AIL, FRAIS OU CONGELÉ

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


AIL, FRAIS OU CONGELÉ, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DU VIETNAM, À L'EXCLUSION DE L'AIL FRAIS FAISANT L'OBJET DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE NO NQ-96-002
Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 29 décembre 2000

Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-002

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

L'AIL, FRAIS OU CONGELÉ, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DU VIETNAM, À L'EXCLUSION DE L'AIL FRAIS FAISANT L'OBJET DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE NO NQ-96-002

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le 31 octobre 2000, le directeur général intérimaire, Direction des droits antidumping et compensateurs, Agence des douanes et du revenu du Canada, a avisé le Tribunal canadien du commerce extérieur de l'ouverture d'une enquête concernant le présumé dumping dommageable de l'ail, frais ou congelé, originaire ou exporté de la République populaire de Chine et du Vietnam, à l'exclusion de l'ail frais faisant l'objet des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans le cadre de l'enquête no NQ-96-002.

Après avoir reçu l'avis, le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de l'ail susmentionné a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur par la présente détermine que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de l'ail susmentionné a causé un dommage à la branche de production nationale.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur est d'avis que la question à savoir s'il existe deux catégories de marchandises mérite d'être examinée davantage. Le Tribunal canadien du commerce extérieur demande donc à l'Agence des douanes et du revenu du Canada de rassembler des données sur le dumping concernant l'ail frais, l'ail congelé et l'ail frais et congelé, ensemble.


Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre présidant

Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.
 
 

Date de la décision :

Le 29 décembre 2000

Date de l'exposé des motifs :

Le 12 janvier 2001

   

Membres du Tribunal :

Peter F. Thalheimer, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Directeur de la recherche :

Sandy Greig

   

Agent principal de la recherche :

Daryl Poirier

   

Économiste :

Ihn Ho Uhm

   

Conseillers pour le Tribunal :

Philippe Cellard

 

Dominique Laporte (stagiaire)

   

Agent du greffe :

Gillian E. Burnett

   

Observations
Garlic Growers Association of Ontario
China Chamber of Commerce of Importers & Exporters of Foodstuffs, Native Produce and Animal By-Products
C.H. Robinson Company (Canada) Ltd. and Dolphin Shipping & Trading Inc.
Gyma Inc.
Victoria International Trading Inc.
Monco Produce Inc.
 
 

Ottawa, le vendredi 12 janvier 2001

Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-002

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

L'AIL, FRAIS OU CONGELÉ, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DU VIETNAM, À L'EXCLUSION DE L'AIL FRAIS FAISANT L'OBJET DES CONCLUSIONS RENDUES PAR LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE NO NQ-96-002

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 31 octobre 2000, aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 , le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le Commissaire) a ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable au Canada de l'ail, frais ou congelé, originaire ou exporté de la République populaire de Chine (la Chine) et du Vietnam, à l'exclusion de l'ail frais faisant l'objet des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans le cadre de l'enquête no NQ-96-0022 .

L'enquête a été ouverte à la suite d'une plainte déposée par la Garlic Growers Association of Ontario (GGAO) le 27 septembre 2000. Le 12 octobre 2000, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a informé la GGAO que le dossier de sa plainte était complet. L'ADRC a aussi donné avis du dépôt de la plainte aux gouvernements de la Chine et du Vietnam.

Le 1er novembre 2000, aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI, le Tribunal a publié un avis, indiquant aux parties intéressées qu'il avait ouvert une enquête préliminaire de dommage en vue de déterminer si les éléments de preuve indiquaient de façon raisonnable que le dumping avait causé un dommage ou un retard ou menaçait de causer un dommage.

Le dossier de la présente enquête préliminaire de dommage comprend tous les documents qui se rapportent à la décision du Commissaire d'ouvrir son enquête, l'énoncé des motifs de sa décision d'ouvrir une enquête et les versions publique et protégée de la plainte. De plus, le dossier comprend tous les exposés déposés en réponse à l'avis du Tribunal. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties. Seuls les conseillers qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d'engagement relativement à l'utilisation, la divulgation, la reproduction, la protection et l'entreposage des renseignements confidentiels figurant au dossier de la procédure, et à la façon d'en disposer à la fin de la procédure ou en cas de changement de conseillers, ont eu accès aux pièces protégées.

