BOTTES ET SOULIERS EN CUIR ER AUTRES QU'EN CUIR POUR DAMES

Enquêtes (article 42)


BOTTES ET SOULIERS EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAÏWAN; BOTTES EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA POLOGNE, DE LA ROUMANIE ET DE LA YOUGOSLAVIE; ET BOTTES ET SOULIERS AUTRES QU'EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAÏWAN
Enquête no : NQ-89-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 3 mai 1990

Enquête no : NQ-89-003

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant les :

BOTTES ET SOULIERS EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAÏWAN; BOTTES EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA POLOGNE, DE LA ROUMANIE ET DE LA YOUGOSLAVIE; ET BOTTES ET SOULIERS AUTRES QU'EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAÏWAN

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a mené une enquête à la suite de l'émission par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, d'une décision provisoire de dumping et de subventionnement datée du 3 janvier 1990 et d'une décision définitive de dumping et de subventionnement datée du 3 avril 1990 au sujet du dumping au Canada des bottes et souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil, de la République populaire de Chine, et de Taïwan; des bottes en cuir pour dames, originaires ou exportées de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie; et des bottes et souliers autres qu'en cuir pour dames, originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taïwan; et au sujet du subventionnement des bottes et souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil. (Les sandales, les pantoufles, les chaussures de sport, les chaussures en caoutchouc imperméable, les chaussures en plastique imperméable, les chaussures de sécurité avec bouts protecteurs en métal, les chaussures orthopédiques, les souliers en bois, les chaussures jetables, les chaussures de quilles, les chaussures de curling, les bottes de moto-cross et les chaussures en toile ne sont pas inclus dans la définition du produit.)

En vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes :

1) que le dumping au Canada des bottes en cuir pour dames, originaires ou exportées du Brésil, de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie et des bottes en cuir et autres qu'en cuir originaires ou exportées de la République populaire de Chine et de Taïwan, et que le subventionnement des bottes en cuir pour dames en provenance du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires; et

2) que le dumping au Canada des souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil et des souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames, originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taïwan, et que le subventionnement des souliers en cuir pour dames en provenance du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les conclusions susmentionnées n'incluent pas les sandales, les pantoufles, les chaussures de sport, les chaussures en caoutchouc imperméable, les chaussures en plastique imperméable, les chaussures de sécurité avec bouts protecteurs en métal, les chaussures orthopédiques, les souliers en bois, les chaussures jetables, les chaussures de quilles, les chaussures de curling, les bottes de moto-cross et les chaussures en toile ne sont pas inclus dans la définition du produit.

Robert J. Bertrand, c.r.
_________________________
Robert J. Bertrand, c.r.
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera émis d'ici 15 jours.

Ottawa, le vendredi 18 mai 1990

Enquête no : NQ-89-003

BOTTES ET SOULIERS EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DE LA R?C9?PUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAïWAN; BOTTES EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA POLOGNE, DE LA ROUMANIE ET DE LA YOUGOSLAVIE; ET BOTTES ET SOULIERS AUTRES QU'EN CUIR POUR DAMES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DE TAïWAN

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Bottes et souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames - Déterminer si le dumping des bottes et des souliers en cuir pour dames, originaires du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taïwan; des bottes en cuir pour dames, originaires de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie; et des bottes et des souliers autres qu'en cuir pour dames, originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan; et le subventionnement des bottes et des souliers en cuir pour dames, originaires du Brésil ont causé, causent ou sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires - article 2 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation - marchandises similaires - catégorie de marchandises - déterminer si les bottes et les souliers pour dames sont des marchandises similaires - déterminer si les bottes et les souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames sont des marchandises similaires - l'utilisation et les caractéristiques des bottes et des souliers pour dames - l'utilisation et les caractéristiques des bottes et des souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames - déterminer si les bottes et les souliers pour dames sont une ou plusieurs catégories de marchandises - déterminer si la partie plaignante est autorisée à représenter l'industrie en général - déterminer si les données statistiques figurant dans le rapport du personnel en prévision des audiences représentent des données authentiques et fiables - déterminer s'il y a eu un préjudice sensible sous forme d'une diminution d'emplois, de production, de ventes, de part du marché, d'utilisation de la capacité, de la productivité , de la marge bénéficiaire et de la rentabilité.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping et le subventionnement au Canada des marchandises susmentionnées ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 2 au 6 avril
Du 9 au 12 avril et le 17 avril 1990
Date des conclusions : Le 3 mai 1990
Membres du Tribunal : Robert J. Bertrand, c.r., membre
présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Sidney A. Fraleigh, membre
Directeur de la recherche : Réal Roy
Gestionnaires de la recherche : Douglas Cuffley
Maurice Olivier
Agents de la recherche : Rose Ritcey
John O'Neill
Peter Rakowski
Préposés aux statistiques : Margaret Saumweber
Randy Kroeker
Nynon Burroughs
Commis à l'inscription et
à la distribution : Molly C. Hay


Participants : G.P. MacPherson et
Suzette Cousineau
pour L'Association des manufacturiers de
chaussures du Canada
(partie plaignante)
Glenn A. Cranker
Donald Kubesh
Martine M.N. Band
Mathieu T. Krepec et
William B. Rosenberg
pour Association des importateurs
canadiens
la République populaire de Chine
Compagnie commerciale M & M Inc. et
Skorimpex Foreign Trading Company
Ltd.
Peter Clark
Chris Hines et
Mary Ellen Murdock
pour Ministère des Finances
Gouvernement du Brésil et
ADICAL
Kevin Sherkin
pour Shoe Sales Canada
Darrell H. Pearson et
Brenda Swick-Martin
pour L'Association canadienne des
détaillants en chaussures
Le Conseil canadien du commerce de
détail
(importateurs-exportateurs)

Témoins :

Nathan Finkelstein
Président
L'Association des manufacturiers de chaussures du Canada

Jean Marc Bruneau
Président du conseil administratif
L'Association des manufacturiers de chaussures du Canada

Steven Moranis
Secrétaire - Trésorier
Francine Footwear Limited

Ruben Moranis
Président
Francine Footwear Limited

Gerald H. Taylor
Président
Brown Shoe Company of Canada Ltd.

Rod P. Stafford
Vice-président supérieur - Commercialisation
Brown Shoe Company of Canada Ltd.

Gerald Feifer
Secrétaire - Trésorier
Grand Footwear Inc.

Al Mandel
Mandel Footwear Limited

Dan Gurr
Directeur général
Shoe Sales Canada

Jim Perivolaris
Vice-président exécutif
Tender Tootsies Limited

Melville Lands
Président
Rosita Shoe Company (Canada) Ltd.

Claude Beaulieu
Directeur général
Chaussures Faber Shoes Inc.

Serge Brie
Directeur général
Alfred Cloutier

Laurie Weston
Président
VWV Enterprises

Cursio José Juchem
Socio Gerente
Calçados Vogue Ltda.

Adimar Schievelbein
Schievelbein Associados
(a été assermenté en tant qu'interprète pour Monsieur Juchem)

David Miller
Président
Howmark of Canada

Ernest Avrith
Président du conseil administratif
Le Groupe Yellow

Douglas Avrith
Président
Le Groupe Yellow

Adel Tabet
Vice-président
Le Groupe Yellow

Thu-Dung Tran
Directeur des achats
Le Groupe Yellow

Janusz Majchrowicz
Directeur, Division des exportations canadiennes
Skorimpex Foreign Trading Company Ltd.

Maxwell Ho
Président
Maxwell Ho Group

Clement Plourde
Vice-président
Compagnie commerciale M & M Inc.

W.B. Gladstone
Président
Gladstone Shoe Agencies Ltd.

Cedric Morrice
Directeur général
9 West Canada

Brian J. Worts
Vice-président exécutif
Kinney Canada Inc.

James R. Hill
Directeur du service de marchandises
K Mart Canada Ltd.

Sharon Maloney
Président
Canadian Shoe Retailers' Association

David McIlveen
Président
Winsbys Limited

Robert Czarnik
Président
Stan The Shoe Man

Inger Sparring-Barraclough
Chef
Fancy That Boutique

Robert L. Holland
Président et Chef de la direction
Maher Inc.

Claude R. Bohemier
Vice-président exécutif
Directeur de la commercialisation
Maher Inc.

Mel Fruitman
Vice-président
Retail Council of Canada

Klowak
Adjoint au président, chef de la direction
Sears Canada Inc.

Cheryl Grant
Responsable des achats
Sears Canada Inc.

A.G. Bernstein
Président
Sterling Shoes Inc.

R.M. (Reg) MacDonald
Vice-président
Directeur de la commercialisation
Agnew Group Inc.

Kevin Young
Directeur de la commercialisation
Agnew Group Inc.

Laurie C. Peet
Directeur du service des marchandises - chaussures
La Baie - Simpsons

Nancy Koltek
Responsable des achats - Division des chaussures
La Baie - Simpsons

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Dans la présente enquête, le Tribunal canadien du commerce extérieur devait déterminer si le dumping des bottes et des souliers en cuir pour dames, originaires du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taïwan; des bottes en cuir pour dames, originaires de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie; et des bottes et des souliers autres qu'en cuir pour dames, originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan; et le subventionnement des bottes et des souliers en cuir pour dames, originaires du Brésil avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Dans le cadre de son enquête, Revenu Canada a constaté qu'entre le 1er janvier et le 31 août 1989, les marges de dumping ont oscillé entre 20 et 47 p. 100 de la valeur normale. Les subventions moyennes pondérées applicables aux bottes et aux souliers en cuir, originaires du Brésil, se sont élevées à 3,5 p. 100 au cours de cette période.

Dans sa décision, le Tribunal a conclu qu'il existait deux catégories de marchandises similaires, soit les bottes en cuir et autres qu'en cuir pour dames et les souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames. Par conséquent, il a examiné de façon distincte si le dumping et le subventionnement des marchandises importées avaient causé, causaient ou étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de bottes et ensuite de souliers.

La partie plaignante, l'Association des manufacturiers de chaussures du Canada (l'AMCC), a invoqué un préjudice sensible sous forme de pertes de part du marché, d'emplois et de production, de fermetures d'usines, de sous-utilisation de la capacité, de compression des prix et de baisse des bénéfices.

Selon les éléments de preuve recueillis, les ventes de bottes et de souliers fabriqués au Canada ont subi des baisses respectives de 1,5 million et de 5 millions de paires entre 1986 et 1989, ce qui a entraîné la perte de 11 p. 100 des emplois dans l'industrie des bottes et de 40 p. 100 dans l'industrie des souliers. Les marges brutes et nettes et l'utilisation de la capacité ont également régressé dans ces deux industries.

