CHAUSSURES IMPERMÉABLES

Enquêtes (article 42)


CERTAINES CHAUSSURES IMPERMÉABLES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE TCHÈQUE ET SLOVAQUE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE TAIWAN
Enquête no : NQ-92-005

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 4 février 1993

Enquête no : NQ-92-005

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant :

CERTAINES CHAUSSURES IMPERMÉABLES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE TCHÈQUE ET SLOVAQUE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE TAIWAN

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 7 octobre 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 23 décembre 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada des chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir, des dessous imperméables en caoutchouc ou en plastique, et des chaussures imperméables en plastique, sauf les chaussures de sécurité et de sport, originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Taiwan.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérative tchèque et slovaque, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Taiwan n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. (Dissidence du membre Gracey au sujet du préjudice futur des chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque et de la République populaire de Chine.)

Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre présidant


W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Ottawa, le vendredi 19 février 1993

Enquête no : NQ-92-005

CERTAINES CHAUSSURES IMPERMÉABLES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE TCHÈQUE ET SLOVAQUE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE TAIWAN

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance de la République fédérative tchèque et slovaque, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Taiwan n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. (Dissidence du membre Gracey au sujet du préjudice futur des chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque et de la République populaire de Chine.)

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 11 et 12 janvier 1993

Date des conclusions : Le 4 février 1993
Date des motifs : Le 19 février 1993

Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant
W. Roy Hines, membre
Charles A. Gracey, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy
Agents de la recherche : Paule Couët
Anis Mahli
Francesca Iacurto

Préposés aux statistiques : Nynon Burroughs
Gilles Richard

Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault

Agent à l'inscription et
à la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : G.P. (Patt) MacPherson
Naila Elfar
pour Association des manufacturiers
de chaussures du Canada

(partie plaignante)
et Carlaw Limited
Genfoot Inc.
Kaufman Footwear, Division of
William H. Kaufman Inc.
Chamberlain Phipps Canada Limited,
Vimod Rubber Division
Les Souliers Feuille d'Érable Ltée
Les Chaussures Rallye Inc.
Norimco, Division of Bata Industries Ltd.

(fabricants)
Gérard Potvin
Directeur général
Hichaud Inc.

(importateur)

Témoins :

Nathan Finkelstein
Président
Association des manufacturiers de chaussures du Canada

Anthony J. Carrier
Président
Carlaw Limited

Gordon Cook
Président
Genfoot Inc.

Stuart I. Snyder, C.A.
Vice-président aux finances et Secrétaire trésorier
Kaufman Footwear, Division of William H. Kaufman Inc.

John Foglietta, B.B.M., CMA
Vice-président et Chef des finances
Chamberlain Phipps Canada Limited

Robert A. Stamegna
Président et Chef de la direction
Les Souliers Feuille d'Érable Ltée

Thor Blyschak
Président
Les Chaussures Rallye Inc.

Douglas K. Blair
Président
Norimco, Division of Bata Industries Ltd.

John W. Vassos
Directeur
Division de la chaussure
Kmart Canada Limitée

Gérard Potvin
Directeur général
Hichaud Inc.

R.K. Luff
Directeur de groupe - Achats
Zellers Inc.

Mark Kinnin
Acheteur
Zellers Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping datée du 7 octobre 1992, concernant l'importation au Canada des chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir, des dessous imperméables en caoutchouc ou en plastique, et des chaussures imperméables en plastique, sauf les chaussures de sécurité et de sport, originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Taiwan. Une décision définitive de dumping concernant les marchandises en question a été rendue le 23 décembre 1992. L'enquête du sous-ministre sur le dumping a porté sur les importations des marchandises en question entre le 1er juillet 1991 et le 30 juin 1992.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 24 octobre 1992 et du 9 janvier 1993, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal a été rendu public le 14 octobre 1992 et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 24 octobre 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants et aux importateurs canadiens des marchandises en question dans le but de recueillir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d'autres précisions, relativement à la période allant du 1er janvier 1989 au 30 septembre 1992. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience et portant sur la période considérée.

Le dossier de cette enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, parmi lesquelles les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties lors de l'audience, ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les procureurs indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) à compter du 11 janvier 1993. La partie plaignante, Association des manufacturiers de chaussures du Canada (AMCC), ainsi que Carlaw Limited (Carlaw), Genfoot Inc. (Genfoot), Kaufman Footwear, Division of William H. Kaufman Inc. (Kaufman), Chamberlain Phipps Canada Limited, Vimod Rubber Division (Vimod), Les Souliers Feuille d'Érable Ltée (Feuille d'Érable), Les Chaussures Rallye Inc. (Rallye) et Norimco, Division of Bata Industries Ltd. (Norimco), étaient représentées par des procureurs à l'audience.

Le 4 février 1993, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping au Canada des marchandises en question originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque, de la République populaire de Chine (la Chine), de la République de Corée (la Corée) et de Taiwan n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires (dissidence du membre Gracey).

PRODUIT

Les produits qui font l'objet de la présente enquête sont décrits par le Sous-ministre, dans la décision provisoire de dumping, comme étant des chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir, des dessous imperméables en caoutchouc ou en plastique, et des chaussures imperméables en plastique, sauf les chaussures de sécurité et de sport, originaires ou exportées de la République fédérative tchèque et slovaque, de la Chine, de la Corée et de Taiwan.

Les chaussures à dessous imperméable en plastique et à dessus non en cuir (ci-après appelées bottes d'hiver imperméables) comportent un dessous imperméable en plastique, en forme de coque, auquel on coud habituellement un dessus. Le dessus, qui est offert en plusieurs hauteurs et modèles, peut être fait de textile, de tissus enduits ou d'autres matières synthétiques.

Les chaussures imperméables en plastique sont habituellement faites entièrement de plastique, comme dans le cas des bottes pour la pluie. Dans certains cas, les chaussures peuvent être munies de garnitures ou d'attaches constituées d'autres matières : les bottillons de pluie en sont un exemple.

