PÂTE DE TOMATE

Enquêtes (article 42)


PÂTE DE TOMATE EN CONTENANTS DE PLUS DE 100 ONCES LIQUIDES, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-92-006

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 30 mars 1993

Enquête no : NQ-92-006

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant la :

PÂTE DE TOMATE EN CONTENANTS DE PLUS DE 100 ONCES LIQUIDES, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 30 novembre 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 26 février 1993 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada de la pâte de tomate en contenants de plus de 100 onces liquides, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Ottawa, le mercredi 14 avril 1993

Enquête no : NQ-92-006

PÂTE DE TOMATE EN CONTENANTS DE PLUS DE 100 ONCES LIQUIDES, ORIGINAIRE OU EXPORTÉE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées en provenance des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 1er au 10 mars 1993

Date des conclusions : Le 30 mars 1993
Date des motifs : Le 14 avril 1993

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Lise Bergeron, membre

Directeur de la recherche : Douglas Cuffley
Gestionnaire de la recherche : T.A. Geoghegan

Préposés aux statistiques : Sonya McEachern
Nynon Burroughs

Avocats pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Shelley Rowe

Agent à l'inscription et
à la distribution : Claudette Friesen


Participants : G.P. (Patt) MacPherson
Suzette C. Cousineau
pour Ontario Food Processors Association

(partie plaignante)
et La Compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée
Nabisco Brands Ltée/Division de l'épicerie
Sun-Brite Canning Limited

(fabricants)
Peter A. Magnus
Gregory O. Somers
Lynn Starchuk
pour La Compagnie Borden, Limitée
Breuvages Cadbury Canada Inc.
Miller & Smith Foods Inc.
Wing's Food Products

Riyaz Dattu
Brian C. Pel
Colin Stephen Baxter
pour Nestlé Canada Inc.
Nestlé Food Company
Thomas J. Lipton Inc.,
a division of U L Canada Inc.
Kraft General Foods Canada Inc.

Richard A. Wagner
pour Les soupes Campbell Ltée
Campbell Soup Company

W. Jack Millar
pour Hunt-Wesson Canada,
a division of Norton Simon Canada Inc.
Hunt-Wesson, Inc.

(importateurs-exportateurs)

Témoins :

Ted Chudleigh
Vice-président directeur
Ontario Food Processors Association

John Mumford
Secrétaire directeur
Commission ontarienne de commercialisation des produits maraîchers

Walter Brown
Directeur
Commission ontarienne de commercialisation des produits maraîchers

L.R. Inglis
Directeur de l'approvisionnement
Division de l'épicerie
Nabisco Brands Ltée

Davis A. Hoyles
Chef d'usine
Division de l'épicerie
Nabisco Brands Ltée

Angela F. Holtham
Vice-présidente, Finances
Nabisco Brands Ltée

Henry Iacobelli
Président
Sun-Brite Canning Limited

Jim Krushelniski
Directeur général - Usine de Leamington
La Compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

John P. Grant
Directeur général - Commercialisation
La Compagnie H.J. Heinz Canada Ltée

Bruna Gambino
Contrôleur
La Compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

Larry Moss
Chef d'usine
Canadian Agra Corporation

Neal S. Lee, ing.
Directeur général
Wing's Food Products

Ronald L. Segal
Président
Mott's Canada
(comparaissant pour Breuvages Cadbury Canada Inc.)

Michel Vincelette, ing., p.e.
Chef d'usine
Borden Catelli

Vito Vescio
Directeur de l'administration
Borden Catelli

Rennie Asada
Président
Miller & Smith Foods Inc.

W. Peter Scholze
Directeur des acquisitions
Nestlé Canada Inc.

Brian P. Royle
Chef des acquisitions
Thomas J. Lipton Inc.

W.E. (Ted) Booth
Agent des achats
Kraft General Foods Canada Inc.

Patricia McQuillan
Chef de produit
Commercialisation - Repas cuisinés et exhausteurs de goût
Kraft General Foods Canada Inc.

Gary L. Fread
Vice-président - Agent technique en chef
Les soupes Campbell Ltée

Roger Sterling
Chef du service des approvisionnements
Les soupes Campbell Ltée

Taketo Murata
Président
Hunt-Wesson Canada

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping datée du 30 novembre 1992, concernant l'importation au Canada de la pâte de tomate en contenants de plus de 100 onces liquides, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique. Une décision définitive de dumping concernant les marchandises en question a été rendue le 26 février 1993. L'enquête menée par le Sous-ministre sur le dumping a porté sur les importations de marchandises en question du 1er janvier au 30 juin 1992. Dans la décision définitive de dumping, le Sous-ministre a conclu que 46,02 p. 100 des marchandises en question examinées pendant la période d'enquête étaient sous-évaluées selon une marge de dumping moyenne pondérée de 11,19 p. 100.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 12 décembre 1992 et du 13 mars 1993 respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal a été rendu public le 3 décembre 1992 et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 12 décembre 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux producteurs et aux importateurs canadiens des marchandises en question dans le but de recueillir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d'autres précisions, relativement à la période allant de 1989 à 1992. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience et des notes protégées complétant le rapport protégé préalable à l'audience portant sur la période considérée.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, parmi lesquelles les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties lors de l'audience, ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats et les procureurs indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Une conférence préparatoire à l'audience a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 12 février 1993 afin de discuter de questions relatives à l'enquête. Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) à compter du 1er mars 1993.

Au cours de l'enquête, les avocats et les procureurs ont demandé au Tribunal qu'il leur soit donnée la possibilité de faire des observations sur la question de l'intérêt public aux termes du paragraphe 45(2) de la LMSI. Ces observations devaient être présentées le 19 mars 1993 et la partie plaignante devait établir sa réponse au plus tard le 26 mars 1993. Compte tenu de la décision du Tribunal, il ne sera pas nécessaire de donner suite à cette question.

La partie plaignante, soit l'Ontario Food Processors Association (l'OFPA), une association de transformateurs d'aliments qui représente les principaux producteurs de pâte de tomate, y compris La Compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée (Heinz), Nabisco Brands Ltée (Nabisco) et Sun-Brite Canning Limited (Sun-Brite), qui ont également participé à l'audience (ci-après désignées parties plaignantes), était représentée à l'audience par des procureurs et a déposé des éléments de preuve ainsi que des arguments à l'appui de conclusions de préjudice. Les avocats représentant La Compagnie Borden, Limitée (Borden), Breuvages Cadbury Canada Inc. (Cadbury), Miller & Smith Foods Inc., Wing's Food Products (Wing's), Nestlé Canada Inc. (Nestlé), Nestlé Food Company, Thomas J. Lipton Inc., a division of U L Canada Inc. (Lipton), Kraft General Foods Canada Inc. (Kraft), Les soupes Campbell Ltée (Campbell), Campbell Soup Company, Hunt-Wesson Canada, a division of Norton Simon Canada Inc. (HWC) et Hunt-Wesson, Inc. ont déposé des éléments de preuve et présenté des arguments en faveur de conclusions de non préjudice. Le Tribunal a cité à comparaître M. Larry Moss, un ancien employé de la Southern Ontario Tomato Cooperative (la SOTC), qui a répondu à des questions concernant la fermeture de la société. La Commission ontarienne de commercialisation des produits maraîchers (la COCPM) a également témoigné pour le compte de la partie plaignante.