De l'avis du Tribunal, les éléments de preuve ont clairement démontré la gravité et la portée du préjudice subi par les industries nationales des souliers et des bottes; en conséquence, le Tribunal est d'avis que le préjudice passé et présent était sensible.

Le Tribunal considère qu'il existe un lien de causalité évident entre le dumping et le subventionnement des chaussures importées et les diverses formes de préjudice sensible subi par ces deux industries nationales entre 1986 et 1989. Bien que plusieurs autres facteurs importants aient modifié la situation du marché de la chaussure au cours de cette période, y compris l'élimination progressive des contingents et l'engouement des consommateurs pour les chaussures de sport et de sport-loisir, leurs répercussions étaient secondaires par rapport aux effets du dumping et du subventionnement constatés par Revenu Canada. De même, le Tribunal croit que le préjudice sensible subi par les fabricants canadiens n'a pas été principalement attribuable aux importations à faibles coûts. Le Tribunal reconnaît que les pays en cause, y compris quelques pays non visés par la présente enquête, jouissent peut-être d'un avantage sur le plan des coûts par rapport aux fabricants canadiens et la principale raison de la pénétration accrue des importations en provenance des pays en cause résidait dans les imposantes marges de dumping et de subventionnement.

Le Tribunal considère également que le dumping et le subventionnement des marchandises importées sont susceptibles de causer un préjudice sensible, car rien ne laisse entrevoir une régression des importations en provenance des pays en cause.

CONTEXTE

Le Tribunal a effectué une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), à la suite de la publication, par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), d'une décision provisoire de dumping et de subventionnement datée du 3 janvier 1990, et d'une décision définitive de dumping et de subventionnement datée du 3 avril 1990, au sujet du dumping au Canada de bottes et de souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taïwan; de bottes en cuir pour dames, originaires ou exportées de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie; et de bottes et de souliers autres qu'en cuir pour dames, originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taïwan; et au sujet du subventionnement des bottes et des souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil. (Les sandales, les pantoufles, les chaussures de sport, les chaussures imperméables en caoutchouc, les chaussures imperméables en plastique, les chaussures de sécurité avec bouts protecteurs en métal, les chaussures orthopédiques, les souliers en bois, les chaussures jetables, les chaussures de quilles, les chaussures de curling, les bottes de moto-cross et les chaussures en toile ne sont pas incluses dans la définition du produit.)

Les avis de décision provisoire et de décision définitive de dumping et de subventionnement ont été publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada du 3 février 1990 et du 21 avril 1990, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal émis le 9 janvier 1990 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 20 janvier 1990.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants canadiens et à certains importateurs des marchandises en cause, pour demander des renseignements sur la production, la situation financière, le marché et d'autres renseignements pour la période allant du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1989. À partir des réponses obtenues et d'autres renseignements, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports, public et protégé, préalables à l'audience pour la période visée, soit la période d'examen aux fins de la présente enquête. L'enquête menée par le Sous-ministre à l'égard du dumping visait les marchandises en cause importées entre le 1er janvier 1989 et le 31 août 1989; l'enquête de subventionnement couvrait la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 août 1989.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces à l'appui présentées par les parties à l'audience, de même que la transcription des audiences. Les parties ont pu consulter toutes les pièces à l'appui publiques, alors que seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa à partir du 2 avril 1990. Les participants, soit l'Association des manufacturiers de chaussures du Canada, la partie plaignante, l'Association des importateurs canadiens, la République populaire de Chine, la Compagnie commerciale M & M Inc., Skorimpex Foreign Trading Company Ltd., le ministère des Finances - Gouvernement du Brésil, Associaçao Das Industrias De Calcados Do Rio Grande Do Sul (ADICAL), Shoe Sales Canada, l'Association canadienne des détaillants en chaussures et le Conseil canadien du commerce de détail étaient représentés à l'audience par des avocats. En outre, les avocats de l'Association des manufacturiers de chaussures du Canada ont convoqué des témoins de Francine Footwear Limited, de Brown Shoe Company of Canada Ltd., de Grand Footwear Inc., de Mandel Footwear Limited, de Tender Tootsies Limited, de Rosita Shoe Company (Canada) Ltd., de Chaussures Faber Shoes Inc. et de Alfred Cloutier. Les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont cité des témoins de VWV Enterprises, de Howmark of Canada, du Groupe Yellow, du Maxwell Ho Group, de Gladstone Shoe Agencies Ltd., de 9 West Canada et de Kinney Canada Inc. Les avocats de l'Association canadienne des détaillants en chaussures et du Conseil canadien du commerce de détail ont convoqué des témoins de Winsbys Limited, de Stan The Shoe Man, de Fancy That Boutique, de Maher Inc., de Sears Canada Inc., de Sterling Shoes Inc., de Agnew Group Inc. et de La Baie - Simpsons.

Le Tribunal a rendu ses conclusions le 3 mai 1990 et le présent document constitue l'exposé des motifs des conclusions.

LE PRODUIT

Le produit à l'étude était décrit dans la décision provisoire de dumping et de subventionnement comme étant des souliers et des bottes pour dames dont l'empeigne est faite de matériaux en cuir et autres qu'en cuir et qui sont fabriqués dans les tailles 4 et plus (équivalent européen : 34 et plus). Les chaussures en cuir étaient définies aux fins de cette enquête comme des chaussures dont le cuir était le principal composant de l'empeigne. Les pièces ajoutées comme les languettes, les coussinets de protection, les bouts protecteurs, les contreforts, les griffes, les décorations, les garnitures, les talons, etc., n'étaient pas considérés comme faisant partie du composant principal. Les empeignes des chaussures autres qu'en cuir étaient faites de matériaux comme le satin, le polyuréthane, les tissus enduits de vinyle, etc.

Les marchandises plus précisément exclues de l'enquête étaient les sandales, les pantoufles, les chaussures de sport, les chaussures imperméables en caoutchouc, les chaussures imperméables en plastique, les chaussures de sécurité avec bouts protecteurs en métal, les chaussures orthopédiques, les souliers en bois et les chaussures en toile.

Pour plus de précision, les sandales étaient généralement définies comme toute chaussure avec cambrion ouvert dont l'empeigne et les attaches étaient constituées de rubans, de courroies et de tongs étroits, dont la différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon se trouvant à l'endroit du talon et la hauteur de la semelle à l'avant de la chaussure, ne dépassait pas deux centimètres.

Les pantoufles étaient généralement définies comme toute chaussure dont l'empeigne était très souple, dans lesquelles le pied pouvait se glisser facilement, sans lacets, boucles, attaches velcro ou tout autre attache pour maintenir la chaussure au pied. Une pantoufle avait une semelle souple et mince (pas plus de 5 mm) et était conçue pour l'intérieur.

Les chaussures de sport étaient généralement définies comme des chaussures conçues pour le sport et qui comportaient, ou pouvaient comporter, des crampons, des bouts, des butoirs, des boucles, des bandes, etc. Ces chaussures englobaient également les bottes de patinage, les bottes de ski, les chaussures de ski de fond, les bottes de lutte, les bottes de boxe, les bottes de cyclisme, les souliers de quilles, les souliers de curling et les bottes de moto-cross. Aux fins de la présente enquête, les chaussures de sport comprenaient également les souliers de tennis, de jogging et de course.

Les chaussures imperméables en caoutchouc et les chaussures imperméables en plastique étaient définies comme des chaussures dont la semelle extérieure et l'empeigne étaient de plastique ou de caoutchouc, et dont l'empeigne n'était ni fixée à la semelle ni assemblée par points, rivets, clous ou vis, par obturation ou par tout autre procédé semblable. L'expression «semelle extérieure» désignait la partie de la chaussure (autre qu'un talon fixé) en contact avec le sol. «L'empeigne» était la partie du soulier ou de la botte se trouvant au-dessus de la semelle. Lorsqu'on utilisait une seule pièce pour former la semelle et l'ensemble ou une partie de l'empeigne, celle-ci était généralement définie comme la partie du soulier qui couvrait les côtés et le dessus du pied. Pour plus de précision, les chaussures en plastique ou en caoutchouc dont l'empeigne était rattachée par points étaient exclues de l'enquête si l'empeigne était moulée à une hauteur qui se trouve près de la cheville et ne comportait pas de coutures ni d'attaches en-dessous de ce niveau. Par exemple, les chaussures imperméables communément appelées «duck boots» ou «bean boots» en anglais étaient exclues de l'enquête.

Les chaussures orthopédiques étaient définies comme des chaussures conçues à des fins correctives ou compensatrices et vendues sur ordonnance du médecin.

De plus, aux fins de la présente enquête, la toile était définie comme du tissu de coton ou d'autres fibres végétales et ne comprenait pas les textiles synthétiques.

À l'exception des exclusions susmentionnées, la classe de marchandises faisant l'objet de l'enquête ne comprenait pas les chaussures non assemblées, les claques portées sur d'autres chaussures et les chaussures jetables qui étaient généralement conçues pour une utilisation unique.

L'organisation d'une usine de souliers varie selon le type et la qualité de la chaussure produite et la taille de l'usine, mais il existe néanmoins une similitude entre la plupart des usines. Une usine est en général divisée en plusieurs services précis.

La fabrication commence au service des patrons où l'on coupe les patrons pour un style particulier. À partir des différents patrons, on établit des matrices pour le service de la coupe, où l'on découpe les éléments à même des peaux de cuir ou d'autres matériaux ainsi que la doublure, en utilisant des matrices à découper et une machine à découper. Les éléments et les morceaux de doublure sont ensuite réunis en multiples, en général 18, 24 ou 36 paires, avant d'être envoyés au service de l'assemblage où toutes les différentes pièces sont cousues et assemblées. Ce service s'occupe également de plusieurs autres tâches comme la perforation, le dentelage, le dolage, le refendage, le doublage, le frottage et le bordage des coutures, le collage et le pliage, la pose d'oeillets, le laçage, etc. D'autre part, les semelles extérieures, les semelles intérieures, les contreforts, les embouts rigides et d'autres articles de stock sont assemblés et attachés en liasses au service de l'assemblage du stock. Au service de l'assemblage sur forme, la semelle intérieure est rattachée à la partie inférieure d'un pied de fonte en plastique appelé «forme». Le soulier ou l'empeigne est placée sur la forme par divers types de machines qui rattachent l'empeigne à la semelle. L'empeigne formée est ensuite collée avec une colle au nitrocellulose sur laquelle on presse la semelle. Au service de la finition, le soulier est nettoyé, fini et vaporisé. Après une dernière inspection, la chaussure terminée est emballée pour fins d'expédition.