Les bottes d'hiver imperméables et les chaussures imperméables en plastique sont des produits finis. Elles peuvent être munies ou non de doublures et d'attaches. Cette catégorie de marchandise comprend les chaussures pour hommes, pour femmes et pour enfants. Les bottes d'hiver servent principalement au cours des mois froids de l'hiver et du printemps, et les chaussures imperméables en plastique protègent les pieds par temps pluvieux. Ces types de chaussures sont vendus par les magasins à très grande surface de vente (les grandes surfaces), les grandes chaînes de magasins de détail, les chaînes de magasins de chaussures et les détaillants indépendants. Les bottes d'hiver imperméables pour enfants sont vendues en général par les grandes surfaces, à des prix de détail courants dont la fourchette varie de 14,99 $ à 22,99 $.

Les dessous imperméables en caoutchouc ou en plastique (ci-après appelés dessous) sont des composants qui entrent dans la fabrication de chaussures imperméables finies, et sont donc considérés comme des produits non finis. Ces dessous se distinguent principalement des autres types de dessous par le fait que la semelle et une partie suffisamment haute pour protéger le pied de l'eau forment un seul composant en forme de coque. Aux fins de la présente enquête, les dessous en question peuvent être faits de caoutchouc (y compris le caoutchouc thermoplastique [TPR]), de polychlorure de vinyle (PVC) ou d'autres plastiques.

Les deux techniques de moulage les plus répandues pour fabriquer les chaussures et les dessous finis en question sont le moulage par coulée en moules creux et le moulage par injection.

INDUSTRIE CANADIENNE

La partie plaignante, l'AMCC, est une association de fabricants de chaussures. L'industrie canadienne compte actuellement huit fabricants connus des marchandises en question. Il s'agit d'Acton Rubber Company Ltd., de Carlaw, de Genfoot, de Kaufman, de Feuille d'Érable, de Norimco, de Rallye et de Vimod. Tous membres de l'AMCC, ces sociétés ont fabriqué la totalité de la production canadienne des chaussures en question en 1991. Les trois plus grands fabricants de chaussures finies en question en 1991, soit Norimco, Feuille d'Érable et Carlaw, ont produit 83 p. 100 de la production canadienne totale.

Tous les fabricants sauf trois produisent des gammes de produits non visés par la présente enquête, soit des chaussures imperméables faites de caoutchouc ou de TPR, des chaussures à dessous imperméable et à dessus en cuir, des chaussures approuvées par l'Association canadienne de normalisation et d'autres types de chaussures. Tous les fabricants canadiens produisent leurs propres dessous faits de caoutchouc ou de plastique, qui doivent servir à l'assemblage des chaussures finies visées ou non par la présente enquête. Quelques-uns d'entre eux vendent aussi des dessous à de petits fabricants secondaires (appelés «finisseurs»), ou les exportent vers les États-Unis.

La plupart des fabricants canadiens utilisent la technique de moulage par injection pour produire les chaussures en question. Deux d'entre eux utilisent aussi le moulage par coulée en moules creux. Les fabricants canadiens produisent et vendent leurs chaussures sous leur propre marque nominale, sous une marque de distributeur, aux termes de licences ou selon une combinaison d'arrangements du genre.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

Les marchandises en question ont été importées principalement par les grandes surfaces comme Zellers Inc. (Zellers) et Kinney/Woolco. Des importateurs de chaussures, des détaillants plus petits et des agents de marchandisage ont aussi importé les marchandises en question au cours de la période visée par l'enquête. Seule Hichaud Inc. (Hichaud), petit importateur de dessous et fabricant secondaire («finisseur») de chaussures finies, a comparu à l'audience. Un autre petit importateur, Cavalier Equestrian Supply Ltd. (Cavalier), qui a importé des bottes d'équitation au cours de la période visée par l'enquête, a demandé que ses produits soient exclus.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

La période d'enquête choisie par le Sous-ministre a porté sur les importations des marchandises en question effectuées entre le 1er juillet 1991 et le 30 juin 1992.

Dans la décision définitive de dumping, le Sous-ministre a conclu qu'au cours de la période visée par l'enquête, environ 43,2 p. 100 des marchandises en question examinées étaient sous-évaluées. Les marges de dumping concernant les marchandises sous-évaluées étaient comprises entre 1,3 p. 100 et 47,2 p. 100. Les résultats ont varié selon le type de produit et le pays visé. Parmi les marchandises en question examinées, 35 p. 100 environ des bottes d'hiver imperméables, 65 p. 100 des chaussures imperméables en plastique et 100 p. 100 des dessous ont fait l'objet de dumping.

Au cours de la période visée par l'enquête, le Sous-ministre a conclu qu'environ 4 p. 100 seulement des exportations de bottes d'hiver imperméables en provenance de Taiwan étaient sous-évaluées selon une marge de dumping de 1,6 p. 100. Il a constaté que 61 p. 100 des exportations taiwanaises de chaussures imperméables en plastique ont fait l'objet de dumping et que la marge de dumping variait de 5,3 p. 100 à 6,3 p. 100. Taiwan n'a pas exporté de dessous. Étant donné que la Chine, la République fédérative tchèque et slovaque et la Corée n'ont pas collaboré ni fourni les renseignements nécessaires, les valeurs normales, dans le cas de ces pays, ont été établies suivant les prescriptions ministérielles, et correspondent au prix d'exportation des marchandises, majoré d'un montant égal à 89,3 p. 100 du prix d'exportation en cause. La majoration de 89,3 p. 100 du prix d'exportation correspond à la marge de dumping la plus élevée (47,2 p. 100) constatée au stade de la décision provisoire de dumping dans le cas de toutes les marchandises examinées (la marge de dumping étant exprimée en pourcentage de la valeur normale). Le Sous-ministre a donc conclu que les marchandises en question importées de la Chine, de la République fédérative tchèque et slovaque et de la Corée ont fait l'objet de dumping selon une marge de 47,2 p. 100.

POSITION DE LA PARTIE PLAIGNANTE

Les procureurs de la partie plaignante ont soutenu que le Tribunal devrait conclure que le dumping des marchandises en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Ils ont affirmé que le préjudice découlant du dumping s'est manifesté sous la forme d'une perte de ventes et, par conséquent, d'une diminution de la production, d'une réduction de la part du marché, d'une compression des prix, d'une perte de rentabilité et d'une perte d'emplois.

