PRODUITS PLATS DE TÔLE D'ACIER AU CARBONE LAMINÉS À CHAUD

Enquêtes (article 42)


CERTAINS PRODUITS PLATS DE TÔLE D'ACIER AU CARBONE LAMINÉS À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE L'ITALIE, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DU ROYAUME-UNI ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-92-008

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 31 mai 1993

Enquête no : NQ-92-008

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant :

CERTAINS PRODUITS PLATS DE TÔLE D'ACIER AU CARBONE LAMINÉS À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE L'ITALIE, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DU ROYAUME-UNI ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 29 janvier 1993 et d'une décision définitive de dumping datée du 29 avril 1993 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada de feuillards, de feuilles et de tôles pour planchers, plats, en acier au carbone et laminés à chaud, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, produits selon les exigences de l'ASTM ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus, ou produits selon toute exigence de marque déposée, en bobines ou coupés en longueurs, d'une largeur allant de 3/4 po à 96 po (19 mm à 2 439 mm) inclusivement et d'une épaisseur allant de 0,060 po à 0,625 po (1,60 mm à 15,87 mm) inclusivement, mais n'incluant pas :

a) les feuillards et les feuilles d'acier au carbone laminés à chaud servant à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelés «bandes à tuyaux ou à tubes»);

b) les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, coupés en longueurs, d'une épaisseur égale ou supérieure à 0,187 po (4,75 mm).

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

CORRIGENDUM DES CONCLUSIONS DU 31 MAI 1993

Ottawa, le lundi 31 mai 1993

Enquête no : NQ-92-008

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant :

CERTAINS PRODUITS PLATS DE TÔLE D'ACIER AU CARBONE LAMINÉS À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE L'ITALIE, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DU ROYAUME-UNI ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 29 janvier 1993 et d'une décision définitive de dumping datée du 29 avril 1993 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada de feuillards, de feuilles et de tôles pour planchers, plats, en acier au carbone et laminés à chaud, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, produits selon les exigences de l'ASTM ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus, ou produits selon toute exigence de marque déposée, en bobines ou coupés en longueurs, d'une largeur allant de 3/4 po à 96 po (19 mm à 2 439 mm) inclusivement et d'une épaisseur allant de 0,060 po à 0,625 po (1,60 mm à 15,87 mm) inclusivement, mais n'incluant pas :

a) les feuillards et les feuilles d'acier au carbone laminés à chaud servant à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelés «bandes à tuyaux ou à tubes»);

b) les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, coupés en longueurs, d'une épaisseur égale ou supérieure à 0,187 po (4,75 mm).

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Conformément au paragraphe 43(1.1) et aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Ottawa, le mardi 15 juin 1993

Enquête no : NQ-92-008

CERTAINS PRODUITS PLATS DE TÔLE D'ACIER AU CARBONE LAMINÉS À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE L'ITALIE, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DU ROYAUME-UNI ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que le dumping au Canada de certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud en provenance de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de la conférence préparatoire
à l'audience : Le 13 avril 1993
Dates de l'audience : Du 3 au 7 mai 1993
Du 10 au 13 mai 1993
Le 17 mai 1993

Date des conclusions : Le 31 mai 1993
Date du corrigendum : Le 3 juin 1993
Date des motifs : Le 15 juin 1993

Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Douglas Cuffley
Agents de commerce : Anis Mahli
Don Shires

Économiste : Simon Glance

Préposés aux statistiques : Gilles Richard
Robert Larose

Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater

Agent à l'inscription
et à la distribution : Pierrette Hébert

Participants : Lawrence L. Herman
William R. Hearn
pour Stelco Inc.

Ronald C. Cheng
Gregory O. Somers
pour Algoma Steel Inc.
Sidbec-Dosco Inc.
IPSCO Inc.

Alexander D. Givens
Steven K. D'Arcy
pour Dofasco Inc.

(fabricants)
Peter Clark
John Haime
pour British Steel Canada Inc.

(importateur)
C.J. Michael Flavell, c.r.
Geoffrey C. Kubrick
Chris Hines
James P. McIlroy
Paul Lalonde
pour USX Corporation
U.S. Steel Group, A Unit of
USX Corporation
National Steel Corporation
LTV Steel Company
WCI Steel, Incorporated
Acme Steel Company
Bethlehem Steel Export Corporation

Simon V. Potter
Denis Gascon
pour Aciers Francosteel Canada Inc.
Sollac et Daval, Aciers d'Usinor
et de Sacilor

Donald Goodwin
pour Preussag Stahl AG
BHP New Zealand Steel Limited
ILVA S.p.A.

Roger Alfred
Directeur des opérations
Freeway Washer Limited

Yvan Rochon, C.A.
Directeur des services financiers
et contrôleur
GARANT, division de Hanson
Kidde Canada Inc.

(importateurs-exportateurs)

Témoins :

Donald K. Belch
Directeur - Relations gouvernementales
Stelco Inc.

John M. Leskew
Directeur général des ventes - Distributeurs d'acier semi-ouvré
Coordonnateur - Ventes à l'exportation
Stelco Inc.

R.H. (Bob) Thompson
Chef des coûts
Aciérie du lac Erié
Stelco Steel

Tom E. Witter
Gérant des ventes - Tôles laminées à chaud
Aciérie du lac Erié
Stelco Inc.

R.A. (Bob) Clark
Surveillant général
Contrôle comptable
Algoma Steel Inc.

Glenn M. Hogan
Directeur général
Ventes des produits plats laminés
Algoma Steel Inc.

Derek M. de Korte
Directeur - Commercialisation
Algoma Steel Inc.

P. Murray Williamson
Directeur général - Ventes et commercialisation
Division des produits d'aciérie
IPSCO Inc.

Glenn A. Gilmore
Surveillant des échanges commerciaux
IPSCO Inc.

Peter A. Benne
Vice-président d'entreprise
Acier au carbone
Samuel, Son & Co., Limited

Robert C. Varah
Directeur
Développement commercial
Dofasco Inc.

John D. Wood
Directeur général
Ventes et service
Industries de distribution
Dofasco Inc.

Dennis G. Martin
Directeur - Information sur les marchés
Dofasco Inc.

William E. Mann
Directeur des opérations
Comptabilité
Dofasco Inc.

Larbi Belarbi
Directeur, Marketing et administration
Sidbec-Dosco Inc.

Raymond Leblanc
Directeur commercial, Tôle
Sidbec-Dosco Inc.

Thomas E. Kinley
Vice-président
British Steel Canada Inc.

Georges Chartrand
Directeur des ventes
British Steel Canada Inc.

James R. Yates
Président
Aciers Francosteel Canada Inc.

Hugo G. Martin
Directeur des achats
Wilkinson Steel and Metals,
A Division of Premetalco Inc.

Ted Roberts
Responsable des achats
General Motors du Canada Limitée

M.J. (Mike) Makagon
Président
Maksteel Service Centre
Div. of Makagon Industries Ltd.

Mindy S. Fleishman
Directrice - Commercialisation
United States Steel International, Inc.

Alex Tymochenko
Noracor
Metals & Materials Inc.

Jerry D. Kendall
Vice-président
Commercialisation - Produits en acier
Acme Steel Company

Scott C. Gill
Commerçant en acier
Preussag Handel Canada Corporation

Klaus Thomas
Directeur des ventes
Preussag Handel GmbH

Robert P. Howard
Directeur général
New Zealand Steel (Australia) Pty. Limited

Sylvia Ferrante
Directrice, Produits tubulaires, laminés à chaud et exportés
BHP Trading (Canada) Ltd.

Bruce J. Allan
Directeur des ventes
ILVA Canada, Inc.

John A. Vigilante, Jr.
Directeur - Coordination des ventes
National Steel Corporation

Roger Alfred
Directeur des opérations
Freeway Washer Limited

Yvan Rochon
Directeur des services financiers et contrôleur
GARANT, division de Hanson Kidde Canada Inc.

Jean Drolet
Directeur des achats
GARANT, division de Hanson Kidde Canada Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping datée du 29 janvier 1993 et une décision définitive de dumping datée du 29 avril 1993, concernant l'importation au Canada de feuillards, de feuilles et de tôles pour planchers, plats, en acier au carbone et laminés à chaud, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, produits selon les exigences de l'ASTM [2] ou d'autres systèmes de désignation ou normes reconnus, ou produits selon toute exigence de marque déposée, en bobines ou coupés en longueurs, d'une largeur allant de 3/4 po à 96 po (19 mm à 2 439 mm) inclusivement et d'une épaisseur allant de 0,060 po à 0,625 po (1,60 mm à 15,87 mm) inclusivement, mais n'incluant pas :

a) les feuillards et les feuilles d'acier au carbone laminés à chaud servant à la fabrication des tuyaux ou des tubes (aussi appelés «bandes à tuyaux ou à tubes»);

b) les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, coupés en longueurs, d'une épaisseur égale ou supérieure à 0,187 po (4,75 mm).

L'enquête de dumping du Sous-ministre a porté, dans le cas des États-Unis, sur les importations de marchandises en question faites entre le 1er janvier et le 30 juin 1992. Dans le cas de tous les autres pays, la période d'enquête a visé les envois de marchandises en question effectués du 1er octobre 1991 au 30 juin 1992.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 13 février et du 15 mai 1993 respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal le 2 février 1993 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 13 février 1993.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux producteurs et aux importateurs canadiens de marchandises en question dans le but de recueillir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d'autres précisions, relativement à la période allant de 1989 à 1992. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé un rapport préalable à l'audience touchant cette période.

En plus du rapport préalable à l'audience, le personnel a envoyé deux différents questionnaires complémentaires aux utilisateurs, aux transformateurs et aux distributeurs d'acier semi-ouvré pour recueillir des données sur l'établissement des prix de leurs achats de marchandises en question importées aussi bien que nationales. Ces données complémentaires sur l'établissement des prix ont été résumées par le personnel et présentées à l'audience à titre de pièces supplémentaires du Tribunal.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, parmi lesquelles les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties lors de l'audience, ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats et les procureurs indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Une conférence préparatoire à l'audience a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 13 avril 1993, et des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa du 3 mai au 13 mai 1993 ainsi que le 17 mai 1993. Les parties plaignantes, Stelco Inc. (Stelco) et Algoma Steel Inc. (Algoma), étaient représentées à l'audience par des avocats. Sidbec-Dosco Inc. (Sidbec-Dosco), IPSCO Inc. (IPSCO) et Dofasco Inc. (Dofasco), qui sont tous trois des producteurs de marchandises en question et qui appuient la plainte, étaient également représentés par des avocats. De nombreux exportateurs et importateurs étaient aussi représentés par des avocats et des procureurs à l'audience. Le Tribunal a également invité M. Ted Roberts, responsable des achats chez General Motors du Canada Limitée (GM Canada), et M. Hugo G. Martin, directeur des achats chez Wilkinson Steel and Metals, A Division of Premetalco Inc. (Wilkinson Steel), à répondre à des questions touchant l'achat et l'établissement des prix des marchandises en question.

Le 31 mai 1993, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping au Canada de certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis, n'avait pas causé, ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le 3 juin 1993, le Tribunal a publié un corrigendum des conclusions rendues le 31 mai 1993 au sujet des marchandises susmentionnées. Afin de corriger une erreur d'écriture, les conclusions ont été divisées en deux parties de manière à renfermer un nouveau paragraphe qui traite des marchandises en provenance des États-Unis.

PRODUIT

Le produit qui fait l'objet de la présente enquête est décrit par le Sous-ministre, dans sa décision provisoire de dumping, comme étant constitué de certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud comprenant les feuillards, les feuilles et les tôles pour planchers. Les feuillards ont habituellement une largeur maximale de 12 po (304,8 mm) et une épaisseur variant de 0,0255 po à 0,2299 po (0,648 mm à 5,839 mm) inclusivement. Les feuilles et les tôles pour planchers ont ordinairement une largeur supérieure à 12 po (304,8 mm) et ne dépassant pas 96 po (2 438,4 mm) et une épaisseur comprise entre 0,0449 po et 0,2299 po (1,140 mm et 5,839 mm). Les feuillards, les feuilles et les tôles pour planchers peuvent être vendus en bobines ou coupés en longueurs.

Les méthodes d'essai de l'ASTM les plus courantes sont, pour les feuillards et les feuilles d'acier au carbone laminés à chaud, A414, A568, A569/659, A570, A606, A607, A621M, A622M, A635 et A715. Les méthodes d'essai de l'ASTM les plus courantes pour les tôles pour planchers sont A36, A283 et A786.

Le Sous-ministre a exclu les bandes à tuyaux ou à tubes de la définition du produit pour la raison que la plupart des installations canadiennes de production de tuyaux et de tubes qui utilisent ces bandes appartiennent à des producteurs nationaux de feuilles laminées à chaud et que les bandes à tuyaux ou à tubes consommées par ces installations ne sont pas susceptibles de subir la concurrence des importations. Le Sous-ministre a également exclu les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud et coupés en longueurs, d'une épaisseur de 0,187 po (4,75 mm) ou plus, parce que ces produits sont visés par une enquête distincte du Sous-ministre sur le dumping de certaines tôles d'acier au carbone et de certaines tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud. Le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a en outre fait savoir au Tribunal, après la publication de la décision provisoire de dumping, que les produits de tôles qui ne répondaient pas à une spécification et qui étaient appelés «produits non conformes aux spécifications», «produits de qualité inférieure» ou «produits de second choix», et vendus comme tels, n'étaient pas visés par l'enquête.

PROCESSUS DE PRODUCTION

Les marchandises en question peuvent être produites à partir de lingots ou de brames d'acier. Bien qu'il puisse y avoir des différences d'une usine à l'autre, le procédé de production des marchandises en question est essentiellement le même chez tous les producteurs.