Le Tribunal a publié sa décision provisoire de dommage le 29 décembre 2000.

PRODUIT

L'ADRC a défini les marchandises en question de la façon suivante : « ail, frais ou congelé, originaire ou exporté de la République populaire de Chine et du Vietnam, à l'exclusion de l'ail frais faisant l'objet des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans le cadre de l'enquête no NQ-96-002 ».

L'ail est cultivé afin d'en récolter le bulbe qui se développe sous terre, à peu près comme l'oignon. Un bulbe d'ail se compose de plusieurs pellicules entourant des segments distincts, appelés gousses, habituellement au nombre de 4 à 15. L'ail sert surtout comme produit alimentaire et condiment.

Les marchandises en question incluent diverses variétés non nommées d'ail des sous-espèces ophioscorodon (à col rigide) et sativum (à col souple). La définition des marchandises en question englobe l'ail sous forme de bulbes entiers, ou de gousses séparées, pelées ou non, de rejetons ou de tiges d'ail. L'ail peut aussi être séché, ébarbé et nettoyé. L'ail livré sous froid (ail réfrigéré) est considéré comme de l'ail « frais ». L'ail peut aussi être congelé. La définition des marchandises en question ne comprend pas l'ail déshydraté, les flocons d'ail, la poudre d'ail, la pâte d'ail ou les produits d'ail transformés similaires.

BRANCHE DE PRODUCTION

En 2000, la superficie estimative consacrée à la production commerciale de l'ail a été de 1 262 acres. La récolte prévue en 2000 devait donner environ 2 millions de kilogrammes. La plus grande zone de production se trouve dans le sud-ouest de l'Ontario.

La GGAO compte 96 membres qui sont en grande partie des exploitants agricoles à temps plein de la province de l'Ontario qui comptent l'ail parmi l'éventail de leurs cultures. Selon un sondage sur la production effectuée par la GGAO, les membres de cette association représentent 68 p. 100 de la production collective canadienne d'ail (en superficie). La plainte de dumping a été appuyée par 14 autres producteurs, qui ne sont pas membres de la GGAO. De ce fait, la plainte a reçu l'appui de producteurs qui représentent 84 p. 100 de la production collective canadienne (en superficie).

DÉCISION DU COMMISSAIRE

Les marges de dumping ont été estimées à partir de la comparaison de la valeur normale estimative, fournie par la partie plaignante, et les prix à l'exportation déterminés au moyen des documents d'importation dont disposait l'ADRC. Selon l'analyse de l'ADRC, qui a porté sur les importations originaires de la Chine durant la période du 1er janvier au 30 juin 2000, environ 99,5 p. 100 des marchandises en question semblent avoir été sous-évaluées. Les marges de dumping varient dans une fourchette de 0,8 p. 100 à 95,2 p. 100, exprimées en pourcentage de la valeur normale. La marge moyenne pondérée de dumping est évaluée à 65,6 p. 100.

Selon l'examen fait par l'ADRC pour les importations originaires du Vietnam durant la période du 1er juillet 1999 au 31 juillet 2000, la totalité des marchandises en question semblent avoir été sous-évaluées. Les marges de dumping varient dans une fourchette de 48,9 p. 100 à 72,8 p. 100, exprimées en pourcentage de la valeur normale. La marge moyenne pondérée de dumping est évaluée à 58,7 p. 100.

RÉSUMÉ DES EXPOSÉS

En réponse à l'avis d'ouverture d'enquête préliminaire de dommage publié par le Tribunal, sept parties ont déposé des avis de comparution. Six de ces parties ont déposé des exposés faisant opposition à la plainte, dans sa totalité ou en partie. Il s'agit des parties suivantes : China Chamber of Commerce for Import & Export of Foodstuffs, Native Produce & Animal By-Products (la Chambre de commerce chinoise), C.H. Robinson Company (Canada) Ltd. et Dolphin Shipping & Trading Inc. (Robinson et Dolphin), qui ont déposé un exposé conjoint, Gyma Inc. (Gyma), Victoria International Trading Inc. (Victoria International) et Monco Produce Inc. (Monco). La GGAO a déposé un mémoire en réponse aux exposés.

