FICELLE SYNTHÉTIQUE POUR RAMASSEUSE-PRESSE

Enquêtes (article 42)


FICELLE SYNTHÉTIQUE POUR RAMASSEUSE-PRESSE AVEC UNE RÉSISTANCE À LA TENSION DE 200 lb OU MOINS, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-93-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 22 avril 1994

Enquête no : NQ-93-003

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant :

LA FICELLE SYNTHÉTIQUE POUR RAMASSEUSE-PRESSE AVEC UNE RÉSISTANCE À LA TENSION DE 200 lb OU MOINS, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 23 décembre 1993 et d'une décision définitive de dumping datée du 23 mars 1994 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada de la ficelle synthétique pour ramasseuse-presse avec une résistance à la tension de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées, originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Ottawa, le lundi 9 mai 1994

Enquête no : NQ-93-003

FICELLE SYNTHÉTIQUE POUR RAMASSEUSE-PRESSE AVEC UNE RÉSISTANCE À LA TENSION DE 200 lb OU MOINS, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que le dumping au Canada de la ficelle synthétique pour ramasseuse-presse avec une résistance à la tension de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 28 et 29 mars 1994

Date des conclusions : Le 22 avril 1994
Date des motifs : Le 9 mai 1994

Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Michèle Blouin, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy

Gestionnaire de la recherche : Daryl Poirier

Économiste : Ihn Ho Uhm

Préposé aux statistiques : Nynon Burroughs

Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault

Agent à l'inscription
et à la distribution : Joël Joyal

Participants : Paul C. LaBarge
David Liston
Gregory Kanargelidis
pour TecSyn International Inc.

(partie plaignante)
Ann Ottoson-King*
pour Bridon Cordage Inc.
Bridon Pacific Limited

(exportateur-importateur)

Témoins :

Sidney O. Nicholls
Président et Chef de l'exploitation
TecSyn International Inc.

Jerry Nolin
Vice-président et Directeur général
Poli-Twine Canada
A Division of TecSyn Canada Limited

Gordon Rettaler
Directeur de la commercialisation
Service des produits agricoles
La Coopérative Interprovinciale Limitée

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

* Depuis le 20 avril 1994, M. John B. Laskin est l'avocat inscrit au dossier pour Bridon Cordage Inc. et Bridon Pacific Limited.

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Le 23 décembre 1993, après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping [1] , le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a ouvert une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [2] (la LMSI) concernant l'importation au Canada de ficelle synthétique pour ramasseuse-presse avec une résistance à la tension de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique (les marchandises en question). L'enquête vise à déterminer si le dumping des marchandises en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. L'enquête du Sous-ministre portait sur les marchandises en question importées entre le 1er janvier et le 30 juin 1993. Le 23 mars 1994, le Sous-ministre a rendu une décision définitive de dumping [3] concernant les marchandises en question.

Le 30 décembre 1993, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête [4] . Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants, aux importateurs et aux acheteurs canadiens des marchandises en question, dans lesquels il demandait des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d'autres données relativement à la période allant du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1993. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience portant sur cette période.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties lors de l'audience, ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 28 et 29 mars 1994. La partie plaignante, TecSyn International Inc. (TecSyn), était représentée par des avocats, a soumis des éléments de preuve et présenté des arguments à l'appui de conclusions de préjudice. L'avocate représentant Bridon Cordage Inc. (Bridon Cordage) et Bridon Pacific Limited (Bridon Pacific) n'a pas assisté à l'audience, mais a soumis des éléments de preuve et des arguments écrits à l'appui de conclusions de non préjudice.

PRODUIT

Le produit qui fait l'objet de la présente enquête est décrit par le Sous-ministre dans la décision provisoire de dumping comme étant de la ficelle synthétique pour ramasseuse-presse (ci-après désignée ficelle d'engerbage synthétique) avec une résistance à la tension (ci-après désignée résistance au nœud) de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique.

Bien que cette description exclue la ficelle d'engerbage synthétique avec une résistance au nœud supérieure à 200 lb (succédané du fil de fer), elle ne limite pas les marchandises en question aux autres catégories de ficelle d'engerbage synthétique qui doivent présenter une résistance au nœud précise (c.-à-d. la ficelle pour ramasseuse-presse à balles rectangulaires). Les marchandises en question comprennent aussi la ficelle synthétique qui répond à des normes en matière de résistance à la traction plutôt que de résistance au nœud (c.-à-d. la ficelle pour ramasseuse-presse à balles cylindriques).

La ficelle d'engerbage synthétique est habituellement fabriquée à partir de polypropylène, une résine dérivée du pétrole ou du gaz naturel. Le polypropylène est acheté sous forme de pastilles qui sont versées dans une extrudeuse où elles sont fondues avant que le processus d'extrusion n'ait lieu. Certains additifs sont ensuite ajoutés à la résine pour lui conférer sa couleur et une résistance aux rayons solaires ultra-violets.

Deux méthodes de base sont utilisées pour fabriquer la ficelle d'engerbage synthétique. La méthode du ruban ou film fibrillé requiert l'extrusion du polypropylène sous forme d'une mince pellicule qui est fendue, étirée et tordue pour donner de la ficelle de polypropylène. La méthode de fabrication par monofilaments permet d'obtenir un ensemble de petits fils ronds continus en polypropylène qui sont ensuite liés par enroulement ou retordage avec un toron de polypropylène. La dernière étape, dans les deux méthodes, consiste à mettre la ficelle en rouleaux et à l'emballer en cartons de deux rouleaux appelés ballots. Certains ballots de ficelle d'engerbage synthétique ne comptent qu'un rouleau.

Outre la ficelle d'engerbage synthétique, la ficelle en fils naturels ou de sisal est aussi largement utilisée au Canada et dans d'autres pays pour mettre le foin ou la paille en balles. Toutefois, la ficelle de sisal pour engerbage n'est plus fabriquée au Canada et n'est pas visée par la présente enquête. Par ailleurs, bien que de la ficelle d'engerbage synthétique d'une résistance au nœud supérieure à 200 lb soit fabriquée au Canada, elle est expressément exclue de la catégorie de marchandises visées par la présente enquête.