La production de tôles d'acier laminées à chaud comprend plusieurs étapes. Une brame d'acier chauffée d'une épaisseur variant de 4 po à 9 po (101,6 mm à 228,6 mm), ou un lingot, est introduit dans un laminoir continu, à des températures dépassant 1 600 oF (870 oC). L'épaisseur de la brame est progressivement réduite jusqu'à l'obtention d'une tôle de l'épaisseur requise. À ce stade, la pression de laminage et les opérations de chauffage et de refroidissement confèrent à l'acier les propriétés métallurgiques requises. De plus, pendant le laminage à chaud, une couche d'oxyde (battitures) se forme à la surface et rend le produit inacceptable pour certaines applications. Cette couche d'oxyde est enlevée par décapage aux acides. Après le décapage, le rinçage et le séchage, le produit est enduit d'huile pour le protéger temporairement de la rouille. La tôle est mise en bobines, et les rives sont habituellement cisaillées pour éliminer les petites imperfections et pour avoir un produit plus conforme aux tolérances de largeur. Enfin, avant que les marchandises en question ne soient livrées à l'utilisateur final, les bobines peuvent être transportées chez un distributeur d'acier semi-ouvré pour y être découpées selon des largeurs et des longueurs prescrites.

Les tôles pour planchers, qui sont aussi produites sur des laminoirs à chaud pour feuillards, sont finies à chaud par une ou plusieurs passes finales de manière que leur surface présente un motif en relief.

COMMERCIALISATION ET DISTRIBUTION

Les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud sont vendus directement aux utilisateurs finals ou sont commercialisés par l'intermédiaire de distributeurs d'acier semi-ouvré qui revendent l'acier en bobines entières, en bobines découpées, ou coupé en longueurs. On estime que les deux tiers de la production nationale de marchandises en question sont vendus directement aux utilisateurs finals, alors que le reste est vendu aux distributeurs d'acier semi-ouvré.

L'industrie automobile est le plus gros consommateur de marchandises en question. Dans cette industrie, les tôles servent à produire les châssis, les pare-chocs, les roues et certains composants du groupe motopropulseur. Les marchandises en question sont également utilisées dans la fabrication de palplanches, de garde-corps, de générateurs, de transformateurs et de machines agricoles. En outre, une importante partie de la production nationale et des importations est consommée par des emboutisseurs extérieurs à l'industrie automobile ainsi que par des transformateurs d'acier.

Les marchandises en question sont vendues sur une base contractuelle ou non contractuelle (au comptant). Les ventes de tôles à l'industrie automobile, par exemple, font généralement l'objet de marchés visant une période d'au moins un an. Dans le cadre de ces arrangements à long terme, les aciéries nationales négocient le prix, le volume, les pièces et les spécifications ainsi que la durée du marché avec leurs clients. Les envois de produits aux termes de commandes globales sont fondés sur les besoins de l'acheteur et sur les délais de livraison du fournisseur. Les ventes au comptant sont négociées individuellement.

Le prix des marchandises en question est un «prix de la bobine de base» auquel s'ajoute des frais supplémentaires pour toutes sortes d'éléments qui peuvent être précisés par le client pour répondre aux exigences techniques inhérentes à l'usage auquel l'acier est destiné. Les facteurs fondamentaux qui déterminent le prix des marchandises en question sont la nuance, l'épaisseur, la largeur, le traitement et le fini de surface.

Les produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud de production américaine sont, pour la plupart, vendus directement aux utilisateurs finals et aux distributeurs d'acier semi-ouvré. En raison de la proximité des aciéries américaines, les envois aux utilisateurs canadiens sont fréquemment limités à des tonnages de transport routier ou ferroviaire livrés «selon les besoins».

Les produits d'acier des autres pays sont normalement importés par les agents des exportateurs ou par des maisons de commerce, et arrivent par navire en tonnages plus importants.

INDUSTRIE NATIONALE

Les parties plaignantes et les autres producteurs canadiens qui ont appuyé la plainte interviennent pour la totalité de la production nationale de produits de tôle d'acier au carbone laminés à chaud. Il s'agit de Stelco de Hamilton (Ontario), d'Algoma de Sault-Sainte-Marie (Ontario), de Dofasco de Hamilton (Ontario), d'IPSCO de Regina (Saskatchewan) et de Sidbec-Dosco de Montréal (Québec).

Stelco a commencé en 1946 à produire les marchandises en question sur son premier laminoir à chaud continu pour feuillards de Hilton de Hamilton (Ontario). Avec la mise en service, en 1983, de son laminoir à chaud pour feuillards de 80 po à l'aciérie du lac Erié de Nanticoke (Ontario), Stelco a accru sa capacité de production de marchandises en question et sa production elle-même. En plus de produire des marchandises en question, Stelco produit d'autres produits d'acier (tôles traitées à chaud, barres, produits de fils métalliques et tubes) dans diverses usines de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta. La largeur des produits laminés à chaud produits par Stelco sur ses deux laminoirs à chaud pour feuillards est comprise entre 3/4 po et 75 po (19 mm et 1 905 mm), et leur épaisseur varie de 0,060 po à 0,625 po (1,52 mm à 15,87 mm).

Algoma [3] produit une gamme variée de produits d'acier, parmi lesquels des tôles et des feuilles laminées plates, des profilés en acier (parmi lesquels des profilés à larges ailes), des produits tubulaires sans soudure, des rails et des accessoires de rails, et divers produits semi-finis. Les marchandises en question sont produites sur un laminoir à chaud pour feuillards se trouvant à Sault-Sainte-Marie, dans des largeurs de 3/4 po à 96 po (19 mm à 2 438 mm) et des épaisseurs de 0,060 po à 0,500 po (1,52 mm à 12,70 mm). Algoma est le dernier des aciéristes nationaux qui produit des tôles pour planchers.

Dofasco a commencé à laminer les tôles d'acier en 1928. C'est le seul producteur national qui utilise la technologie de la coulée en lingotières aussi bien que celle des brames pour produire les marchandises en question. La plus grande partie de sa production consiste en feuilles et en bobines d'acier laminées à chaud et laminées à froid, en produits destinés à l'étamage, en acier revêtu, en produits d'acier tubulaires de petit diamètre et en matériel roulant ferroviaire. Dofasco produit un éventail de produits en acier au carbone laminés à chaud d'une largeur allant jusqu'à 60 po (1 525 mm) et d'une épaisseur allant de 0,059 po à 0,500 po (1,5 mm à 12,7 mm) dans deux laminoirs à chaud pour feuillards. Dofasco a cessé de produire des tôles pour planchers à la fin de 1992.

IPSCO a été créée en 1956 avec la constitution en société de Prairie Pipe Manufacturing Co. Ltd. En 1959, cette société a acheté Interprovincial Steel and Pipe Corporation Ltd. et a pris le nom d'Interprovincial Steel and Pipe Corporation Ltd. IPSCO est le seul producteur national qui produit les marchandises en question à partir de ferraille transformée en acier liquide fondu dans deux fours à arc électrique. Elle produit à son usine de Regina des marchandises en question coupées en longueurs, de 0,0747 po à 0,1719 po (1,90 mm à 4,37 mm) d'épaisseur, et de 4 po à 74 po (101,6 mm à 1 879,6 mm) de largeur. Les marchandises en question sont également produites en bobines de même largeur et d'une épaisseur allant de 0,0747 po à 0,7500 po (1,9 mm à 19,0 mm). De plus, l'installation de distribution d'acier semi-ouvré que IPSCO possède à Vancouver nord achète certains calibres de marchandises en question importées.

Sidbec-Dosco produit les marchandises en question à son usine de Contrecoeur (Québec). Elle produit des feuilles d'acier au carbone laminées à chaud de 72 po (1 828,8 mm) de largeur au plus et de 0,060 po à 0,750 po (1,52 mm à 19,00 mm) d'épaisseur.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Les principaux indicateurs économiques pertinents dans la présente enquête sont présentés dans le tableau ci-dessous.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

1989

1990

1991

1992

Production 1(000 t/n)

7 427

5 905

5 965

6 866

Pourcentage d'augmentation (de diminution)

(20)

1

15

Ventes à l'exportation (000 t/n)

987

765

974

1 328

Consommation canadienne 1(000 t/n)

6 577

5 471

5 237

5 765

Transferts internes des producteurs (charges d'alimentation)

4 380

3 487

3 595

3 954

Ventes des producteurs sur le marché libre

2 060

1 653

1 396

1 584

Ventes à partir des importations des pays visés

115

314

243

224

Ventes à partir des importations des pays non visés

22

17

3

3

Marché apparent (000 t/n)

2 172

1 969

1 587

1 790

Pourcentage d'augmentation (de diminution)

(9)

(19)

(13)

Composition du marché (%)

Ventes des producteurs sur le marché libre

94

83

84

87

Ventes à partir des importations des pays visés

5

16

15

13

Ventes à partir des importations des pays non visés

1

1

0

0

Industrie nationale

Revenu net

Ventes nationales et transferts internes (%)

5

1

0

(1)

Ventes nationales (%)

14

3

2

0

Ventes à l'exportation (%)

5

(14)

(19)

(15)

Capacité de production2 (000 t/n)

12 464

12 594

12 619

12 644

Taux d'utilisation2 (%)

83

67

70

75

Nombre d'employés

3 988

3 657

3 001

3 372

Nombre d'heures-personnes de travail (000)

7 707

5 649

5 217

5 951

t/n = tonne nette

1. Produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, à l'exclusion des bandes à tuyaux ou à tubes.

2. Total des produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, incluant les bandes à tuyaux ou à tubes.

Le Tribunal a déterminé que la production de marchandises similaires au Canada incluait toute la production de marchandises en question, à l'exclusion des bandes à tuyaux ou à tubes. Il a également été déterminé d'inclure dans cette production les charges d'alimentation qui sont vendues ou transférées à des sociétés affiliées, ou encore transférées à l'interne, afin de subir un complément d'ouvraison pour être transformées en feuilles laminées à froid ou en d'autres produits. La question est traitée plus en détail à la rubrique «Marchandises similaires» dans la section intitulée «Motifs de la décision».

La production canadienne de produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud a chuté, passant de 7,4 millions de tonnes nettes en 1989 à environ 5,9 millions de tonnes nettes en 1990 et en 1991. En 1992, cependant, la production de ces produits a fait un bond pour passer à 6,8 millions de tonnes nettes, ce qui représentait une augmentation de 15 p. 100 par rapport à 1991.

La consommation canadienne de marchandises en question, qui comprenait les transferts internes de l'industrie, sauf les bandes à tuyaux ou à tubes, les envois et les ventes nationales à partir des importations de tous les pays, est tombée d'un sommet de 6,6 millions de tonnes nettes en 1989 à un creux de 5,2 millions de tonnes nettes en 1991, puis est remonté à 5,8 millions de tonnes nettes en 1992. Les transferts internes (charges d'alimentation), qui sont consommés pour la production de produits plats de tôle laminés à froid en aval et de produits galvanisés, et qui représentaient environ 66 p. 100 de la production nationale de marchandises en question pendant la période visée par l'enquête, sont tombés de 4,4 millions de tonnes nettes en 1989 à environ 3,5 millions de tonnes nettes en 1990 et en 1991, avant de rebondir à 3,9 millions de tonnes nettes en 1992. Conformément aux schémas de consommation globaux, les ventes de l'industrie sur le marché libre ont baissé de 1989 à 1991, passant respectivement de 2,1 millions de tonnes nettes à 1,4 million de tonnes nettes, puis sont remontées à 1,6 million de tonnes nettes en 1992. Par contre, le volume des importations depuis les pays visés a augmenté, passant de 115 000 tonnes nettes en 1989 à un sommet de 314 000 tonnes nettes en 1990 avant de tomber à 243 000 tonnes nettes en 1991 et à 224 000 tonnes nettes en 1992. La consommation canadienne de marchandises en question depuis les autres pays était négligeable pendant la période visée par l'enquête.

Le marché national des marchandises en question est fondé sur les ventes sur le marché libre de produits nationaux et d'importations destinés à la consommation nationale. Par rapport à 1989, le marché national des marchandises en question a baissé fortement en 1990 et en 1991, avant de se relever en 1992. La part du marché des producteurs nationaux est passée de 94 p. 100 en 1989 à environ 83 p. 100 en 1990 et en 1991, puis a grimpé à 87 p. 100 en 1992. Pendant cette même période, la part du marché accaparée par les importations, en provenance pour une bonne part des États-Unis, a augmenté, passant de 5 p. 100 en 1989 à 16 p. 100 en 1990, avant de retomber au cours des deux années suivantes à 15 p. 100 et à 13 p. 100 respectivement. Pendant ce temps, la part du marché détenue par les importations depuis les pays non visés n'a pas dépassé 1 p. 100 pendant la période faisant l'objet de l'enquête.

Les données relatives aux profits et aux pertes fournies par les producteurs nationaux indiquent que les marges avant impôt de l'industrie relatives aux ventes nationales des marchandises en question ont baissé pour passer d'un sommet de 14 p. 100 en 1989 à moins de 1 p. 100 en 1992. En ce qui a trait aux ventes à l'exportation, l'industrie a annoncé des marges de pertes avant impôt pendant la période postérieure à 1989 qui fluctuaient entre 14 p. 100 et 19 p. 100, en dépit du fait que les volumes avaient augmenté pendant cette période.

L'emploi et la capacité d'utilisation ont suivi la même tendance. L'emploi a baissé dans l'industrie de 25 p. 100 entre 1989 et 1991, mais s'est relevé de 12 p. 100 en 1992 par rapport à 1991. Les heures-personnes de travail effectif ont suivi une tendance comparable. Pendant la période en question, le taux d'utilisation de la capacité de production des produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud, après avoir atteint son plancher à 67 p. 100 en 1990, est remonté à 70 p. 100 en 1991 et à 75 p. 100 en 1992.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

Le tableau suivant résume les marges de dumping constatées par le Sous-ministre dans le cas de chaque exportateur visé par l'enquête.

MARGES DE DUMPING

Pays

Exportateur

Marge moyenne pondérée de dumping

République fédérale d'Allemagne

Preussag Stahl AG
Klockner Stahl AG

56,541
56,541

Italie

ILVA S.p.A.