Les procureurs ont affirmé que même si l'AMCC avait prévenu les importateurs et les détaillants, au début de 1992, de la possibilité que des mesures antidumping soient prises à l'égard des chaussures en plastique, la part du marché détenue par les importations a continué de s'accroître. Ils ont ajouté que les membres de l'AMCC estimaient en général que si le dumping d'importations se poursuivait, la part du marché détenue par l'industrie continuerait de diminuer. En outre, les fabricants canadiens étaient préoccupés par le fait qu'au cours des derniers mois de 1991, les prix de détail des bottes d'hiver imperméables importées pour enfants ont été très bas. Ils sont d'avis que si aucune mesure n'est prise, les détaillants achèteront leurs bottes bon marché à l'étranger.

Selon les procureurs, l'industrie de la chaussure imperméable en plastique est relativement jeune et elle est reconnue pour ses innovations et l'attrait ainsi que le caractère fonctionnel de ses produits. De plus, cette industrie est orientée vers les exportations et est très concurrentielle.

Les procureurs ont soutenu que l'industrie a subi un préjudice sous la forme d'une perte de la part du marché qui a entraîné une perte de ventes et une diminution de la production. Ils ont fait remarquer que les importations de chaussures finies en question originaires des pays visés ont augmenté rapidement pour passer de 47 000 paires en 1989 à 551 000 paires au cours des trois premiers trimestres de 1992, ce qui a eu pour effet de réduire la part du marché détenue par l'industrie canadienne. Ils ont également prétendu que, sans la plainte antidumping déposée par l'AMCC et l'enquête menée par la suite par le Sous-ministre, les chiffres de 1992 auraient été beaucoup plus élevés.

Les procureurs ont soutenu qu'il faut rajuster les données relatives à la production canadienne des marchandises en question et au marché apparent total figurant dans les documents versés au dossier. Ils ont affirmé que les augmentations indiquées dans le dossier ont découlé du fait qu'un fabricant a changé de technique de production et remplacé le TPR par le PVC, et qu'à la suite de ce changement, la production de marchandises en TPR a été remplacée par de nouvelles marchandises en PVC. Ces augmentations ne se sont pas traduites par une croissance du marché. Les procureurs ont affirmé qu'à la suite de ce rajustement, la production canadienne des marchandises en question n'aurait pas augmenté et que le marché apparent total n'aurait augmenté que légèrement. Ils ont également soutenu que cette croissance minime du marché était attribuable à la nature des marchandises en question qui sont rentables même en période de récession, et à la croissance physique des enfants, à qui il faut acheter régulièrement de nouvelles chaussures.

Les procureurs ont affirmé que, depuis deux ans, la perte rajustée de la part du marché s'élève à environ 11 points de pourcentage. Les ventes, la production, l'emploi et les marges bénéficiaires brutes ont donc diminué et l'industrie a subi un préjudice sensible causé par les importations, même si, comme l'ont fait remarquer les procureurs, un pourcentage important de ces importations n'a pas fait l'objet de dumping.

Au sujet du préjudice futur, les procureurs ont affirmé que le danger était imminent, parce que les détaillants importants étaient toujours en mesure de recommencer à importer des volumes importants pour l'automne prochain, et que ceux-ci n'ont pas encore passé, en grande partie, leurs commandes pour la saison prochaine, car ils attendaient la décision du Tribunal. Les procureurs ont fait remarquer que la vulnérabilité de l'industrie varie, d'une entreprise à l'autre, selon la gamme de produits, le positionnement de l'entreprise au niveau des prix et la décision stratégique prise à l'égard des volumes, des prix et des marges bénéficiaires acceptables.

Quant aux dessous, les procureurs ont soutenu qu'une exclusion des conclusions de préjudice pour ce produit exposerait l'industrie canadienne à un moyen facile de contourner toute décision de préjudice à l'égard des chaussures finies.

RÉPONSE

Personne n'a représenté les importateurs ni les exportateurs au cours des délibérations.

DEMANDES D'EXCLUSION

Le Tribunal a reçu de Cavalier une demande d'exclusion à l'égard des bottes d'équitation imperméables en plastique dans l'éventualité de conclusions de préjudice. En raison d'éléments particuliers intégrés à ce type de botte conçue spécifiquement pour l'équitation, comme une légère saillie au talon sur laquelle s'appuie l'éperon, Cavalier a prétendu que les bottes d'équitation doivent être considérées comme des chaussures de sport et, par conséquent, exclues de toute décision de préjudice sensible. Hichaud a aussi demandé que les dessous en caoutchouc vulcanisé soient exclus de toute décision de préjudice en raison de différences entre les dessous en caoutchouc vulcanisé, les dessous constitués de TPR ou PVC et les dessous moulés par coulée en moules creux.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le tableau qui suit résume les principaux indicateurs économiques de l'industrie des chaussures finies en question, qui regroupe les bottes d'hiver imperméables et les chaussures imperméables en plastique.

CHAUSSURES FINIES EN QUESTION
INDICATEURS ÉCONOMIQUES

1989

1990

1991

1991
T3

1992
T3

Ventes de la production nationale pour la consommation au pays (000 $)1

34 653

40 848

41 156

32 889

34 172

Part du marché détenue par l'industrie (%)

99

96

90

89

86

Part du marché détenue par les importateurs des pays visés (%)2

1

4

8

10

13

Part du marché détenue par les importateurs de pays non visés (%)

0

0

2

1

1

Part du marché totale détenue par les importations (%)

1

4

10

11

14

Profit (perte) net (te) de l'industrie (000 $)1,3

(227)

223

366

(231)

(1 636)

Utilisation de la capacité de l'industrie (%)

67

69

63

62

61

Emploi dans l'industrie4

994

1 048

969

n.d.

1 0075

n.d. = non disponible.

Note : Le sigle «T3» désigne les trois premiers trimestres de l'année.

1. Par exercice.

2. Le Sous-ministre a conclu que la plupart des importations en provenance des pays visés et examinées par le ministère du Revenu national au cours de la période faisant l'objet de l'enquête n'étaient pas sous-évaluées. Se reporter à la section intitulée «Résultats de l'enquête du Sous-Ministre».

