définie par le Sous-ministre comprend les marchandises depuis les États-Unis et d'autres pays. Le Tribunal réaffirme donc ses déclarations dans la cause des Moteurs à induction polyphasés [12] à ce sujet. Le Tribunal fait remarquer que si les éléments de preuve relatifs à tout autre pays exportateur nommé avaient clairement isolé celui-ci des autres, il aurait envisagé de faire également un examen distinct et de rendre des conclusions de préjudice à l'égard de ce pays.

Au fur et à mesure que l'enquête avançait, le Tribunal remarquait que les tendances des volumes et des prix des importations en question des États-Unis et des autres pays visés ne suivaient pas le même cours. Les importations américaines ont commencé à baisser en 1991, alors que celles des autres pays visés ont continué d'augmenter. Pendant ce temps, les prix des tôles importées depuis les États-Unis étaient à la hausse. Ils étaient déjà très supérieurs à ceux des tôles nationales ou à ceux de la plupart des tôles importées d'autres sources.

En 1989, les ventes des importations américaines se situaient à un peu moins de 13 000 tonnes nettes et représentaient 2,6 p. 100 du marché canadien des tôles au carbone. En 1990, leurs volumes ont presque quadruplé pour passer à un peu plus de 48 000 tonnes nettes, ou environ 11 p. 100 du marché national, alors que leurs prix moyens baissaient de 671 $ la tonne nette à 609 $ la tonne nette. En 1990, Bethlehem, USX, Lukens Steel Co. et Oregon Steel rendaient compte de plus de 85 p. 100 des importations depuis les États-Unis, dont près de la moitié étaient destinées à l'Ouest canadien. Une partie importante de ces importations consistaient en tôles de genres et de types qui étaient généralement fournies par les aciéries nationales et, dans une grande mesure, par les fournisseurs d'outre-mer alimentant l'Ouest canadien. Le Tribunal croit que la plus grande partie de l'augmentation des importations de tôles depuis les États-Unis a comblé un vide sur le marché canadien causé par les grèves prolongées subies par Algoma et Stelco et par les incertitudes sur le marché qui les ont précédées et suivies.

En 1991, les importations américaines sont devenues, en moyenne, un peu plus chères, passant à 619 $ la tonne nette. En même temps, elles perdaient plus de 2 points de pourcentage de part du marché, tombant de 22 p. 100 à 37 400 tonnes nettes. Les quatre principaux exportateurs américains ont continué de représenter plus de 60 p. 100 des importations depuis les États-Unis au Canada, mais la proportion de ces importations destinées à l'Ouest canadien a augmenté sensiblement.

En 1992, les importations américaines sont tombées à 20 000 tonnes nettes alors que leurs prix moyens montaient à 629 $ la tonne nette. De pair avec cette chute marquée de volume, les États-Unis ont perdu 3,5 autres points de pourcentage de part du marché, pour un total de 5 p. 100 de la demande totale du marché pour l'année. Cependant, au quatrième trimestre de 1992, ils occupaient moins de 4 p. 100 du marché, après avoir baissé régulièrement pendant cinq trimestres consécutifs. Les importations à la baisse depuis les quatre grandes aciéries américaines représentaient alors environ 40 p. 100 du total des importations américaines. Tandis que les exportations américaines baissaient, les exportations globales de ces quatre sociétés baissaient de même jusqu'à un niveau équivalent à environ 20 p. 100 de leur volume de 1990. La baisse des importations américaines était particulièrement notable dans l'Ouest canadien, où Oregon Steel soutenait directement la concurrence des prix sensiblement inférieurs et de la gamme de produits élargis d'IPSCO. Les 60 p. 100 restant d'exportations américaines ont été expédiées au Canada depuis plus de 35 sources, vers un grand nombre d'importateurs, dont la plupart étaient des centres de distribution d'acier semi-ouvré, des transformateurs et des utilisateurs finals.

Le Tribunal reconnaît que la part américaine du marché canadien était légèrement plus grande en 1992 qu'en 1989. Ce fait peut être partiellement expliqué par l'intégration croissante du marché nord-américain de l'acier en raison des réductions tarifaires effectuées dans le cadre de l'ALÉ et des liens d'affaire qui se sont développés lorsque les deux principales aciéries canadiennes n'approvisionnaient pas le marché au cours de la deuxième moitié de 1990. Le Tribunal remarque également que l'augmentation de la part américaine du marché canadien correspond, en partie, à une perte de la part du marché des pays exportateurs non visés par la décision définitive de dumping du Sous-ministre.

