LAITUE (POMMÉE) ICEBERG

Enquêtes (article 42)


LAITUE (POMMÉE) ICEBERG ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-92-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 30 novembre 1992

Enquête no : NQ-92-001

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant la :

LAITUE (POMMÉE) ICEBERG ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 31 juillet 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 29 octobre 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation de la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires des États-Unis d'Amérique a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires, à l'exclusion des périodes allant du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile (dissidence du membre Coleman).

Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Ottawa, le mardi 15 décembre 1992

Enquête no : NQ-92-001

LAITUE (POMMÉE) ICEBERG ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires, à l'exclusion des périodes allant du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile (dissidence du membre Coleman).

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l'audience : Les 2 et 3 novembre 1992

Date des conclusions : Le 30 novembre 1992
Date des motifs : Le 15 décembre 1992

Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant
John C. Coleman, membre
Michèle Blouin, membre

Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau
Gestionnaire de la recherche : Don Shires
Agent de la recherche : Nancy Ross

Préposé aux statistiques : Sonya McEachern

Avocats pour le Tribunal : Brenda C. Swick-Martin
Hugh J. Cheetham

Agent à l'inscription et à
la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Marvin R.V. Storrow, c.r., et
Margaret L. Eriksson
pour B.C. Vegetable Marketing Commission

(partie plaignante)
Marion I. Quesenbery
pour Western Growers Association
(Irvine, Californie)

(association commerciale)

Témoins :

George B. Rush
Directeur général
Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative

Charles (Chuck) Amor
Directeur général
B.C. Vegetable Marketing Commission

Wayne Odermatt, B.S.A., P.Ag.
Spécialiste de l'industrie des légumes frais de la province
Développement et extension
Région côtière du sud
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

Lorne Owen, P.Ag.
Spécialiste en gestion d'exploitation agricole de la province
Direction générale de la gestion des exploitations horticoles
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

R.J. (Jim) Alcock
Gestionnaire de secteur
Fruits et légumes
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

Gerry A.P. Sprangers
Agriculteur
Sprangers Farm Ltd.

Tim Singh
Gestionnaire
Cloverdale Produce Farms Ltd.

Bill W. Dun, B.Sc.(Agr.)
Président
Premier Produce Inc.

Richard Law
Associé
Law Pacific Vegetable Farms Ltd.

John Riel
Gestionnaire du marchandisage des fruits et légumes
Canada Safeway Limited

Harry Tom
Président
Tom Yee Produce Inc.

Kenneth C. Gilliland
Gestionnaire
Transport/commerce international
Western Growers Association

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 31 juillet 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 29 octobre 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), concernant l'importation de laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique. L'enquête du Sous-ministre sur le dumping a porté sur les importations des marchandises en question entre le 1er juillet 1991 et le 30 septembre 1991.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 15 août 1992 et du 14 novembre 1992, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal le 10 août 1992 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 22 août 1992. L'avis du Tribunal concernant l'heure et le lieu de l'audience publié le 16 septembre 1992 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 26 septembre 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés à la B.C. Vegetable Marketing Commission (la Commission) et aux coopératives de producteurs ainsi qu'aux principaux importateurs des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé un rapport public préalable à l'audience.

Le dossier de cette enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience, ainsi que la transcription intégrale des délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Une audience publique a eu lieu à Vancouver (Colombie-Britannique) à compter du 2 novembre 1992. La partie plaignante, soit la Commission, était représentée par des avocats à l'audience, a présenté des éléments de preuve et a plaidé en faveur de conclusions de préjudice sensible. L'avocate de la Western Growers Association (la WGA) a soumis des éléments de preuve et a plaidé en faveur de conclusions de non-préjudice.

Le 30 novembre 1992, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping des marchandises en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires, à l'exclusion des périodes allant du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile (dissidence du membre Coleman).

PRODUIT

Dans la décision provisoire de dumping, le Sous-ministre décrit le produit qui fait l'objet de la présente enquête comme de la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique.

La laitue Iceberg se distingue des autres membres du genre laitue (Lactuca) par la disposition de ses feuilles sur le plant. C'est une grosse pomme ferme dont les feuilles sont croustillantes, cassantes et très serrées. Plus de 80 p. 100 de la laitue consommée en Amérique du Nord est du type Iceberg, et une bonne part de la laitue provient de la Californie, qui intervient pour plus des deux tiers de la production américaine. Le district de Salinas/Watsonville de la Californie représente plus de 50 p. 100 de la production californienne, dont la commercialisation commence à peu près en même temps que la saison de commercialisation de la laitue locale en Colombie-Britannique.

La laitue est une culture délicate à produire en raison des effets que différentes conditions de croissance peuvent avoir sur la qualité et les rendements. Ces dernières années, les producteurs de la Colombie-Britannique sont passés de la petite variété Ithica à une variété Salinas pour mieux soutenir la concurrence des importations en provenance des États-Unis. On dit que la variété Salinas produite en Colombie-Britannique est plus humide et plus légère que sa contrepartie californienne, essentiellement à cause des différences de conditions de croissance. En Californie, le climat est sec et les producteurs pratiquent l'irrigation par rigoles pour donner de l'eau aux plants et éviter ainsi de mouiller la pomme. En Colombie-Britannique, les chutes de pluie imprévisibles peuvent contribuer à la détérioration causée par l'humidité, abrégeant ainsi la durée de conservation de la laitue de la Colombie-Britannique.

La laitue mûrit vite et doit être récoltée le plus rapidement possible ou détruite parce que la laitue mûre peut être infestée par certains virus qui peuvent être transmis à de jeunes plants et attaquer les cultures subséquentes de laitue. La récolte de la laitue doit se faire en trois à cinq jours.

Étant périssable, la laitue se consomme fraîche. Cette caractéristique expose aussi le produit aux surplus et aux pénuries à court terme, d'où d'importantes fluctuations de prix, parfois en quelques jours seulement.

Non refroidie, la laitue ne se conserve que pendant deux à trois jours. Bien refroidie, elle peut être stockée pendant deux semaines au plus. En Colombie-Britannique, la Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative (Cloverdale) exploite dans ses locaux une installation de refroidissement sous vide. La Island Vegetable Co-operative Association (Island) refroidit ses produits dans un entrepôt frigorifique. En Californie, certains producteurs font l'emballage, la réfrigération et l'enveloppage dans le champ.

La laitue récoltée est classée selon l'unité d'emballage. Il y a cinq unités d'emballage communes au marché nord-américain. La norme de l'industrie est le carton de 24 pommes nues, c.-à-d. un carton ciré contenant 24 pommes non emballées, disposées en 2 couches, et pesant environ 50 lb. Plus de 75 p. 100 de la laitue produite en Colombie-Britannique est commercialisée dans ce type d'unité d'emballage. Les autres unités d'emballage comprennent le carton de 30 pommes nues, le carton de 24 sacs de polyéthylène et le carton de 30 sacs de polyéthylène, qui pèsent tous environ 50 lb, et les cellules de vrac qui pèsent entre 800 et 1 000 lb.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

Les importateurs des marchandises en question sont les grossistes de fruits et légumes frais, les divisions d'achat en gros des grandes chaînes d'épicerie de détail et les opérations de services d'alimentation. La plupart sont membres de la B.C. Fruit Wholesalers' Association et achètent une grande variété de fruits et de légumes locaux et importés. Les grossistes indépendants sont les principaux fournisseurs du secteur de l'hôtellerie, de la restauration, des institutions et des services d'alimentation.

La Californie est le premier État exportateur pour la Colombie-Britannique. Lors de son enquête initiale, le ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise a recensé 58 exportateurs vers la Colombie-Britannique, dont 56 en Californie. De ce nombre, 35 étaient situés dans la vallée Salinas, principale région de production de la Californie pendant la campagne agricole de la Colombie-Britannique.

La WGA représente à peu près tous les producteurs, les emballeurs et les expéditeurs situés en Californie et en Arizona.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

L'enquête du Sous-ministre a porté sur les importations des marchandises en question pendant la période allant du 1er juillet 1991 au 30 septembre 1991.

Dans sa décision définitive de dumping datée du 29 octobre 1992, le Sous-ministre a conclu que 87,5 p. 100 des marchandises exportées vers la Colombie-Britannique étaient sous-évaluées selon une marge moyenne pondérée de 31,0 p. 100.

INDUSTRIE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

L'industrie de la laitue de la Colombie-Britannique comprend quelque 21 producteurs, qui produisent de la laitue en rotation avec d'autres cultures. La plupart des producteurs se trouvent dans la région côtière du sud de la province. Ces producteurs, qui représentent plus de 95 p. 100 de la production de la Colombie-Britannique, vendent leurs produits par l'entremise de deux agences autorisées, soit la coopérative Cloverdale, qui représente dix-huit producteurs, et la coopérative Island, qui vend pour les trois autres producteurs. De plus, environ douze petits producteurs non réglementés vendent leurs produits directement aux épiceries locales et dans des éventaires routiers.

