TRACTEURS ARTICULÉS À QUATRE ROUES MOTRICES

Enquêtes (article 42)


TRACTEURS ARTICULÉS À QUATRE ROUES MOTRICES, COMMUNÉMENT APPELÉS TRACTEURS MUNICIPAUX, AVEC OU SANS ROUES ET PNEUS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE
Enquête no : NQ-90-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 17 octobre 1990

Enquête no : NQ-90-001

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation au sujet des :

TRACTEURS ARTICULÉS À QUATRE ROUES MOTRICES, COMMUNÉMENT APPELÉS TRACTEURS MUNICIPAUX, AVEC OU SANS ROUES ET PNEUS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 19 juin 1990 et d'une décision définitive de dumping datée du 17 septembre 1990 rendues par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, concernant l'importation au Canada de tracteurs articulés à quatre roues motrices, communément appelés tracteurs municipaux, avec ou sans roues et pneus, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérale d'Allemagne n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Ottawa, le vendredi 26 octobre 1990

Enquête no : NQ-90-001

TRACTEURS ARTICULÉS À QUATRE ROUES MOTRICES, COMMUNÉMENT APPELÉS TRACTEURS MUNICIPAUX, AVEC OU SANS ROUES ET PNEUS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérale d'Allemagne n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 17, 18, 19 et 20 septembre 1990
Date des conclusions : Le 17 octobre 1990

Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
W. Roy Hines, membre

Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : Douglas Cuffley
Préposé aux statistiques : Nynon Burroughs

Préposé à l'inscription et
à la distribution : Pierrette Hébert


Participants : Brian J. Barr et
G.P. MacPherson
pour Trackless Vehicles Limited

(partie plaignante)
Guy J. Pratte et
Geoffrey C. Kubrick
pour Holder of North America
et Gebrüder Holder GmbH & Co.

(importateurs)

Témoins :

Douglas Cadman
Président
Trackless Vehicles Limited

Donald P. Broadbent
Gestionnaire du marketing
Trackless Vehicles Limited

Ed Bahula
Expert comptable

G. Wesley Cadman
Président
Trackless Vehicles Limited

A.J. (Art) Lake
Surintendant général des services
Ville de London

Pat Dunbar
Vice-président des ventes
Craig Construction Equipment Limited

W. Horst Männecke
Directeur général
Holder of North America

Dr. Hans Saur
Directeur général
Gebrüder Holder GmbH & Co.
Allemagne
et Président
Holder of North America

Jürgen Buschmann
Directeur de la production et des ventes
Gebrüder Holder GmbH & Co.
Allemagne

Mike McLaughlin
Vérificateur
Holder of North America

Alain Chayer, ing.
Surintendant
Gestion du parc de véhicules
Ville de Montréal

D.J. (Dan) Henderson
Gestionnaire de la Division du parc des véhicules
Service du génie et des travaux publics
Ville d'Ottawa

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE RÉSUMÉ

Il s'agit d'une enquête pour déterminer si le dumping au Canada de tracteurs articulés à quatre roues motrices, communément appelés tracteurs municipaux, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de ces marchandises.

La partie plaignante dans cette cause, Trackless Vehicles Limited (la TVL), détient bien plus de la moitié du total de la production canadienne de ces tracteurs municipaux. Un deuxième fabricant, Bombardier Inc. (Bombardier), détient le reste de la production canadienne. Bombardier n'a pas prétendu que sa production de tracteurs articulés à quatre roues motrices subissait un préjudice sensible et n'avait pas l'intention d'appuyer la plainte. Compte tenu de tous les renseignements disponibles, le Tribunal est convaincu que la production de la TVL représente la partie la plus importante du total de la production canadienne et que, aux fins de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), la TVL constitue l'industrie nationale.

La TVL a prétendu que le produit allemand, le C-500, était vendu à des bas prix sans précédent et que, de ce fait, elle subissait un fléchissement marqué du volume de ses ventes et de sa production, qui, à son tour, a causé une réduction des bénéfices, de l'utilisation de la capacité et de l'emploi. D'après les éléments de preuve, certains indicateurs de rendement de la partie plaignante ont affiché une détérioration au cours des quelque 18 derniers mois. Toutefois, la question à se poser est la suivante : Est-ce que le dumping est la cause de cette détérioration? Et, dans l'affirmative, dans quelle mesure il y a contribué. À ce propos, le Tribunal a constaté que le marché des marchandises en question a diminué de plus de 30 p. 100 depuis qu'il a atteint un sommet en 1987 et, qu'au cours de cette période, les ventes de la partie plaignante ainsi que de l'importateur du produit allemand, Holder of North America (Holder), ont chuté. Pour le Tribunal, il est évident que les résultats défavorables affichés par la partie plaignante et par Holder résultent, en grande partie, des effets naturels du rétrécissement du marché qui a eu lieu et qui n'est pas terminé.

