TAPIS PRODUIT SUR MACHINE À TOUFFETER

Enquêtes (article 42)


TAPIS PRODUIT SUR MACHINE À TOUFFETER, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-91-006

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 21 avril 1992

Enquête no : NQ-91-006

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant le :

TAPIS PRODUIT SUR MACHINE À TOUFFETER, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 19 décembre 1991 et d'une décision définitive de dumping datée du 18 mars 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada du tapis produit sur machine à touffeter, fait de poils où prédominent les fils de nylon, d'autres polyamides, de polyester ou de polypropylène, à l'exclusion des tapis pour véhicules automobiles et des couvre-planchers d'une superficie inférieure à 5 m2, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées des États-Unis d'Amérique, à l'exclusion :

a) des rebuts de tapis produit sur machine à touffeter de toutes longueurs, ou

b) des restes de marchandises de première qualité de neuf pieds de long ou moins,

vendus à titre de «marchandises de mauvaise qualité» et importés pour être utilisés dans la fabrication de marchandises telles les paillassons, les passages ou les carpettes, d'une superficie inférieure à 5 m2, et

c) du tapis produit sur machine à touffeter, fabriqué sur commande selon les normes des clients en ce qui a trait à la conception, au motif et à la couleur, fabriqué en se servant de la technologie de teinture brevetée Millitron et exporté au Canada par Milliken & Company, et des carpettes d'une superficie supérieure à 5 m2, fabriquées en se servant de la technologie de teinture brevetée Millitron et exportées au Canada par Milliken & Company,

a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre présidant


Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire intérimaire

L'exposé des motifs sera rendu d'ici 15 jours.

Ottawa, le mercredi 6 mai 1992

Enquête no : NQ-91-006

TAPIS PRODUIT SUR MACHINE À TOUFFETER, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible, ou a causé ou cause un retard sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 16 mars au 2 avril 1992

Date des conclusions : Le 21 avril 1992

Date des motifs : Le 6 mai 1992

Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant
Michèle Blouin, membre
Robert C. Coates, c.r., membre

Avocat pour le Tribunal : Brenda Swick-Martin

Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : Douglas Cuffley
Agents de la recherche : W. Douglas Kemp
Douglas Allen
Paule Couët

Préposé aux statistiques : Robert Larose

Greffier : Nicole Pelletier
Agent à l'inscription
et à la distribution : Pierrette Hébert

Commis : Mariette Gauvreau

Participants : G.P. (Patt) MacPherson et
Suzette C. Cousineau
pour L'Institut canadien du tapis
Kraus Carpet Mills Limited
Les Tapis Harding
Soreltex International Inc.
Crossley Carpet Mills Limited
Tapis Venture Ltée/Venture Carpets Ltd.
Richmond Carpet Mills
Peerless Carpet Corporation
National Carpet, A Division of
NCM Carpet Mills Inc.

(parties plaignantes)
Peter A. Magnus et
Gregory O. Somers
pour The Carpet and Rug Institute
Colorcarpet, Inc.
Diamond Rug & Carpet Mills, Inc.
JPS Carpet Corp.
Mohawk Carpet Corporation

(exportateurs)
Peter A. Magnus,
James H. Smellie,
Diane E. Cornish et
Gregory O. Somers
pour Queen Carpet Corporation
Shaw Industries, Inc.

(exportateurs)
Peter A. Magnus,
Gregory O. Somers et
Diane E. Cornish
pour Burlington Canada Inc.
Burlington Industries, Inc.

(exportateurs)
Peter A. Magnus,
Gregory O. Somers et
Robert Murray
pour Milliken & Company
Image Carpets Inc.

(exportateurs)
Robert Murray
pour Salem Carpet Mills, Inc.

(exportateur)
Peter Clark et
Chris Hines
pour Victory Carpet Corporation
Hollytex Carpet Mills, Inc.
Sunrise Carpet Industries, Inc.
Mannington Carpets, Inc.

(exportateurs)
Peter Clark et
Chris Hines
pour Melmart Distributors Inc.
Buckwold - Western Wholesale Distributors
W.G. McMahon Canada Ltd.
Parbron International Inc.
Parco Distribution Sales Ltd.
Western Carpet Distributors of Canada Ltd.
Centura London Floor and
Wall Fashions
Packer, division de Cassidy Ltée
L. Morency & Fils Inc.
Omni Floorcoverings Ltd.
Roger Sorel Tapis/Carpets Inc.
Centura Western Floor and
Wall Fashions
Centura Vancouver Floor and
Wall Fashions
Primco (PWL) Ltd.

(importateurs)
James L. Shields et
Michael Lanos
pour World Carpets, Inc.

(exportateur)
Jean G. Bertrand et
Denis Gascon
pour General Felt Industries, Inc. et
Focus Carpet, A Division of
General Felt Industries, Inc.

(exportateurs)
Kimberley L.D. Cook
pour Jordans Rugs Ltd.

Robert Greenberg
H & I Carpet Corporation of Canada Ltd.

Alan P. Slavner
Robon Carpet and Manufacturing Ltd.

Yvon Olivier
Jos. Olivier Ltée

Eric Adams
Eraco International Trading Inc.

(importateurs)

Témoins :

Michael Kronick
Directeur exécutif
Institut canadien du tapis

W. Leslie Single
Président et Chef de la direction
Crossley Carpet Mills Limited

Frank D. Guthier
Vice-président exécutif
Chef de la direction
Kraus Carpet Mills Limited

Michael Wagner
Gérant des ventes nationales
Kraus Carpet Mills Limited

Gary Witt
Directeur des services financiers
Kraus Carpet Mills Limited

Wayne R.G. Tuck, Sr.
Vice-président exécutif
Les Tapis Harding

Geoffrey P. Charnley
Secrétaire général et trésorier
Les Tapis Harding

Jacques A. Roy
Vice-président exécutif
Finances et administration
Chef des opérations financières
Soreltex International Inc.

Robert Miller
Vice-président des ventes
Soreltex International Inc.

William D. Ring
Vice-président, Services financiers
Crossley Carpet Mills Limited

J.A. Yvon Hébert
Président
Tapis Venture Ltée/Venture Carpets Ltd.

Bertrand E. Desautels
Vice-président, Administration
Tapis Venture Ltée/Venture Carpets Ltd.

Dan Mills
Administrateur des systèmes d'administration
Gesco Industries Inc.

Mark Shnier
Vice-président, Services financiers et gestion
Richmond Carpet Mills

Arthur E. Collver
Directeur général
Richmond Carpet Mills

Martin Wells
Directeur de succursale
G.E. Shnier Co.

David Arditi
Président
Peerless Carpet Corporation

Robert L. Wilkinson
Premier vice-président
Ventes et techniques marchandes
Peerless Carpet Corporation

Christian Mangin
Coordonnateur - Services de marketing et Relations commerciales
Peerless Carpet Corporation

Pierre Fitzgibbon
Vice-président
Finances et Administration
Peerless Carpet Corporation

Ronald Halton
Président et Chef de la direction
National Carpet, A Division of NCM Carpet Mills Inc.

John Deotto
Vérificateur
Gesco Industries Inc.

Claude Fontaine
Premier vice-président
Fabrication
Peerless Carpet Corporation

Roger P. Gagnon, M.B.A.
Président
Packer, Floor Coverings Co.

Jim Colpitts
Acheteur - Atelier du tapis
Sears Canada Inc.

Arisa J. Alexanian
Directeur de produits
Alexanian Carpet

Frank C. Wilson
Expert-conseil
Contrôle de la planification de la gestion
International Management

Ronald E. VanGelderen
Président
The Carpet and Rug Institute

Stephen J. Trott
Directeur, Division commerciale
Burlington Canada Inc.

Robert L. Barnes
Vice-président général
Burlington Industries, Inc.

Jim McCormick
Directeur des ventes
Administration et Étude du marché
Shaw Industries, Inc.

Gerald Embry
Gérant financier
Queen Carpet Corporation

David Crowther
Gérant de territoire
Queen Carpet Corporation

Charles Dilks
Vice-président
Exploitation et commerce
Factory Carpet Floor Fashions, A Division of ColorCarpet, Inc.

Bruce S. Lord
Premier vice-président
Jordans Rugs Ltd.

W. Ernest Hebert
Président
Western Carpet Distributors of Canada Ltd.

George Lang
Vice-président - Ventes et commercialisation
Directeur général
Western Carpet Distributors of Canada Ltd.

Richard Mercey
Gérant des ventes - Canada
Mannington Carpets, Inc.

Robert J. Livingston
Vice-président - Finances
Mannington Carpets, Inc.

Alan P. Slavner
Propriétaire
Robon Carpet and Manufacturing Ltd.

Scott Duchesnay
Chef d'établissement et gestionnaire de la production
Robon Carpet and Manufacturing Ltd.

Bruce Buckwold
Buckwold - Western Wholesale Distributors

Michael W. Zima
Image Carpets Inc.

W.C. McAllister
Fonctionnaire administratif en chef et Président du Conseil d'administration
Melmart Distributors Inc.

Dean Martin
Président
Melmart Distributors Inc.

Jerry Dolan
Vice-président des opérations
Hollytex Carpet Mills Inc.

John Shaheen
Président
World Carpets, Inc.

Robert Greenberg
Vice-président exécutif
H & I Carpet Corporation of Canada Ltd.

Yvon Olivier
Vice-président - Directeur
Jos. Olivier Ltée

Eric Adams
Président
Eraco International Trading Inc.

Terry Kall
Vice-président
Ventes et commercialisation
General Felt Industries, Inc.

A.J. (Al) Harder
Gérant des ventes - Canada
General Felt Industries, Inc.

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI) [1] , à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 19 décembre 1991 et d'une décision définitive de dumping datée du 18 mars 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), concernant l'importation au Canada du tapis produit sur machine à touffeter, fait de poils où prédominent les fils de nylon, d'autres polyamides, de polyester ou de polypropylène, à l'exclusion des tapis pour véhicules automobiles et des couvre-planchers d'une superficie inférieure à 5 m2, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont été publiés dans la partie I de la Gazette du Canada du 4 janvier 1992 et du 4 avril 1992, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal, publié le 19 décembre 1991, a paru dans la partie I de la Gazette du Canada du 4 janvier 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants et aux importateurs canadiens des marchandises en question afin d'obtenir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations, le marché et d'autres précisions encore, relativement à la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1991. Le personnel du Tribunal s'est fondé sur les réponses aux questionnaires et sur les renseignements obtenus d'autres sources pour rédiger des rapports public et confidentiel préalables à l'audience et portant sur la période à l'étude.

Le dossier de la présente enquête renferme toutes les pièces du Tribunal, y compris les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires, les pièces déposées par les parties à l'audience, ainsi que la transcription intégrale des délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, mais seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces confidentielles.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) à partir du 16 mars 1992. Les parties plaignantes, l'Institut canadien du tapis (l'ICT) et National Carpet, A Division of NCM Carpet Mills Inc. (National), étaient représentées par des avocats à l'audience. En outre, Kraus Carpet Mills Limited (Kraus), Les Tapis Harding (Harding), Soreltex International Inc. (Soreltex), Crossley Carpet Mills Limited (Crossley), Tapis Venture Ltée/Venture Carpets Ltd. (Venture), Richmond Carpet Mills (Richmond) et Peerless Carpet Corporation (Peerless) ont témoigné en faveur de l'ICT. Les parties opposées, qui comprenaient le Carpet and Rug Institute (le CRI) et plusieurs exportateurs, importateurs et distributeurs identifiés ci-dessus, étaient aussi, pour la plupart, représentés par des avocats.

Le 21 avril 1992, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping des marchandises en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

LE PRODUIT

Le produit qui fait l'objet de la présente enquête est décrit dans la décision provisoire de dumping en tant que tapis produit sur machine à touffeter, fait de poils où prédominent les fils de nylon, d'autres polyamides, de polyester ou de polypropylène, à l'exclusion des tapis pour véhicules automobiles et des couvre-planchers d'une superficie inférieure à 5 m2, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique. Il s'agit de la fibre qui prédomine en poids pour chacune des autres fibres.

Le tapis d'extérieur produit sur machine à touffeter, connu sous le nom de «gazon artificiel», est également à l'étude. Le tapis non fini (auquel le deuxième support n'a pas été ajouté) et le tapis qui a été touffeté, mais qui n'a pas été teint, et qui n'a pas de deuxième support et est communément appelé «tapis écru» font aussi l'objet de la présente enquête.

La définition du produit exclut les couvre-planchers pour véhicules automobiles et les tapis d'une superficie inférieure à 5 m2 comme les paillassons, les passages, les carreaux et les échantillons. Cependant, les carpettes de plus de 5 m2 sont comprises dans l'enquête.

La définition du produit exclut également les tapis orientaux, tissés à la machine ou à la main, et les autres tapis, y compris les paillassons et les grands tapis tressés, à points noués, crochetés et aiguilletés. Elle exclut également les tapis faits de laine et de mélanges de laine ou de poils fins, de coton, d'acrylique et de modacrylique, de viscose et d'autres matières textiles synthétiques ou artificielles.

Le tapis produit sur machine à touffeter est offert dans une variété de couleurs, de textures, de dessins et de poids. Le poids est déterminé par la densité des fibres du poil et se mesure en onces. Il varie entre 16 oz et 90 oz/v2 ou entre 19 oz et 110 oz/m2.

Le tapis en question est produit sur des machines à touffeter. Ces machines sont équipées de centaines d'aiguilles et de crochets qui insèrent les fibres de tapis textiles dans un support textile primaire pour produire un tapis «écru». On peut laisser les fils en forme de boucles ou en sectionner les bouts, pour obtenir un tapis écru à poils bouclés ou un tapis écru à velours coupé, respectivement. Le tapis est touffeté en continu, mais coupé de la machine, morceau par morceau. Si le tapis a été touffeté avec du fil coloré d'avance, il est acheminé directement à la chaîne de finition.