Le pouvoir des coopératives provient de la Commission, qui, en vertu du «B.C. Vegetable Scheme», adopté en 1980 aux termes de la Natural Products Marketing (B.C.) Act [2] , est habilitée à promouvoir, à contrôler et à réglementer la production, le transport, l'emballage, l'entreposage et la commercialisation des légumes dans la province. La Commission délègue certains de ses pouvoirs à Cloverdale et à Island, qui font fonction d'agents de vente des producteurs dans leurs régions respectives. La laitue est assujettie à un système de contingents qui vise à réglementer le débit du produit sur le marché, et non pas sa production.

C'est la Commission qui établit le prix de la laitue Iceberg fraîche. La Commission est abonnée à «Pronet», service d'information électronique qui communique quotidiennement des données sur les points d'expédition disponibles et les prix pour les fruits et légumes des États-Unis, et elle utilise des renseignements F.A.B., disponibles par téléphone 24 heures par jour, communiqués par le United States Department of Agriculture à Salinas (Californie). Grâce à ces services, la Commission peut établir les prix et la disponibilité de la laitue américaine, chaque jour et chaque semaine. En intégrant les droits de douane, le fret et les autres coûts d'importation, ainsi que le taux de change, elle peut estimer à tout moment un prix franco dédouané à Vancouver. Une fois que ce prix à l'importation est fixé, la Commission et les agences commerciales discutent des conditions du marché dans la province et conviennent d'un prix final pour la laitue de la Colombie-Britannique, habituellement pour la semaine à venir. Ce prix s'appuie essentiellement sur le prix franco dédouané à Vancouver de la laitue importée des États-Unis arrivant en Colombie-Britannique de la région californienne de Salinas, avec correction tenant compte des conditions locales de l'offre.

Les coopératives vendent la laitue essentiellement aux grossistes de fruits et légumes, qui approvisionnent les épiceries de détail, et en particulier les grandes chaînes, qui peuvent passer rapidement de la laitue locale à la laitue importée, selon la disponibilité et le prix. Le secteur de l'hôtellerie, de la restauration et des institutions semble préférer la laitue californienne plus lourde et plus sèche qui se stocke mieux.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le marché de la Colombie-Britannique pour la laitue Iceberg a connu une croissance de 47 p. 100 qui l'a fait passer de 449 000 cartons pendant la campagne agricole de 1988 à 661 000 cartons en 1990. Une autre augmentation marginale l'a porté à 664 000 cartons en 1991. La croissance s'est accélérée en juin et juillet 1992, où le marché a augmenté de 16 p. 100 par rapport à la période correspondante de 1991, passant de 268 000 à 312 000 cartons.

Pendant la campagne agricole 1988-1989, les importations totales arrivant sur le marché de la Colombie-Britannique, toutes en provenance des États-Unis, ont augmenté de 125 p. 100, passant de 177 000 à 398 000 cartons. En 1991, elles ont augmenté davantage, soit de 5 p. 100, pour atteindre 417 000 cartons. En juin et juillet 1992, elles ont connu une nouvelle augmentation de 53 p. 100 par rapport à la période correspondante de 1991.

De 1988 à 1990, les ventes des producteurs nationaux ont chuté de 3 p. 100, passant de 272 000 à 263 000 cartons. En 1991, elles ont connu une autre baisse, soit 6 p. 100, pour se fixer à 247 000 cartons. En juin et juillet 1992, les livraisons des producteurs de la Colombie-Britannique étaient inférieures de 16 p. 100 à celles de la période correspondante de 1991.

Les producteurs de la Colombie-Britannique ont vu leur part du marché chuter de 60 p. 100 en 1988 pour passer à 40 p. 100 en 1990, à 37 p. 100 en 1991, et à 32 p. 100 en juin et juillet 1992. En 1988, la Californie détenait 36 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique, et les autres États, 3 p. 100. En juillet 1992, la Californie avait porté à 56 p. 100 sa part du marché de la Colombie-Britannique, alors que les autres États ont porté à 12 p. 100 leur part du marché.

La production commercialisable (production disponible pour la vente) a subi une diminution constante entre 1988 et 1990, période où elle est passée de 321 000 à 300 000 cartons, avant d'augmenter de 30 p. 100 pour atteindre 390 000 cartons, en 1991. Les livraisons totales des producteurs ont connu une baisse constante qui les a fait passer de 316 000 cartons en 1988 à 295 000 cartons en 1990 et à 282 000 cartons en 1991. On fixe le volume de laitue enfouie sous forme d'engrais vert à l'équivalent de 97 500 cartons en 1991.

Les prix de vente moyens pondérés des producteurs de la Colombie-Britannique sont passés de 7,31 $ le carton pendant la campagne agricole de 1988 à 7,94 $ en 1990, avant de chuter de 25 p. 100 en 1991 pour s'établir à 5,92 $. Pendant les six premières semaines de la campagne agricole de 1992, les prix moyens ont été de 7,61 $ le carton. À la fin de juillet, ils atteignaient 10,77 $ et, le 5 septembre, 14,10 $. Depuis 1988, la moyenne des prix de vente américains F.A.B., en dollars canadiens, est passée de la fourchette de 5,00-6,00 $ à environ 8,00 $ en 1990, avant de retomber à 6,00 $ en 1991. Au début de la campagne agricole de 1992, les prix correspondaient à environ 3,60 $ le carton. Ils sont demeurés dans la fourchette de 3,60-4,80 $ jusque vers le 1er août, où ils ont plus que doublé en moins d'une semaine, pour atteindre 8,00 $. Les prix ont ensuite augmenté jusqu'à près de 12,00 $ la semaine suivante et se sont pour ainsi dire maintenus, depuis, dans la fourchette de 10,00-13,00 $. L'écart entre les prix des producteurs de la Colombie-Britannique et le prix des importations a été de moins de 1,00 $ en 1988, mais il a monté jusqu'entre 2,00 $ et 2,75 $ le carton, environ, pendant les campagnes agricoles de 1989, 1990 et 1991.

Le rendement net moyen des producteurs de la Colombie-Britannique, par carton de 24 pommes nues, est passé de 6,45 $ en 1988 à 7,09 $ en 1990, puis à 5,09 $ en 1991, soit une chute de 28 p. 100, avant de rebondir jusqu'aux environs de 7,30 $ en juin et juillet 1992.

Des pertes financières ont été enregistrées en 1988 et 1989. En 1990, il y a eu un léger profit, qui a fait place à des pertes importantes en 1991. En août 1992, l'industrie était redevenue rentable à la suite d'augmentations considérables des prix.

Le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation de la Colombie-Britannique (le ministère) a estimé à 7,92 $ (dont 4,18 $ est le coût estimé de la récolte) le coût total de la production d'un carton de 24 pommes nues, qui est la norme de l'industrie, en fonction d'un rendement cible de 750 cartons l'acre. Ce coût comprend des coûts directs de 3,56 $, des frais généraux de 2,09 $ et des droits de coopérative et des coûts de carton de 2,26 $, mais n'inclut pas les coûts de refroidissement de 0,75 $ le carton. Le seuil de rentabilité se situe à 8,67 $ le carton.

PLAINTE

Les avocats de la partie plaignante ont fait valoir que le Tribunal devrait décider que le dumping de la laitue Iceberg en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires dans la province de la Colombie-Britannique. Ils ont affirmé que le préjudice découlant du dumping s'est manifesté sous la forme d'une érosion et d'une compression des prix, d'une perte de ventes et d'une réduction de la part du marché, d'une perte de rentabilité, d'une perte de récoltes et d'une diminution du nombre de producteurs de la laitue en question.

Les avocats ont déclaré que la preuve du préjudice pour la laitue était plus forte que dans toutes les autres causes concernant les pommes de terre, les oignons et les pommes, où le Tribunal a conclu au préjudice. La survie de l'industrie est en jeu et l'imposition d'un droit antidumping ne peut nuire aux producteurs américains.

Les avocats ont fait valoir que la Colombie-Britannique est un marché régional aux fins du paragraphe 42(3) de la LMSI et que toutes les conditions énoncées à l'article 4 du Code antidumping [3] du GATT (le Code) ont été satisfaites. De même, les laitues Iceberg de la Colombie-Britannique et des États-Unis sont des marchandises similaires au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI, étant donné qu'elles présentent les mêmes caractéristiques et les mêmes qualités, qu'elles ont la même utilisation finale et qu'elles peuvent être substituées l'une à l'autre.

Pour ce qui est des niveaux des prix, les avocats ont repris le témoignage d'un témoin de l'industrie qui a résumé la tendance à la baisse des prix aux États-Unis entre 1988 et 1991. Les avocats ont signalé que, chaque année, les prix américains ont été extrêmement bas à plusieurs reprises pendant la campagne agricole de la Colombie-Britannique et que, en 1991, ces prix faibles ont persisté pendant le plus clair de la saison. Les prix de vente américains F.A.B. en 1991 se situaient dans la fourchette de 3,45-4,50 $ US le carton pendant la campagne agricole de la Colombie-Britannique. Selon les avocats, les prix de vente moyens de la laitue de la Colombie-Britannique ont chuté pour passer de 7,94 $ en 1990 à 5,92 $ le carton en 1991, en raison des importations sous-évaluées.