Le Tribunal constate également qu'il est évident, par suite d'une étude des contrats de tracteurs obtenus depuis le début de 1989, que la capacité de Holder d'influer sur la situation du marché diminue au point où elle doit maintenant lutter pour sa survie. La partie plaignante a démontré qu'elle est un concurrent astucieux, davantage à l'écoute des besoins du marché. La partie plaignante a consacré plusieurs années au perfectionnement de son tracteur, qui est aujourd'hui le chef de file incontesté sur le marché. À ce propos, le Tribunal a entendu des témoins, représentant plusieurs importants utilisateurs de tracteurs municipaux, qui ont déclaré qu'ils n'achèteraient pas le produit Holder parce que les exploitants de ces appareils manifestaient une préférence marquée pour l'appareil de la partie plaignante parce qu'il est doté d'une boîte de vitesses hydrostatique (automatique), ce qui le rend plus facile à utiliser que l'appareil Holder, qui est doté d'une boîte manuelle.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que Holder n'a pas causé et ne cause pas de préjudice sensible à la partie plaignante.

D'après les éléments de preuve présentés, le Tribunal est également d'avis qu'un préjudice sensible n'est pas susceptible d'être causé dans la présente affaire. Selon les déclarations des témoins pour Holder, aucune autre importation du modèle C-500 n'est planifiée, étant donné l'actuel manque de demande sur le marché pour ce produit au Canada. Le Tribunal estime également que le petit nombre de tracteurs en stock chez l'importateur, disponible pour le marché canadien, peut être absorbé sans causer de préjudice. Bien que l'exportateur allemand développe un nouveau modèle doté d'une boîte de vitesses hydrostatique pour remplacer le modèle C-500 actuel, les éléments de preuve démontrent que le nouveau modèle ne percera le marché canadien, d'une façon importante, que dans un an ou deux. Toute tentative visant à prévoir dès maintenant l'impact que ce nouveau modèle de tracteur pourra avoir sur le marché canadien n'est que pure spéculation. Sur la foi des éléments de preuve, le Tribunal estime que la partie plaignante continuera à apprécier, dans un avenir prévisible, sa prédominance actuelle sur le marché, bien que celui-ci soit statique ou à la baisse.

LE DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

En vertu de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal a procédé à une enquête concernant le dumping au Canada de tracteurs articulés à quatre roues motrices, communément appelés tracteurs municipaux, avec ou sans roues et pneus, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, par suite d'une décision provisoire de dumping rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 19 juin 1990 et d'une décision définitive de dumping rendue le 17 septembre 1990. L'enquête du Sous-ministre sur le dumping portait sur les ventes à l'exportation des marchandises en question effectuées entre le 1er janvier 1989 et le 21 mars 1990.

Les avis de décisions provisoire et définitive, de même que l'avis d'ouverture d'enquête publiés par le Tribunal le 22 juin 1990, ont paru dans la Gazette du Canada.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés aux fabricants et aux importateurs canadiens des marchandises en question pour obtenir des données au sujet de leur production, de leur situation financière, des importations, des activités de commercialisation et d'autres renseignements pour la période comprise entre le 1er janvier 1986 et le 30 juin 1990. Des questionnaires ont également été transmis à divers utilisateurs des machines en question pour obtenir copie des soumissions, des rapports d'évaluation et des contrats. À partir des réponses obtenues et d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience pour la période visée par la présente enquête.

Le dossier relatif à cette enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées-confidentielles aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience et la transcription des délibérations. Toutes les pièces publiques ont été fournies aux parties, mais seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces protégées-confidentielles.

Des audiences publiques et à huis clos se sont déroulées à Ottawa (Ontario) à partir du 17 septembre 1990. Les participants, la TVL, la partie plaignante, Holder et Gebrüder Holder GmbH & Co., étaient représentés à l'audience par des avocats. En outre, les avocats de la partie plaignante ont fait témoigner des représentants de la ville de London et de la société Craig Construction Equipment Limited. Le Tribunal a également cité des représentants des villes de Montréal et d'Ottawa à comparaître.

Le 17 octobre 1990, le Tribunal a conclu que les marchandises sous-évaluées n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale des marchandises en question.

LE PRODUIT

D'après la décision provisoire de dumping, la présente enquête porte sur les tracteurs articulés à quatre roues motrices, communément appelés tracteurs municipaux, avec ou sans roues et pneus.

Les tracteurs en question sont aussi connus sous les désignations de porte-outils multiples, véhicules de service au sol et unités motorisées d'entretien des trottoirs. Ils sont surtout utilisés par les municipalités, mais également par les entrepreneurs, les administrations aéroportuaires et d'autres établissements et utilisateurs du secteur privé.

Les tracteurs municipaux présentent habituellement une largeur maximale de 50 po (127 cm), car ils sont surtout conçus pour circuler sur les trottoirs municipaux. Parce qu'ils sont articulés, ils peuvent négocier des virages serrés et travailler dans des espaces restreints. Ils sont très polyvalents parce qu'ils peuvent être munis de divers instruments pour effectuer une foule de tâches comme le déblaiement de la neige, le tondage de gazon, l'entretien des terrains et des accotements, et le salage, le balayage et le sablage des rues et des chemins. Ces tracteurs peuvent également manier plus d'un instrument à la fois. Par exemple, un chasse-neige peut être monté à l'avant et un épandeur de sel peut être installé à l'arrière du même tracteur.