Compte tenu des renseignements fournis dans l'Énoncé des motifs accompagnant la décision définitive de dumping du Sous-ministre, quelque 70 parties ont été classées comme importateurs de marchandises en question depuis les États-Unis pendant la période d'enquête allant de janvier à juin 1992. Il y a un nombre relativement élevé de vendeurs et d'acheteurs dans le commerce des tôles d'acier entre les États-Unis et le Canada, comparativement à la situation qui existe entre les autres pays exportateurs visés. Ceci laisse penser que la plupart des importations en provenance des États-Unis actuelles satisfont une demande canadienne précise consistant en petits lots de tôles de dimensions et de prescriptions particulières. Cette conclusion est étayée par les réponses qu'ont données les importateurs au questionnaire du Tribunal, et par les témoignages entendus à l'audience. Bethlehem et USX ont déposé des éléments de preuve quant au fait qu'elles sont des entreprises qui se positionnent sur un créneau spécialisé sur le marché canadien. Qui plus est, un grand distributeur canadien d'acier semi-ouvré a déposé des éléments de preuve quant au fait que ses importations depuis les États-Unis sont très précises et visent des clients particuliers. Il semble qu'une bonne partie des importations de tôles depuis les États-Unis concernent des quantités relativement petites, ayant des caractéristiques physiques et chimiques particulières, et qui sont rapidement disponibles. Les prix relativement élevés des tôles américaines étayent également la conclusion selon laquelle les exportateurs américains répondent à des besoins spéciaux et qu'ils ont pu pour cette raison, plutôt qu'en raison du prix, s'emparer d'une part de marché à plus long terme. Le Tribunal considère que la demande visant la plupart des importations de tôles depuis les États-Unis découle de la demande des transformateurs et des utilisateurs finals visant des produits finals, et est donc beaucoup plus étroitement liée aux conditions économiques qu'à des considérations relatives aux prix.

À cet égard, le Tribunal remarque que les marges de dumping moyennes constatées par le Sous-ministre à l'égard des importations américaines étaient, pour la plus grande part, sensiblement inférieures à celles qui ont été constatées à l'égard des importations depuis d'autres sources. Pour les exportateurs autres que les six aciéries désignées, les droits antidumping exigiblent en cas de conclusions positives ont été fixés par le Sous-ministre à 11,5 p. 100 du prix d'exportation. De l'avis du Tribunal, ceci ne dissuaderait pas les acheteurs des types et des dimensions de tôles qui ne sont pas disponibles auprès des sources nationales, de continuer à s'approvisionner aux États-Unis. Le Tribunal estime que les exportations de tôles d'acier au carbone américaines entrant au Canada dans les conditions et aux niveaux de prix indiqués, sont nécessaires pour répondre à une demande stable et de type presque structurel que les aciéries nationales ne peuvent satisfaire.

Pour ce qui est du préjudice futur, le Tribunal, tout en reconnaissant l'existence de la surcapacité de production des aciéries américaines, ne voit aucun élément de preuve au dossier qui laisse penser que les exportateurs de tôles américains sont susceptibles de se comporter de façon à porter préjudice au marché canadien des tôles au carbone. Le Tribunal constate que les prix à quai moyens des tôles importées de fournisseurs d'outre-mer sont inférieurs aux prix départ usine des producteurs canadiens, et que l'addition de droits antidumping rendrait ces tôles non concurrentielles. D'un autre côté, les prix des tôles américaines ont été très supérieurs à ceux des prix départ usine canadiens. Les tôles américaines sont généralement achetées pour des raisons autres que le prix. Pour cette raison, l'addition de droits antidumping à des marges de dumping déjà faibles aurait peu d'effet sur la demande de ces produits. Le Tribunal remarque qu'en plus des éléments de preuve relatifs au schéma touchant l'établissement des prix et les volumes d'importations, il n'y a pas d'éléments de preuve convaincants quant à l'existence d'excédents de stocks de nature à conduire le Tribunal à conclure que le dumping préjudiciable depuis les États-Unis est susceptible de se produire dans un avenir rapproché. En outre, le Tribunal a entendu des éléments de preuve selon lesquels le marché américain des tôles commençait à se raffermir avec la reprise économique aux États-Unis.

Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les importations sous-évaluées des marchandises en question depuis les États-Unis n'ont pas causé, ne causent pas et ne sont pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. En plus des présentes observations préliminaires sur cette question, le Tribunal est d'avis qu'il est conforme à l'esprit du Code d'examiner séparément un pays donné lorsqu'il est clairement évident que les circonstances sont telles qu'un examen distinct s'impose.