Les avocats ont fait remarquer que le prix de vente de 5,92 $ le carton en 1991 était inférieur au coût de production des producteurs, que le ministère avait estimé à 7,92 $ le carton.

À un prix américain F.A.B. de 3,00 $ le carton, la laitue californienne arrive en Colombie-Britannique à un prix d'environ 6,75 $ CAN. Les avocats ont fait valoir qu'à ce prix les producteurs subissent une perte considérable par carton.

En 1989, selon les avocats, les producteurs de la Colombie-Britannique ont également subi une perte. En 1990, l'industrie a réalisé un léger profit sur l'augmentation des prix de vente. En 1991, elle a subi de lourdes pertes. La production n'a été rentable que pendant une semaine sur vingt. Entre le 1er juin et le 31 août 1992, les producteurs ont réalisé un profit pendant sept semaines sur treize. L'ampleur des pertes subies en 1991 a été aggravée par l'enfouissement de l'équivalent de quelque 75 000 cartons de laitue (révisé plus tard à 97 500 cartons). Cet enfouissement en si grandes quantités de laitue commercialisable témoigne, selon les avocats, du sort réservé aux producteurs.

Les avocats ont soutenu que les pertes subies en 1991 sous l'effet de la faiblesse des prix et de l'enfouissement étaient dues au fait que les producteurs devaient faire concurrence à des importations sous-évaluées de laitue bon marché en provenance des États-Unis qui alimentaient le circuit de distribution. Les avocats ont aussi fait la preuve de pertes individuelles de production imputables à la faiblesse des prix et à l'enfouissement et ont fait valoir que le dumping a obligé plusieurs producteurs soit à cesser leur exploitation, soit à réduire les superficies consacrées à la production de la laitue.

Sur les questions des marchandises similaires et des différences de qualité, les avocats ont mentionné les déclarations des témoins concernant les caractéristiques, les qualités et la substituabilité des laitues Iceberg des États-Unis et de la Colombie-Britannique.

Les avocats ont prétendu que les producteurs de laitue Iceberg de la Californie ont eu une production trop abondante en 1991, d'où la décision de dumping du Sous-ministre. Quant au préjudice futur, ils ont soutenu que les producteurs californiens produisent trop depuis quatre ans et que rien n'indique qu'il ne continuerait pas d'en être ainsi. L'abolition de la California Lettuce Commission en 1991 a laissé l'industrie californienne sans organisme capable de planifier les volumes de production appropriés. Sans la protection des droits antidumping, tout indique, selon les avocats, que les États-Unis continueront de pratiquer du dumping sur le marché de la Colombie-Britannique pendant la saison de récolte, et de causer ainsi un préjudice.

Enfin, les avocats de la partie plaignante ont soutenu que les droits antidumping doivent frapper tous les types d'emballages de laitue Iceberg fraîche importée des États-Unis. Autrement, les exportateurs expédieront de la laitue Iceberg fraîche à faible prix dans des emballages autres que des cartons de 24 pommes nues.

RÉPONSE

Dans sa plaidoirie et lors de l'audience, la WGA a fait valoir que ce n'est pas l'importation des marchandises en question qui cause un préjudice aux producteurs de la Colombie-Britannique. Ce sont plutôt d'autres facteurs qui influent sur la production et la commercialisation de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique.

L'avocate de la WGA a soutenu que les producteurs californiens n'ont pas trop produit en 1991, comme le démontrent les renseignements au dossier, et que c'est parce que les producteurs de la Colombie-Britannique n'avaient pas suffisamment augmenté leur production pour répondre à la demande croissante qu'ils ont perdu une part du marché pendant la période à l'étude. L'avocate a déclaré que les producteurs de la Colombie-Britannique ont augmenté leur production en 1991, mais qu'ils n'ont pas pu vendre leur laitue à cause d'une offre trop abondante attribuable à la maturation hâtive de la culture, qui est arrivée sur le marché au moment où le circuit de distribution était alimenté suffisamment.

L'avocate a fait valoir que le produit de la Colombie-Britannique est de qualité inférieure, en donnant pour preuve les ventes inférieures au coût de production et inférieures au coût franco dédouané de la laitue américaine, et la préférence de certains grossistes pour le produit californien.

L'avocate a soutenu que les pertes financières subies par les producteurs de la Colombie-Britannique en 1991 étaient la conséquence d'une surproduction, d'une qualité insatisfaisante et d'un prix de vente en deçà du coût franco dédouané des importations américaines. De l'avis de l'avocate, même les enfouissements de 1991 étaient davantage attribuables à d'autres facteurs que les importations, comme les conditions atmosphériques.

L'avocate a prétendu que les laitues Iceberg de la Californie et de la Colombie-Britannique ne sont pas des marchandises similaires parce que certains segments du marché considèrent que le produit de la Colombie-Britannique n'est pas acceptable pour des raisons de qualité et de durée de conservation.

L'avocate a affirmé qu'en 1992, les prix de vente moyens de la laitue de la Colombie-Britannique ont augmenté, que l'industrie est devenue rentable et que les niveaux de profits réalisés par les producteurs de la Colombie-Britannique en 1992 ont compensé les pertes subies en 1991. L'avocate a aussi fait valoir que, compte tenu de l'augmentation des prix du marché, le droit antidumping provisoire n'a eu aucun effet sur les niveaux de prix de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique en 1992.

Selon l'avocate, la laitue en vrac et enveloppée en sacs de polyéthylène ne devrait pas faire l'objet de la présente enqu?EAˆte, car la production de ces marchandises en Colombie-Britannique était si négligeable qu'elle n'aurait pas pu subir un préjudice sensible. De même, selon la WGA, les producteurs de la Colombie-Britannique devraient pouvoir réaliser un profit même à un prix F.A.B. de 3,00 $ US le carton, car ce prix correspond à un prix franco dédouané de 7,90 $ CAN le carton.

Enfin, la WGA était d'avis que, si des droits antidumping doivent être imposés, ils ne doivent s'appliquer que pendant la saison de récolte de la Colombie-Britannique.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal est tenu d'établir si le dumping de la laitue Iceberg (pommée) fraîche, selon la décision du Sous-ministre, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

Le Tribunal doit étudier trois principales questions dans cette enquête. Tout d'abord, le Tribunal doit établir si les producteurs de la Colombie-Britannique de laitue Iceberg représentent une industrie régionale distincte. En second lieu, le Tribunal doit établir si la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique et la laitue Iceberg des États-Unis sont des marchandises similaires. En troisième lieu, le Tribunal doit établir si le dumping des importations en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

INDUSTRIE RÉGIONALE

En premier lieu, le Tribunal doit examiner la question de savoir si les producteurs de la Colombie-Britannique constituent une industrie régionale distincte. Dans une cause antidumping, en vertu de l'alinéa 42(3)a) de la LMSI, le Tribunal doit tenir entièrement compte du paragraphe 1 de l'article 4 du Code, qui définit ce qu'est une industrie nationale (dénommée dans le Code «branche de production nationale»). Le paragraphe 1 ii) de l'article 4 stipule que :

[D]ans des circonstances exceptionnelles, le territoire d'une Partie pourra, en ce qui concerne la production en question, être divisé en deux ou plusieurs marchés compétitifs et les producteurs à l'intérieur de chaque marché pourront être considérés comme constituant une branche de production distincte si a) les producteurs d'un tel marché vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production du produit en question sur ce marché, et si b) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en question implantés dans d'autres parties du territoire. Dans de telles circonstances, il pourra être constaté qu'il y a préjudice même s'il n'est pas causé de préjudice à une proportion majeure de la branche de production nationale totale, à la condition qu'il y ait une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur un de ces marchés isolés, et qu'en outre les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production à l'intérieur de ce marché.

De l'avis du Tribunal, le paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code comporte une analyse en deux volets. Tout d'abord, les producteurs d'un marché géographique particulier peuvent être considérés comme industrie régionale si : (i) ils vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production sur ce marché; et (ii) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par des producteurs de l'extérieur du marché. Autrement dit, on peut constater l'existence d'une industrie régionale distincte pourvu qu'il y ait un marché isolé. En second lieu, lorsqu'il existe une industrie régionale, on peut constater l'existence d'un préjudice seulement si : (i) il y a une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur le marché isolé; et (ii) les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production sur ce marché.

Le Tribunal conclut que la partie plaignante représente une industrie régionale distincte dans la présente cause. Pour ce qui est de la première exigence, les éléments de preuve révèlent que, depuis 1988, les producteurs de la Colombie-Britannique ont vendu plus de 88 p. 100 de leur production de laitue Iceberg en Colombie-Britannique. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la première exigence est satisfaite, c'est-à-dire que les producteurs vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production sur le marché régional.