56,541

France

Sollac

18,922

Nouvelle-Zélande

BHP New Zealand Steel Limited

39,332

Royaume-Uni

British Steel Canada Inc.

40,822

États-Unis

Advance Steel Company

56,541

Kasle Steel Corp.

56,541

McLouth Steel Corp.

56,541

Sharon Steel Corp.

56,541

Acme Steel Company

13,152

Geneva Steel

11,982

National Steel Corporation

7,812

U.S. Steel Group, A Unit of USX Corporation

13,372

WCI Steel, Incorporated

25,252

Nucor Steel

3,903

LTV Steel Company

8,853

Source : Énoncé des motifs de Revenu Canada, daté du 29 avril 1993.

Nota :

1. Il s'agit d'exportateurs auxquels il a été demandé de répondre à la demande de renseignements de Revenu Canada et qui n'ont pas fourni une présentation complète. Il a été déterminé qu'ils avaient la plus importante des marges de dumping constatées dans la décision définitive.

2. Il s'agit d'exportateurs auxquels il a été demandé de répondre à la demande de renseignements et qui ont fourni une présentation complète.

3. Il s'agit d'exportateurs auxquels il n'a pas été demandé de répondre à la demande de renseignements et qui ont fourni volontairement une présentation complète.

Revenu Canada a déclaré avoir limité son enquête, pour les besoins de la détermination des marges de dumping des marchandises importées au Canada pendant la période visée par l'enquête, au volume des importations le plus important de chaque pays. Dans le cas des importations en provenance des États-Unis, l'enquête a porté sur la période allant du 1er janvier au 30 juin 1992 et, dans le cas des importations en provenance de tous les autres pays nommés, du 1er octobre 1991 au 30 juin 1992.

Pour ce qui est des États-Unis, Revenu Canada a jugé utile de ne demander qu'à 10 des 211 sociétés exportatrices au Canada de répondre à sa demande de renseignements. Au cours de l'enquête, une société, Ilva USA Inc., a été exclue, car elle n'avait pas exporté de marchandises en question pendant la période d'enquête, et deux autres sociétés, Nucor Steel et LTV Steel Company (LTV), ont été incluses dans l'enquête à leur propre demande. Les marges de dumping des 11 sociétés ayant fait l'objet d'une enquête pour les besoins de la décision définitive sont indiquées dans le tableau précédent.

Au cours de l'audience, les six producteurs américains qui étaient représentés par des avocats ont indiqué le volume de leurs exportations au Canada en 1992. Ces exportations représentaient environ 15 p. 100 du volume total des importations depuis les États-Unis au cours de cette même année. D'importantes quantités de produits ont été présumément exportées, en grande partie, par des courtiers en acier, par des distributeurs d'acier semi-ouvré et par des transformateurs américains. Ce fait a été corroboré par des éléments de preuve oraux produits par des représentants de distributeurs canadiens d'acier semi-ouvré qui étaient en concurrence avec ces importations. Étant donné que les exportateurs et le lieu de destination précis de ces importations sont restés inconnus, ces envois en sont venus à être désignés comme «tonnes mystérieuses». Revenu Canada n'a pas enquêté sur ces courtiers, distributeurs d'acier semi-ouvré et transformateurs américains, dont les pratiques de commercialisation peuvent être différentes de celles des producteurs américains de marchandises en question, et, par conséquent, aucune marge de dumping précise n'a été déterminée à leur égard. Les importations depuis des exportateurs qui n'ont pas fait l'objet de l'enquête ont été assujetties à un droit de 13 p. 100 fondé sur la marge moyenne pondérée de dumping constatée dans le cas des cinq producteurs, Acme Steel Company (Acme), Geneva Steel, National Steel Corporation (National), USX Corporation (USX) et WCI Steel, Incorporated (WCI).

POSITION DES PARTIES

Industrie

L'industrie nationale avait pour position que les importations sous-évaluées de marchandises en question, considérées en bloc et cumulativement, dans les volumes et selon les marges de dumping déterminées par le Sous-ministre, avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Stelco

Les avocats de Stelco ont fait remarquer que pendant la période visée par l'enquête, les importations depuis les pays en question ont presque doublé, passant à 224 000 tonnes nettes en 1992 par rapport à 115 000 tonnes nettes en 1989, et que le volume des importations en provenance de chacun des pays nommés avait augmenté considérablement depuis 1989. En 1992, les importations américaines représentaient 72 p. 100 du total des importations en question et 12 p. 100 du marché apparent total.

À l'encontre de l'argument des parties adverses selon lequel les grèves de 1990 à Stelco et à Algoma avaient eu un effet dévastateur sur l'industrie, les avocats ont plaidé que les grèves n'avaient duré que quatre mois et que les importations à bas prix, en provenance notamment des États-Unis, étaient sur le marché avant et après les grèves.

Pour ce qui est des travaux de brasquage des fourneaux de Stelco en 1991, les avocats ont soutenu qu'ils représentaient une autre occasion d'importer des marchandises à bas prix sur le marché canadien. Ils ont également allégué qu'ils n'ont pas influer sur la production des marchandises en question, le niveau de production en 1991 étant à peu près identique à celui de 1989, année de forte expansion pour les marchés intérieurs et d'exportation. La baisse de la production nationale en 1991 était compatible avec le rétrécissement du marché apparent total cette même année.

Les avocats ont rappelé au Tribunal qu'il doit évaluer l'incidence de l'ensemble des importations depuis les États-Unis, et non pas seulement celle des importations en provenance de chaque société représentée à l'audience, considérée individuellement. Pour ce qui est des importations américaines non comptabilisées provenant d'exportateurs non représentés à l'audience, les avocats ont plaidé qu'elles étaient le fait de producteurs, de distributeurs d'acier semi-ouvré, de courtiers et d'autres agents américains non représentés.

En ce qui concerne les prix, les avocats ont fait remarquer que le Tribunal ne peut faire de comparaisons de prix globales entre les importations et les marchandises similaires nationales. La différence de prix entre les nuances d'acier haut de gamme et les nuances d'acier bas de gamme est considérable, et le prix des produits comprenant une plus grande valeur ajoutée doit être comparé à celui des produits nationaux similaires. Lorsque ces comparaisons sont effectuées, il apparaît clairement que les importations ont un effet comprimant sur les prix. Quoique les prix ne soient pas toujours comparables dans toutes les catégories de produits, le Tribunal doit évaluer les éléments de preuve dans leur ensemble.

Les avocats se sont reportés au paragraphe 2 de l'article 3 du Code antidumping du GATT [4] (le Code) pour faire remarquer que les effets du dumping doivent se faire sentir sur les prix. Plus particulièrement, le Tribunal doit examiner s'il y a eu des sous-cotations importantes des prix et si le dumping a eu pour effet de comprimer les prix ou de prévenir les augmentations de prix. Les avocats ont fait valoir l'argument que sur un marché nord-américain intégré, le critère de causalité appliqué à l'intérieur du Canada doit être le même que celui qui est appliqué à l'intérieur des États-Unis. À leur avis, la règle à suivre consiste à déterminer si le préjudice n'est pas non important ou non sensible. Le Tribunal n'a pas besoin de conclure à l'existence d'un préjudice par suite du dumping au-delà de tout doute raisonnable. Les avocats ont soutenu que le Tribunal doit prendre en considération l'effet cumulatif du dumping depuis tous les pays visés, et qu'il ne doit pas faire une analyse du préjudice pays par pays.

Pour ce qui est des importations des produits de Geneva Steel, les avocats de Stelco ont demandé que le Tribunal se penche sur la question de déterminer si les importantes quantités de marchandises exportées par cette société au Canada l'ont été avant que des conclusions de préjudice ne soient rendues et pour ainsi profiter de la situation. Ils ont demandé que le Tribunal rende des conclusions conformément à l'alinéa 42(1)b) de la LMSI. Toutefois, en raison des conclusions de non-préjudice rendues, le Tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de traiter de cette demande.

Algoma, IPSCO et Sidbec-Dosco

Les avocats ont réitéré la position des autres producteurs canadiens selon laquelle les importations sous-évaluées, considérées en bloc et cumulativement, dans les volumes et selon les marges de dumping déterminées par le Sous-ministre, avaient causé un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Ils ont déclaré que le Tribunal et les organismes qui l'ont précédé avaient toujours procédé en déterminant si toutes les importations sous-évaluées depuis tous les pays nommés avaient pour effet cumulatif de causer un préjudice sensible à la production nationale avant d'examiner si, dans des cas très précis, un produit, un producteur ou un pays déterminé devait être exclu des conclusions de préjudice.

Les avocats ont également plaidé que les deux parties plaignantes nationales, Algoma et Stelco, représentent une proportion majeure de la production nationale, et que, par conséquent, l'existence démontrée d'un préjudice subi par les autres producteurs ne peut qu'étayer la thèse selon laquelle ces parties plaignantes ont subi un préjudice. Selon les avocats, la question de savoir si chaque producteur national a subi le même degré de préjudice n'est absolument pas en cause.

En ce qui a trait à l'évaluation de l'incidence du dumping sur la production au Canada de marchandises similaires, les avocats ont plaidé que le Tribunal ne doit prendre en considération que la production des produits d'acier au carbone laminés à chaud de base qui ont été vendus sur le marché libre, et non la production de produits secondaires, de tôles d'acier, de bandes à tuyaux ou à tubes et de charges d'alimentation destinées au laminage à froid.

Les avocats ont estimé que 50 p. 100 du marché canadien des marchandises en question se trouve dans le secteur automobile. Le reste est réparti entre les utilisateurs finals de secteurs autres que l'automobile et les distributeurs d'acier semi-ouvré. Environ 80 p. 100 du marché se trouve dans le centre et dans l'est du Canada, et 20 p. 100 dans l'ouest. Passant en revue les allégations de l'industrie nationale quant à ses pertes de ventes et à l'érosion des prix, les avocats ont soutenu que les aciéries américaines exerçaient une influence prédominante dans le Canada central. Leurs prix ont été tirés vers le bas par ceux de la mini-aciérie Nucor Steel au milieu de 1990, ce qui les a forcé à exporter pour utiliser au maximum leur capacité de production. De même, les aciéries américaines exerçaient également une influence prédominante dans l'ouest du Canada.

Selon les avocats, il importe peu de savoir qui a été l'instigateur des baisses de prix ou qui a effectué la première réduction de prix sur les milliers de transactions et d'offres qui se sont produites sur le marché canadien pendant la période en question. Quoique tous les vendeurs aient eu leur part dans les baisses de prix, les avocats ont soutenu qu'un importateur ne peut sous-évaluer sous prétexte de s'aligner simplement sur le prix d'un producteur canadien. À l'appui de cette thèse, les avocats ont cité la décision sur le Carbonate de soude [5] rendue par le Tribunal antidumping, et dans laquelle il était déclaré que l'industrie nationale :

aurait pu prévoir que ses concurrents adopteraient la même mesure [les prix à la baisse], mais elle avait le droit de supposer que ceux-ci n'iraient pas jusqu'au dumping préjudiciable [6] .

Les avocats ont plaidé qu'en réaction à la baisse des prix des importations américaines, les aciéries canadiennes ont dû baisser les leurs. Algoma a réagi à ces prix réduits au cours du premier trimestre de 1990, bien avant la grève. IPSCO a réagi de même à la fin de 1990, mais, en 1991, a dû se retirer du marché plutôt que de continuer à suivre les prix à la baisse. Par contre, Sidbec-Dosco n'a pas, tout d'abord, réduit ses prix, et ses volumes de ventes ont baissé. Lorsque toute sa production s'est trouvée menacée, elle a commencé à procéder à des réductions considérables à la fin de 1991 et au cours de 1992. Cette pression a également été ressentie par les aciéries d'outre-mer, qui se sont trouvées dans l'obligation de réduire leurs prix.

Dofasco

Les avocats ont plaidé que Dofasco s'est trouvée dans l'obligation de suivre à la baisse les prix des marchandises en question importées afin de préserver ses volumes et sa part du march 9‚. Par suite de l'érosion des prix, la société a subi des pertes de recettes et une réduction de sa marge bénéficiaire brute et de ses bénéfices nets. Dofasco n'a pas non plus été en mesure d'établir ou de maintenir une seule augmentation de prix pour les marchandises en question après le 1er janvier 1990, nonobstant l'augmentation des frais.

Pour ce qui est de la grève de 1990, les avocats ont fait remarquer que, contrairement à ce qui s'était passé lors des grèves antérieures, le prix de vente moyen de Dofasco avait baissé pendant la durée de celle-ci, de concert avec sa part du marché. Pendant cette période, Dofasco disposait d'une capacité excédentaire et a détourné vers le marché intérieur un tonnage destiné à l'exportation afin de satisfaire les besoins des clients d'Algoma. Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle Dofasco a accaparé des clients d'Algoma à l'époque où Algoma appartenait à Dofasco, les avocats ont soutenu qu'un protocole complet a été établi aux termes d'un accord de vente entre les deux sociétés pour assurer l'ordre dans la répartition des commandes et pour garantir à chaque partie la conservation de sa clientèle. L'accord de vente a été abrogé en mars 1992, peu avant qu'Algoma ne se constitue en nouvelle société, et aucune des deux parties n'a subi de pertes importantes de clients ou de personnel clé.

Afin d'appuyer des conclusions de préjudice futur, les avocats ont attiré l'attention sur la capacité de production des exportateurs nommés, sur la situation mondiale de l'industrie de l'acier, sur l'existence de nombreux importateurs et distributeurs, et sur les mesures commerciales américaines en vigueur contre les exportations d'acier du Canada et d'autres pays vers les États-Unis.