3. N'inclut pas les données de Rallye et Carlaw.

4. Emploi direct lié à la production des chaussures finies et des dessous en question.

5. Les chiffres indiqués pour les trois trimestres de 1992 représentent l'année 1992 au complet.

Au cours de la période de trois ans allant de 1989 à 1991, le marché apparent total des chaussures finies en question a fluctué entre trois et quatre millions de paires au Canada, augmentant de 23 p. 100 au cours de cette p 9‚riode [2] . Même si les fabricants canadiens ont vu leurs ventes passer de 34,6 à 41,1 millions de dollars pendant cette période, leur part du marché a diminué pour passer de 99 p. 100 à 90 p. 100, tandis que celle représentée par les importations en provenance des pays visés est passée de 1 à 8 p. 100. Les importations en provenance de pays non visés ont été négligeables pendant toute la période faisant l'objet de l'enquête. En général, l'industrie a réalisé des profits au cours de cette période, malgré le fléchissement de l'utilisation de la capacité et de l'emploi.

Au cours des neuf premiers mois de 1992, comparativement à la période correspondante en 1991, les fabricants canadiens ont vu leurs ventes augmenter dans un marché en expansion, mais leur part du marché a connu une nouvelle baisse de trois points de pourcentage en raison des importations en provenance des pays visés. Même si l'emploi a augmenté dans l'industrie, l'utilisation de la capacité de celle-ci a diminué légèrement et l'industrie a subi des pertes financières nettes.

Le tableau qui suit illustre les principaux indicateurs de la part du marché des deux segments des chaussures finies en question, soit les bottes d'hiver imperméables et les chaussures imperméables en plastique.

BOTTES D'HIVER IMPERMÉABLES ET CHAUSSURES IMPERMÉABLES EN PLASTIQUE
PART DU MARCHÉ APPARENT

(%)

1989

1990

1991

1991
T3

1992
T3

Bottes d'hiver imperméables

Fabricants canadiens

99

96

90

89

84

Importateurs - pays visés

1

4

9

10

15

Importateurs - pays non visés

0

0

1

1

1

Total partiel

100

100

100

100

100

Chaussures imperméables en plastique

Fabricants canadiens

99

97

92

91

91

Importateurs - pays visés

1

3

8

9

9

Importateurs - pays non visés

0

0

0

0

0

Total partiel

100

100

100

100

100

Note : Le sigle «T3» désigne les trois premiers trimestres de l'année.

Le marché des bottes d'hiver imperméables a représenté environ 80 p. 100 du marché apparent total des chaussures finies en question au cours de la période visée par l'enquête. La part de ce marché détenue par les fabricants canadiens a diminué pour passer de 99 p. 100 à 84 p. 100 pendant cette période, tandis que les importations en provenance des pays visés ont augmenté de 14 points de pourcentage. La part du marché des chaussures imperméables en plastique détenue par les fabricants canadiens a aussi diminué de 8 points de pourcentage au cours de la même période. Dans l'ensemble, Taiwan était le plus important fournisseur de bottes d'hiver imperméables et de chaussures imperméables en plastique importées, suivi de la Chine, de la République fédérative tchèque et slovaque et de la Corée.

Dans le cas des dessous, le marché apparent total a fluctué entre 4,4 et un maximum de 5,2 millions de paires au cours de la période visée par l'enquête. L'analyse des neuf premiers mois de 1992, comparativement à la période correspondante en 1991, a révélé que le marché apparent a augmenté légèrement. Les importations de dessous ont été relativement constantes pendant toute la période visée par l'enquête et ont représenté environ 2 p. 100 du marché total, la majorité de celles-ci provenant des États-Unis, pays non visé. La République fédérative tchèque et slovaque et la Corée ont fourni un volume très faible d'importations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l'article 42 de la LMSI, le Tribunal est tenu d'établir si le dumping de certaines chaussures imperméables a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve présentés et les effets que le dumping a eu sur les marchandises en question.

Bottes d'hiver imperméables

Jusqu'au début des années 80, la plupart des chaussures de protection étaient faites de caoutchouc en couches ou de TPR moulé. Grâce à de nouveaux procédés chimiques, divers plastiques, dont le PVC, ont fait leur apparition sur le marché de la consommation. Semblable au TPR par son imperméabilité, le PVC présente l'avantage d'être résistant, léger et incolore, ce qui permet en outre de fabriquer une gamme variée de produits colorés en ajoutant des colorants et des pigments. Jusqu'en 1989, les fabricants canadiens ont répondu à presque toute la demande croissante de chaussures en plastique moulé sur le marché, et les importations de bottes d'hiver imperméables en PVC étaient à peu près nulles.

La situation a changé en 1990 lorsque Zellers, le plus important détaillant de bottes d'hiver au Canada, a décidé de s'approvisionner en partie à l'étranger. Négligeables jusqu'à ce moment-là, les ventes totales de bottes d'hiver imperméables importées ont augmenté pour s'établir à 126 000 paires, absorbant ainsi quatre points de pourcentage de la part du marché. Étant donné que le marché était en plein essor, les ventes de l'industrie canadienne ont également augmenté, mais à un rythme moins rapide que celui des importations. Au cours de l'année suivante, soit 1991, le marché apparent des bottes d'hiver imperméables a connu une nouvelle augmentation de 7 p. 100. Pendant que les ventes des bottes importées en question passaient à 317 000 paires (une augmentation de 152 p. 100), les ventes des fabricants canadiens ont augmenté légèrement (un point de pourcentage). Pendant l'année en question, un nouveau fabricant, Rallye, a fait son apparition sur le marché. La comparaison des neuf premiers mois de 1992 à la période correspondante de 1991 révèle que le marché était encore en plein essor, que les ventes des fabricants canadiens ont diminué légèrement et que les ventes d'importations ont augmenté d'environ 51 p. 100 pour passer à 426 000 paires. En 1992, Genfoot a remplacé le TPR par le PVC dans une partie de sa production de bottes d'hiver imperméables.