Il existe plusieurs autres méthodes d'assemblage de souliers : par «trépointe», couture, vulcanisation et moulage par injection, mais la méthode par collage est la plus largement répandue, car elle est relativement peu coûteuse. On obtient ainsi un soulier à la fois très léger et souple.

L'INDUSTRIE NATIONALE

La partie plaignante, l'Association des manufacturiers de chaussures du Canada (l'AMCC), a affirmé que ses membres intervenaient collectivement pour plus de 75 p. 100 des chaussures pour dames en cause produites au Canada.

Les chaussures en cause sont produites essentiellement au Québec et en Ontario, qui représentent 99 p. 100 de la production en volume et 90 p. 100 des entreprises manufacturières.

Le nombre d'entreprises en exploitation au cours de la période à l'étude est demeuré relativement constant de 1986 à 1988, entre 67 et 69, mais est passé à 62 au début de 1989. Cependant, à la fin de 1989, seulement 52 entreprises produisaient encore les chaussures en cause, 10 fabricants ayant mis un terme à la production pendant l'année. Dans l'ensemble, au cours de la période à l'étude, 23 entreprises ont cessé de fabriquer les marchandises en cause tandis que 6 ont amorcé la production, pour une perte nette de 17 entreprises. En raison de la fermeture d'usines et de la baisse générale de la production des usines en exploitation, la production totale des chaussures en cause a chuté de 40 p. 100 entre 1986 et 1989 et le nombre d'emplois a régressé de 30 p. 100.

On note des différences en ce qui touche la taille des usines et la technologie utilisée. La plupart des entreprises ont tendance à se spécialiser dans la production d'une gamme restreinte de chaussures, par exemple, les souliers et les bottes à prix élevé, à prix moyen ou à prix abordable. Bien que le degré de spécialisation varie d'une entreprise à l'autre, la plupart des fabricants ont tendance à se concentrer dans une catégorie de produits; entre 80 et 90 p. 100 de leur production se compose de bottes ou de souliers. Même si l'on note un degré de spécialisation, chaque usine produit une vaste gamme de chaussures et de bottes de styles, de couleurs et de tailles différents, qui comportent également des accessoires différents; par ailleurs, dans bien des cas, les styles évoluent au gré de la mode dans le secteur de la chaussure.

Au cours des dernières années, l'industrie de la chaussure a bénéficié de nombreux progrès technologiques d'envergure. Certains de ces changements, étant plus portés vers l'évolution, ont continué à contribuer à réduire le temps et la main-d'oeuvre nécessaires pour fabriquer des chaussures selon les méthodes traditionnelles. D'autres, de nature plus révolutionnaire, ont permis d'appliquer des notions entièrement nouvelles à la production de masse dans la fabrication de la chaussure. Le degré de modernisation varie d'une société à l'autre.

Dans certains secteurs, l'automatisation est limitée à cause de nécessité. Au service de la coupe, par exemple, chaque peau est unique et doit être découpée de manière à réduire le plus possible les pertes. Chaque peau étant différente, les options de coupe du patron varient d'une peau à l'autre, ce qui empêche l'uniformisation des coupes, réduisant d'autant les possibilités d'automatisation.

Les dessinateurs de l'Europe de l'Ouest, plus particulièrement de la France et de l'Italie, donnent le ton dans le domaine de la chaussure pour dames. En outre, les filiales de sociétés américaines installées au Canada ont entièrement accès aux services de dessin des sociétés mères; par contre, bon nombre d'entreprises ont recours à leurs propres concepteurs ou dessinateurs.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

Les importateurs de chaussures au Canada peuvent être groupés en trois grandes catégories : importateurs-grossistes, détaillants et fabricants.

Les importateurs-grossistes sont des entreprises qui importent, entreposent et vendent directement des chaussures aux détaillants. La plupart des marchandises sont achetées et importées à partir de commandes d'établissements de vente au détail. Parmi les détaillants qui importent des chaussures directement de l'étranger, on note des grands magasins, des magasins à succursales et des petits établissements indépendants de vente au détail. Un certain nombre de fabricants de chaussures ont également pénétré le marché de l'importation, mais à une échelle réduite, pour offrir une plus vaste gamme de chaussures à leur clientèle.

Au cours de la période visée par l'imposition de contingents globaux (à partir de 1977) et plus particulièrement au cours de la période visée par le dernier régime de contingentement, soit du 1er décembre 1985 au 30 novembre 1988, les importateurs-grossistes ont pu protéger leur part des importations parce que les licences d'importation étaient surtout accordées en fonction du volume d'importation antérieur. Toutefois, pendant la période visée par le dernier régime de contingentement, les contingents ont été relâchés et, à la suite de leur élimination en novembre 1988, les parts du marché n'étaient plus protégées et les détaillants jouissaient d'une plus grande marge de manoeuvre pour ce qui est de négocier directement avec les fabricants étrangers, ce qui leur a permis d'accroître le volume de leurs importations directes.

Les pays exportateurs en cause sont intervenus pour environ 70 p. 100 de l'ensemble des importations de souliers et de bottes en cuir et autres qu'en cuir pour dames. Au cours de la période à l'étude, les importations totales des chaussures en cause ont augmenté de 23 p. 100 tandis que les importations en cause à partir des pays visés ont progressé de 33 p. 100.

Pour ce qui est des importations de bottes, les pays en cause ont compté pour plus de 60 p. 100 de l'ensemble des importations. La Pologne, le Brésil et Taïwan sont les principaux pays exportateurs, représentant 50 p. 100 de l'ensemble des importations.

Dans le cas des importations de souliers, les pays en cause, Taïwan, le Brésil et la Chine sont intervenus pour environ 70 p. 100 des importations totales au cours de la période visée.

LA PLAINTE

L'AMCC a soutenu que le dumping et le subventionnement des chaussures importées avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

Les avocats ont fait valoir que l'AMCC représentait des fabricants qui intervenaient ensemble pour plus de 75 p. 100 de la production canadienne totale et que, par conséquent, elle était justifiée de porter plainte ou de défendre les intérêts de l'industrie nationale de la chaussure. Les avocats ont déclaré également que les témoins qui ont comparu pour fournir des éléments de preuve appuyant la position de l'AMCC représentaient plus de 40 p. 100 de la production nationale totale des chaussures en cause.

Citant la définition des marchandises similaires figurant dans la Loi sur les mesures sp?E9‚ciales d'importation et évoquant les causes Sarco Canada Limited c. le Tribunal antidumping [1] et Noury Chemical Corporation et al. c. Penwalt of Canada Ltd. [2] , les avocats ont prétendu que l'enquête portait sur une seule catégorie de produits. Peu de consommateurs, selon eux, pourraient établir une distinction entre les chaussures en cuir et autres qu'en cuir. De même, sur le plan des caractéristiques et des usages, ils ont fait valoir que le niveau de substitution des souliers et des bottes était élevé.

Les avocats ont poursuivi en alléguant que les fabricants nationaux avaient subi un préjudice sensible qui a pris les formes suivantes : pertes de ventes, de part du marché et d'emplois, baisse des marges bénéficiaires brute et nette, réduction de la capacité d'utilisation et fermetures d'usines. Les avocats ont ajouté également que la gravité du préjudice ne pouvait faire aucun doute. Ils ont soutenu que la causalité du préjudice était évidente, car les pays en cause, et non d'autres, avaient déplacé la production nationale et comprimé les prix nationaux.

Les avocats ont prétendu que la probabilité de récurrence du préjudice était présente s'ils en jugeaient par le niveau réduit des commandes reçues par les fabricants nationaux pour la saison de vente 1990.

Les avocats ont affirmé que les marges de dumping moyennes pondérées constatées par le Sous-ministre étaient importantes, tout comme les volumes de chaussures sous-évaluées importées des six pays en cause. Les avocats ont fait remarquer, en comparant le coût moyen des matériaux entrant dans la fabrication des marchandises produites au pays et la valeur f. à b. des marchandises provenant des pays en cause, qu'il semblait que dans bien des cas les chaussures étaient exportées à des prix inférieurs au coût des matériaux au Canada.

Les avocats ont ajouté que les détaillants, par crainte de perdre leur part du marché, hésitaient à majorer les prix plafonds (price points) en fonction des coûts d'exploitation qui augmentaient en raison du nombre excessif de magasins ou de surface de vente et de l'inflation, ce qui a amené les détaillants à recourir davantage aux importations au cours de la période à l'étude et, plus particulièrement, après la levée progressive des contingents sur les chaussures pour dames en 1988. Par conséquent, les avocats ont soutenu que l'accès aux marchandises sous-évaluées et subventionnées a permis aux détaillants de maintenir des prix plafonds (price points) dépassés, au détriment de l'industrie nationale de la chaussure.

Les avocats ont allégué que le lien de causalité entre le préjudice sensible subi par l'industrie nationale et le dumping et le subventionnement des chaussures s'exprimait d'abord par des pertes de part du marché et de production pour les fabricants nationaux et par des hausses correspondantes de la part du marché des importations en provenance des pays en cause et, ensuite, par des éléments de preuve fournis par divers fabricants nationaux individuels à l'égard des répercussions des importations sur leurs décisions relatives à la production et aux prix.

Ils ont ajouté également que les chaussures de sport et de sport-loisir représentaient une forme modifiée des espadrilles en toile très populaires ces dernières décennies. Ces marchandises, prétendaient-ils, ne pouvaient être remplacées dans une large mesure par les marchandises en cause, qui étaient conçues pour la marche tandis que les véritables souliers de sport sont conçues pour la course. Par conséquent, le changement dans la demande de ce type de chaussures ne pouvait être invoqué pour justifier le préjudice sensible subi par l'industrie nationale.

Les avocats ont écarté la possibilité de défauts dans les produits nationaux pour expliquer le préjudice sensible. Ils ont soutenu que la pratique de «remplacement» [3] utilisée par les détaillants canadiens montrait bien que les chaussures nationales n'étaient pas perçues comme inférieures. Les avocats ont rejeté également l'argument selon lequel l'industrie nationale aurait dû avoir recours aux exportations vers les États-Unis ou au marketing de créneaux, ou intensifier la publicité pour améliorer la situation.

