FEUILLES DE RECHANGE

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FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES PAPIER DE RECHANGE OU FEUILLES MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE, ET CAHIERS À RELIURE SPIRALE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE ET DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL
Enquête no : NQ-96-001

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 27 septembre 1996

Enquête no : NQ-96-001

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant :

LES FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES PAPIER DE RECHANGE OU FEUILLES MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE, ET LES CAHIERS À RELIURE SPIRALE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE ET DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, à la suite de la publication d’une décision provisoire de dumping datée du 30 mai 1996 et d’une décision définitive de dumping datée du 26 août 1996 rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant l’importation au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de la République d’Indonésie, et de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de la République d’Indonésie et de la République fédérative du Brésil.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes :

a) que le dumping au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de la République d’Indonésie, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale;

b) que le dumping au Canada de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de la République d’Indonésie et de la République fédérative du Brésil, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Ottawa, le mardi 15 octobre 1996

Enquête no : NQ-96-001

LES FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES PAPIER DE RECHANGE OU FEUILLES MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE, ET LES CAHIERS À RELIURE SPIRALE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE ET DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, que le dumping au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de la République d’Indonésie, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale, et que le dumping au Canada de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de la République d’Indonésie et de la République fédérative du Brésil, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Dates des audiences : Du 3 au 6 septembre 1996


Date des conclusions : Le 27 septembre 1996

Date des motifs : Le 15 octobre 1996


Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant

Arthur B. Trudeau, membre

Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Peter Welsh


Agent principal de la recherche : Simon Glance


Économiste : Ihn Ho Uhm


Préposé aux statistiques : Margaret Saumweber


Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud


Agent à l’inscription et

à la distribution : Joël J. Joyal



Participants : William Brock

David J. Shapiro

pour Les Produits Fanco Canada Ltée


(producteur national)

Darrel H. Pearson

Peter W. Collins

pour La Compagnie de la Baie d’Hudson


(importateur)

Gabby Green

Directeur des techniques marchandes

Sotal Ltée


(importateur)

Allan H. Turnbull

Paul D. Burns

pour PT. Pabrik Kertas Tjiwi Kimia


(exportateur)

Témoins :

Samuel Eidinger
Président
Les Produits Fanco Canada Ltée

Harvey Eidinger
Vice-président
Les Produits Fanco Canada Ltée

Gordon B. Hicks
Vice-président des ventes et du marketing
Hilroy, A Mead Company

Gabby Green
Directeur des techniques marchandes
Sotal Ltée

Jim Hale
Directeur divisionnaire du service des
marchandises
Papeterie, fils et livres
La Compagnie de la Baie d’Hudson

Dan Bell
Zellers Inc.

Rudy R. Tanoto
Directeur à l’exportation
Papeterie et cadeaux
PT. Pabrik Kertas Tjiwi Kimia

Frank Varona
Vice-président
Vestwin Paper (Canada) Corporation

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), à la suite de la publication d’une décision provisoire de dumping [2] , en date du 30 mai 1996, et d’une décision définitive de dumping [3] , en date du 26 août 1996, rendues par le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) concernant l’importation au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de la République d’Indonésie (l’Indonésie), et de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de l’Indonésie et de la République fédérative du Brésil (le Brésil).

La question des importations sous-évaluées et subventionnées de feuilles de rechange en provenance du Brésil a déjà fait l’objet d’examens par le Tribunal. Des conclusions de préjudice sensible [ [Note du réviseur] Maintenant désigné «dommage sensible» causé à la «branche de production nationale» conformément aux modifications apportées à la LMSI, L.C. 1994, ch. 47. Toutefois, l’ancienne terminologie sera utilisée pour toute référence aux conclusions antérieures du Tribunal.] ont été rendues par le Tribunal le 6 juillet 1990, dans le cadre de l’enquête no NQ-89-004 [4] . Le 5 juillet 1995, dans le cadre du réexamen no RR-94-005 [5] , le Tribunal a prorogé ses conclusions concernant le dumping au Canada de feuilles de rechange originaires ou exportées du Brésil, mais a annulé celles concernant le subventionnement de feuilles de rechange originaires ou exportées du Brésil.

Le 30 mai 1996, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête [6] . Dans le cadre de l’enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux producteurs canadiens de feuilles de rechange et de cahiers à reliure spirale aux importateurs et acheteurs de feuilles de rechange en question et de cahiers à reliure spirale en question ainsi qu’aux représentants de commerce, en vue d’obtenir des renseignements sur la production, la situation financière, les importations et le marché, ainsi que d’autres données visant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 mars 1996. À partir des réponses aux questionnaires, le personnel de la recherche du Tribunal a rédigé des rapports public et protégé préalables à l’audience portant sur la période susmentionnée.

Le dossier de la présente enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l’audience et la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats ou autres conseillers qui avaient déposé un acte de déclaration et d’engagement auprès du Tribunal ont eu accès aux pièces protégées.

Le 30 août 1996, le Tribunal a convoqué une conférence téléphonique pour entendre la plaidoirie au sujet de deux motions déposées par des parties à l’enquête. Les deux motions demandaient au Tribunal d’ordonner à certaines parties de produire des renseignements. La motion déposée par Les Produits Fanco Canada Ltée (Fanco) a été refusée parce qu’elle a été jugée trop sommaire et imprécise [7] . La motion déposée par La Compagnie de la Baie d’Hudson (la Baie d’Hudson) a été admise après avoir conclu que les renseignements demandés étaient pertinents à la structure de prix de Fanco pour les cahiers à reliure spirale et à ses allégations de dommage sensible [8] .

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario), du 3 au 6 septembre 1996. Fanco, un producteur national, et PT. Pabrik Kertas Tjiwi Kimia (Tjiwi Kimia), un exportateur, étaient représentées à l’audience par des avocats. La Baie d’Hudson, un importateur, était représentée par un avocat et un conseiller. Sotal Ltée (Sotal), un importateur, était représentée par son directeur des techniques marchandes. De plus, le vice-président des ventes et du marketing de Hilroy, A Mead Company (Hilroy) a comparu comme témoin à l’audience.

Le 27 septembre 1996, le Tribunal a rendu ses conclusions à l’effet que le dumping au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de l’Indonésie, n’avait pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menaçait de causer un dommage sensible à la branche de production nationale, et que le dumping au Canada de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de l’Indonésie et du Brésil, n’avait pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menaçait de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

Définition des feuilles de rechange en question et des cahiers en question

Feuilles de rechange

Le Sous-ministre a défini les feuilles de rechange en question comme des «feuilles de rechange connues également comme papier de rechange ou feuilles mobiles». Le Sous-ministre a fourni des renseignements additionnels sur le produit dans l’annexe C de l’énoncé des motifs de la décision provisoire. Le Sous-ministre y a déclaré que les feuilles de rechange sont du papier réglé ou ligné horizontalement, avec ou sans marge verticale, ou du papier millimétré, ou du papier non imprimé, qui compte habituellement de trois à cinq perforations permettant l’insertion dans une reliure à anneaux [9] . Le Sous-ministre a aussi déclaré que les feuilles de rechange en question peuvent comprendre les feuilles de rechange non entièrement finies, c’est-à-dire soit en vrac, soit sans perforations ni lignes.

De plus, les feuilles de rechange sont offertes dans une grande variété de formats, au réglage et à la disposition des perforations variés, leur format variant de 3 po x 5 po à 8 1/2 po x 14 po. Le type le plus populaire de feuilles de rechange mesure 8 3/8 po x 10 7/8 po [10] , ces dimensions étant connues sous le format 8 1/2 po x 11 po, comprend des lignes horizontales, une marge verticale et trois perforations aux fins d’insertion dans une reliure à anneaux. Les feuilles de rechange sont offertes en emballages de différents formats, dont les quantités vont de 20 à 1 000 feuilles. Les emballages les plus répandus sont ceux qui renferment 200 feuilles, ces derniers ayant représenté environ 80 p. 100 du marché total des feuilles de rechange au Canada en 1995.

Cahiers à reliure spirale

Le Sous-ministre a défini les cahiers en question comme des «cahiers à reliure spirale». Le Sous-ministre a fourni des renseignements additionnels sur le produit dans l’annexe C de l’énoncé des motifs de la décision provisoire. Le Sous-ministre a déclaré que, dans les cahiers à reliure spirale, le papier est généralement le même que celui des feuilles de rechange, et le réglage est semblable [11] . La couverture imprimée et le dos en carton sont placés de façon à retenir les feuilles ensemble au moyen d’une reliure spirale.

Le Sous-ministre a ajouté que, jusqu’à récemment, la plupart des cahiers à reliure spirale vendus au Canada étaient du format normal de 8 1/2 po x 11 po. Depuis que Hilroy a été achetée par la société Mead School & Office Products, à la fin de 1994, elle a remplacé ce format de cahiers à reliure spirale par celui de 8 po x 10 1/2 po, qui est le format normal sur le marché des États-Unis. Les cahiers à reliure spirale de 6 po x 9 po sont aussi très populaires. Lorsque le cahier est relié sur le côté de 9 po, il est réglé de façon semblable à celui des feuilles de rechange. Lorsqu’il est relié sur le côté de 6 po, il est réglé à la façon des blocs-sténo. Les couvertures, dont l’épaisseur et le modèle varient, sont habituellement faites de carton ou de plastique imprimé.

Le Sous-ministre a également déclaré que, grâce à l’évolution de méthodes de reliure plus perfectionnées utilisées dans les chaînes de fabrication récentes, les fabricants ont été capables de mettre au point des cahiers à reliure spirale qui ont plusieurs feuilles ou pochettes servant à diviser le cahier selon la matière et ont parfois une couverture supplémentaire et des encarts décrivant les conditions de vente et les aspects fonctionnels du produit. La couverture des cahiers de ce genre n’est pas toujours en carton, mais peut être en matière plastique et d’un format pouvant aller jusqu’à 9 po x 11 po.

Il y a aussi un certain nombre de cahiers à reliure spirale de plus petits formats qui servent d’agendas et de blocs-notes polyvalents. Ils comprennent les cahiers de 5 po x 7 po, de 4 po x 6 po et de 3 po x 5 po. Quel que soit leur format, ces cahiers à reliure spirale ont entre 40 feuilles (80 pages) et 200 feuilles (400 pages).

PRODUCTEURS NATIONAUX

Trois entreprises produisent des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale au Canada. Fanco a été fondée en 1943 et a commencé à fabriquer des produits de papier, y compris des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale, à son usine de Montréal (Québec), vers 1969. La production de Fanco est surtout vendue à des grandes surfaces. Les feuilles de rechange sont le principal élément du programme d’articles de papeterie de rentrée des classes de Fanco.

Hilroy, située à Toronto (Ontario), a été fondée en 1918 et fabrique des feuilles de rechange depuis plus de 60 ans. Elle fournit une vaste gamme d’autres produits, y compris des cahiers à reliure spirale. Les autres produits qu’elle vend comprennent des cahiers d’exercices à reliure par brochage, des couvertures de rapport, des intercalaires à onglets, des blocs-sténo, des reliures à anneaux, des planchettes à pince, des carnets de notes et des blocs-notes. En 1990, Hilroy était une division d’Abitibi-Price Inc., qui l’avait achetée de la famille Hill en 1968. En novembre 1994, Hilroy a été achetée par la société Mead School & Office Products, de Dayton (Ohio).

Spiral Paper Products, Division of Belt Manufacturing Limited (Spiral), a été fondée en 1981. Ses installations de production sont situées à Mississauga (Ontario). À l’origine, elle vendait ses produits principalement par l’intermédiaire de contrats avec les conseils ou commissions scolaires. Les feuilles de rechange constituaient alors un élément important de la composition du chiffre de ses ventes. Vers 1992, Spiral a modifié ses techniques marchandes, axant davantage ses efforts sur la vente aux magasins de détail par l’intermédiaire de listes de prix courants plutôt que de contrats de vente. Sur ce marché, les feuilles de rechange et les cahiers à reliure spirale sont devenus des éléments secondaires de la composition des ventes de Spiral.

EXPORTATEURS ET IMPORTATEURS

Lors de la décision définitive de dumping, le Sous-ministre a identifié un exportateur de l’Indonésie des feuilles de rechange en question et des cahiers en question, Tjiwi Kimia. Cette dernière produit son propre papier pour blocs-notes et est le principal fabricant de papier à lettre, de papier impression et d’articles de papeterie en Indonésie. Il s’agit d’une société intégrée verticalement avec PT. Indah Kiat Pulp & Paper Corporation et PT. Lantar Papyrus Pulp & Paper Industry, qui fournissent Tjiwi Kimia en pâte. Les trois sociétés sont membres du groupe Sinar Mas Group, un des plus importants groupes commerciaux de l’Indonésie. Tjiwi Kimia est représentée au Canada par la société Vestwin Paper (Canada) Corporation, qui est son mandataire pour les ventes.