Le niveau des importations de bottes d'hiver imperméables a varié énormément entre les quatre pays visés. Les importations en provenance de la Corée ont atteint leur point culminant en 1990 pour s'établir à 119 000 paires, représentant alors la totalité des importations de bottes d'hiver imperméables, pour tomber ensuite à 14 000 paires en 1992, niveau négligeable qui représentait 3 p. 100 des importations en provenance des pays visés. Les importations en provenance de Taiwan ont remplacé dans une certaine mesure les importations coréennes en baisse. Nulles en 1989, les importations taiwanaises ont atteint 180 000 paires pour représenter 60 p. 100 du total des importations de bottes d'hiver imperméables en provenance des quatres pays visés en 1991, et 267 000 paires pour représenter environ 59 p. 100 desdites importations, au cours des neuf premiers mois de 1992. Négligeables jusqu'en 1991 avec un total de 10 000 paires, les importations de bottes d'hiver imperméables en provenance de la Chine ont augmenté rapidement pour atteindre 106 000 paires au cours des trois premiers trimestres de 1992. La Chine est ainsi devenue le deuxième fournisseur d'importations avec 23 p. 100 du total des importations de bottes de ce genre en provenance des pays visés. Enfin, les importations en provenance de la République fédérative tchèque et slovaque sont passées de 53 000 paires en 1991 à 68 000 paires en 1992, ce qui a représenté 15 p. 100 du total des bottes d'hiver imperméables importées des pays visés en 1992. Comme il a déjà été mentionné, la majeure partie des importations de bottes d'hiver imperméables examinées par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) au cours de la période visée par l'enquête n'a pas fait l'objet de dumping. Ces importations étaient constituées surtout de bottes d'hiver imperméables pour enfants [3] . Les éléments de preuve soumis par Zellers révèlent que les importations, du moins en 1991 et en 1992, se situaient essentiellement dans la gamme de prix bas et ont été débarquées au Canada à un prix variant de 7,50 $ à 8,00 $.

Un témoin qui a comparu pour le compte de Zellers a déclaré au Tribunal qu'entre 1990 et 1992, Zellers a augmenté ses achats de bottes d'hiver imperméables au Canada auprès de quatre de ses cinq fournisseurs. L'augmentation du chiffre d'affaires, tant en valeur pécuniaire que par le nombre de paires, a varié de 25 p. 100 à 86 p. 100 selon le fabricant. Dans un cas seulement, Zellers a diminué ses achats effectués auprès d'un fournisseur canadien (Carlaw), car l'entreprise abandonnait le genre de chaussure fournie par ce fabricant. Zellers estime que sa part du marché de détail des bottes d'hiver a augmenté au cours de la période, ce qui lui a permis d'accroître à la fois ses importations en provenance de l'Extrême-Orient et ses achats au Canada.

Le Tribunal prend note de la position de Zellers sur le marché et de sa décision de s'approvisionner en Corée, en 1990, et en Taiwan, en 1991 et 1992. Il a été expliqué que l'entreprise a importé ainsi après avoir pris une décision stratégique de s'approvisionner ailleurs pour diverses raisons, mais surtout à cause du prix, qui constitue une des nombreuses variables sur lesquelles sont fondées les décisions en matière d'approvisionnement. Toutefois, la fiabilité du fournisseur, les matières et la qualité de la fabrication des chaussures et les relations entre le fournisseur et le fabricant sont aussi des facteurs importants. Zellers, en tant que grand détaillant et importateur de chaussures d'hiver imperméables en question, a pour principe d'acheter au Canada lorsque c'est logique sur le plan commercial, mais l'entreprise s'approvisionnera auprès de n'importe quel fournisseur si elle peut trouver des produits de qualité semblable à meilleur prix. Un autre témoin, représentant Kmart Canada Limitée (Kmart), a repris les propos du témoin de Zellers en affirmant que les importations sont fondées sur le prix.

Au cours des délibérations, l'industrie a prétendu subir un préjudice sensible en se fondant essentiellement sur trois principaux facteurs : la perte de ventes, la compression des prix et la baisse des résultats financiers.

Quatre fabricants ont soumis des éléments de preuve précis à l'égard de pertes de ventes ou de ventes à prix réduit. C'est surtout dans le segment des bottes d'hiver imperméables pour enfants que les fabricants ont prétendu avoir perdu des ventes, et environ 85 p. 100 des ventes en question ont été prétendument perdues à des exportations taiwanaises, le reste des ventes ayant été surtout perdues à des importations en provenance de la République fédérative tchèque et slovaque et de la Chine. Le Tribunal fait remarquer, cependant, qu'un volume négligeable seulement de bottes d'hiver imperméables en provenance de Taiwan a été jugé sous-évalué selon des marges de dumping très faibles (inférieures de beaucoup à 5 p. 100).

Le Tribunal constate que les éléments de preuve relatifs à la perte de ventes causée par des importations sous-évaluées ne sont pas concluants. Dans certains cas, les fabricants n'étaient pas certains de l'origine des importations liées aux ventes perdues en question. Au total, environ 16 p. 100 des ventes prétendument perdues ont pu être liées à des importations sous-évaluées, ce qui représente environ 1 p. 100 des ventes totales de l'industrie en 1991. Le Tribunal a également entendu dire que certaines ventes ont pu être perdues ou ont été perdues à d'autres producteurs canadiens. Par exemple, Norimco, en raison des ventes qu'elle a perdues à la suite de la disparition de certains de ses clients et de la tendance générale du marché à délaisser les magasins à rayons en faveur des grandes surfaces et des soldeurs importants, a modifié sa stratégie d'établissement des prix en concentrant ses efforts sur le créneau de 11 $ à 12 $ du marché des bottes d'hiver au lieu du créneau antérieur de 13 $ à 17 $, pour arracher ainsi des ventes à d'autres fabricants. De plus, le Tribunal constate que ni Vimod ni Kaufman n'ont prétendu avoir perdu des ventes.

Le Tribunal est d'avis qu'il y a eu compression des prix causée par la présence de volumes croissants d'importations, mais pas nécessairement par des importations sous-évaluées. Des éléments de preuve ont été recueillis selon lesquels des détaillants ont demandé à des fabricants canadiens de baisser leurs prix à cause du prix des chaussures importées. Ces demandes ont porté aussi sur le nombre de paires de chaussures, c'est-à-dire que dans le but de maintenir un volume semblable de bottes, le fabricant a dû accepter de faire des concessions de prix. Dans certains cas, le volume des commandes a diminué. Le Tribunal a aussi entendu des témoignages selon lesquels certains fabricants n'ont pu relever le prix de leurs bottes d'hiver imperméables et, en fait, ont vu baisser leurs prix entre 1991 et 1992. En effet, certains fabricants ont vu les prix de leurs bottes d'hiver imperméables pour enfants baisser d'un dollar ou plus la paire entre la saison de ventes de 1991 et celle de 1992. Ces baisses de prix ont varié selon les gammes de produits offerts au détaillant. Enfin, le Tribunal est d'avis que des importations meilleur marché ont permis aux détaillants d'obtenir des concessions de prix à l'industrie canadienne, et que ces importations ont eu pour effet d'aider à comprimer les prix.

