CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON

Enquêtes (article 42)


CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ITALIE ET PRODUITES PAR OU AU NOM DE SILCA S.p.A. DE L'ITALIE, DE SES SUCCESSEURS ET SES CESSIONNAIRES
No de l'enquête : NQ-89-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 13 octobre 1989

No de l'enquête : NQ-89-002

EU ÉGARD À une enquête effectuée en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation au sujet des :

CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ITALIE ET PRODUITES PAR OU AU NOM DE SILCA S.p.A. DE L'ITALIE, DE SES SUCCESSEURS ET SES CESSIONNAIRES

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions du paragraphe 42(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 15 juin 1989 et d'une décision définitive de dumping datée du 13 septembre 1989 faites par le sous-ministre du Revenu National, Douanes et Accise.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal conclut, par les présentes, que le dumping au Canada de clés brutes de remplacement en laiton originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca S.p.A. de l'Italie, de ses successeurs et ses cessionnaires, excluant les clés brutes de remplacement en laiton «Color Plus», a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Kathleen Macmillan
_________________________
Kathleen Macmillan
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera émis d'ici 15 jours.

Ottawa, le lundi 30 octobre 1989

Enquête no : NQ-89-002

CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ITALIE ET PRODUITES PAR OU AU NOM DE SILCA S.p.A. DE L'ITALIE, DE SES SUCCESSEURS ET SES CESSIONNAIRES

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Clés brutes de remplacement en laiton originaires ou exportées de l'Italie - La partie plaignante est le seul producteur canadien - La marge de dumping est de 45 p. 100 de la valeur normale - Déterminer si l'importation de clés brutes à des prix sous-évalués a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires ou si le préjudice est attribuable à une livraison tardive et à un service de mauvaise qualité - Déterminer si le préjudice sensible se manifeste sous forme de perte des ventes, de compression des prix, de baisse de la production et de réduction des bénéfices.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut que le dumping des marchandises en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires par Ilco au Canada. L'augmentation des importations des marchandises en question à des prix sous-évalués a fait perdre des ventes importantes et des profits à Ilco. Il est possible que ce préjudice se poursuive dans le futur par une compression des prix, une production réduite, une perte d'emplois ou une sous-utilisation accentuée de la capacité. Une exclusion est accordée pour les clés brutes «Color Plus» parce qu'il n'existe pas de produit comparable fabriqué au Canada.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : Le 18 septembre 1989
Date des conclusions : Le 13 octobre 1989
Date des motifs : Le 30 octobre 1989

Membres du jury : Arthur B. Trudeau, membre présidant
John C. Coleman, membre
Kathleen Macmillan, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy
Gestionnaire de la recherche : Douglas Cuffley
Agent de la recherche : John O'Neill
Préposé aux statistiques : Robert Larose
Avocat du Tribunal : Donna J. Mousley
Préposée à l'inscription
et à la distribution : Molly C. Hay

Ont comparu : Peter Clark et Chris Hines
pour Ilco Unican Inc., Montréal (Québec)
(partie plaignante)

Richard G. Dearden et John P. O'Toole
pour Silca S.p.A., Italie
(exportateur)

Milos Barutciski
pour Klassen Bronze Limited, New Hamburg
(Ontario)
(importateur)


Témoins : Aaron M. Fish, Président
Unican Security Systems Ltd.

Eddy Rosenberg, C.A., Vice-président,
Finance
Unican Security Systems Ltd.

Doug Straus, Chef de produits
Home Hardware Stores Limited

Massimo Bianchi, Directeur général
Silca S.p.A.

Stewart Scoble, Directeur général
Silca Key Services Limited

Connie Klassen, Vice-président
Things Engraved/National Key of Canada
Ltd.

Don O'Shea, Président
Mister Minit Canada Inc.

Larry Margets, Directeur général
House of Knives Limited

James A. Bridge, Président
Klassen Bronze Limited

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Au cours de la présente enquête, le Tribunal canadien du commerce extérieur doit déterminer si le dumping de clés brutes de remplacement en laiton de Silca S.p.A. (Silca) de l'Italie a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. L'enquête menée par Revenu Canada lui a permis de conclure que la marge de dumping des produits Silca entre janvier 1988 et mars 1989 était de l'ordre de 45 p. 100 de la valeur normale.

La partie plaignante, Ilco Unican Inc. (Ilco) de Montréal, est le seul fabricant de clés brutes de remplacement en laiton au Canada et elle produit environ la moitié des marchandises en question vendues au pays. Elle prétend que le préjudice sensible s'est manifesté sous forme de perte des ventes, de compression des prix, de baisse de la production et de réduction des bénéfices.

Le Tribunal voit un lien de causalité évident entre le dumping des clés brutes par Silca depuis le début de 1988 et le préjudice causé à la production canadienne. D'après le Tribunal, la perte de ventes d'Ilco au profit de Silca, représentant quelque trois millions de clés brutes par année, était surtout attribuable aux bas prix de Silca et non aux facteurs de livraison et de service comme le soutiennent l'exportateur et l'importateur. Le Tribunal remarque que les installations de service d'Ilco sont de beaucoup supérieures à celles de Silca, qui dessert le marché canadien à partir d'un bureau des ventes à Londres en Angleterre.