La ficelle d'engerbage synthétique est utilisée avec le matériel agricole de mise en balles pour lier le foin ou la paille. Le matériel de mise en balles est conçu expressément pour faire des balles cylindriques ou rectangulaires. Dans le cas des ramasseuses-presses à balles rectangulaires, la ficelle est nouée. Comme les balles rectangulaires font habituellement l'objet de multiples manipulations, la résistance au nœud de la ficelle est un élément important. Pour les ramasseuses-presses à balles cylindriques, la ficelle est simplement enroulée autour de la balle un certain nombre de fois et n'est soumise à aucune contrainte en raison du nouage ou de la manipulation de la balle comme telle. Néanmoins, pour les balles cylindriques, la résistance à la traction demeure un élément important.

Selon les éléments de preuve soumis, la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé est utilisée à la fois pour les opérations de mise en balles rectangulaires et cylindriques, alors que la ficelle d'engerbage du type monofilaments sert exclusivement aux opérations de mise en balles cylindriques parce qu'elle ne répond pas aux exigences de résistance au nœud prescrites pour les balles rectangulaires. Les éléments de preuve montrent aussi que Poli-Twine Canada, A Division of TecSyn Canada Limited (Poli-Twine), produit de la ficelle d'engerbage des types ruban fibrillé et monofilaments tandis que Bridon Cordage ne produit que de la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé. Les éléments de preuve révèlent en outre que lorsque la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé et la ficelle d'engerbage du type monofilaments sont utilisées pour les balles cylindriques, les utilisateurs finals ont de la difficulté à les distinguer l'une de l'autre.

La ficelle d'engerbage synthétique d'une même longueur peut être offerte dans des ballots de divers poids. Par exemple, le même fabricant-importateur peut offrir la ficelle de 20 000 pi en trois différents poids, selon la résistance à la traction de la ficelle (ou la résistance au nœud dans le cas de la ficelle pour balles rectangulaires). Règle générale, plus la résistance à la traction ou la résistance au nœud est élevée pour une longueur donnée de ficelle, plus la ficelle est épaisse et, par conséquent, plus le ballot de ficelle est lourd. La ficelle pour balles rectangulaires présente habituellement une résistance au nœud de 130 ou 170 lb alors que la ficelle pour balles cylindriques présente habituellement une résistance à la traction de 110 ou 125 lb, qui peut même atteindre 150 lb.

Il importe de faire remarquer que les expressions résistance au nœud et résistance à la traction ne sont pas interchangeables. La ficelle d'engerbage synthétique présentant une résistance au nœud de 130 lb peut avoir une résistance à la traction considérablement plus élevée.

Au Canada, la ficelle pour balles rectangulaires et la ficelle pour balles cylindriques sont conditionnées, respectivement, en quatre différents types d'emballages. Ces huit différents types d'emballages se distinguent par la longueur de ficelle inscrite sur chacun des ballots conformément au tableau suivant.

Tableau 1
Ficelle d'engerbage synthétique
Longueurs courantes des ballots
(pi)

Ficelle pour balles rectangulaires

7 200

9 000

9 600

10 000

Ficelle pour balles cylindriques

16 000

20 000

24 000

28 000

Source : Rapport du personnel du Tribunal.

La majorité de la ficelle d'engerbage synthétique canadienne et importée est offerte dans les longueurs susmentionnées. Toutefois, la ficelle pour balles rectangulaires produite au Canada est aussi fabriquée en longueurs de 12 000 pi alors que certaines ficelles importées utilisées à la fois pour des balles rectangulaires et cylindriques sont disponibles dans des longueurs non conventionnelles. De plus, certaines ficelles importées pour balles cylindriques sont offertes en longueurs de 30 000 pi.

Les balles rectangulaires de foin ou de paille peuvent peser de 35 à 100 lb et sont habituellement entreposées dans des abris couverts. Les balles cylindriques peuvent peser de 800 à 2 000 lb et, en raison de leur poids, sont entreposées en plein champ. La mise en balles rectangulaires est plus répandue dans le centre et dans l'est du Canada où on a tendance à garder le bétail et le fourrage à l'intérieur. Toutefois, la mise en balles cylindriques prédomine dans l'ouest du Canada, les fermes étant plus grandes et le bétail et le fourrage étant exposés aux intempéries. Tant dans l'est que dans l'ouest du Canada, les balles entreposées à l'extérieur sont souvent recouvertes d'une bâche ou d'une toile d'un genre quelconque pour les protéger contre les intempéries.

INDUSTRIE NATIONALE

L'industrie nationale de la ficelle d'engerbage synthétique compte aujourd'hui deux entreprises : Poli-Twine, une filiale de TecSyn, et Guelph Twines Ltd. (Guelph Twines).

Poli-Twine, qui a une installation de fabrication à Belleville (Ontario) et dont le siège social de la société mère TecSyn se trouve à St. Catharines (Ontario), est de loin le plus important des deux fabricants canadiens de ficelle d'engerbage synthétique.

La ficelle d'engerbage synthétique a été produite pour la première fois au Canada au milieu des années 60 lorsque Poli-Twine Corporation Limited (Poli-Twine Corp.) a commencé à fabriquer de la ficelle d'engerbage du type monofilaments à Saskatoon (Saskatchewan). La Compagnie pétrolière impériale Ltée s'est portée acquéreur de Poli-Twine Corp. en 1968 et a ouvert une deuxième usine à Belleville (Ontario) en 1974. Les opérations des usines de Saskatoon et de Belleville ont été fusionnées en 1977. Pendant toute cette période et jusqu'en 1981, Poli-Twine Corp. n'a produit et commercialisé que de la ficelle d'engerbage du type monofilaments. En 1981, Poli-Twine Corp. a agrandi ses installations pour fabriquer de la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé. En avril 1984, Niagara Structural Steel (St. Catharines) Limited (maintenant connue sous le nom de TecSyn International Inc.) a acheté la société Poli-Twine Corp. à la Compagnie pétrolière impériale Ltée. En 1987, TecSyn a étendu ses opérations de fabrication de ficelle d'engerbage synthétique aux États-unis en ouvrant une usine, Poli-Twine Western Inc., à Clearfield (Utah).

Guelph Twines, de Guelph (Ontario), a été constituée en corporation en 1972 et a entrepris ses activités en fabriquant de la ficelle industrielle et commerciale. Elle a accru ses activités en commençant à fabriquer de la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé en 1975. La ficelle d'engerbage synthétique représente une très faible proportion du volume total des ventes de Guelph Twines.