Les producteurs canadiens fabriquent des produits très semblables et vendent au même nombre limité de détaillants (comme Zellers, Kmart, Kinney/Woolco, Sears, Eaton et La Baie) dans une fourchette de prix à peu près semblable, sauf Kaufman qui vend dans le haut de gamme du marché. Les fabricants eux-mêmes ont confirmé le niveau de la concurrence existant au sein de l'industrie et les efforts de concurrence liés aux prix et aux modèles. Un fabricant, Norimco, a déclaré au Tribunal qu'on peut le considérer comme le «bad guy» (méchant) dans l'industrie, comme «the domestic manufacturer that took business away from the others [4] » ([traduction] le fabricant canadien qui a arraché des clients aux autres). Un fabricant a reconnu qu'il n'avait pas l'intention de perdre sa part du marché à personne.

Des éléments de preuve ont indiqué que, face aux fabricants, les détaillants jouent sur plusieurs tableaux pour obtenir de meilleurs prix. Même s'ils sont en général loyaux à leurs fournisseurs, les détaillants sont constamment à l'affût du bon produit au bon prix, et comptent sur les fabricants canadiens pour mettre au point des produits vendables et rentables. Il semble, selon les éléments de preuve, qu'un écart de 0,25 $ la paire ne suffit pas pour qu'un détaillant change de producteur canadien.

En ce qui a trait aux résultats financiers de l'industrie, le Tribunal constate que, dans l'ensemble, la plupart des intervenants de l'industrie ont réalisé des profits relativement constants au cours de la période allant de 1990 à 1992 [5] . Même si un fabricant en particulier a perdu de l'argent pendant toute la période visée par l'enquête et si les pertes de ce dernier ont augmenté, les éléments de preuve révèlent que la rationalisation du secteur de la vente au détail découlant de fermetures, de faillites de chaînes et de fusions d'entreprises, événements qui se sont tous produits au cours des deux dernières années, a eu un effet négatif important sur le rendement financier de ce fabricant. Le Tribunal fait remarquer que ce fabricant a commencé à éprouver des difficultés longtemps avant le début de tout dumping.

Le Tribunal constate avec intérêt que les deux derniers arrivants dans l'industrie se sont certes très bien débrouillés depuis qu'ils ont commencé à produire des bottes d'hiver imperméables. Rallye a connu beaucoup de succès au cours de sa première année de production, en 1991. Le Tribunal constate toutefois que Rallye est un petit fabricant qui occupe un créneau que les autres producteurs ne desservent pas en offrant un modèle particulier (dessous tricolores), et qui vend sous licence une importante partie de sa production. En 1992, par ailleurs, Genfoot, fabricant bien établi utilisant le TPR, a remplacé le TPR par le PVC dans son importante production de chaussures imperméables pour enfants. Les procureurs de la partie plaignante ont soutenu qu'il ne faut pas inclure la production de Genfoot dans la production totale de l'industrie parce que l'entreprise n'a fait que remplacer une matière première par une autre et que les nouvelles ventes de chaussures en PVC remplacent des ventes de chaussures en TPR. Les procureurs ont soutenu qu'en soustrayant la production de Genfoot, on réduira davantage la production de l'industrie, sa part du marché et sa rentabilité, et qu'on obtiendra par conséquent un tableau plus réaliste de la situation véritable. Le Tribunal est d'avis que le fabricant en question a pris une décision stratégique afin de s'adapter à l'évolution du marché, de réduire ses coûts et de devenir plus concurrentiel, et que c'est pourquoi il faut le considérer comme un intervenant actif dans l'industrie des bottes d'hiver imperméables.

En résumé, même si l'industrie a perdu une part du marché au cours de la période visée par l'enquête, cette perte est attribuable en grande partie aux importations qui n'ont pas fait l'objet de dumping. Les éléments de preuve ont indiqué fortement que la concurrence entre les fabricants est vigoureuse, que les producteurs canadiens se font concurrence au niveau des prix, concurrence que les détaillants encouragent. Le Tribunal est d'avis que cette concurrence constante au sein de l'industrie et que l'activité accrue au chapitre des importations ont plus d'effet sur les prix que le volume relativement faible des importations sous-évaluées. Même s'il a pu y avoir compression des prix dans une certaine mesure, cette dernière n'a pas été assez importante pour causer un préjudice sensible.

Le Tribunal doit maintenant établir si le dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. À l'égard de questions de ce genre, le Tribunal se reporte au paragraphe 6 de l'article 3 du Code antidumping [6] du GATT, qui se lit, en partie, comme suit :

La détermination concluant à une menace de préjudice se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités.

Il semble que la concurrence régnant au sein de l'industrie, qui existait avant le début du dumping, persistera. Le témoignage de Norimco est très informatif à cet égard. En outre, aucun des fabricants qui ont comparu devant le Tribunal n'a laissé entendre qu'il avait l'intention de quitter l'industrie. Les prix continueront donc de subir des pressions. Un fabricant a déclaré au Tribunal que récemment, afin d'obtenir un contrat, il a dû engager sa production longtemps avant la saison de production normale. Ce phénomène, qui s'est manifesté aussi dans le passé, prendra probablement de l'ampleur à l'avenir, les détaillants tentant d'obtenir les meilleurs prix possibles de leurs fournisseurs canadiens.