En ce qui concerne la deuxième exigence, celle du marché isolé, les éléments de preuve révèlent qu'aucune laitue Iceberg produite dans le reste du Canada n'a été expédiée en Colombie-Britannique pendant la période à l'étude. Le Tribunal considère donc que la demande de laitue Iceberg en Colombie-Britannique n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par des producteurs situés ailleurs au Canada.

Ayant établi l'existence d'un marché isolé, le Tribunal conclut que les producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique peuvent être considérés comme une industrie régionale distincte, au sens du paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code.

Étant établi que les producteurs de la Colombie-Britannique représentent une industrie régionale distincte, il faut examiner les deux conditions obligatoires concernant le préjudice à cette industrie. Le premier élément est de savoir s'il y a «concentration» d'importations ayant fait l'objet d'un dumping sur le marché de la Colombie-Britannique.

Par le passé, le Tribunal et son prédécesseur, le Tribunal canadien des importations (le TCI), ont utilisé plusieurs critères de rechange pour établir s'il y a ou non concentration. Ces critères ont été qualifiés de critère «de densité», de critère «de distribution» et de critère «de ratio», qui est une variante du critère de distribution.

Dans le cas du critère de densité, on compare le volume des importations sous-évaluées sur le marché régional avec le volume total du marché régional. Pour le critère de distribution, on compare le volume des importations sur le marché régional avec le volume des importations sur le territoire national. Dans le cas du critère de ratio, on compare la part de la Colombie-Britannique des importations en cause au Canada avec sa part de la consommation totale de laitue Iceberg au Canada.

Dans l'affaire des Portes d'entrée de véhicules de plaisance [4] du TCI, il a été déclaré qu'il y a deux critères de rechange pouvant servir à déterminer la question de concentration : (1) le «critère de pénétration» (ci-après appelé le «critère de distribution»), qui compare le volume des importations utilisées sur le marché régional avec le volume des importations utilisées sur l'ensemble du territoire national; et (2) le «critère de densité», qui compare le volume des importations sous-évaluées sur le marché régional avec le volume total du marché régional. Dans la cause précitée, le TCI a conclu que les deux critères ont été satisfaits.

Le Tribunal constate que les industries et leurs marchés applicables varient considérablement. Par conséquent, c'est à la lumière des circonstances de chaque cas d'espèce qu'il faut évaluer la concentration des importations sous-évaluées sur un marché régional.

En l'occurrence, l'application du critère de densité révèle qu'en 1991, les importations sous-évaluées représentaient 56 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique, soit huit fois plus que la part détenue par les importations en cause non sous-évaluées et une fois et demie plus que la part détenue par les producteurs locaux.

À l'appui du critère de densité, l'application du critère de distribution révèle que, pour la campagne agricole de 1991, 17 p. 100 des importations en cause totales ont été consommées en Colombie-Britannique. En outre, l'application du critère «de ratio» indique que, pour la campagne agricole de 1991, la part de la Colombie-Britannique du total des importations en cause au Canada était de 1,22 fois la part de la Colombie-Britannique de la consommation intérieure totale de laitue Iceberg. De l'avis de la majorité des membres du Tribunal, les critères de distribution et de ratio prennent encore plus d'importance lorsqu'on considère que les importations en cause sous-évaluées représentaient 56 p. 100 du total du marché de la Colombie-Britannique pour la campagne agricole de 1991.

S'appuyant sur les motifs qui précèdent, la majorité des membres du Tribunal conclut qu'il y a concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur le marché régional.

Le Tribunal établit que la partie plaignante représente «la totalité ou la quasi-totalité de la production» en Colombie-Britannique. Les ventes de laitue Iceberg fraîche par la partie plaignante représentent des producteurs qui interviennent pour plus de 95 p. 100 de la production intérieure des marchandises similaires en Colombie-Britannique. La question de savoir si la totalité ou la quasi-totalité de ces producteurs ont subi un préjudice du fait des importations sous-évaluées est une question que le Tribunal examine plus tard dans son analyse du préjudice sensible et de la causalité.

MARCHANDISES SIMILAIRES

En vertu du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal doit faire enquête sur la question de savoir si le dumping des marchandises cause un préjudice sensible «à la production au Canada de marchandises similaires». Par conséquent, dans le cadre de la tâche qui l'oblige à déterminer l'existence d'un préjudice sensible à la production au Canada, le Tribunal doit déterminer ce que sont les marchandises similaires au sens du paragraphe 42(1) de la LMSI.

Pendant l'audience, on a soulevé la question de savoir si la laitue Iceberg de production intérieure et la laitue Iceberg fraîche importée sont des «marchandises similaires». L'avocate de la WGA a soutenu que la laitue de la Colombie-Britannique et la laitue importée ne sont pas des marchandises similaires à cause de différences de qualité, de durée de conservation et d'utilisation finale. Les avocats de la partie plaignante ont soutenu que la laitue de la Colombie-Britannique et la laitue importée sont des marchandises similaires.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme suit les «marchandises similaires» :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

De l'avis du Tribunal, toutes les laitues ne sont pas identiques au sens de l'alinéa a) de la définition de «marchandises similaires» donnée au paragraphe 2(1) de la LMSI. Il faut donc examiner si l'utilisation et les autres caractéristiques de la laitue Iceberg importée et de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique sont très semblables, y compris le degré de substituabilité entre les deux.

Le Tribunal est d'avis que l'utilisation et les caractéristiques de la laitue Iceberg importée et de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique sont très semblables et que ces laitues sont donc des marchandises similaires. La laitue Iceberg de la Colombie-Britannique et celle qui est importée présentent les mêmes caractéristiques physiques, en ce qu'elles ont une grosse pomme ferme, avec des feuilles croustillantes, très serrées, et qu'elles sont toutes deux du type ou de la variété Salinas. Les consommateurs ne font pas de distinction entre la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique et la laitue Iceberg importée. Les laitues Iceberg de la Colombie-Britannique et des États-Unis ont la même utilisation générale, à savoir qu'elles sont des laitues vendues pour consommation humaine, que ce soit dans le secteur du détail, de l'hôtellerie, de la restauration ou des institutions.

Après avoir examiné les éléments de preuve, le Tribunal est aussi convaincu que la laitue Iceberg importée et la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique sont en concurrence directe l'une avec l'autre sur le marché et qu'elles peuvent être substituées l'une à l'autre.

PRÉJUDICE SENSIBLE

L'existence d'une industrie régionale étant établie, l'étape suivante consiste à déterminer si cette industrie a subi un préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées. Le Tribunal entend aborder les questions de préjudice sensible et de causalité en examinant les événements survenus sur le marché de la Colombie-Britannique depuis 1988. Il doit procéder à cet examen pour discerner les mouvements et les tendances sur le marché ayant trait aux parts du marché, aux prix et à la rentabilité. Plusieurs autres questions entrent en jeu dans cette cause et elles seront débattues dans les pages suivantes.

Pendant l'étude des questions, le Tribunal a examiné les événements survenus en fonction d'une campagne agricole, qui est définie comme étant la période allant de juin à octobre de chaque année. En second lieu, l'analyse financière s'appuie essentiellement sur les données fournies par la coopérative Cloverdale, qui représente bien au-delà de 90 p. 100 des ventes de l'industrie. En outre, le Tribunal a mesuré la rentabilité en fonction d'un modèle du coût de production (CDP) créé par le ministère pour la campagne agricole de 1991 et appliqué à toutes les années visées par l'étude. Enfin, les données sur le marché ont été converties en équivalents de cartons de 24 pommes nues, qui sont la norme de l'industrie (l'unité de commercialisation) et qui représentent la vaste majorité des ventes des deux agences commerciales autorisées par la Commission à commercialiser la laitue en question en Colombie-Britannique. Le carton de 24 pommes nues est aussi la principale unité d'importation.

Le Tribunal reconnaît que la Californie est l'État qui fixe le prix de la laitue pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, car la Californie est, de loin, la première région productrice sur le continent. En Colombie-Britannique, comme ailleurs, le prix du produit local s'établit généralement en fonction des coûts franco dédouanés des importations en provenance de la Californie, corrigés pour tenir compte des conditions locales de commercialisation. Le Tribunal constate également que les prix de la Californie sont soumis aux conditions de l'offre et de la demande d'un marché libre et qu'ils peuvent fluctuer considérablement sur de très courtes périodes, en raison des changements de conditions de croissance, de récolte et de commercialisation.