Outre la ficelle d'engerbage synthétique, Poli-Twine et Guelph Twines fabriquent toutes deux divers autres produits dont de la ficelle de ligature servant à des fins industrielles et commerciales, du bourrage de câble en papier et en polypropylène pour l'industrie du fil et du câble et de la corde torsadée pour le marché du détail et le marché industriel.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

À l'heure actuelle, seuls quelques pays exportent des volumes importants de ficelle d'engerbage synthétique au Canada. Selon les données de Statistique Canada sur les importations et les réponses aux questionnaires du Tribunal, au cours des 11 premiers mois de 1993, 92 p. 100 des importations provenaient des États-Unis et du Portugal selon des proportions de 62 p. 100 et de 30 p. 100 respectivement. Par ailleurs, 3 p. 100 des importations provenaient d'Afrique du Sud, 4 p. 100 de l'ancienne Tchécoslovaquie et 1 p. 100 de tous les autres pays combinés.

Deux fabricants de ficelle d'engerbage synthétique aux États-Unis ont exporté les marchandises en question au Canada pendant la période visée par l'enquête du ministère du Revenu national, soit Bridon Cordage de Albert Lea (Minnesota) et Exxon Chemical Company (Exxon), de Kingman (Kansas). Quatre importateurs étaient responsables de 87 p. 100 des importations de ficelle d'engerbage synthétique en provenance des États-Unis et du Portugal en 1993. Il s'agit de Bridon Pacific, de Wilbur-Ellis Company of Canada Ltd. (Wilbur-Ellis), de Amjay Ropes and Twines Limited (Amjay) et de Scandan Inc. (Scandan).

COMMERCIALISATION ET DISTRIBUTION

Le marché de la ficelle d'engerbage synthétique est tel que pratiquement toutes les livraisons doivent se faire pendant les mois de janvier à juin (la saison des livraisons) avant la période de mise en balles qui débute en juin. On recommence ensuite à fabriquer les marchandises en question et à accumuler des stocks en prévision de la campagne agricole suivante bien que certaines ventes et livraisons se fassent tout de même après juin. Il s'agit alors de ventes «en saison».

Les distributeurs et les distributeurs-marchands négocient avec les fournisseurs entre octobre et décembre (la saison des commandes) pour la saison de la mise en balles de l'année suivante. La Coopérative Interprovinciale Limitée (également connue sous le nom de IPCO) est le principal distributeur canadien; cette entreprise négocie les contrats et les prix pour l'achat de ficelle d'engerbage synthétique au nom de six coopératives provinciales. Ainsi, il est généralement reconnu que les prix négociés avec IPCO constituent les prix de référence de l'industrie pour la saison des commandes.

Fabricants canadiens

Poli-Twine a des contrats avec ce qu'elle appelle d'importants distributeurs et distributeurs-marchands pour la vente de ficelle d'engerbage synthétique. Ceux-ci disposent d'un réseau de marchands locaux dans l'ensemble du Canada. Poli-Twine expédie directement les produits aux marchands et facture les principaux distributeurs.

Guelph Twines commercialise ses produits en Ontario par l'entremise de distributeurs et de marchands, principalement des provenderies et des points de vente de matériel agricole, qui fournissent de la ficelle d'engerbage synthétique aux consommateurs. Au Québec, la ficelle d'engerbage synthétique est commercialisée par l'entremise d'un grossiste dont le siège social se trouve à Montréal et qui vend la ficelle par l'intermédiaire de marchands d'approvisionnements agricoles semblables. La ficelle d'engerbage synthétique est vendue F.A.B. Guelph et est soit ramassée à l'usine par les clients ou livrée à ceux-ci par des camionneurs artisans.

Importateurs

Bridon Pacific négocie les prix avec des maîtres-distributeurs (habituellement des coopératives agricoles), mais vend aussi directement à des marchands détaillants qui vendent le produit aux consommateurs.

Amjay négocie les prix avec un grand nombre de maîtres-distributeurs, de distributeurs et de marchands.

Les méthodes de commercialisation de Wilber-Ellis ne sont pas connues puisque cet importateur n'a pas répondu au questionnaire du Tribunal. Il semble toutefois que cette société vende aussi à des maîtres-distributeurs et directement à des marchands.

Scandan négocie les prix d'une année à l'autre avec quelques distributeurs importants.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

Le 23 mars 1994, le Sous-ministre a rendu une décision définitive de dumping concernant les marchandises en question. Sur les marchandises examinées pendant la période visée par l'enquête, soit du 1er janvier au 30 juin 1993, la totalité des marchandises exportées par Bridon Cordage avaient été sous-évaluées selon une marge moyenne pondérée de dumping de 16,6 p. 100 alors que 14,0 p. 100 des marchandises exportées par Exxon l'avaient été selon une marge moyenne pondérée de dumping de 9,4 p. 100.

POSITION DES PARTIES

Poli-Twine — Fabricant

Les avocats de Poli-Twine ont soutenu que le dumping des marchandises en question par Bridon Cordage et Exxon avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à Poli-Twine, de loin le principal fabricant des marchandises en question au Canada. Selon les avocats, l'augmentation des importations de marchandises en question à des prix sous-évalués sur un marché sensible aux prix a entraîné une érosion et une compression des prix, ainsi qu'une perte de ventes, qui sont à l'origine d'une importante diminution des revenus et des profits.

Les avocats ont indiqué que les importations de Bridon Cordage ont connu une augmentation marquée depuis 1989 et que les ventes d'importations de Exxon ont été faites à des prix considérablement inférieurs à ceux déjà réduits en raison de la concurrence au niveau des prix livrée par Bridon Cordage. En fait, ont ajouté les avocats, de 1989 à 1992, la valeur de l'ensemble des importations de marchandises en question a diminué de 7,6 p. 100 tandis que le volume de ces importations a augmenté de 13,7 p. 100, ce qui indique que l'augmentation des volumes s'est faite en abaissant les prix. De plus, les éléments de preuve montrent que pendant cette période, la part des importations en provenance des États-Unis s'est accrue régulièrement malgré une diminution de l'ensemble des importations en 1991 et en dépit de l'appréciation importante de la devise américaine par rapport au dollar canadien en 1992. Compte tenu du fait que les prix sont fixés en dollars canadiens, les avocats ont laissé entendre que les exportateurs américains vendent de plus en plus à perte dans le but d'accroître leur part du marché.