Importateurs et exportateurs

Les avocats et les procureurs des importateurs et des exportateurs ont plaidé que le dumping des marchandises en question n'était pas la cause du préjudice subi par l'industrie canadienne. Ce préjudice avait été causé par des facteurs qui n'étaient pas liés au dumping. Ces facteurs étaient la récession, les résultats des producteurs en matière de ventes à l'exportation, les effets des grèves de 1990 aux aciéries d'Algoma et de Stelco, les travaux de brasquage du haut fourneau de Stelco en 1991, la fluctuation des taux de change, le déménagement de plusieurs utilisateurs finals des marchandises en question aux États-Unis, l'emploi des techniques des mini-aciéries, qui présentent des avantages sur le plan des coûts, l'insolvabilité d'Algoma, et l'âpreté de la concurrence entre les producteurs canadiens qui souhaitent accroître leur part du marché et le taux d'utilisation de leur capacité de production.

BSC

Les procureurs de British Steel Canada Inc. (BSC) ont plaidé que la politique de leur client consistant à aligner ses prix sur ceux des aciéries canadiennes n'avait pas causé de perturbation et ne pouvait être considérée comme de nature à comprimer les prix. En ce qui a trait aux importations de leur client depuis les États-Unis, les procureurs ont plaidé qu'il s'agissait d'un produit spécialisé vendu à des prix supérieurs à ceux d'Algoma, et que, par conséquent, ces importations ne causaient aucun préjudice aux producteurs canadiens. Ils ont fait remarquer que la part du marché de leur client était inférieure à 1/2 p. 100 au cours de chacune des quatre années de la période visée par l'enquête. Les procureurs ont également fait remarquer que l'industrie a allégué avoir perdu des ventes à un seul client au profit de BSC, laquelle n'a rien vendu à ce client.

Les procureurs ont soutenu que le Tribunal, au cas où il rendrait des conclusions de préjudice, devrait exclure leur client parce que ses importations étaient d'un volume minimal et qu'elles ne causaient pas de préjudice à l'industrie canadienne. Ils ont pressé le Tribunal de ne pas considérer cumulativement les importations de BSC et les autres importations en question. Les avocats se sont référés à la cause des Bâtons de ski [7] , dans laquelle le Tribunal antidumping avait exclu certains pays.

Bethlehem, Acme, LTV, National, USX, WCI

Les avocats de six aciéries américaines intégrées, Bethlehem Steel Export Corporation (Bethlehem), Acme, LTV, National, USX et WCI, ont plaidé que le préjudice présumément subi par les producteurs canadiens avait été causé par des facteurs non liés au dumping. Ils ont fait remarquer que le Code exige que le préjudice causé par ces facteurs ne doit pas être attribué au dumping. Ils ont prétendu que l'industrie n'avait pas de grief légitime et qu'elle usait de représailles relativement aux mesures commerciales américaines prises à l'encontre de ses propres exportations de produits d'acier aux États-Unis. Les avocats ont fait remarquer qu'un des représentants de l'industrie avait reconnu lors de son témoignage oral que la plainte de dumping avait été déposée en partie en réaction contre les mesures commerciales américaines.

Les avocats ont fait valoir que les éléments de preuve ont montré que les importations depuis les États-Unis ont augmenté en 1990, en raison des grèves, mais que, depuis, elles sont à la baisse. La part de l'ensemble des importations américaines détenue par leurs six clients a graduellement baissé, passant de 25 p. 100 en 1989 à 15 p. 100 en 1992. Les avocats ont fait remarquer que leur part du marché combinée était tombée à 1,4 p. 100 en 1992, et que, par conséquent, les importations de leurs clients devaient être considérées comme étant minimales et être exclues au cas où des conclusions de préjudice seraient rendues.

Les avocats ont plaidé que le critère que le Tribunal doit observer en matière de lien de causalité est celui qui a été établi par le groupe spécial binational dans la récente affaire des Tapis [8] . Il doit être établi que le dumping, en lui-même et de lui-même, cause un préjudice sensible. Selon les avocats, le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve sont raisonnablement de nature à étayer de telles conclusions. Il ne peut se fonder sur les parts du marché ni sur le rapport du personnel. Il doit y avoir des éléments de preuve précis quant à l'existence du préjudice causé par le dumping. Les avocats ont également soutenu que le Tribunal ne peut se passer de faire une analyse de la façon dont les marges de dumping constatées par le Sous-ministre sont liées aux baisses ou aux écarts de prix. Il doit constater l'existence d'un lien de fait entre le dumping et toute baisse des volumes de vente nationaux à des clients précis, et ne peut donc conclure indirectement à l'existence de ce lien.

Francosteel

Les avocats d'Aciers Francosteel Canada Inc. (Francosteel) ont fait valoir que les facteurs non liés au dumping qui ont influé sur l'industrie nationale étaient la concurrence acharnée pour de grands clients, le fait que l'industrie nationale ne servait pas les petits clients si une quantité minimale n'était pas commandée, l'incertitude quant à l'avenir d'Algoma, la récession, la contraction de la demande et une baisse des prix mondiaux de l'acier. Les avocats ont fait valoir qu'aux termes du Code, le fardeau de la preuve repose clairement sur les parties plaignantes. Ces dernières doivent produire des éléments de preuve manifestes quant à l'existence d'un préjudice sensible et établir la présence d'un lien de causalité entre le dumping et le préjudice. Les avocats ont soutenu que le Tribunal doit déterminer quelle partie, le cas échéant, de l'érosion et de la compression des prix, est attribuable aux importations sous-évaluées, et si cette partie a nui aux aciéries canadiennes dans une mesure importante.

Il n'y avait que de rares exemples de cassage des prix et aucun élément de preuve quant à l'existence de sous-cotations ou d'offres à bas prix systématiques concernant les importations en général ou les importations depuis la France. Les avocats ont également fait remarquer que l'étude sur l'établissement des prix et sur les réductions de volume préparée par le personnel concluait que la majorité des personnes interrogées n'ont jamais obtenu de réduction de prix de la part des aciéries canadiennes en réaction aux prix concurrentiels des importations.

Pour ce qui est du marché de l'Ouest canadien, les avocats ont plaidé qu'IPSCO avait fait baisser les prix, et qu'elle était la meneuse en matière de prix sur ce marché. Ils se sont reportés à la déposition de M. Hugo G. Martin, de Wilkinson Steel, qui a décrit la baisse des prix d'IPSCO de 80 $ la tonne nette en 1990, et encore de 60 $ la tonne nette en 1991. Le témoin a également déclaré que les sociétés de l'Ouest canadien sont parfois dans l'impossibilité de trouver des sources d'approvisionnement canadiennes dans cette région. Francosteel, ont fait remarquer les avocats, n'est présente que sur une petite partie du marché de l'Ouest canadien. Sa politique d'établissement des prix prévoit le rajustement en fonction des prix pratiqués par les aciéries canadiennes, et les prix demandés par elle pour les bobines ordinaires étaient beaucoup plus élevés que ceux d'IPSCO pour les mêmes produits. Les avocats ont plaidé que les prix pratiqués par leur client ne pouvaient pas être considérés en eux-mêmes comme étant des facteurs de perturbation.

Pour ce qui est de la question du préjudice futur, les avocats ont fait valoir qu'il doit être fondé sur quelque chose de plus solide que de simples allégations et conjectures. Les éléments de preuve présentés par les parties plaignantes ne relèvent que de la conjecture. Le fait de prendre les effets d'éventuelles conclusions de préjudice américaines contre les exportations canadiennes comme exemple de préjudice futur relève dans une très grande mesure de la spéculation, en particulier dans le cas de la France, dont les exportations ne causent pas de préjudice aux producteurs canadiens. Ce qui est imminent en 1993, c'est l'amélioration de l'économie. Le rendement de l'industrie canadienne s'est également considérablement amélioré en 1992. Il y a aussi des signes de la baisse du dollar. Les prix au comptant indiqués par PaineWebber dans son rapport se sont stabilisés depuis mai 1991 au Canada et aux États-Unis, et il n'y a pas de nouvelle pression à la baisse. Il y a en outre des signes d'accroissement de la demande et de la production dans le secteur automobile.

ILVA, New Zealand Steel, Preussag

Le procureur d'ILVA S.p.A. (ILVA), de BHP New Zealand Steel Limited (New Zealand Steel) et de Preussag Stahl AG (Preussag) a fait remarquer que ses trois clients se concentraient sur des marchés ou des produits différents : New Zealand Steel, sur le marché de la Colombie-Britannique; Preussag, sur celui des tôles pour planchers exclusivement; et ILVA, essentiellement sur la transformation de pièces d'automobiles. Il a fait remarquer que les éléments de preuve montraient que l'Italie détenait moins de 1 p. 100 du marché en 1991 et en 1992. Les parts du marché de la Nouvelle-Zélande et de l'Allemagne étaient également inférieures à 1 p. 100 respectivement, au cours des deux dernières années. Le procureur a plaidé qu'avec ces petites parts du marché, comparées à la part du marché détenue par les producteurs canadiens, ses clients ne pouvaient être considérés comme ayant une incidence sur le marché canadien, et qu'ils n'y étaient que de simples participants. Le procureur a plaidé que les prix, au Canada, n'étaient pas tirés vers le bas par les importations, mais que c'était plutôt la clientèle constituée par les utilisateurs finals, notamment ceux de l'industrie automobile, qui les faisait baisser uniformément.

Le procureur a estimé que le marché des tôles pour planchers représente peut-être 2,5 p. 100 de l'ensemble du marché des marchandises en question. Le seul producteur canadien qui fabrique des tôles pour planchers est Algoma. Les prix de ses tôles pour planchers sont supérieurs d'environ 5 $ à 7 $ le quintal à ceux des tôles noires, alors que le coût de production supplémentaire que comporte la fabrication des tôles pour planchers ne justifie pas le prix supérieur demandé par Algoma pour ce produit. La dernière commande de tôles pour planchers depuis l'Allemagne datait de décembre 1991 et, par conséquent, la prétention d'Algoma selon laquelle cette dernière a subi un préjudice dû aux offres de prix concernant les tôles pour planchers allemandes au cours du premier trimestre de 1992 était sans fondement. Le procureur a plaidé que New Zealand Steel avait exporté moins de 3 000 tonnes nettes de tôles pour planchers en 1992, et qu'Algoma n'était pas intéressée par le marché de la Colombie-Britannique.

New Zealand Steel ne commercialise ses produits qu'en Colombie-Britannique; sa part du marché canadien total est inférieure à 1 p. 100. Le procureur a soutenu qu'IPSCO est le concurrent sur ce marché, et que cette société n'a pas prétendu avoir perdu des ventes ni subi une compression des prix par la faute du produit néo-zélandais. Il a fait remarquer que le prix du matériau coupé en longueurs à partir des bobines de son client était supérieur de 4,50 $ le quintal au prix d'IPSCO. Il a également parlé des allégations particulières d'Algoma et de Dofasco et a fait remarquer que New Zealand Steel n'avait pas fourni de produits aux clients en question ou que ses prix étaient supérieurs aux prix nationaux.

Le procureur a fait remarquer qu'ILVA est une petite entreprise qui se positionne sur un créneau et se concentre sur les fabricants de pièces d'automobiles de l'Ontario qui exportent les pièces finies aux États-Unis et peuvent, par conséquent, obtenir un drawback des droits de douane imposés sur l'acier importé. Il a soutenu que très peu d'affirmations de préjudice causé par ILVA à l'industrie canadienne avaient été faites et a cité deux exemples montrant que les prix d'ILVA étaient supérieurs aux prix nationaux.

En résumé, le procureur a fait valoir que l'industrie avait fait quelques accusations de nature générale et des plaintes dépourvues de fondement. Dans le cas d'ILVA et de New Zealand Steel, le procureur a plaidé que le volume et les prix de leurs importations ne pouvaient être considérés comme une cause de compression des prix ou de pertes de ventes. Dans le cas de Preussag, qui sert le marché des tôles pour planchers, le procureur a soutenu que l'industrie canadienne avait nettement montré son manque d'intérêt pour ce marché. Elle avait également fait des affirmations de préjudice qui sont sans lien avec le produit de Preussag.

Demandes d'exclusion

Enfin, plusieurs demandes ont été faites en vue de l'exclusion de certains produits qui n'étaient pas disponibles auprès des producteurs canadiens, au cas où des conclusions de préjudice seraient rendues. Ces demandes ont été faites par des sociétés représentées par des avocats et des procureurs, mais aussi par des sociétés qui ont comparu sans avocat, telles que GARANT, division de Hanson Kidde Canada Inc. et Freeway Washer Limited. La décision du Tribunal étant ce qu'elle est, il n'y a pas lieu de traiter de ces demandes d'exclusion.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping des marchandises en question, conformément à la décision du Sous-ministre, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Il faut, pour les besoins de la présente enquête, établir ce qui constitue des marchandises similaires aux marchandises en question importées. Le Tribunal doit ensuite être convaincu que l'industrie nationale qui a fait l'objet de la présente enquête constituait pour le moins une proportion majeure de la production nationale totale de marchandises similaires. Enfin, le Tribunal doit déterminer si l'industrie nationale a subi, ou est menacée de subir, un préjudice sensible, et s'il existe un lien de causalité entre le préjudice sensible subi et le dumping des marchandises en question. Si le Tribunal rend des conclusions de préjudice, il devra en outre se pencher sur les demandes d'exclusion.

Marchandises similaires

Pour déterminer le préjudice subi par l'industrie nationale, le Tribunal devait établir ce qui constituait des marchandises similaires aux marchandises en question importées. L'industrie nationale s'entend des producteurs nationaux de marchandises similaires.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les marchandises similaires, en rapport avec les marchandises en question importées, comme suit :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

De toute évidence, des marchandises de production nationale qui correspondraient à la définition des marchandises en question donnée par le Sous-ministre dans sa décision provisoire de dumping constitueraient des marchandises similaires du fait qu'elles seraient identiques à tous les égards aux marchandises en question. Dans la présente enquête, la question se posait de savoir si les bandes à tuyaux ou à tubes de production nationale, c'est-à-dire des feuilles laminées à chaud servant à la production de tuyaux et de tubes, sont des marchandises similaires, bien que les bandes à tuyaux ou à tubes importées aient été exclues des marchandises en question. Il se posait aussi la question de déterminer si les feuilles laminées à chaud servant de charges d'alimentation dans la production de tôles laminées à froid constituaient des marchandises similaires.