En déterminant si le préjudice était sensible, le Tribunal constate que, même après le début du dumping, Ilco a réussi à augmenter ses ventes dans l'ensemble et à maintenir et même à majorer ses prix et que les ventes perdues en raison des produits Silca ont été compensées en grande partie par une augmentation des ventes à d'autres clients. Néanmoins, le Tribunal conclut que le dumping a fait perdre des commandes à Ilco correspondant à environ 15 p. 100 de la production destinée au marché intérieur et que les pertes des bénéfices correspondantes sont sensiblement égales aux bénéfices annuels moyens des trois années précédentes pour les clés brutes vendues sur le marché intérieur. Le Tribunal considère donc que le préjudice passé et présent est sensible.

Selon le Tribunal, il est probable que le préjudice sensible se poursuivra. Les importations de Silca ont triplé en 1988 par rapport à la moyenne des trois années précédentes causant une augmentation des ventes ainsi que la création d'un important stock de marchandises sous-évaluées. Ce dernier facteur, combiné au fait que rien ne permet de croire que le dumping prendra fin, pourrait provoquer une nouvelle baisse des ventes et réduire davantage les bénéfices d'Ilco. Le préjudice pourrait aussi prendre d'autres formes, par exemple, la compression des prix, la perte d'emplois et une sous-utilisation accentuée de la capacité.

Le Tribunal n'inclut pas les clés «Color Plus» recouvertes d'un enduit plastique translucide de Silca dans les conclusions de préjudice passé, présent et futur, parce qu'il n'existe pas de produit directement comparable fabriqué au Canada.

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Suite à un avis d'ouverture d'enquête publié le 19 juin 1989, le Tribunal a mené une enquête en conformité avec le paragraphe 42(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la Loi) concernant les clés brutes de remplacement en laiton, originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca S.p.A. de l'Italie, ses successeurs et ses cessionnaires. L'enquête fait suite à la décision provisoire de dumping du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) en date du 15 juin 1989 et à la décision définitive de dumping du 13 septembre 1989.

Les avis de décision provisoire et de décision définitive de dumping ont été publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada du 1er juillet 1989 et du 23 septembre 1989 respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal a aussi paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 1er juillet 1989.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés au fabricant canadien et à certains importateurs des marchandises en cause, pour demander des renseignements sur la production, la situation financière, le marché et d'autres renseignements pour la période allant de janvier 1985 au 30 juin 1989. À partir des réponses obtenues et d'autres renseignements, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports, public et protégé, préalables à l'audience visant la période qui est la période d'examen aux fins de l'enquête. L'enquête du Sous-ministre portant sur le dumping visait les importations des marchandises en question entre le 1er janvier 1988 et le 31 mars 1989.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, incluant les réponses publiques et confidentielles aux questionnaires, tous les éléments de preuve présentés par les parties à l'audience, de même que la transcription des audiences. Les parties ont pu consulter tous les éléments de preuve publics, alors que seuls les avocats indépendants avaient accès aux données protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa à compter du 18 septembre 1989. Les participants, soit Ilco, la partie plaignante, Silca, l'exportateur cité, et Klassen Bronze Limited (Klassen), un grand importateur de produits Silca, étaient représentés à l'audience par des avocats. De plus, les avocats de Silca ont convoqué des témoins de National Key of Canada Ltd., de Mister Minit Canada Inc. (Mister Minit) et de House of Knives Limited.

Le Tribunal a aussi convoqué un témoin, soit un chef de produits de Home Hardware Stores Limited (Home Hardware), important distributeur des clés brutes en question, à témoigner sur la commercialisation et l'achat de clés brutes.

Le Tribunal a rendu ses conclusions le 13 octobre 1989 et le présent document constitue l'exposé des motifs des conclusions.

LE PRODUIT

Le Sous-ministre a défini, dans sa décision provisoire de dumping, le produit qui fait l'objet de l'enquête comme des clés brutes de remplacement en laiton, originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca S.p.A. de l'Italie, ses successeurs et ses cessionnaires.

Une clé brute de remplacement est un article qui sert à reproduire des clés. Les fabricants importants de clés brutes font des milliers de profils [1] différents qui correspondent à l'entrée de clés de serrure en particulier. Bien que les clés brutes puissent avoir différents numéros de modèle suivant le producteur, il existe des tableaux qui permettent d'assortir les clés d'un producteur, importées ou de fabrication nationale, à un besoin particulier ou aux caractéristiques d'une serrure complète donnée. Ainsi, les clés brutes de remplacement importées ou fabriquées au Canada sont facilement interchangeables dans la plupart des cas. Cependant, la plupart des producteurs fournissent une gamme de clés brutes à faible volume, parfois dites «irrégulières», qui peuvent être difficiles à obtenir chez plus d'un fournisseur parce qu'elles sont produites pour une serrure destinée à un marché précis ou parce que la demande de certaines clés brutes est insuffisante pour justifier la production par un deuxième fournisseur.