Il y a plusieurs genres de tracteurs utilisés par les municipalités, cependant deux genres de base sont prédominants : les véhicules polyvalents à roues et les véhicules spécialisés à chenilles. Ces derniers sont essentiellement conçus pour le déblaiement de la neige sur les trottoirs. Les véhicules à chenilles n'étaient pas visés par la définition du produit faisant l'objet de la présente enquête. Il en va de même des divers instruments pouvant être montés sur les tracteurs en question.

La chaîne de production englobe la fabrication des cabines, des armatures des moteurs et des pièces plus petites à partir de tôles et de tubes d'acier par diverses opérations d'usinage, de découpage, d'estampillage, de formage et de soudage, de même que le sous-assemblage de diverses composantes avant le montage final. Les moteurs, les transmissions et les autres composantes sont achetés auprès d'entreprises spécialisées ou de leurs représentants. Le montage final des composantes à l'usine de la partie plaignante s'effectue sur une chaîne multi-postes et le véhicule fini fait l'objet d'un essai.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Deux fabricants canadiens produisent les tracteurs en question : la TVL, de Courtland (Ontario), la partie plaignante, qui intervient pour plus de 50 p. 100 du total de la production canadienne, et Bombardier, de Valcourt (Québec), qui produit les tracteurs à roues en question depuis le début de 1989.

La TVL a commencé à fabriquer des tracteurs articulés pour l'entretien des trottoirs municipaux et des parcs en 1973. Ces tracteurs offraient une cabine fermée, un moteur monté à l'arrière et des instruments à commande hydraulique installés à l'avant. En 1978, un modèle plus puissant, le MT-3, fut lancé. Il fut très bien accueilli par les villes et les municipalités partout au pays. La partie plaignante a lancé le modèle MT-4 en 1985 et le modèle courant, le MT-5, en 1988. La TVL ne fabrique que le MT-5 et les instruments dont il peut être doté.

Bombardier, qui ne fabrique les tracteurs à roues en question que depuis 1989, produit, par contre, depuis près d'un demi siècle le modèle «à chenilles», précisément conçu pour le déneigement des trottoirs. Bien que ce dernier modèle ne soit pas aussi souple que le tracteur à roues, d'importantes municipalités et d'autres clients continuent de l'utiliser exclusivement, ou presque, pour le déblaiement de la neige. Par contre, dans l'ensemble, les tracteurs à roues en question sont de plus en plus répandus et de nombreuses municipalités semblent les préférer au modèle à chenilles.

Bombardier n'a pas prétendu que sa production de tracteurs articulés à quatre roues motrices subissait un préjudice sensible et elle n'a pas appuyé la plainte de la TVL. De plus, elle a préféré ne pas comparaître ni participer à l'audience. Compte tenu de tous les renseignements disponibles, le Tribunal estime que la production de la TVL représente la partie la plus importante du total de la production canadienne pour toute la période pertinente à l'enquête et que, aux fins de la LMSI, la TVL constitue l'industrie nationale.

L'IMPORTATEUR-L'EXPORTATEUR

Holder de Greely (Ontario), est la seule entreprise qui importe les tracteurs allemands en question. Elle s'approvisionne auprès de sa société-mère, Gebrüder Holder GmbH & Co., de Metzingen (Allemagne de l'Ouest). Holder dessert à la fois les marchés canadien et américain à partir de ses installations en Ontario.

Les tracteurs en question sont importés d'Allemagne sans aucun instrument ou accessoire. D'habitude, Holder se procure les instruments et la plupart des accessoires auprès de fournisseurs nord-américains.

LA COMMERCIALISATION

Règle générale, les tracteurs municipaux sont vendus par des concessionnaires ou des distributeurs régionaux pouvant exploiter un bureau régional ou plus. Les concessionnaires assurent la vente et l'entretien de véhicules neufs et usagés, de même que la vente des accessoires et des pièces. Ils profitent habituellement d'un rabais standard de 20 p. 100 sur le prix de liste pour couvrir leurs frais d'exploitation et dégager un certain bénéfice. Les concessionnaires doivent aussi préparer, chiffrer et présenter des soumissions aux municipalités. Toutefois, avant la parution des appels d'offres, ils auront pris soin de faire la démonstration des possibilités et des caractéristiques techniques de leurs produits aux responsables des achats des municipalités. Même si les exigences d'un appel d'offres peuvent être adaptées en fonction d'un modèle de tracteur donné, elles sont généralement assez vagues pour favoriser une certaine concurrence. Les appels d'offres portent habituellement sur une seule machine dotée de deux ou trois instruments, mais, dans certains cas, le nombre d'instruments peut aussi aller jusqu'à sept.

Les concessionnaires fixent habituellement le montant de la soumission. Toutefois, dans certains cas et surtout depuis quelques années, Holder et la TVL ont collaboré avec leurs concessionnaires pour offrir des prix réduits spéciaux dans le cadre de certains appels d'offres. Bien que les appels d'offres de la plupart des municipalités précisent que ces dernières ne sont tenues de retenir ni la soumission la moins élevée ni aucune autre, le soumissionnaire le moins disant obtient habituellement le contrat. Les concessionnaires établissent donc leurs prix en conséquence.