Bandes à tuyaux ou à tubes

Dans la cause Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. [9] , la Cour d'appel fédérale a rejeté la proposition selon laquelle l'alinéa b) de la définition de marchandises similaires ne doit être pris en considération qu'en l'absence des marchandises décrites à l'alinéa a). En d'autres termes, le Tribunal peut inclure, dans la catégorie des marchandises similaires de production nationale, des marchandises qui sont très proches des marchandises importées, même s'il y a des marchandises «identiques» aux marchandises importées. Ainsi, la Cour d'appel fédérale a reconnu que même lorsqu'il y a production nationale de marchandises identiques à celles qui sont importées, les marchandises qui sont très proches des marchandises importées et qui peuvent leur être substituées tout en leur faisant concurrence, peuvent également constituer des marchandises similaires.

Dans la cause Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping [10] , la Cour d'appel fédérale a accepté l'approche de l'analyse des marchandises similaires adoptée par le Tribunal antidumping, dans laquelle il avait déclaré que :

la question de savoir si des marchandises sont «semblables» doit être établie par des études de marché. Ces marchandises se font-elles directement concurrence? Visent-elles les mêmes consommateurs? Ont-elles, du point de vue fonctionnel, le même usage final? Répondent-elles aux mêmes besoins? Peut-on les substituer l'une à l'autre [11] ?

Le Tribunal antidumping a également pris en considération les caractéristiques physiques des marchandises, y compris leurs ressemblances et leurs dissemblances, lorsqu'il a examiné si elles étaient «similaires».

Le Tribunal antidumping s'est concentré sur la mesure dans laquelle les marchandises importées et les marchandises de production nationale pouvaient être substituées les unes aux autres. Si les marchandises étaient considérées comme pouvant être facilement substituées les unes aux autres, la tendance était de les considérer comme des marchandises similaires. Cette analyse était étayée par une comparaison entre les caractéristiques des marchandises.

Il n'y a pas d'indication, en droit, quant à la question de savoir si les marchandises similaires peuvent comprendre des marchandises qui ont été explicitement exclues de la décision provisoire de dumping. Cependant, si les questions sanctionnées dans la cause Sarco sont posées, il peut être constaté que les bandes à tuyaux ou à tubes de production nationale et que les importations en question peuvent être substituées les unes aux autres et se font concurrence. Ainsi, et bien que les bandes à tuyaux ou à tubes soient exclues de la catégorie de marchandises définie par le Sous-ministre, les bandes à tuyaux ou à tubes de production nationale peuvent être admissibles au statut de «marchandises similaires».

Cependant, compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal a conclu que les bandes à tuyaux ou à tubes ne sont pas des marchandises similaires. L'expression «bandes à tuyaux ou à tubes» doit être interprétée comme comportant une utilisation finale précise. Comme les bandes à tuyaux ou à tubes, de par leur définition même, sont destinées à une utilisation finale différente de celle à laquelle sont destinés les autres produits de tôle laminés à chaud, elles sont distinctes sous ce rapport. En tant que telles, elles ne sont pas identiques à tous les égards aux marchandises en question. De plus, les éléments de preuve ont montré que les bandes à tuyaux ou à tubes ont un calibre différent de celui de la plupart des produits de tôle laminés à chaud, qu'elles ont une composition chimique précise selon leur utilisation finale et qu'elles présentent des dimensions particulières.

De plus, les usages auxquels sont destinées les bandes à tuyaux ou à tubes et leurs autres caractéristiques ne sont pas très proches de ceux des marchandises en question. Comme il a déjà été indiqué, les usages réservés aux bandes à tuyaux ou à tubes sont distincts de ceux des marchandises en question. En outre, il ressort de quelques éléments de preuve que les caractéristiques physiques des bandes à tuyaux ou à tubes se distinguent de celles des marchandises en question. Les éléments de preuve appuyaient la conclusion selon laquelle les bandes à tuyaux ou à tubes de production nationale ne feraient pas concurrence aux marchandises en question et ne pourraient être substituées à celles-ci.

Charges d'alimentation pour laminage à froid

Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal a conclu que les charges d'alimentation sont des marchandises similaires. La question préliminaire consistait à déterminer si les charges d'alimentation entrent dans la définition des marchandises en question. Il s'agissait d'établir si les charges d'alimentation sont fabriquées selon certaines spécifications ou normes.

D'après certains témoignages, les charges d'alimentation ne sont pas fabriquées selon une spécification ou une norme. Cependant, la prépondérance de la preuve étaye la conclusion contraire. Il ressort du témoignage de M. Derek M. de Korte, d'Algoma, que les charges d'alimentation sont produites selon une spécification particulière. Une nuance d'acier précise était indiquée sur le certificat d'analyse chimique accompagnant un envoi de charges d'alimentation de la société Sollac, de France, à Dofasco, en 1990, que Francosteel a remis au Tribunal. Dans une lettre d'accompagnement, Francosteel a confirmé que les charges d'alimentation «répondent à la spécification». De même, dans une lettre envoyée au Tribunal par Cold Metal Products Company, Ltd. (CMP), une lamineuse d'acier à froid canadienne indépendante, il était indiqué que les charges d'alimentation doivent toujours répondre aux spécifications rigoureuses prescrites par la société, et que les méthodes d'essai de l'ASTM sont trop générales. Compte tenu de ce fait, les charges d'alimentation importées ont été considérées comme répondant à une spécification, et donc comme étant des marchandises en question.

Pour déterminer si les charges d'alimentation de production nationale sont des marchandises similaires, le Tribunal devait établir si elles sont identiques à tous les égards aux marchandises en question ou si leur utilisation et leurs autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en question. Il est indiqué dans l'annexe 2 de la décision provisoire de dumping, que CMP était un importateur de marchandises en question pendant la période visée par l'enquête du Sous-ministre. CMP achète également les charges d'alimentation à un fournisseur canadien. Dans une lettre au Tribunal datée du 18 mai 1993, CMP indiquait que les charges d'alimentation qu'elle achète «répondent toujours à nos spécifications. Sinon, elles ne sont pas acceptables». Le Tribunal a déduit de ce fait que les charges d'alimentation importées et de production nationale, à supposer qu'elles ont une utilisation finale similaire, seraient identiques.

Il est clair pour le Tribunal que les charges d'alimentation de production nationale ont des utilisations et des utilisateurs similaires à ceux des charges d'alimentation importées. Quant aux caractéristiques similaires, il est ressorti du témoignage de Dofasco que les charges d'alimentation sont bobinées à une température unique, qu'elles ont une surface granuleuse qui permet de les saisir et de les tirer plus facilement lorsqu'elles sont en bobines, et que la feuille doit être bombée du fait qu'elle est plus mince aux rives. Ces caractéristiques étant requises pour le façonnage à froid des tôles laminées à chaud, le Tribunal peut déduire qu'elles sont communes aux charges d'alimentation importées et à celles qui sont de production nationale. De même, les unes comme les autres seraient produites à partir de matières premières similaires, au moyen de processus de production similaires. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a conclu que les charges d'alimentation de production nationale sont des marchandises similaires.

Marchandises similaires transférées à l'interne

La question des marchandises similaires, et plus particulièrement celle des marchandises transférées à l'interne, a été traitée lors de la conférence préparatoire à l'audience. Il a été plaidé au nom de l'industrie nationale que la catégorie des marchandises similaires devrait être limitée aux marchandises vendues sur le marché commercial. Elle ne devrait pas inclure les feuilles laminées à chaud transférées à l'interne par le fabricant en vue d'une production en aval de marchandises comme l'acier laminé à froid, étamé ou galvanisé.

Le Tribunal devait déterminer si le fait que les marchandises similaires sont transférées à l'interne plutôt que vendues sur le marché commercial fait une différence. Il n'y a pas de fondement légal au fait que les marchandises transférées à l'interne soient exclues de la production au Canada de marchandises similaires pour les besoins de la détermination du préjudice causé à cette production. L'industrie nationale est définie dans le Code en rapport avec la production de marchandises similaires, sans considération du marché ou des canaux de distribution des marchandises. Ainsi, le Tribunal a conclu que les marchandises similaires transférées à l'interne aussi bien que celles qui sont vendues sur le marché commercial doivent être considérées comme faisant partie de la production au Canada qui fait l'objet de l'enquête de préjudice.

Industrie nationale

Aux termes de l'alinéa 42(3)a) de la LMSI, le Tribunal doit tenir entièrement compte du paragraphe 1 de l'article 4 du Code, qui donne la définition de l'industrie nationale (dénommée dans le Code «branche de production nationale»). Ce paragraphe prévoit que :

Aux fins de la détermination de l'existence d'un préjudice, l'expression «branche de production nationale» s'entendra de l'ensemble des producteurs nationaux de produits similaires ou de ceux d'entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production nationale totale de ces produits.

Le Tribunal conclut que cette exigence est satisfaite, attendu que les parties plaignantes et que les autres producteurs nationaux comparaissant à l'appui de la plainte rendent compte de toute la production nationale de tôles d'acier au carbone laminées à chaud.

Préjudice sensible

Lors de son enquête, le Tribunal doit tout d'abord décider si l'industrie nationale a subi, ou si elle est menacée de subir, un préjudice sensible. Deuxièmement, le Tribunal doit être convaincu de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice observé ou menaçant et les importations sous-évaluées. Il doit être convaincu que le préjudice n'est pas attribuable à d'autres facteurs existant sur le marché.

Il est apparu clairement au Tribunal que l'industrie avait subi un préjudice sensible sous la forme d'une détérioration importante du chiffre d'affaires et des résultats financiers. Cependant, la récession économique, les interruptions de travail à Stelco et à Algoma, et différents autres événements ont été cités à titre d'explications possibles des mauvais résultats obtenus par les producteurs canadiens pendant la période visée par l'enquête.

Analyse des indicateurs du marché

Le Tribunal a commencé par examiner l'évolution du marché pendant la période visée par l'enquête afin de déterminer l'influence des importations sur les résultats de l'industrie.

Il ressort des éléments de preuve que le marché des produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud a connu des changements importants entre 1989 et 1992. La demande de ces produits a baissé rapidement pendant la période d'enquête. La part du marché détenue par les aciéries canadiennes, quoique importante par rapport à celle des importations, s'est également détériorée. Ces deux facteurs, pris cumulativement, ont donné lieu à une perte importante en matière de volume de vente et de chiffre d'affaires pour les producteurs canadiens. Les réductions de prix qui se sont produites en même temps ont exacerbé la baisse du chiffre d'affaires.

La récession économique a commencé sérieusement en 1990 et l'industrie de l'acier a été parmi les premières à en subir l'incidence sur les ventes et les prix. La demande du marché pour les marchandises en question a baissé de 9 p. 100 alors que certains fabricants et transformateurs canadiens se sont installés aux États-Unis tandis que d'autres acheteurs d'acier ont réduit leurs activités ou ont carrément fermé leurs portes. Des quelque 400 000 tonnes nettes représentant la réduction des ventes des aciéries nationales en 1990, plus de la moitié est attribuable aux réductions de la demande du marché.

Deux importants événements se sont produits en 1990, qui ont contribué à l'expansion des importations depuis les pays visés, lesquelles ont plus que doublé cette année-là. Le plus important d'entre eux a été les grèves de quatre mois à Stelco et à Algoma. Le Tribunal prend note de la prétention de ces deux producteurs quant au fait qu'ils se sont préparés à la grève, et qu'ils ont pu, en constituant des stocks et en détournant vers l'intérieur des ventes à l'exportation, approvisionner la plupart de leurs clients. Le Tribunal remarque également que la production des trois autres producteurs canadiens, qui n'étaient pas en grève, a également baissé en 1990, quoiqu'à un taux inférieur de moitié environ à celui des deux sociétés touchées par les grèves, ce qui laisse penser que des facteurs autres que ces dernières ont sous-tendu la baisse des ventes en 1990. Les témoignages entendus à l'audience ont révélé que plusieurs clients des sociétés touchées, soucieux de protéger leur approvisionnement en matière première, se sont tournés vers des sources américaines et d'autres sources étrangères en 1990. Le témoin de GM Canada, par exemple, a attribué l'augmentation des achats de produits américains par GM Canada aux grèves. Il a expliqué que sa société s'est détournée d'Algoma et de Stelco pour s'approvisionner auprès de Dofasco en raison de l'incertitude créée par les gréves et dans le but de se prémunir contre les pénuries d'approvisionnement national, et que lorsque les conditions ont commencé à se détériorer sur le marché, elle a négocié avec les fournisseurs américains des contrats s'étendant jusque dans le cours de 1991. Ce témoignage a renforcé l'opinion qui prévalait à l'époque, comme l'indiquent les coupures de presse et les rapports annuels des sociétés, que les grèves avaient fait perdre des clients à Algoma et à Stelco en 1990 et par après. De ce fait, l'industrie a subi une perte de part du marché aussi bien que de flux de trésorerie.

L'autre facteur qui expliquait partiellement la pénétration du marché par les marchandises en question étrangères, et notamment américaines, était l'appréciation du dollar canadien. Lorsque le dollar canadien a commencé à se raffermir en 1990, le prix de l'acier américain est devenu plus avantageux. Qui plus est, la fluctuation du taux de change a également causé des pertes aux aciéries canadiennes relativement aux marchés qu'elles avaient négociés en devises américaines.

De l'avis du Tribunal, la récession économique, les grèves à Stelco et à Algoma ainsi que la hausse de la valeur du dollar canadien sont les principaux facteurs qui expliquent la baisse du chiffre d'affaires de l'industrie et de son revenu net en 1990. Quoique les importations soient devenues plus présentes sur le marché canadien cette année-là, aucun élément de preuve n'indique qu'elles ont été vendues à des prix sous-évalués. Le Tribunal estime que l'augmentation des importations en 1990 était le résultat des grèves et, dans une mesure moindre, des variations du taux de change, et ne peut être attribuée aux effets du dumping.