Cependant, si le tapis a été touffeté avec des fils naturels, il est teint et séché avant d'aller à la chaîne de finition. En piquant les fils voulus pendant le touffetage, on obtient différentes forces de teinture et on peut réaliser une couleur distincte dans le même bain de teinture, pour créer un tapis à motif. On peut appliquer des produits chimiques au stade de la teinture ou du séchage pour aider le tapis à résister aux taches pendant l'utilisation, ou pour permettre d'essuyer facilement les liquides renversés et les éventuelles taches.

À la chaîne de finition, on applique un composé au latex à l'envers du tapis pour bien fixer les fils formant les poils. L'opération est suivie de l'application d'un composé au latex de grande qualité sur un support secondaire de jute ou de tissu en polypropylène. Ce deuxième support, qui assure la stabilité dimensionnelle, est pressé à l'envers du tapis, puis passé au four où le latex est séché de manière à fixer les touffes en place et à lameller le support secondaire avec l'écru. On tond ensuite le tapis à poils coupés pour obtenir une surface uniforme. Le tapis est ensuite inspecté, puis classé et coupé, mis en rouleaux et enveloppé.

Le tapis résidentiel est normalement teint à l'usine, alors que le tapis commercial est normalement produit de fils teints d'avance, ce qui donne une couleur uniforme pour les grandes surfaces de couvre-planchers. Les rouleaux ont de 60 pi à 200 pi de longueur et de 6 pi à 12 pi de largeur. Les dimensions standard d'un rouleau pour la plupart des styles de tapis sont de 12 pi de largeur et de 125 pi de longueur.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Une des parties plaignantes, l'ICT, qui est une association de fabricants canadiens de tapis et d'autres couvre-planchers en matières textiles, a déclaré que ses membres représentent, collectivement, plus de 75 p. 100 de l'ensemble de la production canadienne de tapis produit sur machine à touffeter. La partie coplaignante, National, représente plus de 80 p. 100 de la production nationale de tapis de gazon artificiel produit sur machine à touffeter.

Les fabricants canadiens de tapis produit sur machine à touffeter sont situés dans toutes les régions du Canada. La plupart sont en Ontario et au Québec, mais il y en a aussi en Nouvelle-Écosse, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Parmi les grandes entreprises qui produisent du tapis touffeté pour le marché national, cinq sont verticalement intégrées, en ce sens qu'elles filent, retordent et thermofixent leur produit. Une entreprise, par l'intermédiaire de sa société mère au Canada, fait aussi l'extrusion de filament de polypropylène et produit des fils de polypropylène à ses fins. À l'heure actuelle, l'industrie nationale achète le gros de ses fibres de quatre grands fournisseurs au Canada.

Prenant de l'expansion dans les opérations d'amont, l'industrie nationale s'est affranchie des producteurs de fils de l'extérieur et a réduit au minimum le risque d'interruptions de production et de pénuries de matières premières.

En même temps qu'elle augmentait son degré d'intégration verticale, l'industrie a aussi commencé à exercer un plus grand contrôle direct sur la vente et le service du produit fini. De plus en plus, les producteurs investissent dans leurs propres centres de distribution et entrepôts. Malgré la tendance de certains fabricants à vendre leurs produits par l'intermédiaire de leurs propres centres de distribution, le tapis d'origine canadienne se vend toujours par l'intermédiaire de distributeurs indépendants et de points de vente traditionnels comme les entrepreneurs indépendants et les grandes surfaces. Le tapis peut s'acheter directement à l'usine par voie de soumission lorsqu'il est destiné à faire partie de l'équipement d'origine d'immeubles.

Depuis quelques années, les membres de l'industrie ont informatisé leurs opérations manufacturières et fait d'importantes acquisitions ou modifications à leurs procédés respectifs de fabrication.

LES IMPORTATEURS ET LES EXPORTATEURS

Le CRI est une association nationale américaine dont les membres comprennent les fabricants américains de tapis, y compris le tapis produit sur machine à touffeter qui fait l'objet de la présente enquête. Tous les fabricants américains qui exportent les marchandises en question au Canada sont membres du CRI. Les fabricants et exportateurs américains de tapis produit sur machine à touffeter se trouvent surtout dans les États de la Georgie et de la Caroline du Nord, alors que les autres fabricants se trouvent en Caroline du Sud et en Californie.

Le ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada) a identifié plus de 1 000 importateurs canadiens du tapis en question. Ces importateurs sont des distributeurs, détaillants ou fabricants nationaux ou régionaux de couvre-planchers et de tapis. Quelques importateurs non résidants ont été identifiés.

LA PLAINTE

Les parties plaignantes (l'ICT et National) ont fait valoir que, sur la foi de la preuve présentée dans cette cause, le Tribunal devrait conclure que le dumping des marchandises en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Selon les avocats de l'industrie, l'industrie canadienne du tapis produit sur machine à touffeter a été, à bien des égards, une industrie exemplaire. Comme les industries de l'informatique et des avions à réaction, l'industrie du tapis produit sur machine à touffeter n'a qu'une quarantaine d'années. Bien qu'elle soit moins connue que ces autres industries, elle aussi a été créée et a progressé grâce aux réalisations technologiques. Jusqu'à récemment, l'industrie avait réalisé des taux de croissance supérieurs à la moyenne. Au fil des ans, ses coûts de fabrication n'ont pas cessé de diminuer, à la faveur de divers progrès technologiques. De même, l'industrie a une bonne réputation de performance des prix, son indice des prix de vente avançant plus lentement, ces dernières années, que celui de l'ensemble du secteur manufacturier ou du secteur textile. De fait, les prix du tapis ont monté moins vite au Canada qu'aux États-Unis. L'industrie a aussi eu une productivité élevée du travail et a acheté la plupart de ses matières premières au Canada.

Malgré ces réalisations, l'industrie est maintenant en sérieuse difficulté. Une des raisons est la récession économique, qui a considérablement réduit le marché apparent au Canada en 1990 et 1991. Cependant, les effets de la récession ne sont pas la cause du préjudice qui a fait l'objet de la plainte de l'industrie. La cause est la poussée des importations en provenance des États-Unis depuis 1988. Cette poussée a fait monter de 33 points de pourcentage la part américaine du marché canadien depuis trois ans. Une augmentation de cette ampleur aurait été tout à fait étonnante dans un marché stable ou en croissance. Dans le marché en contraction de 1990 et de 1991, elle a été dévastatrice pour l'industrie nationale.

Les estimations de l'industrie chiffrent à environ 35 millions de mètres carrés le volume des ventes qu'a fait perdre cette poussée des importations des États-Unis, ce qui représente des ventes d'environ 315 millions de dollars sur les trois dernières années. Par suite de la perte de part du marché, les niveaux de production de l'industrie, l'emploi et l'utilisation de capacité ont chuté de façon dramatique. Les coûts fixes étant répartis sur de plus faibles volumes de production, les coûts unitaires ont augmenté et les marges ont été comprimées. Aujourd'hui, la plupart des entreprises fonctionnent à perte et, au total, l'industrie a perdu 12 millions de dollars en 1990 et 19 millions en 1991.

Le rétablissement de la part du marché et de la production était une priorité urgente pour l'industrie. Rien n'annonçait une reprise imminente de la demande du marché au Canada. La léthargie de la construction non résidentielle n'avait pas l'air de vouloir cesser. Le dernier budget fédéral prévoyait bien une certaine aide pour la construction résidentielle neuve, mais cela n'allait pas faire augmenter la demande de tapis avant la deuxième demie de 1992, soit au temps où les maisons mises en chantier au printemps seraient prêtes à être livrées. Une décision positive de préjudice revêtait donc une importance cruciale pour les perspectives de l'industrie.

La décision provisoire de dumping de la part de Revenu Canada concernant l'assujettissement à des droits antidumping provisoires en date du 19 décembre 1991 a déjà commencé à avantager l'industrie plus fortement et plus rapidement que prévu. Les témoins des fabricants appuyant la plainte ont fait état de nettes reprises des commandes et des niveaux d'intérêt de leurs clients. Ces reprises se sont traduites en niveaux supérieurs d'utilisation de capacité des usines, de sorte que des centaines d'employés sont revenus au travail à plein temps. Si le dumping n'avait pas causé de préjudice, les droits provisoires n'auraient pas eu cet effet positif immédiat.

Les avocats de l'industrie ont fait valoir que les parties opposées à la plainte de l'industrie attribuaient le préjudice causé à l'industrie à une gamme de facteurs autres que le dumping. Un de ces facteurs était la valeur supposément élevée du dollar canadien vis-à-vis le dollar américain. Toutefois, une étude des taux de change entre le Canada et les États-Unis sur une période de 40 ans a révélé que, vers le milieu des années 80, le dollar canadien avait accusé une faiblesse exceptionnelle. Aux niveaux actuels, il revient à la gamme d'échange historique contre le dollar américain. On avait tort de blâmer les rajustements de taux de change pour le préjudice qu'a subi l'industrie.

Un autre facteur cité comme cause de préjudice pour l'industrie était les réductions progressives des droits tarifaires en vertu de l'Accord commercial Canada - États-Unis (l'ACCEU), qui a abaissé chaque année le prix canadien débarqué des marchandises américaines. De l'avis des avocats, les effets de la réduction tarifaire ont été exagérés, puisque les importations des États-Unis ont connu une poussée en 1989, 1990 et 1991, malgré les droits tarifaires relativement élevés qui étaient encore en place ces années-là, à savoir 18 p. 100, 16 p. 100 et 14 p. 100, respectivement.

Enfin, les avocats de l'industrie ont fait valoir que la «réputation» et l'«image» du tapis canadien pourraient, dans certains cas, lui valoir une prime sur le marché. Même si certains produits américains jouissent d'un avantage-prix sur des produits canadiens comparables, la prime sur les produits canadiens pourrait permettre aux usines canadiennes de compenser l'écart de prix. Cependant, cela serait impossible si le dumping continuait de creuser ces écarts au point qu'ils deviennent impossibles à compenser.

LA RÉPONSE

Les avocats représentant le CRI et plusieurs grands exportateurs de tapis produit sur machine à touffeter, dont Queen Carpet Corporation (Queen) et Shaw Industries, Inc. (Shaw), ont fait valoir que les importations en question n'ont pas causé, ne causent pas et ne sont pas susceptibles de causer un préjudice sensible aux producteurs canadiens de marchandises similaires. Ils ont soutenu que tout préjudice subi par les producteurs canadiens est attribuable à des facteurs autres que le dumping.

La période visée par l'enquête chevauchait une récession qui avait sévi au Canada et aux États-Unis. L'effet de la récession sur le marché apparent des marchandises en question avait été une chute de 12 p. 100 en 1990 par rapport à 1989, et une autre chute de 9 p. 100 en 1991 par rapport à 1990. L'effet de la récession avait été le même dans les deux pays, se manifestant par une diminution du nombre de mises en chantier d'immeubles commerciaux et de logements, par une perte de confiance des consommateurs, par une réduction des dépenses discrétionnaires et par un accent mis sur les compressions de coûts, la rationalisation, la compétitivité et sur le produit. Cependant, le marché américain des marchandises en question était plus de 10 fois plus grand que le marché canadien, les droits tarifaires d'importation des États-Unis pour le tapis en question en 1988 étaient presque un tiers des droits tarifaires du Canada, et les matières premières, la main-d'oeuvre et le transport coûtaient moins cher aux États-Unis. C'était dans le contexte de ce qui précède qu'il fallait évaluer les diverses questions de cette cause.

Cette enquête est un paradigme de l'ACCEU, qui a commencé à réduire les droits d'importation des deux pays en 1989. L'ACCEU a fait diminuer de 6 points de pourcentage les droits d'importation canadiens sur les marchandises américaines depuis 1989, et la montée simultanée du dollar canadien a eu pour effet d'abaisser de 11,6 p. 100 le prix des marchandises américaines. Cela a accru la compétitivité du tapis américain au Canada et contribué à la montée des importations des États-Unis qui a coûté à l'industrie canadienne une partie de sa part du marché.

La perte de part du marché pour les usines canadiennes est aussi une conséquence de la rationalisation, liée à l'ACCEU, de l'industrie canadienne, dont un déplacement aux États-Unis de la production canadienne par des usines comme Peerless. En outre, il y a eu des fermetures et des réorganisations d'usines canadiennes pour des raisons internes de finances et d'organisation qui n'avaient rien à voir avec le dumping des marchandises en question. Les usines canadiennes qui ont été touchées comprenaient Peeters Carpets Ltd. (Peeters), Ozite Canada (1981) Ltd. (Ozite), Walker Mills (Walker), Crossley, Soreltex et Harding.

Selon le témoignage de M. Frank Wilson, expert-conseil américain en matière de tapis, les produits américains n'avaient pas besoin de dumping pour jouir d'un avantage concurrentiel. En particulier, les coûts des matières premières étaient nettement plus bas aux États-Unis qu'au Canada. Conjugué à l'effet des réductions de droits tarifaires en vertu de l'ACCEU et à la vigueur du dollar canadien, cela constituait la question fondamentale à trancher par l'enquête. Ces facteurs ont fait que les marchandises américaines en question avaient constamment une valeur normale plus faible que les prix canadiens.