Pour illustrer le problème de l'érosion des prix et de la perte des ventes, les avocats se sont référés aux prix négociés à l'automne 1992, pendant la saison des commandes, entre IPCO et les divers fournisseurs de ficelle d'engerbage synthétique. IPCO est l'un des plus importants distributeurs de ficelle d'engerbage synthétique au Canada et les prix négociés avec celle-ci deviennent le prix de référence pour l'industrie. Les avocats ont soutenu que suite à ces négociations, Poli-Twine s'est vue dans l'obligation de réduire ses prix pour conserver IPCO comme cliente puisque Bridon Pacific avait offert des prix équivalents et même inférieurs aux prix d'abord proposés par les exportateurs portugais. De plus, après la saison des commandes, Wilbur-Ellis a commencé à offrir la ficelle d'engerbage synthétique de Exxon à des prix de beaucoup inférieurs aux prix demandés par cette société sur le marché national, ce qui va clairement à l'encontre des méthodes de commercialisation antérieures de ce fabricant. Les avocats ont ajouté qu'en janvier 1993, Wilbur-Ellis a commencé à proposer des prix au comptant à des marchands de l'ouest du Canada. Certains membres de IPCO ont même demandé des remboursements à Poli-Twine pour de la ficelle d'engerbage synthétique déjà livrée et payée afin que les prix correspondent aux prix au comptant. Selon les avocats, la concurrence par les prix a eu un effet radical sur les ventes de marchandises en question de Poli-Twine puisque cette société a perdu des clients ou a vu ses commandes réduites au profit de Bridon Pacific, principalement dans l'ouest du Canada. De plus, la perte de commandes et de clients a entraîné une diminution de l'utilisation de la capacité de production suivie d'une réduction du nombre d'emplois.

Les avocats ont souligné que TecSyn a réagi aux pertes considérables au cours des dernières années en procédant à une importante restructuration de ses opérations, en adoptant des mesures visant à réduire les coûts et en prenant d'autres initiatives afin de sauver ses activités, et plus particulièrement celles de Poli-Twine. À cet égard, des mesures ont été prises pour réduire le préjudice relativement aux sources d'approvisionnement des matières premières, au regroupement des opérations d'entreposage, à la construction de nouveaux locaux à son usine de Belleville et à la réduction des stocks. Ces mesures comprenaient aussi des licenciements et une réduction permanente du nombre d'emplois ainsi que la renégociation des conventions collectives et du loyer. D'importants changements ont aussi été apportés au fonctionnement de la société, notamment l'installation de nouveaux appareils pour accroître la capacité de production et des ententes de commercialisation pour le développement et la promotion des ventes à l'exportation. Malgré ces efforts, Poli-Twine a été, selon les avocats, incapable de retrouver la rentabilité connue en 1990. Par conséquent, elle hésite à engager de nouveaux capitaux dans l'usine dans l'état actuel des choses.

Les avocats ont conclu en déclarant que les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises sous-évaluées sont la cause du présumé préjudice sensible. Ils ont soutenu à cet égard que les éléments de preuve révèlent que Bridon Pacific a livré concurrence à Poli-Twine non seulement au niveau des prix, mais aussi sur le plan des services et des ventes en saison, particulièrement dans l'ouest du Canada, et que Poli-Twine a en fait perdu des ventes en raison des prix demandés pendant la période en saison. Cette situation, selon les avocats, permet d'établir clairement une relation de cause à effet entre l'érosion des prix subie par Poli-Twine et le comportement de l'importateur.

Bridon Cordage et Bridon Pacific — Exportateur et importateur

Dans son mémoire, l'avocate de Bridon Cordage et Bridon Pacific a fait valoir que contrairement à l'argumentation de Poli-Twine, la ficelle d'engerbage synthétique n'est pas un produit qui se vend uniquement en fonction des prix. Bien que l'avocate ait reconnu que le marché de la ficelle d'engerbage synthétique est sensible aux prix, elle a soutenu que le marché recherche davantage un produit de qualité qui répond aux besoins des agriculteurs. De plus, la qualité comprend aussi la fiabilité en matière de livraison et la sécurité des approvisionnements qui sont importants pour les distributeurs et les marchands et, il va sans dire, pour les agriculteurs parce que le foin et les graminées doivent être mis en balles au bon moment.

L'avocate a aussi soutenu que l'ensemble du marché pour les produits de mise en balles est cyclique. Par exemple, en raison des conditions météorologiques, la saison de mise en balles de 1992 a été courte. Elle a expliqué que les conditions météorologiques étaient connues assez longtemps à l'avance pour permettre aux acheteurs de réduire les quantités de ficelle d'engerbage synthétique achetées d'avance.

L'avocate a convenu que les décisions en matière de prix des grands acheteurs comme IPCO ont établi les prix pour la saison sur le marché traditionnel canadien. Elle a fait remarquer qu'il est normal que dans pareil cas, les nouveaux venus sur un marché obtiennent une part de ce marché en ayant recours à des méthodes non traditionnelles qui peuvent aller à l'encontre des méthodes de commercialisation des intervenants habituels. Afin de contrer un important intervenant qui contrôle le marché au point d'établir les prix, des efforts seront faits pour accroître la concurrence. Les fabricants qui ne tentent pas d'accroître la concurrence doivent faire face aux changements du marché. L'avocate a tout de même soutenu que les éléments de preuve ont montré que Poli-Twine est l'entreprise dominante en matière de prix dans les négociations lors de la saison des commandes.

Quant aux autres éléments qui peuvent avoir contribué au préjudice et dont les effets ne doivent pas être attribués aux marchandises sous-évaluées, l'avocate a mentionné la préférence d'un agriculteur pour un type de ficelle d'engerbage synthétique plutôt qu'un autre. Elle a laissé entendre que la ficelle d'engerbage du type monofilaments serait probablement vendue à un prix inférieur puisque ce produit n'est pas le plus populaire. Elle a aussi exprimé l'avis que l'effet des fluctuations du taux de change est sans rapport avec la présente enquête. L'avocate a fait valoir qu'un préjudice ne peut être causé par un présumé dumping lorsque l'écart de prix est attribuable aux fluctuations du taux de change. Elle a soutenu en outre que la réorganisation chez TecSyn ne pouvait être attribuée aux importations actuelles de ficelle d'engerbage synthétique puisque cette restructuration a eu lieu avant la présente enquête et peut avoir joué au niveau de la confiance ou du manque de confiance des clients en ce qui a trait à la viabilité à long terme de Poli-Twine. En dernier lieu, la décision de Poli-Twine d'accorder un remboursement a été considérée comme étant de nature purement commerciale et démontrait un manque de compréhension du fonctionnement du marché et de la façon de prendre des décisions en matière de commercialisation. Cette décision ne doit pas être attribuée à la concurrence livrée par les importations.