Le 30 mars 1993, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping au Canada des marchandises en question en provenance des États-Unis d'Amérique n'avait pas causé, ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

PRODUIT

Le produit qui fait l'objet de la présente enquête est décrit par le Sous-ministre dans la décision provisoire de dumping comme étant de la pâte de tomate en contenants de plus de 100 onces liquides, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique.

La pâte de tomate en question est un produit transformé intermédiaire utilisé par les transformateurs d'aliments canadiens comme une matière première importante dans la fabrication de produits finis comme le ketchup, la sauce à spaghetti, la sauce à pizza, les soupes et les cocktails de légumes.

La pâte de tomate est produite à partir de tomates de transformation entières contenant de 4,5 à 5,5 p. 100 de matières solides. En ce qui a trait au contenu solide, l'industrie se réfère normalement à une norme relative à la teneur en «matières sèches solubles de tomates naturelles» (MSSTN) dont sont exclues les matières solides non solubles. Les normes canadiennes prévoient que la pâte de tomate doit avoir une teneur en MSSTN d'au moins 20 p. 100. La concentration la plus demandée au Canada est de 31 p. 100.

La pâte de tomate en question est vendue à des transformateurs du secteur secondaire qui pr?E9‚cisent le genre de pâte dont ils ont besoin. En général, ils indiquent la teneur en MSSTN et la capacité du contenant, et précisent si la pâte dont ils ont besoin doit avoir été pulpée à chaud ou à froid.

La pâte de tomate pulpée à chaud et celle qui est pulpée à froid possèdent des attributs différents qui les rendent propres à des usages distincts. La principale différence entre la pâte de tomate pulpée à chaud et la pâte de tomate pulpée à froid réside dans la quantité de pectine présente dans le produit fini. La pectine contribue à la fermeté de la tomate. Il y a aussi des enzymes dans les tomates, qui contribuent à leur ramollissement naturel au fur et à mesure qu'elles se détériorent. Ce ramollissement est la conséquence de la fragmentation de la pectine par les enzymes.

Les enzymes sont neutralisées dans le processus de pulpage à chaud au moyen d'un traitement à haute température (environ 200°F). La température de pulpage doit être contrôlée avec précision pour réduire au minimum le roussissement ou le brunissement du produit ainsi que les changements de saveur qui se produisent également pendant le chauffage. La pâte de tomate correctement pulpée à chaud possède une couleur et une épaisseur acceptables, et n'est soumise à aucune activité enzymatique résiduelle, ce qui la rend stable pour l'entreposage. Les acheteurs de pâte de tomate pulpée à chaud sont intéressés par l'épaisseur relative de la pâte et veulent des fournisseurs qui puissent les approvisionner de façon continue en pâte qui présente une mesure de Bostwick faible (plus la valeur de Bostwick est faible, plus la pâte est épaisse) et un fini grumeleux. L'épaisseur, ou capacité de rétention d'eau, du produit fini est attribuable à la pectine présente dans la pâte de tomate pulpée à chaud. Pour les acheteurs de pâte de tomate pulpée à chaud, la couleur et la saveur sont moins importantes qu'une faible mesure de Bostwick et qu'un fini grumeleux.

La pâte de tomate pulpée à froid est soumise à des températures plus basses (environ 140°F) pendant le traitement et, de ce fait, les changements de couleur et de saveur sont moins importants que dans le cas du pulpage à chaud. Toutefois, la pâte de tomate pulpée à froid contient des enzymes résiduelles qui contribuent à la séparation du produit pendant l'entreposage. Cette séparation est causée par la fragmentation de la pectine dans la pâte de tomate. Par ailleurs, les acheteurs de pâte de tomate pulpée à froid accordent beaucoup d'importance à la couleur et à la saveur. La pâte de tomate pulpée à froid est un produit moins épais que la pâte pulpée à chaud et sert à fabriquer des sauces pour pâtes alimentaires, des sauces aux tomates, des soupes et des cocktails de légumes.

Les principaux facteurs pris en considération au moment de l'achat de la pâte de tomate à un fournisseur sont la qualité du produit, la fiabilité de l'approvisionnement et la capacité du fournisseur à respecter de façon continue les spécifications qui influent sur le rendement et le prix du produit.

Au Canada, la pâte de tomate est produite par transformation des tomates à partir du mois d'août jusqu'au début d'octobre, ce qu'on appelle communément l'année d'exploitation. Le produit créé pendant l'année d'exploitation est normalement vendu pendant la période allant de l'automne de l'année en cours à la fin de l'été suivant.

INDUSTRIE CANADIENNE

À l'heure actuelle, il y a trois sociétés, dans le sud de l'Ontario, qui produisent de la pâte de tomate. Il s'agit de Heinz, de Nabisco et de Sun-Brite.

Heinz est une filiale à 100 p. 100 de H.J. Heinz Co., de Pittsburgh (Pennsylvanie). Le siège canadien de la société se trouve à North York (Ontario).

Heinz produit et commercialise, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, des produits alimentaires transformés destinés surtout au marché canadien. Cette société fabrique des produits comme le ketchup, les aliments pour nourrissons, les soupes concentrées, les marinades, les condiments, les aliments diététiques, les fèves, les jus et les pâtes alimentaires en conserve.

La production de la pâte de tomate destinée à un usage interne et à la vente à l'industrie se fait à l'usine de Heinz à Leamington (Ontario). Pour ce qui est des ventes à l'industrie, la société vend de la pâte de tomate pulpée à chaud et de la pâte de tomate pulpée à froid ayant une teneur en MSSTN de 31 p. 100, qu'elle fournit dans des fûts de 55 gallons US et des sacs de 60 gallons US. Elle vend également de la pâte de tomate dans des camions-citernes.

Nabisco est une filiale à 100 p. 100 de RJR Nabisco Inc. de New York (New York). Le siège canadien de la société se trouve à Toronto (Ontario) et deux bureaux divisionnels (biscuits et épicerie) sont situés à Etobicoke (Ontario). La société produit de la pâte de tomate, des tomates à l'étuvée, de la soupe aux tomates, du ketchup et une gamme variée d'autres fruits et légumes transformés sous des marques de fabrique telles que Del Monte, Aylmer, Coronation et Ideal.

Nabisco exploite sept usines au Canada. L'usine de Dresden (Ontario) produit de la pâte de tomate pour usage interne et vente à l'industrie. La société vend de la pâte de tomate pulpée à chaud d'une teneur en MSSTN de 26,5 p. 100, en caisses de 60 gallons et en sacs scholle de 300 gallons.