LA PLAINTE

La partie plaignante a prétendu que le produit allemand était vendu à des bas prix sans précédent et peu réalistes. En conséquence, la TVL a subi un fléchissement marqué du volume de ses ventes et de sa production, qui, à son tour, a causé une réduction des bénéfices, de l'utilisation de la capacité et de l'emploi. La TVL a également prétendu que, étant donné que les soumissions sont rendues publiques, chaque soumission basse faite par l'importateur engendre une compression des prix et une pression afin de réduire les prix pour les soumissions futures.

Les avocats de la TVL ont soutenu que vers la fin de 1988 ou le début de 1989, Holder a modifié sa politique de prix au Canada et aux États-Unis. Ils ont souligné qu'au cours des années précédant l'adoption de cette nouvelle politique de prix, lorsque la partie plaignante et Holder soumissionnaient le même contrat, les prix offerts par l'importateur étaient toujours sensiblement plus élevés.

Les avocats ont soutenu qu'en 1988, afin que Holder puisse continuer à concurrencer au Canada, sa société-mère en Allemagne lui avait accordé des réductions de prix. Le marché canadien avait profité dans une large mesure de ces réductions car les prix imposés aux distributeurs et aux municipalités avaient diminué. Les avocats ont reconnu que Holder et ses distributeurs ne coupaient pas les prix pour tous les contrats. Le recours à cette pratique était sporadique et imprévisible. Une soumission élevée pour le C-500 à l'égard d'un contrat dans une région donnée pouvait être suivie d'une soumission peu élevée visant un autre contrat dans une autre région. La TVL et ses distributeurs se sentirent donc obligés de réduire davantage les prix soumissionnés pour la plupart des contrats. Cela n'a toutefois pas empêché la société de perdre neuf contrats à son concurrent allemand au cours des 12 derniers mois, ce qui représente une diminution des recettes d'environ 600 000 $ sur la vente de tracteurs et d'instruments. Elle risquait aussi de perdre deux autres contrats à l'étude à Sault Ste. Marie, vu la soumission réduite présentée par Holder. De nombreux autres contrats ont été obtenus à des prix reflétant d'importants rabais offerts par les distributeurs de la TVL, combinés à l'occasion avec des rabais spéciaux additionnels du fabricant offerts par la TVL.

Les avocats ont soutenu que la révision de la politique de prix de Holder au cours des quelque 18 derniers mois avait bouleversé le marché canadien et causé un préjudice sensible à la production nationale des marchandises en question. Les avocats ont ajouté que même si Holder n'avait pas modifié sa politique de prix, il n'y aurait pas moins eu préjudice sensible à la production canadienne parce que les prix de liste courants de Holder et ceux des concessionnaires étaient sous-évalués dès le départ. Ce dumping «systématique» résulte du fait, admis au cours de l'audience, que les prix de liste de Holder n'ont pas été corrigés en fonction des fluctuations des taux de change ni en fonction des coûts internes croissants de Holder. C'est ainsi que, avant comme après 1989, les prix de liste de Holder étaient inférieurs de plusieurs milliers de dollars à ce qu'ils auraient été s'il y avait eu correction en fonction du cours des devises et des coûts.

Pour ce qui est de l'avenir, les avocats ont fait remarquer que Holder a toujours un grand nombre de tracteurs C-500 en stock. À leur avis, il était évident que la société souhaitait vivement s'en défaire, même à des prix de liquidation. En outre, même si les témoins de Holder ont déclaré qu'il n'était pas question pour l'instant d'importer d'autres tracteurs C-500 au Canada, les éléments de preuve ont démontré que le fabricant allemand était en mesure d'en produire davantage pour le marché canadien si cela était nécessaire. De plus, on développait un nouveau modèle, le C-6000, qui serait beaucoup plus perfectionné que le C-500 et qui risquerait fort de causer un préjudice sensible à la partie plaignante.

LA RÉPONSE

Les avocats de l'exportateur allemand et de l'importateur ont nié que Holder avait modifié sa politique de prix à la fin de 1988 ou au début de 1989, tel qu'il avait été prétendu. La compagnie a essentiellement maintenu la même politique de prix qu'elle a toujours appliquée face au marché canadien. En vertu de cette politique, de façon générale, les tracteurs étaient vendus aux concessionnaires au prix de liste courant moins le rabais normal de 20 p. 100.

D'après Holder, le lancement du nouveau modèle MT-5 par la TVL à la fin de 1988 était à l'origine de la série d'événements qui ont donné lieu à la présente plainte. Ce modèle est beaucoup plus perfectionné, sur le plan technique, que le MT-4 qu'il devait remplacer. En dépit de ses coûts de production plus élevés, le MT-5 a été lancé en octobre 1988 au même prix que le MT-4. Même si ce prix a été majoré dès novembre 1988, cela n'a manifestement pas suffi à recouvrer intégralement les coûts additionnels, car le prix du MT-5 a été majoré de nouveau en avril 1989, cette fois par un montant plus important. Avant cette dernière majoration de prix, plusieurs MT-5 avaient été vendus à des prix qui, en fait, ont permis à la TVL d'acheter une part du marché. Les ventes de Holder ont chuté et ses concessionnaires ont commencé à se plaindre.