Analyse des autres importations en question

Le schéma de comportement des importations depuis les pays autres que les États-Unis nommés par Revenu Canada a paru assez différent, pendant la période examinée, de celui des importations américaines, notamment en ce qui a trait aux volumes et aux prix. En 1989, ces pays détenaient environ 15 p. 100 du marché. En 1990, tous les pays, à l'exception de la Roumanie, ont augmenté leurs envois vers le Canada et gagné près de 5 points de pourcentage de part du marché. Tout particulièrement pertinent, de l'avis du Tribunal, est le fait qu'au cours de la période où les volumes de tôles importées de tous les pays visés augmentaient, les prix des importations de ces autres pays baissaient. Le prix de vente moyen des tôles ordinaires provenant de ces pays a baissé de 21 p. 100, pour passer de 575 $ la tonne nette en 1989 à 455 $ la tonne nette en 1992.

Pendant la période d'enquête, les importations depuis ces pays, à l'exception de l'Allemagne, qui fournissait de grandes quantités de tôles pour appareils sous pression, consistaient essentiellement en tôles d'acier de construction 44W, qui étaient en concurrence directe avec les articles produits en volumes plus importants par chacun des trois producteurs nationaux.

Le Tribunal ne doute pas qu'une bonne partie de l'accroissement des importations depuis toutes les sources nommées en 1990 a servi à combler la lacune causée par les grèves à Algoma et Stelco. Cependant, ce qui, pour le Tribunal, est plus significatif, c'est la tendance des importations après 1990, lorsque les grèves ont pris fin.

En 1991, les importations depuis les pays visés d'outre-mer ont continué à augmenter, leur part du marché passant à près de 26 p. 100. Cette augmentation s'est faite aux dépens des ventes des tôles nationales aussi bien que des tôles importées depuis les États-Unis. Alors que les prix ont continué de baisser sur le marché national, le prix des tôles canadiennes a diminué considérablement mais est resté à un niveau quelque peu supérieur au prix moyen de ce produit importé.

Le Tribunal a reçu des éléments de preuve considérables concernant les tendances des prix, par l'intermédiaire des témoignages entendus lors de l'audience et du questionnaire sur les prix remis par le Tribunal. Les éléments de preuve concernant les habitudes d'achat des deux grands distributeurs canadiens d'acier semi-ouvré ont montré que, dans l'ensemble, c'est sur la base du prix des tôles d'outre-mer, qui a généralement baissé au cours des dernières années, que ces sociétés ont négocié les prix des tôles avec les aciéries nationales. Un agent de l'un de ces grands distributeurs d'acier semi-ouvré a expliqué au Tribunal que sa société avait pour coutume de négocier tous les trimestres avec les aciéries nationales pour déterminer le prix en contrepartie duquel l'aciérie désignée approvisionnerait sa société pendant le trimestre suivant. Il a indiqué qu'il s'est toujours servi du prix offert pour les tôles d'outre-mer pour le dernier trimestre comme niveau de prix général qu'il tenterait d'obtenir des aciéries nationales concernées. Les données relatives à l'établissement des prix fournies par les grands distributeurs d'acier semi-ouvré ont corroboré en général ce témoignage.

Lors de l'audience, les fournisseurs d'outre-mer étaient présentés dans les témoignages des producteurs et distributeurs canadiens comme la force motrice sous-jacente à la baisse des prix sur le marché canadien. Les deux parties ont témoigné d'abondance au sujet des répercussions des ventes à quai de quantités relativement importantes de marchandises en question, importées de divers pays visés, de façon irrégulière, et à des prix très bas. De l'avis du Tribunal, dans l'ensemble, ces importations étaient suffisantes pour exercer une pression à la baisse constante sur les prix nationaux.

Cette conclusion est étayée par une observation d'une étude de PaineWebber quant au fait que les prix de l'acier en Europe de l'Ouest étaient tombés à des niveaux très bas en raison de l'absence de demande, de la surcapacité et de la concurrence par les prix de la part des aciéries de l'Europe de l'Est et des Aciéries CIS, qui offrent régulièrement de l'acier à prix réduit sur le marché d'exportation mondial. Les auteurs du rapport notent en outre que ceci est particulièrement vrai dans le cas des brames, des produits longs et des tôles. Ils déclarent que les offres des aciéristes de l'Europe de l'Est et de la CIS sont un facteur de la baisse des prix sur la frontière franco-allemande ainsi que sur le marché mondial de l'acier. Ce qui est particulièrement intéressant dans l'étude de PaineWebber est la conclusion selon laquelle les prix au comptant des tôles d'acier au carbone à l'échelle internationale ont démontré que les prix canadiens des tôles ont chuté beaucoup plus rapidement que les prix à l'échelle internationale, spécialement en 1991 et en 1992.