En 1988, les producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique ont produit plus de 320 000 cartons de produit commercialisable. Pendant cette campagne agricole, les producteurs ont subi des pertes normales, attribuables aux rejets de triage et à l'enfouissement, de quelque 10 000 cartons. Sur le reste, soit plus de 270 000 cartons, plus de 80 p. 100 ont été vendus sur le marché de la Colombie-Britannique. La part du marché de l'industrie était d'environ 60 p. 100. Le reste du marché était approvisionné par des importations en provenance des États-Unis, dont plus de 90 p. 100 de la Californie. Le prix de vente moyen de la laitue Iceberg produite en Colombie-Britannique était de 7,30 $ le carton en 1988. Les prix américains tendaient à se situer au bas de la fourchette de 3,00 $ US à 7,00 $ US le carton la même année. Sur des ventes de plus de 1,9 million de dollars, l'industrie de la Colombie-Britannique a subi une perte d'environ 0,62 $ le carton.

En 1989, la production commercialisable de la Colombie-Britannique a diminué légèrement, pour se fixer à un peu plus de 314 000 cartons. Les producteurs de la Colombie-Britannique ont vendu quelque 268 000 cartons sur le marché local, soit un peu moins que l'année préc?E9‚dente. Cependant, en 1989, le marché total de la Colombie-Britannique a augmenté de 20 p. 100 pour passer de 449 000 cartons en 1988 à environ 538 000 cartons. Les importations en provenance des États-Unis ont répondu entièrement à cette croissance de la demande. Par conséquent, la part du marché des producteurs de la Colombie-Britannique a chuté de 60 p. 100 à quelque 50 p. 100, alors que la Californie s'appropriait près de 9 des 10 points de part du marché gagnés par les importations en provenance des États-Unis.

Les prix américains se sont considérablement raffermis en 1989, particulièrement pendant la période de juillet à octobre. Par conséquent, les prix de vente moyens de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique se sont aussi améliorés, augmentant de plus de 0,50 $ le carton pour atteindre 7,83 $ le carton. En raison de cette augmentation des prix, les pertes financières de l'industrie de la Colombie-Britannique sont tombées à environ 0,09 $ le carton en 1989.

En 1990, l'industrie a produit à peu près le même volume commercialisable qu'en 1989. Les pertes imputables aux rejets de triage et à l'enfouissement ont doublé en 1990. Cela a entraîné une légère diminution du volume total de ventes, qui s'est fixé à 263 000 cartons. Le marché total de la Colombie-Britannique pour la laitue Iceberg a augmenté de nouveau d'environ 23 p. 100 en 1990, atteignant 661 000 cartons. Comme pendant l'année précédente, les importations des États-Unis ont répondu à la totalité de la croissance de la demande. Les importations ont augmenté d'environ 128 000 cartons, soit de 47 p. 100. La part du marché revenant aux importations américaines a atteint environ 60 p. 100, soit presque 21 p. 100 de plus qu'il y a deux ans. La part du marché des producteurs de la Colombie-Britannique est tombée juste en-dessous de 40 p. 100.

Les prix américains ont augmenté de nouveau en 1990, particulièrement entre le mois d'août et la fin de la saison de récolte de la Colombie-Britannique. Comme au cours de l'année précédente, les prix de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique ont suivi la progression des prix américains et ont augmenté, en moyenne, jusqu'à 7,94 $ le carton, soit un gain de 0,11 $ sur 1989. La combinaison de l'augmentation des prix et de la réduction des coûts moyens au carton, qui sont passés d'environ 1,73 $ le carton à 1,48 $ le carton, s'est soldée par un petit profit pour l'industrie, malgré une autre perte considérable de part du marché.

En 1991, il y a eu une augmentation spectaculaire de la production commercialisable des producteurs de la Colombie-Britannique qui a atteint 389 000 cartons, soit 24 p. 100 de plus qu'en 1990. Plusieurs événements contribuent à expliquer cette hausse de production. Le raffermissement des prix tout au long de 1990 et au début de la campagne agricole de 1991 ainsi que le retour à la rentabilité pour l'industrie ont été d'importants facteurs. Les prévisions de pénuries possibles d'eau en Californie ont peut-être fait prévoir une diminution de l'offre aux États-Unis et une augmentation des prix. Il a pu également y avoir des attentes d'amélioration de la compétitivité en raison de la conversion de la variété Ithica à la variété Salinas de laitue Iceberg dans l'industrie.

En mai et au début de juin 1991, les prix aux États-Unis étaient considérablement plus élevés que ceux pratiqués pendant la période correspondante des trois années précédentes et ils se comparaient aux prix élevés observés jusqu'en septembre 1990. Les prix en vigueur au début de juin pour la laitue de la Colombie-Britannique étaient également élevés. Ces niveaux de prix initiaux semblaient refléter les tendances positives du marché que prévoyaient les producteurs de la Colombie-Britannique lorsqu'ils ont pris leurs décisions de plantation de 1991. Au cours du mois de juin, cependant, les prix américains ont dégringolé d'un sommet de plus de 12,00 $ US le carton à un creux de 3,00 $ US, et ils sont demeurés bas jusqu'à la fin d'octobre. Cela a eu des effets désastreux sur les prix de la laitue de la Colombie-Britannique qui suivent invariablement ceux des États-Unis. Les prix de vente moyens de la laitue de la Colombie-Britannique ont chuté de plus de 2,00 $ le carton en 1991 pour s'établir à 5,92 $ le carton. Cette érosion des prix a entraîné une perte financière de plus de 400 000 $, ou d'environ 2,00 $ le carton vendu pour la campagne agricole, selon le coût de production moyen de 7,92 $ le carton établi par le ministère. Le Tribunal constate que le Sous-ministre a indiqué que les importations en provenance des États-Unis étaient sous-évaluées de 31 p. 100, en moyenne, pendant la période de juillet à septembre 1991.

Pour ajouter aux difficultés de l'industrie, le marché de la Colombie-Britannique est demeuré calme en 1991. Les ventes des producteurs de la Colombie-Britannique ont même chuté d'environ 16 000 cartons, soit de 6 p. 100, alors que les importations en provenance des États-Unis ont augmenté de 19 000 cartons, ou de près de 5 p. 100. Cela a eu deux effets sur l'industrie de la Colombie-Britannique.

Tout d'abord, la part du marché de l'industrie de la Colombie-Britannique est passée à 37 p. 100, comparativement à 40 p. 100 en 1990, pendant que la part détenue par les importations en provenance des États-Unis atteignait 63 p. 100. Le Tribunal fait remarquer que, au départ, les producteurs de la Colombie-Britannique ont amélioré leur part du marché en 1991, qui a atteint environ 48 p. 100 pour la période de juin et juillet, comparativement à 40 p. 100 pour la campagne agricole de 1990. Cela a coïncidé avec des niveaux très élevés des prix de vente aux États-Unis en juin. Cependant, pendant que les prix diminuaient, la position des producteurs de la Colombie-Britannique sur le marché se détériorait aussi. À la fin de 1991, la part du marché de l'industrie n'était plus que de 37 p. 100, comparativement à 60 p. 100 en 1988.

En second lieu, parce que les importations sous-évaluées ont amélioré leur position sur le marché de la Colombie-Britannique et que la croissance prévue du marché ne s'est pas concrétisée, les producteurs de la Colombie-Britannique faisaient face à un volume excédentaire considérable de laitue commercialisable. L'estimation de 75 000 cartons enfouis, révisée par la suite à 97 500 cartons, a entraîné une perte financière supplémentaire et importante pour l'année.

Pendant l'enquête, les parties ont exprimé des points de vue différents sur le coût franco dédouané réel en Colombie-Britannique de la laitue américaine en 1991. Le Tribunal constate que le prix F.A.B. se situait effectivement dans la fourchette de 3,00 $ US à 4,50 $ US le carton pendant le plus clair de la saison de récolte de 1991 en Colombie-Britannique. Le dossier révèle des coûts supplémentaires de 3,25 $ CAN à 3,50 $ CAN (change compris) pour débarquer la laitue des États-Unis en Colombie-Britannique, ce qui donne un coût franco dédouané dans la fourchette de 6,25 $ à 8,00 $ le carton. Ces prix sont bien inférieurs au coût de production estimé de 8,67 $ pour les producteurs de la Colombie-Britannique.

En 1992, à la suite de graves pertes financières subies en 1991, trois importants producteurs ont cessé leur production de laitue Iceberg. Le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels d'autres producteurs ont réduit leurs plantations en 1992. Au total, la superficie plantée en laitue Iceberg en 1992 a diminué d'environ 40 p. 100. Par conséquent, la production commercialisable pendant la période de juin à juillet 1992 a diminué d'environ 37 p. 100. Le total des livraisons a diminué d'environ 23 p. 100 par rapport à la même période de 1991.

Le marché de la Colombie-Britannique pour les marchandises en question a augmenté de 16 p. 100 au cours de la période de juin et juillet 1992 par rapport à la période correspondante de 1991. Pendant cette période de deux mois, les ventes intérieures ont diminué de 22 p. 100, alors que les importations en provenance des États-Unis ont augmenté de 53 p. 100 par rapport à la période correspondante de 1991. À la fin de juillet 1992, les importations en provenance des États-Unis représentaient 68 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique, comparativement à 32 p. 100 pour les producteurs de la Colombie-Britannique.