La Chambre de commerce chinoise a soutenu que l'ail frais et l'ail congelé ne sont pas des « marchandises similaires », puisque leurs utilisations finales sont différentes. Il lui a semblé, d'après les lettres et les documents déposés par la GGAO à l'appui de sa plainte, que l'ail frais produit par les cultivateurs canadiens est destiné au marché du détail. Par comparaison, l'ail congelé est destiné aux usines de transformation et au secteur des services de restauration et connaît uniquement « une pénétration graduelle » du marché du détail de l'ail. La Chambre de commerce chinoise a aussi soutenu que la GGAO n'a pas soumis d'éléments de preuve du dumping de l'ail congelé originaire de la Chine, ni du dommage causé par un tel dumping. Elle a donc soutenu que le Tribunal doit conclure que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping de l'ail congelé a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

Robinson et Dolphin ont soutenu que les documents déposés par la GGAO indiquent que de nombreux producteurs canadiens ont vendu d'importantes quantités d'ail frais aux États-Unis pour tirer avantage des taux de change avantageux et des prix plus élevés sur ce marché. À leur avis, la GGAO n'a pas tenu compte du fait que, sans de telles exportations, la part du marché canadien détenue par les producteurs nationaux aurait été sensiblement plus grande. Elles ont soutenu que, sans données statistiques sur les exportations aux États-Unis par la branche de production nationale, le Tribunal n'est pas en mesure de déterminer si un dommage sensible a été causé. Robinson et Dolphin ont aussi soutenu que le présumé dumping de la Chine n'a pas causé de dommage sensible à la branche de production nationale puisque, s'il l'avait fait, les exportations des États-Unis et du Mexique au Canada auraient été touchées, ce qui n'a pas été le cas. Enfin, elles ont soutenu que, si les producteurs canadiens étaient confrontés à certaines difficultés, ce qu'elles ont nié, ces difficultés étaient uniquement attribuables à la stratégie de commercialisation inefficace des producteurs.

Gyma a affirmé que l'ail congelé et l'ail frais ne sont pas des « marchandises similaires », du fait des qualités organoleptiques3 , des profils microbiologiques4 et de la longue durée de conservation5 de l'ail congelé. Elle a affirmé que les caractéristiques susmentionnées font de l'ail congelé un « ingrédient alimentaire technique » qui est conçu à l'intention des transformateurs d'aliments et non un ingrédient destiné à servir dans les cuisines des établissements ou au foyer. Gyma a soutenu qu'il n'existe pas de distributeur de produits destinés aux services de restauration qui achète de l'ail congelé et a ajouté ne pas connaître de détaillant qui vende de l'ail congelé au grand public. Elle a affirmé que l'ail congelé est acheté par les grands transformateurs d'aliments, dans le cadre d'appels d'offres ou de conventions annuelles, et qu'il n'y a pas de substitution possible entre l'ail frais et l'ail congelé. Les transformateurs dont les exigences sont rigoureuses sont les seuls clients qui acceptent de payer davantage pour obtenir de l'ail congelé. S'il était possible de substituer l'ail frais et l'ail congelé, selon Gyma, la part de marché détenue par l'ail congelé sur le marché canadien dépasserait de beaucoup ce qu'elle est maintenant, à savoir au plus 5 p. 100 selon les estimations. Gyma a affirmé qu'il n'existe présentement pas, au Canada, d'entreprise de transformation de l'ail congelé. Elle a fait observer que seulement quelques sociétés transformatrices de produits alimentaires, au monde, sont dotées de la technologie nécessaire pour produire de l'ail congelé à écoulement fluide (ou de l'ail surgelé individuellement) et qu'il n'existe pas d'entreprise de transformation canadienne qui exploite une telle technologie. L'ail congelé de la Chine, selon Gyma, ne cause pas de dommage à la branche de production d'ail canadienne, puisqu'il n'y a pas de transformateur d'ail congelé au Canada.