Les avocats du CRI ont passé en revue les divers exemples, cités par l'industrie canadienne, de clients canadiens où on prétend que le dumping, surtout par Queen et Shaw, aurait fait perdre du volume de ventes à l'industrie canadienne ou obligé l'industrie canadienne à une compression de prix. Dans bien des cas, le fondement des allégations était erroné puisque Queen et Shaw, par exemple, n'avaient pas fait de ventes aux clients en question. Dans d'autres cas, où Queen et Shaw avaient fait des ventes, ces dernières n'avaient pas été faites à prix sous-évalués, mais à des prix égaux ou supérieurs aux valeurs normales précisées dans la décision définitive de dumping (la décision définitive). Les exemples présentés par Harding, Crossley et Soreltex ont aussi démontré que les prix cités par ces usines canadienne à des clients particuliers étaient nettement supérieurs aux prix non sous-évalués de l'exportateur américain. De fait, dans plusieurs cas, le prix américain non sous-évalué était égal ou voisin du coût de production standard pour le fabricant canadien. Ces exemples indiquaient que des ventes auraient été perdues et que les producteurs canadiens auraient subi un préjudice, peu importe que le Sous-ministre ait ou non établi qu'il y avait dumping.

Enfin, malgré l'imposition de droits provisoires, les prix canadiens et les marges de l'industrie nationale demeuraient faibles, comme les prix de vente américains au Canada. Cela démontrait que les droits provisoires n'offraient pas à l'industrie le «remède rapide» qu'elle leur attribue.

Les avocats de plusieurs distributeurs canadiens et certains exportateurs américains non représentés par les avocats du CRI se sont dit d'accord sur ce qui précède et ont invoqué des arguments et des éléments de preuve dans le même sens pour appuyer des conclusions de non-préjudice. Ils ont noté qu'il est mentionné au paragraphe 4 de l'article 3 du Code antidumping (le Code) que, lorsque le préjudice est causé par des facteurs autres que le dumping, le préjudice ainsi causé ne doit pas être attribué au dumping. Dans ce cas, de nombreux facteurs autres que le dumping ont causé un préjudice aux producteurs canadiens. Ces autres facteurs comprenaient les forts volumes d'importations non sous-évaluées, une contraction de la demande, la vigueur du dollar canadien, des diminutions de tarif en vertu de l'ACCEU, les importations de tapis américains par les usines canadiennes, les niveaux élevés de concurrence de prix entre les producteurs nationaux eux-mêmes et certaines pratiques de commercialisation des usines canadiennes qui incitaient les distributeurs canadiens à rechercher des fournisseurs américains pour leurs besoins en tapis.

De plus, la décision définitive du Sous-ministre aurait un effet particulièrement défavorable sur les distributeurs indépendants canadiens. Le régime de valeurs normales qui avait été établi ne prévoyait pas de différence convenable de niveaux de circuit de distribution pour permettre aux distributeurs de faire concurrence aux usines américaines vendant directement au détail au Canada. Cette absence d'ajustement des niveaux de circuit de distribution aux valeurs normales inciterait effectivement les usines américaines à accroître leurs niveaux de ventes directes, menaçant ainsi la viabilité des distributeurs. Comme les distributeurs indépendants canadiens jouaient un rôle important dans la commercialisation de produits de tapis produits au Canada, leur déclin nuirait aux usines canadiennes et serait contraire à l'intérêt public.

Les avocats de World Carpets Inc., fabricant américain et exportateur du tapis en question, étaient d'accord sur les arguments qui précèdent. Ils ont noté, eux aussi, des exemples où leur client avait été, par erreur, identifié par des usines canadiennes comme étant la cause de ventes perdues à des clients particuliers. À leur avis, on n'a pas démontré de lien de cause à effet entre le dumping et le préjudice à la production canadienne.

Dans un mémoire au Tribunal, l'avocat de Jordans Rugs Ltd. (Jordans), détaillant et importateur de l'Ouest canadien, a fait valoir que le préjudice aux usines canadiennes n'était pas causé par le dumping de tapis américains au Canada. Le mémoire de Jordans citait de nombreuses raisons expliquant les difficultés de l'industrie nationale, dont la plupart reprennent les points soulevés par les autres avocats.

Jos. Olivier Ltée a aussi présenté des instances. Membre d'un collectif d'achat américain de distributeurs indépendants, l'entreprise achète aux usines américaines aux mêmes prix que les autres distributeurs américains. Par conséquent, ses importations du tapis en question n'étaient pas sous-évaluées et elles n'ont pas causé de préjudice sensible à la production canadienne de marchandises similaires.

Les avocats de General Felt Industries, Inc. (General Felt), exportateur américain des marchandises en question, ont fait valoir que le tapis de gazon artificiel constitue une catégorie distincte de marchandises parmi le tapis produit sur machine à touffeter. Les marges de dumping constatées à l'égard des importations de tapis de gazon artificiel étaient négligeables et n'étaient pas cause de préjudice pour les deux producteurs canadiens connus de tapis de gazon artificiel, National et Matting Technology Corporation (Matting Technology). Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de conclusions de préjudice pour cette sous-catégorie de marchandises distinctes.

LES DEMANDES D'EXCLUSION

Le Tribunal a reçu plusieurs demandes d'exclusion de certains genres de tapis fabriqué sur commande ainsi que de tapis produit selon diverses technologies exclusives. Pour ce qui est du tapis produit sur machine à touffeter, fabriqué sur commande, le président du CRI a fait valoir que le marché canadien de ces marchandises ne pourrait être entièrement approvisionné par les producteurs canadiens de tapis vu qu'ils n'avaient pas acquis ni démontré la capacité de fabrication selon la technologie requise pour produire le genre de marchandises fabriquées sur commande, produites aux États-Unis. Il a exprimé l'avis que tout préjudice allégué aux producteurs canadiens de marchandises fabriquées sur commande ne saurait s'expliquer par quelqu'autre facteur que leur niveau supérieur de coûts de production et la moins grande variété de motifs, de couleurs et de caractéristiques qu'ils offraient.

Pour des raisons semblables, Burlington Industries, Inc. a demandé une exclusion pour les tapis vendus sous les marques de commerce Unibond et Duracolor. Dans les deux cas, le tapis est produit selon une technologie brevetée et commande un prix supérieur à celui des tapis à support ordinaire et teint. Burlington Industries, Inc. a fait valoir qu'aucun producteur canadien ne fabriquait ou n'avait la technologie pour fabriquer un produit commercial répondant aux normes de rendement de l'un ou l'autre tapis.

Milliken & Company (Milliken) a déclaré que sa technologie Millitron de teinture et de gravure crée des produits originaux bien particuliers présentant l'apparence de tapis tissé. Aucun autre producteur de tapis au monde ne fabriquait ce genre de tapis, si ce n'est sous licence directe de Milliken. Un seul fabricant canadien de tapis avait une licence d'exploitation de la technologie de Millitron; cependant, cette entreprise n'avait pas acheté le logiciel et le matériel nécessaires pour ramener sa technologie aux normes courantes. Milliken a demandé une exclusion pour le tapis produit sur machine à touffeter, fabriqué sur commande, produit selon la technologie de teinture Millitron, ainsi que pour les carpettes utilisant la même technologie.

Le témoin de H & I Carpet Corporation of Canada Ltd. (H & I) a fait valoir que les États-Unis fabriquent de nombreux genres de tapis que les fabricants canadiens sont incapables de produire. C'est essentiellement parce que l'industrie canadienne ne possède pas de matériel comme les machines à graphique de jauge 5/64 et diverses machines spéciales à touffeter. Il a dit que H & I importe de nombreux produits dont la conception est protégée par des droits d'auteur et que les usines canadiennes n'ont pas de licence pour produire. H & I a demandé des exclusions pour les produits entrant dans ces catégories.

Eraco International Trading Inc. (Eraco) a aussi demandé une exclusion pour ses importations. L'entreprise sert une clientèle qui cherche la différentiation du produit. Les produits qu'elle importe sont très particuliers, ils ne sont pas facilement disponibles chez les producteurs canadiens et ils ne sont pas en concurrence avec le tapis grand courant produit au Canada. Eraco a aussi demandé une exclusion pour un produit imprimé de fabrication belge, qui était importé des États-Unis par l'entremise du distributeur américain de l'usine belge.

Image Carpets Inc. (Image) a demandé une exclusion pour le tapis résidentiel et commercial produit de fibres de polyester extrudées de polyéthylène téréphtalate recyclé (PETP). Dans toutes les caractéristiques de rendement, ce tapis était égal à tout autre tapis de construction comparable. Image a déclaré que sa fibre n'était pas typique parce qu'elle était recyclée. Une proportion importante des matières premières venaient du Canada, ce qui contribuait à l'emploi dans l'industrie canadienne du recyclage. Image n'avait pas porté de préjudice à quelque partie et devait être exclue parce qu'un tapis semblable n'était pas produit au Canada et n'était pas substituable à un tapis de production nationale.

Robon Carpet and Manufacturing Ltd. (Robon) a demandé une exclusion pour les rebuts ou les restes de tapis produit sur machine à touffeter, ou les deux. Robon fabrique des paillassons et des carpettes liées en utilisant des matières récupérées ou des rebuts de tapis produit sur machine à touffeter, qu'elle transforme en paillassons et carpettes. Elle a dit que ses importations n'étaient pas des marchandises similaires. L'industrie du tapis a toujours vendu les matériaux de récupération et les déchets à un prix considérablement plus bas que le tapis de première qualité. Les concurrents américains de Robon achetaient des rebuts aux mêmes bas prix que Robon. Les usines ou les distributeurs canadiens, ou les deux, ne pouvaient pas ou ne voulaient pas lui fournir des quantités suffisantes de ce produit. Robon perdrait sa compétitivité si ses importations étaient assujetties à un droit antidumping. L'entreprise a demandé que le minimum de 5 m2 mentionné dans la définition des marchandises en question soit porté à 12 ou 15 m2, de façon à exclure ses importations de toutes conclusions de préjudice.

LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Les marchandises similaires

En vertu du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal doit faire enquête sur la question de savoir si le dumping de marchandises cause un préjudice sensible «à la production au Canada de marchandises similaires». Par conséquent, dans le cadre de la tâche qui consiste à déterminer l'existence d'un préjudice sensible à la production au Canada, le Tribunal doit déterminer ce que sont des marchandises similaires au sens du paragraphe 42(1) de la LMSI.

Pendant l'audience, le CRI a soulevé une question préliminaire, à savoir si la catégorie de produits de tapis produit sur machine à touffeter peut être subdivisée dans les sous-catégories suivantes en fonction de l'utilisation finale du tapis : (1) résidentiel; (2) résidentiel industriel; (3) nylon commercial; (4) polypropylène commercial; et (5) tapis de gazon artificiel.

Le Tribunal a décidé qu'il entendrait la preuve sur les cinq sous-catégories de marchandises et s'est réservé le droit de regrouper une partie ou la totalité des sous-catégories aux fins d'une décision de préjudice, selon la nature des éléments de preuve présentés au cours de l'audience. Le Tribunal a demandé au Sous-ministre de fournir des marges de dumping distinctes pour chacune de ces cinq sous-catégories de marchandises, qui sont présentées au tableau 3 du présent exposé des motifs.

Les avocats des exportateurs, des importateurs et des distributeurs n'ont pas présenté leur plaidoyer final en fonction des diverses sous-catégories, sauf dans le cas du tapis de gazon artificiel. Le Tribunal a néanmoins examiné les éléments de preuve sur la question de savoir si différentes sous-catégories de «marchandises similaires» tombent sous le coup de l'enquête.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme suit les «marchandises similaires» en ce qui a trait à d'autres marchandises :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

De l'avis du Tribunal, le tapis de chaque sous-catégorie n'est pas identique au sens de l'alinéa 42(1)a). Il faut donc examiner si l'utilisation et les autres caractéristiques du tapis de chaque catégorie sont très proches, y compris le degré de substituabilité entre tapis des différentes sous-catégories. Le Tribunal conclut que trois sous-catégories de marchandises similaires font l'objet de la présente enquête, à savoir le tapis résidentiel, le tapis commercial et le tapis de gazon artificiel, pour les raisons énoncées ci-dessous.

Le Tribunal est d'avis que l'utilisation et les caractéristiques du tapis résidentiel et du tapis résidentiel industriel sont très proches et qu'il s'agit donc de marchandises similaires. Le tapis résidentiel est généralement fait des mêmes fibres que le tapis résidentiel industriel, à savoir de nylon ou de polyester. Le tapis résidentiel et le tapis résidentiel industriel ont la même utilisation générale, à savoir celle de tapis vendu pour utilisation dans des maisons privées.

Le Tribunal est d'avis que les caractéristiques et l'utilisation des tapis résidentiel et commercial ne sont pas très proches, et qu'il ne s'agit donc pas de marchandises similaires aux fins de la présente enquête. Si le tapis commercial est généralement fait de nylon, il est aussi fait de polypropylène, qui n'est pas une fibre prédominante sur le marché résidentiel. Bien que les tapis résidentiel et commercial aient la même utilisation générique, soit celle de couvrir les planchers, leurs utilisations particulières diffèrent. Le tapis résidentiel est utilisé dans les maisons et les appartements privés, alors que le tapis commercial est destiné aux bureaux ou aux hôtels et aux institutions, comme les églises, les écoles et les hôpitaux. Tout en reconnaissant que le tapis commercial et le tapis résidentiel sont des sous-catégories distinctes de marchandises, des témoins ont dit qu'il y a un certain degré de chevauchement entre le tapis commercial et le tapis résidentiel, dans la mesure où un propriétaire-occupant peut choisir le tapis commercial pour les zones de circulation plus dense de sa maison, comme la salle familiale ou la salle de jeu. Le Tribunal conclut que, malgré l'existence d'un certain chevauchement entre le tapis commercial et le tapis résidentiel, ce chevauchement est de nature limitée.