Le Sous-ministre a également identifié trois exportateurs du Brésil des cahiers en question : Caderbras Produtos de Papel S.A., Industria Grãfica Jandaia Ltda. et Tilibra S.A. Industria Grafica. L’enquête du Sous-ministre a de plus identifié trois importateurs des feuilles de rechange en question et des cahiers en question en provenance de l’Indonésie : Hilroy, la Baie d’Hudson et Zellers Inc. (Zellers). Six importateurs des cahiers en question en provenance du Brésil ont été identifiés : Hilroy, Kmart Canada Limitée, Produits ménagers Liberté Corp., Long Island Distributing Co., Rotex Canada Inc. et Sotal.

Le tableau 1 présente les résultats de l’enquête du Sous-ministre qui a visé une période de 14 mois, soit du 1er janvier 1995 au 28 février 1996. Au cours de la période visée par l’enquête, 63 p. 100 des exportations au Canada des feuilles de rechange en question étaient sous-évalués. Il a été estimé que 67 p. 100 des cahiers en question exportés au Canada en provenance de l’Indonésie et du Brésil étaient sous-évalués.

Tableau 1

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

Pays

Exportateur

Produit

Marge de dumping
(% de la valeur normale)

Indonésie

PT. Pabrik Kertas Tjiwi Kimia

Feuilles de rechange

3,3

Cahiers

2,4

Autres

Feuilles de rechange

-

Cahiers

-

Brésil

Caderbras Produtos de Papel S.A.

Cahiers

84,7

Industria Grãfica Jandaia Ltda.

Cahiers

57,5

Tilibra S.A. Industria Grafica

Cahiers

84,7

Autres

Cahiers

-

Source : Ministère du Revenu national, Décision définitive de dumping et Énoncé des motifs, le 26 août 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-4, dossier administratif, vol.1 aux pp. 62.26-62.28.

POSITION DES PARTIES

Fanco

Les avocats de Fanco ont avancé que, aux fins de l’enquête du Tribunal concernant le dommage, Hilroy devrait être exclue, par définition, de la branche de production nationale des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale du fait que cette société a importé des feuilles de rechange en question et des cahiers en question, à des prix sous-évalués, et que Fanco, à elle seule, constitue une proportion majeure de la production collective des marchandises similaires. Les avocats ont allégué que les indicateurs économiques montrent clairement que Fanco a subi un dommage sensible, causé à la fois par le dumping des feuilles de rechange en question et des cahiers en question. Les avocats ont soutenu que les importations sous-évaluées en provenance de l’Indonésie et du Brésil ont causé un dommage sensible et menacent de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Ils ont souligné qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que le dumping était l’unique cause, la cause principale ou même la cause majeure du dommage. Plutôt, il doit être démontré que le dumping est une cause du dommage. Les avocats se sont appuyés sur les éléments de preuve qui ont montré que Zellers, le plus important acheteur de feuilles de rechange au Canada, négocie énergiquement les prix et magasine partout dans le monde pour obtenir le meilleur prix possible. Selon les avocats, les éléments de preuve montrent que Zellers s’est servie des prix indonésiens comme levier pour obtenir un meilleur prix des producteurs nationaux, et il s’agit là d’une preuve de dommage.

De plus, le fait que Zellers ait acheté de l’Indonésie en 1995 et en 1996 place l’Indonésie dans le rôle de titulaire. Elle bénéficie ainsi d’un avantage qui, de l’avis des avocats de Fanco, causera un dommage à la branche de production nationale. Le prix indonésien, qui, de l’avis des avocats, est probablement un prix sous-évalué, deviendra le prix «de référence» à partir duquel les prix nationaux seront fixés. De plus, les éléments de preuve montrent que la capacité de production des fabricants indonésiens leur permet de produire davantage de feuilles de rechange en question et de cahiers en question et, par conséquent, leur confère une plus grande marge de manœuvre dans l’établissement des prix, particulièrement s’ils reçoivent les commandes tôt. Le témoin de Zellers a déclaré que c’est justement ce que la société avait l’intention de faire. Les avocats ont soutenu que l’Indonésie aurait donc un avantage. Les avocats ont allégué que Zellers est un chef de file de l’industrie et que, si Zellers achète de l’Indonésie, d’autres magasins de détail du Canada feront probablement la même chose. Les avocats ont avancé que les feuilles de rechange étant un produit de consommation courante, l’élément le plus important de toute vente est de ce fait le prix du produit et non la marque nominale. Selon les avocats, les éléments de preuve montrent que Fanco fabrique un produit de qualité et est un bon compétiteur. Pourtant, les éléments de preuve montrent que Fanco a subi une perte dévastatrice en ce qui concerne sa part du marché.

Les avocats de Fanco ont affirmé qu’il existe des preuves positives que les fabricants de l’Indonésie ont annoncé leur intention de pénétrer le marché canadien. Par exemple, ils ont déménagé leurs bureaux de Vancouver (Colombie-Britannique) à Toronto, le lieu de la maison-mère de la plupart des grandes chaînes canadiennes de magasins de détail. Selon les avocats, les éléments de preuve montrent que les fabricants de l’Indonésie ont la capacité de production nécessaire pour produire davantage de feuilles de rechange en question et de cahiers en question et qu’ils ont l’intention d’accroître le volume de leurs exportations au Canada. Lors d’une session à huis clos, les avocats ont soutenu que les fabricants indonésiens ne pourraient pas demeurer concurrentiels sur le marché canadien si des droits antidumping étaient imposés sur leurs exportations au Canada.

Les avocats de Fanco ont également récapitulé les allégations de perte de ventes et de compression des prix liées à la vente indonésienne de feuilles de rechange sous-évaluées à Hilroy en 1994 et à la vente indonésienne de feuilles de rechange à Zellers en 1996. Les avocats ont allégué que la vente à Hilroy a causé un dommage à Fanco et que la vente à Zellers menace de causer un dommage à Fanco. Les avocats ont tenté de démontrer que, si les marchandises n’avaient pas été sous-évaluées dans la vente à Hilroy, cette dernière n’aurait jamais acheté le produit, ce qui aurait accru les occasions commerciales de Fanco. Quant à la vente à Zellers, les avocats ont tenté de démontrer que cette vente aussi avait été conclue à un prix sous-évalué. Les avocats ont affirmé que si Tjiwi Kimia avait correctement soumissionné pour la vente de 1996 à Zellers, elle n’aurait pas remporté ce marché, et que cette vente a constitué une perte directe d’une vente par Fanco. Les avocats ont élaboré la même argumentation au sujet des ventes directes de cahiers à reliure spirale par Tjiwi Kimia sur le marché canadien.

Les avocats de Fanco ont soutenu qu’il n’est pas nécessaire, lorsqu’il y a écart de prix, que le Tribunal conclue que la valeur du dumping correspond à la valeur de l’écart entier. Il suffit que le Tribunal conclue que, s’il n’y avait pas dumping, l’écart de prix diminuerait. Pour appuyer leur argument, les avocats ont renvoyé à la décision du Tribunal dans l’enquête no NQ-93-006 [12] . Les avocats ont affirmé que, dans la présente enquête, le dumping dépasse l’écart de prix. Les avocats ont aussi renvoyé à la décision du Tribunal dans l’enquête no NQ-93-007 [13] à l’appui de l’argument selon lequel le dumping exerce un effet d’entraînement sur les prix du marché canadien.

La Baie d’Hudson

L’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont avancé que la tentative des avocats de Fanco, de démontrer que la vente de feuilles de rechange de Tjiwi Kimia à Zellers, en 1996, avait été effectuée à des prix sous-évalués, était à la fois fallacieuse et source de confusion. L’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont énuméré les facteurs dont le ministère du Revenu national tient normalement compte dans le calcul de la marge de dumping pour illustrer la fausseté du calcul des avocats de Fanco. L’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont soumis que le Tribunal ne devrait pas tenir compte de tout argument présenté par les avocats de Fanco fondé sur ce calcul.

L’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont dit être d’accord avec les avocats de Fanco que Hilroy devrait être exclue, par définition, de la branche de production nationale à la fois des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale et que Fanco, à elle seule, constituait une proportion majeure de la branche de production collective nationale de ces deux produits. L’avocat et le conseiller ont concédé que Fanco a subi un dommage sensible. Toutefois, l’avocat et le conseiller ont affirmé qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le dumping et le dommage sensible. Renvoyant au paragraphe 42(3) de la LMSI et aux décisions antérieures du Tribunal et de ses prédécesseurs, l’avocat et le conseiller ont soutenu que le Tribunal n’est pas tenu d’évaluer les effets cumulatifs des importations sous-évaluées des cahiers en question en provenance du Brésil et de l’Indonésie. Le Tribunal peut procéder à une évaluation distincte de l’incidence des importations sous-évaluées en provenance du Brésil et de l’incidence des importations sous-évaluées en provenance de l’Indonésie. L’avocat et le conseiller ont soumis que si toutefois le Tribunal évalue les effets cumulatifs, il devrait quand même conclure que le dumping n’a pas causé ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Pour ce qui est du Brésil, l’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont avancé que, bien que les marges de dumping fussent élevées, elles n’avaient pas d’incidence, autre que minimale, sur le marché national des cahiers à reliure spirale. L’avocat et le conseiller ont rappelé les éléments de preuve qui montrent que les produits brésiliens semblent desservir un marché différent de celui des marchandises produites par Fanco. L’avocat et le conseiller ont énuméré les facteurs qui, selon eux, ont causé un dommage sensible à Fanco. Le premier résulte en un dommage auto-infligé. Dans cette catégorie, l’avocat et le conseiller ont inclus : 1) les coûts de Fanco, qui étaient trop élevés; 2) la distribution par Fanco de cahiers à reliure spirale en provenance de la Chine; 3) l’omission de Fanco de traiter avec les fabricants indonésiens et d’établir une relation convenable avec ces derniers; 4) le manque de planification à long terme de Fanco dans les années 90; 5) la reconnaissance de la marque nominale Hilroy; 6) la médiocrité de ses relations avec la clientèle ou le manque de souplesse de Fanco quand il s’agit de répondre en temps opportun aux demandes, tant de La Baie que de Zellers. Les autres facteurs comprennent la féroce concurrence nord-américaine et nationale, les prix et les coûts compétitifs américains et les répercussions de la concurrence indonésienne, c.-à-d. le fait qu’il a été déterminé que la plupart des exportations de l’Indonésie n’étaient pas sous-évaluées. L’avocat et le conseiller ont reconnu que l’Indonésie a effectivement fait des percées sur le marché canadien durant la période visée par l’enquête; toutefois, elle l’a fait à des prix qui n’étaient pas sous-évalués. Selon l’avocat et le conseiller, ces percées sont d’abord attribuables à un faible coût de production. Un autre facteur qui a causé un dommage sensible à la branche de production nationale réside dans la diminution tant du marché des feuilles de rechange que celui des cahiers à reliure spirale. L’avocat et le conseiller ont aussi fait mention de la perte par Fanco d’un important client étranger comme cause du dommage qu’elle a subi.

Quant à la menace de dommage, l’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont fait remarquer que, pour réussir, Fanco a besoin d’une augmentation des prix bien supérieure à celle que refléteraient les marges de dumping. Fanco a davantage besoin de volumes des ventes que de prix plus élevés. L’avocat et le conseiller ont soumis que, avec ou sans l’Indonésie, la concurrence sera rude, et les prix demeureront bas. Un autre facteur important est que, à l’avenir, Hilroy achètera de sa société mère, située aux États-Unis, et non de l’Indonésie. Selon l’avocat et le conseiller, pour que Fanco réussisse, elle doit cesser de se mettre elle-même des bâtons dans les roues. L’avocat et le conseiller ont aussi renvoyé aux éléments de preuve qui montrent que les fabricants indonésiens ciblent d’autres marchés que le Canada.