Au Canada, les clés brutes sont fabriquées en laiton, en argenton, en acier et en zinc coulé sous pression. Cependant, la vaste majorité des clés brutes vendues sur la marché de remplacement au Canada sont faites de laiton avec un fini nikelé. De plus, un grand nombre de profils de clés brutes de remplacement en laiton sont offerts avec une tête en caoutchouc ou en plastique, ou avec des têtes à codage de couleur pour faciliter l'identification des clés. La clé de couleur d'Ilco, «Unikis», est une clé colorée en deux pièces détachées qui peut être assemblée par un commis en magasin à l'aide d'un outil spécial; par ailleurs, la clé de couleur de Silca, «Color Plus», est une clé à tête au fini plastique sur deux faces et livrée aux magasins en une seule pièce.

La production de clés commence par une bande ou un rouleau de métal, le laiton dans le cas en cause, qui mesure normalement entre 2 pouces 1/4 et 3 pouces 1/8 de largeur. La bande ou le rouleau est poinçonné en forme de clés. Ces formes ou pièces poinçonnées sont empilées sur des tiges pour faciliter la manutention et l'alimentation des diverses machines utilisées dans le procédé de production.

Les pièces poinçonnées sont lavées dans une solution à base de détergent pour enlever la graisse qui s'est accumulée pendant le découpage, et les pièces nettoyées sont introduites dans une machine à usiner afin de faire les cannelures spéciales qui s'ajusteront à différents types de serrure. Si la crête doit être meulée, comme c'est le cas de certaines clés brutes vendues au Canada, ce travail est fait lors de l'usinage.

Les clés brutes usinées sont ensuite soumises à un procédé de matriçage dans le but d'y inscrire le numéro d'identification et le symbole de la société ou l'étiquette privée du client à l'aide d'une matrice. Les clés matricées sont polies dans des tambours, puis elles sont laquées ou plaquées chimiquement au nickel, selon le fini requis. Les clés brutes finies sont empaquetées et expédiées aux distributeurs, aux serruriers, aux quincailleries et aux gros groupes d'achat dans l'industrie du découpage des clés.

L'INDUSTRIE NATIONALE

La partie plaignante, Ilco, est une filiale en propriété exclusive de Unican Security Systems Ltd. de Montréal.

Depuis 1986, Ilco est le seul fabricant de clés brutes de remplacement en laiton. Elle occupe une place importante sur le marché canadien depuis l'achat, en 1985, de la Dominion Lock Company Ltd. (Dominion Lock). Cette dernière fabriquait des clés brutes à Montréal depuis 1933 et avant d'être mise sous séquestre en 1985, était le plus important fabricant de ces marchandises au Canada. Après l'acquisition de Dominion Lock, Ilco a subi des transformations majeures, en déménageant ses installations de production de l'avenue de Gaspé aux locaux de Dominion Lock sur le boulevard Décarie et en rationalisant davantage sa production canadienne avec sa filiale américaine située à Rocky Mount en Caroline du Nord.

En plus de fabriquer des clés brutes à l'ancienne usine de Dominion Lock, Ilco fabrique de la quincaillerie à contrat, des machines à découper les clés et assemble des serrures à poussoirs, ce qui constitue une part importante de ses activités. Ilco importe, aux fins de la distribution, d'usines associées d'autres produits qu'elle fabrique, par exemple, des machines à découper les clés.

La filiale américaine d'Ilco produit aussi des clés brutes de remplacement en laiton et exporte les clés brutes finies au Canada de même qu'un grand nombre de pièces poinçonnées devant subir un complément d'ouvraison. La filiale américaine fait partie du réseau d'Ilco - fabrication de clés brutes aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie. Ilco est connue comme le plus grand producteur de clés brutes au monde.

Ilco a recours à des distributeurs pour la vente de clés brutes de remplacement en laiton aux serruriers, aux kiosques spécialisés, aux vendeurs d'automobiles et à d'autres magasins, et par l'entremise d'importants groupes d'achat qui fournissent des marchands affiliés ou des quincailleries. La plus grande part des clés brutes en question, produites par Ilco pour le marché national, sont vendues sur les marchés de l'Ontario et du Québec.

Ilco est le seul fabricant canadien de ces marchandises depuis que le seul autre fabricant, Curtis Industries of Canada Limited (Curtis) de Rexdale (Ontario), a mis un terme à ses opérations en 1986. Curtis approvisionne actuellement ses clients canadiens avec des clés brutes fabriquées par sa société-mère aux États-Unis.

En conséquence, aux fins de la présente enquête, la partie plaignante représente «la production nationale» au sens du Code antidumping du GATT.

LES IMPORTATEURS ET LES EXPORTATEURS

Au cours de la période d'examen, de 1985 à 1989, des clés brutes de remplacement en laiton ont été principalement importées des États-Unis et, de plus en plus, de l'Italie. La vaste majorité des clés originaires de l'Italie proviennent de Silca.

Silca est le premier fabricant en importance de clés brutes en Europe et le deuxième au monde, après la partie plaignante. La majorité des clés brutes importées de Silca ont été exportées directement de l'Italie, alors que certaines clés brutes en question ont été importées par l'entremise de deux sociétés américaines : HPC Inc. de Shiller Park (Illinois) et American Consumer Products Inc. de Solon (Ohio). Cette dernière, mieux connue sous le nom de Cole USA, fabrique également la ligne de clés «Color Plus» avec la permission de Silca.