En conclusion, l'avocate a soulign 9‚ que pour rendre des conclusions de préjudice sensible, il doit être démontré clairement que les importations sous-évaluées, et non les facteurs susmentionnés, sont à l'origine des revers subis par l'industrie nationale.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Étant donné qu'il n'y a que deux fabricants canadiens des marchandises en question et qu'une poignée d'importateurs importants de ficelle d'engerbage synthétique, la plupart des données économiques liées à la présente cause sont de nature confidentielle. Par conséquent, seuls des renseignements sur les tendances et les modifications de l'ampleur par rapport à une année de référence pour des critères clés comme la production, les parts du marché, les prix, etc., peuvent être recensés plutôt que les valeurs absolues.

Les renseignements sur les importations ne sont cependant pas confidentiels. Des données sur les changements absolus des volumes d'importation et des sources d'approvisionnement peuvent dont être fournies. Ces données servent ensuite de point de référence dans la discussion des variations dans les données sur la production et le marché apparent. Un tableau fournit aussi des renseignements sur les changements au regard de ces critères et d'autres critères économiques clés.

Comme en témoigne le tableau suivant, les importations de ficelle d'engerbage synthétiques sont passées de 11,9 millions de lb en 1990 à 8,5 millions en 1991, soit une diminution de 29 p. 100. En 1992 et 1993, les importations se sont accrues de 21 p. 100 et de 11 p. 100 respectivement. En 1993, le total des importations, soit 11,4 millions de lb, était inférieur de 4 p. 100 au niveau de 1990. En 1993, 62 p. 100 des importations provenaient des États-Unis comparativement à 58 p. 100 en 1990. Le Portugal, le deuxième fournisseur, avait 30 p. 100 de l'ensemble des importations en 1993 comparativement à 16 p. 100 en 1990.

Tableau 2
Importations apparentes de ficelle d'engerbage synthétique
(000 lb)

Pays

1990

%

1991

%

1992

%

1993

%

États-Unis

6 907

58

4 479

53

6 714

65

7 116

62

Portugal

1 866

16

1 798

21

2 425

24

3 435

30

Ancienne Tchécoslovaquie

640

5

1 095

13

392

4

457

4

Afrique du Sud

223

2

225

3

95

1

357

3

République fédérale d'Allemagne

845

7

721

8

514

5

37

-

Autres

1 435

12

187

2

169

2

31

-

Total

11 916

100

8 505

100

10 309

100

11 433

100

Variation en pourcentage

(29)

21

11

1. Chiffres arrondis.

Source : Questionnaires à l'intention du fabricant et de l'importateur et Statistique Canada.

Le tableau 3 présente sous forme d'indice les variations entre 1990 et 1993 des principaux indicateurs, soit la production intérieure, le marché apparent, les prix, l'emploi et le résultat net avant impôt.

Tableau 3
Indices des principaux indicateurs
(1990=100)

1991

1992

1993

Production intérieure (unités)

88

84

87

Marché apparent (unités)

79

80

89

Prix1

99

94

94

Emploi

94

73

77

Résultat net (perte) avant impôt

(191)2

59

76

1. Prix moyens pondérés de quatre grands fournisseurs à leurs dix principaux clients au Canada.

2. La perte nette avant impôt est largement attribuable à l'importante restructuration mise en œuvre par TecSyn en 1991.

Source : Rapport du personnel du Tribunal.

Comme le montrent les tableaux précédents, la production intérieure des marchandises en question, tout comme les importations, ont diminué en 1991 par rapport à 1990. Toutefois, bien que les importations aient augmenté de 21 p. 100 en 1992, la production intérieure pour cette année a continué de chuter avant de se rétablir quelque peu en 1993. Ainsi, en 1993, les volumes de production ont été sensiblement inférieurs à ceux de 1990.

En réaction aux modifications des niveaux des importations et de production intérieure, le marché apparent des marchandises en question a chuté considérablement en 1991 par rapport à l'année précédente. Le marché a ensuite connu une reprise marginale en 1992 et plus substantielle en 1993. En 1993, le marché apparent des marchandises en question est demeuré sensiblement inférieur à celui de 1990.

Les prix moyens pondérés demandés par quatre grands fournisseurs à leurs dix principaux clients au Canada ont diminué très légèrement en 1991 pour chuter de façon plus marquée en 1992 avant de se stabiliser en 1993.

Le nombre total d'emplois dans la production intérieure des marchandises en question a connu une diminution sensible de 1990 à 1993.

Le rendement de l'industrie (résultat net avant impôt) sur les ventes intérieures de marchandises en question a été positif chaque année, sauf en 1991. Les taux de rendement ont toutefois été relativement modestes et sensiblement inférieurs à ceux de 1990 tant en 1992 qu'en 1993.

La part du marché détenue par les ventes à partir de la production intérieure et celle détenue par les ventes à partir des importations n'étaient pas sensiblement différentes en 1993 de celles en 1990.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping des marchandises en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Avant de procéder à cette détermination, le Tribunal doit être convaincu que l'industrie nationale, représentée dans la présente cause par la partie plaignante, produit des marchandises similaires à celles décrites par le Sous-ministre dans la décision provisoire de dumping et qu'elle constitue pour le moins une proportion majeure de la production nationale totale de ficelle d'engerbage synthétique avec une résistance au nœud de 200 lb ou moins.

La catégorie de marchandises décrite par le Sous-ministre dans la décision provisoire de dumping comprend essentiellement deux types de ficelle d'engerbage synthétique : le type ruban fibrillé et le type monofilaments. Ces deux types de ficelle sont fabriqués au Canada et constituent, aux fins de la présente enquête, des marchandises similaires à la ficelle d'engerbage synthétique importée.