Tjiwi Kimia

Les avocats de Tjiwi Kimia ont allégué que le Tribunal ne doit pas oublier que les ventes de feuilles de rechange de Tjiwi Kimia à Zellers, son plus important client national, ont été faites à des prix qui n’étaient pas sous-évalués. Cela est également vrai pour les ventes faites à La Baie. Un autre facteur important dont le Tribunal doit tenir compte a trait aux faibles marges de dumping des exportations des feuilles de rechange en question et des cahiers en question en provenance de l’Indonésie. Les avocats ont affirmé que le dumping des feuilles de rechange en provenance de l’Indonésie n’a pas causé ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Ils ont repris le même argument pour les cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie. Les avocats ont soutenu que tout dommage que peut avoir subi Fanco a été causé par d’autres facteurs que le dumping. Les avocats ont renvoyé au paragraphe 37.1(3) du Règlement sur les mesures spéciales d’importation [14] (le Règlement) qui donne une liste d’autres facteurs que le Tribunal peut estimer causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Un de ces facteurs est le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées. Les avocats ont soumis que tout dommage causé par ce facteur et tous les autres facteurs énumérés au paragraphe 37.1(3) du Règlement ne doit pas être attribué au dumping. Le Tribunal doit aussi prendre en considération l’importance des marges de dumping qui, dans la présente enquête, sont très faibles en ce qui touche l’Indonésie. Ce facteur est inclus à l’article 3.4 de l’Accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI du GATT de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) [15] (l’Accord antidumping de l’OMC).

Les avocats de Tjiwi Kimia ont reconnu que Tjiwi Kimia avait réussi certaines percées sur le marché canadien, mais ont affirmé qu’elles étaient attribuables à d’autres facteurs que le dumping. Ils ont soumis que les fabricants indonésiens bénéficient de certains avantages sur Fanco dans la production des feuilles de rechange en question et des cahiers en question. Ces avantages comprennent les coûts inférieurs de la main-d’œuvre et du matériel, les stocks pratiquement inexistants de matières premières et les coûts d’inventaire très faibles pour les ventes à l’exportation puisque ces commandes sont produites sur demande et à partir de matières premières peu coûteuses. Les avocats ont fait remarquer que Tjiwi Kimia fait partie d’un groupe puissant, intégré verticalement, qui participe à tous les aspects de la production du papier, depuis les concessions forestières jusqu’à la fabrication de pâte, puis de papier pour blocs-notes et d’articles de papeterie. Par conséquent, Tjiwi Kimia bénéficie d’une protection relativement élevée contre la nature cyclique des prix mondiaux de la pâte et du papier pour blocs-notes, une protection dont Fanco, par exemple, ne bénéficie pas.

Les avocats de Tjiwi Kimia ont aussi avancé que le dommage subi par Fanco était attribuable, en partie, à des stratégies commerciales inefficaces, plus précisément en ce qui a trait à l’achat de papier pour blocs-notes. Ce facteur ainsi que d’autres ont fait que le coût des marchandises vendues par Fanco était plus élevé que celui d’autres producteurs nationaux et étrangers. Les avocats ont fait état de la perte, par Fanco, de ventes à l’exportation de feuilles de rechange et de cahiers à reliure spirale aux États-Unis comme étant une cause du dommage qu’elle a subi. Un autre facteur était lié à l’achat de nouveau matériel par Fanco, qui a ainsi doublé sa capacité de production au moment même où son volume des ventes aux États-Unis diminuait. Les avocats ont aussi fait mention des changements structurels du marché national des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale, par exemple, le rôle décroissant des magasins de distribution en gros et le changement de la nature des magasins de détail. Un autre facteur important est que Zellers a choisi de concentrer ses achats sur des marques nominales reconnues. Tous ces changements structurels ont amené les consommateurs à s’attendre à des prix moindres pour les feuilles de rechange et les cahiers à reliure spirale. Le consommateur recherche la qualité ou la valeur à un prix raisonnable. Les avocats ont allégué que Hilroy n’a pas perturbé le marché national des feuilles de rechange ni celui des cahiers à reliure spirale. Le même argument a été avancé en ce qui a trait à aux effets des importations brésiliennes.

Quant à la menace de dommage, les avocats de Tjiwi Kimia ont renvoyé au paragraphe 2(1.5) de la LMSI qui prévoit que, pour qu’il puisse être décidé que le dumping menace de causer un dommage, il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes. Il doit y avoir une menace réelle de dommage. La menace de dommage ne doit pas être fondée sur des hypothèses ni sur des conjectures. Les avocats ont soumis que Tjiwi Kimia ne représente aucune menace de dommage. Les éléments de preuve montrent clairement que l’objectif général de Tjiwi Kimia est d’obtenir un rendement raisonnable et cela, elle ne peut pas l’obtenir sur le marché canadien. De plus, Tjiwi Kimia est soumise à des contraintes de capacité de production dans sa haute saison, qui a lieu en même temps que celle de la branche de production nationale. Par conséquent, Tjiwi Kimia doit répartir sa capacité de production au cours de cette période. Tjiwi Kimia n’a vendu aucune feuille de rechange en question ni de cahier en question à Hilroy en 1996. Hilroy n’a pas l’intention d’acheter à Tjiwi Kimia à l’avenir. Il n’existe, par conséquent, aucune menace de dommage causé par les fabricants indonésiens.

ANALYSE

Aux termes de l’article 42 de la LMSI, modifié par la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce [16] (la Loi de mise en œuvre de l’OMC), le Tribunal «fait enquête sur [...] [la question de savoir] si le dumping des marchandises [auxquelles s’applique la décision provisoire] [...] a causé un dommage ou [...] menace de causer un dommage [17] ». Dans la présente cause, la décision provisoire de dumping visait deux produits distincts : les feuilles de rechange et les cahiers à reliure spirale. Le Tribunal doit, par conséquent, mener deux analyses distinctes. Le Tribunal doit examiner si le dumping de feuilles de rechange en provenance de l’Indonésie a causé un dommage sensible à la branche de production nationale des feuilles de rechange et si le dumping de cahiers à reliure spirale en provenance du Brésil et de l’Indonésie a causé un dommage sensible à la branche de production nationale des cahiers à reliure spirale.

Il est bien établi que la définition des marchandises en question relève de la compétence du Sous-ministre. Il peut cependant être difficile, dans certains cas, d’identifier les marchandises en question. Le Tribunal doit alors entreprendre de vérifier la signification des termes pour déterminer la portée de son enquête. Cela n’entraîne évidemment pas une redéfinition des marchandises en question [18] . Au cours de l’audience, l’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson ont soutenu que l’expression «feuilles de rechange» était, jusqu’à un certain point, ambiguë. Pour préciser la question, le Tribunal a entendu les déclarations des témoins de Fanco et reçu des exposés de l’avocat et du conseiller de la Baie d’Hudson ainsi que des avocats de Tjiwi Kimia et de Fanco. Le Tribunal a également examiné les renseignements donnés dans les réponses aux questionnaires. En outre, le Tribunal a consulté l’annexe C de l’énoncé des motifs de la décision provisoire de dumping. Compte tenu des renseignements susmentionnés, le Tribunal a rendu la conclusion suivante :

[L]e Tribunal est d’avis que la décision provisoire s’applique aux feuilles de rechange faites de papier régl?E9‚ ou ligné horizontalement, avec ou sans marge verticale, ou du papier millimétré, ou du papier non imprimé, qui compte des perforations dans la marge de gauche permettant l’insertion dans une reliure à anneaux.

Les feuilles de rechange sont offertes dans une grande variété de formats, qui varient de 3 po x 5 po à 8 1/2 po x 14 po et peuvent être vendues en emballages de différents formats renfermant généralement de 20 à 1 000 feuilles par emballage de plastique.

Le papier brut utilisé pour produire les feuilles de rechange est généralement désigné sous l’appellation de papier écolier ou papier pour blocs-notes, un papier de 15 livres. Les feuilles de rechange peuvent être importées sans être entièrement finies, c.-à-d. en feuilles coupées en divers formats.

Le Tribunal est d’avis que la décision provisoire ne s’applique pas au papier impression, soit un papier en continu fait avec des perforations d’entraînement du papier, à la fois dans la marge de gauche et dans la marge de droite.

Papier pour photocopieurs fait de papier de 20 livres ou papier pour machines à écrire. Explication : Bien que les feuilles de rechange importées non perforées puissent être visées, les éléments de preuve montrent que le papier pour machines à écrire n’est pas traité ni considéré comme feuilles de rechange [19] .

(Soulignement ajouté)

[Traduction]

Le terme «dommage» est défini au paragraphe 2(1) de la LMSI comme «dommage sensible causé à une branche de production nationale». L’expression «branche de production nationale» est définie, sous réserve de certaines exceptions, comme l’«ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou [...] dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires». Par conséquent, pour rendre sa décision, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays sont des «marchandises similaires» aux feuilles de rechange en question et quelles marchandises produites au pays sont des «marchandises similaires» aux cahiers à reliure spirale en question. Le Tribunal doit ensuite identifier les producteurs nationaux de marchandises similaires qui constituent la «branche de production nationale» des feuilles de rechange ainsi que les producteurs nationaux de marchandises similaires qui constituent la «branche de production nationale» des cahiers à reliure spirale.

Le Tribunal doit ensuite déterminer si la branche de production nationale a subi un dommage sensible et s’il existe un lien de causalité entre le dommage sensible subi et le dumping. Si le Tribunal conclut qu’il n’existe pas de dommage, il doit alors examiner les éléments de preuve se rapportant à la menace de dommage et rendre des conclusions sur cette question.

MARCHANDISES SIMILAIRES

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les «marchandises similaires» par rapport à toutes les autres marchandises, de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

Les éléments de preuve montrent que les feuilles de rechange et les cahiers à reliure spirale issus de la production nationale sont identiques à tous égards aux feuilles de rechange en question et aux cahiers en question, respectivement. Aux fins de la présente enquête, le Tribunal conclut donc que les feuilles de rechange produites par la branche de production nationale constituent des marchandises similaires aux feuilles de rechange de l’Indonésie et que les cahiers à reliure spirale produits par la branche de production nationale constituent des marchandises similaires aux cahiers à reliure spirale du Brésil et de l’Indonésie.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Ainsi qu’il a déjà été mentionné, le sous-alinéa 42(1)a)(i) de la LMSI prévoit que le Tribunal fait enquête sur la question de savoir si le dumping des marchandises auxquelles s’applique la décision provisoire a causé un dommage ou menace de causer un dommage. Le terme «dommage» est défini au paragraphe 2(1) de la LMSI comme le «dommage sensible à la branche de production nationale» L’expression «branche de production nationale» est définie au paragraphe 2(1) de la LMSI [20] , comme suit :

«branche de production nationale» Sauf pour l’application de l’article 31 et sous réserve du paragraphe (1.1), l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires; toutefois, lorsqu’un producteur national est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou est lui-même un importateur de telles marchandises, le terme désigne le reste des producteurs nationaux.

Le Tribunal doit, par conséquent, évaluer si un dommage a été causé à l’ensemble des producteurs nationaux ou aux producteurs nationaux dont la production constitue une proportion majeure de la production collective des marchandises similaires. Dans la présente enquête, étant donné que deux produits distincts ont été définis, le Tribunal doit identifier les producteurs nationaux qui constituent la branche de production nationale des feuilles de rechange et les producteurs nationaux qui constituent la branche de production nationale des cahiers à reliure spirale.

Au début de l’audience et avant la plaidoirie des avocats et du conseiller, le Tribunal a fait savoir qu’il entendrait les observations sur la question de savoir si Hilroy, un producteur national à la fois de feuilles de rechange et de cahiers à reliure spirale qui a importé des marchandises sous-évaluées, devrait être exclue, par définition, de la branche de production nationale, aux fins de l’enquête du Tribunal concernant le dommage. Les avocats de Fanco ont affirmé, et l’avocat et le conseiller de la Baie d’Hudson et les avocats de Tjiwi Kimia ont reconnu, que Hilroy devrait être exclue, par définition, de la branche de production nationale à la fois des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale en raison du fait qu’elle a importé des marchandises sous-évaluées.

Le libellé de la définition de «branche de production nationale» énoncée au paragraphe 2(1) de la LMSI est presque identique à celui du paragraphe 1 de l’article 4 de l’Accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [21] (le Code antidumping du GATT), dont le Tribunal a dû tenir compte en définissant la branche de production nationale aux fins d’une enquête menée avant les modifications corrélatives à la LMSI découlant de la Loi de mise en œuvre de l’OMC [22] .

Le libellé de la définition de «branche de production nationale» dans la version anglaise de la LMSI utilise le terme «may» (peut), indiquant, de ce fait, que le Tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’exclure ou non ces producteurs qui sont liés aux exportateurs ou aux importateurs, ou qui sont eux-mêmes des importateurs de marchandises sous-évaluées. C’est un principe bien établi du droit administratif que le pouvoir discrétionnaire doit être exercé de bonne foi et de manière à promouvoir la politique et les objectifs de la loi qui le confère [23] .