Enfin, pour ce qui est de la demande d'exclusion des chaussures en satin teignables d'une éventuelle décision de préjudice sensible, les avocats ont fait remarquer que même si l'on avait prétendu au départ que ces chaussures n'étaient pas fabriquées au Canada, il avait été prouvé qu'elles l'étaient, quoiqu'en petites quantités. Si le Tribunal accordait une exemption, les avocats ont demandé que la définition du produit en restreigne nettement la portée.

LA RÉPONSE

Les avocats de l'Association des importateurs canadiens, de la République populaire de Chine, de la Compagnie commerciale M & M Inc. et de Skorimpex Foreign Trading Company Ltd. soutenaient que le dumping et le subventionnement des chaussures importées des pays en cause n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

Les avocats s'interrogeaient sur l'authenticité des données relatives à la production présentées dans le rapport du personnel du Tribunal en prévision des audiences, que l'AMCC avait utilisées en partie pour justifier le préjudice sensible. Ils se demandaient également si les témoins de l'AMCC représentaient une «partie importante» de l'industrie nationale des bottes, car leur production globale intervenait pour moins de 15 p. 100 de la production canadienne totale de bottes.

Les avocats ont affirmé que les usages et les caractéristiques des bottes et des souliers ne se ressemblaient pas d'un produit à l'autre. Ils ont fait également remarquer que pour trois des six pays en cause, la décision provisoire ne portait que sur les bottes en cuir. Par conséquent, les avocats ont soutenu que le Tribunal devait examiner séparément chacune des quatre catégories de produits.

Les avocats ont aussi affirmé que l'élimination progressive des contingents sur les chaussures pour dames constituait le facteur le plus important qui a influé sur le marché de la chaussure ces dernières années. On a prétendu que la demande refoulée de chaussures de mode à prix abordable pendant la période de contingentement a engendré une poussée temporaire des importations en 1989.

Les avocats ont prétendu que les fabricants nationaux ont insisté sur les souliers et les bottes à prix élevé et à prix moyen; par contre, les marchandises importées des pays en cause portaient davantage sur les souliers et les bottes à prix abordable. Les avocats ont comparé le coût moyen au débarquement des marchandises importées de certains pays en cause, droits antidumping compris, et les prix de gros moyens nationaux, et en sont venus à la conclusion que dans presque tous les cas les marchandises importées étaient quand même meilleur marché. Par conséquent, les avocats ont soutenu que le préjudice découlait des importations à faible coût et non du dumping et du subventionnement et que, conformément aux précédents antérieurs, des conclusions de préjudice sensible n'étaient donc pas justifiées.

Les avocats ont invoqué l'augmentation des ventes de chaussures de sport et de sport-loisir pour expliquer une grande partie de la perte de la part du marché des chaussures produites au Canada. Ils ont soutenu que les produits nationaux étaient plus vulnérables que les importations parce que leur style était plus traditionnel. Les avocats ont affirmé que le fait que les fabricants nationaux étaient incapables de suivre l'évolution de la mode et qu'ils n'y étaient pas disposés non plus avait porté atteinte à leur position concurrentielle.

Les avocats ont soutenu que la faillite d'un important magasin à succursales, Rizzo & Rizzo, au début de 1989, a touché l'industrie en général, en plus de miner les bénéfices de plusieurs fabricants, en raison de la baisse des prix découlant de la liquidation des stocks de cette société. En outre, les avocats ont cru que la faillite a pu toucher l'évaluation qu'ont effectuée les prêteurs à l'égard de la solvabilité de toute l'industrie de la chaussure.

Enfin, les avocats étaient d'avis que l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain a pu permettre de dissimuler l'augmentation du prix des marchandises importées, qui est souvent libellé en devises américaines.

Les avocats ont prétendu que le prix des bottes en cuir importées de la Pologne avait augmenté ces dernières années. Cependant, il se peut que ces hausses n'aient pas été apparentes parce qu'une part de plus en plus grande des exportations polonaises était constituée de «bottillons», produit qui comporte moins de cuir et était, par le fait même, moins coûteux. Les avocats ont soutenu que la Pologne était un fabricant à faibles coûts en raison des coûts de main-d'oeuvre peu élevés et des économies d'échelle à la production. En outre, ils ont déclaré que les bottes originaires de la Pologne n'étaient constituées que de marchandises bas de gamme sur le marché canadien et représentaient un produit de qualité inférieure par rapport aux marchandises nationales. Les avocats ont affirmé également que le prix des bottes polonaises continuerait de croître en raison de la hausse du prix de l'énergie et des coûts de main-d'oeuvre et de l'augmentation des ventes vers l'URSS.

Les avocats de l'Association canadienne des détaillants en chaussures (ACDC) et du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) ont soutenu également que le dumping et le subventionnement des marchandises importées n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible.

Ils ont prétendu que la situation de l'industrie nationale a pu être influencée par les prix et les volumes de chaussures non assujetties au dumping et au subventionnement. Les avocats ont fait remarquer en outre que le marché global des chaussures en cause a connu une baisse de 1986 à 1989. De plus, ils ont invoqué d'autres facteurs comme la préférence plus marquée des consommateurs à l'égard des chaussures en cuir, une augmentation de la demande de chaussures de meilleure qualité et de marchandises jetables à prix abordable, des changements démographiques et la tendance de plus en plus grande à acheter des chaussures aux États-Unis.

Enfin, les avocats ont cru que l'industrie nationale ne pouvait être vraiment productive parce que la plupart des sociétés se livraient une bataille serrée pour un même marché restreint. De plus, ils ont soutenu que peu de fabricants nationaux avaient recours aux technologies les plus récentes.

Les avocats ont prétendu que les changements dans la part du marché des marchandises en cause produites au Canada et des marchandises importées des pays en cause ne constituaient pas en soi une preuve de lien de causalité entre le dumping et le subventionnement et le préjudice sensible causé aux fabricants canadiens. Les avocats ont répondu également aux arguments des représentants de l'AMCC, qui soutenaient que les détaillants n'étaient pas disposés à majorer leurs prix plafonds (price points), alléguant que les concurrents les avaient empêché d'augmenter leurs prix. En outre, les avocats ont fait valoir que rien ne prouvait que les chaussures en cause étaient conçues pour la marche et que les chaussures de sport étaient conçues pour la course. En fait, les éléments de preuve déposés par les détaillants ont laissé supposer un recoupement entre les deux catégories. De plus, ils ont refuté l'argument selon lequel l'existence de la pratique du «remplacement» sous-entendait que les marchandises canadiennes étaient comparables aux importations.

Les avocats ont précisé que le maintien des droits antidumping ou compensateurs n'inciterait pas les détaillants à augmenter leurs achats de chaussures nationales. Les détaillants s'adresseraient plutôt à des usines des pays en cause dont les marges de dumping étaient moins élevées ou à des fabricants des pays qui ne sont pas visés par la présente enquête. Les avocats ont déclaré en outre que les prix des marchandises nationales n'augmenteraient que s'il y avait une hausse correspondante de la valeur globale. Ils ont ajouté que les droits auraient pour effet de comprimer les prix pratiqués au Canada, c'est-à-dire que les détaillants continueraient de tendre vers un mélange de marges brutes sur les produits nationaux et importés et, s'ils devaient subir une baisse de leurs marges sur les chaussures importées en raison de l'application des droits, ils tenteraient d'accroître leurs marges sur les chaussures nationales en demandant des prix moins élevés de leurs fournisseurs.

Les avocats du ministère des Finances du Brésil et de l'ADICAL ont prétendu que les chaussures en cause importées du Brésil étaient des marchandises produites à faibles coûts et que l'écart entre les prix de gros pratiqués au Canada et au Brésil ne pouvait être entièrement expliqué par le dumping et le subventionnement. Pour appuyer leurs affirmations, les avocats ont présenté les résultats de diverses analyses dans lesquelles ils ont comparé la valeur moyenne au débarquement des bottes et des souliers en cuir originaires du Brésil, droits antidumping compris, et le prix de gros moyen des chaussures nationales, et ils en sont venus à la conclusion que les importations brésiliennes seraient quand même moins coûteuses que les produits nationaux comparables. Ils ont ajouté que les chaussures brésiliennes avaient un contenu de main-d'oeuvre plus élevé que les chaussures nationales parce que les taux de rémunération y étaient relativement plus faibles, ce qui résulte en une fabrication plus détaillée et une apparence unique.

Les avocats ont cru que le Tribunal devait envisager le niveau de dumping en pourcentage de la valeur normale totale de toutes les marchandises en cause examinées par le Sous-ministre et non en pourcentage du volume de marchandises sous-évaluées. Appliquant la même méthode, les avocats ont calculé la marge moyenne pondérée de dumping des souliers en cuir et des bottes en cuir et ils ont constaté qu'elle était inférieure aux marges énoncées dans la décision définitive.

Les avocats ont fait remarquer que le Gouvernement du Brésil était entrain d'éliminer la principale subvention offerte aux fabricants de chaussures. Ils ont ajouté que le montant des droits compensateurs serait si infime qu'il ne profiterait pas à l'industrie canadienne.

DEMANDE D'EXCLUSION

L'avocat de Shoe Sales Canada a demandé que les souliers en satin teignables importés par son client soient exclus de toutes conclusions de préjudice sensible, car ces souliers étaient destinés à n'être utilisés qu'une seule fois et que, par conséquent, ils ne concurrencaient pas directement d'autres souliers autres qu'en cuir. L'avocat a ajouté que même si un fabricant canadien, Francine Footwear Limited, produisait des chaussures en satin teignables, le volume en était négligeable. L'avocat a également fait remarquer que même si on imposait des droits antidumping, la valeur moyenne au débarquement des souliers importés par Shoe Sales Canada serait inférieure au prix de gros des souliers teignables fabriqués par Francine Footwear Limited. Enfin, il a prétendu que Shoe Sales Canada revendait les souliers importés à des prix plus élevés que les souliers canadiens et, qu'en conséquence, les importations de son client ne pouvaient pas causer un préjudice aux souliers en satin teignables fabriqués par Francine Footwear Limited.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Désignation de l'AMCC comme partie plaignante

Dès le début de l'audience, les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont demandé si l'AMCC, l'organisme qui avait déposé la plainte initiale auprès de Revenu national, représentait vraiment les fabricants nationaux de chaussures pour dames et si elle pouvait être désignée comme partie plaignante aux fins de l'enquête du Tribunal. La demande des avocats découlait d'une déclaration écrite de l'AMCC, selon laquelle le dépôt de la plainte menant à la présente enquête avait été effectué par le président de l'Association, qui prétendait agir au nom des membres de l'Association. Les avocats ont soutenu également que les fabricants nationaux devant comparaître à l'audience ne représentaient pas une partie importante de l'industrie nationale dans chacune des quatre catégories de produits visés par l'enquête.