À titre d'exemple, les avocats ont indiqué qu'au printemps de 1989, la société Duke Equipment Ltd. (Duke), qui, jusqu'à ce moment-là, agissait en tant que distributeur pour Holder en Ontario, a demandé à Holder de lui accorder des réductions de prix pour qu'elle puisse affronter la vive concurrence exercée par la TVL. Comme en fait foi la pièce B-2.1, Holder a refusé d'accorder toute réduction de prix et Duke a donc renoncé à sa concession au début de juillet 1989.

Ainsi, malgré les pressions exercées sur les prix par la TVL, Holder a conservé sa politique de prix générale. Dans ces conditions, certains concessionnaires de Holder ont été obligés d'offrir des escomptes, minant ainsi leur propre marge bénéficiaire. Il s'agissait de concessionnaires indépendants sur lesquels Holder n'exerçait aucun contrôle. Holder ne pouvait donc être tenue responsable de leurs actions.

Les avocats ont déclaré que le rabais offert ultérieurement par les concessionnaires n'a été ni systématique, ni d'envergure nationale. En fait, chaque concessionnaire réagissait tout simplement, de la façon qui lui semblait indiquée, à la concurrence locale ou régionale, compte tenu des circonstances et des modalités des divers contrats. Pour tenter de démontrer que les mesures prises ne découlaient d'aucune stratégie coordonnée, les avocats ont souligné qu'aucune plainte n'avait été reçue au sujet des soumissions à l'ouest de l'Ontario, où les concessionnaires de la TVL et de Holder se font concurrence. De même, le concessionnaire de Holder au Québec, R.P.M. Tech Inc. (R.P.M.), n'a pas nui à la partie plaignante, celle-ci ayant admis en contre-interrogatoire que R.P.M. présente habituellement des soumissions élevées.

La partie plaignante semble surtout éprouver des difficultés dans les provinces Maritimes, tel que lui a indiqué son concessionnaire dans cette région. À ce propos, selon les éléments de preuve, le concessionnaire de la TVL ne disposait pas, dans plusieurs cas, de tous les faits, ce qui explique qu'il ait mal interprété ce qui s'est réellement produit. Par exemple, le concessionnaire de la TVL a fait état de soumissions très basses dans deux cas, apparemment sans se rendre compte que les véhicules C-500 offerts par son concurrent de chez Holder étaient usagés. En outre, lors d'une récente vente d'un tracteur C-500, en 1990, à la ville de Dartmouth, le concessionnaire de la TVL n'a pas soumissionné.

D'après les rapports fournis par ses concessionnaires et sur la foi de ses propres études de marché, la TVL a manifestement conclu que la réaction de certains concessionnaires de Holder dans des cas isolés signifiait que Holder avait adopté une stratégie coordonnée pour miner les prix sur le marché. Cette conclusion, nettement fausse, explique la réaction exagérée de la TVL dont Holder ne pouvait être tenue responsable. Toute compression ultérieure des prix résultait de la seule initiative de la TVL.

Les avocats ont ajouté que le ralentissement que la TVL a connu au cours de l'exercice 1990 résultait de facteurs autres que le dumping. La production et le taux d'utilisation de la capacité de la TVL ont surtout diminué en raison du resserrement appréciable de l'ensemble du marché des tracteurs. N'eût été de ce ralentissement, les ventes de la TVL auraient atteint un niveau record en 1990. Une structure des coûts plus élevés a aussi miné la rentabilité de la TVL. Cette situation résultait des dépenses engagées dans le cadre d'un vaste programme d'expansion que la TVL a lancé en 1988 en prévision d'une période de croissance du marché qui ne s'est jamais concrétisée. L'augmentation des frais généraux, du coût des ventes et des frais d'administration par rapport aux années précédentes ont également affecté les marges bénéficiaires. L'impact net de ces facteurs sur le rendement de la TVL a été beaucoup plus important que celui du préjudice qu'elle prétend avoir subi. En outre, les avocats ont soutenu que la valeur du préjudice était exagérée parce qu'elle comprenait celle du préjudice que les concessionnaires de la TVL, et non la société elle-même, auraient subi, ainsi que la valeur du préjudice visant une autre partie des activités de la TVL, à savoir la fourniture des instruments ne faisant pas partie des marchandises en question. Compte tenu des ajustements apportés pour répondre à ces facteurs, la valeur totale du préjudice allégué touchant la production des marchandises en question était vraiment minime.

En ce qui a trait aux allégations de la partie plaignante voulant que les prix de liste courants de Holder soient sous-évalués, les avocats ont indiqué qu'il incombe à la partie plaignante de fournir des éléments de preuve illustrant de quelle façon cela lui aurait été préjudiciable. Elle n'en a pas fourni. Selon les éléments de preuve, les plaintes résultent du fait que les concessionnaires de la TVL ont soutenu que Holder avait dérogé à ses listes de prix.