Dans le cadre du réexamen no RR-94-003 [24] , le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de raison valable d’exclure, par définition, certains des producteurs nationaux de la branche de production nationale dans le cas des bottes. En rendant sa décision, le Tribunal a fait remarquer que les ventes totales des importations des marchandises en question en provenance des pays visés, réalisées par les producteurs nationaux, représentaient moins de 2 p. 100 de leurs ventes totales et seulement 3 p. 100 des ventes totales des importations de bottes en question en 1993. De l’avis du Tribunal, de tels volumes n’étaient pas importants [25] . Le Tribunal fait remarquer que la question des demandes d’exclusion des producteurs du fait qu’ils ont été des importateurs de marchandises sous-évaluées avait été soulevée par les avocats des importateurs et des exportateurs.

Le Tribunal a rendu des conclusions similaires dans le cas des souliers, alors que les ventes totales des importations des marchandises en question en provenance des pays visés par les producteurs nationaux représentaient moins de 13,0 p. 100 de leurs ventes totales et moins de 4,5 p. 100 des ventes totales des importations des souliers en question en 1993 [26] . De plus, les éléments de preuve ont montré que Les chaussures Brown du Canada Ltée, un producteur national, importait les souliers en question pour compléter sa gamme Naturalizer et, en partie, pour défendre sa position sur le marché contre d’autres gammes de souliers importés [27] . Les éléments de preuve révélaient aussi que Tender Tootsies Ltd., un autre producteur national, avait commencé à importer des souliers à peu près au moment des conclusions de 1990 concernant les souliers sous-évalués, en partie en réaction aux importations en question en provenance de la République populaire de Chine (la Chine). De plus, ces importations étaient, pour la plupart, axées vers un segment particulier du marché où il n’y avait pratiquement aucune autre concurrence de la part de la production nationale [28] .

Dans le cadre de l’enquête no ADT-15-83 [29] , où les conclusions ont été rendues par le Tribunal antidumping, les éléments de preuve montraient que l’industrie concernée dans cette cause, représentée par son association manufacturière, se composait de fabricants qui, au total, assuraient 72 p. 100 de la «production au Canada de marchandises semblables». Il existait, cependant, un certain nombre de fabricants à l’extérieur de cette collectivité qui, généralement, étaient des filiales d’entreprises exportant à partir de trois pays visés par la détermination préliminaire de dumping ou étaient des importateurs de marchandises sous-évaluées. Les avocats de l’association manufacturière ont demandé que ces dernières entreprises soient exclues de l’évaluation faite par le Tribunal antidumping du préjudice subi par l’industrie. Cette demande était fondée sur le libellé de l’article 4 du Code antidumping du GATT. Le Tribunal antidumping a déclaré ce qui suit :

Le Tribunal [antidumping] a réservé sa décision quant à cette demande, puisqu’il était d’avis qu’il ne pouvait se prononcer avant que tous les éléments de preuve aient été soumis. Même si seulement 10 pour cent environ de toutes les lentilles importées au cours de la période d’enquête l’ont été par certains fabricants canadiens, l’importance de cette demande provient du fait que ce volume d’importations sous-évaluées correspond à 20 pour cent du total de la production canadienne pour la même période. Le fait de ne pas exclure ces fabricants reviendrait à conclure qu’une partie importante de l’industrie concernée pourrait être qualifiée d’invitante au préjudice.

Afin de déterminer si un préjudice a été infligé à «la production au Canada de marchandises semblables», le Tribunal [antidumping] a tenu compte des productions additionnées des quatre plaignantes originales, soit Freflex, Tru-Flex, Dominion et Trans-Canada, et de la production de PCL, de loin le plus grand fabricant canadien, ainsi que de celles des Laboratoires Blanchard et de CCCL. Tous ces fabricants ont témoigné afin de faire connaître leur perception des activités sur le marché et ont été unanimes pour demander la protection de mesures antidumping. PCL, Les Laboratoires Blanchard et CCCL n’étaient pas au nombre des plaignantes au moment où la plainte a été logée à Revenu Canada et la production de ces entreprises réunies était de beaucoup supérieure à la production totale des quatre plaignantes elles-mêmes; mais le Tribunal [antidumping] n’attache pas d’importance à ces faits. De façon générale, le Tribunal [antidumping] se préoccupe du préjudice subi par l’industrie canadienne dans son ensemble et non pas par les plaignantes originales seulement [30] .

Dans le cadre de la présente enquête, les éléments de preuve montrent que Hilroy a importé 100 p. 100 des feuilles de rechange en question qui ont été jugées sous-évaluées par le Sous-ministre et environ 70 p. 100 des cahiers en question qui ont aussi été jugés sous-évalués par le Sous-ministre. Les éléments de preuve révèlent aussi que, en 1995, les ventes totales de Hilroy liées aux feuilles de rechange importées de l’Indonésie représentaient 39 p. 100 de ses ventes totales de feuilles de rechange [31] . De plus, les éléments de preuve montrent que, en 1995, les ventes totales de Hilroy liées aux cahiers à reliure spirale importés de l’Indonésie et du Brésil représentaient 77 p. 100 de ses ventes totales de cahiers à reliure spirale [32] .

Les éléments de preuve révèlent que la décision de Hilroy de s’approvisionner à l’extérieur pour une partie de ses fournitures de feuilles de rechange ou de cahiers à reliure spirale était fondée sur des facteurs comme les pénuries de matières premières, la capacité de fabriquer certains produits ou la capacité de garder certains stocks de marchandises [33] . Bien que la décision de Hilroy d’importer plutôt que de produire certaines marchandises puisse avoir été justifiée, le Tribunal est d’avis que les pourcentages susmentionnés sont trop importants pour que Hilroy soit considérée comme faisant partie de la branche de production nationale aux fins de la présente enquête. Le Tribunal conclut que les volumes des importations par Hilroy des feuilles de rechange en question et des cahiers en question ne sont pas seulement importants en termes du pourcentage des ventes totales de Hilroy, mais aussi en termes du pourcentage des ventes totales de feuilles de rechange et de cahiers à reliure spirale respectivement [34] . Le Tribunal fait remarquer que, dans la présente enquête, exclure Hilroy, par définition, de la «branche de production nationale» n’équivaut pas à nier l’existence de cette dernière.

De plus, il importe de faire remarquer que la décision d’exclure Hilroy de la définition de la «branche de production nationale» ne constitue, en aucune façon, un déni du fait que Hilroy était, durant toute la période visée par l’enquête, un important producteur de marchandises similaires. Par exemple, en 1995, alors que la plupart des marchandises sous-évaluées étaient importées, 58 p. 100 des ventes totales de feuilles de rechange de Hilroy provenaient de la production nationale [35] . De même, en 1995, 11 p. 100 des ventes totales de cahiers à reliure spirale de Hilroy étaient issues de la production nationale [36] .

Ayant décidé que Hilroy ne faisait pas partie, par définition, de la branche de production nationale aux fins de son enquête sur le dommage, le Tribunal conclut que Fanco et Spiral constituent la branche de production nationale des feuilles de rechange et des cahiers à reliure spirale, et, dans les présentes, toute mention de la branche de production nationale signifiera Fanco et Spiral.

EFFETS CUMULATIFS

Le Sous-ministre a rendu une décision provisoire selon laquelle des cahiers à reliure spirale originaires ou exportés du Brésil avaient été sous-évalués au Canada. Comme il a déjà été indiqué, le paragraphe 42(1) de la LMSI prévoit que le Tribunal doit faire enquête sur la question de savoir si le dumping des marchandises auxquelles s’applique la décision provisoire a causé un dommage ou menace de causer un dommage.

Avant les modifications corrélatives à la LMSI découlant de la Loi de mise en œuvre de l’OMC, la LMSI ne donnait pas au Tribunal l’autorité législative expresse d’évaluer les effets cumulatifs de l’importation des marchandises sous-évaluées ou subventionnées. Néanmoins, le Tribunal avait l’habitude, dans les enquêtes qui visaient des marchandises en provenance de plus d’une source, d’évaluer les effets cumulatifs des importations de toutes les marchandises sous-évaluées en question sur l’industrie nationale [37] . L’une des modifications apportées à la LMSI par la Loi de mise en œuvre de l’OMC a été l’ajout du paragraphe 42(3), qui accorde au Tribunal le pouvoir d’évaluer les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises visées par la décision provisoire. Le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit ce qui suit :

(3) Le Tribunal peut, lors de l’ouverture ou de la poursuite de l’enquête, évaluer les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance de plus d’un pays, s’il conclut à la fois que :

a) relativement aux importations de marchandises de chacun de ces pays, la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas minimal et que le volume des importations n’est pas négligeable;

b) l’évaluation des effets cumulatifs est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance de ces pays et :

(i) soit les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un autre de ces pays, ou

(ii) soit les marchandises similaires des producteurs nationaux.

Les termes «minimale» et «négligeable» sont ainsi définis, en partie, au paragraphe 2(1) de la LMSI :

«minimale» S’entend :

a) dans le cas de la marge de dumping, d’une marge inférieure à deux pour cent du prix à l’exportation des marchandises.

«négligeable» Qualificatif applicable au volume des marchandises sous-évaluées, provenant d’un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada.

Dans le cadre de la présente enquête, les éléments de preuve montrent que la marge de dumping des cahiers à reliure spirale en provenance à la fois du Brésil et de l’Indonésie était supérieure à 2 p. 100 du prix à l’exportation des marchandises. Les éléments de preuve montrent également que le volume des marchandises sous-évaluées en provenance du Brésil représente plus de 3 p. 100 du volume total des marchandises qui ont été dédouanés au Canada en provenance à la fois du Brésil et de l’Indonésie. De même, les éléments de preuve révèlent que le volume des marchandises sous-évaluées en provenance de l’Indonésie représente plus de 3 p. 100 du volume total des marchandises qui ont été dédouanées au Canada en provenance à la fois du Brésil et de l’Indonésie. Enfin, les éléments de preuve révèlent que les marchandises sous-évaluées en provenance du Brésil et de l’Indonésie se font concurrence entre elles et font également concurrence aux marchandises similaires des producteurs nationaux. Compte tenu de ces raisons, le Tribunal ne voit pas pourquoi il ne devrait pas tenir compte des effets cumulatifs des importations sous-évaluées de cahiers à reliure spirale en provenance du Brésil et de l’Indonésie. Dans l’analyse qui suit, le Tribunal a donc évalué les effets cumulatifs des importations sous-évaluées de cahiers à reliure spirale du Brésil et de l’Indonésie.

DOMMAGE

Le paragraphe 37.1(1) du Règlement établit certains facteurs que le Tribunal peut examiner pour décider si une branche de production nationale subit un dommage sensible causé par des importations sous-évaluées ou subventionnées. Ces facteurs comprennent : le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées et leur effet sur le prix des marchandises similaires sur le marché intérieur, et l’incidence de ces importations sur la situation de la branche de production nationale. Lorsqu’il examine l’incidence des importations, le Tribunal tient compte des facteurs économiques pertinents, y compris, dans le cadre de la présente enquête, le déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part du marché, les bénéfices et l’utilisation de la capacité de la branche de production.

Le Tribunal doit établir s’il existe un lien de causalité entre les importations sous-évaluées et tout dommage sensible que peut avoir subi la branche de production nationale. Le Tribunal a tenu compte du paragraphe 37.1(3) du Règlement et, dans la présente cause, des facteurs concernant le volume et le prix des importations qui n’étaient pas sous-évaluées, les changements du niveau de la demande des feuilles de rechange en question et des cahiers en question ou des marchandises similaires et le rendement à l’exportation de la branche de production nationale à l’égard des marchandises similaires.

Feuilles de rechange

L’examen du Tribunal du rendement de la branche de production et de la question de savoir si les importations sous-évaluées de feuilles de rechange de l’Indonésie ont causé un dommage commence par une analyse des tendances du marché des feuilles de rechange. Le Tribunal a ensuite étudié les allégations de dommage causé par les importations de l’Indonésie faites par la branche de production. L’analyse comprend une évaluation de tous les facteurs qui ont eu une incidence sur le rendement de la branche de production et, en particulier, des importations en provenance de l’Indonésie, ainsi que du fait que ce ne sont pas toutes les importations qui étaient sous-évaluées. Le Tribunal fait aussi remarquer que Fanco représente presque toutes les ventes nationales de la branche de production nationale issues de la production nationale et que presque tous les éléments de preuve examinés relativement à la branche de production nationale se rapportent aux activités de Fanco.

Les indicateurs économiques pertinents examinés par le Tribunal figurent au tableau 2. Le tableau indique les chiffres réels pour le volume et la valeur du marché apparent. En raison de leur confidentialité, les autres données statistiques sont présentées sous forme d’indices, la valeur pour 1992 étant égale à 100. Le Tribunal n’a pas examiné ces indicateurs isolément. Il a essayé de comprendre les relations entre eux et surtout de les placer en contexte, sachant qu’il existait une dynamique du marché durant la période visée par l’enquête.