Les avocats du Gouvernement du Brésil et de l'ADICAL ont mentionné que compte tenu de divers articles de journaux soutenant qu'un certain nombre de fabricants nationaux n'appuiaient pas le projet de l'Association ou n'avaient pas été consultés au sujet de cette initiative, ils ont demandé que soient dévoilés le nom des membres de l'AMCC qui prétendaient avoir subi un préjudice sensible. Ils ont ajouté que l'Association n'avait pas donné suite à cette demande, ce qui a donc empêch 9‚ leurs clients de répondre convenablement aux allégations de préjudice. Enfin, les avocats représentant l'ACDC et le CCCD ont prétendu que les quelques fabricants qui comparaissaient devant le Tribunal pour formuler une plainte au sujet de l'importation de bottes en cuir et autres qu'en cuir n'étaient pas justifiés de le faire par qu'ils n'atteignaient pas le seuil de production nationale nécessaire pour représenter une «partie importante» de la production canadienne de bottes en cuir et autres qu'en cuir.

Les avocats de la partie plaignante leur ont répondu que les membres de l'AMCC représentaient plus de 75 p. 100 de l'ensemble de la production canadienne des chaussures en cause et que, par conséquent, l'Association représentait une «partie importante» de la production nationale de marchandises similaires. Ils ont déclaré que l'AMCC était justifiée de déposer une plainte parce qu'en vertu du droit canadien, les entreprises prenant directement part à une enquête ne sont pas tenues de représenter une partie importante de l'industrie. Les avocats ont soutenu également que les représentants de l'AMCC, qui seraient appelés à témoigner, estimaient qu'ils s'adressaient au Tribunal au nom de tous les fabricants canadiens. En outre, le président de l'AMCC a précisé qu'il avait été autorisé par son conseil d'administration à déposer et à défendre une plainte devant Revenu Canada et, enfin, devant le Tribunal; par la suite, il a déposé à titre de preuve un extrait du procès-verbal de la réunion du conseil au cours de laquelle il avait été autorisé à déposer et à défendre la présente plainte.

Il a été soutenu que certains membres n'appuiaient pas la position de l'Association et des éléments de preuve ont été déposés à cet égard. Cependant, à moins que l'on parvienne à prouver de façon irréfutable qu'une association ne représente pas les membres qui interviennent pour une partie importante de la production nationale, le Tribunal autorise une telle association à faire fonction de partie plaignante dans le cadre des délibérations relatives à une enquête. Le Tribunal ne devrait pas faire porter son enquête sur la gestion et les méthodes internes d'une association, pas plus qu'il ne devrait lever le voile d'anonymat pour vérifier la position de chaque membre de l'association. Comme tout autre intervenant faisant affaire avec une société ou une association, le Tribunal devrait être autorisé à supposer que les faits et les gestes des administrateurs expressément autorisés ou qui exercent leur mandat ou leurs responsabilités habituelles expriment de façon valable la volonté de la société ou de l'association en question.

En outre, le Tribunal croit que le nombre de fabricants qui témoignent au cours de l'audience ne constitue pas, en soi, un facteur déterminant en ce qui touche la représentation. Si 1 000 entreprises fabriquent un produit donné au Canada, il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que l'association qui les représente doive en citer 300 à comparaître devant le Tribunal pour déterminer si elle est autorisée à déposer une plainte et, par la suite, pour établir la preuve d'un préjudice causé à chacune des entreprises. Dans le cas présent, le Tribunal n'interprète donc pas le fait que seulement quelques fabricants nationaux de chaussures ont décidé de comparaître en tant que témoins. Finalement, une fois autorisée à représenter les fabricants canadiens dans le cadre des délibérations, l'AMCC peut décider de la façon de débattre sa position devant le Tribunal, que ce soit en interrogeant un petit ou un grand nombre de témoins ou en déposant d'autres éléments de preuve pour prouver au Tribunal que le préjudice subi par ses membres (les fabricants canadiens) était sensible et attribuable au dumping ou au subventionnement des marchandises importées.

Les éléments de preuve portant sur la production et les ventes des membres de l'AMCC ont convaincu le Tribunal que l'Association représentait plus de 60 p. 100 de la production nationale, même à l'intérieur de chaque catégorie de produits. Le Tribunal ayant conclu que l'AMCC représentait l'industrie nationale de la chaussure dans les quatre catégories de produits cités, il était donc évident que l'AMCC était autorisée à agir comme partie plaignante même si les produits sont par la suite groupés en une ou plusieurs catégories de marchandises similaires.

Marchandises similaires

Dès le début de l'audience, à la suite des déclarations des avocats de la partie plaignante, de l'Association des importateurs canadiens et du CCCD et de l'ACDC au sujet de la validité de la représentation de la partie plaignante, on a soulevé la question du nombre de catégories de «marchandises similaires» visées par la présente enquête. Le Tribunal a décidé que, par précaution, il envisagerait de façon distincte chacune des quatre catégories de marchandises qui avaient fait l'objet de la décision provisoire, c'est-à-dire les bottes en cuir, les bottes autres qu'en cuir, les souliers en cuir et les souliers autres qu'en cuir. Cependant, le Tribunal a indiqué qu'il se réservait le droit de grouper certaines ou toutes les catégories aux fins de la décision relative au préjudice, selon la nature des éléments de preuve déposés à l'audience. Pour veiller à ce que les renseignements appropriés soient dûment pris en compte, une demande a été soumise à Revenu Canada pour que ce dernier fournisse des données distinctes sur les marges de dumping et de subventionnement pour chacune des quatre catégories de marchandises.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit ainsi l'expression «marchandises similaires» :

«marchandises similaires» Selon le cas :

a)marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

En réponse, les avocats de la partie plaignante ont soutenu que la présente enquête ne portait que sur une catégorie de produits parce que l'utilisation et les caractéristiques des bottes et des souliers en cuir et autres qu'en cuir étaient très proches les unes des autres. Ils ont soutenu que les éléments de preuve avaient indiqué un niveau élevé de substitution entre les bottes et les souliers de même qu'entre les chaussures en cuir et autres qu'en cuir. Pour appuyer cette affirmation, ils ont invoqué les critères relatifs aux «marchandises similaires» mentionnés dans la cause Sarco précitée. Selon eux, les témoignages recueillis par le Tribunal avaient révélé que les bottes et les souliers en cuir et autres qu'en cuir satisfaisaient aux critères des marchandises similaires établis dans cette cause. Les avocats ont tenté d'établir une distinction entre la présente enquête et la cause Noury Chemical précitée. Ils ont soutenu que dans le cadre de la présente enquête, les produits examinés sont visés par la deuxième partie de la définition des «marchandises similaires».

En réponse, les avocats des parties adverses ont déclaré que quatre catégories de «marchandises similaires» devaient être prises en compte, c'est-à-dire les bottes en cuir pour dames, les souliers en cuir pour dames, les bottes autres qu'en cuir pour dames et les souliers autres qu'en cuir pour dames, parce que l'utilisation et les caractéristiques des produits n'étaient pas proches les unes des autres. Les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont soutenu que selon les critères établis dans la cause Sarco, les bottes et les souliers ne devaient pas être considérés comme des marchandises similaires. Ils ont ajouté que quatre catégories distinctes de chaussures avaient été déterminées dans la décision provisoire et que dans le cas de la Pologne, de la Yougoslavie et de la Roumanie, seules les bottes en cuir avaient été prises en compte. Les avocats du Gouvernement du Brésil ont soutenu que les consommateurs et les détaillants percevaient une différence entre les chaussures en cuir et autres qu'en cuir. Enfin, les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont prétendu que si le Tribunal acceptait le fait qu'il existait quatre produits qui ne pouvaient habituellement pas être substitués, la question du préjudice devrait alors être examinée de façon distincte pour chaque produit, comme dans le cas de la cause Noury Chemical.

De l'avis du Tribunal, la notion de «marchandises similaires» dans la présente cause ne correspond pas du tout à la première partie de la définition contenue dans la LMSI, c'est-à-dire des marchandises «identiques aux marchandises en cause». Par conséquent, le Tribunal doit envisager la question sous l'angle de la similarité de l'utilisation et des caractéristiques.

Pour ce qui était de déterminer si l'utilisation et les caractéristiques des bottes et des souliers étaient très proches les unes des autres, le Tribunal a étudié d'abord les caractéristiques physiques des bottes et des souliers. Essentiellement, le Tribunal est d'avis que les bottes et les souliers ne partagent pas les mêmes caractéristiques physiques. Les bottes ne ressemblent pas à des souliers et n'en sont pas. Le Tribunal note une différence dans la conception fondamentale des souliers et des bottes, ces dernières couvrant la cheville.

Les activités manufacturières de base relatives à la fabrication d'une botte ou d'un soulier, comme la coupe, la couture ou l'assemblage, sont en grande partie les mêmes. Cependant, il existe une différence importante pour ce qui est de la forme, cette dernière étant plus élevée à l'arrière des bottes en raison de la longueur du mollet. Les dimensions globales d'une forme de botte sont également plus grandes que celles d'une forme de soulier en raison de la doublure plus lourde dans le cas d'une botte. En ce qui touche les matières premières, les bottes et les souliers peuvent être constitués d'empeignes en cuir ou en matériaux autres qu'en cuir. Certaines composantes entrant dans la fabrication des bottes et des souliers sont différentes : les bottes sont habituellement munies de semelles et de doublures plus lourdes pour protéger contre les intempéries. Dans l'ensemble, le Tribunal est d'avis que la fabrication des bottes et des souliers est plus différente que semblable sur les plans des opérations requises et des composantes utilisées.

Outre les aspects touchant l'allure physique et la fabrication, les modes de vente diffèrent dans le cas des bottes et des souliers. Bien que les bottes et les souliers soient habituellement vendus par les mêmes détaillants, les bottes sont vendues en grande partie à l'automne et à l'hiver, tandis que les souliers sont vendus pendant toute l'année.