Sun-Brite, qui est installée à Ruthven (Ontario), est une société qui appartient à un particulier. Elle fabrique de la pâte de tomate pour usage interne, de la pâte de tomate pour vente à l'industrie, des tomates broyées, des tomates entières et en dés, de la purée de tomate et divers autres produits à base de tomate.

Les Aliments Primo Limitée (Primo), dont le siège se trouve à Woodbridge (Ontario), est une filiale à 100 p. 100 de PET Incorporated de Saint Louis (Missouri). L'usine de la société se trouve à Cottam (Ontario), où elle produit de la purée de tomate et des produits à base de tomate. En novembre 1992, elle a commencé à importer des tomates broyées des États-Unis pour fabriquer ses produits à base de tomate. Avant cela, Primo produisait de la pâte de tomate aux fins de surtransformation en produits à base de tomate.

La SOTC était située à Saint Thomas (Ontario), où elle produisait de la pâte de tomate destinée à la vente à l'industrie. Elle a commencé à faire de la pâte de tomate au milieu des années 80. Cette société a produit environ huit millions de livres de pâte de tomate pour ventes à l'industrie au cours de chacune des deux années 1988 et 1990, mais n'en a pas produit en 1989. Sa dernière année de production a été 1990. Quoique la production de la SOTC ait cessé il y a près de trois ans, ses stocks de pâte de tomate ont été écoulés sur le marché jusqu'en 1992.

ÉTENDUE DE LA PRODUCTION AU CANADA DES MARCHANDISES SIMILAIRES

La première question sur laquelle doit se pencher le Tribunal pour déterminer si le dumping des marchandises en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, est l'étendue de cette production. Lorsque le Tribunal examine toute question liée à la production au Canada de toute marchandise, il doit, aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, tenir entièrement compte des dispositions du paragraphe 1 de l'article 4 du Code antidumping [2] du GATT (le Code), qui définit «l'industrie» pour les besoins de la détermination du préjudice.

Le Code exige que, pour les besoins de la détermination du préjudice, l'expression «industrie nationale» (dénommée dans le Code «branche de production nationale») soit interprétée comme désignant dans leur ensemble les producteurs nationaux de produits similaires ou ceux d'entre eux dont la production collective des produits constitue une proportion majeure de la production nationale totale de ces produits.

Trois questions ont été soulevées au sujet de la production au Canada de marchandises similaires. La production de la pâte de tomate doit-elle inclure et la production de pâte de tomate destinée à la vente à l'industrie et la production de pâte de tomate destinée à un usage interne? La production de tomates proprement dite doit-elle être incluse? Enfin, les tomates broyées constituent-elles des marchandises similaires à la pâte de tomate?

Production destinée à un usage interne

Plusieurs avocats représentant les importateurs et les exportateurs ont fait au Tribunal des présentations préliminaires selon lesquelles la production au Canada de marchandises similaires comprend et la production de la pâte de tomate destinée à un usage interne et la production de la pâte de tomate destinée à la vente à l'industrie. Lors de la conférence préparatoire à l'audience, le Tribunal, après avoir entendu d'autres arguments de tous les avocats et procureurs, a décidé à titre préliminaire que la production au Canada de marchandises similaires incluait la production de toute la pâte de tomate.

Aucun des éléments de preuve produits au cours de l'audience ne modifie cette position. Le Tribunal est d'avis que la pâte de tomate en vrac est produite par la transformation de tomates fraîches et que le produit résultant de cette transformation, qui est l'équivalent des tomates premières, sous une forme entreposable et non périssable, est placé dans de grands contenants dont il est tiré pour un usage ultérieur. Comme cela a déjà été précisé, la pâte de tomate en vrac peut être utilisée pour faire divers produits à base de tomate comme le ketchup, la soupe, les sauces, etc. De plus, elle peut être conditionnée dans plusieurs types de contenants aux fins de vente ultérieure au détail ou aux secteurs des institutions et de la restauration. Enfin, le produit peut être vendu en fûts, en sacs ou être expédié par camions-citernes aux producteurs de produits à base de tomate. Le Tribunal n'est pas d'accord avec la position initiale de la partie plaignante, selon laquelle la pâte de tomate destinée à un usage interne ne doit pas être incluse dans la production au Canada parce que le produit n'a fait l'objet d'aucune vente.

Le fait qu'il n'y a pas eu de vente n'empêche pas en soi que les produits soient considérés comme étant de la production au Canada. Ni la LMSI ni le Code ne limitent la production au Canada à l'expression «production au Canada à des fins de vente au Canada». En outre, lorsque la pâte de tomate est produite, le produit est stocké dans de grandes cuves ou des silos, et, dans certains cas, le produit qui a été réservé à un usage interne peut être vendu et l'est effectivement. Par conséquent, quoique les producteurs achètent des tomates à contrat sur la base de ce qu'ils considèrent être leurs besoins internes ou externes, aucun élément de preuve n'a été produit qui conduise à la conclusion que des installations de stockage ou que des processus totalement différents sont utilisés. Le Tribunal réaffirme donc sa décision selon laquelle la production de la pâte de tomate comprend la production en vrac de la pâte de tomate destinée à un usage interne aussi bien qu'à la vente à l'industrie.

Producteurs de tomates

Dans la présente cause, les procureurs de la partie plaignante (l'OFPA) ont demandé au Tribunal d'inclure les producteurs de tomates dans l'étendue de la production au Canada de la pâte de tomate. Les procureurs ont plaidé que les producteurs de tomates produisent des tomates de transformation pour leurs matières solides qui sont destinées à la production de pâte de tomate. De plus, selon les procureurs, les producteurs de tomates sont installés près des usines de transformation et les producteurs et transformateurs de tomates décrivent leur relation comme un partenariat dans le cadre duquel les producteurs produisent des tomates sous contrat pour les transformateurs.

Deux décisions antérieures, l'une du Tribunal canadien des importations (le TCI) et l'autre du Tribunal, ont porté sur la question de l'inclusion des producteurs dans la même catégorie que les transformateurs aux fins de la définition de l'étendue de la production au Canada de marchandises similaires dans des causes portant sur des produits agricoles.

En 1986, dans l'affaire du Boeuf [3] , le TCI a caractérisé la production au Canada de boeuf désossé de bovins comme suit :

La production des marchandises en question au Canada est un processus continu, qui comprend de nombreuses étapes, des bovins sur pied au boeuf haché en boîte. L'apport initial des éleveurs est essentiel et ces derniers dépendent pour leurs bénéfices du déroulement de ce processus continu. On constate un fort niveau d'interdépendance fonctionnelle et économique dans ce processus séquentiel [4] . (Soulignement ajouté)

Ainsi, dans une enquête portant sur les produits agricoles, les producteurs et les transformateurs peuvent constituer la production au Canada de marchandises similaires aux fins de l'évaluation du préjudice sensible subi par cette production, pourvu qu'il y ait un processus séquentiel. Il y a processus séquentiel si la matière première est destinée fonctionnellement au produit transformé, c'est-à-dire si la raison principale de la production de la matière première est la production du produit transformé, et pourvu qu'il y ait interdépendance économique, ce qui est le cas lorsque les prix de la matière première et du produit transformé sont interdépendants.