En juin et juillet 1992, les prix américains se situaient à peu près au même bas niveau qu'en 1991, mais les prix en Colombie-Britannique étaient plus élevés pendant les deux premiers mois de la campagne agricole de 1992, en partie à cause du soutien reçu de certains grossistes pour aider l'industrie. Les prix américains comme les prix canadiens se sont considérablement raffermis à compter de la fin de juillet, en même temps que l'imposition des droits antidumping par le Sous-ministre. Les prix de vente en Colombie-Britannique ont été sensiblement plus élevés en août 1992 qu'en juin et juillet, en partie sous l'effet de l'augmentation des prix américains et en partie à cause de l'imposition du droit antidumping sur les importations en provenance des États-Unis. L'industrie est redevenue rentable à la fin de juillet 1992.

En résumé, entre 1988 et juillet 1992, les importations en provenance des États-Unis ont coûté 28 points de part du marché à l'industrie de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Les prix sur le marché se sont raffermis en 1989 et 1990, ce qui a permis à l'industrie d'être légèrement rentable en 1990, après avoir subi des pertes en 1988 et 1989. L'année 1991 a été une année catastrophique pour les producteurs de la Colombie-Britannique, les ventes ayant diminué, tant en volume qu'en valeur, reflétant ainsi la faiblesse des prix qui a caractérisé toute la campagne agricole. En 1991, l'industrie a subi des pertes financières considérables en raison de l'érosion des prix causée par les importations sous-évaluées et de l'impossibilité pour celle-ci de vendre un volume important de laitue qu'il a fallu enfouir.

Les producteurs de la Colombie-Britannique ont connu une perte constante de la part du marché, en chiffres absolus et en pourcentage, depuis 1988, année où ils répondaient à 60 p. 100 de la demande du marché avec un produit, la variété Ithica, reconnue être de qualité inférieure à la qualité de la variété Salinas désormais produite en Colombie-Britannique. En 1991, la part du marché détenue par les importations en provenance des États-Unis avait augmenté de 23 points pour atteindre 63 p. 100. La décision définitive de dumping du Sous-ministre établissait qu'en 1991, 87,5 p. 100 de ces importations en Colombie-Britannique étaient sous-évaluées, selon une marge moyenne pondérée de 31,0 p. 100. Par conséquent, 55 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique était détenu par les importations sous-évaluées, 8 p. 100, par les importations non sous-évaluées, et 37 p. 100, par la production locale.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que le dumping des importations en question a causé et cause un préjudice sensible aux producteurs et à la production de marchandises similaires en Colombie-Britannique, car la totalité ou la quasi-totalité de l'industrie de la Colombie-Britannique a subi le préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées. Le Tribunal est donc convaincu que la quatrième condition concernant l'industrie régionale est désormais satisfaite.

Pour ce qui est de l'avenir, les éléments de preuve relatifs aux prix persuadent la majorité des membres du Tribunal que le préjudice sensible aura vraisemblablement lieu à moins que ne soient imposés des droits antidumping. Le dossier révèle que, pendant chaque campagne agricole depuis 1988, la laitue importée s'est souvent vendue à de très faibles prix qui ont été jugés sous-évalués selon des marges considérables. La majorité des membres du Tribunal est d'avis que, si les droits antidumping ne sont pas maintenus, les importateurs des États-Unis se remettront à pratiquer du dumping. La majorité des membres du Tribunal conclut donc que le dumping des marchandises en question est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

EXCLUSIONS

L'industrie de la Colombie-Britannique a demandé une protection contre le dumping pour la période allant du 1er juin au 15 octobre de chaque année parce que cette période coïncide avec la saison de récolte de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique. Les éléments de preuve révèlent que, chaque année, le produit de la Colombie-Britannique arrive généralement sur le marché vers le 1er juin et que le dernier produit local n'est habituellement pas facilement disponible après le 15 octobre. Étant donné que la laitue Iceberg fraîche est périssable, il est évident que les producteurs de la Colombie-Britannique ne peuvent pas approvisionner le marché intérieur pendant toute l'année.

Les sanctions antidumping prises en vertu de la LMSI sont habituellement appliquées de façon continue dès lors qu'une décision de préjudice a été rendue. Cette façon de procéder n'est pas aussi appropriée lorsque les marchandises en question ont un caractère périssable, ou qu'il s'agit de marchandises agricoles qui ne peuvent pas être stockées longtemps après la saison de récolte. En l'occurrence, il faut adapter toute ordonnance rendue en vertu de la LMSI à la réalité du cycle de production et du marché afin de ne pas pénaliser les utilisateurs finals pendant les périodes où l'industrie n'est pas en production et n'a donc pas besoin de la protection des mesures antidumping.

Par conséquent, le Tribunal ne peut donc pas conclure que les importations de laitue Iceberg fraîche, pendant une période où les producteurs de la Colombie-Britannique n'ont pas traditionnellement approvisionné le marché, peuvent avoir un effet important sur le rendement des producteurs, si bien qu'aucun préjudice ne peut être causé pendant ces mois de l'année. Pour cette raison, le Tribunal exclut donc de sa décision de préjudice sensible les importations en Colombie-Britannique de la laitue Iceberg en question au cours des périodes allant du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile.

La WGA a fait valoir que la laitue en vrac et enveloppée en sacs de polyéthylène ne devrait pas faire l'objet de la présente enquête, étant donné que l'approvisionnement de ces types d'unités d'emballage est négligeable. Pour ce qui est des exclusions, le Tribunal jouit d'un pouvoir discrétionnaire que lui ont déjà reconnu les tribunaux et les groupes binationaux en vertu de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [5] .

En l'occurrence, eu égard aux marges de dumping et à la sensibilité aux prix du marché de la laitue de la Colombie-Britannique, le Tribunal conclut que le dumping de la quasi-totalité de la laitue Iceberg importée, quel que soit le type d'emballage, a contribué à l'érosion des prix et au préjudice sensible subi par l'industrie. Le Tribunal est aussi d'avis que la laitue importée en question, quel que soit son emballage, est compétitive et substituable aux fins de la production intérieure. Bien que le Tribunal reconnaisse la disponibilité limitée de marchandises en question en emballages autres que les cartons de 24 pommes nues, il est convaincu que l'abolition des droits antidumping frappant la laitue en vrac et enveloppée en sacs de polyéthylène permettrait de contourner la décision de préjudice.

CONCLUSION

À la lumière de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping de la laitue (pommée) Iceberg fraîche, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires, à l'exclusion des périodes allant du 1er janvier au 31 mai et du 16 octobre au 31 décembre de chaque année civile (dissidence du membre Coleman).

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE JOHN C. COLEMAN

Cette cause soulève deux points importants sur lesquels je ne partage pas la décision de mes collègues. En premier lieu, je ne considère pas que la preuve démontre que la Colombie-Britannique est une industrie régionale distincte, selon la définition du paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code. En second lieu, je ne suis pas persuadé que la probabilité de préjudice sensible pour l'avenir soit suffisante pour justifier l'imposition de droits antidumping pendant jusqu'à cinq ans.

L'alinéa 42(3)a) de la LMSI oblige le Tribunal à tenir entièrement compte du paragraphe 1 de l'article 4 du Code pour décider, dans chaque cas, de la définition de l'«industrie nationale» et de la question de savoir si on peut y isoler un ou plusieurs marchés régionaux distincts. Je conviens avec mes collègues que le paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code comporte une analyse en deux volets, et que les producteurs de laitue Iceberg de la Colombie-Britannique peuvent être considérés comme une industrie régionale distincte. Mon problème se situe au niveau de leur conclusion lorsqu'ils disent qu'il y a une «concentration» d'importations sous-évaluées sur le marché de la Colombie-Britannique.

Mes collègues font valoir que le Tribunal et son prédécesseur, le TCI, se sont appuyés par le passé sur deux grands critères pour définir le concept de concentration. Le premier est le critère «de densité», qui exprime la valeur des ventes des importations en cause sous-évaluées dans la région en pourcentage des ventes totales des marchandises en question dans la région. Dans la cause de la laitue, le chiffre est impressionnant, par rapport aux causes antérieures pour lesquelles nous avons des chiffres. Les importations sous-évaluées de laitue représentent 56 p. 100 du marché de la laitue de la Colombie-Britannique pendant la campagne agricole de 1991, comparativement aux pourcentages, établis par le personnel d'après les documents publics des causes antérieures, de 33 p. 100 pour les portes d'entrée de véhicules de plaisance, de 37 p. 100 pour l'urée solide [6] , et de 8 p. 100 pour la bière [7] .

Le deuxième critère que le Tribunal a appliqué permet de mesurer la «distribution» en comparant le volume des importations en question dans la région avec le volume des importations en question dans le reste du territoire national. Dans la cause de la laitue, le chiffre est de 17 p. 100, comparativement à des pourcentages, pour les causes antérieures pour lesquelles nous avons des chiffres de 75 p. 100 pour les portes d'entrée de véhicules de plaisance, de 100 p. 100 pour l'urée solide, de 23 p. 100 pour les oignons jaunes [8] , et de 20 p. 100 pour la bière.