En ce qui a trait à l'exigence selon laquelle la partie plaignante doit constituer pour le moins une proportion majeure de la production nationale totale de ficelle d'engerbage synthétique avec une résistance au nœud de 200 lb ou moins, le Tribunal conclut que cette exigence est respectée puisque Poli-Twine intervient pour la vaste majorité de la production intérieure totale des deux fabricants nationaux de ces marchandises.

Préjudice passé et présent

Au Canada, la demande de ficelle d'engerbage synthétique varie non seulement selon qu'il s'agit de ficelle pour mise en balles rectangulaires ou cylindriques, mais aussi en fonction des différentes régions du pays.

Par exemple, les fermes des régions du centre et de l'est du Canada sont habituellement plus petites que celles de l'ouest du pays et le foin en balles doit souvent être manutentionné par une personne au moment de nourrir les animaux. Des balles de foin plus petites se prêtent donc mieux à ces activités. Selon les témoignages entendus lors de l'audience, la ficelle pour balles rectangulaires représente environ 90 p. 100 de la demande du marché dans l'est du Canada. De plus, étant donné que ce marché est situé à proximité des fournisseurs étrangers, la demande est satisfaite non seulement par les fournisseurs nord-américains, mais aussi par les fournisseurs européens, particulièrement par le Portugal.

Par ailleurs, les fermes dans l'ouest du Canada sont habituellement beaucoup plus grandes que celles dans l'est. Des balles de foin plus grosses, qui sont conçues principalement pour être réparties dans des parcs d'engraissement ou utilisées pour nourrir les animaux dans de grandes exploitations agricoles, répondent davantage aux besoins. Selon les témoignages entendus lors de l'audience, la ficelle pour balles cylindriques représente près de 80 p. 100 de la demande du marché dans l'ouest du Canada. Contrairement à la situation dans le centre et l'est du Canada, le marché de l'ouest est plus éloigné des fournisseurs étrangers. Par conséquent, bien que certaines ficelles particulières en provenance du Portugal ciblent avec succès des marchés précis de l'ouest, la demande du marché a tendance à être satisfaite surtout par des fournisseurs nord-américains, c.-à-d. les fournisseurs canadiens et les exportateurs américains.

L'augmentation entre 1990 et 1993 de la part des importations totales détenue par le Portugal et les États-Unis doit être envisagée dans le contexte de ces différents marchés pour les marchandises en question. En 1993, 62 p. 100 des importations totales provenaient des États-Unis, ce qui est plus de deux fois supérieur à la part des importations détenue par le Portugal. Ces importations en provenance des États-Unis étaient surtout destinées au marché de la ficelle d'engerbage synthétique de l'ouest du Canada.

Comme l'indiquent les données, les augmentations de la part des importations détenue par les États-Unis et le Portugal de 1990 à 1993 ont été réalisées considérablement au détriment d'autres fournisseurs traditionnels du marché canadien comme la République fédérale d'Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni. Le Tribunal conclut que c'est en partie pour cette raison que la part du marché détenue par les ventes à partir de la production nationale est demeurée en 1993 sensiblement la même qu'en 1990. Toutefois, le Tribunal est également d'avis que cette part du marché relativement stable est surtout attribuable à la décision de Poli-Twine de concurrencer les prix à l'importation sur le marché canadien afin de maintenir des volumes de production viables.

Les témoins de Poli-Twine ont déclaré que la société par le passé a dû réduire ses prix afin de concurrencer les prix des importations sur le marché canadien. Plus particulièrement, Poli-Twine a fourni des témoignages et des éléments de preuve relativement aux réductions de prix consenties en 1993 sur la ficelle pour balles cylindriques et rectangulaires en raison des prix plus bas proposés pour ces produits par des fournisseurs américains de ficelle d'engerbage synthétique. En raison des prix plus bas offerts, Poli-Twine a soutenu avoir été dans l'obligation de proposer de nouveaux prix pour plusieurs de ses principales gammes de produits pendant la saison des livraisons de 1993. Les prix ont donc été sensiblement réduits par rapport aux niveaux initiaux. Selon Poli-Twine, il s'agissait de prix initiaux réalistes, fondés sur les coûts de production et d'autres coûts liés à ces produits et sur la nécessité d'obtenir un rendement raisonnable sur les ventes. Comme ces produits particuliers représentaient une proportion importante du volume de marchandises déjà fabriquées par Poli-Twine, il était impératif pour la survie à court terme de la société que cette dernière vende ces marchandises. Les réductions subséquentes de prix consenties sur ces produits ont sérieusement érodé la rentabilit?E9‚ de la société dans son ensemble, sans fournir un rendement suffisant pour permettre les réinvestissements requis pour la survie à plus long terme de la société.

Une multitude de données sur les prix de vente proposés par les fabricants canadiens et les importateurs des marchandises en question aux grossistes-distributeurs canadiens ont été fournies au Tribunal. Dans l'ensemble, les prix de vente des marchandises en question pratiqués par les deux fabricants et deux des principaux importateurs ont diminué en général de 1991 à 1993, période pour laquelle les données ont été fournies. Outre les données sur les ventes globales, des données précises ont aussi été obtenues pour la ficelle vendue en rouleaux de 9 000 pi, 20 000 pi et 28 000 pi, trois longueurs pour lesquelles les volumes de vente sont élevés. En 1993, ces trois produits représentaient près des deux tiers de l'ensemble du marché des marchandises en question au Canada, toutes longueurs confondues. Les prix de vente des mêmes quatre grands fournisseurs pour ces produits précis ont aussi connu une nette tendance à la baisse pendant cette même période. Dans l'ensemble, le Tribunal a obtenu des éléments de preuve concluants selon lesquels il y a eu érosion des prix pendant la période visée par l'enquête.

Il reste à déterminer si les marchandises sous-évaluées en question sont à l'origine de l'érosion des prix. Les listes de prix de fabricants et des importateurs, lorsqu'il y en avait, étaient plutôt sans intérêt par rapport aux prix finals prévus dans les marchés conclus entre acheteurs et vendeurs. Au mieux, les éléments de preuve ont montré que les listes de prix étaient un point de départ pour des discussions plus sérieuses sur les niveaux des prix finals. Par conséquent, les listes de prix ont été peu utiles pour déterminer la causalité de l'érosion des prix. Toutefois, les prix proposés en réponse aux appels d'offres ont été des plus révélateurs.