Au cours des délibérations, le Tribunal a pris connaissance du fait que Taiwan n'exportera plus de bottes d'hiver imperméables, car Dunmill Industrial Co., Ltd. (Dunmill), plus important exportateur de ce pays, a mis fin à sa production et déménagera en Chine, si ce n'est déjà fait. Il reste à déterminer si cette décision entraînera une augmentation des importations en provenance de la Chine, les importateurs continuant de s'approvisionner en partie à l'étranger. Il a été démontré, toutefois, que l'industrie n'a pu établir de lien entre les importations en provenance de la Chine et tout indice de préjudice sensible, même si les importations en provenance de ce pays ont représenté 23 p. 100 du total des importations (et 2 p. 100 du marché apparent total) en 1992, et si la marge de dumping était de 47,2 p. 100. Comme il a déjà été mentionné, cette marge a été calculée en fonction de prescriptions ministérielles. Le Tribunal n'a pas le pouvoir de revenir en arrière et de réévaluer les calculs du Sous-ministre en matière de dumping. Le Tribunal a toutefois le pouvoir discrétionnaire de décider, dans son analyse du préjudice, du poids à accorder aux marges de dumping [7] .

Depuis quelques années, l'industrie canadienne de la chaussure a dû s'adapter à d'importants changements technologiques, des matériaux, des exigences des consommateurs et de la concurrence mondiale. Le secteur de la botte d'hiver imperméable en particulier a joué un solide rôle de chef de file en concevant, mettant au point et vendant des produits de grande qualité et à la mode afin de répondre aux besoins uniques d'un climat froid. Le marché intérieur a toujours été caractérisé par une vive concurrence entre des fabricants efficients et par un nombre limité de marchandiseurs concurrentiels qui achètent leurs produits. Cette relation a changé récemment à la suite de l'arrivée d'importations, en provenance surtout de l'Orient, qu'achètent les gros détaillants à la recherche d'un produit moins cher. Les fabricants canadiens ont, pour la plupart, pu faire face à cette concurrence et conserver la majeure partie du marché, même si certaines des importations ont été sous-évaluées.

Chaussures imperméables en plastique

Le Tribunal constate que le marché apparent de la chaussure imperméable en plastique a augmenté pendant la période visée par l'enquête pour passer de 21 p. 100 du marché apparent total des chaussures finies en question en 1989 à 28 p. 100 au cours des neuf premiers mois de 1992. La part des fabricants canadiens a diminué pour passer de 99 p. 100 environ à 91 p. 100 au cours de la même période.

Le Tribunal fait remarquer qu'à la suite de l'enquête de Revenu Canada, il a été constaté qu'un pourcentage important (65 p. 100) de toutes les importations examinées était sous-évalué selon des marges de dumping considérables dans le cas de tous les pays, sauf Taiwan, pour qui les marges de dumping étaient beaucoup plus faibles. L'industrie n'a toutefois pas fourni de renseignements ni de preuves solides de préjudice passé et présent en ce qui a trait à la perte de ventes, à la compression des prix ou à une baisse de la rentabilité, pas plus qu'elle n'a démontré que la situation changera probablement dans un avenir rapproché de façon à causer un préjudice.

Dessous

L'industrie a présenté très peu d'éléments de preuve concernant le préjudice passé, présent et futur causé par des importations sous-évaluées de dessous. La question du préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées n'a pas été abordée dans les mémoires présentés par l'industrie, aucune pièce n'a été soumise au Tribunal et aucun élément de preuve précis concernant la perte de ventes, la compression des prix ou la baisse de la rentabilité n'a été recueilli au cours des délibérations. Le Tribunal fait également remarquer que, même s'il a été établi que tous les dessous provenant des pays visés et examinés par le Sous-ministre avaient fait l'objet de dumping, ces importations ont représenté une proportion négligeable du marché des dessous. Un des fabricants canadiens a toutefois importé pour sa propre consommation, en 1992, un volume important de dessous des États-Unis, pays non visé par l'enquête.

Le Tribunal a entendu le représentant de l'AMCC déclarer que des rumeurs ont circulé, en 1991, selon lesquelles un des principaux détaillants envisageait d'importer des volumes importants de dessous en PVC destinés à entrer dans la fabrication au Canada de bottes d'hiver imperméables finies. Les procureurs représentant l'AMCC ont également soutenu que quiconque voulait importer des dessous pouvait en importer en grandes quantités pour produire des chaussures finies en y ajoutant des dessus et pourrait ainsi contourner toute décision de préjudice rendue à l'égard des chaussures finies. Le Tribunal considère que ces arguments sont purement spéculatifs.

CONCLUSION

À la lumière de ce qui précède et en se fondant sur tous les renseignements versés au dossier et sur les éléments de preuve recueillis lors de l'audience, la majorité des membres du Tribunal conclut que le dumping au Canada de bottes d'hiver imperméables, de chaussures imperméables en plastique et de dessous, à l'exclusion des chaussures de sécurité et des chaussures de sport, originaires ou exportés de la République fédérative tchèque et slovaque, de la Chine, de la Corée et de Taiwan, n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE GRACEY

Je suis d'accord avec mes collègues que les éléments de preuve et les arguments présentés n'ont pas été concluants en ce qui a trait au préjudice passé, présent et futur à l'égard des chaussures imperméables en plastique et des dessous. Je partage également leur opinion voulant que les importations de bottes d'hiver imperméables sous-évaluées n'ont pas causé et ne causent pas de préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Toutefois, les éléments de preuve recueillis sont suffisants pour me convaincre qu'il existe une possibilité réelle de préjudice sensible si aucune mesure n'est prise pour mettre fin au dumping de bottes d'hiver imperméables originaires de la République fédérative tchèque et slovaque et de la Chine.

Certes, des détaillants canadiens s'adressent depuis quelque temps à des fournisseurs étrangers à qui ils achètent une partie des bottes d'hiver imperméables dont ils ont besoin, et ce, en raison des prix. En effet, le pourcentage des importations de bottes d'hiver imperméables en provenance de la Chine a augmenté considérablement, représentant environ 23 p. 100 des bottes d'hiver imperméables importées en 1992, contre 3 p. 100 seulement en 1991. Je crois que les prix peu élevés demandés expliquent cette augmentation spectaculaire. De plus, il semble que les importations continueront d'augmenter si des conclusions de préjudice sensible ne sont pas rendues, et plusieurs intervenants ont affirmé que la Chine constitue un fournisseur régulier. Des éléments de preuve ont été présentés selon lesquels l'entreprise taiwanaise, Dunmill, qui a fourni jusqu'à maintenant la majeure partie des importations taiwanaises, a mis fin à sa production et déménagera ses installations en Chine, si ce n'est déjà fait. En effet, dans un document déposé auprès du Tribunal, un détaillant a fourni des offres de prix sur des bottes d'hiver imperméables, offres qu'il a reçues de ce fabricant et qui étaient fondées sur la production en Chine pour la saison de ventes de 1993.