Selon le Tribunal, à la suite de la pression à la baisse constante exercée sur les prix par les importations en question, les aciéries nationales n'avaient pas d'autres choix que de s'aligner sur ces prix ou de risquer de faire des pertes encore plus importantes de part du marché, avec pour retombée des pertes financières supplémentaires dues au manque d'alimentation des usines. Cette conclusion est corroborée par les éléments de preuve montrant l'effet perturbateur des importants envois des tôles de nuances de base en provenance d'exportateurs d'outre-mer, dont certaines sont vendues à quai. Sur le marché fragile qui est celui des tôles depuis ces dernières années, les envois de ce genre peuvent régir le marché.

En 1992, ces importations en question d'outre-mer ont baissé en termes absolus aussi bien que relatifs. Leurs prix moyens ont continué à glisser, bien qu'ils aient été en réalité rattrapés, en moyenne, par la baisse des prix nationaux. Le Tribunal estime que les aciéries nationales ont décidé de prendre les choses en main en matière de prix en 1992 dans une tentative désespérée de récupérer leur part du marché et de réduire leurs coûts de production moyens. En conséquence de cette sévère concurrence pour la part du marché, les résultats financiers de l'industrie se sont détériorés pendant la période, tombant régulièrement d'une position de bénéfice, en 1989, à une position de pertes importantes, en 1992.

En résumé, le Tribunal conclut à l'existence d'une baisse importante des résultats financiers de l'industrie nationale et à l'existence de l'érosion des prix sur le marché en 1991 et en 1992. L'érosion des prix était la cause, dans une grande mesure, de ce déclin financier qui s'est accéléré même lorsque l'industrie nationale a baissé ses prix pour préserver sa part du marché. Le Tribunal conclut que l'ampleur de ce préjudice est telle que l'industrie nationale a subi un préjudice sensible qui lui est toujours causé.

Causalité

Le Tribunal doit ensuite examiner s'il existe un lien de causalité entre le préjudice sensible subi par les producteurs nationaux de marchandises similaires et les importations sous-évaluées.

Le Tribunal est convaincu qu'il y a une corrélation directe entre le préjudice subi par l'industrie nationale et le dumping des marchandises en question depuis les pays visés autres que les États-Unis. Ce préjudice s'est manifesté principalement sous forme d'érosion des prix en 1991 et en 1992, avec des pertes financières importantes subies en conséquence par l'industrie dans sa tentative de soutenir la concurrence des importations sous-évaluées à bas prix pour récupérer et préserver sa part du marché. Le Tribunal considère que les très fortes baisses des prix sur le marché canadien auxquelles l'industrie nationale a dû faire face pendant ces années sont imputables aux importations à bas prix depuis ces autres pays. La présence continue de ces importations sous-évaluées et à bas prix a contribué à prévenir la reprise des prix nationaux et l'amélioration des résultats financiers de l'industrie nationale.

Les éléments de preuve montrent que les tôles d'acier de construction, en général, et les tôles 44W, en particulier, sont un produit de base dans le commerce. Une fois qu'un niveau de prix a été établi pour ces produits, les transactions ont lieu à ce prix. Le Tribunal a entendu des attestations constantes de la part de témoins de distributeurs d'acier semi-ouvré de l'est aussi bien que de l'ouest du Canada quant au fait que les prix étaient établis en fonction de diverses offres d'outre-mer. Ces témoignages incluaient également des éléments de preuve quant au fait que les autres fournisseurs avaient dû aussi s'aligner sur ces prix s'ils voulaient vendre sur le marché canadien.