Dans ses efforts en vue de déterminer la cause de l'érosion des prix, le Tribunal a bénéficié du témoignage de M. Gordon Rettaler, Directeur de la commercialisation chez IPCO, le principal acheteur de ficelle d'engerbage synthétique au Canada avec plus de 20 p. 100 de l'ensemble des achats. M. Rettaler, qui négocie l'achat de ficelle d'engerbage synthétique pour six des coopératives membres de IPCO, connaît très bien non seulement le processus d'appel d'offres, mais aussi l'ordre et le moment de la présentation des soumissions faites par les fournisseurs potentiels à son organisation. Poli-Twine, Bridon Cordage et Bridon Pacific conviennent toutes que les grands acheteurs comme IPCO établissent pour la saison les prix des marchandises en question sur le marché canadien.

IPCO affirme recevoir des produits de qualité de Poli-Twine ainsi qu'un bon service. Elle reconnaît aussi que la qualité de la ficelle d'engerbage synthétique originaire des États-Unis et le service offert par Bridon Pacific sont comparables. Le Tribunal est d'avis qu'il est nettement avantageux pour IPCO d'avoir plus d'un fournisseur des marchandises en question, non seulement en termes de prix, mais aussi pour assurer la sécurité des approvisionnements. Si un fournisseur donné ne pouvait livrer le produit pour une raison quelconque, d'autres fournisseurs pourraient prendre la relève et combler une pénurie qui, autrement, pourrait avoir de sérieuses conséquences. Parallèlement, le Tribunal a constaté que les décisions de IPCO en matière d'achat de ficelle d'engerbage synthétique n'avaient rien d'altruiste, cette dernière insistant pour que les prix de chaque soumissionnaire soient concurrentiels par rapport à ceux d'autres fournisseurs du marché canadien. IPCO peut ensuite s'approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs en même temps et toujours à des prix compétitifs, ce dont bénéficient les coopératives membres de IPCO.

Lors du témoignage à huis clos de M. Rettaler, les éléments de preuve fournis par ce dernier ont surtout porté sur des détails concernant des propositions commerciales de prix précises et confidentielles soumises par des fournisseurs particuliers. Le Tribunal est d'avis que ces éléments de preuve ont corroboré les dépositions de témoins de Poli-Twine qui ont affirmé que cette société a non seulement dû offrir les mêmes prix que les fournisseurs américains pour réaliser des affaires, mais qu'elle a aussi été contrainte d'accorder des crédits à un important client après la livraison des marchandises en raison d'un fournisseur américain qui avait soumis à celui-ci une proposition de prix inférieure.

Outre la concurrence par les prix de la ficelle d'engerbage synthétique importée des États-Unis, Poli-Twine a aussi été obligée de concurrencer des propositions de prix basses d'un importateur de ficelle d'engerbage synthétique en provenance du Portugal. Contrairement aux importations de marchandises en question depuis les États-Unis, la ficelle portugaise n'a pas été vendue au Canada à des prix sous-évalués et n'était pas en concurrence de façon aussi directe sur les mêmes marchés de l'ouest du Canada approvisionnés par des fabricants canadiens et américains. Par conséquent, les importations de ficelle d'engerbage synthétique en provenance du Portugal n'ont pas eu une incidence aussi marquée sur la production intérieure que les importations de ficelle d'engerbage synthétique en provenance des États-Unis.

Les capacités des fournisseurs étrangers de répondre à la demande sur les marchés de l'est et de l'ouest du Canada pendant la période en saison diffèrent. Alors qu'environ 80 p. 100 de la demande du marché est expédiée pendant la saison normale de livraison, soit de janvier à juin, l'autre 20 p. 100 de la demande du marché découle de ventes en saison attribuables à de petites récoltes en fin de saison. Selon les témoins de Poli-Twine, habituellement seuls les fabricants canadiens réalisent des ventes pendant la période en saison.

Les volumes plus petits et les livraisons rapides requises pour les ventes des marchandises achetées pendant la période en saison écartent prétendument la concurrence des fournisseurs étrangers, comme ceux du Portugal, qui expédient leur ficelle au Canada par fret maritime. En revanche, les fabricants américains de ficelle d'engerbage synthétique sont plus près des marchés de l'ouest du Canada que Poli-Twine et sont donc bien placés pour répondre aux besoins de ce marché en saison.

Selon les témoins de Poli-Twine, outre les questions de transport, les fabricants américains jouissent d'un autre avantage pendant la période en saison canadienne puisque les prix proposés par ces derniers n'ont aucun effet néfaste sur les prix établis pour la majorité de leurs ventes réalisées aux États-Unis. Ainsi, les ventes réalisées par les fournisseurs américains à des prix en saison inférieurs au Canada n'ont aucune incidence sur les revenus obtenus sur leur principal marché aux États-Unis. Par conséquent, rien n'empêche les fournisseurs américains de vendre leurs produits au Canada à des prix sous-évalués. Inversement, si les fabricants canadiens offraient des prix en saison inférieurs, les clients canadiens exigeraient des réductions de prix rétroactives sur l'ensemble des marchandises déjà achetées à des prix fermes. Contrairement à leurs homologues américains, les fabricants canadiens seraient incapables de contrer de telles réductions de prix par des volumes de ventes plus élevés à des prix supérieurs sur un autre marché.

De l'avis du Tribunal, il est clair que l'industrie a subi une érosion et une compression des prix causées par les importations sous-évaluées et que ce préjudice attribuable aux prix a été suffisamment important pour être considéré comme étant sensible. Entre 1990 et 1993, les prix de vente des marchandises en question ont été réduits d'environ 6 p. 100. En 1993, Poli-Twine a dû réduire sa proposition de prix d'origine faite à IPCO d'un montant considérable afin d'obtenir un contrat qui autrement aurait été attribué à des fournisseurs américains en mesure d'offrir de bas prix uniquement en faisant du dumping. Ces réductions de prix ont eu un effet préjudiciable sur la rentabilité de l'entreprise.