Le Tribunal conclut que les différences entre les sous-catégories «nylon» et «polypropylène» de tapis commercial ne sont pas suffisantes pour l'amener à conclure qu'elles sont des sous-catégories distinctes de marchandises similaires. Le Tribunal conclut que les deux sous-catégories de tapis ont essentiellement la même utilisation finale et ils ne diffèrent pas assez par leurs caractéristiques physiques pour être considérés à part comme marchandises similaires.

Le Tribunal est d'avis que le tapis de gazon artificiel constitue une sous-catégorie de marchandises similaires aux fins de la présente enquête. Les caractéristiques et l'utilisation du tapis de gazon artificiel ne sont pas très proches de celles du tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter. Le gazon artificiel est fait de fils plats de polypropylène, qui sont propres au gazon artificiel et ne sauraient être comparés aux filés de filaments continus gonflants ni aux filés discontinus servant à la production de tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter. En outre, le gazon artificiel subit un traitement spécial par rayons ultraviolets (UV), qui protège contre la décoloration par l'effet du soleil. Ce traitement n'est pas appliqué au tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter. Le gazon artificiel est aussi généralement plus léger que le tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter car il est produit en poids de moins de 16 oz/v2.

Au contraire du tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter et destiné aux applications commerciales ou résidentielles, le gazon artificiel est essentiellement destiné à l'utilisation en plein air, en partie à cause du traitement par rayons UV. Il ne saurait être considéré comme un substitut du tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter, car il n'est généralement pas utilisé à l'intérieur, pas plus que le tapis d'intérieur produit sur machine à touffeter ne saurait remplacer le tapis de gazon artificiel à l'extérieur parce que la lumière du soleil le décolorerait.

La représentativité de l'industrie nationale

Ayant établi qu'il y a trois sous-catégories de marchandises similaires, le Tribunal doit déterminer si la production collective de l'ICT et de National représente une forte proportion de la production nationale totale de marchandises similaires.

L'ICT et National représentaient plus de 75 p. 100 de la production nationale de tapis produit sur machine à touffeter, y compris le gazon artificiel, en 1991. Le Tribunal est donc convaincu que l'ICT et National représentent une forte proportion de la production nationale de tapis produit sur machine à touffeter. Les éléments de preuve relatifs à la production et aux ventes des membres de l'ICT et de National révèlent que, même en fonction de chaque sous-catégorie de marchandises, l'ICT représente plus de 70 p. 100 de la production nationale du tapis commercial ou du tapis résidentiel, et que National représente plus de 80 p. 100 de la production nationale de tapis de gazon artificiel. Le Tribunal est donc convaincu que l'ICT représente une forte proportion de la production nationale de tapis commercial et de tapis résidentiel, et que National représente une forte proportion de la production nationale de gazon artificiel.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Dans son examen du marché canadien du tapis produit sur machine à touffeter, le Tribunal a analysé les tendances de la production, des importations et des prix du tapis produit sur machine à touffeter pendant la période de 1988 à 1991. De même, il a examiné les changements de la structure et des résultats financiers de l'industrie. Le tableau qui suit résume divers indicateurs économiques clés.

TABLEAU 1
Indicateurs économiques - Marché total

1988

1989

1990

1991

Marché apparent total (en millions de m2)

88,9

90,4

79,5

72,1

Part du marché de l'industrie venant de la production (%)

94

87

73

61

Part du marché de l'industrie* venant des importations des É.-U. (%)

1

2

3

8

Part du marché des importateurs venant des importations des É.-U. (%)

5

10

23

31

Part du marché des importateurs venant d'autres pays (%)

0

1

1

0

Part du marché totale venant des importations (%)

6

13

27

39

Ventes à l'exportation de l'industrie (en millions de m2)

6,8

5,9

5,1

5,0

Bénéfice net (perte nette) de l'industrie (000 $)

32 251

19 859

(11 724)

(18 841)

Utilisation de capacité de l'industrie (%)

78

73

56

44

Emploi de l'industrie

3 114

2 941

1 991

1 549

* La principale part de ces importations en 1990 et 1991 est revenue à Gesco Industries Inc. (Gesco), grand distributeur national du tapis en question, qui s'approvisionne auprès de plusieurs usines canadiennes et américaines. Gesco possède aussi une division manufacturière, Richmond, qui fournit une part relativement faible de son volume total de tapis. Comme Gesco est propriétaire de Richmond, ses importations étaient comprises dans celles des autres producteurs canadiens. Nous rediscutons de cette question dans la section Les motifs de la décision.

La demande nationale de tapis produit sur machine à touffeter a culminé aux alentours de 90 millions de mètres carrés en 1989, soit une légère augmentation par rapport à 1988. Elle a ensuite dégringolé jusqu'à 79,5 millions de mètres carrés en 1990, puis de nouveau jusqu'à 72,1 millions de mètres carrés en 1991. Au total, cela a constitué un recul de 19 p. 100 de la demande nationale.

Les ventes venant de la production nationale ont dégringolé pendant cette période, plus vite que le recul du marché. Au cours des quatre années de 1988 à 1991, la part détenue par la production nationale est passée de 94 p. 100 à 61 p. 100. Contrairement à la plupart des autres membres de l'industrie, Peerless, le plus important fabricant canadien, ainsi que Richmond et National, ont réussi à accroître légèrement leur part du marché venant de la production nationale pendant cette période, malgré une diminution de leur volume global de ventes.

La part détenue par les importations a affiché une croissance considérable aux dépens de l'industrie nationale. Une proportion limitée de cette augmentation revient à l'industrie canadienne de tapis, dont la part du marché venant des importations des États-Unis est passée d'un point de pourcentage en 1988 à huit points de pourcentage en 1991, le plus important de l'augmentation survenant en 1991. Les importations de tapis des États-Unis par des parties autres que l'industrie canadienne ont affiché une croissance spectaculaire, passant rapidement d'une part de 5 p. 100 à une part de 31 p. 100 du marché, la majeure partie de la croissance survenant en 1989 et 1990. Les importations des pays autres que les États-Unis sont demeurées négligeables tout au long de la période à l'étude.

L'effet sur l'industrie d'une part du marché rétrécie a été une rapide détérioration de ses résultats financiers, avec trois années consécutives de diminution des bénéfices ou d'augmentation des pertes. En 1988, l'industrie a fait état d'un revenu net de plus de 32 millions de dollars. En 1989, son niveau de revenu net a chuté de 38 p. 100, pour se fixer à environ 20 millions de dollars. Ce recul a été suivi en 1990 d'un repli encore plus spectaculaire de 159 p. 100, qui a mis l'industrie en situation de perte nette de près de 12 millions de dollars. La recul s'est poursuivi en 1991, avec une autre chute importante de 61 p. 100, qui a laissé l'industrie avec une perte nette consolidée d'environ 19 millions de dollars.

Autre reflet de la chute de la demande de tapis canadien produit sur machine à touffeter, les niveaux d'emploi n'ont pas cessé de fléchir tout au long de la période, passant d'environ 3 100 à 1 550 travailleurs. De même, l'utilisation de capacité de l'industrie a été presque réduite de moitié, passant d'un sommet de 78 p. 100 en 1988 à 44 p. 100 en 1991.

Il y avait 16 producteurs de tapis touffeté au Canada en 1988. Au cours des trois années suivantes, 6 producteurs ont cessé leur production, et 2 autres sont entrés sur le marché, si bien qu'il n'y avait plus que 12 entreprises pour produire les marchandises en question à la fin de 1991.

En plus de son examen du marché d'ensemble du tapis produit sur machine à touffeter, le Tribunal a examiné les segments du marché représentés par le tapis résidentiel, le tapis résidentiel industriel, le tapis commercial de nylon, le tapis commercial de polypropylène et le gazon artificiel [2] .

Le tableau suivant résume les principaux indicateurs des premiers quatre sous-marchés mentionnés ci-dessus.

TABLEAU 2
Indicateurs économiques - Sous-marchés

1988

1989

1990

1991

Résidentiel

Marché apparent (en millions de m2)

46,8

48,1

43,4

39,3

Part du marché de l'industrie venant de la production (%)

92

84

66

52

Part du marché de l'industrie venant des importations (%)

1

2

2

10

Part du marché des importateurs venant des importations des É.-U. (%)

6

13

31

38

Part du marché des importateurs venant d'autres pays (%)

0

1

1

0

Part du marché totale venant des importations (%)

8

16

34

48

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (000 $)

43 706

42 139

27 956

19 712

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (%)

23

22

17

16

Résidentiel industriel

Marché apparent (en millions de m2)

12,2

13,9

11,2

9,8

Part du marché de l'industrie venant de la production (%)

93

88

77

66

Part du marché de l'industrie venant des importations (%)

0

1

3

5

Part du marché des importateurs venant des importations des É.-U. (%)

6

10

20

29

Part du marché des importateurs venant d'autres pays (%)

0

1

1

0

Part du marché totale venant des importations (%)

7

12

23

34

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (000 $)

19 222

18 175

13 131

7 474

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (%)

18

18

15

13

Nylon commercial

Marché apparent (en millions de m2)

15,8

16,8

15,2

13,2

Part du marché de l'industrie venant de la production (%)

95

91

83

78

Part du marché de l'industrie venant des importations (%)

1

1

2

1

Part du marché des importateurs venant des importations des É.-U. (%)

4

7

15

20

Part du marché des importateurs venant d'autres pays (%)

0

1

0

0

Part du marché totale venant des importations (%)

5

9

17

22

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (000 $)

29 390

28 848

21 819

18 750

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (%)

25

24

19

19

Polypropylène commercial

Marché apparent (en millions de m2)

14,1

11,7

9,7

9,8

Part du marché de l'industrie venant de la production (%)

98

93

84

69

Part du marché de l'industrie venant des importations (%)

0

2

8

14

Part du marché des importateurs venant des importations des É.-U. (%)

2

4

8

17

Part du marché des importateurs venant d'autres pays (%)

0

0

0

0

Part du marché totale venant des importations (%)

2

7

16

31

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (000 $)

13 322

12 946

9 052

6 942

Marge brute de l'industrie sur les ventes nationales venant de la production (%)

21

22

19

19

En 1991, le sous-marché résidentiel constituait environ 55 p. 100 du marché total du tapis produit sur machine à touffeter. Au total, la récession a affecté ce segment du marché un peu moins sévèrement que l'ensemble du marché du tapis, les ventes totales ayant chuté d'environ 16 p. 100 au cours de la période de quatre ans. La part de ce segment du marché détenue par les producteurs nationaux de tapis est passée de 92 p. 100 en 1988 à 52 p. 100 en 1991.

Au niveau de la marge brute, les résultats financiers de l'industrie dans ce segment du marché ont accusé un recul constant, passant d'environ 23 p. 100 en 1988-1989 à quelque 16 p. 100 en 1990-1991.

Le sous-marché résidentiel industriel représentait environ 14 p. 100 du marché total en 1991. Ce segment du marché a augmenté de 14 p. 100 en 1989 avant de s'effondrer, en perdant 30 p. 100 au cours des deux années suivantes. De 1988 à 1991, la part du marché détenue par les ventes venant de la production nationale a reculé de 27 points de pourcentage.

La tendance des résultats financiers au niveau du bénéfice brut dans ce segment a été semblable à celle du segment résidentiel, se tenant dans les 18 p. 100 en 1988 et 1989, puis tombant à environ 13 p. 100 en 1991.

Le Tribunal a examiné le sous-marché commercial dans ses segments de nylon et de polypropylène. En 1991, ces segments représentaient environ 18 p. 100 et 14 p. 100, respectivement, du marché total. La demande apparente du nylon a augmenté de 6 p. 100 en 1989, puis reculé de 21 p. 100 au cours des deux années suivantes. La part détenue par les membres de l'industrie a chuté de 17 points de pourcentage entre 1988 et 1991. La demande apparente du polypropylène a affiché un recul au cours de la période entière, perdant 31 p. 100 sur quatre ans. La part détenue par les ventes de tapis de production nationale a diminué de 29 points de pourcentage au cours de la même période.

Au niveau du bénéfice brut, les deux segments du sous-marché commercial ont affiché des résultats semblables, avec des marges brutes dans les 21 p. 100 à 25 p. 100 en 1988-1989, tombant à 19 p. 100 en 1990-1991.

En 1991, le sous-marché du tapis de gazon artificiel représentait 5 p. 100 du marché total du tapis produit sur machine à touffeter en question. Ce genre de tapis se vend essentiellement pour utilisation à l'extérieur, sur les marchés résidentiel et commercial. En 1988 et 1989, les producteurs nationaux avaient près de la totalité des ventes du marché national du gazon artificiel. En 1990, les importations des États-Unis ont monté en flèche, prenant 10 points de pourcentage aux producteurs canadiens. En 1991, ces importations ont accaparé encore 28 points de pourcentage de part du marché, tous aux dépens de la production canadienne.

Revenu Canada a examiné les importations de tapis en provenance de 61 exportateurs américains. Pendant la période d'étude de Revenu Canada, du 1er janvier 1991 au 31 mars 1991, ces exportateurs ont expédié au Canada 4,6 millions de mètres carrés des marchandises en question. Sur ces exportations, 61 p. 100 étaient sous-évaluées selon la décision définitive de dumping. Les marges de dumping par exportateur se situaient entre 1,9 p. 100 et 51,3 p. 100, la moyenne pondérée de dumping étant de 11,97 p. 100.