La demande du marché a baissé de façon plus radicale encore en 1991, soit de quelque 19 p. 100, au fur et à mesure que la récession s'aggravait. Les ventes de produits nationaux ont baissé de plus de 250 000 tonnes nettes, mais la part du marché des aciéries canadiennes a tout de même augmenté d'un point de pourcentage pour passer à 84 p. 100. Cette même année, l'aciérie Hilton de Stelco, qui satisfait 40 p. 100 des besoins concernant la fonte en fusion de cette société, a été fermée pendant quatre mois pour cause de reconstruction partielle et de brasquage de ses hauts fourneaux. Les ventes de Stelco sur le marché canadien ont baissé dans une proportion plus importante que la moyenne de l'industrie pour cette année-là.

Les importations depuis les pays visés sont restées relativement importantes, puisqu'elles représentaient 15 p. 100 du marché en 1991. Les importations américaines en constituaient la plus grande partie, avec 195 000 tonnes nettes, ou 12 p. 100 du marché. Les éléments de preuve produits à l'audience ont montré que les aciéries américaines étaient toujours la deuxième source d'approvisionnement de nombreux transformateurs d'acier et distributeurs d'acier semi-ouvré canadiens. C'est ainsi par exemple que AG Simpson Company Ltd. et J.I. Case, deux transformateurs d'acier, ont continué de faire affaire avec des aciéries américaines, même si elles ont recommencé à effectuer la plupart de leurs achats auprès de producteurs canadiens après la fin des grèves. Ceci confirme aussi les renseignements donnés à l'époque aux actionnaires quant au fait que les producteurs devraient faire une concurrence agressive pour récupérer la clientèle perdue pendant les grèves.

La détérioration des prix a continué en 1991, alimentée par l'importante chute de la demande de marchandises en question. De plus, le dollar canadien a encore augmenté, atteignant les 0,88 $ US au cours du troisième trimestre de 1991, soit son plus haut point en 10 ans. Ceci a rendu les produits américains encore plus intéressants. Un certain nombre de rapports de visites-clients déposés par les parties plaignantes pour prouver l'érosion des prix mentionnaient la valeur élevée du dollar canadien, ce qui indiquait que la valeur du dollar était un facteur important dans les décisions d'achat prises par les clients cette année-là. Le témoin de GM Canada a également souligné, dans sa déposition, l'incidence des taux de change sur les prix à cette époque.

Après une baisse de deux ans sur le marché, la demande des marchandises en question est remontée de 13 p. 100 en 1992. Les producteurs nationaux ont répondu à la totalité de cette demande supplémentaire, les importations en question ayant baissé de 19 000 tonnes nettes, ou 8 p. 100.

En dépit de la hausse de la demande du marché et de l'ouverture de l'enquête de dumping par Revenu Canada, en août 1992, les prix ont continué à baisser tout au long de 1992. Ce n'est pas avant le début de 1993 qu'ils ont commencé à se raffermir. Ceci amène le Tribunal à penser que les principaux facteurs qui ont sous-tendu l'érosion des prix observée sur le marché en 1992 étaient des facteurs autres que le dumping.

En 1992, la concurrence par les prix a été intense sur le marché national, et a été alimentée pour une bonne part, de l'avis du Tribunal, par les gestes posés par les producteurs canadiens eux-mêmes. Le plan de restructuration d'Algoma, qui rendait celle-ci officiellement indépendante de Dofasco, avait été accepté en mars 1992. Aux termes de ce plan, les gouvernements garantissaient une importante partie de la dette d'Algoma. Au début d'avril 1992, cette société a retrouvé le pouvoir de commercialiser sa propre production. De janvier 1990 à avril 1992, en effet, Dofasco avait assumé la responsabilité de l'écoulement de la production des marchandises en question d'Algoma, et utilisé pour cela les listes de clients et le personnel de vente de celle-ci. Le Tribunal ajoute foi dans une certaine mesure à la thèse selon laquelle la politique d'établissement des prix agressive suivie par Algoma en 1992 était causée par son désir, non seulement de faire concurrence aux importations sous-évaluées, mais encore de récupérer les clients perdus et de s'imposer de nouveau comme un fournisseur viable et à long terme sur le marché.

Les éléments de preuve ont également montré que la politique d'établissement des prix de Sidbec-Dosco a contribué à la détérioration des prix du marché en 1992. Selon les témoins de la société, Sidbec-Dosco a décidé de baisser ses prix nationaux en 1992 pour élever sa production à des niveaux plus acceptables. De ce fait, ses ventes ont augmenté considérablement, en particulier sur le marché de l'Ontario, où la société a fait des percées importantes. Les renseignements dont dispose le Tribunal montrent que Sidbec-Dosco a vendu son produit aux utilisateurs de l'Ontario à des prix notablement inférieurs à ceux du produit importé.

Pendant la période visée par l'enquête, les ventes des producteurs nationaux ont baissé d'environ 500 000 tonnes nettes, baisse dont plus de 75 p. 100 est attribuable à la récession économique. Le reste peut être relié à l'augmentation des importations depuis les pays nommés.

Érosion des prix

Les prix du marché pour les marchandises en question ont baissé d'environ 15 p. 100 pendant la période visée par l'enquête. L'argument central des parties plaignantes est que les importations sous-évaluées ont érodé les prix et mis les producteurs canadiens dans la position de baisser les prix en conséquence, ou de perdre des ventes. Cependant, les producteurs canadiens n'ont guère produit d'éléments de preuve vérifiables quant aux offres de prix relatives aux importations ou aux ventes d'importation à des clients canadiens, qui auraient permis au Tribunal de conclure que les importations sous-évaluées ont joué un rôle important dans les baisses de prix qui se sont produites entre 1989 et 1992. (L'analyse qu'a faite le Tribunal des allégations de l'industrie relativement à des pertes de ventes et à l'érosion des prix dans le cas de différents clients est contenue dans la section suivante.) En conséquence, le Tribunal a dû se fonder sur les renseignements recueillis par son personnel pour déterminer le comportement des importations et des produits nationaux en rapport avec l'établissement des prix pendant la période visée par l'enquête.

Le Tribunal a commencé par examiner les renseignements recueillis dans ses questionnaires et dans son rapport interne, qui indiquaient les tendances des prix moyens des importations et des produits nationaux. Il est ressorti de ces données que les prix de vente des produits nationaux et des importations s'étaient nettement détériorés de 1989 à 1992. Même après que le personnel du Tribunal ait rajusté les prix en y incluant le fret pour obtenir le prix rendu, les tables de prix ont révélé que les prix rendus moyens des importations des pays visés étaient régulièrement plus élevés que les prix rendus moyens des produits nationaux au cours de chaque année de la période visée par l'enquête.

Les avocats de l'industrie nationale ont adopté pour position que les comparaisons entre les prix moyens n'étaient pas valables en raison de la différence entre les éventails de produits vendus par les producteurs nationaux et les importateurs. Le témoignage d'un certain nombre de parties à l'audience publique a établi qu'une partie considérable de l'activité des importateurs comporte la vente, sur des créneaux, de produits à plus grande valeur ajoutée, à des prix plus élevés que ceux de la plupart des ventes conclues par les producteurs nationaux. Ceci peut expliquer en partie le caractère généralement plus élevé des prix des importations.

Pour que les comparaisons de prix rendent compte des éventails de produits, le personnel du Tribunal a fait sur les prix une étude complémentaire dans le cadre de laquelle il a obtenu des distributeurs d'acier semi-ouvré et des utilisateurs finals [12] les prix rendus des marchandises en question nationales et importées correspondant à un choix de spécifications, parmi lesquelles les spécifications A569, qualité marchande, A621, qualité pour emboutissage, A622, qualité en acier calmé pour emboutissage, et A607, qualité en acier faiblement allié de haute résistance, de largeurs et de calibres précis, pour les mois de janvier, avril, juillet et octobre 1991 et 1992. Les résultats de l'étude ont confirmé l'érosion des prix rendus des producteurs et des importateurs de 1991 à 1992 dans le cas de produits de tôle d'acier au carbone précis.

L'étude complémentaire sur l'établissement des prix a également permis d'examiner l'affirmation de l'industrie quant à l'érosion des prix due au dumping des marchandises en question. Elle a rendu possible l'examen des prix payés par des clients précis aux fournisseurs de produits en question nationaux et importés ayant les mêmes spécifications de nuance, le même calibre et les mêmes dimensions. Ses résultats comprenaient plus de 1 200 prix d'achat individuels et plus de 450 séries de prix aux fins de comparaison. Des représentants de trois des sociétés interrogées pour cette étude, Samuel, Son & Co., Limited (Samuel), Wilkinson Steel et GM Canada ont comparu comme témoins et ont subi un contre-interrogatoire au cours de l'audience publique du Tribunal.

L'image d'ensemble des producteurs nationaux qui est ressortie de l'étude n'a pas été celle de producteurs qui soutenaient la concurrence des importations depuis les pays visés et réduisaient régulièrement leurs prix pour conserver leurs clients ou étaient évincés par des importations à prix plus bas, comme on s'attendrait à ce que cela soit le cas lorsque des importations causent une érosion de prix préjudiciable. En fait, les résultats de l'étude ont montré qu'il existait, dans une mesure limitée, une concurrence par les prix directe entre les importations depuis les pays visés et les produits nationaux. La forme de concurrence la plus fréquente était la concurrence directe entre les producteurs nationaux dans le cas de produits identiques vendus à un client particulier. Il y avait cependant quelques cas d'importations en question à prix inférieur faisant concurrence pour des clients, et les gagnant apparemment. Cette situation existait surtout sur le marché de la Colombie-Britannique, et tendait à concerner des importations provenant d'outre-mer, surtout de la Nouvelle-Zélande. Il n'y avait pas grand chose en fait de surenchère entre les marchandises nationales et les marchandises importées sur le marché de l'Ontario, où 70 p. 100 des marchandises en question sont vendues.

En plus de faire l'étude sur l'établissement des prix dont il est traité ci-dessus, le personnel du Tribunal a effectué une seconde étude sur les acheteurs de marchandises en question. Il a tenté de trouver des cas précis où des acheteurs avaient obtenu des réductions de prix ou de volume de la part des producteurs nationaux en réaction à des offres de prix inférieurs de la part des importateurs ou des exportateurs. La plupart des acheteurs ont déclaré n'avoir jamais obtenu de réduction de prix des producteurs canadiens en rapport avec des offres concurrentes portant sur des importations.

Seule l'une des parties interrogées pour cette étude a déclaré avoir obtenu des réductions de prix de la part d'une aciérie nationale en réaction à la concurrence constituée par des offres de prix inférieurs. Dans le cas de trois réductions de prix obtenues de Dofasco avant 1992, le prix concurrent était offert par un distributeur d'acier semi-ouvré, mais la personne interrogée n'a pu confirmer si le produit offert était importé ou national. En 1992, un distributeur d'acier semi-ouvré a offert des importations de produits français à des prix inférieurs au prix de vente alors pratiqué par Dofasco, ce qui a amené Dofasco à réduire son prix envers ce client.

La même personne a déclaré avoir réduit à cinq reprises le volume de ses achats à Dofasco en réaction à l'offre de produits moins chers par un distributeur d'acier semi-ouvré. Dans chaque cas, la personne n'a pas été en mesure d'identifier la source du produit concurrent. Deux seulement de ces cas se sont produits en 1992.

Enfin, cette personne a déclaré avoir à deux reprises substitué des distributeurs d'acier semi-ouvré à Dofasco comme source d'approvisionnement au cours de l'été 1990, mais n'a pu identifier la source du produit de remplacement.

Le Tribunal prend note du taux de réponse limité et du faible volume de marchandises similaires déclaré dans les réponses obtenues lors de la deuxième étude effectuée par le personnel sur les acheteurs. Cependant, ces renseignements, tout en ne contribuant peut-être pas beaucoup au corps de la preuve, contiennent peu d'éléments, s'il en est, à l'appui de la prétention de l'industrie selon laquelle les prix auraient été érodés par les importations sous-évaluées.

En somme, le Tribunal n'a pas trouvé grand chose dans la documentation rassemblée par son personnel dans le cadre de ses différentes études pour attribuer les baisses de prix observées pendant la période visée par l'enquête aux importations sous-évaluées depuis les pays en question. La plupart des prix des produits importés dépassaient les prix des producteurs nationaux, tant en moyenne que dans le cas de produits précis destinés à des clients particuliers.

Le Tribunal prend note avec intérêt des efforts déployés par Algoma pour illustrer l'incidence du dumping sur les prix des marchandises similaires en comparant les recettes indexées des ventes des marchandises en question à celles des ventes des tôles trempées et revenues, un produit non visé. Algoma soutient avoir choisi ces tôles pour son analyse parce qu'elles sont moins sensibles au dumping. Le Tribunal estime que ce genre d'analyse pourrait être utile pour quantifier l'étendue du préjudice subi. Mais il fait remarquer que les tôles trempées et revenues se vendaient sur un créneau relativement étroit, à des prix sensiblement plus élevés que ceux des marchandises en question. Par conséquent, les prix des tôles trempées et revenues seraient moins susceptibles que ceux des marchandises en question de subir l'incidence des pressions récessionnistes et d'autres facteurs. Le Tribunal n'a pas été convaincu que les tôles trempées et revenues étaient, en tant que telles, un produit propre à l'établissement d'une comparaison de prix.

Éléments de preuve soumis par les acheteurs

Au cours de l'audience publique, le Tribunal a entendu les dépositions de quatre témoins représentant des centres d'acier semi-ouvré et des utilisateurs finals. Le Tribunal a cité à comparaître des représentants de Wilkinson Steel et de GM Canada. Stelco a fait venir un représentant de Samuel et les avocats des six aciéries américaines intégrées ont cité à comparaître un témoin de Maksteel Service Centre (Maksteel). Wilkinson, GM Canada et Samuel ont toutes trois répondu au questionnaire complémentaire sur l'établissement des prix élaboré par le personnel.