Tableau 2

FEUILLES DE RECHANGE
INDICATEURS ÉCONOMIQUES CHOISIS

(1992 = 100)

1992

1993

1994

1995

Marché total

Volume (000 feuilles)

4 080 781

3 381 456

3 405 834

2 388 973

Valeur (000 $)

19 080

14 839

14 469

18 893

Production

Branche de production nationale

100

84

70

31

Autre producteur

100

69

127

62

Exportations

100

187

385

123

Ventes issues de la production

Branche de production nationale

100

77

59

27

Autre producteur

100

83

145

64

Ventes issues des importations

Indonésie

Branche de production nationale

-

-

-

-

Autre producteur

100

230

30

280

Importations directes

100

24

-

356

Pays non visés

100

1

45

30

Données financières

Branche de production nationale

Marge brute

100

23

(106)

21

Bénéfice net avant impôt

100

(275)

(290)

(179)

Autre producteur

Marge brute

100

76

26

131

Bénéfice net avant impôt

(100)1

259

(185)

451

1. Indique une perte en 1992.

Le marché intérieur des feuilles de rechange a diminué sensiblement entre 1992 et 1995, la période visée par l’enquête du Tribunal. Les ventes totales de feuilles de rechange au Canada ont chuté de 17 p. 100 en 1993 et d’un autre 30 p. 100 en 1995 [38] . Le Tribunal ainsi que les avocats et le conseiller ont interrogé des témoins quant aux causes possibles de cette contraction marquée du marché intérieur des feuilles de rechange. Leurs témoignages et d’autres éléments de preuve indiquent que, du moins durant la période visée par l’enquête du Tribunal, le marché canadien des feuilles de rechange peut avoir fait l’objet d’un déclin structurel.

Les témoins ont fait mention de l’usage accru de l’ordinateur à la fois pour prendre des notes et rédiger des rapports et de la décroissance des populations étudiantes comme facteurs possibles de la baisse du marché. Ils ont également fait mention de l’achat excessif de feuilles de rechange par certains magasins de détail, qui les ont vendues à de faibles prix d’appel lors des années précédentes, qui peut avoir mené à un report des stocks de feuilles de rechange au cours des années suivantes par les consommateurs. La saison de la rentrée des classes de 1995 a été marquée par des prix de gros sensiblement supérieurs pour les feuilles de rechange en raison du prix plus élevé du papier pour blocs-notes, qui représente la majeure partie du coût de production des feuilles de rechange. Les magasins de détail ont payé les feuilles de rechange deux fois plus cher que pour la saison de la rentrée des classes de 1994. En 1995, les consommateurs qui achetaient un emballage contenant 200 feuilles de rechange d’un magasin de détail à grande surface ont pu payer jusqu’à 1 $ de moins que ce que le magasin de détail versait à son fournisseur pour le papier. Dans un tel contexte, les magasins de détail qui se servent habituellement des feuilles de rechange comme produit d’appel peuvent avoir réduit leur achat pour limiter les pertes liées à la vente de feuilles de rechange. Les données d’une série de grands magasins de détail confirment que le total de leurs achats pour la saison de la rentrée des classes de 1995 était inférieur du tiers environ au total de l’année précédente [39] .

La baisse marquée du marché intérieur, particulièrement en 1995, a eu une incidence majeure sur la branche de production nationale. Les ventes de cette dernière sur le marché canadien ont chuté de presque 55 p. 100 entre 1994 et 1995. Même si la branche de production avait maintenu, en 1995, sa part du marché de 1994, ses ventes intérieures auraient quand même diminué de 30 p. 100. Il n’en demeure pas moins que la branche de production nationale a perdu une part du marché considérable en raison des ventes issues des importations, ce qui a eu une incidence importante sur ses volumes de production et ses coûts unitaires. Le déclin du marché apparent a aussi suscité des pressions à la baisse sur les prix, les producteurs de feuilles de rechange se faisant concurrence en vue de conserver les volumes de production nécessaires pour tenir les coûts à leur niveau le plus bas possible et pour garder leurs clients et leur part du marché.

La même année, la branche de production nationale a également dû faire face à un rétrécissement important de ses ventes à l’exportation. Les ventes à l’exportation de Fanco aux États-Unis avaient augmenté considérablement entre 1992 et 1994, équivalant à un volume de presque la moitié du total des ventes de feuilles de rechange de la branche de production nationale sur le marché canadien. En 1995, cependant, les exportations de Fanco ont connu une baisse marquée à cause de la perte d’un important client étranger. Cette baisse de son volume d’affaires à l’exportation a eu une incidence sensible sur le volume de la production de la branche de production nationale, équivalant au volume perdu à cause de la contraction du marché intérieur.

En 1995, la branche de production nationale était confrontée à une situation où elle ne pouvait pas se permettre de perdre des ventes sur le marché canadien. Les fusions au sein du secteur de la vente au détail au Canada étaient un des facteurs en jeu. Bien que le phénomène des fusions ait commencé bien avant, il continuait d’ajouter à la pression de la concurrence exercée sur les fournisseurs de feuilles de rechange. Les fournisseurs se faisaient concurrence pour des clients moins nombreux, mais plus gros [40] . Les 10 clients les plus importants représentaient environ 60 p. 100 du total du marché canadien [41] , certains clients représentant à eux seuls presque le cinquième de l’ensemble du marché. Le Tribunal a déjà décrit comment la vente de feuilles de rechange d’appel par les magasins de détail à grande surface peut les avoir amenés à réduire leurs achats de feuilles de rechange en 1995. Même avec des volumes moindres, les importantes pertes qu’ils subissaient en vendant à un prix inférieur au prix coûtant les ont poussés à exercer des pressions additionnelles sur les fournisseurs, particulièrement en 1995 alors que les prix de gros des feuilles de rechange étaient très élevés. Cette conjoncture a été à l’origine de l’intensification de la concurrence sur le plan des prix des fournisseurs, puisque les magasins de détail négociaient le plus bas prix possible afin de minimiser leurs pertes [42] .

L’entrée d’un nouveau compétiteur en provenance de l’Indonésie, Tjiwi Kimia, est venue s’ajouter à la diminution du marché global des feuilles de rechange. Fanco a allégué que les importations de l’Indonésie ont causé un dommage. Tjiwi Kimia avait initialement percé sur le marché intérieur en 1993, mais avait conclu peu de ventes en 1994. Cependant, Tjiwi Kimia a augmenté ses ventes de façon marquée en 1995, accaparant bien au-delà du tiers du marché canadien des feuilles de rechange. Près des deux tiers de ces marchandises ont été achetées par Hilroy aux fins de revente, les magasins de détail à grande surface ayant acheté le reste. Une bonne partie des témoignages entendus par le Tribunal gravitait autour de la question des ventes directes de feuilles de rechange en provenance de l’Indonésie aux magasins de détail à grande surface.

Pour comprendre l’incidence qu’ont eue ces importations sur la branche de production nationale, le Tribunal a mené un examen très approfondi des allégations de dommage présentées par Fanco relativement aux 16 importations de feuilles de rechange examinées par le Sous-ministre dans le cadre de la décision définitive de dumping [43] . Entre 1993 et 1994, la branche de production nationale a perdu un peu plus de 25 p. 100 de sa part du marché, alors que la part du marché de Hilroy a augmenté de 75 p. 100 [44] . Il est clair pour le Tribunal que Hilroy a enlevé des ventes à Fanco en 1994, lorsque les magasins de détail à grande surface ont décidé de s’approvisionner auprès de Hilroy plutôt que de Fanco. En 1995, Fanco a perdu un autre 14 p. 100 de son volume des ventes, alors que d’autres magasins de détail à grande surface se sont tournés vers les importations directes de Tjiwi Kimia.

En 1992 et 1993, Fanco était le fournisseur de toutes les feuilles de rechange de Zellers, le plus important client du marché canadien. En 1994, Zellers a appliqué une politique d’accroissement de la présence de marques nationales reconnues dans ses magasins. Ainsi, pour la rentrée des classes de 1994, Zellers a partagé ses achats de feuilles de rechange entre Fanco et Hilroy. La perte partielle du compte de Zellers en 1994 a représenté presque toute la perte de la part du marché de la branche de production nationale cette année-là. Le Tribunal a reçu des éléments de preuve selon lesquels, tous les autres facteurs étant par ailleurs égaux, une marque nationale mieux connue, et donc la possibilité pour les magasins de détail de vendre à des prix forts, conférait à Hilroy un avantage concurrentiel. Il est clair pour le Tribunal que le chiffre d’affaires perdu au profit de Hilroy en 1994 ne peut, en aucune façon, être attribuable aux importations de l’Indonésie, puisque Hilroy a produit au Canada pratiquement toutes les feuilles de rechange dont elle a eu besoin cette année-là.

En 1995, Zellers et La Baie ont importé les feuilles de rechange en question directement de Tjiwi Kimia. Ces importations directes ont transféré 13 p. 100 du marché, de la branche de production nationale à l’Indonésie, entre 1994 et 1995. Ces importations directes ont représenté pratiquement tout le volume perdu par la branche de production nationale lors de la rentrée des classes de 1995. Le retrait de Canadian Tire du marché de la rentrée des classes en 1995 a représenté la perte d’un autre client important, ainsi que du volume de production correspondant auparavant détenu par Fanco. Il ne fait aucun doute que Fanco a perdu un important volume lié à la vente au détail, qui a été absorbé par les importations de l’Indonésie, et qu’elle a, par voie de conséquence, subi un dommage sensible. Cependant, le Tribunal constate que le Sous-ministre a conclu que toutes ces importations avaient été faites à des prix qui n’étaient pas sous-évalués. Le dommage subi par la branche de production nationale n’a donc pas été causé par le dumping.

La branche de production nationale a aussi allégué que les ventes de Tjiwi Kimia aux magasins de détail à grande surface ont causé un «effet d’entraînement» sur les prix du marché canadien. Selon Fanco, les prix exigés par le magasin de détail dominant, Zellers, étaient fondés sur des soumissions obtenues de Tjiwi Kimia, et ces prix sont rapidement devenus les prix de référence de la branche de production. Fanco a donc allégué qu’il y avait eu une compression des prix et une érosion des prix pour les autres clients comme Wal-Mart, qui ont exigé et reçu de Fanco à peu près les mêmes conditions de prix que Zellers avait obtenues de l’Indonésie. Le Tribunal est d’accord avec Fanco que la compression des prix et l’érosion des prix subies pour ces clients ont été causées par les importations de l’Indonésie. Cependant, le Tribunal ne peut ignorer la décision du Sous-ministre selon laquelle les importations directes n’étaient pas sous-évaluées et, par conséquent, ne peut attribuer ni la compression des prix ni l’érosion des prix au dumping.

Bien que Fanco n’ait pas soumis d’allégations précises au sujet des ventes perdues au profit de Hilroy en 1995, le Tribunal a étudié l’incidence que les importations de feuilles de rechange de Hilroy cette année-là auraient pu avoir sur la branche de production nationale. Hilroy a acheté les deux tiers des expéditions de feuilles de rechange de Tjiwi Kimia au Canada en 1995 et toutes ces marchandises ont été jugées sous-évaluées. Elles ont représenté, en 1995, 40 p. 100 des ventes de feuilles de rechange de Hilroy, qui a produit le reste à l’interne.

Pour plusieurs raisons, le Tribunal n’est pas d’avis que les feuilles de rechange sous-évaluées importées qu’a achetées Hilroy ont causé un dommage à la branche de production nationale. Comme le Tribunal l’a déjà fait remarquer, la majeure partie de l’augmentation de la part du marché de Hilroy a été réalisée en 1994, l’année où presque toutes les ventes de feuilles de rechange de Hilroy étaient issues de la production nationale. Le dommage à la branche de production nationale ne peut donc pas être attribué aux importations sous-évaluées.

Les éléments de preuve montrent que l’augmentation de la part du marché de Hilroy a été minime en 1995. Le Tribunal retient la déclaration du témoin de Hilroy selon laquelle, en raison de la croissance rapide des prix du papier pour bloc-notes en 1995, Hilroy a choisi de combler environ le quart de ses besoins pour ce type de papier en s’approvisionnant de l’Indonésie. Les données sur les prix examinées par le Tribunal démontrent clairement que Hilroy a vendu les feuilles de rechange à des prix bien au-dessus de ceux de ses concurrents, y compris Fanco et Tjiwi Kimia [45] . Le prix de vente unitaire [46] de Hilroy pour les feuilles de rechange importées était sensiblement plus élevé que le coût des importations, alors que les ventes issues de la production nationale en 1995 dégageaient elles aussi des profits [47] . Le Tribunal fait remarquer qu’il aurait fallu que les marges de dumping des importations de Hilroy soient sensiblement plus élevées pour que cette dernière soit en mesure d’adopter une stratégie de commercialisation qui lui aurait permis d’enlever à la branche de production nationale une part encore plus grande du marché ou de causer une érosion des prix ou une compression des prix. De plus, Hilroy a été capable de se tailler un avantage concurrentiel sur Fanco grâce à la meilleure réputation de sa marque [48] et à un moindre coût de production [49] . Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que Hilroy s’est servie d’importations sous-évaluées pour augmenter sa part du marché en 1995.