Comme l'ont fait remarquer les avocats des importateurs, la décision relative au Boeuf a été renvoyée un Comité des subventions et mesures compensatoires du GATT (le Comité) aux termes du Code des subventions et des droits compensateurs [5] (le Code des subventions). Le rapport [6] du Comité n'a pas encore été adopté et fait toujours l'objet de discussions parmi les parties au Code des subventions. Par conséquent, puisque le rapport, à l'heure actuelle, n'a pas valeur légale, il ne peut avoir aucune portée sur la décision du Tribunal dans la présente cause.

Nonobstant le rapport du Comité, le Tribunal, dans l'affaire des Cerises à chair acidulée [7] , a adopté les critères du TCI relativement à l'étendue de la production au Canada de marchandises similaires dans une cause concernant des matières premières et des produits agricoles transformés. De fait, le Tribunal avait constaté en l'espèce qu'il existait «une seule chaîne de production continue» dans la structure de l'industrie. L'industrie des cerises à chair acidulée était «des plus intégrées» et la matière première, les cerises à chair acidulée, n'étaient traitées qu'«en vue de l'obtention d'un seul produit final important sur le plan commercial [8] ». Le Tribunal avait également constaté l'existence d'une interdépendance économique du fait de la présence «[de] liens étroits en ce qui touche la propriété au sein de l'industrie canadienne des cerises à chair acidulée; en effet, presque tous les transformateurs sont également des producteurs [9] ».

Dans la présente cause, il était donc d'une importance primordiale pour l'industrie canadienne d'établir clairement qu'à la lumière des deux critères existants, c'est-à-dire le fait qu'une matière première est destinée à un produit surtransformé et une interdépendance économique, les producteurs de tomates font réellement partie de la production au Canada de pâte de tomate. Mais en appliquant ces critères en l'espèce, le Tribunal constate que même si certains producteurs produisent et vendent des tomates exclusivement pour leur matières solides qui sont ultérieurement transformées en pâte de tomate, et donc qu'il existe peut-être une seule chaîne de production continue, il n'y a guère d'éléments de preuve quant au fait que les producteurs de tomates et les transformateurs de pâte de tomate ont réellement une relation d'interdépendance économique. Il ne fait pas de doute que ce type de relation a existé pendant les années 1986 à 1990, lorsque la SOTC s'occupait de la production de pâte de tomate à partir des tomates produites par ses membres.

Les allégations selon lesquelles les producteurs de tomates ont subi des baisses de prix et des pertes de volume du fait que les producteurs de pâte de tomate ont eu des difficultés n'établissent pas en soi, en l'absence de tout élément de preuve direct à cet effet émanant des producteurs de tomates eux-mêmes, l'existence d'une interdépendance économique. Il incombait aux producteurs de tomates, s'ils voulaient sérieusement être considérés comme faisant partie de l'industrie en question, de comparaître à titre de partie à l'enquête en leur qualité de producteurs nationaux, comme le permettent les Règles du Tribunal [10] . La COCPM a comparu, mais ses représentants n'ont déposé qu'à titre de témoins en faveur des producteurs de pâte de tomate nationaux, et non en tant que participants à part entière. En résumé, il n'y avait pas assez d'éléments de preuve pour déterminer s'il existait une interdépendance économique suffisante pour permettre l'inclusion des producteurs de tomates dans la production au Canada de pâte de tomate aux fins de l'enquête du Tribunal.

Tomates broyées

Il a été suggéré au cours de l'enquête que les tomates broyées sont des marchandises similaires à la pâte de tomate, essentiellement pour la raison que la pâte de tomate peut être substituée aux tomates broyées. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit l'expression «marchandises similaires» comme suit :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

La pâte de tomate diffère des autres produits de tomates, comme les tomates broyées ou la purée de tomate, en ce qu'elle ne contient pas de pépins ni de peaux, et qu'elle doit avoir, selon les normes canadiennes, une teneur en MSSTN d'au moins 20 p. 100. Comme le montrent les éléments de preuve, ni les tomates broyées ni la purée de tomate n'ont toutes les caractéristiques qui rendraient ces produits très proches de la pâte de tomate.

Même si certaines tomates broyées peuvent avoir une teneur en MSSTN aussi élevée que celle de la pâte de tomate, elles contiendront toujours des pépins et des peaux. Ceci interdit leur utilisation dans un grand nombre de produits à base de tomate dans lesquels la pâte de tomate est normalement utilisée. Pour ce qui est des utilisations des tomates broyées, les éléments de preuve montrent que, dans la plupart des cas, les produits à base de tomate dans lesquels la pâte de tomate est habituellement utilisée devront être modifiés dans leur composition pour que les tomates broyées soient utilisées. De plus, l'argument selon lequel la pâte de tomate est un produit de remplacement des tomates broyées semble être fondé sur l'hypothèse voulant que le bas prix de la pâte de tomate constitue le facteur déterminant qui incite un producteur de produits à base de tomate à porter son choix sur la pâte de tomate. Cependant, les éléments de preuve recueillis concernant une vaste catégorie de produits à base de tomate montrent que les consommateurs sont sensibles à tout changement de composition, et que les caractéristiques des tomates broyées qui attirent de nombreux producteurs (la présence de pépins et de peaux) sont ce qui les différencient de la pâte de tomate. De plus, les tomates broyées étaient, sont et resteront disponibles, sans doute à des prix faibles, ce qui rend improbable le déplacement de la consommation vers la pâte de tomate en raison du prix seulement.

À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les tomates broyées ne sont pas des marchandises similaires pour les besoins de la présente enquête.

Finalement, le Tribunal conclut que, étant donné que Heinz, Nabisco, Sun-Brite et Primo étaient les seuls producteurs de pâte de tomate au cours de la période considérée par le Tribunal, la production de pâte de tomate de ces sociétés constitue la production au Canada de marchandises similaires aux fins de la présente enquête.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Après avoir culminé en 1990, la production nationale de toute la pâte de tomate a diminué au cours de chacune des années suivantes, la baisse la plus importante s'étant produite en 1992.

Les importations totales de pâte de tomate ont augmenté de 45 p. 100 entre 1989 et 1992, cette augmentation s'étant produite pour une bonne part en 1992. Entre 1989 et 1992, les importations américaines ont fait un bond, passant de 23 millions de livres à 74 millions de livres. Les augmentations ont été importantes au cours de chaque année, et la plus notable s'est produite en 1992. Cette année-là, les importations américaines ont représenté 93 p. 100 du total des importations, par rapport à 41 p. 100 en 1989. Au cours des années qui ont vu la croissance rapide des importations américaines, les fournisseurs traditionnels, comme le Portugal, la Turquie, le Brésil et le Mexique, se sont trouvés réduits à jouer un rôle mineur en tant que sources étrangères de marchandises en question.