Essentiellement, l'usage courant des bottes et des souliers est le même, c'est-à-dire la marche, mais ce sont les utilisations particulières des bottes et des souliers qui diffèrent. Le Tribunal reconnaît que les femmes ne porteraient pas de bottes d'hiver sur un plancher de danse. Dans le même ordre d'idée, le Tribunal ajoute que la plupart des femmes ne porteraient probablement pas de souliers habillés comme principale chaussure d'extérieur au cours de l'hiver. De façon plus générale, une femme qui entre dans un magasin pour acheter une paire de bottes ne déciderait habituellement pas d'acheter des souliers devant servir à la même fin, ou vice versa. Pour l'utilisateur final, les produits ne peuvent pas être substitués. Le Tribunal note que les «bottillons» constituent en quelque sorte une exception à la règle, car ils comportent de nombreuses caractéristiques propres aux bottes, par exemple, ils couvrent la cheville; toutefois, les consommateurs les utilisent souvent comme souliers. De même, les éléments de preuve recueillis ont révélé que certains consommateurs, notamment les adolescents, portaient des chaussures de jogging et d'autres souliers sport pour leurs activités extérieures au cours de l'hiver, au lieu des bottes. Cependant, ces produits semblent représenter un pourcentage relativement faible du marché global et n'influent pas sur l'observation générale voulant que pour la plupart des consommateurs les bottes et les souliers servent à des fins différentes.

Le prix ne constitue pas un facteur permettant de déterminer si les bottes et les souliers sont des marchandises similaires, parce qu'il n'existe pas d'uniformité dans les habitudes, c'est-à-dire que, selon les matériaux utilisés, la nature du dessin, les méthodes de mise en marché, etc., il est possible de trouver des souliers plus coûteux que des bottes, et vice versa. De même, des facteurs tels la qualité et le rendement ne sont pas valables dans le cas présent.

Tout compte fait, le Tribunal en vient à la conclusion que les bottes et les souliers ne sont pas des marchandises similaires parce qu'elles comportent des différences fondamentales en ce qui touche les caractéristiques physiques, la conception, la fabrication et les utilisations. Pour ces raisons, le Tribunal est d'avis que ces produits ne sont pas des marchandises similaires, dont l'utilisation et les caractéristiques sont très proches les unes des autres. En outre, le Tribunal croit que la catégorie des bottes comprend les bottillons, car ces produits comportent un plus grand nombre de caractéristiques et d'utilisations qui s'apparentent aux bottes.

Le Tribunal a également examiné la question de la similarité des chaussures en cuir et autres qu'en cuir. Il fait d'abord remarquer que sur les plans de l'apparence physique, de la conception et de la vogue, les chaussures en cuir et autres qu'en cuir sont très semblables.

Pour ce qui est de la fabrication, les chaussures en cuir et autres qu'en cuir sont fabriquées en grande partie de la même manière et font appel aux mêmes opérations. En outre, les composantes des chaussures en cuir et autres qu'en cuir, comme le talon, la semelle, la semelle intérieure et la doublure, sont souvent les mêmes. Cependant, certains éléments de preuve déposés au cours de l'audience ont indiqué que les employés affectés à la production doivent recevoir une formation supplémentaire avant de pouvoir traiter le cuir.

Les chaussures en cuir et autres qu'en cuir sont habituellement mises en marché d'une manière semblable, c'est-à-dire qu'elles sont vendues par les mêmes détaillants à la même période de l'année. Les prix des chaussures en cuir et autres qu'en cuir se recoupent, bien que le Tribunal remarque que les chaussures autres qu'en cuir ont tendance à dominer le marché des chaussures à prix abordable tandis que les chaussures en cuir dominent le segment des chaussures à prix élevé.

Les éléments de preuve ont indiqué que les consommateurs préféreraient généralement des chaussures en cuir si tous autres facteurs (par exemple, le prix et le style) sont égaux. Dans la plupart des cas, cependant, les consommateurs semblent utiliser les chaussures en cuir et autres qu'en cuir à des fins semblables, quoique les chaussures autres qu'en cuir pouvaient être affectées à des usages différents dans certains cas en raison de leur supériorité en matière d'imperméabilité. Des éléments de preuve contradictoires ont été déposés à l'audience à savoir si les consommateurs percevaient généralement les chaussures en cuir et autres qu'en cuir comme des substituts, certains témoins prétendant que les consommateurs étaient conscients des différences entre ces produits et les jugeaient importantes, d'autres déclarant que la plupart des consommateurs ne remarquaient pas la différence. En gros, le Tribunal est convaincu que les consommateurs utilisent généralement les chaussures en cuir et autres qu'en cuir sans différence et que cette substitution est particulièrement importante dans le cas des chaussures à prix abordable.

Tout compte fait, le Tribunal est d'avis que l'utilisation et les caractéristiques des chaussures en cuir et autres qu'en cuir sont très proches les unes des autres et que, par conséquent, ces produits devraient être considérés comme des marchandises similaires aux fins de la décision de préjudice.

Somme toute, le Tribunal en vient à la conclusion que la présente enquête porte sur deux catégories de «marchandises similaires», soit les bottes en cuir et autres qu'en cuir pour dames et les souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames, et que la question à savoir si le dumping et le subventionnement des marchandises ont causé, causent ou sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale doit être envisagée de façon distincte pour chacune de ces catégories.

Données statistiques figurant dans le rapport du personnel du Tribunal en prévision des audiences

Les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont soutenu que, dans l'ensemble, les renseignements groupés par le personnel du Tribunal ne pouvaient être considérés comme fiables ou valables en raison des diverses estimations formulées. Par exemple, ils ont noté que les volumes de production avaient fait l'objet d'estimations dans le cas d'un certain nombre de fabricants nationaux qui avaient fait faillite ou avaient interrompu la production des chaussures en cause au cours de la période à l'étude.

Le Tribunal est d'avis que les estimations statistiques servant d'éléments de preuve dans le cas présent et dans d'autres représentent fréquemment les données les plus fiables sur la situation de l'industrie et du marché.

Le Tribunal tente toujours de recueillir des données concrètes en s'adressant directement à l'industrie en général et à tous les participants prenant part à une enquête. Cependant, il n'est pas toujours facile d'obtenir l'information requise et il faut invariablement projeter certains éléments d'information statistique mis au point aux fins d'une enquête. Cette situation s'applique plus particulièrement aux vastes enquêtes, comme celle qui nous intéresse, qui visent un grand nombre de fabricants et d'importateurs.

Néanmoins, le Tribunal est d'avis que les estimations relatives à la cause présente étaient fondées sur des méthodes reconnues et représentent des renseignements valables et fiables. Les participants à une enquête sont informés des méthodes utilisées par le personnel du Tribunal pour effectuer des estimations des renseignements statistiques et ils peuvent contester les données de même que le bien-fondé des méthodes utilisées. Ce n'est qu'après que toutes les parties aient eu l'occasion de vérifier, d'augmenter ou de corriger ces renseignements que le Tribunal accepte les données comme éléments de preuve et leur accorde de l'importance.

En réponse aux exemples précis donnés par les avocats, le Tribunal est convaincu que les estimations de la production contenues dans le rapport pré-audience sont fiables et n'ont pas été mises en doute par les exemples des avocats. Le Tribunal fait également remarquer que la baisse de la production nationale des chaussures en cause indiquée dans le rapport pré-audience est très proche, sur le plan de l'envergure, de celle révélée par une enquête mensuelle de Statistique Canada sur les fabricants nationaux de chaussures pour dames et considère ces résultats comme la confirmation des tendances énoncées dans le rapport pré-audience.

RÉSULTATS DES ENQUÊTES DU SOUS-MINISTRE

La période d'enquête déterminée par le Sous-ministre aux fins des décisions provisoire et définitive de dumping s'échelonnait du 1er janvier au 31 août 1989, tandis que l'enquête de subventionnement portait sur la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 août 1989.

Les marges moyennes pondérées de dumping constatées par le Sous-ministre pour la décision définitive étaient les suivantes :

Pourcentage
Brésil 25,8
Taïwan 27,5
Chine 47,3
Yougoslavie 26,2
Pologne 38,7
Roumanie 20,0

Dans le cas du Brésil, les subventions moyennes pondérées étaient de l'ordre de 6,05 p. 100 en 1988 et de 3,50 p. 100 en 1989.

À la suite de la publication de la décision définitive, le Tribunal a demandé au Sous-ministre de lui fournir une répartition des résultats, par catégorie de produits. Les marges moyennes pondérées de dumping étaient les suivantes :

Pourcentage
Brésil Bottes en cuir 8,5
Souliers en cuir 13,9
Taïwan Bottes en cuir 10,7
Souliers en cuir 19,3
Bottes autres qu'en cuir 16,2
Souliers autres qu'en cuir 18,0
Chine Bottes en cuir 47,1
Souliers en cuir 47,2
Bottes autres qu'en cuir 47,0
Souliers autres qu'en cuir 47,6
Yougoslavie Bottes en cuir 26,2
Pologne Bottes en cuir 38,7
Roumanie Bottes en cuir 20,0

Revenu Canada a avisé que les renseignements fournis par les exportateurs comprenaient suffisamment d'information afin de déterminer si les chaussures étaient en cuir, autres qu'en cuir, des bottes ou des souliers. Cependant, dans les cas où les exportateurs n'avaient pas fourni une réponse au questionnaire du Tribunal, il n'y avait pas assez d'information afin de déterminer ainsi. Dans le cas du Brésil et de Taïwan, la détermination était fondée sur des importations qui représentaient environ 60 p. 100 respectivement, de l'ensemble des chaussures en cause importées de ces deux pays pendant la période à l'étude. Ceci explique la raison pour laquelle la marge moyenne pondérée du dumping par pays ne se compare pas directement à la marge moyenne pondérée par catégorie de produit.

PRODUCTION, MARCHÉ ET SITUATION FINANCIÈRE

Aux fins de la présente enquête portant sur le prétendu préjudice sensible causé par le dumping et le subventionnement des marchandises en cause provenant des pays en cause, le Tribunal désirait particulièrement connaître la situation des fabricants nationaux et du marché national entre 1986 et 1989.

Pour obtenir les renseignements nécessaires, le personnel du Tribunal a amorcé des travaux approfondis de recherche en envoyant des questionnaires détaillés aux importateurs et aux fabricants. Il s'est également rendu dans plus de 60 entreprises pour veiller à ce que les données demandées dans les questionnaires soient bien comprises et pour s'assurer de l'uniformité et de l'opportunité des réponses. Des tableaux détaillés portant sur les importations, le marché et la production, de même que d'autres tableaux statistiques ont été préparés pour faire ressortir la situation de l'industrie et du marché canadiens au cours des quatre dernières années.