Klassen est le premier importateur en importance de clés brutes de Silca. En plus de vendre des clés brutes, Klassen fabrique des lettres et des enseignes qu'elle distribue avec d'autres articles importés aux quincailleries canadiennes. Quant aux clés brutes en question, Klassen vend un «programme à service complet» aux quincailleries. Ce programme comprend une machine de découpage des clés, un support de clés pour l'étalage, des pièces de rechange pour la machine, un service de réparation et le remplacement des clés mal découpées. Le coût de ce programme à service complet est compris dans le prix des clés brutes. Klassen vend aussi des clés brutes à Home Hardware en dehors du programme à service complet.

Parmi les autres principaux importateurs de clés brutes Silca, mentionnons The International Key Company, qui vend les clés brutes en question aux serruriers et aux quincailleries, et National Key of Canada Ltd. et Mister Minit, qui vendent les clés brutes en question directement aux consommateurs dans leurs propres magasins, «Things Engraved» et «Mister Minit», respectivement.

Curtis est le premier importateur et fournisseur en importance de clés brutes de remplacement en laiton des États-Unis. Curtis offre un programme à service semblable à celui de Klassen aux quincailleries et aux grands magasins au détail à succursales, comme Canadian Tire Corporation et Home Hardware. Cole USA, l'autre important fournisseur de clés brutes fabriquées aux États-Unis, exporte ses produits à divers distributeurs au Canada.

LA PLAINTE

Ilco a soutenu que les marchandises sous-évaluées avaient causé et causaient un préjudice sensible sous forme de ventes perdues, de compression des prix, de baisse de la production et de réduction de la marge bénéficiaire, et que le dumping soutenu était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les avocats ont indiqué que la marge moyenne pondérée de dumping de 45,7 p. 100 déterminée par le Sous-ministre était importante et que Silca pratiquait sciemment le dumping des marchandises afin de s'accaparer une plus grande part du marché canadien. Les avocats ont précisé que des marges de dumping de cette importance signifiaient que Silca exportait ses marchandises au Canada à la moitié environ du prix demandé pour les clés brutes sur son marché intérieur. Le dumping a fait perdre à Ilco des ventes d'au moins trois millions de clés brutes, a forcé une baisse de la production d'environ 15 p. 100 et a sensiblement miné la rentabilité. Les avocats ont de plus indiqué que les ventes perdues visaient, en grande partie, des profils de clés de longs cycles de production, à volume élevé, qui contribuent beaucoup à compenser les frais généraux.

Les avocats ont soutenu que l'augmentation du volume des importations des marchandises en question, en 1988 et au cours des six premiers mois de 1989, était importante et que toutes les expéditions examinées par le Sous-ministre étaient sous-évaluées. Même si une réduction des niveaux d'importations, a été notée pour 1989, elle est trompeuse, car les importateurs ont accumulé un stock important des marchandises en 1988 et ils ont pu par la suite, du moins en partie, vendre les marchandises de leur inventaire au cours des six premiers mois de 1989. L'accumulation d'un stock de clés brutes par Silca permettait de supposer que le préjudice déjà subi par Ilco se poursuivrait dans l'avenir. Les avocats ont de plus soutenu qu'aucun élément de preuve n'avait été présenté indiquant que le dumping cesserait si le Tribunal n'émettait pas des conclusions de préjudice sensible.

Les avocats ont indiqué que Silca et les importateurs des produits Silca n'avaient pas contesté les éléments de preuve présentés concernant le soi-disant préjudice causé à Ilco, mais avaient plutôt tenté de mettre en doute la crédibilité du producteur canadien, de ses employés et de ses représentants avec des accusations et des questions qui, espéraient-ils, obscurciraient le véritable problème. Les avocats ont rejeté les accusations concernant les activités monopolistiques d'Ilco et de ses représentants, parce qu'elles n'étaient pas fondées ni, de toute façon, pertinentes à l'enquête. Les avocats ont soutenu que, selon la loi, le Tribunal doit déterminer uniquement si le dumping causait un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les avocats ont indiqué que le problème réel était que les marchandises sous-évaluées de Silca avaient sérieusement coupé les prix des clés brutes au Canada et que cette réduction des prix avait fait perdre des ventes et causé un préjudice sensible à Ilco. Les avocats ont de plus laissé entendre que les affirmations des importateurs pour justifier leur décision d'acheter de Silca, par exemple, un meilleur service après vente et de livraison, n'éliminait pas le fait que Silca vendait ses clés brutes à des prix sous-évalués, et que les éléments de preuve indiquaient que le prix était effectivement le facteur important pour que Silca obtiennent ces commandes. Les avocats ont rejeté l'allégation selon laquelle Silca suivait les prix en vigueur au Canada et ont déclaré que rien ne prouvait qu'elle vendait effectivement à ces prix. Même si Silca avait aligné ses prix, cela ne justifiait pas le recours au dumping. La réalité est que les importateurs ne se sont pas approvisionnés chez le producteur canadien, mais qu'ils ont acheté les produits sous-évalués de Silca.