Cette conclusion est renforcée par des renseignements qui se trouvent dans l'analyse des prix effectuée par le personnel du Tribunal. Il ressort des éléments de preuve contenus dans cette étude, corroborés par le témoignage des représentants des principaux distributeurs d'acier semi-ouvré, que la baisse des prix des offres nationales avait tendance à suivre la baisse de celles des importations. De plus, les données montrent que cet effet de «saute-mouton» était exacerbé par des flux irréguliers d'importations, souvent en grandes quantités, depuis un certain nombre de sources différentes. Par exemple, au cours du dernier trimestre de 1991, les ventes d'importations sous-évaluées de tôles ordinaires en provenance de la Belgique étaient de 11 607 tonnes nettes. Cette quantité représente environ 33 p. 100 des ventes d'importations en question ou près de 12 p. 100 du total du marché des tôles, au cours de ce trimestre, nonobstant le fait que les tôles ordinaires en provenance de la Belgique représentaient seulement 3,4 p. 100 des importations en question en 1991. Le prix moyen par tonne nette de ces importations sous-évaluées était de 442 $, par rapport à un prix moyen national de 491 $ la tonne nette. Au cours du premier trimestre de 1992, les importations sous-évaluées depuis le Brésil étaient de 9 252 tonnes nettes. Cette quantité représente à peu près 40 p. 100 des ventes d'importations en question ou 9 p. 100 du marché total des tôles, au cours de ce trimestre, nonobstant le fait que les tôles ordinaires en provenance du Brésil ne représentaient que 4 p. 100 des importations en question en 1992. Le prix moyen par tonne nette de ces importations sous-évaluées était de 460 $, par rapport à un prix national moyen de 467 $ la tonne nette. Enfin, les données relatives à l'établissement des prix qui figurent dans l'étude de PaineWebber précédemment citée corroborent également les conclusions rendues par le Tribunal, puisqu'elles montrent qu'en une période où les prix des marchés internationaux comparables de tôles d'acier étaient bas, les prix au Canada ont baissé plus rapidement que sur ces autres marchés.

Le Tribunal fait remarquer que dans sa décision définitive, le Sous-ministre a conclu qu'à l'exception seulement de deux des importateurs nommés, presque 100 p. 100 des importations en question depuis les pays autres que les États-Unis étaient sous-évaluées selon des marges moyennes pondérées comprises entre 23 et 53 p. 100 [13] . Le Tribunal est convaincu que sur un marché de produits de base comme les tôles d'acier, l'existence de marges en pourcentages de cette ampleur a érodé les prix sur le marché canadien des marchandises en question et a ainsi contribué au préjudice sensible subi par l'industrie nationale. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le dumping des importations en question a causé et cause un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal a examiné soigneusement l'argument selon lequel l'industrie nationale s'est infligée elle-même le préjudice qu'elle a subi, du fait de ses propres stratégies d'établissement des prix. Le Tribunal est convaincu qu'au moment où les aciéries nationales ont pris les choses en main en matière de prix, en 1992, ce fut pour essayer de récupérer leur part du marché face à la présence continue d'importations à bas prix et sous-évaluées.

Pour ce qui est de l'avenir, le Tribunal est d'avis que si des droits antidumping ne sont pas imposés, les pays visés, autres que les États-Unis, continueront le dumping. Le Tribunal constate qu'il s'agit en l'espèce de la deuxième enquête sur le dumping préjudiciable de tôles d'acier au carbone concernant ces pays visés, autres que le Danemark et l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Comme il a été mentionné antérieurement, les conclusions de préjudice de 1983 ont été annulées en 1990. Toutefois, moins de trois ans après cette décision, le dumping depuis ces pays a repris selon des marges importantes. Ce fait laisse clairement penser au Tribunal qu'en l'absence de conclusions de préjudice, le dumping constaté par le Sous-ministre est susceptible de continuer dans un avenir rapproché.

En outre, comme cela a été précisé ci-dessus, la façon dont beaucoup de ces pays ont vendu et continuent de vendre sur le marché canadien a un effet déstabilisateur immédiat sur l'établissement des prix sur ce marché. Cette tendance est aggravée par le maintien de la surcapacité de l'industrie mondiale de l'acier, qui, comme l'étude de PaineWebber le montre, ne semble nullement devoir cesser. Selon le Tribunal, si des droits antidumping ne sont pas imposés, ces pratiques continueront d'être exercées et leur pression à la baisse sur les prix restera un aspect dominant du marché canadien des tôles d'acier. Le Tribunal conclut donc que le dumping des importations en question est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Demandes d'exclusions

Tel qu'il est indiqué ci-dessus, les avocats et les procureurs des importateurs et des exportateurs ont fait des demandes d'exclusions fondées sur les spécifications des produits, les producteurs, les pays et certaines ententes conclues entre certains utilisateurs finals et l'industrie nationale. À cet égard, le Tribunal fait remarquer qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire qui a été reconnu, dans le passé, par les tribunaux [14] . De plus, le groupe spécial binational formé en vertu de l'article 1904 de l'ALÉ a réaffirmé l'existence de ce pouvoir discrétionnaire dans sa décision rendue dans la cause de Certains moteurs à induction intégrale sous-évalués [15] . Le Tribunal a déjà fait savoir qu'il n'accordera d'exclusions que dans les cas où le bien-fondé de l'exclusion aura été établi. Le Tribunal est convaincu qu'en l'espèce, le bien-fondé de cette mesure a été établi sous trois rapports.