Victoria International a soutenu que l'ail à bas prix en provenance de la Chine peut avoir eu une incidence plus marquée sur l'ail produit aux États-Unis et vendu au Canada que sur l'ail produit au Canada. Elle a en outre soutenu que certains importateurs ont dû importer de grandes quantités d'ail de la Chine en mai et en juin 2000 pour livrer concurrence à l'ail à bas prix originaire du Vietnam. Les importateurs d'ail en provenance de la Chine n'ont pas pu faire face à la concurrence durant la deuxième moitié de l'année à cause des droits antidumping imposés sur l'ail de la Chine. Selon Victoria International, les conclusions rendues dans le cadre de l'enquête NQ-96-002 suffiraient pour protéger le marché de l'ail cultivé au Canada, si l'ail originaire du Vietnam et des autres pays d'Asie était inclus dans les conclusions. Étant donné le faible volume de la production d'ail au Canada, Victoria International a dit croire qu'étendre la portée des conclusions pour qu'elles s'appliquent toute l'année ne procurerait pas d'avantages aux producteurs d'ail canadiens.

Monco a fait opposition à la plainte relativement à l'ail originaire de la Chine et importé au Canada du 1er janvier au 30 juin. Au sujet des allégations portant sur la décroissance de la part de marché et la perte de ventes, Monco a soutenu que la part de marché détenue par l'ail de la Chine était en décroissance au Canada depuis 1996, exception faite de 1998. Elle a aussi dit se demander pourquoi, s'il y a eu perte de ventes d'ail du Canada à cause de l'ail à bas prix de la Chine, l'ail des États-Unis, à prix plus élevé, était encore concurrentiel au Canada, le volume des importations en provenance des États-Unis ayant affiché une croissance entre 1997 et 1999. Quant à la compression des prix et à l'érosion des prix, Monco a fait observer que le prix de l'ail de la Chine est beaucoup plus élevé durant les six derniers mois de chaque année et a dit croire que le plus bas prix qui prévaut de janvier à juin reflétait la qualité médiocre de l'ail présent sur le marché durant cette période. Quant à la compression de la croissance, Monco a fait observer que la production d'ail du Canada a augmenté de 34 p. 100 entre 1997 et 1999. Monco a aussi soutenu que, puisque l'ail du Canada de chaque saison agricole est habituellement totalement vendu à la fin de décembre, la branche de production nationale n'est pas en exploitation active durant la période visée par la plainte et ne peut donc subir de dommage à ce moment. Cependant, Monco a dit être d'accord sur la nécessité d'imposer des droits antidumping sur l'ail importé du Vietnam durant la période du 1er juillet au 31 décembre.

ANALYSE

La présente enquête préliminaire de dommage a été menée par le Tribunal à la suite des modifications apportées à la LMSI, qui sont entrées en vigueur le 15 avril 2000. En application des modifications susmentionnées, la responsabilité de décider, à l'étape préliminaire d'une enquête, s'il existe des éléments de preuve de dommage a été transmise de l'ADRC au Tribunal. Les nouvelles attributions du Tribunal sont énoncées au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui prévoit ce qui suit :

Dès réception par le secrétaire de l'avis prévu au sous-alinéa (1)a)(i), le Tribunal procède à une enquête préliminaire (n'a pas à inclure d'audition) afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

Le critère de la preuve de dommage qui permet de savoir si un dommage est indiqué « de façon raisonnable » que le Tribunal est tenu d'appliquer aux termes de la nouvelle loi est le même critère que l'ADRC était tenu d'appliquer aux termes de l'ancienne loi. Il s'agit aussi du même critère que le Tribunal a appliqué lorsque, aux termes de l'ancienne loi, il a été saisi par l'ADRC de temps à autre, ou par une des parties, d'une demande « d'avis »6 sur la question de dommage à l'étape préliminaire d'une enquête. Ainsi, même s'il y a eu modification au plan de la compétence et certains changements de procédure7 , le principal critère de la preuve à appliquer dans la présente enquête préliminaire de dommage demeure celui de savoir si un dommage est indiqué « de façon raisonnable ». De plus, le seuil de détermination a toujours été interprété par le Tribunal comme étant moins élevé que dans le cas d'une décision définitive de dommage8 .