Dans la cause de la bière, le Tribunal a utilisé un critère «de ratio» pour compléter le critère de distribution. Le critère de ratio compare la part de la région des importations en cause au Canada avec sa part de la consommation totale des marchandises en question au Canada. À mon avis, le critère de ratio est utile parce qu'il permet au Tribunal de juger comment la région est touchée par les importations en cause, par comparaison avec l'ensemble du territoire national. Si l'on applique le critère de ratio dans la cause de la laitue, on obtient un chiffre de 1,22:1, comparativement à des ratios, pour les causes antérieures pour lesquelles nous avons des chiffres, de 1,5:1 pour les oignons jaunes, et de 2,9:1 pour la bière.

Si le Tribunal a traité à la fois des critères de densité et de distribution dans les causes antérieures, il n'a appliqué les deux que dans la cause des portes d'entrée de véhicules de plaisance. Dans les autres causes, soit celles de l'urée solide, de la bière et des oignons jaunes, le Tribunal a utilisé seulement le critère de distribution. Bien que le Tribunal, dans la cause de la bière, n'ait pas commenté directement la pertinence du critère de densité, il a expliqué en ces termes pourquoi il s'en était remis uniquement au critère de distribution :

Le Tribunal est d'avis qu'il convient, en l'occurrence, d'appliquer le critère de la distribution pour déterminer s'il y a concentration d'importations sous-évaluées sur le marché isolé. Une simple lecture de l'alinéa 1 (ii) de l'article 4, qui mentionne «une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur un de ces marchés isolés», laisse entendre qu'il faut examiner la question de la concentration en comparant le volume des importations sur le marché régional au volume des importations dans le reste du pays.

Je suis d'accord avec le raisonnement du Tribunal dans la cause de la bière. De fait, il me convainc que le critère de densité, en lui-même, n'est ni utile ni pertinent pour l'évaluation de la concentration dans les causes de marché régional. L'économie du paragraphe 1 de l'article 4 du Code oblige à faire diverses comparaisons entre la situation sur le marché régional et sur l'ensemble du territoire national. C'est particulièrement le cas de la dernière phrase, qui fixe le critère de concentration, où il est clairement précisé au début que le Tribunal peut conclure à un préjudice sur le marché régional, «même s'il n'est pas causé de préjudice à une proportion majeure de la branche de production nationale totale». Il faut en conclure que le Tribunal doit comprendre la situation de l'ensemble de l'industrie nationale avant de pouvoir formuler un jugement sur la concentration des importations ayant fait l'objet d'un dumping sur le marché régional.

Le critère de densité peut-il servir à mesurer la concentration, soit en lui-même, soit comme complément du critère de distribution? En particulier, est-il significatif, dans cette cause, que 56 p. 100 du marché de la laitue de la Colombie-Britannique soit approvisionné par de la laitue importée des États-Unis? À mon avis, cette proportion, en elle-même, n'aide pas à juger de la concentration. Elle présente plus d'intérêt lorsqu'on examine le préjudice sensible aux termes de l'article 3 du Code, mais, encore là, pas en elle-même. La forte pénétration des importations sous-évaluées en provenance des États-Unis sur le marché de la laitue de la Colombie-Britannique n'est pertinente pour l'étude du préjudice que s'il peut être démontré que la pénétration est beaucoup plus forte qu'elle ne l'a été à une période antérieure quelconque et que l'augmentation était attribuable à des importations sous-évaluées.

Là où le critère de densité peut être utile, à mon avis, c'est pour vérifier le critère de distribution, pourvu qu'il soit lié à la densité dans le reste du territoire national. Ce critère «de pénétration du marché» a été appliqué par les autorités des États-Unis. Il compare la part du marché des importations en cause dans la région avec leur part du marché dans le reste du territoire national. Dans la présente cause, Revenu Canada a estimé que la part des importations sous-évaluées dans le reste du Canada est de 44 p. 100, comparativement à 56 p. 100 pour la Colombie-Britannique. Bien qu'il faille utiliser ces estimations avec circonspection, la grande fiabilité des statistiques d'importation dans cette industrie, le fait que 88,7 p. 100 des importations en cause en Colombie-Britannique ont été jugées sous-évaluées, et la méthode du coût de production servant à calculer les marges de dumping et qui donnerait le même résultat pour les importations sous-évaluées dans le reste du Canada font croire que l'on peut se fier à cette estimation. Le rapport des importations sous-évaluées en Colombie-Britannique aux importations sous-évaluées dans le reste du Canada, selon cette forme du critère «de pénétration du marché», est de 1,3:1. C'est un peu plus haut que le rapport de 1,22:1 calculé selon la méthode «de ratio» utilisée dans la cause de la bière.

Il s'agit maintenant de voir si le Tribunal peut être convaincu, par l'application de l'un ou l'autre de ces rapports, que le critère de concentration est satisfait. Comme le Tribunal l'a observé dans ses motifs pour la cause de la bière, le Code ne parle que d'«une concentration», et on peut supposer que la condition est satisfaite si l'un des rapports envisagés plus haut est supérieur à 1, comme c'est le cas. Cependant, le Code précise également qu'il ne peut être conclu à l'existence d'une industrie régionale distincte que dans «des circonstances exceptionnelles». Dans mon esprit, les rapports qui révèlent que le marché de la laitue de la Colombie-Britannique est touché entre 20 p. 100 et 30 p. 100 plus durement que le reste du Canada par les importations sous-évaluées de laitue américaine ne sont pas suffisants pour arriver à la conclusion que des circonstances exceptionnelles existent dans cette cause.

Comme il ressort des chiffres précités, le critère de ratio pour la laitue est considérablement plus faible que les ratios pour les causes antérieures qui ont fait conclure à un préjudice. (Dans la cause des portes d'entrée de véhicules de plaisance, on a conclu qu'il n'y avait pas de préjudice.) Sans aller jusqu'à prêcher l'application d'un ratio minimal quelconque dans toutes les causes - les faits étant différents dans chacune - je dirai que le ratio de 2,9:1 que le Tribunal a utilisé dans le cas de la bière est compatible avec la notion de «circonstances exceptionnelles», mais pas le ratio de 1,22:1 (ni même le ratio de pénétration du marché de 1,3:1) dans la cause qui nous occupe.

À mon avis, donc, le critère de concentration n'est pas satisfait. Ce critère n'est pas moins essentiel que les trois autres critères du paragraphe 1 de l'article 4 du Code. Par conséquent, la première condition obligatoire du paragraphe 1 de l'article 4 concernant le préjudice à une industrie régionale ne peut pas être satisfait dans cette cause. Bien que ma divergence de vues avec mes collègues sur ce point soit suffisante pour m'amener à marquer ma dissidence à l'égard de l'ensemble de la décision, j'aimerais aussi formuler certains commentaires sur la question du préjudice sensible dans cette cause.

Je reconnais avec mes collègues que cette cause présente des indications claires de préjudice sensible par le passé, particulièrement pour l'année catastrophique de 1991. Cependant, je doute que la poursuite du dumping dans les années à venir présente une forte probabilité de préjudice sensible. Alors que l'enquête sur le dumping de Revenu Canada a porté essentiellement sur la campagne agricole de 1991, période où les prix américains étaient à leur plus bas, le Tribunal a examiné des éléments de preuve concernant le préjudice sur la période de cinq années allant de 1988 à 1992. Pour porter un jugement sur le préjudice futur et l'opportunité de décréter des droits antidumping pendant jusqu'à cinq ans, il faut considérer l'évolution du marché des cinq dernières années, et en particulier l'évolution récente.

Il est clair que la production de laitue et la part du marché de la Colombie-Britannique ont connu un net recul depuis cinq ans. En outre, comme le démontre la formule du coût de production de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique que l'industrie a présentée au Tribunal, l'industrie a passé une bonne part des cinq dernières années en position déficitaire. À la lumière des éléments de preuve soumis à l'audience et confirmés par la suite par les parties intéressées, les pertes par carton sur les ventes ont été de 0,62 $ en 1988, de 0,09 $ en 1989 et de 2,01 $ en 1991. Les profits n'ont été que de 0,01 $ le carton en 1990 et de 0,24 $ en juin et juillet 1992, même si leur moyenne pour l'ensemble de la campagne agricole de 1992 doit avoir été nettement supérieure, compte tenu de l'importante progression des prix qui a caractérisé le reste de l'année.