Les avocats ont aussi indiqué que les problèmes liés au service que les importateurs alléguaient avoir eu avec Ilco étaient exagérés et non fondés. Ils ont soutenu que les éléments de preuve indiquaient qu'Ilco et ses agents des ventes travaillaient avec acharnement pour résoudre les problèmes du service, que les commandes en retard ne constituaient pas un gros problème et que, de toute façon, l'étude du dossier d'approvisionnement et de service de Silca révélait des problèmes beaucoup plus graves.

Finalement, les avocats ont rejeté toute exclusion possible des conclusions de préjudice parce qu'Ilco produit une gamme complète de clés brutes de remplacement, y compris les clés à tête recouverte de plastique et à codage de couleur qui sont directement concurrentes de la gamme des clés brutes «Color Plus».

LA RÉPONSE

Les avocats de Silca ont précisé que le dumping noté par le Sous-ministre n'avait pas causé, ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les avocats ont affirmé que tout préjudice subi par Ilco n'était dû qu'à elle-même. Premièrement, les avocats ont soutenu qu'Ilco contribuait à la compression des prix qui se produisait sur le marché canadien. Deuxièmement, les avocats ont soutenu que les installations n'étaient pas utilisées à capacité, d'abord parce qu'Ilco voulait réduire ses inventaires et ensuite parce que les exportations avaient chuté, et non pas à cause de la chute des ventes sur le marché intérieur, puisque ces dernières ont effectivement augmenté légèrement au cours de l'exercice 1988-1989. Ils ont ajouté que tout préjudice que subissait Ilco était causé, en partie du moins, par une augmentation des coûts de main-d'oeuvre, malgré une baisse du volume de production, et une augmentation générale des frais de vente et d'administration. Par ailleurs, les avocats ont soutenu que la baisse de la part du marché d'Ilco en 1988 et 1989 était presque exclusivement causée par des importations ne faisant pas l'objet de l'enquête.

Les avocats ont affirmé qu'Ilco avait d'autres raisons d'entreprendre l'enquête et que Klassen, et non Silca, était la première cible. Les avocats ont soutenu que Klassen représentait le montant le plus important des ventes qu'Ilco prétendait avoir perdues à Silca. Ils ont demandé comment on pouvait s'attendre à ce que Klassen et Ilco fassent affaires de nouveau en raison de menaces faites par Ilco et de sa décision, au début de 1988, de refuser de vendre des clés à Klassen. Les avocats ont repris l'affirmation qu'Ilco avait perdu des ventes de son propre chef en raison du piètre service et de son indifférence.

Les avocats ont précisé que les clés brutes «Color Plus» devraient être exclues si la décision indiquait un préjudice. Ces clés sont fabriquées sous brevet, sont disponibles dans un nombre limité de profils, sont vendues à l'aide de stratégies de commercialisation différentes et ne ressemblent pas aux clés brutes «Unikis» vendues par Ilco.

L'avocat de Klassen était d'accord avec la position des avocats de Silca concernant l'absence d'un préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées.

L'avocat a indiqué que Klassen et Ilco faisaient affaires ensemble depuis un certain nombre d'années et que Klassen avait misé sur ses rapports surtout pour avoir plusieurs sources d'approvisionnement. Au cours des années, la relation s'est détériorée en raison du piètre service, de l'indifférence d'Ilco et du manque de communications entre les cadres des deux sociétés. Ilco y a enfin mis un terme en janvier 1988 en annulant les commandes existantes de Klassen et en fermant son compte.

Il a été soumis que la relation entre Klassen et Ilco s'était détériorée à un point tel que si Silca ne pouvait pas l'approvisionner, Klassen trouverait d'autres fournisseurs.

Quant à Home Hardware, l'avocat a affirmé que Klassen avait perdu le compte du programme entrepôt en 1975 et, quoiqu'elle ait retenu une partie du commerce de clés brutes de Home Hardware par le programme à service complet, elle essayait toujours à reprendre la partie du commerce qu'elle avait perdue.

Finalement, l'avocat a déclaré que si le Tribunal concluait au préjudice sensible, son client était d'avis que l'imposition d'un droit antidumping serait contraire à l'intérêt public et il a demandé la permission de soulever cette question, à une date ultérieure, en conformité avec l'article 45 de la Loi.

CONSIDÉRATION DE LA PREUVE

Les clés brutes de remplacement en laiton vendues sur le marché canadien proviennent surtout du Canada, des États-Unis et de l'Italie. Le fabricant canadien, Ilco, vend son produit par l'entremise de distributeurs, alors que certains importateurs vendent aux grandes chaînes et aux quincailleries et d'autres vendent directement aux consommateurs par leurs magasins spécialisés de vente au détail.

Les serruriers sont traditionnellement les gros acheteurs des clés brutes de remplacement et constituent la part la plus importante des acheteurs desservis par les distributeurs d'Ilco. Cependant, au cours des dernières années, les grandes quincailleries à succursales, comme Home Hardware, Rona et Pro Hardware, constituent le secteur d'activité qui connaît la meilleure expansion. Les grands importateurs, comme Klassen et Curtis, ont concentré leurs efforts sur ce secteur tout en desservant d'autres grandes chaînes, comme Canadian Tire et Woolco. De moindre importance, mais non négligeables, sont les magasins de détail spécialisés, comme Mister Minit et Things Engraved, qui ouvrent de nouvelles succursales dans les centres commerciaux partout au Canada.