Le Tribunal a d'abord pris en considération l'argument selon lequel, dans le cadre de la présente enquête, plus d'une catégorie de marchandises doit être examinée. Ainsi qu'il a déjà été résumé, la Chambre de commerce chinoise et Gyma ont soutenu que l'ail frais et l'ail congelé sont des catégories distinctes de marchandises. En réponse, la GGAO a soutenu que l'ail frais et l'ail congelé sont des substituts proches l'un de l'autre et se livrent directement concurrence dans certains segments du marché. La GGAO a en outre soutenu que des éléments de preuve au dossier indiquent que l'ail frais et l'ail congelé se livrent concurrence dans les segments du marché de l'ail que sont l'épicerie, les services de restauration et la transformation.

Le Tribunal fait observer que, lorsqu'elle a ouvert son enquête, l'ADRC a indiqué, dans son énoncé des motifs, qu'elle avait examiné la question de savoir si les marchandises visées par l'enquête devaient être divisées en plus d'une catégorie de marchandises et avait conclu qu'il n'existe qu'une catégorie de marchandises. Ainsi qu'il l'a déjà indiqué, le Tribunal n'est pas lié par la décision de l'ADRC sur l'existence de catégories de marchandises. Dans l'examen de cette question, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme l'apparence), le procédé de fabrication, les caractéristiques du marché (comme la substituabilité, l'établissement des prix et les circuits de distribution) et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients9 .

Le Tribunal conclut que les arguments avancés à l'appui de l'existence de deux catégories distinctes de marchandises sont pertinents et méritent d'être examinés davantage. Le Tribunal a passé en revue la plainte et les exposés des parties afin d'y trouver des renseignements documentaires qui lui permettraient d'examiner la question des catégories de marchandises à la lumière de chacun des facteurs susmentionnés. Cependant, le Tribunal ne peut tirer la conclusion qu'il existe deux catégories de marchandises sur la foi du dossier actuel. Il lui faudra obtenir d'autres preuves documentaires et, peut-être, d'autres témoignages avant de pouvoir tirer une conclusion définitive. Pour décider si un dommage est indiqué de façon raisonnable, le Tribunal considérera que les marchandises en question sont composées d'une seule catégorie de marchandises, comme l'a déterminé l'ADRC.

Le Tribunal sait que sa décision de ne pas trancher définitivement la question de savoir s'il existe plus d'une catégorie de marchandises aura une incidence importante sur le déroulement de la présente affaire. Le Tribunal demande à l'ADRC de rassembler des données sur le dumping concernant l'ail frais, l'ail congelé et l'ail frais et congelé, ensemble. D'une façon similaire, le Tribunal rassemblera des données sur les facteurs de dommage pour l'ail frais, l'ail congelé et l'ail frais et congelé, ensemble.

Le Tribunal a ensuite examiné la question du dommage. La GGAO a soutenu que le présumé dumping des marchandises en question en provenance de la Chine et du Vietnam a causé un dommage sensible ou un retard ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production d'ail canadienne. Les indicateurs de dommage invoqués sont les suivants : érosion des prix, compression des prix et diminution de la rentabilité, décroissance de la part de marché et perte de ventes, ainsi que les effets nuisibles sur la croissance, l'investissement et l'emploi.

La GGAO a rassemblé des éléments de preuve de dommage à la production canadienne d'ail au moyen d'un sondage auprès des producteurs d'ail canadiens (le Sondage 2000) et de la mise en tableaux des résultats dans la plainte. Les éléments de preuve incluent des lettres provenant de producteurs particuliers. Ils incluent aussi des données de Statistique Canada sur le commerce et les produits.

La GGAO a fourni des données de Statistique Canada qui montrent que le prix à la ferme de l'ail frais produit au Canada a baissé, passant de 4,91 $ le kilogramme (2,23 $ la livre) en 1997 à 3,28 $ le kilogramme (1,49 $ la livre) en 1999. De plus, la GGAO a fourni des copies d'annonces de détaillants qui documentaient les prix de vente au détail de l'ail en provenance de la Chine, en juillet et août 2000, dans les magasins de l'Ontario. Ces annonces indiquent des prix qui se situent dans une fourchette de 1,96 $ le kilogramme (0,89 $ la livre) à 1,43 $ le kilogramme (0,65 $ la livre). Des lettres de producteurs d'ail documentent des cas où ils ont dû réduire leurs prix pour réaliser des ventes.