Le Tribunal conclut, par conséquent, que les ventes provenant des importations de Hilroy n’ont pas perturbé les prix sur le marché canadien. De plus, après les circonstances sans précédent du marché en 1995, Hilroy est revenue à l’approvisionnement enti?E8Šrement issu de sa production interne de feuilles de papier en 1996 et a gardé sa clientèle et la part du marché acquises lors des années précédentes.

En résumé, le Tribunal est d’avis que la branche de production nationale a effectivement subi un dommage sensible. Comme tous les autres fournisseurs de feuilles de rechange sur le marché canadien, elle a été durement touchée par le déclin abrupt qu’a connu l’ensemble du marché des feuilles de rechange durant la période visée par l’enquête, et particulièrement en 1995. Fanco a aussi perdu une partie importante de ses ventes à l’exportation de feuilles de rechange aux États-Unis en 1995. La perte, en 1995, de plusieurs importants magasins de détail, qui sont passés aux importations de l’Indonésie, est venue s’ajouter aux facteurs susmentionnés. Les clients ainsi perdus équivalaient, à eux seuls, à la moitié des ventes intérieures en provenance de la branche de production nationale. Ils ont représenté plus du tiers de la baisse de production de la branche de production nationale entre 1994 et 1995 et sont, de l’avis du Tribunal, un élément tangible. Ces pertes, jointes à celles des années antérieures, se sont traduites par une diminution importante des ventes issues de la production nationale, qui ont chuté de 73 p. 100 durant la période de 1992 à 1995 [50] .

La perte constante des ventes nationales en faveur des importations et les volumes réduits de production ont eu des répercussions graves sur le rendement financier de la branche de production nationale. Les marges brutes ont diminué entre 1992 et 1993 et étaient négatives en 1994, des pertes nettes ayant été enregistrées à la fois en 1993 et en 1994. En 1995, bien que les prix de vente aient augmenté davantage que le prix du papier pour blocs-notes et que les autres coûts directs, ce qui a amélioré sensiblement les marges brutes, la perte des volumes a entraîné une croissance importante du coût unitaire des frais généraux, de ventes, d’administration et financiers, de sorte que la branche de production nationale a subi une perte nette avant impôt. Les avocats et le conseiller des importateurs ainsi que les avocats de l’exportateur n’ont pas contesté cette évaluation du rendement de la branche de production nationale.

En dépit de l’indication claire de dommage causé à la branche de production nationale, le Tribunal ne peut pas rendre de conclusions de dommage sensible aux termes de l’article 43 de la LMSI, puisque le dommage ne peut pas être attribué aux importations sous-évaluées.

Menace de dommage sensible

Ayant conclu que les importations sous- 9‚valuées de feuilles de rechange n’ont pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit maintenant examiner si les importations de feuilles de rechange sous-évaluées menacent de causer un dommage sensible à la branche de production national. Aux termes du paragraphe 37.1(2) du Règlement, le Tribunal prend en considération les facteurs suivants pour rendre sa décision : s’il y a eu un taux d’augmentation marquée des marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada; s’il y a une capacité disponible accessible suffisante ou une augmentation imminente et marquée de la capacité d’un exportateur, indiquant qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber cette augmentation; si les marchandises sont importées sur le marché national à des prix qui auront vraisemblablement pour effet de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix de marchandises similaires; l’importance de la marge de dumping par rapport aux marchandises sous-évaluées; et tout autre facteur pertinent.

Comme il a déjà été indiqué, le paragraphe 37.1(3) du Règlement énonce d’autres facteurs que le Tribunal peut examiner pour déterminer si des marchandises sous-évaluées ou subventionnées menacent de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Le Tribunal doit déterminer s’il y a un lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises et la menace de dommage sensible et veiller à ce qu’un dommage causé par d’autres facteurs ne soit pas attribué aux importations sous-évaluées ou subventionnées. Enfin, le Tribunal souligne que, s’il établit qu’il existe une menace de dommage sensible à la branche de production nationale, le paragraphe 2(1.5) de la LMSI exige que «les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement [des marchandises en question] est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes».

Les importations de feuilles de rechange en provenance de l’Indonésie sont passées de moins de 10 p. 100 à presque 40 p. 100 du marché intérieur durant la période visée par l’enquête [51] . Le Sous-ministre a conclu que 63 p. 100 des marchandises importées au cours de cette période étaient sous-évaluées, la marge moyenne globale pondérée de dumping étant de 3,3 p. 100, exprimée en pourcentage de la valeur normale.

L’augmentation des importations, particulièrement entre 1994 et 1995, a été forte, mais aucun élément de preuve n’indique la probabilité d’un accroissement sensible des importations. Toutes les feuilles de rechange jugées sous-évaluées ont été importées par Hilroy et n’ont pas perturbé les prix du marché canadien. Selon un témoignage non contesté, Hilroy a cessé d’importer des feuilles de rechange de l’Indonésie en 1996 et a déclaré son intention de continuer à produire à l’interne ses feuilles de rechange. Il est donc improbable que Hilroy importe, en 1996, des feuilles de rechange sous-évaluées en provenance de l’Indonésie.

Il a été déterminé que les ventes directes de feuilles de rechange de Tjiwi Kimia aux magasins de détail du Canada ont été faites à des prix qui n’étaient pas sous-évalués. Le Tribunal n’a, par conséquent, aucun motif de conclure qu’il est probable que les exportations de feuilles de rechange vendues aux magasins de détail à grande surface seront vendues à des prix sous-évalués à l’avenir et menacent donc la branche de production nationale.

Sur un plan plus général, le Tribunal a entendu un témoignage concernant la politique de répartition de la capacité de production disponible de Tjiwi Kimia. Le témoin de Tjiwi Kimia a indiqué que, durant la haute saison de production, normalement de février à juin, Tjiwi Kimia éprouvait des contraintes de capacité de production qui l’ont menée à rationner la production [52] . Tjiwi Kimia a fait état qu’elle a réparti sa capacité de production disponible de façon à obtenir les rendements les plus élevés pour les produits concurrentiels offerts en vente sur les divers marchés mondiaux. Le témoin de Tjiwi Kimia a également déclaré qu’il n’y a pas eu d’augmentation de la capacité de production de Tjiwi Kimia depuis 1990 [53] . Le Tribunal conclut donc qu’il n’y a pas de probabilité d’augmentation sensible du volume des importations sous-évaluées au Canada en provenance de l’Indonésie.

De plus, le Tribunal fait remarquer que, si Tjiwi Kimia tente de recouvrer le fort volume des ventes qu’elle a perdu en raison du retour de Hilroy à sa production interne en 1996, il est probable qu’elle soit alors en concurrence directe avec les fournisseurs canadiens qui vendent principalement aux magasins de détail. Comme il a déjà été indiqué, le Sous-ministre a conclu que les ventes de Tjiwi Kimia aux magasins de détail à grande surface étaient faites à des prix qui n’étaient pas sous-évalués.

Le Tribunal conclut qu’il n’existe pas de preuve positive d’une menace prévue et imminente de dommage sensible à la branche de production nationale.

Cahiers à reliure spirale

Pour déterminer si les importations de cahiers à reliure spirale ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal a examiné les indicateurs économiques pertinents qui figurent au tableau 3. Le tableau indique les chiffres réels pour le volume et la valeur du marché apparent. En raison de leur confidentialité, les autres données statistiques sont présentées sous forme d’indices, la valeur pour 1992 étant égale à 100. Comme dans le cas des feuilles de rechange, le Tribunal n’a pas examiné ces indicateurs isolément. Il a essayé de comprendre les relations entre eux et surtout de les placer en contexte, sachant qu’il existait une dynamique du marché durant la période visée par l’enquête.

Comme dans le cas du marché des feuilles de rechange, les fusions au sein du secteur de la vente au détail au Canada ont exercé une pression accrue sur les fournisseurs de cahiers à reliure spirale qui se font concurrence pour des clients moins nombreux, mais plus gros [54] . Le Tribunal a aussi entendu que la réputation de la marque nominale a donné à certains fournisseurs un avantage concurrentiel dans la vente de cahiers à reliure spirale.

Tableau 3

CAHIERS À RELIURE SPIRALE
INDICATEURS ÉCONOMIQUES CHOISIS

(1992 = 100)

1992

1993

1994

1995

Marché total

Volume (000 livres)

8 752

9 350

10 782

11 509

Valeur (000 $)

5 933

5 904

7 371

10 464

Production

Branche de production nationale

100

60

330

293

Autre producteur

100

62

35

24

Exportations

-

-

-

-

Ventes issues de la production

Branche de production nationale

100

79

133

189

Autre producteur

100

66

34

22

Ventes issues des importations

Indonésie

Branche de production nationale

100

55

-

-

Autre producteur1

-

100

219

264

Importations directes1

-

100

46

116

Brésil

Autre producteur

100

80

160

159

Importations directes

100

114

119

76

Pays non visés

100

128

187

215

Données financières

Branche de production nationale

Marge brute

100

80

73

158

Bénéfice net avant impôt

100

39

(4)

28

Autre producteur

Marge brute

100

70

31

61

Bénéfice net avant impôt

(100)2

201

138

236

1. Aucune importation rapportée pour 1992; 1993 étant l’année de référence.

2. Indique une perte en 1992.

Le marché des cahiers à reliure spirale contraste cependant à plusieurs égards avec celui des feuilles de rechange. Le marché des cahiers à reliure spirale a connu une croissance de 32 p. 100 entre 1992 et 1995. Les cahiers à reliure spirale forment une gamme hautement différenciée, comprenant toute une série de dimensions, de nombres de pages, de réglages, d’intercalaires ainsi que de matériaux et motifs de couverture. Le marché des cahiers à reliure spirale est aussi beaucoup plus vaste que celui des feuilles de rechange, débordant le marché hautement saisonnier de la rentrée des classes et visant les fournitures de bureau. Enfin, les ventes de la branche de production nationale de feuilles de rechange issues de la production nationale ont représenté 100 p. 100 de ses ventes totales de feuilles de rechange. En ce qui a trait aux cahiers à reliure spirale, les ventes de la branche de production nationale issues de la production nationale représentaient environ 40 p. 100 de ses ventes totales entre 1992 et 1994. En 1995, les ventes issues de la production nationale sont passées à environ 60 p. 100 des ventes totales, Fanco ayant commencé à remplacer les importations de la Chine par des marchandises provenant de la production nationale. Le Tribunal est, par conséquent, d’avis que la branche de production nationale n’a pas été capable, durant la majeure partie de la période visée par l’enquête, de faire face, à partir de la production nationale, à la concurrence dans l’approvisionnement de la gamme complète des cahiers à reliure spirale.

Le Tribunal fait remarquer qu’il y a eu un transfert marqué des sources d’approvisionnement en cahiers à reliure spirale durant la période visée par l’enquête. En 1992, 65 p. 100 des ventes de cahiers à reliure spirale étaient issues de la production canadienne [55] ; en 1995, la production canadienne ne représentait qu’environ 22 p. 100 des ventes nationales totales [56] . Le Tribunal a défini la branche de production nationale comme excluant Hilroy et fait remarquer que, au cours de la même période, de 1992 à 1995, les ventes totales de la branche de production nationale, y compris les importations, ont augmenté de 31 p. 100. En excluant les ventes provenant des importations, la branche de production nationale a accru de 89 p. 100 ses ventes issues de la production nationale. Bien que la production de la branche de production nationale ait augmenté sensiblement durant cette période, les ventes issues de la production nationale sont demeurées inférieures à 15 p. 100 du marché apparent total.

Les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal ont indiqué que les ventes de Spiral sur le marché intérieur étaient principalement issues de la production nationale, bien qu’elle ait vendu un faible volume d’importations en 1992 et en 1993. Ses ventes de cahiers à reliure spirale ont augmenté de presque 84 p. 100 durant la période visée par l’enquête. Les ventes de Fanco à partir des importations durant cette période dépassaient considérablement ses ventes issues de la production nationale. Elles ont représenté de 57 p. 100 à 77 p. 100 de ses ventes totales pour l’ensemble de cette période. La source principale des importations de Fanco a été la Chine et, dans une moindre mesure, l’Indonésie en 1992 et 1993.