Depuis l'acquisition de l'actif de Dominion Lock en 1985, Ilco a fait des investissements importants tout en rationalisant sa production. En ce faisant, elle a pu tripler le cycle moyen de production. Ilco a d'ailleurs accès, par l'entremise d'une filiale, à une usine de transformation du laiton en Caroline du Nord, de laquelle elle importe un gros volume de pièces poinçonnées qu'elle finit au Canada. Ilco bénéficie donc d'un avantage au niveau des coûts par rapport aux autres producteurs de clés brutes.

En 1986, le marché pour les clés brutes de remplacement en laiton s'établissait à 34 millions de pièces et Ilco, par l'acquisition de Dominion Lock, répondait à environ 50 p. 100 de la demande sur le marché intérieur [2] . Les ventes des importations de sources non visées par l'enquête, surtout des États-Unis, qui occupaient une part importante du marché, ont augmenté de 40 p. 100 par rapport à 1985. Au cours de la même année, Curtis a cessé la production et a commencé à s'approvisionner exclusivement de la société-mère aux États-Unis. Les ventes de produits de Silca ont aussi augmenté beaucoup au cours de ces deux ans, mais leur part du marché total de clés brutes était de beaucoup inférieure à 10 p. 100.

En 1987, la demande du produit en question a augmenté de 10 p. 100 et a atteint 37 millions d'unités. Les ventes d'Ilco ont grimpé de 22 p. 100, accaparant ainsi une plus grande part du marché. Une partie de cette augmentation de ventes provenait du fait que Klassen avait diversifié une grande partie de ses achats de Silca à Ilco.

En 1988, le marché s'est accru d'un autre 14 p. 100 pour atteindre 42 millions de clés brutes. Par contre, les ventes d'Ilco n'ont augmenté que de 11 p. 100 et, en conséquence, sa part du marché a baissé. Au cours de la même année, les importations du produit Silca ont presque triplé, ce qui constituait une augmentation importante de la part du marché de Silca, surtout au dépens des importations d'autres sources ne faisant pas l'objet de l'enquête, soit des États-Unis. Les ventes des importations de sources non visées par l'enquête ont chuté de 2 p. 100 entre 1987 et 1988. À la fin de l'année, une grande quantité de clés Silca demeuraient dans l'inventaire.

Au cours de la première moitié de 1989, le marché en terme d'unités a continué d'augmenter, soit de 2 p. 100 par rapport à la même période en 1988, alors que les ventes d'Ilco ont chuté de 7 p. 100. Les ventes des produits importés des sources ne faisant pas l'objet de l'enquête ont grimpé de 13 p. 100 par rapport à la même période en 1988 et ont ainsi repris la presque totalité de la part perdue à Silca et une partie de celle perdue à Ilco. Quant aux importateurs du produit Silca, ils ont enregistré une hausse des achats, mais une baisse des ventes qui, ajoutée aux marchandises en stock à la fin de 1988, a contribué au stockage d'une très grande quantité de marchandises à la fin juin 1989.

Les états des résultats remis par Ilco ont été préparés en se fondant sur son exercice qui prend fin le 30 juin, et ne sont donc pas directement comparables aux données du marché qui étaient fondées sur l'année civile. Pendant le dernier exercice, 1988-1989, Ilco a fait état de pertes à cause d'une baisse dans la production pour les ventes nationales d'environ 20 p. 100 et de coûts fixes qui ont été distribués sur une plus petite base de fabrication. La société a réalisé des bénéfices raisonnables au cours des trois exercices précédents pour les ventes sur le marché canadien à partir de sa production nationale, même si ces profits ont beaucoup fluctué d'une année à l'autre.

D'une importance capitale dans la présente enquête sont les événements qui se sont produits entre 1986 et 1989 à l'égard de deux clients importants, Klassen et Home Hardware.

À l'automne de 1986, Klassen a convenu de s'approvisionner en clés brutes en grande partie chez Ilco. En conséquence, tout en effectuant d'importantes transactions avec Ilco plutôt qu'avec Silca, Klassen s'est aussi approvisionné, en grande partie, chez Cole USA. En juin 1987, Silca a soumis une offre globale à Klassen, visant surtout des quantités importantes des modèles populaires de clés brutes. Les prix offerts étaient, en moyenne, sur une base de valeur au débarquement, d'environ 20 p. 100 inférieurs au prix payé par Klassen pour les clés brutes Ilco qu'elle avait déjà en entrepôt. En septembre 1987, Ilco annonçait un nouvelle hausse à Klassen en raison d'une majoration du prix du laiton. Au cours du même mois, Klassen a demandé à Silca de confirmer l'offre faite en juin, mais pour une plus grande quantité des clés brutes à volume élevé. L'offre a plus tard été confirmée pour un volume qui dépassait le volume initial de 30 p. 100 et au même prix, sauf dans le cas d'un groupe de clés à volume élevé auquel on a ajouté un rabais additionnel. Au début décembre 1987, Ilco a avisé Klassen qu'elle augmentait ses prix à compter du 1er décembre 1987 et que les nouveaux prix seraient en vigueur pour la durée de l'entente conclue avec Klassen. Peu de temps après l'annonce de l'augmentation des prix d'Ilco, Klassen a passé une commande importante à Silca aux prix confirmés en septembre. Le Sous-ministre a déterminé que les marchandises importées en vertu de cette commande étaient sous-évaluées.