La consommation nationale apparente de pâte de tomate est restée stable pendant toute la période d'enquête. La part de consommation des producteurs canadiens a baissé de près de cinq points de pourcentage entre 1989 et 1991. Pendant la même période, la part détenue par les importations des pays autres que les États-Unis a baissé considérablement. Ces pertes de part de consommation ont été le résultat des gains importants faits par les importations américaines. En 1992, alors que Heinz et Nabisco ont cessé leur production aux fins de vente à l'industrie, les importations américaines ont fait un bond de 50 p. 100 et se sont emparées d'une part importante de la consommation nationale.

POSITION DES PARTIES PLAIGNANTES

Les procureurs des parties plaignantes ont soutenu que l'importation des marchandises en question à des prix sous-évalués a causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les procureurs ont plaidé que, pour les besoins de l'analyse du préjudice sensible subi par la production au Canada de marchandises similaires, le Tribunal doit définir l'industrie nationale comme ne comprenant que la production de marchandises similaires destinées à la vente à l'industrie, et non la production de marchandises en question destinées à la production interne de produits à base de tomate dont la pâte de tomate est un ingrédient important, comme le ketchup, les soupes, les sauces et les cocktails de légumes. Cependant, à la lumière de la décision préliminaire rendue par le Tribunal lors de la conférence préparatoire à l'audience et selon laquelle l'industrie nationale comprend la production destinée à la vente à l'industrie aussi bien que la production destinée à un usage interne, les procureurs plaidant en faveur de l'existence d'un préjudice ont axé leurs arguments sur la production nationale destinée à la vente à l'industrie aussi bien que sur la production nationale destinée à un usage interne.

Se penchant sur la question de la production nationale des marchandises en question destinées à la vente à l'industrie, les procureurs ont plaidé que le préjudice subi par ce segment de l'industrie comprenait une perte de production, de ventes, de part du marché et de marge bénéficiaire ainsi que l'érosion des prix et la réduction de l'utilisation de la capacité de production.

Les procureurs ont allégué que l'élément de preuve le plus significatif et le plus révélateur quant à l'existence d'un préjudice consistait en la suspension complète de la production de marchandises en question destinées à la vente à l'industrie pour l'année d'exploitation de 1992 par les deux plus importants producteurs, Heinz et Nabisco. Ils ont soutenu que cette suspension de la production était le résultat de l'augmentation des volumes d'importation des marchandises en question depuis la Californie à des prix à la baisse, augmentation qui avait rendu impossible le maintien d'une marge bénéficiaire et la justification de toute participation supplémentaire à la production de marchandises en question à des fins de vente à l'industrie. Les procureurs ont reconnu que d'autres facteurs avaient contribué à la baisse de 20 cents la livre du prix de la pâte de tomate américaine en 1991 et 1992, comme les coûts de production inférieurs en Californie, la baisse des droits de douanes conséquente à l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [11] (l'ALÉ), et la variation du taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain. Néanmoins, les procureurs ont allégué que sur la baisse de 20 cents subie par les prix, environ 15 cents seulement étaient attribuables à ces autres facteurs, et que les 5 cents restants étaient attribuables au dumping.

Les procureurs ont avancé en outre que le prix du marché de la production nationale de marchandises en question avait été poussée vers le bas par la présence d'importations de marchandises en question à des prix sous-évalués. Cette érosion des prix nationaux a nui aux résultats financiers des parties plaignantes, et notamment de Heinz et de Nabisco, si bien que les ventes nettes, les marges bénéficiaires brutes et le revenu net générés par les marchandises en question avaient baissé entre 1991 et 1992, comme le montrent les états des résultats de la partie plaignante.

L'un des producteurs, Sun-Brite, n'a pas produit de marchandises en question aux fins de vente à l'industrie en 1991 et 1992, et ce, quoiqu'il ait eu la capacité nécessaire à cette fin depuis 1991. Toutefois, il n'a pas trouvé économiquement faisable d'entrer sur ce marché à un moment où les marchandises en question en provenance de la Californie étaient disponibles à des prix sous-évalués. Les procureurs ont fait valoir que cette sous-utilisation était une autre forme de préjudice causée par l'importation de marchandises en question depuis la Californie à des prix sous-évalués.

Les procureurs ont précisé que si le Tribunal ne rendait pas des conclusions de préjudice sensible, les parties plaignantes ne reprendraient pas la production de marchandises en question aux fins de vente à l'industrie. Comme il est anticipé que la pâte de tomate californienne continuera de faire l'objet d'une surproduction à bas prix, les parties plaignantes ne peuvent se permettre de prendre des engagements relatifs aux volumes envers les producteurs de tomates.

Les procureurs ont plaidé que si le Tribunal incluait la production des marchandises en question destinées à un usage interne dans l'étendue de la production au Canada de marchandises similaires, il faudrait que le Tribunal examine l'effet des importations de marchandises en question à des prix sous-évalués sur les ventes au Canada de produits à base de tomate. Pour étayer cette position, les procureurs se sont reportés au paragraphe 1 de l'article 3 du Code, et en particulier aux termes donnant instruction de se pencher sur «l'incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits». Les procureurs ont fait valoir que les parties plaignantes sont les producteurs canadiens des marchandises en question et qu'il faut donc examiner l'incidence des importations sous-évaluées sur les producteurs nationaux de marchandises en question.

Les procureurs ont soutenu que les produits à base de tomate faits à partir de pâte de tomate importée à des prix sous-évalués ont un avantage économique sur les produits à base de tomate faits à partir de la pâte de tomate produite au Canada. C'est pourquoi les producteurs nationaux de produits à base de tomate faits à partir de la pâte de tomate produite au Canada se sont trouvés dans l'obligation de baisser leurs prix pour maintenir leurs volumes de ventes et, de ce fait, leurs marges bénéficiaires ont diminué.

À propos du préjudice futur subi par les producteurs de produits à base de tomate, les procureurs ont soutenu que les produits des parties plaignantes subiraient une perte de fidélité de la part de la clientèle si les importations de pâte de tomate en provenance de la Californie à des prix sous-évalués se poursuivaient. Les procureurs ont cité la décision rendue par le Tribunal antidumping dans la cause Jambon en conserve [12] , et selon laquelle les marques de fabrique les plus connues, les mieux établies et les plus respectées ne sont pas ruinées en un jour et que le préjudice subi par les produits de marque de fabrique se manifeste lentement. Les procureurs ont indiqué que les écarts de prix entre les produits à base de tomate portant la marque de fabrique des parties plaignantes et les produits concurrents s'élargissent et qu'ils atteindront, selon toute probabilité, un point où la fidélité des consommateurs ne sera plus suffisante pour préserver la part du marché détenue par ces marques de fabrique.

En réponse à un argument de la partie adverse, les procureurs ont précisé que les parties plaignantes ne soutiennent pas que les produits à base de tomate sont des marchandises similaires, mais que l'examen des résultats financiers des produits à base de tomate est nécessaire à l'étude de la question du préjudice subi par la production canadienne de marchandises en question destinées à un usage interne.