Quant à savoir si la situation était susceptible de causer un préjudice dans ce cas-ci, les avocats ont fait allusion au témoignage du président de Holder, qui a déclaré que les réductions de prix accordées à Holder en 1988 ne visaient qu'à assurer la viabilité de cette dernière, et non à bouleverser le marché canadien. Le témoin a ajouté que Holder n'avait pas l'intention d'importer d'autres tracteurs C-500 sur le marché canadien en raison de la faible demande visant ce modèle de tracteur. Il a également déclaré que le nouveau modèle C-6000 ne pourrait être offert sur le marché canadien avant environ un an. Selon les avocats, vu le temps que le marché met habituellement à accepter un nouveau produit, il faudrait sans doute attendre un an de plus avant de pouvoir évaluer l'impact commercial du modèle C-6000. En outre, le prix estimatif actuel du modèle C-6000 était beaucoup plus élevé que celui du C-500. Il serait donc difficile d'affirmer que le C-6000 menace de façon imminente la production au Canada des marchandises en question. En fait, la partie plaignante disposerait pratiquement d'un monopole du marché des tracteurs au cours des quelque deux prochaines années.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES [1]

Au cours de la période à l'étude, les ventes nationales, y compris celles destinées aux concessionnaires et celles réalisées directement au niveau de l'utilisateur final par les fabricants et les importateurs, ont totalisé 100 unités par année en moyenne. La demande du marché a atteint un sommet en 1987, mais elle est en baisse depuis. En 1988 et 1989, elle a chuté de plus de 20 p. 100 par rapport à 1987. Au premier semestre de 1990, elle a de nouveau chuté de presque 25 p. 100.

En 1986 et 1987, la partie plaignante et Holder se partageaient le marché à peu près également. Toutefois, en 1988, la TVL a haussé ses ventes malgré le rétrécissement du marché et accaparé une part du marché au détriment de Holder. Cette année-là, un tracteur de fabrication suédoise, Linexa, fut lancé sur le marché canadien et accapara aussi une part du marché au détriment de Holder. En 1989, alors que le marché diminuait toujours, Bombardier lança son tracteur à roues BM-50, qui ravit une part du marché de la TVL et de Holder. Les pertes subies par la TVL en 1989 annulèrent les gains enregistrés en 1988, de sorte que sa part du marché est revenue à peu près au même niveau qu'en 1986 et 1987. Par ailleurs, à la fin de 1989, la part de Holder était inférieure à la moitié de ce qu'elle avait été trois ans plus tôt.

Au premier semestre de 1990, le marché affichant toujours un recul, le produit de Bombardier et celui de la Suède se firent plus rares sur le marché. Ceci a permis à la TVL d'accroître sa part du marché à un niveau légèrement plus élevé qu'au cours de l'année record de 1987. Holder a elle aussi accru sa part du marché au cours de ce semestre, mais cette part représentait à peine plus de 50 p. 100 de ce qu'elle avait été en 1986 et 1987. Bref, pendant la période à l'étude dans cette enquête, les parts du marché de la TVL et de Holder, qui étaient presque égales au début de la période, ont évolué en sens contraire, d'où la prédominance dont la TVL jouit à l'heure actuelle.

En ce qui a trait à la production nationale au cours de la période à l'étude, la TVL a accru le nombre d'unités produites de 37 p. 100 entre les exercices 1987 et 1988. Toutefois, au cours de l'exercice 1989, la TVL a réduit sa production de 12 p. 100 en comparaison à l'exercice 1988. De plus, au cours de l'exercice 1990, en raison de la baisse des ventes sur les marchés national et des exportations, la TVL a réduit sa production de 34 p. 100 et son effectif total de 15 p. 100 en comparaison à l'exercice 1989. Bombardier, qui fabrique les tracteurs à roues en question depuis le début de 1989, n'a pas connu beaucoup de succès jusqu'à ce jour, tant au Canada qu'aux États-Unis. La plupart des tracteurs construits au cours des 18 premiers mois demeurent en stock chez ses concessionnaires ou à l'usine.

Exprimés en pourcentage, les bénéfices dégagés par la TVL sur les ventes au Canada des tracteurs en question au cours de la période à l'étude se comparent d'une façon défavorable à ceux de l'ensemble du secteur manufacturier canadien. La rentabilité de la TVL a chuté de cinq points de pourcentage entre les exercices 1987 et 1988, puis de neuf points entre 1989 et 1990.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Lorsqu'elle a présenté sa cause, la partie plaignante a déclaré que le dumping a commencé à affecter plus ou moins son rendement vers le deuxième trimestre de 1989, qui coïncidait avec le début de son exercice 1990. Elle a fourni des éléments de preuve démontrant que sa production, son effectif et sa rentabilité ont diminué depuis. Ces éléments de preuve n'étaient pas remis en cause dans le cadre de l'enquête. Le Tribunal admet donc que certains indicateurs clés du rendement de la partie plaignante ont affiché un recul au cours des quelque 18 derniers mois. La question à se poser est la suivante : Est-ce-que le dumping est la cause de cette détérioration? Et, dans l'affirmative, dans quelle mesure il y a contribué.