À la demande du Tribunal, Revenu Canada a établi les marges moyennes pondérées totales de dumping pour chacun des segments de marché, selon le tableau qui suit :

TABLEAU 3
Marges de dumping par segment de marché

Segment de marché

Volume de marchandises sous-évaluées
%

Marge de dumping
%

Résidentiel

60

10,91

Résidentiel industriel

68

11,20

Nylon commercial

61

14,19

Polypropylène commercial

61

11,87

Gazon artificiel

47

7,29

LES MOTIFS DE LA DÉCISION : LES SEGMENTS DES MARCHÉS RÉSIDENTIEL ET COMMERCIAL

En vertu de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal est tenu d'établir si les importations sous-évaluées des marchandises en question ont causé, causent ou sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Cette décision se divise en un examen de deux questions. D'abord, si les éléments de preuve établissent que les producteurs canadiens ont subi un préjudice sensible. En second lieu, si les éléments de preuve établissent un lien de cause à effet entre le préjudice sensible et les importations sous-évaluées.

Le Tribunal a conclu qu'il y a trois sous-catégories de marchandises similaires dans cette cause. Bien que les parties aient produit des éléments de preuve au cours de l'audience qui ont aidé le Tribunal à distinguer entre les trois sous-catégories, à l'exception de l'avocat représentant un producteur américain de tapis de gazon artificiel, aucune des parties n'a fait de distinction entre les sous-catégories de marchandises dans son plaidoyer sur les questions de préjudice sensible et de causalité.

Cependant, le Tribunal a examiné les effets du dumping sur chacune des trois sous-catégories de marchandises. Le Tribunal conclut que, pour ce qui est du préjudice sensible, les marges de dumping et les indicateurs de performance de l'industrie pour les sous-catégories du tapis résidentiel et du tapis commercial, comme on le voit aux tableaux 2 et 3, reflètent des tendances et des ordres de grandeur qui sont en parallèle avec le tapis produit sur machine à touffeter, pris dans son ensemble. Pour ce qui est du lien de cause à effet entre le préjudice sensible et les importations sous-évaluées, les questions qui se posent dans le cas présent s'appliquent à chaque sous-catégorie de marchandises similaires. Par conséquent, sauf indication contraire, l'analyse suivante du Tribunal traite des questions de préjudice sensible et de causalité pour l'ensemble du tapis produit sur machine à touffeter.

Le préjudice sensible

Les renseignements fournis en réponse aux questionnaires du Tribunal et les éléments de preuve produits à l'audience ont permis au Tribunal d'examiner la gamme des facteurs qui donnent une indication du préjudice pour l'industrie canadienne.

Le Tribunal observe que la période de 1988 à 1991 a été une époque de changement spectaculaire pour l'industrie canadienne du tapis. La demande de tapis produit sur machine à touffeter est liée de près aux cycles de la construction résidentielle et commerciale. En 1988 et 1989, des taux élevés d'activité de construction dans les secteurs résidentiel et commercial ont propulsé à environ 90 millions de mètres carrés la demande nationale du tapis en question. Selon les données fournies par l'ICT, cela représentait un sommet sans précédent. Ces niveaux record de demande des consommateurs ont donné lieu à des niveaux correspondants sans précédent de production et de ventes pour l'industrie nationale. Comme l'indique le tableau 1, cela s'est traduit en un vigoureux bénéfice pour l'ensemble de l'industrie en 1988. L'industrie est demeurée rentable en 1989, bien qu'à des niveaux plus faibles qu'en 1988.

Sur les deux années suivantes, l'industrie a subi d'importantes pertes financières et la production nationale n'était plus, en 1991, qu'un peu plus de la moitié de ce qu'elle avait été en 1988. De fait, selon les données de l'ICT, le volume des expéditions nationales de 1991 était d'environ 10 p. 100 inférieur au niveau observé pendant la grave récession de 1982. De même, l'emploi et l'utilisation de capacité des usines pendant la période quadriennale observée ont chuté de façon marquée.

Personne ne conteste, dans cette cause, que l'un des facteurs qui ont causé ce retournement de situation pour l'industrie nationale est la récession qui a frappé le Canada en 1990. Le nombre de logements mis en chantier et l'activité de construction commerciale sont tombés, provoquant une dégringolade du volume de la demande de tapis produit sur machine à touffeter en 1990 et 1991. À la fin de 1991, le marché s'était contracté à environ 72 millions de mètres carrés, soit 19 p. 100 de moins que le niveau de 1988, comme l'indique le tableau 1.

Cependant, la chute de la production et des volumes de ventes de l'industrie nationale va bien au-delà de ce qu'on peut attribuer au rétrécissement du marché sous l'effet de la récession. Cela se voit facilement lorsqu'on examine ce qui est arrivé à la part du marché national revenant à l'industrie entre 1988 et 1991. En 1988, la production des usines canadiennes répondait à 94 p. 100 de la demande nationale. Les importations en provenance d'usines américaines représentaient les 6 p. 100 restants du marché. Selon les données de l'ICT, ce profil de part du marché reflétait dans les grandes lignes la participation traditionnelle des importations des États-Unis au Canada du tapis produit sur machine à touffeter depuis le début des années 70.

À la fin de 1989, le partage traditionnel de la part du marché était chose du passé. Les importations de tapis américain produit sur machine à touffeter ont fait une montée, étant plus du double du volume de ventes et de la part du marché observés en 1988. La contraction du marché qui s'est amorcée en 1990 n'a pas su ralentir cette poussée des importations des États-Unis, les ventes et les niveaux de part du marché de 1989 doublant encore une fois en 1990. Avec l'approfondissement de la récession en 1991, les ventes de tapis des États-Unis ont continué leur progression, tant en chiffres absolus qu'en pourcentage du marché en déclin. En tout et pour tout, de 1988 à 1991, le volume de ventes des importations des États-Unis au Canada a augmenté d'environ 400 p. 100, la part américaine du marché canadien réalisant une progression phénoménale qui l'a propulsée de 6 p. 100 à 39 p. 100. Cette progression de 33 points de pourcentage de la part des marchandises américaines a ramené la part des marchandises de production nationale de 94 p. 100 en 1988 à 61 p. 100 en 1991. Pour illustrer les effets de ce repli, si les parts du Canada et des États-Unis étaient restées aux niveaux de 1988, les ventes de la production canadienne auraient été d'environ 23 millions de mètres carrés plus élevées que ce qu'elles ont effectivement été sur le marché de 1991 ralenti par la récession.

Dans l'examen de la question du préjudice sensible, il faut aussi tenir compte des effets des changements de composition de l'industrie nationale au cours des quatre dernières années. Au début de la période en 1988, l'industrie comptait 16 entreprises. À la fin de 1991, 6 de ces entreprises avaient disparu, victimes de fermetures d'usines ou de fusions. Deux autres entreprises avaient été mises sous séquestre, mais elles se sont par la suite réorganisées et sont maintenant en exploitation. Les 6 usines qui ont fermé leurs portes représentaient, en 1988, environ 28 p. 100 des ventes de la production canadienne et à peu près 26 p. 100 du marché total. Au cours de la période de quatre ans, 2 nouvelles petites usines ont ouvert leurs portes, mais leur impact sur le marché a été limité.

Le Tribunal a entendu plusieurs explications pour cette attrition de l'industrie canadienne, notamment les facteurs de compétitivité externe, comme ceux qui découlent des importations sous-évaluées des États-Unis, les questions touchant les problèmes internes d'exploitation ou de gestion et la rationalisation de l'industrie par suite de l'ACCEU. De l'avis du Tribunal, tous ces facteurs ont joué un rôle dans les changements survenus. Cependant, il demeure qu'un grand nombre des clients canadiens, jadis approvisionnés par les usines qui ont fermé leurs portes, ont dû établir de nouvelles relations avec d'autres sources d'approvisionnement. Les éléments de preuve révèlent que la part du marché représentée par cet important bassin de commerce est allée entièrement aux usines américaines. De fait, la restructuration qui a eu lieu a ouvert un grand créneau que les usines américaines se sont empressées d'occuper.

Il s'agissait d'affaires que les usines canadiennes existantes ont tenté, et avaient la capacité, de s'approprier. De fait, malgré les fermetures, les usines canadiennes n'ont perdu qu'une faible part de leur capacité de production combinée entre 1988 et 1991 et sont demeurées, tout au long de la période, capables de répondre à la demande canadienne. En outre, le matériel des usines qui ont fermé leurs portes a été spécifiquement acquis, dans certains cas, par les usines existantes en prévision de la prise en charge des anciens clients des usines en cessation d'activité. On a aussi fait d'importants investissements pour acquérir de la part du marché, comme dans le cas de la prise de contrôle de Barrymore par Peerless en 1990. Malgré le gros investissement consenti, la part du marché de Peerless après l'acquisition n'a augmenté que d'une fraction de ce que le chiffre d'affaires de Barrymore avait représenté.

Les importations des États-Unis ont non seulement pris la part du marché détenue par les six usines qui ont fermé leurs portes, mais elles ont aussi enlevé une part du marché aux autres entreprises. Plus particulièrement, les 10 producteurs canadiens de tapis, qui étaient en exploitation en 1988, et qui le sont encore, ont vu leurs ventes de la production nationale diminuer d'environ 36 p. 100. C'était presque le double du pourcentage de diminution du marché sous l'effet de la récession. Par conséquent, la part des ventes de la production nationale allant à ces 10 entreprises est passée de 68 p. 100 du marché en 1988 à 53 p. 100 en 1991.

Un autre facteur à prendre en compte dans l'évaluation du recul de la performance de l'industrie, pendant la période 1988-1991, est l'augmentation des importations de tapis américain par les usines canadiennes et leurs branches de distribution reliées. Sur la période de quatre ans, les ventes de tapis américain par l'industrie canadienne sont passées de 1 p. 100 du marché en 1988 à 8 p. 100 en 1991. La partie la plus considérable de l'augmentation est attribuable à l'accroissement des importations de Gesco, dont Richmond est une division. Cependant, une autre division de Gesco, G.E. Shnier Co., est l'un des plus gros distributeurs de couvre-planchers au Canada et rapporte à Gesco la majorité de ses recettes. De l'avis du Tribunal, les activités d'importation de Gesco peuvent s'expliquer, dans une large mesure, par les besoins et les intérêts compétitifs de sa division de distribution. Sur ce plan, Gesco est dans une situation tout à fait particulière parmi les producteurs canadiens.

Une autre proportion importante de l'augmentation des importations des États-Unis est attribuable à une usine de tapis canadienne, Coronet Carpets Inc., qui n'est pas membre de l'ICT. Presque toutes les autres augmentations relativement faibles des importations des États-Unis sont attribuables à Peerless et à Soreltex. Ces entreprises ont l'une et l'autre acquis des usines américaines pendant la période à l'étude. De l'avis du Tribunal, l'augmentation de leurs ventes de tapis américain reflète manifestement une certaine rationalisation naturelle de la commercialisation et de la production entre leurs opérations canadiennes et américaines, et un désir de maintenir leur part du marché au Canada face à une vive concurrence venant des usines sous propriété et contrôle américains.

Rien n'indique que les usines canadiennes importaient des marchandises américaines dans le cadre d'une stratégie visant à réduire leur production canadienne. De toute façon, les importations de marchandises américaines par les usines canadiennes ne représentent qu'une partie de leur perte de part du marché. Plus particulièrement, lorsqu'on ajoute les ventes des importations aux ventes de la production nationale, la part du marché canadien des 10 sociétés qui restent accuse toujours un recul considérable entre 1988 et 1991 (de 69 p. 100 à 61 p. 100).

En bref, le Tribunal conclut qu'il y a eu une augmentation importante de la part du marché des importations pendant la période à l'étude. La perte correspondante de la part du marché subie par les producteurs nationaux depuis 1989 a donné lieu à une importante sous-utilisation de la capacité de production nationale et à de grandes réductions d'emploi. Les faibles niveaux de production ont eu tendance à faire monter les coûts unitaires, les coûts fixes devant être répartis sur une base de production à la baisse. C'est un problème particulièrement aigu dans une industrie de capital à coûts fixes élevés, comme celle du tapis. La combinaison de niveaux de production inefficients et de chutes de prix a comprimé les marges de l'industrie, ce qui a provoqué des pertes considérables et de plus en plus grandes pour l'industrie au cours des deux dernières années. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l'augmentation considérable des importations des États-Unis depuis 1989 a causé et cause un préjudice sensible aux producteurs nationaux. Le Tribunal conclut que l'industrie a subi un préjudice sensible en ce qui a trait aux sous-catégories du tapis résidentiel et du tapis commercial, comme il ressort des renseignements fournis à la rubrique Indicateurs économiques.

La causalité

Le Tribunal doit ensuite examiner s'il y a un lien de cause à effet entre le préjudice sensible subi par les producteurs canadiens de marchandises similaires et les importations sous-évaluées. Le paragraphe 4, article 3, du Code [3] (et la note de bas de page 5) traite en ces termes de la question de causalité :

Il doit être démontré que les importations faisant l'objet d'un dumping causent, par les effets... du dumping, un préjudice au sens où l'entend le présent code. Il pourra y avoir d'autres éléments5 qui, au même moment, causent un préjudice à la branche de production, et les préjudices causés par ces autres éléments ne doivent pas être imputés aux importations faisant l'objet d'un dumping.

5. Ces éléments comprennent entre autres le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l'évolution des techniques ainsi que les résultats à l'exportation et la productivité de la branche de production nationale.

La disposition ci-dessus du Code exige que les importations sous-évaluées causent un préjudice sensible. Les importations sous-évaluées n'ont pas à être la «seule cause» de préjudice sensible. Le Code oblige l'autorité d'enquête à procéder à un examen objectif des facteurs économiques pertinents; à distinguer entre les importations sous-évaluées et les autres facteurs qui peuvent causer un préjudice sensible; et à veiller à ce que le préjudice causé par les autres facteurs ne soit pas attribué aux importations sous-évaluées.