Il est intéressant de voir comment l'industrie de la Colombie-Britannique a réagi aux signaux négatifs ou, au mieux, médiocres qu'elle a reçus en ce qui concerne les prix et les profits. Pendant les campagnes agricoles allant de 1988 à 1991, la superficie plantée en laitue en Colombie-Britannique a augmenté de 17 p. 100, alors qu'elle a diminué de 3 p. 100 dans le reste du Canada. Selon les éléments de preuve présentés par l'industrie de la Colombie-Britannique, les superficies projetées sont passées de 526 en 1990 à 594 en 1991. Les deux mêmes années, la production commercialisable est passée d'environ 300 000 cartons à environ 390 000 cartons. Sur la production commercialisable de 1991, l'industrie a estimé avoir dû enfouir l'équivalent de 97 500 cartons. C'est dire que les enfouissements n'ont que légèrement dépassé l'augmentation de la production commercialisable de l'industrie intérieure. Entre-temps, les livraisons en Colombie-Britannique en provenance des États-Unis, en équivalents de cartons, ont augmenté d'environ 5 p. 100 en 1991.

Lors de l'audience, les témoins de l'industrie n'ont pas su expliquer à fond pourquoi ils ont planté tant de laitue en 1991. La plupart ont mentionné que les producteurs de la Colombie-Britannique étaient convaincus que la sécheresse prolongée en Californie limiterait les approvisionnements et maintiendrait les prix à un niveau élevé, bien que la sécheresse ait sévi depuis plusieurs années en Californie. Il est ressorti de certains autres témoignages que le passage des producteurs de la Colombie-Britannique à la variété Salinas de laitue Iceberg a eu lieu pour l'essentiel en 1991. Je crois qu'il est possible que les producteurs de la Colombie-Britannique en 1991 aient été influencés par l'espoir que la conversion à grande échelle à la variété Salinas les aiderait à reprendre la part du marché aux producteurs américains. J'estime qu'il est aussi possible que la formule du coût de production de l'industrie de la Colombie-Britannique soit libérale, et que 1990 ait été une année très rentable, et pas seulement l'année d'équilibre que fait ressortir la formule. De fait, la British Columbia Fruit Wholesalers Association a présenté des éléments de preuve, fondés sur des entrevues avec certains producteurs, établissant que le coût d'équilibre pour les producteurs de la Colombie-Britannique était d'environ 7,00 $ le carton, et non pas de 7,92 $ selon la formule présentée par l'industrie de la Colombie-Britannique.

Quelles que soient les raisons de la surproduction de l'industrie de la Colombie-Britannique en 1991, ce facteur a manifestement aggravé le préjudice sensible que l'industrie a subi du fait de la grande faiblesse des prix américains cette année-là. En réaction au dumping américain et à sa propre surproduction, l'industrie de la Colombie-Britannique a réduit considérablement ses superficies et sa production de laitue en 1992. La réduction de production en 1992, suite aux difficultés de 1991, a empêché l'industrie de profiter pleinement des prix supérieurs de 1992 et permis à la laitue américaine vendue cette année-là, à des prix essentiellement non sous-évalués, de rapporter d'intéressants gains de part du marché.

Au sujet de la question du préjudice futur, il est bon de se rappeler le paragraphe 6 de l'article 3 du Code qui se lit comme suit :

La détermination concluant à une menace de préjudice se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être nettement prévu et imminent.

À mon avis, l'«imminence» doit se rattacher à la probabilité de dumping préjudiciable aux producteurs de laitue de la Colombie-Britannique dans la prochaine année ou à peu près plutôt qu'à un moment quelconque au cours de la période de cinq ans que viserait les conclusions de préjudice sensible. La possibilité que la campagne agricole de 1993 soit aussi difficile que la campagne agricole de 1991 ne dépasse probablement pas un cinquième. Alors que les trois premières années de la période 1988-1992 ont été, au mieux, médiocres pour l'industrie de la laitue de la Colombie-Britannique en ce qui concerne les profits, et pires en ce qui concerne la part du marché, l'industrie a semblé s'adapter aux pressions qu'elle subissait. Ainsi, elle a tenté de reprendre la part du marché et de réduire les escomptes qu'elle a dû consentir par rapport aux prix franco dédouanés de la laitue américaine en passant à la variété Salinas de laitue Iceberg. La cinquième année, 1992, a été rentable dans l'ensemble, malgré la faible production de l'industrie de la Colombie-Britannique. En effet, les prix ont augmenté tout au long de l'été. Au moment de l'entrée en vigueur de la décision provisoire de dumping à la fin de juillet, et du début de la perception des droits antidumping, les forces du marché avaient fait grimper les prix américains et, partant, les prix de la Colombie-Britannique, nets de droits, à des niveaux très rentables pour les producteurs de la Colombie-Britannique.

Dans l'établissement de projections à court terme, c'est-à-dire pour décider ce qui est «imminent», il est normal d'accorder un poids particulier aux événements récents. Dans cette optique, la situation des prix et des profits dans la campagne agricole de 1992 offre peu de motifs de prédire pour l'an prochain un revirement de la situation favorable de l'industrie de la laitue de la Colombie-Britannique. En outre, l'industrie de la Colombie-Britannique a réussi, en passant à la variété Salinas, à réduire l'escompte qu'elle doit consentir par rapport au prix franco dédouané de la laitue américaine. La réduction de l'escompte a été remarquable, même en 1991. De plus, l'industrie de la Colombie-Britannique, qui n'oublie pas la leçon de 1991, ne risque pas de trop planter comme cette année-là. Cependant, il faut reconnaître que les marchés agricoles sont notoirement volatils. Même si les producteurs de la Colombie-Britannique sont prudents, n'est-il pas possible que les prix élevés de 1992 incitent les producteurs de la Californie et des autres États à produire trop de laitue Iceberg et à faire dégringoler les prix à des niveaux catastrophiques?

L'expérience de la Californie ces quelques dernières années porte à croire que l'offre ne réagira pas fortement aux prix fermes de 1992. De 1989 à 1991, la superficie de laitue en Californie a diminué de 9 p. 100. De 1988 à 1991, la production totale de laitue en Californie n'a augmenté que de 1,5 p. 100. La question de savoir si les prix élevés de 1992 entraîneront une augmentation de la production aux États-Unis dépend beaucoup de facteurs inconnus comme la disponibilité de terres, l'attrait des autres cultures et le temps. Selon certaines coupures de presse sur la production californienne, que l'industrie de la Colombie-Britannique a remises au Tribunal, les producteurs de laitue de la Californie, malgré l'effondrement récent de la California Iceberg Lettuce Commission, n'ont pas abandonné leurs efforts pour poursuivre des activités ordonnées de commercialisation. On en a un exemple institutionnel dans la revitalisation de la Central California Iceberg Lettuce Cooperative, qui regroupe la moitié des producteurs de laitue Iceberg de l'État.

Il est bien possible, en l'absence de conclusions de préjudice sensible, au cours des cinq prochaines années, que l'industrie de la laitue Iceberg de la Colombie-Britannique soit de nouveau frappée par des prix américains très faibles. Cependant, je ne considère pas que l'objet de la loi antidumping soit de fixer un prix-plancher pour protéger les producteurs canadiens contre un dumping intermittent. Lorsqu'il y a du dumping dans cette industrie, c'est parce que les forces du marché ramènent les prix en deçà du coût de production dans le pays exportateur. Les formules du coût de production pour les produits agricoles sont notoirement élevées et les industries concernées, comme l'industrie de la laitue de la Californie, fonctionnent et peuvent même prendre de l'expansion en ne vendant pas toujours à des prix dépassant ceux que détermine une formule du coût de production entier. Le dumping découlant des ventes à des prix inférieurs au coût de production entier sur un marché compétitif comme celui de la laitue n'est pas intentionnel et ne s'inscrit pas dans un plan à long terme dont l'objet est d'éliminer la production dans le pays importateur. En outre, ce dumping, lorsqu'il a lieu, n'est pas toujours d'une ampleur suffisante pour causer un préjudice sensible à la production au Canada. Pour ces raisons, la plus grande prudence doit présider à toute décision sur la probabilité de préjudice sensible dans les causes de ce type portant sur des produits agricoles.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. R.S.B.C. 1979, c. 296.

3. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

4. Portes d'entrée de véhicules de plaisance, produites ou exportées par Elixir Industries, de Gardena (Californie), États-Unis d'Amérique, ou en son nom, pour utilisation ou consommation dans les provinces d'Alberta et de Colombie-Britannique, Tribunal canadien des importations, enquête no CIT-12-87, le 18 mars 1988.

5. Recueil des traités du Canada, 1989, no 3 (R.T.C.), signé le 2 janvier 1988.

6. Urée solide originaire ou exportée de la République démocratique allemande et de l'Union des républiques socialistes soviétiques et destinée à être utilisée ou consommée dans l'est du Canada (le territoire canadien à l'est de la frontière de l'Ontario et du Manitoba), Tribunal canadien des importations, enquête no CIT-9-87, le 24 décembre 1987.

7. La bière originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique par Pabst Brewing Company, G. Heileman Brewing Company Inc. et The Stroh Brewery Company, leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no NQ-91-002, le 2 octobre 1991.

8. Oignons jaunes, frais et entiers, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et destinés à être utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique, Tribunal canadien du commerce extérieur, réexamen no RR-91-004, le 22 mai 1992.


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Publication initiale : le 16 juillet 1997