Premièrement, pour ce qui est de la question de la disponibilité des tôles fortes auprès des producteurs nationaux, le Tribunal a trouvé le témoignage des membres de l'industrie eux-mêmes particulièrement utile. Quoique la technique de la coulée en lingotières utilisée par l'industrie permette de fabriquer des tôles d'acier au carbone d'une épaisseur de 4 po, les éléments de preuve versés au dossier ont montré que les tôles les plus fortes fabriquées par toute aciérie nationale ont «habituellement» 3 1/8 po d'épaisseur. La raison semble en être les frais liés à la fabrication de tôles fortes. Les témoins de l'industrie nationale ont expliqué que pour laminer des brames plus grandes que la moyenne, il faudrait modifier un certain nombre de paramètres de la chaîne de laminage afin que celle-ci puisse recevoir ces brames. Il est clair pour le Tribunal que les frais supplémentaires liés à cette opération rendraient le laminage de ce genre de tôles très coûteux. Compte tenu du caractère limité de la demande de tôles fortes, des éléments de preuve montrant que ce genre de tôles n'est pas vendu habituellement par les producteurs nationaux, et de l'existence de soumissions précises pour ces tôles pour lesquelles l'industrie nationale s'est abstenue de faire des offres, le Tribunal est d'avis que les tôles d'épaisseur supérieure à 3,125 po ne sont pas facilement disponibles auprès des producteurs nationaux et devraient donc être exclues des conclusions.

Le Tribunal se penche ensuite sur les éléments de preuve concernant les deux prescriptions dans la catégorie de marchandises définies par le Sous-ministre, qui sont les tôles pour appareils sous pression, c'est-à-dire les tôles fabriquées selon les exigences des méthodes d'essai A515 et A516M/A516 de l'ASTM, nuance 70. Il ressort clairement des éléments de preuve qu'Algoma et Stelco sont les seuls producteurs nationaux de tôles répondant à ces prescriptions. Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve montrent également que ni l'une ni l'autre de ces sociétés ne fait concurrence sur la section du marché occupée par les produits à haute valeur ajoutée pour lesquels des limites relatives aux compositions chimiques et des essais spécialisés sont exigés par les utilisateurs finals qui les achètent. En d'autres termes, le Tribunal est convaincu que la plupart des tôles pour appareils sous pression en question qui entrent au Canada répondent à une demande pour un produit spécialisé de valeur supérieure que l'industrie nationale ne fabrique pas. En outre, le Tribunal est d'avis que cette exclusion aidera les transformateurs et les utilisateurs finals nationaux à rester concurrentiels sur le marché de plus en plus ouvert des produits comme les appareils sous pression sans nuire à l'industrie nationale, comme le montre l'accord qu'ils ont donné à l'exclusion de certains produits intéressant des utilisateurs finals précis, sur lequel le Tribunal se penche maintenant.

Enfin, le Tribunal trouve convaincants les éléments de preuve relatifs aux deux ententes d'exclusions conclues après discussion entre les avocats de l'industrie nationale et le procureur de l'APVMA et l'avocat de la HMDC. Conformément à la pratique adoptée antérieurement par le Tribunal en ce qui a trait aux ententes de ce genre, le Tribunal ne peut donner suite à ces ententes que si elles sont appuyées par des éléments de preuve incontestables versés au dossier. À cet égard, le Tribunal constate que les deux utilisateurs finals en cause ont déposé des documents qui indiquent que les produits désignés dans les ententes ne sont pas disponibles auprès des producteurs nationaux. Ces documents n'ont pas été contestés par l'industrie nationale. De plus, le Tribunal fait remarquer que, pour l'essentiel, les produits en cause sont des types de tôles pour appareils sous pression visés par les exclusions antérieures qui ont été accordées.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut, pour les raisons indiquées ci-dessus, que le dumping au Canada de tôles d'acier au carbone laminées à chaud et de tôles d'acier allié résistant à faible teneur, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à chaud, originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, sauf :

(i) les tôles en question d'épaisseur supérieure à 3,125 po (79,375 mm);

(ii) les tôles en question fabriquées selon les exigences des méthodes d'essai A515 et A516M/A516 de l'ASTM, nuance 70, de toute épaisseur. Plus précisément, cette exclusion s'applique aux tôles fabriquées selon les exigences de la méthode d'essai A516 de l'ASTM qui satisfont à l'une ou à plusieurs des prescriptions suivantes :