En janvier 1988, après être passée aux clés brutes Silca à bas prix, Klassen a fait une offre alléchante à Home Hardware dans le cadre de son programme «entrepôt». Home Hardware offre deux programmes à ses magasins : le programme à service complet offert par Curtis et Klassen, et le programme entrepôt qui porte sur près de 400 des modèles les plus populaires de clés brutes gardées en stock dans trois entrepôts de Home Hardware au Canada. Ce programme entrepôt était fourni exclusivement par Ilco entre 1985 et 1987. Dans le programme entrepôt il existe un volet de marque privée pour les 23 clés brutes les plus populaires. Après l'offre reçue en janvier, Home Hardware a changé de fournisseur pour son programme de clés de marque privée pour l'exercice 1988-1989, adoptant le produit Silca plutôt que le produit Ilco. Le 31 mai 1988, Home Hardware a passé trois commandes pour ses entrepôts à Klassen. Les prix demandés par Klassen, conformément aux éléments de preuve et aux déclarations du témoin de Home Hardware, étaient beaucoup inférieurs aux prix d'Ilco.

L'ÉTUDE DE LA QUESTION DU PRÉJUDICE SENSIBLE

Le Tribunal a examiné attentivement l'évolution du marché entre le 1er janvier 1988 et le 30 juin 1989 et les conséquences sur le rendement d'Ilco. Les membres du jury constatent que le choix de Silca par Klassen en décembre 1987 avait été amorçé bien avant l'augmentation des prix annoncée par Ilco au début du mois. Les éléments de preuve ont démontré que Silca avait fait une offre très alléchante à Klassen six mois plus tôt. Les prix de Silca étaient de beaucoup inférieurs, en moyenne, aux prix d'Ilco demandés à Klassen lesquels avaient été fixés à l'automne précédent. Le Tribunal croit que Klassen est passée d'Ilco à Silca surtout en raison des prix demandés et que Silca pouvait offrir de si bons prix en raison du dumping, comme l'avait indiqué le Sous-ministre. Grâce à ces bas prix, Klassen a pu obtenir des contrats de vente importants avec une grande chaîne de magasins, Home Hardware.

Le témoin d'Ilco a mentionné que la perte des ventes à Klassen et Home Hardware représentait environ trois millions de clés ou 15 p. 100 de sa production pour le marché intérieur. Les ventes perdues représentaient, en grande partie, de longs cycles de production de profils à volume élevé qui comptaient pour beaucoup dans les frais généraux. Le jury a demandé au témoin de quantifier les répercussions de la perte de ce volume sur les bénéfices. L'impact, tel qu'il a été calculé par le témoin, atteignait un montant très près des bénéfices annuels moyens d'Ilco sur les ventes des marchandises en question depuis l'exercice 1985-1986. Afin de vérifier la validité de l'estimation, le Tribunal a fait une étude de sensibilité à l'aide de données tirées des états des résultats d'Ilco pour le dernier exercice. Bien que l'analyse du Tribunal ait laissé voir un impact moins grave que l'évaluation présentée par Ilco, la perte de la marge bénéficiaire calculée par le Tribunal était suffisamment importante pour démontrer que les ventes perdues causaient un tort financier important.

Quant à la plainte de compression des prix sur le marché, le Tribunal ne peut pas conclure que le dumping des clés brutes Silca ait causé une baisse de prix sur le marché. Ilco a pu maintenir ou même majorer ses prix pour divers groupes de clés brutes en février 1989. En examinant les autres indices de préjudice, le Tribunal a noté que, même si Ilco a subi une baisse importante de la production et une réduction de l'utilisation de la capacité, elle a pu maintenir le nombre d'employés travaillant directement à la production de clés brutes pour le marché intérieur. Le Tribunal reconnaît aussi que, même après que le dumping eût commencé, Ilco a réussi à augmenter ses ventes totales et que la part du marché perdue à Silca a été compensée en grande partie par des ventes accrues à d'autres clients. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que le dumping a fait perdre des commandes à Ilco totalisant environ 15 p. 100 de sa production totale destinée au marché intérieur, et ceci a entamé une perte de profits, ce qui est sensiblement égal aux profits annuels moyens au cours des trois années précédentes sur la production de clés brutes vendues sur le marché intérieur. Le Tribunal conclut donc que le préjudice ainsi causé par le dumping des clés brutes Silca était sensible.