Wilkinson, un distributeur d'acier semi-ouvré de la Colombie-Britannique, a présenté sur le marché une série de produits coupés en longueurs en 1990. Le témoin de Wilkinson a soutenu qu'en réaction, IPSCO a baissé ses prix des bobines laminées à chaud à l'installation qu'elle possède à Vancouver et où se fait la coupe en longueurs, avec pour résultat que les autres aciéries nationales ont dû baisser leurs prix des bobines pour rester concurrentielles. Le témoin a fourni une série de prix de vente d'un choix de produits en question nationaux et importés de certaines spécifications correspondant ou ne correspondant pas à l'éventail des produits d'IPSCO. L'examen de cet élément de preuve révèle qu'IPSCO était la meneuse en matière de prix pour son éventail de dimensions à partir du début de 1991 et tout au long de 1992.

Le représentant de Samuel a soutenu que les distributeurs d'acier semi-ouvré et les courtiers en acier américains expédiaient des produits secondaires et des produits de première qualité excédentaires au Canada à des prix de dumping. L'élément de preuve produit par ce témoin comprenait les offres de prix de certains distributeurs d'acier semi-ouvré américains. Cependant, la plupart des offres de prix n'étaient pas étayées par des factures de clients de l'un ou l'autre producteur national. L'une des offres était destinée à Samuel Son International, aux États-Unis, et concernait les prix offerts aux acheteurs américains. Le représentant de Samuel a témoigné que la société n'importe pas de produits de la société Samuel Son International des États-Unis.

Le témoin de Maksteel a déclaré qu'au début de 1990, il a semblé qu'une quantité importante de marchandises en question à bas prix entraient au Canada depuis la région de Détroit. Il a signalé que ces importations étaient vendues au Canada par des courtiers américains. Le témoin n'a pas été en mesure de donner des détails quant à la question de savoir si ces produits étaient des produits laminés à chaud de première ou de deuxième qualité. Le témoin s'est vu demander si ces bas prix étaient la force motrice de la baisse des prix sur le marché national. Il a répondu que le refus de l'industrie automobile d'accepter des augmentations de prix avait eu un effet niveleur sur les prix et que l'incidence relative des importations à bas prix sur les prix de vente d'une société donnée dépendait du secteur du marché sur lequel vend la société.

Les déclarations de ces témoins ont confirmé la présence d'importations sous-évaluées sur le marché ainsi que d'offres à bas prix, mais n'ont fourni pratiquement aucun élément de preuve quant au fait que les producteurs auraient réduit leurs prix de vente en réaction aux importations sous-évaluées. Qui plus est, les éléments de preuve ont mis en relief la politique d'établissement des prix agressive d'IPSCO et la très grande influence de l'industrie automobile sur les niveaux de prix.

Le Tribunal a entendu des éléments de preuve selon lesquels jusqu'à 70 p. 100 des marchandises en question qui sont commercialisées au pays sont vendues, directement ou par l'intermédiaire de distributeurs d'acier semi-ouvré, à des emboutisseurs et à des transformateurs pour les besoins de l'industrie automobile. Compte tenu de l'importance primordiale de l'industrie automobile en tant qu'utilisatrice finale et acheteuse de marchandises en question, le Tribunal était très intéressé par le rôle joué par cette industrie, et a invité son propre témoin, un représentant de GM Canada, à témoigner.

Après avoir entendu et interrogé soigneusement ce témoin, et l'avoir soumis à un contre-interrogatoire, le Tribunal estime que les importations sous-évaluées ont eu peu d'incidence sur cet important segment du marché. Les producteurs canadiens n'ont pas prétendu avoir perdu des ventes auprès de leurs clients de l'industrie automobile en raison du dumping. De fait, GM Canada achète au moins 95 p. 100 de ses besoins annuels à des aciéries canadiennes. En outre, les fabricants d'automobiles ont apparemment pour politique et pour habitude d'acheter la très grande majorité des produits dont ils ont besoin en Amérique du Nord. Si les importations sous-évaluées avaient une incidence, celle-ci devrait donc se manifester sous la forme d'une érosion ou d'une compression des prix, et serait, qui plus est, limitée aux produits américains.

Un producteur canadien a soutenu que les prix étaient érodés par les aciéries américaines dans le cas de GM Canada, mais il n'a pu fournir le nom de la source concurrente ni le prix du produit offert. Le Tribunal a donc été dans l'impossibilité de déterminer si les importations sous-évaluées étaient une cause de la réduction de prix déclarée par le producteur national. En fait, la déposition du témoin de GM Canada, en ce qui a trait à la politique d'approvisionnement en matières premières de la société, a révélé que le lien entre les prix dominants du marché et les prix négociés par ce fabricant d'automobiles était plutôt ténu. La société a pour politique de ne choisir ses fournisseurs que parmi les aciéries nord-américaines qui figurent sur une courte liste approuvée au préalable, et de conclure des marchés pour une période d'au moins un an. Les négociations portent essentiellement, en plus du prix, sur la question des économies de coût, des critères de qualité, des taux de change, des arrangements pour une livraison «juste à temps» et sur d'autres facteurs non liés aux prix. Ce n'est que dans des cas exceptionnels et rares que ce fabricant achète sur le marché au comptant, et encore, en petites quantités seulement. Le témoin de GM Canada a souligné l'importance de ces facteurs non liés aux prix dans les décisions d'approvisionnement de la société.

Le Tribunal admet que la disponibilité de produits américains concurrents à bas prix puisse exercer une pression à la baisse sur ces négociations de prix, mais estime que les éléments de preuve montrent que les aciéries canadiennes agissent moins sous cette influence que sous celle des fabricants d'automobiles, qui disposent de très grands pouvoirs en matière d'établissement des prix. De fait, le témoin de GM Canada a expliqué que les structures, procédures et politiques d'achat de sa société sont conçues de façon à obtenir les prix les plus bas possibles pour les matières premières. Le Tribunal estime convaincant l'élément de preuve selon lequel les prix des producteurs ont été érodés dans le cas des ventes des marchandises en question au secteur automobile, en raison des grands pouvoirs en matière d'établissement des prix dont disposent les importants fabricants d'automobiles. De l'avis du Tribunal, les fabricants d'automobiles exercent cette influence sur les prix sans tenir compte de la disponibilité des importations sous-évaluées. Cette considération a joué un très grand rôle dans la décision du Tribunal, compte tenu de la très grande proportion de marchandises en question utilisée dans ce secteur du marché.

Allégations de pertes de ventes et d'érosion de prix de l'industrie

Le Tribunal a examiné toutes les prétentions de l'industrie quant à des pertes de ventes et à l'érosion des prix dues au dumping des importations en question. Un résumé de la plupart de ces allégations suit ci-après. Ce résumé est indicatif de toutes les allégations présentées par l'industrie. Stelco et Algoma ont fourni la plus grande partie de la documentation à l'appui de ces prétentions, parmi lesquelles des rapports de visites-clients de représentants de ventes et des notes de service internes destinés à illustrer des cas précis de pertes de ventes ou d'érosion de prix. Le gros de cette documentation, et de loin, concernait des offres de prix de sources américaines, soit des aciéries et des distributeurs d'acier semi-ouvré. Afin d'examiner les éléments de preuve déposés par l'industrie et par les importateurs, le Tribunal a formulé ses observations sur les diverses allégations selon le présumé pays d'origine des importations. Cette approche ne vise qu'à faciliter la présentation et ne constitue pas une analyse pays par pays de la question du préjudice. Le Tribunal continue d'avoir pour pratique d'évaluer cumulativement l'incidence des importations sous-évaluées susceptibles de causer un préjudice à la production nationale.

États-Unis

La plupart des prétentions de l'industrie avaient trait à des offres de prix présumément basses pour l'acier importé, dont l'incidence sur les prix nationaux n'a pas été appuyée par des éléments de preuve. Les rapports de visites-clients et les autres notes de service internes citaient souvent des facteurs autres que le prix comme influant sur la capacité des producteurs à vendre à un client donné. Il y avait peu d'allégations documentées concernant 1992 et, en particulier, la période au cours de laquelle le Sous-ministre a constaté dans son enquête que le dumping s'était produit.

La plus grande partie des importations américaines, dont la proportion s'élève peut-être jusqu'à 70 p. 100, semble avoir été le fait de courtiers en acier, de distributeurs d'acier semi-ouvré et de transformateurs d'acier, relativement auxquels le Tribunal disposait de peu d'éléments de preuve. Au cours de l'audience, il a été fait état de ces importations comme des «tonnes mystérieuses» qui ont présumément causé l'érosion des prix sur le marché. Le seul élément de preuve présenté consistait en quelques offres de prix par certains courtiers en acier et distributeurs d'acier semi-ouvré américains. Il n'y avait pas d'élément de preuve quant à la destination de ces volumes, ni quant aux prix auxquels ils ont été écoulés.

Les éléments de preuve présentés par les producteurs américains qui ont comparu à l'audience publique, en réponse aux quelques allégations faites contre eux, ont convaincu le Tribunal que ces allégations étaient sans fondement. Dans le cas de l'une d'entre elles, l'aciérie américaine nommée par l'industrie a cessé de vendre au client en question en raison de l'incapacité de cette aciérie à soutenir la concurrence des prix des producteurs nationaux.

Algoma a soutenu, entre autres choses, avoir dû baisser le prix d'une soumission à un important fabricant d'automobiles pour soutenir la concurrence des prix sous-évalués pratiqués par les aciéries américaines, mais n'a pas identifié l'aciérie ni les aciéries américaines concurrentes, ni établi le prix de leurs soumissions.

France

L'industrie a soumis cinq allégations d'érosion de prix et de pertes de ventes concernant des importations depuis la France pendant la période d'enquête allant de 1989 à 1992. La première allégation avait trait à des offres de prix reçues par un client d'Algoma dans l'Ouest canadien au début de 1989. Ces offres comportaient une sous-cotation des prix de vente déclarés par Algoma à l'époque. Algoma n'a produit aucun élément de preuve quant au fait qu'elle aurait perdu des volumes de ventes ou réduit ses prix à l'égard de ce client. Cette allégation n'a pas été examinée lors de l'audience.

Stelco a soutenu qu'en octobre 1990, Francosteel avait publié une offre de prix générale au nom de sa source d'exportation en France, offre qui constituait une sous-cotation du prix de catalogue de Stelco. La déposition d'un témoin de Stelco concernant des prix de vente déclarés par la société dans une allégation concernant des importations depuis l'Italie, a établi que Stelco vendait des marchandises similaires en 1991 à des prix inférieurs à son propre prix de catalogue et à ceux de l'offre de Francosteel.

Stelco a soutenu qu'en septembre 1991, Francosteel a vendu un produit d'une spécification particulière à un distributeur d'acier semi-ouvré, à des prix inférieurs aux prix de vente pratiqués par Stelco à l'égard de la plupart de ses grands clients. Un témoin de Stelco a confirmé que les 10 grands clients auxquels il est fait allusion étaient des utilisateurs finals et non des distributeurs d'acier semi-ouvré. Stelco n'a fourni aucun élément de preuve quant à des réductions de prix ou à des pertes de volumes de ventes à l'égard de ce client précis, en rapport avec cette allégation.

Algoma a soutenu qu'en février 1992, Francosteel a offert des tôles pour planchers à deux distributeurs d'acier semi-ouvré, à des prix rendus qui étaient inférieurs de plus de 80 $ la tonne nette au prix de vente pratiqué par Algoma à l'époque. Un témoin de Francosteel a déclaré qu'aucune vente de tôles pour planchers n'a été conclue avec les clients désignés dans cette allégation. Les témoins d'Algoma n'ont pu confirmer si la société vendait des tôles pour planchers à ces clients au moment des faits mentionnés dans l'allégation.

Algoma a prétendu qu'en avril 1992, Francosteel avait offert à un certain client un calibre précis à un prix inférieur de plus de 100 $ la tonne nette au prix de vente qui était alors celui d'Algoma. Les pièces justificatives, ainsi que la déposition d'un témoin d'Algoma, ont confirmé que le volume des ventes de la société à ce client en 1992 avait baissé de plus de 70 p. 100 par rapport à l'année précédente en raison de l'existence de stocks importants de marchandises finies chez ce client et de la baisse corrélative de la demande de marchandises en question. Les pièces justificatives ont également établi qu'Algoma était toujours le principal fournisseur de ce client.

Le Tribunal conclut qu'il n'y a aucun élément de preuve quant à la pratique de sous-cotations de prix ou d'offres à bas prix systématiques dans le cas des importations depuis la France.

Royaume-Uni

BSC a fait valoir que la société avait pour politique d'aligner ses prix sur ceux des produits nationaux, et les éléments de preuve ont établi que BSC n'a pas fait de sous-cotation de prix par rapport aux aciéries nationales. Qui plus est, les volumes des importations de cette société étaient relativement faibles, puisqu'ils représentaient moins de 1/2 p. 100 du marché national annuel. Les importations de la société depuis les États-Unis ont été vendues à des prix supérieurs à ceux des produits nationaux concurrents. L'industrie a fait une allégation de pertes de ventes. Cependant, BSC n'a pas vendu les marchandises en question au client nommé au moment des faits mentionnés dans l'allégation.

Allemagne

Algoma, qui est le seul producteur national de tôles pour planchers, a soutenu qu'au cours du premier trimestre de 1992, Preussag a offert des tôles pour planchers à des prix inférieurs aux prix de vente d'Algoma, forçant ainsi cette dernière à réduire ses prix. Les pièces justificatives consistaient en une note de service interne d'Algoma datée du 27 juillet 1992. Aucune facture n'a été déposée pour attester la conclusion de ventes au prix de vente alors pratiqué par Algoma, et il n'y avait aucun élément de preuve quant à l'existence d'offres de prix ou de ventes au présumé prix réduit.