POSITION DES IMPORTATEURS ET DES EXPORTATEURS

Les avocats des différents importateurs et exportateurs ont plaidé, dans des présentations séparées, que les importations sous-évaluées de marchandises en question n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires, et que les parties plaignantes ne s'étaient pas acquittées du fardeau de prouver que l'industrie nationale avait subi un préjudice et que ce préjudice présumé était causé par l'importation de marchandises en question à des prix sous-évalués.

Dans l'ensemble, les importateurs et les exportateurs étaient en désaccord avec la thèse des parties plaignantes selon laquelle ces dernières avaient de mauvais résultats financiers, et ont soutenu en outre que si mauvais résultats il y avait, ces derniers étaient la conséquence de facteurs autres que l'importation de marchandises en question à des prix sous-évalués. Les avocats se sont reportés précisément aux états des résultats de Heinz relatifs aux produits à base de tomate, et qui montraient que le pourcentage de marge bénéficiaire de la société a augmenté entre 1991 et 1992, et que le pourcentage de la marge bénéficiaire des produits à base de tomate était supérieur à celui de l'ensemble des produits de la société. Pour ce qui est de la situation financière de Nabisco, les avocats ont soutenu que les problèmes financiers de cette société dataient d'avant la période examinée par le Tribunal et qu'ils n'étaient pas causés par le dumping des marchandises en question.

Répondant aux allégations des parties plaignantes quant au préjudice subi par la production canadienne de marchandises en question destinées à la vente à l'industrie, les avocats ont plaidé que toute perte de ventes subie par les parties plaignantes avait été causée par des facteurs autres que l'importation de marchandises en question à des prix sous-évalués, comme l'incapacité des parties plaignantes à produire les marchandises en question selon les spécifications exigées et à fournir les quantités demandées dans les contenants demandés, ainsi que l'absence de commercialisation active, de leur part, des marchandises en question. Les avocats ont cité d'autres facteurs étrangers au prix qui ont influé sur les décisions d'approvisionnement des importateurs et des exportateurs, comme la déréglementation des tarifs du transport aux États-Unis, la baisse des droits de douanes, l'évolution favorable du taux de change, les politiques d'achat interne, et, enfin, le désir d'éviter d'acheter des marchandises en question à une société qui leur fait concurrence dans la production de produits à base de tomate.

Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la production de produits à base de tomate aurait subi un préjudice, les avocats ont soutenu, de façon générale, qu'il n'y avait pas d'élément de preuve en ce sens, et qu'il existait d'autres facteurs influant sur les résultats financiers des produits à base de tomate, tels que la préférence des consommateurs et les efforts de commercialisation.

Se penchant sur la question du préjudice futur, les avocats ont plaidé que le Tribunal doit se laisser guider par les dispositions du paragraphe 6 de l'article 3 du Code, qui prévoit que «[l]a détermination concluant à une menace de préjudice se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités», et que le «préjudice doit être nettement prévu et imminent». Les avocats ont fait valoir que les éléments de preuve produits par les analystes de l'industrie au sujet de l'avenir de la production californienne de tomates et de marchandises en question n'étaient pas concluants, et que les éléments de preuve soumis par les importateurs et par le témoin du Tribunal, M. Moss, indiquaient que la situation, en Californie, s'améliorait et que les rajustements qui s'imposaient en matière de contrats et de plantation pour soutenir les prix étaient effectués.

DEMANDES D'EXCLUSION

Plusieurs importateurs et exportateurs ont demandé à être exclus de toutes éventuelles conclusions de préjudice du Tribunal. Les avocats ont avancé des arguments précis dans le cas de chacun des importateurs et des exportateurs.

Les avocats de Borden et Cadbury ont demandé que les importations de pâte de tomate pulpée à froid ayant une valeur L d'au moins 24,0 et un ratio A/B de 1,95 soient exclues d'éventuelles conclusions de préjudice du Tribunal pour la raison que les producteurs nationaux ne produisent pas de marchandises en question selon ces spécifications. Les avocats ont également demandé que les importations de marchandises en question par Wing's, Cadbury et Borden soient exclues sur le motif que ces sociétés ne font pas concurrence aux parties plaignantes dans les ventes à l'industrie de marchandises en question.

Les avocats de Kraft et de Lipton ont demandé que les importations de marchandises en question par ces sociétés soient exclues parce qu'aucune allégation précise de préjudice n'a été faite contre elles. Les avocats ont déclaré que les politiques d'approvisionnement de Kraft sont fondées sur des raisons internes à la société et exigent que celle-ci achète les marchandises en question à Kraft aux États-Unis. Les avocats ont plaidé que les importations de marchandises en question par Nestlé doivent être exclues parce que cette société est un acheteur captif de la Nestlé Food Company des États-Unis, et que les marchandises en question sont utilisées pour produire des produits à base de tomate aux fins de ventes au pays et à l'étranger.

L'avocat de Campbell a plaidé que les importations de marchandises en question par Campbell doivent être exclues de conclusions de préjudice sur le motif que les parties plaignantes n'ont fait aucune allégation précise selon laquelle ces importations avaient causé un préjudice, que Campbell n'a jamais été approchée par les parties plaignantes et ne leur a jamais acheté de marchandises en question, et enfin que les marchandises en question importées par Campbell présentent des caractéristiques spéciales que n'ont pas les produits de fabrication nationale, et que ces caractéristiques sont nécessaires pour produire les produits à base de tomate de qualité supérieure de Campbell.

L'avocat de HWC a soutenu que les importations de marchandises en question destinées uniquement à donner suite à un arrangement de coconditionnement pris par Hunt-Wesson, Inc. des États-Unis et Arkell Foods Limited doivent être exclues de conclusions de préjudice du Tribunal. Ces importations appartiennent à Hunt-Wesson, Inc. au moment de leur entrée au pays et sont vendues à HWC après qu'elles ont été transformées par Arkell Foods Limited en sauce à spaghetti Hunt avec de la viande. L'avocat a indiqué que le volume des importations est faible, puisqu'il représente moins de 3 p. 100 du marché total en 1992, et qu'il devrait rester constant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal doit déterminer si le dumping de la pâte de tomate en contenants de plus de 100 onces liquides, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de toute la pâte de tomate.

Pendant la plus grande partie des années 80, la pâte de tomate importée au Canada provenait surtout de fournisseurs d'outre-mer. Ce n'est que vers la fin des années 80 que l'approvisionnement s'est déplacé des fournisseurs d'outre-mer vers les fournisseurs américains. Les témoignages recueillis à l'audience ont indiqué qu'un certain nombre de raisons expliquaient la préférence toujours plus marquée pour les importations américaines. Premièrement, il y a eu les réductions tarifaires prévues par l'ALÉ, qui ont entraîné une baisse des droits de douanes, lesquels sont passés de 13,6 p. 100 en 1988 à 8,16 p. 100 en 1992. Deuxièmement, la hausse du dollar canadien a contribué à la baisse des prix de la pâte de tomate américaine, en particulier vers la fin de 1991. Troisièmement, la déréglementation des transports aux États-Unis a entraîné la baisse des frais de transport ferroviaires depuis la Californie, où est produite plus de 90 p. 100 de la pâte de tomate américaine. Enfin, les producteurs américains ont bénéficié de coûts de matières premières plus bas et d'une plus grande productivité entre 1989 et 1992.