Le Tribunal a reçu des éléments de preuve concernant l’investissement de Fanco dans sa capacité de production de cahiers à reliure spirale durant l’hiver de 1994-1995, un investissement qui lui a permis de remplacer ses importations de la Chine par des cahiers à reliure spirale fabriqués au Canada. L’installation de la nouvelle machine à neuf robots a doublé la capacité de production de cahiers à reliure spirale de Fanco et lui a permis d’étendre la gamme de ses produits fabriqués au pays. Pour la rentrée des classes de 1996, Fanco a cessé ses importations de la Chine.

Le Tribunal fait remarquer que la croissance des ventes de la branche de production nationale issues de la production nationale a été réalisée, dans une très grande mesure, aux dépens de ses ventes provenant des importations. De plus, la capacité de production accrue de Fanco la forcera à obtenir des volumes de production additionnels importants pour réaliser l’efficacité potentielle liée à cette nouvelle capacité. Le Tribunal note que Fanco, pour atteindre cette efficacité, a adopté une stratégie de ciblage des gros clients du Canada et des États-Unis.

En 1992, Hilroy était le plus important producteur de cahiers à reliure spirale, ses ventes provenant de la production nationale représentant plus de la moitié du total du marché intérieur. Cette année-là, les ventes de Hilroy à partir des importations représentaient moins de 5 p. 100 de ses ventes totales. Selon le témoin de Hilroy, cette dernière ne pouvait faire concurrence, sur la base des coûts, aux cahiers à reliure spirale importés de la Chine par Fanco. Le témoin de Hilroy a de plus déclaré que, parce que Abitibi-Price Inc., sa société mère, l’avait offerte en vente, Hilroy ne disposait pas du capital nécessaire pour investir dans l’achat de matériel plus rentable [57] .

En 1993, Hilroy a cessé d’exploiter deux de ses chaînes de fabrication en deux étapes les moins rentables de cahiers à reliure spirale et a commencé à s’approvisionner en cahiers en question de l’Indonésie pour continuer à desservir sa clientèle de base. En 1995, les ventes de Hilroy issues de la production nationale avaient diminué de plus de 75 p. 100 par rapport à ce qu’elles étaient en 1992, alors que ses ventes totales avaient augmenté de 42 p. 100. Le témoin de Hilroy a fait état que, pour 1996, l’approvisionnement nécessaire aux ventes de cahiers à reliure spirale se ferait surtout auprès de la société mère, Mead School & Office Products, des États-Unis [58] .

Le Tribunal a déjà fait remarquer que, durant la période visée par l’enquête, Fanco avait recouru dans une très grande mesure aux importations de cahiers à reliure spirale pour compléter sa gamme de produits. Ce n’est que depuis le milieu de l’année 1995 qu’elle a été capable de remplacer les importations par la production nationale, grâce à sa nouvelle machine. D’autre part, Hilroy a modifié sa stratégie dans la direction opposée, augmentant son recours aux importations de cahiers à reliure spirale, d’abord en provenance de l’Indonésie puis, à partir de 1995, en transférant sa source d’approvisionnement de l’Indonésie aux États-Unis. Le Tribunal fait remarquer que, durant la majeure partie de la période visée par l’enquête, Fanco et Hilroy se faisaient concurrence sur le marché principalement avec des cahiers à reliure spirale importés.

Dans ce contexte, le Tribunal a examiné l’incidence des importations de cahiers à reliure spirale sur le marché intérieur. Les ventes totales de cahiers à reliure spirale importés du Brésil et de l’Indonésie ont augmenté sensiblement durant la période. En 1992, les ventes de cahiers à reliure spirale importés des pays en question totalisaient 2,1 millions d’unités. En 1995, les ventes des cahiers en question étaient passées à 6,9 millions d’unités, soit une augmentation de plus de 300 p. 100. Les importations de l’Indonésie ont représenté l’augmentation complète durant cette période, puisque les importations du Brésil ont diminué de presque 12 p. 100.

Le Tribunal a d’abord étudié les importations en provenance de l’Indonésie. Entre 1992 et 1995, leur volume a augmenté de huit fois, et leur part du marché intérieur est passée de moins de 10 p. 100 à presque 50 p. 100 [59] . Les importations de Hilroy ont représenté la majeure partie de cette augmentation. Les plus fortes augmentations annuelles des importations ont eu lieu en 1993 et en 1994, lorsque Hilroy a remplacé une partie importante de sa production nationale par des importations de l’Indonésie. Hilroy a acheté 92 p. 100 des cahiers en question de l’Indonésie durant la période qui a fait l’objet de l’examen du Sous-ministre [60] . Des 19 modèles importés par Hilroy, seulement 7 ont été jugés sous-évalués, la marge moyenne pondérée de dumping s’établissant à 5,1 p. 100. La marge moyenne globale pondérée de dumping était inférieure à 0,2 p. 100.

Une des questions fondamentales que le Tribunal doit déterminer consiste à savoir si les cahiers à reliure spirale importés par Hilroy ont causé un dommage à la branche de production nationale. Pour déterminer le dommage, le Tribunal a examiné les prix de vente moyens des trois cahiers à reliure spirale les plus vendus durant la période de 1992 à 1995, y compris les cahiers de 80 pages, de 108 pages et de 200 pages. Le Tribunal a aussi examiné les allégations de dommage de Fanco, et fait remarquer que ces dernières ne contenaient aucune allégation précise à l’endroit de Hilroy.

Les prix de vente moyens des trois modèles de cahiers que Hilroy a vendus aux magasins de détail étaient, dans la plupart des cas, sensiblement plus élevés que les prix de vente moyens de Fanco, bien que le bénéfice réalisé par Hilroy ait diminué au cours des ans [61] . Il a également été déterminé que les prix de vente moyens pondérés de Hilroy à la fois aux magasins de détail et de gros étaient, en général, supérieurs aux prix de vente moyens de Fanco. L’établissement de prix moyens moindres par Fanco reflète les éléments de preuve déposés devant le Tribunal selon lesquels Fanco a été l’entreprise dominante en ce qui touche les prix sur le marché intérieur [62] . Le témoin de Hilroy a également déclaré que la concurrence, au niveau des prix, de Fanco devrait s’intensifier, dans la mesure où Fanco tentera d’accroître son volume des ventes pour utiliser davantage sa nouvelle capacité de production [63] .

Le Tribunal n’est, par conséquent, pas convaincu que Hilroy s’est servie des importations de l’Indonésie pour enlever une part du marché de la branche de production nationale. De fait, le Tribunal fait remarquer que la branche de production nationale a été capable de conserver sa part du marché durant la période visée par l’enquête, alors que Hilroy a augmenté sa part du marché intérieur principalement aux dépens du Brésil. De plus, Fanco a été incapable de récupérer les clients perdus antérieurement, bien que Hilroy ait transféré sa source d’approvisionnement aux États-Unis. Le Tribunal souligne que Fanco dit croire que ces importations ne sont pas sous-évaluées.

Par conséquent, de l’avis du Tribunal, les ventes provenant des importations de Hilroy n’ont pas perturbé les prix sur le marché canadien. Pour conclure que les importations de Hilroy ont eu une incidence sur la branche de production nationale, le Tribunal devrait avoir constaté des éléments de preuve de concurrence directe et une perte consécutive de ventes ou une compression des prix ou une érosion des prix dans la branche de production nationale. De plus, le Tribunal n’a pas reçu d’éléments de preuve qui lui permettraient de croire que ce sont les marchandises sous-évaluées qui ont permis à Hilroy de conserver sa clientèle.

Le Tribunal a ensuite examiné les importations directes de cahiers à reliure spirale, en provenance de l’Indonésie, des magasins de détail à grande surface. Les importations directes de cahiers à reliure spirale par les magasins de détail ont commencé en 1993 et ont représenté les 8 p. 100 restants des importations en provenance de l’Indonésie examinés par le Sous-ministre durant la période de son enquête. Seulement un des cinq modèles de cahiers à reliure spirale examinés par le Sous-ministre a été jugé sous-évalué, selon une marge moyenne pondérée de dumping de 5,5 p. 100, exprimée en pourcentage de la valeur normale. La marge moyenne globale pondérée de dumping était inférieure à zéro.

Par opposition au marché des feuilles de rechange, les importations directes en provenance de l’Indonésie par les magasins de détail et de distribution en gros ont représenté une proportion bien plus faible des ventes totales au Canada, soit 5 p. 100 ou moins du marché apparent durant la période visée par l’enquête. Indépendamment du faible volume des importations directes, le Tribunal fait remarquer que ces importations ont représenté 27 p. 100 des ventes de la branche de production nationale issues de la production nationale en 1995 et une proportion importante des ventes perdues selon les allégations de Fanco.

Les allégations de Fanco au sujet de ventes perdues, de compression des prix et d’érosion des prix ont principalement porté sur la concurrence des importations directes pour les clients comme Zellers, Westfair et The Real Canadian Superstore. Il s’agit des mêmes clients où Fanco a perdu des ventes de feuilles de rechange à cause de marchandises qui n’étaient pas sous-évaluées. Il a été fait état des pertes de ventes de certains cahiers à reliure spirale dès 1992, certaines de ces ventes n’ayant jamais été recouvrées durant la période visée par l’enquête. Pour 1995, la plupart des éléments de preuve visaient les ventes perdues auprès de Zellers. Selon les déclarations de Fanco, la perte de ses ventes de feuilles de rechange à Zellers lui a aussi coûté ses ventes de cahiers à reliure spirale [64] . Comme il a déjà été indiqué, les importations directes de feuilles de rechange par Zellers en 1995 n’ont pas été jugées sous-évaluées. De même, trois des quatre modèles de cahiers, qui ont été importés par Zellers durant la période visée par l’enquête du Sous-ministre, n’étaient pas non plus sous-évalués.Le Tribunal a ensuite examiné l’incidence des importations de cahiers à reliure spirale en provenance du Brésil. Les importations de cahiers à reliure spirale du Brésil par les magasins de détail et de distribution en gros ont culminé en 1993, alors qu’elles ont représenté 14 p. 100 du marché, puis baissé jusqu’à 8 p. 100 en 1995. Les prix de vente moyens des importations en provenance du Brésil, pour les trois cahiers à reliure spirale les plus vendus que le Tribunal a utilisés pour son analyse des prix, ont indiqué que ces ventes ont été faites à certains des prix les plus élevés de tous les fournisseurs en 1994 et 1995 [65] .

Bien que Fanco ait allégué avoir perdu certaines ventes à cause des importations en provenance du Brésil, les éléments de preuve indiquent que ces importations n’étaient pas en général vendues aux clients nommés dans les allégations de Fanco. Les cahiers à reliure spirale importés du Brésil ont principalement été destinés aux plus petits clients qui n’ont besoin que de quelques modèles plutôt que de la gamme complète des cahiers à reliure spirale. Des témoins ont exprimé des inquiétudes quant à la qualité des cahiers à reliure spirale en provenance du Brésil. Hilroy, qui a importé un faible volume de cahiers à reliure spirale du Brésil durant la période visée par l’enquête, a aussi signalé certaines difficultés liées à la fiabilité du Brésil comme source d’approvisionnement et a dit ne pas considérer le Brésil comme un concurrent majeur. Selon Zellers aussi, le Brésil n’est, au mieux, qu’un joueur marginal. Par conséquent, malgré les marges de dumping importantes déterminées par le Sous-ministre, le Tribunal n’est pas convaincu que les importations sous-évaluées du Brésil ont perturbé la branche de production nationale.

En résumé, le Tribunal n’a pas été convaincu que les importations de cahiers à reliure spirale qui ont été déterminées par le Sous-ministre comme sous-évaluées ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Même si les importations de cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie par les magasins de détail à grande surface n’ont représenté que moins de 5 p. 100 du marché total en 1995, le Tribunal fait remarquer que ces importations ont représenté une partie importante des ventes perdues par la branche de production nationale. Les ventes perdues en raison des importations directes se sont combinées à une baisse de 50 p. 100 des ventes à l’exportation aux États-Unis de Fanco pour les cahiers à reliure spirale.

La perte de ventes de cahiers à reliure spirale par la branche de production nationale sur les marchés intérieur et d’exportation a entraîné une dégradation de son rendement financier durant la période de 1992 à 1994. Les marges sur coûts variables, ainsi que le bénéfice net, ont constamment diminué au cours de cette période, la branche de production nationale connaissant une faible perte nette en 1994. En 1995, les prix de vente ont augmenté sensiblement, faisant grimper les marges brutes à leur plus haut niveau durant la période visée par l’enquête. Les volumes des ventes n’ont cependant pas été suffisants pour compenser le coût unitaire plus élevé des frais généraux, de ventes, d’administration et financiers, laissant à la branche de production nationale des bénéfices nets avant impôt considérablement moindres que ceux des années 1992 et 1993.