Une deuxième allégation d'Algoma contre Preussag concernant une offre à bas prix relative à des importations de tôles pour planchers depuis l'Allemagne en novembre 1992 s'est également avérée sans fondement, car la dernière commande de tôles pour planchers depuis l'Allemagne datait de décembre 1991. Il n'y a eu aucun arrivage au Canada de tôles pour planchers en provenance d'Allemagne après avril 1992. L'offre de prix citée par Algoma concernait un produit importé de la Belgique, qui est une source non visée.

Italie

Stelco a soutenu qu'une offre de prix générale publiée par ILVA le 30 avril 1991 relativement à des bobines de qualité marchande décapées et huilées constituait une sous-cotation des prix des producteurs nationaux. Le prix de vente de Stelco pour les marchandises similaires, à l'époque, était du même ordre, avec un plafond égal au prix contenu dans l'offre d'ILVA. Un témoin d'ILVA a déclaré que l'offre de prix était conforme aux prix courants du marché à l'époque. Cependant, l'offre n'a été suivie d'aucune vente, ce qui amène à conclure qu'elle était supérieure aux prix du marché. Stelco n'a déposé aucun élément de preuve quant à des réductions de prix ou à des pertes de ventes relativement à un client quelconque en rapport avec l'offre d'ILVA.

Dofasco a soutenu avoir perdu des ventes au profit d'importations sous-évaluées depuis l'Italie relativement à un certain client. Les éléments de preuve pertinents ont établi que ce client a continué d'acheter les marchandises en question à ILVA pour des raisons de qualité. Les prix d'ILVA étaient supérieurs à ceux de Dofasco pour les mêmes marchandises.

Nouvelle-Zélande

Algoma a prétendu avoir perdu des ventes au profit de New Zealand Steel en décembre 1991, à propos d'un important client de l'Ouest canadien. L'allégation porte sur la période où Dofasco était encore responsable de la commercialisation des produits d'Algoma. Les pièces justificatives, un rapport de visite-client d'un vendeur de Dofasco, ont indiqué que le client demandait à Dofasco des prix préférentiels par rapport à ceux que Dofasco pratiquait à l'égard des concurrents du client. Cependant, Dofasco n'a pas voulu satisfaire cette demande, et, en conséquence, le client a refusé d'acheter à Dofasco. Le Tribunal estime que le refus de Dofasco de réduire son prix était la raison pour laquelle cette société n'a pu s'assurer des commandes de la part de ce client, et non la disponibilité de marchandises sous-évaluées en provenance de la Nouvelle-Zélande.

Algoma a soutenu avoir perdu en février 1992, au profit de New Zealand Steel, des ventes d'une spécification particulière qui, selon le témoin de New Zealand Steel, n'avait pas été expédiée au Canada pendant la période visée par l'enquête. Algoma a également soutenu qu'en février 1992, New Zealand Steel a vendu des tôles pour planchers au même client à des prix sous-évalués. Le Tribunal conclut que l'allégation de pertes de ventes n'a pas été prouvée, notamment en raison de l'absence de tout élément de preuve quant au fait que les clients d'Algoma auraient remplacé une partie de leurs achats de produits nationaux par des importations.

Causalité

Aux termes de l'article 3 du Code, une détermination de préjudice doit être fondée sur des éléments de preuve positifs et comporter l'examen du volume des importations sous-évaluées ainsi que de leur effet sur les prix sur le marché national des marchandises similaires et de leur incidence conséquente sur les producteurs de ces marchandises. L'industrie nationale a concentré ses allégations sur les effets d'érosion des prix des importations et sur les ventes perdues au profit de ces dernières. Pour déterminer s'il y avait un lien de causalité entre le préjudice sensible subi par l'industrie nationale et l'incidence cumulative des importations sous-évaluées depuis les différents pays visés, le Tribunal s'est concentré sur ces transactions sur le marché.

De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve n'ont pas établi l'existence du lien nécessaire entre le préjudice sensible subi par l'industrie nationale et les importations sous-évaluées. L'industrie a soumis un certain nombre d'allégations quant à des offres à bas prix d'acier importé et a pu montrer que les prix de l'acier avaient baissé pendant la période visée par l'enquête. Cependant, de nombreuses allégations de l'industrie étaient incomplètes en ce sens que celles-ci ont souvent omis d'identifier la source en cause ou de donner des détails sur les prix et les volumes. De fait, il y avait une partie notable des importations américaines originaires de sources autres que celles qui ont été examinées par le Sous-ministre pour laquelle aucun élément de preuve, en dehors d'anecdotes de la nature la plus superficielle, n'a été produit concernant l'origine, les destinations ou les prix auxquels elles ont été transigées. Le contre-interrogatoire a eu pour effet de soulever des doutes sur nombre d'allégations, et les témoins de l'industrie n'ont pu les dissiper en clarifiant certains des détails qui en faisaient l'objet. Qui plus est, il n'y avait guère de données positives disponibles pour 1992, année au cours de laquelle le Sous-ministre a constaté que le dumping s'était produit.

Le Tribunal est conscient de la difficulté qu'a l'industrie à produire le genre de renseignements commerciaux dont il a besoin pour comprendre le comportement des prix sur le marché. Après tout, l'activité de l'industrie consiste à faire et à vendre de l'acier, et non à préparer des causes antidumping. Cependant, le Tribunal s'attendrait également à ce que les réductions de prix accordées à des clients précis ne soient consenties que sous réserve de l'autorisation des directeurs des ventes ou de la commercialisation qui sont convaincus que ces réductions sont nécessaires pour conserver ces clients. Cela suppose une connaissance de la source de la concurrence ainsi que des détails des prix et des volumes en cause. Il s'agit, de par sa nature même, d'une documentation que seule l'industrie nationale peut réunir; le Tribunal ne peut se la procurer d'autres sources. Et c'est de ce genre de renseignements, souvent complétés par le témoignage d'acheteurs de marchandises en question qui se sont eux-mêmes tournés vers des sources importées ou qui ont reçu des offres de celles-ci, dont le Tribunal a besoin pour établir le lien essentiel entre les importations sous-évaluées et le préjudice subi par l'industrie nationale.

La présence d'éléments de preuve montrant que les bas prix des importations ont fait perdre des clients aux producteurs canadiens ou ont fait baisser les prix sur le marché national est essentielle à la détermination du préjudice sensible. En un mot, le prix est le lien nécessaire pour établir que les importations sous-évaluées, et non quelqu'autre facteur ou combinaison de facteurs, ont causé le préjudice. Dans la présente cause, cependant, les données relatives au marché compilées par le personnel du Tribunal ont montré que les prix des importations, pendant la période visée par l'enquête, étaient, en moyenne, supérieurs à ceux des prix nationaux. Même lorsque les prix sont corrigés à raison des variations d'éventails de produits, le Tribunal a vu, dans les données recueillies dans l'étude sur l'établissement des prix faite par son personnel, peu de cas où des importations à prix inférieurs se sont substituées à des produits canadiens auprès de clients particuliers. En l'absence d'éléments de preuve au regard de l'existence de ventes d'importations à bas prix ou d'offres à bas prix à des clients particuliers, ou de données générales relatives au marché faisant état des prix inférieurs des importations, il est impossible de conclure que les importations sous-évaluées ont causé le préjudice subi par les producteurs nationaux.

Par ailleurs, le Tribunal devait tenir compte d'un certain nombre d'autres explications pour les baisses de prix et de ventes qui se sont produites pendant la période visée par l'enquête. En un temps où la récession s'aggrave, où la capacité de production nationale est excédentaire et où la demande des utilisateurs finals est en chute, il était tout à fait concevable, de l'avis du Tribunal, que les prix baissent par rapport à leurs niveaux records de 1989. Rien n'indiquait que les baisses de prix qui se sont produites au Canada étaient d'une ampleur supérieure à celles qui se sont produites dans le monde entier pendant la période visée par l'enquête, et elles pourraient bien avoir été plus légères, à en juger par la détérioration des recettes des ventes à l'exportation des producteurs nationaux. Des témoins qui ont comparu à l'audience ont parlé des pressions exercées sur les fournisseurs d'acier par des acheteurs qui subissaient eux-mêmes une forte concurrence étrangère au niveau de leurs produits finis. Mention a également été faite de la demande de marchandises en question qui est passée au sud de la frontière au montant de 140 000 tonnes nettes par suite du déménagement de fabricants de pièces d'automobiles et d'autres utilisateurs d'acier aux États-Unis. Les grèves ont été un autre facteur qui a nui à la production de marchandises en question en 1990 et, dans une mesure moindre, en 1991. De plus, la centralisation des procédures d'achat effectuée par les principaux fabricants d'automobiles a accru la pression exercée sur les aciéries canadiennes pour qu'elles réduisent leurs prix à l'égard d'une grande partie de leurs ventes. De plus, la valeur élevée du dollar canadien, en 1990 et en 1991, a rendu les importations américaines plus concurrentielles sur le marché canadien pendant ces deux années. Ces facteurs, dont un certain nombre ont été mentionnés à l'époque dans des rapports annuels à l'intention des actionnaires et dans les médias par les producteurs nationaux, ont été, de l'avis du Tribunal, les causes principales des difficultés auxquelles ont fait face l'industrie nationale.

Le seul pays visé pour lequel le Tribunal a constaté que des éléments de preuve montraient que des importations sous-évaluées faisaient une concurrence agressive aux producteurs nationaux et leur soutiraient des ventes, était la Nouvelle-Zélande. Cependant, le produit néo-zélandais n'était présent que sur le marché de la côte ouest et a représenté moins de 1 p. 100 de la demande du marché canadien pendant la période visée par l'enquête. Quoique le Tribunal observe avec quelque préoccupation les efforts déployés par la Nouvelle-Zélande pour s'emparer d'une part du marché au moyen d'importations sous-évaluées, il est dans l'impossibilité de conclure que ceci s'est traduit par un préjudice sensible pour les producteurs nationaux, compte tenu du caractère très limité des tonnages en cause.

Au total, les importations depuis les pays visés d'outre-mer n'ont culminé qu'à 4 p. 100 du marché national pendant la période faisant l'objet de l'enquête. Contrairement à ce qui se passe dans le cas des tôles et des autres produits d'acier, les ventes depuis l'outre-mer n'ont été effectuées que sur commande. Les ventes à quai, qui ont tendance à avoir un effet déprimant sur les prix du marché, n'ont pas eu lieu dans le cas des marchandises en question.

Pour les raisons exposées ci-dessus, le Tribunal conclut que le dumping des importations en question n'a pas causé et ne cause pas de préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Pour ce qui est de l'évaluation du préjudice futur, le Tribunal est au courant des mesures commerciales actuellement en vigueur aux États-Unis et des détournements d'exportations vers le Canada qu'elles pourraient causer. Il est également au courant de l'existence d'une capacité de production excédentaire dans les pays nommés et de la propension de ces derniers à sous-évaluer les marchandises en question. Cependant, s'il est vrai qu'il a été constaté que les importations en question ont été sous-évaluées et que l'industrie a subi un préjudice sensible, les éléments de preuve avancés par l'industrie relativement aux pertes de ventes ainsi qu'à l'érosion et à la compression des prix n'ont pas établi l'existence d'un lien de causalité entre le dumping et le préjudice subi par elle. Qui plus est, la production, les exportations, les ventes nationales, la part du marché national, l'emploi et le taux d'utilisation de la capacité de production de l'industrie se sont redressés depuis 1992. Le Tribunal n'a donc aucun fondement sur lequel conclure que l'industrie nationale sera confrontée à la menace imminente d'un préjudice dû au dumping dans l'avenir prévisible.

Si les importations sous-évaluées devaient avoir à l'avenir une incidence négative sur le rendement de l'industrie, cette dernière aurait la latitude d'intenter une nouvelle action contre les pays en cause, fondée sur les faits qui existeront alors. Tout comme dans la présente cause, l'industrie nationale, pour obtenir un redressement, devra établir l'existence d'un lien entre le préjudice subi par elle et le dumping des marchandises en question.

Lorsqu'une partie plaignante demande la tenue d'une enquête de cette nature, il lui incombe de supporter le fardeau de la preuve concernant ses allégations de préjudice causé par le dumping. Le Tribunal est disposé à accepter les différentes formes d'éléments de preuve présentés pour justifier ces prétentions. Comme ce fut le cas en l'espèce, le Tribunal participera à l'établissement des faits au moyen d'instruments tels que ses questionnaires et ses études sur l'établissement des prix. Cependant, c'est à l'industrie nationale qu'il appartient en dernier ressort de faire valoir le bien-fondé de sa cause.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut, aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, que le dumping de certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Italie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Conformément au paragraphe 43(1.1) et aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, le Tribunal conclut que le dumping au Canada de certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des États-Unis n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. American Society for Testing and Materials.

3. Algoma a été constituée en société le 1er juin 1992, après avoir acquis tout l'actif et quelques éléments de passif de son prédécesseur, Aciers Algoma Limitée.

4. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article IV de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

5. Carbonate de soude, de qualité commerciale, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, Tribunal antidumping, enquête no ADT-7-83, le 7 juillet 1983.

6. Ibid. à la p. 14.

7. Bâtons de ski alpin en alliage d'aluminium originaires ou exportés de Norvège, de France, de la République fédérale d'Allemagne et d'Italie, Tribunal antidumping, enquête no ADT-5-84, le 14 mai 1984.

8. Tapis produit sur machine à touffeter, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique (préjudice), groupe spécial binational formé en vertu de l'article 1904, «Avis et ordonnance du groupe spécial», le 7 avril 1993.

9. [1982] 2 C.F. 283.

10. [1979] 1 C.F. 247.

11. Ibid. aux pp. 251-52.

12. Les utilisateurs finals des produits de tôles d'acier au carbone laminés à chaud en question sont principalement des transformateurs, des emboutisseurs et des fabricants d'automobiles.


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Publication initiale : le 16 juillet 1997