Les statistiques groupées par le personnel du Tribunal ont révélé que le marché apparent total des bottes et des souliers en cause pour dames a subi un recul entre 1986 et 1989, passant de 36,5 à 33,8 millions de paires. Au cours de cette période, la production canadienne a régressé de 6,8 millions de paires, soit de 17,1 à 10,3 millions de paires, ce qui représente plus de la moitié de la baisse de la demande. Par conséquent, la part du marché des fabricants nationaux provenant des ventes de la production nationale est passée de 46 à 30 p. 100 entre 1986 et 1989. Au cours de cette période, les ventes d'importations originaires des pays en cause ont accaparé 13 points de la part du marché des producteurs tandis que les ventes d'importations de pays non visés par la présente enquête ont accaparé 2 points. Le reste du marché a été accaparé par les marchandises importées par les fabricants, qui sont passées de 89 000 paires en 1986 à 438 000 paires en 1989, ce qui représente environ 1 p. 100 de la demande totale en 1989. La rentabilité de l'ensemble des fabricants en cause pour lesquels des données financières ont été fournies au Tribunal est passée d'un excédent d'environ 7 p. 100 des ventes nettes en 1986 à une perte de 1 p. 100 en 1989. Ce secteur d'activité a également perdu plus de 2 300 employés affectés à la production au cours de la période à l'étude. Son taux d'utilisation de la capacité a régressé de 72 p. 100 en 1986 à 55 p. 100 en 1989.

Tel que discuté auparavant comme question préliminaire, bien que le Tribunal et les avocats aient déposé des éléments de preuve distincts sur les quatre catégories de produits énoncés dans la définition des marchandises en cause fournie par le Sous-ministre, le Tribunal en est venu à la conclusion qu'il existait deux catégories distinctes de marchandises en cause et que le préjudice devait être évalué en fonction de chacune d'elles, c'est-à-dire les bottes en cuir et autres qu'en cuir pour dames et les souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames. En principe, aux fins de l'analyse des effets du dumping et du subventionnement, ou d'autres facteurs, sur ces deux secteurs distincts, les divers tableaux portant sur la production, les importations et le marché, de même que d'autres tableaux, ont été fusionnés pour constituer des données globales pour chacune des deux catégories de marchandises en cause.

Souliers en cuir et autres qu'en cuir pour dames

Cette catégorie de marchandises, qui est de loin la plus importante des deux catégories à l'étude, a représenté en 1989 plus de 80 p. 100 de la consommation canadienne des chaussures en cause. Plus de 60 p. 100 des souliers groupés dans cette catégorie étaient en cuir.

Les pays visés par les importations de souliers étaient le Brésil, dans le cas des souliers en cuir, et Taïwan et la Chine pour ce qui est des souliers en cuir et autres qu'en cuir. Les importations en provenance de ces trois pays ont fait passer leur part de l'ensemble des importations de 66 p. 100 en 1986 à 72 p. 100 en 1989. Les importations originaires de Taïwan, qui représentaient environ la moitié des importations des pays en cause au cours de la période à l'étude, sont passées de 6,7 millions de paires à 9,9 millions de paires en 1986 et 1987. En 1988, elles ont chuté à 7,1 millions de paires avant de regrimper à 7,7 millions de paires en 1989. Les importations en provenance du deuxième plus important pays exportateur des souliers en cause, le Brésil, sont passées de 3,8 millions de paires en 1986 à 5,4 millions de paires en 1989. Les importations originaires de la Chine ont doublé au cours de la même période, c'est-à-dire de 1,5 million à 3,0 millions de paires.

La demande des souliers en cause pour dames a régressé d'environ 6 p. 100 au cours de la période à l'étude. La baisse à l'égard des souliers autres qu'en cuir, qui a approché les 20 p. 100, a plus que neutralisé la progression de 4 p. 100 enregistrée pour les souliers en cuir. Les importations ont augmenté de 4 millions de paires, soit de 22 p. 100, entre 1986 et 1989. La hausse des importations totales de souliers en cause était entièrement attribuable aux importations provenant des pays en cause. Par conséquent, les ventes de marchandises importées en provenance des pays en cause ont augmenté leur part du marché, passant de 42 p. 100 en 1986 à 56 p. 100 en 1989, tandis que les ventes de marchandises importées des pays non visés par la présente enquête sont passées de 19 à 21 p. 100, et les ventes de produits fabriqués au Canada ont régressé de 39 à 25 p. 100 au cours de la même période.

Entre 1986 et 1989, la production nationale de souliers a subi une baisse de plus de 5 millions de paires, soit 45 p. 100, ce qui a entraîné une chute de 21 points de pourcentage au chapitre de l'utilisation de la capacité de même qu'une réduction de 8 p. 100 (200 paires) de la production annuelle moyenne par employé. Le nombre d'emplois a également régressé de plus de 2 000, ce qui représente 40 p. 100. En plus de faire face à une importante diminution des marges brutes, les fabricants de souliers ont également subi une forte baisse des bénéfices nets, qui sont passés d'un excédent de 7 p. 100 en 1986 à une perte de 1 p. 100 en 1989. La perte de rentabilité a été plus marquée en 1989, lorsque le secteur du soulier a perdu cinq points de pourcentage pendant cette année-là.

Bottes en cuir et autres qu'en cuir pour dames

Les bottes en cause représentaient moins de 20 p. 100 du marché total des chaussures en cause. Les bottes en cuir intervenaient pour environ 80 p. 100 des bottes en cause achetées par les consommateurs canadiens.

Le Brésil, la Pologne et la Chine sont les trois pays en cause qui ont connu les gains les plus importants au cours de la période à l'étude, et plus particulièrement en 1988 et 1989. Le Brésil a enregistré un gain de 13 points de la part des importations, tandis que la Pologne et la Chine ont gagné respectivement 14 et 8 points. La part des importations représentée par la Roumanie et la Yougoslavie a varié d'une année à l'autre, mais elle n'a jamais dépassé les 5 p. 100. Par ailleurs, la part des bottes importées de Taïwan a chuté entre 1986 et 1989, passant de 55 à 16 p. 100. L'Italie, important exportateur non visé par la présente enquête, a subi une baisse de sa part des importations, qui est passée de 26 p. 100 en 1987 et 1988 à 16 p. 100 en 1989.

La demande des bottes en cause a diminué de près de 20 p. 100 entre 1986 et 1989. La baisse de la demande à la consommation des bottes autres qu'en cuir a approché les 50 p. 100, tandis que celle des bottes en cuir n'a que légèrement fléchi. Entre 1986 et 1989, le nombre de bottes importées est passé de 1,4 à 1,8 million de paires. Les bottes importées des pays en cause ont augmenté de 0,9 million à 1,2 million de paires, tandis que les importations en provenance des pays non assujettis à la présente enquête sont passées de 0,5 million à 0,7 million de paires. Pour ce qui est de la part du marché, les ventes des marchandises en cause importées ont progressé de 15 à 21 p. 100 entre 1986 et 1989, tandis que les ventes d'importations en provenance des pays non assujettis à la présente enquête ont augmenté leur part du marché de 7 à 11 p. 100. Au cours de la même période, les ventes à partir de la production nationale sont passées de 5,0 à 3,5 millions de paires et, par conséquent, ont perdu 10 points de la part du marché, dont 6 points au profit des importations en provenance des pays en cause.

Entre 1986 et 1988, la production nationale de bottes a diminué de 16 p. 100, soit d'environ 0,8 million de paires. En 1989, l'industrie a subi une autre baisse de 0,6 million de paires, ce qui a entraîné la perte de 9 points de pourcentage sur le plan de l'utilisation de la capacité. Au cours de la même année, la production annuelle moyenne par employé a également chuté de plus de 300 paires, soit 17 p. 100. Le nombre d'emplois a fluctué au cours de la période à l'étude mais, globalement, il a chuté de 11 p. 100. L'industrie des bottes a également assisté à l'effritement de ses marges brutes et de son revenu net avant impôt. Le revenu net a subi une baisse, passant de 7 p. 100 des ventes en 1986 à une perte de 1 p. 100 en 1989. Encore une fois, la baisse des bénéfices nets a été plus marquée en 1989, lorsque les fabricants de bottes ont vu leurs bénéfices régresser de cinq points.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les divers intervenants s'entendaient dans l'ensemble pour déclarer que la situation de l'industrie de la chaussure pour dames était très mauvaise. L'importante diminution d'emplois, de production, de ventes, de part du marché, de capacité d'utilisation, de marges brutes et de bénéfices subie à la fois par l'industrie des souliers et l'industrie des bottes est telle que le Tribunal en conclut que ces deux industries ont été victimes d'un préjudice sensible. Il reste à préciser si le préjudice sensible causé à chacune de ces deux industries était attribuable au dumping et au subventionnement des importations.

Les avocats des parties adverses ont invoqué de nombreux motifs pour expliquer le préjudice subi présentement par les fabricants canadiens.

Les avocats de l'Association des importateurs canadiens ont soutenu que l'élimination des contingents représentait le facteur le plus important qui touchait l'industrie nationale au cours des dernières années et ont prétendu que les importations avaient monté en flèche en 1989 à la suite de l'élimination définitive des restrictions. Le Tribunal fait remarquer que le régime de contingentement appliqué entre la fin de 1985 et la fin de 1988 n'avait pas fait régresser les importations, car le volume d'importations entrant sur le marché canadien a augmenté d'une année à l'autre. En gros, les importations totales des chaussures en cause ont progressé de 23 p. 100 entre 1986 et 1989. En 1989, l'augmentation des importations s'est chiffrée à 8 p. 100 par rapport à 1988. Cette hausse n'a pas dépassé l'augmentation annuelle moyenne enregistrée entre 1986 et 1989 et ne peut être considérée comme une montée en flèche des importations, comme le prétendent les avocats. En fait, les importations de bottes ont diminué de 7 p. 100 en 1989; par ailleurs, l'augmentation des importations de souliers fut bien inférieure à celle de 1987. Au total, les contingents ont été largement sous-utilisés. Néanmoins, le régime de contingentement a touché certains importateurs, comme les nouveaux commerçants ou les détaillants qui désiraient importer directement, mais qui en ont été empêchés parce que les contingents étaient accordés selon le rendement antérieur.

Le Tribunal est d'avis que les forces normales du marché auraient entraîné une augmentation des importations de bottes et de souliers, au fil de l'élimination des contingents, même en l'absence de dumping ou de subventionnement. Cependant, il fait remarquer que les pays en cause sont intervenus pour presque toute l'augmentation des importations totales au cours de la période à l'étude et, qu'en raison du déclin du marché, l'industrie canadienne a perdu une partie excessive de son chiffre d'affaires de production au profit des importations des pays en cause. Sur le marché des bottes, les fabricants canadiens ont perdu respectivement 7 et 4 points de pourcentage de leur part du marché au profit des importations en provenance des pays en cause et des pays non visés par la présente enquête pendant la période visée. Sur le marché des souliers, l'industrie a perdu respectivement 14 et 2 points de pourcentage de la part du marché au profit des importations en provenance des pays en cause et des pays non visés par la présente enquête.