Le Sondage 2000 a recueilli des renseignements sur les coûts de production. Le Sondage 2000 a révélé que le seuil de rentabilité pour la production et la livraison de l'ail sur le marché de l'Ontario se situe entre 2,33 $ et 2,48 $ le kilogramme (entre 1,06 $ et 1,12 $ la livre). Ces coûts sont plus élevés que les prix de vente au détail, en juillet et août 2000, de l'ail originaire de la Chine tels qu'ils sont indiqués dans la preuve documentaire.

La GGAO a aussi fourni des données sur le volume des importations. Le volume des importations originaires de la Chine a augmenté, passant de 3,3 millions de kilogrammes en 1997 à 5,7 millions de kilogrammes en 1999. Au cours des six premiers mois de 2000, 7,1 millions de kilogrammes d'ail ont été importés de la Chine. Il s'agit là d'une augmentation de 25 p. 100 par rapport au volume total importé de la Chine durant 1999 en entier et de 81,5 p. 100 de toutes les importations durant cette période de six mois. Le volume des importations en provenance du Vietnam est passé de 0,3 million de kilogrammes en 1997 à 0,8 million de kilogrammes en 1999.

La répartition mensuelle des importations en provenance de la Chine a changé depuis que le Tribunal a rendu ses conclusions en 1997. Au cours de la dernière année complète qui a précédé les conclusions du Tribunal, une proportion d'environ 92 p. 100 de l'ail importé de la Chine entrait au Canada entre le 1er juillet et le 31 décembre. Après les conclusions, la tendance des importations s'est inversée. En 1999, environ 93 p. 100 de l'ail importé au Canada en provenance de la Chine l'a été entre le 1er janvier et le 30 juin, c'est-à-dire pendant la période de six mois qui n'est pas visée dans les conclusions du Tribunal. Durant les six premiers mois de 2000, le déplacement saisonnier semble s'être maintenu. Le Tribunal a pris particulièrement note du volume considérable des importations en provenance de la Chine en juin 1999 et en juin 2000.

Par comparaison, les importations en provenance du Vietnam entrent au Canada principalement de juillet à décembre, c'est-à-dire pendant la période d'application des conclusions de dommage du Tribunal visant l'ail en provenance de la Chine. Il n'y a apparemment pas eu d'importations en provenance du Vietnam au cours des six premiers mois de 2000.

Bien que le marché canadien et la production nationale d'ail aient connu une croissance10 , la part du marché détenue par la production nationale a diminué11 . La part du marché canadien de l'ail frais détenue par les producteurs nationaux a été de 17,5 p. 100 en 1997. Cette part a reculé d'environ 2 points de pourcentage entre 1997 et 1999, une période pendant laquelle les importations en provenance de la Chine et du Vietnam ont augmenté. La part du marché détenue par l'ail importé de la Chine et du Vietnam a augmenté, passant de 42 p. 100 en 1997 à 50 p. 100 en 1999.

La GGAO a soutenu que l'expansion de la branche de production canadienne était entravée par le dumping de l'ail pratiqué à l'année longue. Le Sondage 2000 a révélé que 26 producteurs, représentant 21 p. 100 de la superficie présentement consacrée à la production de l'ail au Canada, ont déjà quitté le marché de l'ail. De plus, d'autres producteurs ont indiqué qu'une superficie supplémentaire représentant 40 p. 100 de la production canadienne actuelle pourrait éventuellement être retirée de la production canadienne12 , au moment même où le marché apparent de l'ail au Canada poursuit sa croissance.

La GGAO a de plus soutenu que les importations soutenues de l'ail sous-évalué menacent l'investissement et l'emploi dans la branche de production d'ail canadienne. Si la situation était redressée, cependant, la branche de production canadienne a soutenu qu'elle pourrait réaliser une expansion rapide, ce qui lui permettrait de faire des investissements importants et de créer un nombre considérable d'emplois.