Après avoir étudié les éléments de preuve dans cette cause, le Tribunal conclut que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis ont été, et sont, cause de préjudice sensible à l'industrie nationale. De l'avis du Tribunal, le dumping a contribué à l'augmentation importante des importations des États-Unis, à la grave perte de part du marché pour l'industrie nationale, à l'érosion et à la compression des prix nationaux, et aux diminutions sensibles conséquentes de tous les indicateurs de performance de l'industrie. Cette conclusion ne permet pas de nier que le dumping fait partie d'une série de facteurs dont la combinaison, dans ce cas, porte un préjudice à l'industrie nationale. L'évaluation que le Tribunal a faite de ces divers facteurs, dont le dumping, est exposée ci-après.

Une des raisons par lesquelles les exportateurs américains et les importateurs et distributeurs canadiens expliquent la poussée des importations des États-Unis après 1988 est que l'industrie du tapis était une industrie de la mode et que les usines américaines étaient des chefs de file dans le domaine de la mode. Des témoins ont affirmé que les usines américaines offraient plus de styles, de conceptions et de couleurs que les usines canadiennes. Ils ont déclaré que le prix n'était qu'un facteur parmi bien d'autres à prendre en compte, et qu'il n'était pas le plus important dans leur décision d'acheter des produits américains.

Les considérations de style ont sans aucun doute joué un rôle dans de nombreuses décisions d'achat au cours des quatre dernières années. Cependant, le Tribunal n'est pas persuadé que ce facteur a joué un rôle principal dans la poussée des importations des États-Unis. Les usines américaines avaient déjà la capacité d'offrir une plus vaste gamme de produits avant 1989, à l'époque où les importations de tapis des États-Unis ont commencé à croître rapidement. Jusqu'en 1988, le tapis canadien satisfaisait aux goûts de la vaste majorité des clients canadiens. En outre, il n'y a aucun motif de croire que le tapis canadien ait tout à coup perdu son attrait après 1988. De fait, les témoins de Sears Canada Inc. (Sears) et d'Alexanian Carpet ont témoigné que le tapis de production canadienne a répondu et continue de répondre aux besoins des consommateurs canadiens en terme de mode et de style.

Les usines canadiennes de tapis ont peut-être un peu tardé à lancer de nouveaux styles, comme les tapis de Saxe et les berbères texturés, et à lancer des fibres de marque comme la «Stainmaster» de Dupont. Par exemple, des témoins de l'industrie canadienne ont reconnu que la fibre «Stainmaster» était disponible au printemps de 1987, environ six mois après que ce genre de fibre eut été disponible aux États-Unis. Cependant, dans la plupart des cas, ces styles et nouvelles fibres, ou leurs équivalents, étaient soit disponibles auprès des usines canadiennes en 1988 ou peu après. Par conséquent, de l'avis du Tribunal, ces considérations n'expliquent pas l'augmentation importante des importations des États-Unis.

Plusieurs distributeurs et vendeurs canadiens ont attribué l'augmentation considérable des importations des États-Unis à certaines pratiques et à certains programmes de commercialisation des usines canadiennes. Ils ont déclaré que, depuis le début des années 80, certaines usines canadiennes importantes ont commencé à orienter leur principe de commercialisation vers la distribution directe de leurs propres étiquettes maison par le truchement de centres de distribution leur appartenant. À l'heure actuelle, c'est la formule qu'ont retenue toutes les grandes usines canadiennes pour vendre leurs produits sous étiquette de marque, à l'exception de Kraus et de Soreltex. Résultat de cette réorientation, les distributeurs indépendants ont déclaré qu'ils ont été effectivement exclus de la distribution des étiquettes des usines canadiennes. Les usines canadiennes ont continué de leur offrir du tapis sans étiquette auxquels ils pouvaient apposer leur propre étiquette de distributeur privé. Cependant, cela ne leur donnait pas la différentiation du produit et la reconnaissance du marché que seules rendent possibles les accords exclusifs de distribution avec des usines pour leurs étiquettes maison. Comme ils pouvaient l'obtenir des usines américaines, de nombreux distributeurs et vendeurs se sont tournés vers ces sources d'approvisionnement.

Plusieurs témoins ont cité le programme de commercialisation appelé «Fashion Showplace», mis sur pied par Peerless, au milieu des années 80, comme exemple de la façon dont les usines canadiennes ont aliéné les distributeurs et les vendeurs. En vertu de ce programme, Peerless a réduit considérablement un vaste réseau de vendeurs, en réservant à un nombre limité de ses anciens vendeurs les droits exclusifs de vendre ses produits sous étiquette d'usine.

Une autre raison par laquelle certains distributeurs et vendeurs expliquent leur préférence pour l'achat aux usines américaines est que les usines américaines n'ont pas de limite minimale de commande. Ainsi, les usines américaines étaient disposées à vendre aux acheteurs canadiens, sans prime, des quantités d'un seul rouleau d'une couleur à écoulement lent, ou même un morceau d'un rouleau. Par contraste, pour obtenir le meilleur prix des usines canadiennes, il fallait dans certains cas acheter plusieurs rouleaux. Pour les produits difficiles à écouler, l'acheteur s'en voyait imposer un coût et un fardeau d'inventaire qu'il pouvait éviter en achetant à une usine américaine.

Le Tribunal ne doute pas que les différences de pratiques de commercialisation ont contribué, jusqu'à un certain point, à un déplacement vers les États-Unis des sources d'approvisionnement, bien qu'il ne soit pas persuadé, encore une fois, que ces facteurs sont responsables au premier chef de la montée des importations des États-Unis. Comme pour les facteurs de mode, ces questions de commercialisation et de service étaient présentes sur le marché avant 1988 ou 1989. Par exemple, les usines américaines offraient déjà l'exclusivité et le service des petites commandes, et les centres de distribution appartenant aux usines canadiennes étaient en place depuis de nombreuses années. Des témoins de l'industrie canadienne ont aussi témoigné que les prix de commandes minimales étaient négociables et que ces exigences avaient été adoucies depuis quelques années.

Le Tribunal observe que le programme «Fashion Showplace» de Peerless était presque entièrement en vigueur à l'échelle nationale en 1989. Bien qu'il ait sensiblement réduit le nombre de points de vente de vendeurs de Peerless, le programme semble avoir réussi à augmenter les ventes de Peerless dans les régions où il a été mis en oeuvre, au moins jusqu'en 1989, année où les importations de tapis des États-Unis ont amorcé leur montée rapide. Le Tribunal note, en outre, que le programme «Fashion Showplace» a donné justement l'exclusivité que les distributeurs et vendeurs canadiens réclamaient aux usines canadiennes. D'autres usines canadiennes, comme Harding et Kraus, offrent aussi des programmes d'exclusivité, chacune selon ses modalités et conditions propres.

Le Tribunal a recueilli de nombreux éléments de preuve de plusieurs témoins au sujet de la compétitivité-coût relative des usines canadiennes et américaines et du rôle que cela a pu jouer dans la pénétration rapide du marché canadien par les États-Unis à partir de 1989. L'essence de ces éléments de preuve se reflète dans le témoignage d'un expert-conseil en tapis, basé en Georgie, M. Frank Wilson, que les avocats des exportateurs américains ont fait citer à comparaître pour parler d'un certain nombre d'études de compétitivité-coût qu'il avait réalisées sur certaines usines canadiennes et américaines. Selon M. Wilson, les usines américaines étaient plus efficientes que les usines canadiennes, particulièrement dans les marchandises de bas de gamme, essentiellement parce que les usines américaines pouvaient réaliser de bien plus grandes économies d'échelle. Les usines américaines ont aussi réalisé des avantages-coûts parce qu'elles étaient plus intégrées verticalement que les usines canadiennes, qu'elles exploitaient leurs propres usines de fils, leur propre matériel d'extrusion et leurs propres installations de pose de supports de tapis. M. Wilson a aussi mentionné que les coûts de main-d'oeuvre étaient plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, tout comme les coûts des matières premières comme les fibres, les fils et le latex. À son avis, le désavantage du coût des matières premières était un obstacle concurrentiel particulièrement difficile, étant donné l'intensité en coût des matières premières dans la fabrication du tapis.

Le Tribunal observe qu'en 1991 le marché américain du tapis produit sur machine à touffeter était d'environ 1,1 milliard de mètres carrés, soit 15 fois plus grand que le marché canadien. Sur un marché de cette ampleur, certaines usines américaines arrivent à réaliser d'énormes économies d'échelle. Le Tribunal a entendu des éléments de preuve selon lesquels des usines américaines comme Shaw et Queen ont consacré des usines entières à l'exploitation d'un seul système de production de fils, fonctionnant 24 heures par jour, 7 jours par semaine. C'est sur cette toile de fond que le Tribunal a examiné les éléments de preuve sur la compétitivité-coût des usines américaines. Le repère pour les évaluations de M. Wilson est une usine modèle reflétant les normes les plus élevées d'efficience dans l'industrie américaine du tapis. Selon M. Wilson, seuls les 25 p. 100 d'usines américaines constituant le groupe de tête peuvent atteindre ou surpasser la norme fixée par ce modèle. Le Tribunal, par conséquent, ne s'étonne pas que de nombreuses usines canadiennes ne puissent répondre à cette norme.

Le Tribunal note également que M. Wilson a une connaissance plus intime et plus actuelle de l'industrie canadienne pour ce qui est des usines canadiennes à coûts plus élevés et à prix supérieurs comme Harding et Crossley. M. Wilson n'a pas fait d'études sur des usines comme Kraus, Richmond et Venture et n'a fait qu'un examen limité de Peerless, au cours des dernières années, dans le cadre d'une étude axée sur la filiale américaine de Peerless, Galaxy Carpet Mills. Le Tribunal est convaincu que les différences de performance observées dans la comparaison des usines canadiennes à coûts plus élevés par rapport aux principales usines américaines seraient sans doute rétrécies si la comparaison était faite avec les usines canadiennes les plus efficientes. De l'avis du Tribunal, les avantages-coûts ne seraient pas aussi marqués si la norme appliquée reflétait les efficiences des usines américaines moyennes plutôt que celles des meilleures usines américaines. Ce ne sont pas seulement les usines les plus grandes et les plus efficientes comme Shaw et Queen qui exportent au Canada. Les usines canadiennes font concurrence à une vaste gamme de producteurs américains représentant plus de 60 usines américaines, selon la décision définitive de dumping du Sous-ministre.

En plus des questions de coût précitées, les éléments de preuve indiquent que la déréglementation de l'industrie américaine du camionnage, au début des années 80, a permis aux exportateurs américains d'expédier vers des destinations canadiennes à des tarifs très concurrentiels. Par exemple, Queen a dit qu'elle pouvait expédier du tapis de Dalton (Georgie) à Toronto ou à Montréal pour un peu plus seulement qu'il n'en coûte pour une expédition de Montréal à Toronto, même si la distance dans le cas de Dalton est à peu près trois fois plus grande.

Néanmoins, le Tribunal ne voit rien qui prouve que, dans les années précédant 1989, il y a eu de grands changements qui ont modifié les avantages de coût de fabrication, de transport et de matières premières ainsi que d'autres avantages de coût dont jouissaient, à l'époque, certaines usines américaines. Les tarifs courants, à 20 p. 100 dans les années qui ont précédé 1989, ont eu tendance à neutraliser ces avantages, en tout ou en partie, en augmentant le coût débarqué au Canada des marchandises américaines. La faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain a aussi assuré une certaine protection en augmentant le prix de vente canadien des marchandises américaines exportées au Canada. Bien que le dollar canadien fût encore relativement faible au début de 1988, il avait tendance à se raffermir depuis 1986. Cette tendance s'est accélérée jusqu'en 1988 et, en janvier 1989, la protection jusque-là accordée par les différences de taux de change n'existait pour ainsi dire plus.

De l'avis du Tribunal, il fallait s'attendre que les importations de tapis des États-Unis commencent à croître en 1989, première année de l'ACCEU. L'ACCEU a ravivé l'intérêt des usines américaines pour le marché canadien. Il était apparent que, compte tenu de leurs économies d'échelle et de leurs autres avantages-coûts, les usines américaines seraient très compétitives sur le marché canadien, la protection du tarif de 20 p. 100 étant progressivement éliminée sur une période de 10 ans en vertu de l'ACCEU. Le Tribunal considère que c'est essentiellement cet événement qui a modifié l'équilibre existant auparavant dans le commerce du tapis entre le Canada et les États-Unis. Ce point de vue du Tribunal est renforcé par les éléments de preuve indiquant que, en de nombreuses occasions depuis 1989, les principaux chefs d'entreprises de l'industrie canadienne du tapis ont exprimé des vues plus ou moins semblables dans leurs déclarations aux actionnaires, leurs études de l'industrie et leurs communiqués.

Le Tribunal est d'avis que la «poussée» attribuable aux réductions de tarifs en vertu de l'ACCEU a été amplifiée par le raffermissement continu du dollar canadien par rapport à la devise américaine. Entre janvier 1988 et décembre 1991, le dollar canadien a augmenté d'environ 12 p. 100 en moyenne par rapport au dollar américain, atteignant, après la mise en oeuvre de l'ACCEU, des sommets jamais vus en 15 ans. Cela a eu un effet équivalant à une réduction beaucoup plus rapide de la protection tarifaire que ce que prévoyait l'ACCEU.

Le Tribunal a étudié les listes de prix internes fournies par Queen. Elles illustrent l'effet que les baisses de tarifs et les taux de change ont eu sur le prix du tapis américain vendu au Canada. Ces listes indiquent que le prix du tapis américain a généralement augmenté sur le marché des États-Unis entre juillet 1989 et janvier 1991. Cependant, si l'on convertit ces prix américains en équivalent de dollars canadiens, on voit que le tapis du même numéro de style qui est vendu aux États-Unis ainsi qu'exporté au Canada affiche une diminution considérable de prix. Cette preuve explique pourquoi les dirigeants de l'industrie canadienne du tapis n'ont pas cessé de signaler, depuis trois ans, les effets compétitifs combinés de l'ACCEU et du dollar comme cause d'un sérieux problème.