Comme il est indiqué dans la section sur les indicateurs économiques, le rendement de l'industrie (résultat net avant impôt) en ce qui a trait aux ventes intérieures de marchandises en question a été positif, bien que relativement modeste, chaque année sauf en 1991. Les taux de rendement ont aussi été plus faibles en 1992 et 1993 qu'en 1990 en dépit des importantes mesures de réduction des coûts prises par Poli-Twine. On compte parmi les efforts de cette dernière à cet égard des réductions de personnel, la négociation de concessions salariales et d'une réduction du loyer, le regroupement des opérations d'entreposage et des achats de résine de polypropylène sur le marché au comptant moins cher. De l'avis du Tribunal, les conséquences financières positives de ces mesures sur le résultat net de Poli-Twine masquent l'ampleur réelle du préjudice causé par le dumping des marchandises en question. Si Poli-Twine n'avait pas pris ces mesures de réduction des coûts, la diminution nette de sa rentabilité aurait été beaucoup plus importante.

Nonobstant les mesures prises par Poli-Twine, le coût unitaire des marchandises vendues par les fabricants canadiens s'est accru pendant la période visée par l'enquête, tandis que le chiffre d'affaires net unitaire a diminué deux fois plus (par ex., en supposant une augmentation de 0,05 $/lb des marchandises vendues pendant la période visée, le prix de vente aurait diminué de 0,10 $/lb). Il en est résulté une diminution des profits bruts. Dans une autre tentative visant à atténuer les conséquences de ces réductions des profits bruts sur son résultat net, Poli-Twine a adopté des mesures supplémentaires pour réduire ses frais généraux, ses frais de vente et d'administration ainsi que ses frais financiers. En dépit du fait qu'elle avait réussi à réduire les coûts dans ce secteur, la pression exercée sur les profits bruts de Poli-Twine était tout simplement trop importante pour être entièrement neutralisée.

Le Tribunal est convaincu que les pressions exercées par la concurrence au Canada proviennent surtout des fournisseurs américains plutôt que des fournisseurs portugais de ficelle d'engerbage synthétique. Bien que les importations en provenance du Portugal soient de toute évidence un facteur dans le processus d'établissement des prix, le Tribunal est persuadé que les États-Unis, en raison de leur part dominante du marché des importations et de leur capacité de concurrencer sur le marché en saison, jouent le rôle le plus important parmi les exportateurs pour ce qui est de la détermination des niveaux de prix sur le marché canadien.

En résumé, compte tenu de l'évaluation qui précède, le Tribunal est convaincu que le préjudice passé et présent causé par les importations sous-évaluées est sensible.

Autres facteurs

Divers facteurs ont été mis de l'avant dans les mémoires préliminaire et final présentés par l'avocate de Bridon Cordage et de Bridon Pacific comme ayant contribué au préjudice subi par la partie plaignante. Il s'agit notamment du fait 1) que la ficelle d'engerbage synthétique n'est pas un produit vendu uniquement en fonction du prix, 2) que Poli-Twine n'était pas en mesure de fournir aux agriculteurs la ficelle d'engerbage du type ruban fibrillé qu'ils préfèrent et 3) que Poli-Twine a pris une mauvaise décision en acceptant de rembourser un client. Il a aussi été allégué que d'importantes quantités de ficelle d'engerbage synthétique ont ét 9‚ exportées vers les États-Unis par Poli-Twine dans une tentative délibérée de réduire les volumes de ventes au Canada en prévision de la présente enquête.

Bridon Cordage et Bridon Pacific n'ont présenté aucun élément de preuve pour étayer leurs allégations. Au contraire, les éléments de preuve produits par Poli-Twine ont montré que la ficelle d'engerbage synthétique est en effet un produit de base, que l'entreprise pouvait répondre à la demande du marché et que la décision prise en 1993 d'accorder un remboursement l'a été pour des raisons commerciales valables et qu'il s'agissait de la seule décision possible. De plus, ses exportations vers les États-Unis ont augmenté en 1991 par rapport à 1990, mais le niveau de ces exportations a chuté sensiblement en 1992 et 1993. Pour ces raisons, le Tribunal rejette tous les motifs invoqués par Bridon Cordage et Bridon Pacific pour expliquer les causes du préjudice sensible subi par la partie plaignante.

Préjudice futur

En ce qui a trait à un préjudice futur, le Tribunal croit que Poli-Twine devra, pendant un certain temps encore, faire face à la même situation sur le marché. Dans un marché où un acheteur change de fournisseur pour quelques cents la livre, Poli-Twine continuera probablement d'offrir des prix analogues aux prix sous-évalués de concurrents puisqu'elle ne peut se permettre de perdre des volumes de ventes et de mettre en danger l'ensemble de ses opérations de fabrication de ficelle d'engerbage synthétique. Parallèlement, il est permis de croire que les exportateurs américains continueront de proposer de bas prix, rendus possibles par le dumping, puisque ce dumping n'a aucune incidence fâcheuse sur leur marché intérieur. En fait, aussi longtemps qu'il y aura surproduction aux États-Unis, ces produits seront offerts sur le marché canadien aux prix nécessaires pour y faire des affaires. Récemment, ces prix ont été sous-évalués selon une marge considérable.

Le Tribunal conclut aussi que Poli-Twine ne peut à long terme continuer d'adopter des mesures visant à limiter et à réduire les coûts afin de rivaliser avec les importations américaines et conserver une part viable du marché canadien des marchandises en question. Les éléments de preuve laissent entendre que les ressources physiques, financières et humaines de Poli-Twine sont utilisées au maximum en raison de la nécessité de livrer concurrence aux prix sous-évalués des marchandises en question sur le marché canadien pendant une période prolongée. L'érosion ou la compression des prix ne peuvent continuer. Poli-Twine doit tout au moins obtenir une stabilisation des prix et, si possible, une augmentation des prix pour générer des revenus suffisants afin de financer l'investissement requis pour moderniser ses installations et fonctionner de la façon la plus rentable possible à court et à long terme. Ainsi, le Tribunal considère que la poursuite du dumping causerait probablement un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires par Poli-Twine.

CONCLUSION

Par conséquent, le Tribunal conclut que le dumping au Canada de la ficelle d'engerbage synthétique avec une résistance au nœud de 200 lb ou moins, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. Gazette du Canada Partie I, vol. 128, no 3, le 15 janvier 1994 aux pp. 258-59.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15.

3. Supra, note 1, no 14, le 2 avril 1994 aux pp. 2014-15.

4. Supra, note 1 aux pp. 276-77.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 11 juillet 1997