À ce propos, le Tribunal constate que, d'après les éléments de preuve, le marché des produits en question est en baisse depuis qu'il a atteint un sommet en 1987. Cette contraction du marché a été plus importante au cours des 18 derniers mois, alors que les ventes (aux distributeurs et aux utilisateurs finals) déclarées par les fabricants et les importateurs ont chuté de plus de 30 p. 100. L'ampleur et la rapidité de ce déclin a certainement ajouté à la concurrence sur le marché. Même si l'entrée en scène de Bombardier en 1989, alors que le marché diminuait, a connu un succès mitigé, elle n'a certes pas allégé les tensions entre les concurrents.

Aucun des principaux intervenants du secteur ne semble avoir prévu le début, l'ampleur ou la durée de ce resserrement du marché. Pour sa part, la partie plaignante a lancé un important programme d'expansion et de modernisation en 1987, ce qui a permis d'accroître son rendement ainsi que sa capacité pour répondre à un niveau de la demande du marché qui ne s'est pas encore concrétisé. Le coût du financement de ses immobilisations ont ajouté à ses frais et alimenté, dans une certaine mesure, les pressions exercées sur sa marge d'exploitation.

D'après les éléments de preuve, parallèlement au recul du marché constaté en 1989, le chiffre d'affaires de la partie plaignante a chuté de 26 p. 100. Ses recettes provenant des ventes sur le marché national ont diminué de 33 p. 100 pendant l'exercice 1990. Son effectif a également été comprimé au cours de cette période. Chez Holder, les ventes ont chuté de 47 p. 100 au cours de l'exercice terminé le 30 septembre 1988 en comparaison à l'exercice 1987, et d'un autre 43 p. 100 au cours de l'exercice 1989 en comparaison avec l'exercice 1988. Le volume des ventes chez Holder entre le 1er octobre 1989 et le 30 juin 1990 n'a guère augmenté. Pour le Tribunal, il est évident que les résultats défavorables affichés par la partie plaignante et par Holder résultent, en grande mesure, des effets naturels du rétrécissement du marché qui n'est pas terminé.

La partie plaignante a soutenu que vers la fin de 1988 ou le début de 1989, Holder a modifié sa politique de prix, entraînant une prolifération de soumissions peu élevées de la part de Holder ou de ses concessionnaires, ou des deux. Pour étudier cette affirmation, le Tribunal a examiné 74 contrats de vente de tracteurs accordés au cours des 18 derniers mois. Sur les 50 contrats étudiés pour l'année 1989, 38 furent attribués à la TVL, Holder en a obtenus 6, Bombardier en a décrochés 3 et Linexa, 3. Holder et la partie plaignante ne se sont fait concurrence (directement ou par l'entremise de leurs concessionnaires) que dans 17 cas. Holder a obtenu 4 de ces contrats. Des contrats attribués à la TVL, 4 contrats ont été adjugés aux concessionnaires de la partie plaignante même si leurs soumissions étaient plus élevées. Dans 9 autres cas, les municipalités ont acheté directement les produits de la partie plaignante sans procéder par appel d'offres. Holder n'a pas réalisé de ventes directes de ce genre en 1989. Pour la période de sept mois terminée en août 1990, 24 contrats furent accordés, dont 17 à la TVL, 4 à Holder, 2 à Bombardier et 1 pour un tracteur non articulé fabriqué en Suisse. Selon les éléments de preuve, la partie plaignante et Holder ont soumissionné le même contrat à 10 occasions. De ce nombre, Holder en a obtenus 2 et Bombardier, 1. Sur les 7 attribués à la partie plaignante, 4 ont été confiés à ses concessionnaires, même si leurs soumissions étaient plus élevées que celles de Holder.

Tout compte fait, les ventes et les soumissions étudiées par le Tribunal ne révèlent aucune tentative systématique, délibérée ou coordonnée de la part de Holder et de ses concessionnaires visant à déroger de leurs anciennes politiques de prix afin de présenter une soumission plus avantageuse que leurs concurrents. Au mieux, les éléments de preuve laissent entendre que dans certains cas restreints, Holder et ses concessionnaires ont soumissionné des prix nettement moins élevés en fonction de leur perception des conditions de la concurrence locale. Par ailleurs, même en supposant que Holder a modifié dans une certaine mesure ses anciennes politiques de prix, les éléments de preuve démontrent clairement que cela n'a guère empêché la partie plaignante d'obtenir des contrats, comme en témoigne le nombre de cas où le tracteur plus coûteux de la partie plaignante a été préféré à celui de Holder, même si ce dernier était offert à un prix moins élevé. Le nombre de cas où Holder n'a pu soumissionner, c'est-à-dire où les municipalités ont acheté directement le produit de la partie plaignante sans procéder par appel d'offres, signifie par ailleurs que si Holder a effectivement modifié sa politique de prix, cette décision fut relativement sans conséquences. Quoi qu'il en soit, le Tribunal estime que la partie plaignante a réagi de façon exagérée face à cette situation, surtout suite à la perte de sept unités au cours d'une période d'un peu plus d'un mois vers septembre 1989, et a amplifié du même coup les problèmes que l'attitude de Holder pouvait engendrer. Cela explique, par exemple, les nombreux cas où la partie plaignante ou ses concessionnaires ou les deux, ont réduit inutilement le montant de leur soumission, Holder n'ayant même pas répondu à l'appel d'offres.