Le Tribunal a entendu certains témoins dire que le prix n'était pas un facteur jouant dans leurs décisions d'acheter des marchandises américaines. Le Tribunal observe que la partie haut de gamme du marché n'est peut-être pas aussi sensible au prix que la partie bas de gamme. Cependant, les témoins des deux parties opposées dans cette cause ont dit qu'une importante proportion du marché est formée de tapis de type marchandises où le prix est la principale, sinon l'unique, considération. En outre, même dans la partie milieu à haut de gamme du marché, comme l'a fait valoir le témoin du Tribunal de chez Sears, en période de récession, le prix prend une importance nouvelle pour les consommateurs. De fait, une récente enquête nationale sur les achats de tapis par les ménages américains (élément de preuve soumis par Shaw) révèle que, si le prix n'est qu'un des divers facteurs qui déterminent la décision d'achat, la plupart des consommateurs n'achètent du tapis qu'en solde.

La période de l'enquête du Sous-ministre dans cette cause a visé les exportations des États-Unis vers le Canada entre le 1er janvier et le 31 mars 1991. Les témoins de l'industrie américaine ont avancé que cette période de trois mois a été l'un des pires trimestres de l'histoire de l'industrie américaine du tapis. La demande nationale américaine a dégringolé d'environ 20 p. 100 par rapport au trimestre précédent, la récession et la guerre du Golfe ayant ébranlé sérieusement la confiance des consommateurs. Cela a intensifié la concurrence nationale entre usines américaines et augmenté l'importance des marchés d'exportation comme moyen de maintenir des niveaux efficients d'utilisation de capacité. Bien que le marché se soit quelque peu amélioré pendant les trimestres subséquents, la demande pour l'ensemble de 1991 a chuté de 5 p. 100 par rapport à 1990, et même les usines américaines les plus efficientes n'ont connu qu'une légère rentabilité pendant l'année.

Le Tribunal note que, face à un faible marché national, et malgré les piètres conditions du marché au Canada, les exportations des États-Unis vers le Canada ont continué de monter. Le Tribunal est convaincu que, n'eût été du dumping, les importations des marchandises en question en provenance des États-Unis n'auraient pas envahi autant ni aussi rapidement le marché canadien. Le Tribunal conclut que le volume de marchandises sous-évaluées et les marges de dumping sont considérables. La marge de dumping moyenne pondérée de près de 12 p. 100 est égale au pourcentage de variation de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain au cours des quatre dernières années.

Le Tribunal est convaincu que, bien que les diminutions de tarifs liées à l'ACCEU et la vigueur du dollar canadien aient amélioré la compétitivité des usines américaines exportant au Canada, le dumping est une cause de préjudice sensible à l'industrie nationale. Le dumping a aussi réduit le temps requis par l'industrie canadienne pour effectuer les ajustements nécessaires afin de soutenir une concurrence efficace dans le contexte de libre-échange nord-américain. En outre, en faisant baisser les prix et les ventes de l'industrie, le dumping a entravé la capacité de l'industrie de financer les investissements en usines et en technologie qu'elle doit faire pour demeurer concurrentielle. Les éléments de preuve révèlent que, tout au long des années 80, les usines canadiennes ont investi des fonds importants dans la modernisation et pris les mesures pour améliorer leur compétitivité-coût par des investissements visant à augmenter les taux de productivité du travail. En outre, au cours des trois dernières années, le coût des matières premières a diminué considérablement dans le cas de certaines usines canadiennes. Le dumping a eu tendance à neutraliser ces réductions de coûts et à maintenir les avantages-coûts des États-Unis.

Le Tribunal a examiné avec soin l'effort que l'industrie a fait pour illustrer les effets du dumping en identifiant une bonne centaine de ses clients pour qui elle a perdu des ventes ou elle a dû réduire ses prix à cause du dumping. Ce faisant, chaque usine canadienne qui a participé aux travaux du Tribunal a identifié non seulement les clients où ses ventes ont été touchées, mais aussi l'usine ou les usines américaines avec lesquelles elle estimait être en concurrence pour ce client. Les avocats des exportateurs ont pu fournir de nombreux exemples où l'industrie s'est trompée en identifiant ses clients qui avaient pratiqué le dumping de marchandises auprès du client identifié. Ainsi, Shaw et Queen ont été les deux usines les plus souvent mentionnées comme source des marchandises sous-évaluées. Et pourtant, dans bien des cas, la preuve a révélé que leurs ventes aux clients indiqués n'étaient pas du dumping. Dans plusieurs cas où Shaw et Queen avaient fait des ventes, les faits ont démontré que les prix non sous-évalués étaient plus faibles que les prix pratiqués par les usines canadiennes pour des marchandises équivalentes. Dans d'autres cas, il est ressorti que Shaw et Queen n'avaient pas vendu de marchandises au client identifié pendant la période de l'enquête de janvier à mars 1991. En outre, dans certains cas, elles n'avaient vendu de marchandises à ces clients ni avant ni après la période de l'enquête.

Le Tribunal reconnaît que l'industrie a eu de la difficulté à établir la source exacte du dumping à l'égard d'un grand nombre de ses clients perdus. Le Tribunal est convaincu que cela s'explique, en partie, par la complexité des canaux de distribution qui existent dans l'industrie. Du côté de l'offre, les usines vendent directement à des clients au niveau du détail, ainsi qu'indirectement par l'entremise de distributeurs. En outre, il y a à la fois des distributeurs appartenant aux usines et des distributeurs indépendants. Du côté des clients, il y a de nombreux collectifs d'achat, formés de petits et moyens détaillants, de sorte qu'il est difficile de relier l'origine des marchandises avec leur destination au détail. Le Tribunal note également que la décision définitive indique que des marchandises américaines ont été expédiées à pas moins de 1 100 importateurs distincts et qu'il y a plus de 60 sources possibles d'exportations en provenance des États-Unis.

Le Tribunal observe que, sur les usines américaines qui ont exporté au Canada pendant la période de l'enquête, une cinquantaine n'ont pas fourni d'éléments de preuve au cours de l'audience. Ces usines ont environ 50 p. 100 du total des exportations des États-Unis. Dans la plupart des cas, la décision définitive de dumping montre que les exportations des marchandises en question en provenance de ces usines étaient sous-évaluées. La décision définitive a aussi établi que les usines américaines qui ont participé aux audiences pratiquaient du dumping. Dans la plupart des cas, dont celui de Shaw et de Queen, qui, ensemble, représentent environ 30 p. 100 des exportations des États-Unis, les marges de dumping sont à des niveaux que le Tribunal juge importants. Par conséquent, bien que les exemples choisis par l'industrie puissent ne pas refléter pleinement les activités de dumping des usines américaines, cela ne contredit pas le fait que des usines américaines vendaient des marchandises sous-évaluées en volumes considérables à des clients canadiens.

Examinant la situation sous l'angle des importations, le Tribunal note que la vaste majorité des clients de l'échantillon que l'industrie a identifiés ont fait l'objet d'un examen de la part du Sous-ministre pendant l'enquête sur le dumping. Selon la décision définitive, dans la plupart des cas, les importations de ces clients particuliers représentaient du dumping. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les renseignements de la décision définitive soutiennent les allégations de l'industrie selon lesquelles des ventes ont été faites à ces clients à prix de dumping, et qu'en conséquence, l'industrie a perdu des ventes et a dû réduire ses prix dans bien des cas.

De l'avis du Tribunal, dans cette cause, il ne s'agit pas tant d'établir dans quelle mesure l'élimination du dumping améliore ou améliorera la situation de l'industrie que de voir comment le dumping a empiré une situation déjà difficile. Certes, les éléments de preuve révèlent que l'application des droits antidumping laissera quand même, dans certains cas, les prix canadiens à des niveaux plus élevés que les prix américains de produits comparables. Cependant, cela ne signifie pas que le dumping ne peut causer de préjudice sensible du simple fait de l'existence de ces différences de prix.

Le Tribunal observe qu'il n'est pas rare qu'une industrie nationale jouisse d'une certaine bonification de prix par rapport à des importations assujetties à des tarifs de transport et à des droits de douane tout en conservant sa part du marché. Les raisons de ces bonifications comprennent la sécurité que représente pour les clients le fait d'avoir des fournisseurs locaux et la loyauté qui est payée pour des années de service fiable. Cependant, comme un témoin l'a dit, chaque chose a son prix, y compris la loyauté, et si l'écart de prix devient trop prononcé, les clients n'ont pas beaucoup d'autre choix que de changer de fournisseur. En l'occurrence, de l'avis du Tribunal, le dumping cause un préjudice sensible en élargissant davantage un écart déjà large.

Le Tribunal est convaincu que l'élimination du dumping peut rapporter, et rapporte effectivement, des avantages importants à l'industrie. Les témoins des sept usines canadiennes ont chacun déclaré que leurs commandes nationales ont augmenté après la mise en oeuvre des droits antidumping provisoires par le Sous-ministre en décembre 1991. Dans certains cas, ces commandes venaient de nouveaux clients avec qui l'usine n'avait jamais traité auparavant. Dans d'autres cas, ces commandes venaient d'anciens clients que les usines considéraient avoir perdus au profit de leurs concurrents américains. Selon ces témoins, les prix de l'industrie sont demeurés bas, car la priorité initiale de l'industrie était de reprendre sa part du marché. Cependant, par suite de l'augmentation du nombre de commandes, l'utilisation de la capacité de production avait augmenté et des centaines d'employés avaient été rappelés au travail ou étaient passés du régime de travail à temps partiel à celui du travail à plein temps.

Les avocats des exportateurs, des importateurs et des distributeurs n'ont pas contredit ces éléments de preuve. De fait, le Tribunal n'a vu aucune indication, ni dans les éléments de preuve présentés par les exportateurs, les importateurs et les distributeurs, ni dans les statistiques publiées officielles, qu'il y ait eu quelque reprise de la demande au Canada qui puisse expliquer l'augmentation marquée des affaires dont les usines canadiennes ont fait état depuis le début de la période de droits provisoires. La revendication de l'industrie voulant que ces commandes déplacent des expéditions américaines semble être appuyée par les données de Statistique Canada, qui révèlent que, en janvier 1992, les importations de tapis des États-Unis ont diminué sensiblement par rapport à janvier 1991.

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en question a causé et cause un préjudice sensible à la production nationale de tapis produit sur machine à touffeter dans son ensemble, ainsi que dans les sous-catégories résidentielle et commerciale de marchandises similaires.

Quant à l'avenir, le Tribunal ne prévoit aucun relâchement des pressions concurrentielles intenses qui ont donné lieu, par le passé, au dumping et au préjudice sensible consécutif pour l'industrie nationale. Au Canada, les perspectives annoncent le maintien de la pression tendant à faire baisser les prix, à mesure que les droits tarifaires continueront de diminuer en vertu de l'ACCEU, pendant la récession en cours. Les conditions du marché ne semblent être que légèrement meilleures aux États-Unis qu'au Canada. Dans les deux pays, malgré la rationalisation de l'industrie ces dernières années, la surcapacité demeure considérable. De part et d'autre de la frontière, la concurrence nationale et transfrontalière pour la part du marché en vue d'atteindre les niveaux élevés d'utilisation de capacité de production que suppose l'efficience de production se maintiendra vraisemblablement, sans diminuer. Le Tribunal, par conséquent, conclut que le dumping des marchandises en question est susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de tapis produit sur machine à touffeter dans son ensemble, ainsi que dans les sous-catégories résidentielle et commerciale de marchandises similaires.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION : LE TAPIS DE GAZON ARTIFICIEL

Ayant établi que le tapis de gazon artificiel est une sous-catégorie de marchandises similaires, le Tribunal doit examiner si le dumping de gazon artificiel a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de gazon artificiel produit sur machine à touffeter.

Le Tribunal note que le marché du tapis de gazon artificiel, qui est un marché relativement stable, a échappé aux effets de la récession en cours. La demande annuelle de ce produit au cours des trois dernières années a été d'environ 3,2 millions de mètres carrés. L'intervenant dominant pendant le plus clair de la période observée a été Ozite, qui a fermé son usine à l'automne de 1991. National détient actuellement plus de 80 p. 100 de la production canadienne de gazon artificiel et, donc, constitue l'industrie nationale. Le reste de la production revient à Matting Technology, qui est entrée en production en 1989.

Le préjudice sensible

Le Tribunal doit examiner si la production canadienne de tapis de gazon artificiel a subi un préjudice sensible.

Les producteurs canadiens détenaient à peu près tout le marché canadien pour le tapis de gazon artificiel en 1988 et 1989. Cependant, en 1990, des importations des États-Unis ont fait une montée et enlevé plus de 10 points de pourcentage additionnels de part du marché aux fabricants canadiens. Cette poussée s'est poursuivie en 1991 et les importations des États-Unis ont pris encore 28 points de pourcentage à la production nationale. Ozite a commencé à perdre des ventes considérables au profit des importations des États-Unis en 1990 et davantage en 1991, année où son plus gros client, Gesco, a commencé à s'approvisionner en gazon artificiel aux États-Unis. Le Tribunal observe que, au moment de la fermeture de son usine à l'automne de 1991, Ozite avait perdu 24 points de pourcentage de part du marché, la plus grande partie au profit des importations des États-Unis.