Pour évaluer la mesure dans laquelle la pâte de tomate américaine a supplanté celle d'outre-mer, le Tribunal juge utile d'examiner les mouvements des importations pendant la période d'enquête. Entre 1989 et 1991, les importations totales de pâte de tomate ont augmenté de 11 p. 100. Elles sont passées de 55 millions de livres à 61 millions de livres. Pendant la même période, les importations américaines ont progressé fortement de 23 millions de livres à 49 millions de livres, et ont vu passer leur part des importations totales de 41 p. 100 à 80 p. 100. La plus importante augmentation annuelle des importations s'est produite en 1992, lorsque le total des importations a fait un bond de 30 p. 100 pour atteindre tout près de 80 millions de livres. Cette hausse marquée était due aux importations américaines, qui ont atteint les 74 millions de livres. En 1992, les importations en provenance des États-Unis ont représenté 93 p. 100 de toutes les importations de pâte de tomate.

Au cours des années 80, l'industrie canadienne de la pâte de tomate était constituée de quatre producteurs, Heinz, Nabisco, Primo et la SOTC. Heinz a fabriqué la pâte nécessaire à ses besoins propres pendant des années, et, en 1983, a commencé à vendre de la pâte de tomate à des utilisateurs industriels. Nabisco, qui produit également la pâte de tomate dont elle a besoin pour sa propre activité, a commencé à vendre de la pâte de tomate aux utilisateurs industriels en 1987. Primo produisait de la pâte de tomate pour ses produits à base de tomate, mais n'a pas vendu de pâte de tomate aux utilisateurs industriels. Le quatrième producteur, la SOTC, a commencé à produire de la pâte de tomate au milieu des années 80 à des fins exclusives de vente à l'industrie.

Au début des années 90, l'industrie canadienne a subi certains changements importants qui ont influé sur l'approvisionnement en pâte de tomate au Canada. La SOTC, qui avait été un grand producteur de pâte de tomate destinée à la vente à l'industrie, a cessé sa production en 1990 pour des raisons qui sont sans rapport avec le dumping. Primo, qui produisait antérieurement des produits à base de tomate à partir de pâte de tomate, a remplacé la production de pâte de tomate par des achats de tomates broyées en provenance des États-Unis en novembre 1992. Sun-Brite, qui auparavant achetait la pâte de tomate dont elle avait besoin, a commencé à produire de la pâte de tomate à des fins internes et à des fins de vente à l'industrie.

Heinz et Nabisco représentant plus de 90 p. 100 de la production totale de pâte de tomate au Canada, le Tribunal s'est concentré sur les résultats de ces deux sociétés pendant la période d'enquête.

Le Tribunal constate que la production de la pâte de tomate aux fins de vente à l'industrie a représenté une petite partie de la production totale de pâte de tomate de Heinz et de Nabisco pendant la période d'enquête. Il ressort des témoignages des utilisateurs industriels produits à l'audience que, pendant la période de pénurie de l'offre de 1989, Heinz et Nabisco n'ont pu approvisionner certains transformateurs canadiens. Ces transformateurs ont dû acheter des produits ailleurs à un prix plus élevé. Les témoins ont indiqué qu'ils étaient peu disposés à acheter des produits à Heinz et à Nabisco en raison de ces problèmes d'approvisionnement antérieurs, et parce qu'ils sont en concurrence directe avec eux sur les marchés des produits à base de tomate.

L'élément central de l'argument relatif au préjudice passé et présent, dans la présente enquête, était que l'augmentation du volume des importations américaines de pâte de tomate à des prix à la baisse, à partir de 1991, avait abouti à la cessation de la production de pâte de tomate aux fins de vente à l'industrie par Heinz et Nabisco pour l'année d'exploitation de 1992. Heinz a soutenu avoir perdu deux de ses plus importants clients en raison principalement des bas niveaux de prix de la pâte de tomate américaine. Chacun des clients en question a témoigné avec abondance quant aux circonstances dans lesquelles il a augmenté ses achats de pâte de tomate américaine. Un représentant de Wing's a déclaré que sa société avait acheté de la pâte de tomate à Heinz pendant un certain temps, mais qu'elle avait cessé de le faire en juillet 1991 en raison de problèmes liés à la qualité du produit et qu'elle avait dès lors augmenté ses importations en provenance des États-Unis.

Le témoin de Borden Catelli a déclaré lui aussi que l'augmentation de ses achats de pâte de tomate américaine était liée à des problèmes de qualité posés par le produit de Heinz. Quoique Borden Catelli ait installé un ensemble de réservoirs pour stocker en vrac les envois en camions-citernes de Heinz, la pâte de tomate produite par Heinz à partir des années d'exploitation de 1990 et de 1991 n'a pas répondu aux spécifications de la société en matière de couleur. Après des tentatives répétées de Heinz et de Borden Catelli pour résoudre le problème de la qualité, Borden Catelli a augmenté ses achats de pâte de tomate américaine à la fin de 1991. Ces achats ont été conclus à un prix comparable au prix prévu dans le contrat passé par la société avec Heinz.

Le Tribunal constate que Heinz a reconnu avoir eu quelques problèmes concernant la qualité de sa pâte de tomate pendant la mise en service de son nouvel équipement de transformation. La perte de ces clients était importante pour Heinz parce que cette société n'avait pas beaucoup de clients acheteurs de pâte de tomate. Selon les observations du Tribunal, bien que le volume des ventes perdues représentait une partie importante des ventes de Heinz à l'industrie, il comptait pour une petite partie de sa production totale de pâte de tomate. Le Tribunal remarque également que le pourcentage de marge bénéficiaire brute réalisé sur les produits faits par Heinz à partir de pâte de tomate était très satisfaisant et avait tendance à s'améliorer en 1991 et 1992.

Cette perte de clientèle par Heinz s'est produite quelque temps avant que la société ne décide, en février 1992, de ne pas produire de pâte de tomate à partir de l'année d'exploitation de 1992 aux fins de vente à l'industrie. De l'avis du Tribunal, la raison de cette perte de clients était dans une grande mesure sans rapport avec les prix.

Pour ce qui est de Nabisco, le Tribunal remarque que cette société a perdu quelques ventes au profit des importations américaines en 1991. Cependant, ces pertes étaient très faibles relativement à l'augmentation de la production de pâte de tomate aux fins internes de la société cette même année.