Bref, la prépondérance de la preuve présentée dans la présente cause indique que la capacité de Holder d'influer sur la situation du marché diminue depuis au moins deux ans au point où elle doit maintenant lutter pour sa survie. Elle connaît cette situation surtout parce que la partie plaignante a démontré qu'elle était un concurrent astucieux, davantage à l'écoute des besoins du marché. La partie plaignante a consacré plusieurs années au perfectionnement de son tracteur municipal, de telle sorte qu'il est aujourd'hui le chef de file incontesté sur le marché. À ce propos, le Tribunal a entendu des témoins, représentant plusieurs importants utilisateurs de tracteurs municipaux, qui ont déclaré qu'ils n'achèteraient pas le modèle C-500 de Holder parce que les exploitants de ces appareils manifestaient une préférence marquée pour le MT-5. La raison la plus souvent évoquée pour cette préférence est que le MT-5 est doté d'une boîte de vitesses hydrostatique (automatique), ce qui le rend plus facile à utiliser que le C-500, qui est doté d'une boîte manuelle. Toutefois, d'autres raisons ont été fournies, y compris les coûts d'exploitation moins élevés du MT-5 et la meilleure qualité des pièces et du service fournis par la partie plaignante et ses concessionnaires. D'après les déclarations des témoins et les autres faits pertinents dans cette cause, il est indubitable que la partie plaignante domine largement le marché depuis au moins deux ans. Même si Holder a pu causer quelques difficultés à la partie plaignante, il est difficile de voir en l'occurrence comment Holder aurait pu lui causer un préjudice sensible.

Le Tribunal estime également que bien que l'essentiel de la cause de la partie plaignante ait porté sur des prétendues modifications aux prix courants de Holder et de ses concessionnaires, on a de plus prétendu que les prix de liste courants de Holder sont sous-évalués dès le départ et que ceci a engendré une compression des prix sur la marché. Il est évident que les prix de liste de Holder sont moins élevés qu'ils ne le seraient s'il n'y avait pas de dumping. Cependant, tel que mentionné ci-dessus, les éléments de preuve démontrent que les pratiques de Holder en matière de prix n'ont pas eu un effet important sur sa capacité de réaliser des ventes au cours des deux dernières années, période pendant laquelle la société est devenue une figure peu importante sur le marché. Dans ces circonstances, il est difficile de voir comment les prix de liste sous-évalués de Holder auraient pu toucher le marché de façon à causer un préjudice sensible à la partie plaignante. De plus, le Tribunal remarque que les propres soumissions de la partie plaignante dans cette cause suggèrent que les prix de liste courants de Holder et les rabais normaux qui y sont alloués aux concessionnaires n'étaient pas une source de difficulté pour la partie plaignante et ses concessionnaires.

D'après les éléments de preuve présentés, le Tribunal est également d'avis qu'un préjudice sensible n'est pas susceptible d'être causé dans la présente affaire. On compte actuellement moins de 15 tracteurs neufs Holder C-500 en stock et, selon les témoins de Holder, celle-ci n'entend pas en importer d'autres, étant donné l'actuel manque de demande sur le marché pour ce produit au Canada. Vu que près de la moitié des tracteurs Holder en stock pourraient être vendus aux États-Unis (d'après les statistiques sur le ratio des ventes des produits de Holder entre le Canada et les États-Unis), le Tribunal estime que le nombre d'unités disponibles sur le marché canadien peut être absorbé sans causer de préjudice sensible.

Toujours selon les éléments de preuve, le tracteur C-6000, le nouveau modèle doté d'une boîte automatique, qui doit remplacer le C-500 ne pourra tenter une percée valable au Canada avant un an ou deux. Les témoins de Holder ont indiqué que le prix de ce modèle sera beaucoup plus élevé que celui du C-500. Que ce soit ou non le cas, toute tentative visant à prévoir dès maintenant l'impact que ce nouveau modèle pourrait avoir sur le marché en général et sur la situation de la partie plaignante en particulier ne serait que pure spéculation.

Les éléments de preuve démontrent au Tribunal que la partie plaignante prédomine sur le marché et devrait continuer sa prédominance, malgré un marché qui est stationnaire ou rétrécissant. Sur la foi des éléments de preuve présentés à l'audience, Holder n'est guère susceptible de causer un préjudice sensible à ce moment-ci.

LES CONCLUSIONS

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal déclare que le dumping de tracteurs articulés à quatre roues motrices, avec ou sans roues et pneus, originaires ou exportés de la République fédérale d'Allemagne, n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. Les chiffres annuels sur le marché mentionnés dans cette section ont été mis à jour à partir du rapport du personnel afin de refléter les chiffres d'affaires révisés de Holder qui ont été soumis dans la pièce B-13. Les chiffres d'affaires révisés de Holder ont été fournis à base d'un exercice se terminant le 30 septembre. Cependant, les chiffres de la fin de l'exercice de Holder ont été retenus comme représentant les ventes pour l'année civile correspondante (p. ex., l'exercice 1989 correspond à l'année civile 1989) afin qu'ils puissent être ajoutés aux chiffres de l'année civile des autres importateurs et fabricants pour en arriver au marché total approximatif pour chacune des années civiles pour la période à l'étude.


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Publication initiale : le 22 juillet 1997