- les tôles qui doivent répondre à la norme TM 0284/87 de la NACE, la solution prescrite dans la norme TM 01-77/86 étant utilisée selon les teneurs suivantes : CLR 10 % ou moins, CTR 5 % ou moins et CSR 2 % ou moins;

- les tôles d'épaisseur supérieure à 2,5 po qui doivent satisfaire aux exigences de l'essai de résilience dans le sens transversal à -50 °F conformément à la méthode d'essai A370 de l'ASTM et présenter une énergie moyenne minimale de choc absorbée de 25 lb-pi et de 20 lb-pi pour les éprouvettes individuelles;

- les tôles d'épaisseur supérieure à 2,5 po qui doivent satisfaire aux exigences de contrôle par ultrasons de la norme SA-577 ou SA-578, ou les deux, de l'ASTM/ASME;

- les tôles qui doivent satisfaire à l'une des exigences de carbone équivalent suivantes qui sont prescrites dans la norme SA-20 de l'ASME :

a) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,40 pour les tôles d'épaisseur égale ou inférieure à 1,5 po;

b) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,42 pour les tôles d'épaisseur supérieure à 1,5 po;

c) équivalent de carbone égal ou inférieur à 0,42, les teneurs maximales en hydrogène et en oxygène étant respectivement de 2 parties par million et de 10 parties par million, pour les tôles d'épaisseur égale ou inférieure à 1,5 po;

- les tôles de largeur égale ou supérieure à 112 po et d'un poids total supérieur à 25 000 lb;

(iii) les tôles en question suivantes fournies à la société Hibernia Management and Development Company Ltd. (HMDC) ou achetées par cette dernière pour construire des installations en mer qui font partie du projet Hibernia :

- les tôles de type IP, IIP et VP fabriquées par la société Dillinger Hüttenwerke conformément aux exigences prescrites dans le document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0 en date du 23 septembre 1991 et publié par la HMDC;

- les tôles fabriquées par la société Fabrique de Fer de Charleroi constituées de 887,09 tonnes métriques d'acier de type II et de 1 026,74 tonnes métriques d'acier de type X et conformes aux prescriptions du document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0, en date du 23 septembre 1991, et du document no CM-E-V-S-MOO-GS-036.0, en date du 23 septembre 1991, et publiés par la HMDC;

- les tôles constituées de l'acier de type II destinées à être utilisées pour construire le module M20 et l'équipement mécanique GBS ainsi que les tours de forage, fabriquées par l'un des producteurs susnommés, conformément au document no CM-E-V-S-MOO-GS-030.0 précité.

Conformément au paragraphe 43(1.1) de la LMSI, en ce qui a trait aux marchandises susmentionnées en provenance des États-Unis, le Tribunal conclut, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dumping au Canada des marchandises originaires ou exportées des États-Unis n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires (dissidence en partie du membre Fraleigh).

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE FRALEIGH

Je suis d'accord avec mes collègues sur les aspects des conclusions et des motifs qui touchent les pays autres que les États-Unis nommés dans la décision provisoire de dumping. Cependant, ce que je comprends des éléments de preuve et de la façon dont ceux-ci doivent être analysés m'interdit de partager leur conclusion selon laquelle le dumping des marchandises en question originaires ou exportées des États-Unis n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Dans le cas des États-Unis, je crois que mes collègues et moi différons d'opinion sur deux points. Premièrement, je n'aurais pas considéré les éléments de preuve concernant les États-Unis avant de prendre une décision sur le préjudice sensible causé à la production nationale par les importations sous-évaluées considérées «en bloc». Deuxièmement, je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve concernant les États-Unis conduisent à la conclusion à laquelle en sont venus mes collègues, pour les raisons indiquées ci-dessous.

Conformément à la pratique adoptée dans le passé par le Tribunal, j'ai commencé mes délibérations en considérant les importations sous-évaluées «en bloc» et en analysant leur effet cumulatif sur la production nationale. Comme l'a noté le Tribunal dans la cause des Moteurs à induction polyphasés, les enquêtes de dumping ont «d'abord et avant tout porté sur le dumping d'une certaine catégorie de marchandises, quelle qu'en soit l'origine [16] ». Pour les raisons données dans le corps de notre exposé des motifs, j'étais convaincu que l'industrie nationale avait subi un préjudice, que ce préjudice était sensible et que le dumping depuis les pays en question était une cause de ce préjudice sensible. Je crois que ce n'est qu'après avoir atteint cette étape de nos délibérations que nous aurions dû considérer s'il y avait des circonstances touchant un pays, une société ou un produit particulier qui nous autoriseraient à envisager d'exercer ou non notre pouvoir discrétionnaire et d'accorder des exclusions. Cette approche, là encore, est conforme aux observations faites par le Tribunal dans la cause des Moteurs à induction polyphasés, où il déclare que l'application du principe du cumul

ne signifie toutefois pas que le Tribunal rendra toujours une décision de préjudice contre tous les pays désignés. Les importations de certains pays pourraient être exclues pour des raisons particulières. Cependant, de telles exclusions, s'il en est, ne pourront être envisagées qu'après analyse de l'effet cumulatif du dumping des marchandises provenant de tous les pays en question [17] .