National ne s'est approprié aucune part du volume perdu par Ozite sur la période 1990-1991. Au contraire, le volume de National a diminué de 38 p. 100 entre 1989 et 1991, faisant reculer de 15 points de pourcentage sa part du marché. En 1991 seulement, National non seulement n'a-t-il pas réussi à mettre la main sur une partie du volume substantiel perdu par Ozite, mais a aussi perdu plus de 20 p. 100 de ses propres ventes au profit des importations des États-Unis..

Le témoin de National a avancé que, pour contrer la poussée des importations des États-Unis, l'entreprise a fait plusieurs changements. Elle a abaissé ses prix considérablement et, dans certains cas, commencé à vendre directement aux grands détaillants sans passer par les distributeurs, où elle perdait du volume au profit des importations des États-Unis. Elle a aussi amélioré l'apparence de son produit et en a augmenté le poids. Ces changements ont permis à National de maintenir sa marge brute, en pourcentage des ventes nettes, pendant la période à l'étude. Cependant, le Tribunal conclut que la perte de recettes sur les ventes de gazon artificiel et le recul des marges brutes en chiffres absolus étaient considérables. Plus particulièrement, entre son exercice 1989 et 1991, le chiffre d'affaires et les marges brutes de National sur les ventes nationales de gazon artificiel ont reculé de 42 p. 100 et 43 p. 100, respectivement. Bien que le revenu net de National, tel qu'estimé par les avocats de General Felt, était relativement stable en 1990 et 1991, le niveau réalisé ne reflétait qu'un bénéfice marginal sur les ventes de tapis de gazon artificiel.

En résumé, le Tribunal constate qu'il y a eu une importante augmentation de la part du marché des importations et qu'il y a eu compression des prix sur le marché pendant la période 1990-1991. L'augmentation de la part du marché des importations était responsable, dans une large mesure, de l'importante réduction du volume de ventes de gazon artificiel et de part du marché pour National pendant cette période, et de la réduction consécutive des recettes, des marges brutes et des bénéfices. Le Tribunal est d'avis que le préjudice pour la production de gazon artificiel de National était et est sensible.

La causalité

La prochaine question a être adressée est de déterminer s'il y a un lien de cause à effet entre le préjudice sensible subi par la production de gazon artificiel de National et les importations sous-évaluées de gazon artificiel en question.

Le Tribunal observe que près de la moitié des importations de gazon artificiel examinées par Revenu Canada étaient, selon la décision, sous-évaluées de plus de 7 p. 100. Le gazon artificiel est une marchandise très sensible au prix, où il suffit d'une légère différence de prix pour que l'acheteur change de fournisseur. Compte tenu de cette sensibilité, le Tribunal conclut que le dumping, selon les marges observées, conférait au produit importé un avantage important sur le marché. Le Tribunal est donc convaincu que le dumping a été une cause de l'augmentation marquée des importations sur la période 1990-1991 et des vives pressions qui se sont exercées sur les prix. En 1990, année où les importations des États-Unis ont gagné 10 points de pourcentage de part du marché, National a vu ses recettes moyennes par mètre carré diminuer de 10 p. 100 pour son exercice se terminant le 31 mai 1990. Pour son exercice se terminant en mai 1991, National a fait état d'une légère amélioration de ses recettes moyennes par mètre carré, mais, parce que les volumes de ventes sont beaucoup plus faibles, l'apport de ces ventes à la rentabilité globale de l'entreprise a diminué considérablement en 1991 par rapport à 1990. Le Tribunal conclut donc que le dumping de tapis de gazon artificiel produit sur machine à touffeter a causé et cause un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

Pour l'avenir, le Tribunal n'est pas convaincu que, en l'absence de mesures antidumping, National accroîtra sa part du marché. De plus, National ne risque pas non plus de générer assez de ventes de tapis de gazon artificiel pour augmenter l'apport de ce produit à la rentabilité globale de l'entreprise et en faire un élément viable de l'ensemble des affaires de National. Bien que le témoin de la société ait affiché un certain optimisme quant à la possibilité de combler une partie du vide laissé par la fermeture d'Ozite, le Tribunal note qu'en 1991, pendant qu'Ozite perdait d'importantes ventes au profit des importations des États-Unis, National n'arrivait pas à s'approprier une part de ce volume. En outre, General Felt, qui n'a pas été un intervenant de taille sur le marché du gazon artificiel en 1991, a témoigné qu'elle a commencé à faire des percées sur ce marché relativement petit. Cela intensifiera encore davantage la concurrence à l'avenir. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que le dumping de gazon artificiel produit sur machine à touffeter et originaire des États-Unis est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

LES DEMANDES D'EXCLUSION

Sauf les exceptions énoncées ci-dessous, le Tribunal rejette les diverses demandes visant à exclure des conclusions de préjudice le tapis fait sur commande ou le tapis produit selon des technologies ou des conceptions brevetées. Le Tribunal n'exclut pas ce tapis de ses conclusions parce que le Canada produit aussi du tapis qui est substituable à ces types de produits et en concurrence avec eux. Le Tribunal conclut que le tapis produit selon des technologies et des conceptions brevetées, comme l'Unibond et le Duracolor de Burlington Industries, Inc., présentent certaines caractéristiques qui le différencient du tapis de fabrication canadienne. Cependant, de l'avis du Tribunal, ces variations ne créent pas un tapis qui soit suffisamment distinct pour ne pas être concurrentiel avec le tapis produit par les usines canadiennes, ni pouvoir y être substitué.

Le Tribunal convient d'exclure, comme l'industrie nationale l'a accepté, le tapis produit sur machine à touffeter qui est produit par la technologie de teinture Millitron et exporté par Milliken. En acceptant cette exclusion, l'industrie a, effectivement, reconnu que cette technologie est bien différente de celle qui est disponible au Canada aujourd'hui et que les usines canadiennes ne peuvent fabriquer un produit capable de faire concurrence à ce tapis. Un fabricant canadien de tapis a bien le droit d'utiliser une vieille technologie Millitron, mais le tapis qu'il produit ne ressemble pas à celui produit selon la nouvelle technologie Millitron. Ce fabricant était également d'accord sur l'exclusion.

Le Tribunal n'acceuille pas la demande d'Eraco visant l'exclusion de ses importations, y compris celles de tapis de fabrication belge importé des États-Unis des conclusions de préjudice. Le Tribunal ne peut, là non plus, justifier une exclusion parce que ces produits importés sont substituables au tapis de fabrication canadienne, et lui font concurrence. Toutefois, le Tribunal signale que le produit de fabrication belge ne serait pas assujetti à des droits antidumping s'il était importé directement de la Belgique.

Pour ce qui est de la demande d'Image, qui voulait faire exclure les tapis faits de fils de polyester extrudés de matériaux recyclés, le Tribunal observe que le tapis de polyester ordinaire est produit au Canada selon le même procédé de fabrication que celui d'Image et qu'il présente des propriétés semblables de r?E9‚sistance aux taches et des garanties semblables. La seule différence est la matière première utilisée, c.-à-d. des fibres vierges de polyester plutôt que le polyéthylène téréphtalate recyclé. Par conséquent, le Tribunal ne peut justifier que ce tapis soit exclu de ses conclusions.

Quant à la demande d'exclusion de rebuts ou de restes de tapis produits sur machine à touffeter, ou des deux, le Tribunal conclut que ces marchandises, dans des limites précises de dimensions, doivent être exclues de ses conclusions. Ces marchandises servent normalement à produire des carpettes et des paillassons, et ne sont pas en concurrence sur le marché avec le tapis national produit sur machine à touffeter. Ils ne sont pas substituables au tapis produit sur machine à touffeter et leur prix n'est pas établi selon le même critère.

L'INTÉRÊT PUBLIC

L'article 45 de la LMSI prévoit que, dans les cas où, après des conclusions de préjudice sensible, le Tribunal estime que l'assujettissement, total ou partiel, à des droits antidumping serait ou pourrait être contraire à l'intérêt public, il transmet un rapport au ministre des Finances énonçant son opinion, faits et motifs à l'appui. Au cours de cette enquête, plusieurs parties ont fait valoir que l'assujettissement au plein montant des droits antidumping en cas de conclusions positives de préjudice serait contraire à l'intérêt public. Les aspects d'intérêt public cités étaient le choix des consommateurs et la concurrence sur le marché, y compris les effets de conclusions positives de préjudice sur l'avenir des distributeurs indépendants canadiens de tapis. Ayant examiné ces observations, le Tribunal n'estime pas que la réduction du plein montant des droits antidumping serait dans l'intérêt public.

Le Tribunal observe que des témoins des usines américaines ont avancé que, avec ou sans conclusions, le Canada représente un marché d'exportation accessible où elles continueront de tâcher d'accroître leur part du marché. À cet égard, les éléments de preuve démontrent que, dans certains cas, les grandes usines américaines pourront jouir d'avantages-prix par rapport aux usines canadiennes sur divers produits, même vendus aux valeurs normales. En outre, on a jugé qu'une certaine proportion de tapis d'origine américaine n'était pas sous-évaluée pendant la période de l'enquête du Sous-ministre. Ces marchandises seront essentiellement non touchées par des conclusions positives de préjudice tant qu'elles continueront de se vendre aux valeurs normales ou plus cher. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que des conclusions de préjudice n'empêcheront pas les usines américaines de maintenir une présence concurrentielle sur le marché canadien. De l'avis du Tribunal, la concurrence soutenue de la part des usines américaines, combinée à la vigoureuse concurrence entre usines canadiennes, fera vraisemblablement l'objet de pressions tendant à faire baisser les prix. Dans bien des cas, cela obligera les importateurs, les distributeurs et les détaillants à accepter de réduire leurs marges plutôt que de procéder à des augmentations complètes de leurs prix en réponse à l'imposition de droits antidumping. De toute façon, le Tribunal est convaincu que les consommateurs canadiens auront un vaste choix de produits de tapis, à des prix raisonnables, dans la période qui suivra ses conclusions.

Le Tribunal note que plusieurs distributeurs indépendants canadiens, qui importent du tapis des États-Unis, ont témoigné que la viabilité de leurs opérations serait compromise si des droits antidumping étaient imposés, selon la prescription de la décision définitive du Sous-ministre. Leur préoccupation première 9‚tait que la décision définitive ne donnait généralement pas aux usines américaines des valeurs normales sur leurs ventes aux distributeurs canadiens qui soient plus faibles que les valeurs normales sur leurs ventes directes à des détaillants canadiens. Les distributeurs ont déclaré que, dans les circonstances, ils ne pouvaient être concurrentiels sur le marché et que les usines américaines n'auraient qu'à les contourner et à vendre directement aux détaillants canadiens.

Le Tribunal observe que la décision définitive ne fixe pas d'ajustements des niveaux de circuit de distribution en fonction des valeurs normales pour les ventes des usines américaines aux distributeurs si ces usines ne font pas de différence entre les distributeurs et les détaillants dans les prix qu'ils pratiquent sur leur marché national. Les éléments de preuve révèlent qu'aux États-Unis la vente directe aux points de vente au détail constitue plus de 80 p. 100 des ventes des producteurs américains de tapis. Cette pratique de commercialisation a été reprise au Canada par plusieurs usines américaines qui vendent directement aux détaillants depuis leur arrivée sur le marché canadien. De l'avis du Tribunal, des conclusions de non-préjudice ou l'élimination des droits antidumping ne limiteront pas la généralisation de cette approche de commercialisation de la part des usines américaines au Canada. Selon les éléments de preuve, les usines canadiennes adoptent aussi de plus en plus cette forme de commercialisation. Les défis présentés par la vente directe des usines est un phénomène que les distributeurs doivent confronter, quelle que soit l'issue de la présente cause.

Cependant, il semblerait que certains distributeurs auront de la difficulté à maintenir leur compétitivité pour la vente de certains produits américains. Cela obligera sans doute plusieurs distributeurs canadiens à réexaminer leurs stratégies d'approvisionnement et de commercialisation, ce qui pourrait, dans certains cas, les amener à recourir davantage à de nouvelles sources pour certains produits au Canada. Les ajustements résultants pourraient aussi être plus difficiles à faire pour certains distributeurs que pour d'autres. Le Tribunal n'estime pas que la question justifie un rapport d'intérêt public au ministre des Finances en vertu de l'article 45 de la LMSI.

LES CONCLUSIONS

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut, pour les raisons exposées plus haut, que le dumping du tapis résidentiel en question produit sur machine à touffeter, originaire ou exporté des États-Unis, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal conclut que le dumping du tapis commercial en question produit sur machine à touffeter, originaire ou exporté des États-Unis, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal conclut en outre que le dumping du tapis de gazon artificiel en question produit sur machine à touffeter, originaire ou exporté des États-Unis, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal exclut également de ses conclusions :

a) les rebuts de tapis produit sur machine à touffeter de toutes longueurs, ou

b) les restes de marchandises de première qualité de 9 pi de long ou moins, vendus à titre de «marchandises de mauvaise qualité» et importés pour être utilisés dans la fabrication de marchandises telles les paillassons, les passages ou les carpettes, d'une superficie inférieure à 5 m2, et

c) le tapis produit sur machine à touffeter, fabriqué sur commande selon les normes des clients en ce qui a trait à la conception, au motif et à la couleur, fabriqué en se servant de la technologie de teinture brevetée Millitron et exporté au Canada par Milliken, et les carpettes d'une superficie supérieure à 5 m2, fabriquées en se servant de la technologie de teinture brevetée Millitron et exportées au Canada par Milliken.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Le tapis de gazon artificiel est une sous-catégorie des segments de l'ensemble du marché représenté par le tapis résidentiel, résidentiel industriel et commercial de polypropylène.

3. Accord relatif à la mise en o euvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève (Suisse) le 17 décembre 1979, GATT IBDD 265 (1980).


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Publication initiale : le 17 juillet 1997