De nombreux arguments ont été avancés pour expliquer le préjudice subi par Ilco. Les témoins de Silca et les importateurs ont affirmé que le comportement intimidant et monopolistique d'Ilco lui avait fait perdre des ventes et des clients. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que c'est pour cette raison que les acheteurs de ces clés brutes, comme Klassen et Mister Minit, avaient adopté les produits Silca. Les supposés lettres ou appels téléphoniques intimidants par le président d'Ilco ont commencé après que Klassen eût adopté le produit Silca et après que le Sous-ministre eût ouvert l'enquête antidumping.

Le Tribunal met aussi en doute l'affirmation de divers témoins selon laquelle ils ont opté pour le produit Silca en raison des problèmes de service avec Ilco et ses représentants. Le Tribunal n'est pas convaincu que Silca, qui a un représentant de ventes installé en Angleterre pour desservir tout le marché nord-américain, puisse offrir un meilleur service qu'Ilco, installée au Canada et dotée d'une équipe de 25 préposés au service, répartie à la grandeur du pays. Silca met généralement un mois de plus qu'Ilco pour livrer les marchandises. Le Tribunal note que les importateurs semblaient pardonner facilement les problèmes de livraison et de qualité des fournisseurs étrangers et qu'ils s'efforçaient même pour s'adapter au calendrier de livraison et de paiement et aux contraintes du transport. On s'attendait à un bien meilleur service de la part du fabricant canadien.

Les témoins étaient généralement d'accord pour dire que la qualité n'était pas en cause. Les produits importés et nationaux sont tous deux de bonne qualité, laquelle est comparable.

Quant aux importations futures, tout semble indiquer que, si le dumping des clés brutes Silca se poursuit sans l'imposition de droits antidumping, le préjudice sensible se poursuivra. Silca a montré, par des prix alléchants et l'ouverture récente d'un entrepôt à Cleveland (Ohio) pour desservir le marché nord-américain, qu'elle entreprenait une démarche sérieuse pour accentuer sa présence sur le marché canadien. Les importations de Silca ont triplé en 1988 par rapport à la moyenne des trois années précédentes, avec des ventes accrues et une accumulation d'un stock important de marchandises sous-évaluées. Cette accumulation et le fait qu'il semble peu probable que le dumping va cesser pourraient faire perdre d'autres ventes et réduire encore la marge bénéficiaire et causer un préjudice sensible sous d'autres formes comme la compression des prix, la perte d'emplois et une réduction accentuée de l'utilisation de la capacité. En conséquence, le Tribunal est convaincu que si le dumping des clés brutes Silca se poursuit sans ralentir, il est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires dans l'avenir.

On a demandé au Tribunal d'exclure les clés «Color Plus» recouvertes d'un fini plastique translucide des conclusions de préjudice sensible. Le catalogue de Silca présente ces clés sous le nom de «Silca Color» et les décrit comme des clés à tête enduite de plastique sur les deux côtés, offertes en quatre couleurs. Les avocats de Silca ont soutenu que ces clés brutes à codage de couleur sont différentes des clés brutes à codage de couleur «Unikis» fabriquées par Ilco, que les clés sont visées par un brevet et offertes seulement pour un nombre limité de profils et sont commercialisées autrement que les clés brutes ordinaires. Divers témoins ont indiqué que les clés «Color Plus» et «Unikis» n'étaient pas comparables, mentionnant que les clients et les commis de magasins étaient réticents à se procurer les clés «Unikis».

La clé en plastique à codage de couleur «Unikis» fabriquée par Ilco arrive en deux pièces, la tige et la tête de couleur, que le commis doit assembler en magasin à l'aide d'un outil spécial alors que la clé brute «Color Plus» peut être choisie de l'étalage et coupée comme toutes les autres clés brutes. La tête en plastique de la clé brute «Unikis» est moulée à Montréal, alors que les tiges sont fabriquées au Canada et aux États-Unis.

En se fondant sur les éléments de preuve, le Tribunal considère que les conclusions ne doivent pas porter sur la gamme de clés Silca enduites de plastique translucide «Color Plus» parce qu'aucun produit directement comparable n'est fabriqué au Canada.

Au cours de l'enquête, Klassen a indiqué qu'elle désirait soumettre des observations conformément au paragraphe 45(2) de la Loi, à savoir s'il pouvait être contraire à l'intérêt public d'imposer un droit antidumping. Les parties intéressées qui veulent intervenir doivent présenter leurs observations écrites au secrétaire du Tribunal avant le 27 novembre 1989.

CONCLUSIONS

En raison de tous les éléments de preuve présentés, le jury conclut que le dumping au Canada des clés brutes de remplacement en laiton originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca S.p.A. de l'Italie, de ses successeurs et ses cessionnaires, à l'exclusion des clés brutes de remplacement «Color Plus», a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. Profil est le terme utilisé pour faire la distinction entre les caractéristiques individuelles des clés brutes.

2. À partir des réponses tirées des questionnaires, des tableaux statistiques complets ont été préparés pour la période allant du 1er janvier 1985 au 30 juin 1989. Cependant, les données sur le marché pour 1985 sont incomplètes parce que les ventes de Dominion Lock n'étaient pas disponibles pour les premiers six mois de 1985. Il a donc été impossible de déterminer avec précision le marché apparent de 1985 et les parts respectives des producteurs canadiens et des importateurs.


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Publication initiale : le 23 juillet 1997