Il est arrivé, dans des causes antérieures, que des pays aient été exclus de conclusions, même s'il avait été constaté qu'ils pratiquaient le dumping. À mon avis, ces exclusions n'ont été accordées que lorsque le volume des importations concernées avait été considéré minimal ou que la marge de dumping et le pourcentage des marchandises sous-évaluées étaient faibles ou minimaux. De toute évidence, tel n'est pas le cas ici, les États-Unis étant de loin le plus gros exportateur de marchandises en question au Canada. De plus, il a été constaté que les importations en question depuis les États-Unis étaient sous-évaluées dans des proportions importantes, et, par conséquent, jouaient un grand rôle dans l'affaire qui nous est soumise.

Après avoir déterminé que le dumping des importations en question depuis tous les pays nommés a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, je me serais alors penché sur les éléments de preuve qui pourraient être pertinents quant à la question des exclusions. À mon avis, pour être juste envers tous les pays nommés, nous devrions d'abord considérer les exclusions de produits. Tel que je l'ai déjà indiqué, je suis d'accord avec les exclusions que nous avons accordées dans le corps des motifs de la décision. De plus, je suis convaincu que ces exclusions suffiraient à corriger la plupart des différences observables dans les renseignements sur les prix des États-Unis et des autres pays visés. Plus précisément, les éléments de preuve montrent à mon avis qu'une partie importante des importations en question depuis les États-Unis étaient des marchandises à prix plus élevé d'une épaisseur supérieure à 3,125 po.


1. Le 5 avril 1993, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a mis fin à la partie de l'enquête portant sur les marchandises en question originaires ou exportées de la République slovaque.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15.

3. Le 5 avril 1993, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a mis fin à la partie de l'enquête portant sur les marchandises en question originaires ou exportées de la République slovaque.

4. Quoique les brames puissent être faites à partir de lingots, la méthode de la coulée continue est la plus moderne des deux. Elle permet également de faire des économies qui ne peuvent être réalisées avec la méthode de la coulée en lingotières. Les aciéries canadiennes emploient maintenant la technique de coulée continue pour produire leurs brames.

5. Selon l'industrie, aucune des prescriptions indiquées dans la définition du produit ne s'applique aux bandes.

6. L'essai de fissuration à l'hydrogène sert à déterminer la mesure dans laquelle l'acier destiné aux appareils sous pression est susceptible de se fissurer dans un milieu marqué par l'hydrogène. Cet essai est particulièrement utilisé dans les raffineries pétrochimiques, où la charge d'alimentation a une forte teneur en acide sulfhydrique.

7. DORS/84-927, le 22 novembre 1984, Gazette du Canada Partie II, vol. 118, no 25 à la p. 4286.

8. Désignent les ventes des importations directement à partir du quai de débarquement qui ne sont généralement pas destinées à la vente avant l'importation.

9. Recueil des traités du Canada, 1989, no 3 (R.T.C.), signé le 2 janvier 1988.

10. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

11. Une partie des tôles ordinaires sont employées dans les appareils sous pression, représentant environ 7 p. 100 du marché total.

12. Moteurs à induction polyphasés originaires ou exportés du Brésil, de France, du Japon, de Suède, de Taiwan, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, enquête no CIT-5-88, le 28 avril 1989.

13. Le Tribunal constate que les deux exceptions, Dillinger et Charleroi, sont des exportateurs de tôles spécialisées, lesquelles sont pour la plupart exclues des conclusions de préjudice.

14. Hitachi Limited c. Le Tribunal antidumping, [1979] 1 R.C.S. 93; Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-1806-83, le 27 juin 1985.

15. Groupe spécial binational formé en vertu de l'article 1904, décision datée du 11 septembre 1991, dans la cause de Certains moteurs à induction intégrale sous-évalués, d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, avec exceptions, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique.

16. Supra, note 11 à la p. 12.

17. Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 16 juillet 1997