Un témoin représentant un important détaillant a déclaré que même s'il n'avait pas encore acheté de bottes d'hiver imperméables en provenance de la Chine en 1993, son entreprise avait reçu des offres de prix fermes pour la prochaine saison et qu'il lui restait à décider s'il en achètera en 1993. Le même témoin a déclaré que si les producteurs canadiens ne pouvaient pas répondre à ses besoins de bottes d'hiver imperméables au prix désiré, il lui faudra «go outside somewhere to get it» ([traduction] acheter d'une source quelconque à l'étranger). Le témoin a aussi déclaré qu'à cause de la pression exercée par les importations, les fabricants canadiens ont offert de meilleurs prix.

Quelques fabricants canadiens ont déclaré que si des droits antidumping ne sont pas imposés et si le dumping se poursuit librement, ils pourraient notamment importer de l'Orient et de la Chine des dessus cousus. Un fabricant a déclaré qu'il avait déjà reçu des offres de prix. Les fabricants pourraient aussi acheter des bottes d'hiver imperméables finies de l'Orient, ou encore déménager leurs installations de production en Chine.

Je n'hésite donc nullement à conclure qu'il existe un risque réel et imminent de préjudice futur causé par la Chine. Je fonde ma conclusion sur le fait que les importations de marchandises sous-évaluées selon des marges de dumping élevées ont augmenté de façon spectaculaire entre 1991 et les trois premiers trimestres de 1992, et que certains détaillants (qui importent aussi) ont reconnu ouvertement avoir l'intention d'importer des marchandises de ce fournisseur. Depuis que la production de marchandises a cessé en Taiwan, il semble probable que les fabricants qui s'y approvisionnaient trouveront d'autres fournisseurs dont la Chine et la République fédérative tchèque et slovaque qui sont les plus vraisemblables.

Je partage l'opinion que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour justifier des conclusions de préjudice passé ou présent à l'égard des bottes d'hiver imperméables, mais j'aimerais faire remarquer que même si les fabricants canadiens ont augmenté leurs ventes de 0,9 p. 100 en 1991, les importations ont augmenté de 152 p. 100, ce qui a entraîné une diminution de la part du marché des bottes d'hiver imperméables détenue par les fabricants canadiens qui est passée de 95,7 p. 100 à 90 p. 100 en 1991. Au cours des trois premiers trimestres de 1992, les ventes au Canada ont diminué très légèrement, mais les importations ont connu une nouvelle augmentation de 34 p. 100 par rapport à l'année 1991 au complet. Ainsi, en 1992, la part du marché détenue par les fabricants canadiens a diminué de nouveau pour s'établir à 84 p. 100. Je reconnais que près de 60 p. 100 de ces importations provenaient de Taiwan. Cependant, étant donné que des éléments de preuve ont révélé que Taiwan envisage de transférer sa production en Chine, il est très raisonnable de s'attendre à ce que les importations des marchandises sous-évaluées en question provenant de la Chine augmentent en volume et causent un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Je sais qu'il a été avancé que si le prix des bottes d'hiver imperméables en provenance de la Chine n'était pas inférieur à celui des bottes en provenance de Taiwan, qui n'ont pas été jugées sous-évaluées, il serait illogique de conclure que les bottes d'hiver imperméables en provenance de la Chine causeront un préjudice sensible. Cette proposition s'appuie toutefois sur l'hypothèse douteuse selon laquelle les importations taiwanaises ne feront jamais l'objet de dumping. En raison du fait que Dunmill a décidé de déménager son usine taiwanaise en Chine, je suis convaincu que les exportations de cette entreprise à des prix ne faisant pas l'objet de dumping n'étaient plus viables. Les éléments de preuve me portent à croire que les pressions continues exercées par les marchandiseurs qui cherchent à s'approvisionner au meilleur prix possible feront baisser de plus en plus le prix des importations, accentueront la compression des prix et feront augmenter le volume des importations avec lesquels les fabricants canadiens sont déjà aux prises. Bien que je n'ai pu considérer cette compression des prix comme étant suffisante pour causer un préjudice sensible dans le passé ou à l'heure actuelle, je suis convaincu que, si le Tribunal ne conclut pas qu'il y a probabilité de préjudice sensible, ce seuil sera franchi sous peu.

Les éléments de preuve concernant la République fédérative tchèque et slovaque sont moins probants, mais il reste que les exportations de marchandises sous-évaluées en provenance de ce pays ont augmenté en 1992. Rien ne permet de conclure que si des conclusions de préjudice futur ne sont pas rendues, les importations de marchandises sous-évaluées en provenance de ce pays n'augmenteront pas. Toutefois, les importations de marchandises sous-évaluées en provenance de la Corée ont diminué considérablement et rien ne permet de conclure à l'heure actuelle que ce fournisseur est susceptible de causer un préjudice futur.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Afin de respecter la confidentialité des statistiques sur la production de chaussures en TPR, les données exactes relatives au marché apparent total ne peuvent pas être divulguées.

3. Les bottes d'hiver pour enfants représentent environ 75 p. 100 du total des ventes de bottes d'hiver imperméables.

4. Transcription à la p. 148.

5. Même si les résultats financiers n'ont été fournis que sous forme globale et portaient sur les ventes à la fois de bottes d'hiver imperméables et de chaussures imperméables en plastique, le Tribunal considère qu'il est raisonnable d'utiliser ces résultats comme substitut pour le rendement du segment des bottes d'hiver imperméables, étant donné que ce segment représentait presque 80 p. 100 du total des chaussures finies vendues au Canada au cours de la période visée par l'enquête.

6. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'Article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

7. Remington Arms of Canada Limited c. Les Industries Valcartier Inc., [1982] 1 C.F. 586 à la p. 594.


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Publication initiale : le 16 juillet 1997