Le Tribunal est, par conséquent, de l’avis que, si Fanco n’avait pas perdu de volume des ventes, sa position concurrentielle aurait été meilleure tant sur le marché des ventes intérieures que sur celui des ventes à l’exportation. En conséquence, le Tribunal est d’avis que les importations de cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie par les magasins de détail à grande surface ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Cependant, le Sous-ministre ayant déterminé que la marge moyenne globale pondérée de dumping des importations des magasins de détail à grande surface était inférieure à zéro, ce dommage ne peut pas être attribué au dumping.

Menace de dommage sensible

Ayant conclu que les importations sous-évaluées de cahiers à reliure spirale n’ont pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale, le Tribunal doit se demander si les importations de cahiers à reliure spirale sous-évalués menacent de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Dans l’examen de cette question, le Tribunal a pris en considération les mêmes articles pertinents du Règlement que pour les feuilles de rechange et doit rendre une conclusion au sujet des mêmes facteurs, c’est-à-dire l’existence d’un lien de causalité entre le dumping des marchandises et la menace de dommage sensible à la branche de production nationale dans des circonstances qui soient «nettement prévues et imminentes».

Les importations de cahiers à reliure spirale des pays en question sont passées de 24 p. 100 du marché apparent total en 1992 à 60 p. 100, en 1995. Les importations en provenance de l’Indonésie sont, à elles seules, passées de moins de 10 p. 100 à presque la moitié du marché apparent. Le Sous-ministre a déterminé que 67 p. 100 des cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie étaient sous-évalués, selon une marge moyenne globale pondérée de dumping de 2,4 p. 100, exprimée en pourcentage de la valeur normale.

Les plus fortes augmentations annuelles des importations des cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie ont eu lieu en 1993 et en 1994. Les importations de l’Indonésie ont continué de croître en 1995, alors que 92 p. 100 des cahiers à reliure spirale examinés par le Sous-ministre ont été importés par Hilroy. Les ventes des importations de Hilroy n’ont pas, de l’avis du Tribunal, perturbé les prix du marché canadien et ont été souvent faites à des prix supérieurs aux prix de vente moyens de Fanco. Le Tribunal prévoit que le niveau des importations diminuera sensiblement en 1996 et par la suite, étant donné que Hilroy, qui représentait la très grande majorité des importations en provenance des pays en question, a transféré sa source d’approvisionnement en cahiers à reliure spirale et s’approvisionnera dorénavant auprès de sa société mère, située aux États-Unis.

Tous les autres cahiers à reliure spirale en provenance de l’Indonésie ont été importés directement par les magasins de détail à grande surface. Un seul des cinq modèles de cahiers à reliure spirale importés de Tjiwi Kimia par les magasins de détail à grande surface a été jugé sous-évalué, mais la marge moyenne globale pondérée de dumping des cinq modèles de cahiers à reliure spirale était inférieure à zéro. Le Tribunal n’a, par conséquent, aucun motif de conclure qu’il est probable que les exportations de cahiers à reliure spirale vendus aux magasins de détail à grande surface seront vendues à des prix sous-évalués, et menacent donc la branche de production nationale.

Sur un plan plus général, le Tribunal a entendu un témoignage concernant la politique de répartition de la capacité de production disponible de Tjiwi Kimia. Comme dans le cas des feuilles de rechange, Tjiwi Kimia est soumis à des contraintes de capacité de production durant la haute saison de production, ce qui la force à rationner sa production [66] . La répartition de la capacité de production disponible est apparemment effectuée en se fondant sur les rendements les plus élevés des produits concurrentiels offerts en vente sur les divers march 9‚s mondiaux que dessert Tjiwi Kimia. Les parties intéressées n’ont déposé aucun élément de preuve indiquant tout ajout nouveau ou prévu à la capacité de production de Tjiwi Kimia. [67] . De plus, comme il a déjà été souligné au sujet des feuilles de rechange, le Tribunal est d’avis que toute tentative de Tjiwi Kimia de recouvrer le fort volume de ses ventes à Hilroy, qu’elle a perdue en 1996, ciblerait principalement les magasins de détail à grande surface. Il a été décidé que les ventes de Tjiwi Kimia aux magasins de détail à grande surface n’étaient pas, en majeure partie, faites à des prix sous-évalués.

Dans le cas du Brésil, malgré les marges élevées de dumping indiquées dans la décision du Sous-ministre, le Tribunal constate que le volume des importations a diminué durant la période visée par l’enquête. Les importations de cahiers à reliure spirale en provenance du Brésil n’ont donc pas réussi à conserver leur part du marché. Le Tribunal fait remarquer que les importations du Brésil n’étaient pas concurrentielles au niveau des prix avec les autres sources d’approvisionnement et ont surtout desservi des créneaux de marché où dominaient les petits clients. La qualité et la fiabilité de l’approvisionnement sont également perçues par les intervenants du marché comme étant inférieures aux marchandises similaires issues de la production nationale et aux autres importations en question. De l’avis du Tribunal, il n’existe aucune indication d’une probabilité d’accroissement des importations qui poserait une menace imminente et prévisible de dommage sensible à la branche de production nationale.

Le Tribunal conclut donc qu’il n’existe pas de preuve positive d’une menace prévue et imminente de dommage sensible à la branche de production nationale.

CONCLUSION

Le Tribunal a trouvé à la fois intéressant et étrange que, en dépit de l’important corps d’éléments de preuve concernant le dommage à la branche de production nationale de feuilles de rechange et de cahiers à reliure spirale causé par les importations à bas prix, il n’existe presque aucun élément de preuve attribuant le dommage au dumping. Bien que le Tribunal soit convaincu qu’il y a eu dommage, il n’a pas été en mesure de conclure à l’existence du lien de causalité nécessaire entre le dommage et le dumping.

Compte tenu de tous les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que le dumping au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées papier de rechange ou feuilles mobiles, originaires ou exportées de l’Indonésie, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale, et que le dumping au Canada de cahiers à reliure spirale, originaires ou exportés de l’Indonésie et du Brésil, n’a pas causé un dommage sensible à la branche de production nationale ni ne menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.


1. L.R.C. 1985, ch. S-15.

2. Gazette du Canada Partie I, vol. 130, no 24, le 15 juin 1996 à la p. 1697.

3. Ibid., no 37, le 14 septembre 1996 à la p. 2648.

4. Feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil, Conclusions, le 6 juillet 1990, Exposé des motifs, le 23 juillet 1990.

5. Ibid., Ordonnance et Exposé des motifs, le 5 juillet 1995.

6. Supra note 2, no 23, le 8 juin 1996 à la p. 1634.

7. Decision of the Tribunal, le 30 août 1996.

8. Decision of the Tribunal, le 30 août 1996.

9. Ministère du Revenu national, Décision finale de dumping et Énoncé des motifs, le 26 août 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-4, dossier administratif, vol. 1 à la p. 62.34.

10. Aux États-Unis, le format le plus répandu est de 8 po x 10 1/2 po.

11. Supra note 9.

12. Monuments commémoratifs faits de granit noir de toutes dimensions et formes et tranches de granit noir d'une épaisseur de trois pouces ou plus, originaires ou exportés de l'Inde, Conclusions, le 20 juillet 1994, Exposé des motifs, le 4 août 1994.

13. Certains produits de tôle d'acier résistant à la corrosion, originaires ou exportés de l'Australie, du Brésil, de la France, de la République fédérale d'Allemagne, du Japon, de la République de Corée, de la Nouvelle-Zélande, de l'Espagne, de la Suède, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, Conclusions, le 29 juillet 1994, Exposé des motifs, le 15 août 1994.

14. DORS/95-26, le 20 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 80.

15. Signé à Marrakech le 15 avril 1994.

16. L.C. 1994, ch. 47.

17. Pour une discussion plus détaillée du point de vue du Tribunal sur l'incidence des modifications apportées à la LMSI, voir Couvercles, disques et bocaux destinés à la mise en conserve domestique, importés soit séparément ou conditionnés ensemble, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique, enquête no NQ-95-001, Conclusions, le 20 octobre 1995, Exposé des motifs, le 6 novembre 1995.

18. Voir, par exemple, DeVilbiss (Canada) Ltd. c. Le Tribunal antidumping, [1983] 1 C.F. 706.

19. Transcription de la session publique, vol. 3, le 5 septembre 1996 aux pp. 347-49.

20. Cette définition tient compte de l'article 4.1 de l'Accord antidumping de l'OMC et de l'article 16.1 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'OMC, signés à Marrakech, le 15 avril 1994.

21. Genève, mars 1980, GATT IBDD, 26e suppl. à la p. 188.

22. Se référer à l'ancien paragraphe 42(3) de la LMSI.

23. Voir, par exemple, Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121; et Maple Lodge Farms c. Le gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.

24. Bottes et souliers en cuir pour dames originaires ou exportés du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taïwan; bottes en cuir pour dames originaires ou exportées de la Pologne, de la Roumanie et de [l'ancienne] Yougoslavie; et bottes et souliers autres qu'en cuir pour dames originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taïwan, Tribunal canadien du commerce extérieur, Ordonnance et Exposé des motifs, le 2 mai 1995.

25. Ibid. à la p. 19. Voir également supra note 12.

26. Supra note 24 à la p. 19.

27. Ibid.

28. Ibid. à la p. 19.

29. Lentilles cornéennes, notamment les lentilles souples, dures, perméables au[x] gaz, toriques et les lentilles bifocales, à l'exclusion toutefois des cristallins artificiels qui sont implantés dans l'œil par intervention chirurgicale, originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni, de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de la République d'Irlande, Tribunal antidumping, Conclusions et Exposés des motifs, le 27 mars 1984.

30. Ibid. aux pp. 10-11.

31. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 34.

32. Ibid. à la p. 39.

33. Transcription de la session publique, vol. 2, le 4 septembre 1996 à la p. 274.

34. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 34 et 39.

35. Ibid. à la p. 34.

36. Ibid. à la p. 39.

37. Voir, par exemple, Moteurs à induction polyphasés originaires ou exportés du Brésil, de France, du Japon, de Suède, de Taïwan, du Royaume-Uni et des États-Unis d'Amérique, Tribunal canadien du commerce extérieur, enquête no CIT-5-88, Conclusions, le 28 avril 1989, Exposés des motifs, le 12 mai 1989; et supra note 13.

38. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif , vol. 2 à la p. 25.

39. Pièce du Tribunal NQ-96-001-25 (protégée), annexe III aux questionnaires, dossier administratif, vol. 6.3; et pièce du Tribunal NQ-96-001-28 (protégée), annexe III aux questionnaires, dossier administratif ,vol. 6.4.

40. Pièce du fabricant A-6 (protégée) à la p. 2, dossier administratif, vol. 12.

41. Ibid.; et Transcription de la session à huis clos, vol. 1, le 3 septembre 1996 à la p. 33.

42. Pièce du fabricant A-6 (protégée) à la p. 3, dossier administratif, vol. 12; et Transcription de la session à huis clos, vol. 1, le 3 septembre 1996 à la p. 33.

43. Pièce du Tribunal NQ-96-001-5 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 7.6.

44. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 28.

45. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 43.

46. Pièce du Tribunal NQ-96-001-10.3 (protégée), dossier administratif, vol. 4 aux pp. 78 et 85.

47. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 53.

48. Transcription de la session publique, vol. 2, le 4 septembre 1996 à la p. 293 et vol. 3, le 5 septembre 1996 à la p. 389.

49. Prote cted Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 65.

50. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 25.

51. Ibid.

52. Transcription de la session à huis clos, vol. 3, le 5 septembre 1996 à la p. 355.

53. Ibid. à la p. 353.

54. Pièce du fabricant A-6 (protégée) à la p. 2, dossier administratif, vol. 12.

55. Protected Pre-Hearing Staff Report, révisé le 21 août 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7C (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 170.

56. Ibid.

57. Transcription de la session à huis clos, vol. 2, le 4 septembre 1996 à la p. 222.

58. Ibid. à la p. 226.

59. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 25.

60. Ibid. annexe 6.

61. Ibid. aux pp. 36-37.

62. Transcription de la session publique, vol. 2 , le 4 septembre 1996 à la p. 296.

63. Transcription de la session à huis clos, vol. 2, le 4 septembre 1996 à la p. 247.

64. Pièce du fabricant A-6 (protégée) à la p. 13, dossier administratif, vol. 12.

65. Protected Pre-Hearing Staff Report, le 22 juillet 1996, pièce du Tribunal NQ-96-001-7 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 36-37.

66. Transcription de la session à huis clos, vol. 3, le 5 septembre 1996 à la p. 355.

67. Ibid. à la p. 353.


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Publication initiale : le 15 novembre 1996