Le Tribunal fait observer que certaines parties opposées à la plainte ont contesté la portée et l'étendue du dommage alléguées par la GGAO ainsi que le lien de causalité entre le dommage et les importations d'ail en provenance de la Chine et du Vietnam. Cependant, le Tribunal est d'avis que l'information à l'appui des allégations de la GGAO suffit, à la présente étape, pour satisfaire le critère d'un dommage indiqué « de façon raisonnable » causé par les importations en question en provenance de la Chine et du Vietnam. Le Tribunal conclut, à la lumière des éléments de preuve, qu'il existe une corrélation entre la croissance des importations sous-évaluées d'ail en provenance de la Chine et du Vietnam et, particulièrement, la décroissance des prix sur le marché canadien. Étant donné la conclusion ci-dessus, le Tribunal n'a pas jugé nécessaire de traiter des questions de menace de dommage et de retard.

CONCLUSION

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de l'ail en question a causé un dommage à la branche de production nationale.

Le Tribunal est d'avis que la question de savoir s'il existe deux catégories de marchandises mérite d'être examinée davantage. Le Tribunal demande donc à l'ADRC de rassembler des données sur le dumping concernant l'ail frais, l'ail congelé et l'ail frais et congelé, ensemble.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [ci-après LMSI].

2 . Les conclusions rendues par le Tribunal le 21 mars 1997 s'appliquent uniquement aux importations au Canada d'ail frais en provenance de la Chine du 1er juillet au 31 décembre, inclusivement, de chaque année civile.

3 . D'une couleur plus pâle que l'ail frais, d'un goût plus doux, sans pellicule et sans griffe.

4 . Assurance de la qualité sans pareille, par rapport à l'ail frais, et profils microbiologiques plus nets que celui de l'ail frais.

5 . Possibilité d'entreposage durant deux ans, disponibilité à l'année longue à des prix stables, absence de dégradation du profil microbiologique, et traitement sécuritaire et facile dans les usines de transformation des aliments.

6 . L'alinéa 34(1)b) de la LMSI en vigueur avant le 15 avril 2000 se lisait ainsi :

(1) À l'occasion de toute enquête de dumping ou de subventionnement que fait ouvrir le sous-ministre :
[...]

b) s'il s'agit d'une enquête visée au paragraphe 31(1), le sous-ministre peut, à la date de l'avis donné conformément à l'alinéa a), ou toute personne ou tout gouvernement avisé conformément à cet alinéa peut, dans les trente jours suivant la date de l'avis, demander au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises en cause a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

7 . Selon les nouvelles procédures, les parties et les conseillers ont accès au dossier, y compris la plainte et les autres renseignements pertinents déposés auprès de l'ADRC. Le Tribunal invite aussi les parties à déposer des exposés non seulement sur la question de l'existence du dommage, mais aussi sur d'autres questions, que précise l'avis. Ces questions comprennent, notamment : s'il se produit au Canada des marchandises similaires aux marchandises présumées sous-évaluées ou subventionnées; s'il existe plus d'une catégorie de marchandises; quels producteurs nationaux de marchandises similaires sont compris dans la branche de production nationale.

8 . Voir, par exemple, Boisson de malt, communément appelée bière, Avis (2 mai 1991), RE-91-001 (TCCE).

9 . Voir, par exemple, Certains opacifiants iodés, Conclusions (1er mai 2000), Exposé des motifs (16 mai 2000), NQ-99-003 (TCCE).

10 . Le marché canadien a connu une croissance, passant de 8,6 millions de kilogrammes en 1997 à 13 millions de kilogrammes en 1999. La production nationale est passée de 1,5 million de kilogrammes en 1997 à un volume estimatif de 2 millions de kilogrammes en 1999.

11 . Bien que la série des données au dossier s'étende sur une période plus longue, le Tribunal, comme il le fait habituellement, a pris en considération les données qui portent sur les trois dernières années complètes et sur la plus récente période intermédiaire.

12 . Certains producteurs ont décidé de ne pas produire d'ail durant la campagne agricole 2000-2001, envisagent de ne plus planter d'ail, ont réduit la superficie consacrée à la production d'ail ou envisagent de réduire la superficie consacrée à la production d'ail.


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Publication initiale : le 12 janvier 2001