Le Tribunal reconnaît que les pays en cause, de même que certains pays non visés par la présente enquête, peuvent avoir profité d'un avantage sur le plan des coûts par rapport aux fabricants canadiens, et il croit que le prix inférieur des chaussures qui en aurait découlé aurait facilité la pénétration des importations sur le marché canadien, sans tenir compte du dumping ou du subventionnement. Cependant, le Tribunal est persuadé que l'envahissement rapide du marché canadien par les marchandises importées des pays en cause n'était attribuable qu'aux fortes marges de dumping et de subventionnement constatées par le Sous-ministre.

Les avocats ont soutenu que la situation actuelle de l'industrie nationale s'expliquait également par la faillite, au début de 1989, d'une importante société de magasins à succursales spécialisée dans la vente de chaussures au détail, la firme Rizzo & Rizzo. Le Tribunal reconnaît que cette faillite a considérablement touché, d'une façon négative, le rendement financier de certains fabricants nationaux en 1989. En outre, les détaillants, qui ont dû se battre farouchement pour suivre les prix de liquidation, ont probablement subi des pertes de ventes à court terme. Cependant, le Tribunal ne croit pas que la faillite de Rizzo & Rizzo ait exercé un effet durable sur les fabricants canadiens de bottes ou de souliers. L'équivalent, en coûts, des stocks de cette société représentait, en 1989, moins de 3 p. 100 du marché de la chaussure, qui totalisait 667 millions de dollars et, par conséquent, sa liquidation, qui s'est effectuée sur une période relativement courte, n'aurait pas dû comprimer les prix de façon indue. En outre, toute diminution des commandes passées aux fabricants nationaux aurait dû être de courte durée, en raison de la stabilisation du commerce de la vente au détail.

Le Tribunal reconnaît que l'augmentation de la demande de chaussures de sport et de sport-loisir a contribué à la baisse de la demande de bottes et de souliers habillés et tout-aller observée au cours de la période à l'étude. Cependant, le Tribunal n'a pas été convaincu, à la lumière des éléments de preuve déposés par les témoins des divers importateurs et détaillants, que ce changement de mode de consommation aurait davantage touché les fabricants nationaux que les importateurs. De même, le Tribunal ne croit pas que les grands mouvements démographiques ou socio-économiques qui s'opèrent actuellement dans la société, comme le vieillissement de la population et le nombre accru de femmes sur le marché du travail, auraient eu une incidence excessive sur les fabricants nationaux. En fait, on pourrait s'attendre à ce que ces facteurs engendrent une augmentation de la demande de produits canadiens, ces derniers étant de style plus conservateur.

En outre, le Tribunal rejette l'argument selon lequel la désuétude du style constituait un facteur déterminant du recul de la part du marché subi par les fabricants nationaux. Le Tribunal reconnaît que les détaillants doivent offrir une gamme de produits satisfaisant les goûts variés de leur clientèle cible et que certains produits importés présentent une conception et un style uniques. Cependant, le Tribunal croit que le prix, et non le style, explique la percée rapide des marchandises en cause sur le marché national. Dans l'ensemble, les détaillants qui ont témoigné se sont entendus pour affirmer que l'une des raisons pour lesquelles ils ont acheté des marchandises importées provenant des pays en cause résidait dans le fait que le coût inférieur leur donnait la possibilité de hausser leurs marges bénéficiaires.

Les avocats des parties adverses ont également soutenu que les fabricants nationaux se concentraient sur les bottes et les souliers à prix moyen et à prix élevé, tandis que les exportateurs des pays en cause étaient davantage tournés vers le marché des bottes et des souliers à prix abordable. De nombreux éléments de preuve ont été déposés au cours de l'audience au sujet de la concurrence à laquelle les fabricants nationaux sont confrontés, sur le plan des prix, en raison du dumping et du subventionnement des marchandises importées. Dans les exemples particuliers qui ont été présentés, les avocats ont tenté de démontrer que, dans bien des cas, le prix des chaussures importées, droits antidumping compris, serait tout de même inférieur au prix de gros de chaussures comparables fabriquées au Canada. Les éléments de preuve découlant des réponses aux questionnaires ont indiqué que les industries canadiennes des souliers et des bottes offraient des produits représentant toute la gamme des prix couverte par les marchandises importées en cause, à l'exception peut-être des produits à prix très abordable. Les éléments de preuve déposés à l'audience ont révélé également qu'à l'intérieur de certaines catégories de prix, les produits importés jouissaient, dans certains cas, d'un avantage appréciable et que, même si l'on y ajoutait les droits antidumping, les produits importés pouvaient être vendus à un prix inférieur à celui des chaussures nationales comparables. Néanmoins, le Tribunal est d'avis que les marges considérables de dumping et les importants volumes de marchandises sous-évaluées qui entrent au Canada ont fortement comprimé les prix des bottes et des souliers nationaux. Comme en font foi les baisses des marges brutes, cette concurrence extrême des prix a empêché les fabricants canadiens d'augmenter suffisamment leurs prix pour couvrir le coût sans cesse croissant des matériaux et de la main-d'oeuvre, de même que leurs frais généraux. Certains fabricants ont dû vendre leurs produits en deçà de leur coût pour obtenir des commandes et ainsi, éviter de fermer leurs usines.

Bien que le Tribunal reconnaisse que certains pays en cause, notamment la Roumanie et la Yougoslavie, ont exporté des volumes considérablement plus faibles de bottes que d'autres pays en cause, il note que la taille des volumes d'importation en provenance de ces pays n'a pas été négligeable, et que si l'on y ajoute les marges de dumping élevées constatées par le Sous-ministre, ces importations ont également ajouté aux difficultés de l'industrie canadienne des bottes.

Le Tribunal croit également que même si la marge moyenne pondérée de dumping avait été calculée en pourcentage de la valeur normale des marchandises sous-évaluées et des marchandises non sous-évaluées, comme l'ont supposé les avocats des exportateurs brésiliens, les marges plus faibles qui en ont découlé influeraient quand même de façon importante sur ces deux marchés sensibles au prix.

En conséquence, le Tribunal est d'avis que le dumping et le subventionnement des souliers importés des pays en cause ont causé et continuent de causer d'une façon cumulative un préjudice à la production au Canada de marchandises similaires. Le Tribunal croit qu'il en est de même pour les bottes importées des pays visés par la présente enquête.

Pour ce qui est de l'avenir, aucun élément de preuve n'a laissé entrevoir une baisse des volumes d'importation en provenance des pays en cause. Par conséquent, tout porte à croire que le préjudice sensible se poursuivra dans les deux industries si les droits antidumping et compensateurs ne sont pas maintenus.

Le Tribunal note que le gouvernement brésilien a récemment annoncé son intention d'éliminer, à compter de 1990, son principal programme de subvention à l'intention des exportateurs de chaussures. Jusqu'à l'adoption finale et la mise en oeuvre des lois et règlements mettant un terme à ce programme, le Tribunal doit évaluer la probabilité d'un préjudice sensible à partir des quatre programmes de subventions qui, de l'avis du Sous-ministre, doivent faire l'objet de droits compensateurs. Le Tribunal croit que ces subventions, jumelées aux marges de dumping constatées par le Sous-ministre, continueront probablement de causer un préjudice sensible. Si le programme en question est éliminé et que les subventions constatées par le Sous-ministre sont abaissées de façon considérable, le Tribunal pourrait envisager la possibilité de revoir ses conclusions de préjudice sensible causé par le subventionnement des importations originaires du Brésil.

Il ne fait aucun doute que les importations font partie du quotidien au sein de l'industrie canadienne de la chaussure, compte tenu du marché canadien restreint et des goûts divers et complexes des consommateurs canadiens. L'industrie nationale ne sera pas en mesure de fabriquer la gamme de produits nécessaires pour satisfaire à la demande, plus particulièrement dans le cas des souliers à prix abordable. Cependant, le Tribunal était persuadé que l'industrie nationale pourrait continuer de jouer un rôle important sur le marché, point de vue partagé par bon nombre de détaillants qui ont témoigné. Il est convaincu que la viabilité de l'industrie canadienne a été menacée par le dumping et le subventionnement des marchandises importées et qu'il en sera de même à l'avenir si les droits antidumping et compensateurs ne sont pas maintenus.

Pour ce qui est de la demande formulée par l'avocat de Shoe Sales Canada en vue de l'exclusion des souliers en satin teignables des conclusions de préjudice, le Tribunal croit qu'il n'est pas justifié d'accorder une telle exclusion, car ces marchandises sont fabriquées au Canada. Il note toutefois que la production canadienne de ce genre de chaussures est relativement faible et précise que si elle cesse ou que certaines preuves démontrent que les fabricants canadiens ne sont pas disposés à offrir en permanence ce produit en quantités importantes, le Tribunal pourrait envisager de réexaminer la question.

Les avocats de l'ACDC et du CCCD ont indiqué qu'ils avaient l'intention de formuler des observations en vertu du paragraphe 45(2) de la Loi, à savoir si l'imposition de droits antidumping ou compensateurs viserait l'intérêt public. Les intervenants désireux de formuler des observations sont priés de les transmettre par écrit au secrétaire du Tribunal, au plus tard le 15 juin 1990.

CONCLUSIONS

Compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été fournis et de toutes les questions pertinentes, le Tribunal conclut, pour les motifs susmentionnés, que le dumping des bottes en cuir, originaires ou exportées du Brésil, de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie, et des bottes en cuir et autres qu'en cuir, originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan, et le subventionnement des bottes en cuir, originaires du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal conclut également que le dumping des souliers en cuir, originaires ou exportés du Brésil et des souliers en cuir et autres qu'en cuir, originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan, et le subventionnement des souliers en cuir, originaires du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. [1979] 1 C.F. 247.

2. [1982] 2 C.F. 283.

3. Il y a remplacement lorsque le service des achats d'un magasin sous - estime la demande d'un certain style de chaussures importées ou lorsque des commandes sont annulées à la dernière minute. Dans ce cas, le détaillant s'adresse à un fabricant national pour obtenir des chaussures semblables à celles qu'il prévoyait importer.


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Publication initiale : le 28 juillet 1997