Les importations en provenance des États-Unis ont remplacé les importations de pâte de tomate d'outre-mer entre 1989 et 1991. En 1992, leur plus importante augmentation de volume a été enregistrée à une période où Heinz et Nabisco avaient décidé de ne pas produire de pâte de tomate aux fins de vente à l'industrie. Le Tribunal constate que les importateurs qui ont comparu devant lui étaient responsables pour une bonne part du déplacement de la clientèle vers les fournisseurs américains. En plus des raisons citées ci-dessus, plusieurs de ces grands importateurs ont déclaré que Heinz et Nabisco ne leur avaient pas offert de pâte de tomate, ce qui soulève des questions quant au degré de détermination de Heinz et de Nabisco à vendre de la pâte de tomate à des clients éventuels. Le fait que Heinz, le plus important producteur canadien de pâte de tomate, ne vende pas de pâte de tomate en sacs scholle de 300 gallons qui constituent le contenant le plus demandé par les transformateurs d'aliments du secteur secondaire canadiens, a peut-être aussi été un facteur. Quoique Heinz offre de la pâte de tomate en camions-citernes, de nombreux transformateurs ne sont pas en mesure de manutentionner des volumes aussi importants.

Le Tribunal remarque que beaucoup d'importateurs qui ont comparu à l'audience ont récemment regroupé leurs besoins d'achats de pâte de tomate avec ceux de leurs filiales américaines. D'autres grands importateurs achètent la pâte de tomate à leurs sociétés mères et ont quelques exigences en matière de composition auxquelles les producteurs nationaux ne peuvent satisfaire. De plus, quelques-uns de ces importateurs font concurrence à Heinz et à Nabisco et ont déclaré qu'ils n'étaient pas portés à acheter un ingrédient important à des concurrents. Ces faits nouveaux, de l'avis du Tribunal, empêchent Heinz et Nabisco de vendre à un segment important du marché de la pâte de tomate.

Heinz et Nabisco ont décidé que les prix américains étaient trop bas pour que la concurrence puisse être soutenue de façon rentable pour la production de 1992. Il ressort de l'enquête du Sous-ministre que seulement 46 p. 100 des importations qui sont entrées au Canada pendant la première moitié de 1992 étaient sous-évaluées. Il se peut que les importations en provenance des États-Unis aient nui à Heinz et à Nabisco; cependant, le Tribunal remarque qu'une grande partie de la perte de volume était due à des facteurs qui n'ont aucun rapport avec le dumping. Quoique la décision prise par ces sociétés de ne pas produire de pâte de tomate à des fins de vente à partir de l'année d'exploitation de 1992 ait pu être judicieuse sur le plan financier, il se peut aussi qu'elle ait nui aux relations futures des sociétés avec leurs clients. S'il est vrai que le prix de la pâte de tomate américaine était d'environ 0,27 $ US la livre F.A.B. en Californie pendant la période qui a fait l'objet de l'enquête du Sous-ministre, les renseignements mis à la disposition du Tribunal montrent que les prix ont commencé à se raffermir pendant la deuxième moitié de 1992. Les éléments de preuve indiquent que les prix ont augmenté jusqu'en février 1993, mois au cours duquel le prix de la pâte de tomate était d'environ 0,34 $ US la livre F.A.B. en Californie.

Quoique Heinz ait attribué directement au dumping la perte de la marge bénéficiaire brute possible qu'elle a calculée sur la production destinée à la vente à l'industrie de l'année d'exploitation de 1992, le Tribunal remarque que cette perte est faible comparée à la marge bénéficiaire brute réalisée sur les produits fabriqués par Heinz à partir de la pâte de tomate. Pour ce qui est de Nabisco, le Tribunal constate qu'en 1991, l'usine de Nabisco tournait à un taux de capacité élevé et que la société a utilisé une importante partie de sa production à des fins internes au cours de cette même année. De l'avis du Tribunal, c'était la raison principale de la baisse de la production de pâte de tomate destinée à la vente à l'industrie qu'a subie Nabisco en 1991. Quoique les résultats financiers des produits à base de tomate de Nabisco n'ont peut-être pas été aussi positifs que la société l'aurait souhaité, ces résultats, de l'avis du Tribunal, n'avaient pas grand chose à voir avec le dumping. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en question n'a pas causé et ne cause pas de préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal doit maintenant déterminer si le dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les éléments de preuve soumis par les parties plaignantes au sujet du préjudice futur n'étaient pas convaincants. Leurs présentations soutenaient que la surabondance de la pâte de tomate se poursuivrait jusqu'en 1994 et que le dumping continuerait si le Tribunal rendait des conclusions de non préjudice.

Dans la décision définitive de dumping, le Sous-ministre a conclu que moins de la moitié des importations entrées au Canada depuis les États-Unis au cours des six premiers mois de 1992 étaient sous-évaluées. Pour arriver à cette décision, le Sous-ministre s'est fondé sur l'année d'exploitation de 1991 pour déterminer le montant du dumping. Quoiqu'aucun renseignement ne soit disponible quant aux marges de dumping pendant l'année d'exploitation de 1992, le Tribunal remarque que les prix de la pâte de tomate américaine ont commencé à se raffermir pendant le deuxième semestre de 1992, et qu'ils se situent présentement à environ 0,34 $ US la livre F.A.B. en Californie. Il ressort des dépositions des témoins et des éléments de preuve versés au dossier que les prix resteront probablement à la hausse en 1993. Quoique les stocks de pâte de tomate existants en Californie demeurent importants, les éléments de preuve montrent qu'une bonne partie de ces stocks sont engagés. Il est difficile d'évaluer ce que sera la récolte américaine de 1993, mais l'hypothèse a été émise qu'elle pourrait être d'environ huit millions de tonnes, ce qui est un chiffre assez moyen. Bien sûr, une récolte exceptionnelle pourrait modifier la situation future du marché aux États-Unis, mais ce serait de la pure spéculation de la part du Tribunal de supposer que ceci puisse conduire au dumping et à un préjudice sensible pour les producteurs canadiens de pâte de tomate.

CONCLUSION

À la lumière de ce qui précède et compte tenu de tous les renseignements contenus dans le dossier ainsi que des éléments de preuve produits à l'audience, le Tribunal conclut que le dumping au Canada de la pâte de tomate en contenants de plus de 100 onces liquides, originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique, n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

3. Viande de boeuf désossée destinée à la transformation originaire ou exportée de la Communauté économique européenne, Tribunal canadien des importations, enquête no CIT-2-86, le 25 juillet 1986.

4. Ibid. à la p. 12.

5. Accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

6. Canada - Institution de droits compensateurs à l'importation de viande de boeuf destinée à la transformation en provenance de la CEE, le 13 octobre 1987.

7. Cerises à chair acidulée originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no CIT-2-88, le 30 janvier 1989.

8. Ibid. à la p. 5.

9. Ibid. à la p. 6.

10. Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18.

11. Recueil des traités du Canada, 1989, no 3 (R.T.C.), signé le 2 janvier 1988.

12. Jambon et paleron de porc en conserve, en boîte de moins de 1,5 kg chacune, originaires ou exportés du Danemark et des Pays-Bas; et pain de viande de porc en conserve contenant, au poids, plus de 20 pour cent de porc, pour lequel une subvention a été payée directement ou indirectement par la Communauté économique européenne, Tribunal antidumping, enquête no GIC-1-84, le 7 août 1984.


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Publication initiale : le 1 août 1997