CERTAINES PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES POUR BÉBÉS

Questions d'intérêt public (article 45)


CERTAINES PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES POUR BÉBÉS
Examen en matière d’intérêt public no : PB-98-001

TABLE DES MATIÈRES


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES

EXAMEN EN MATIÈRE D’INTÉRÊT PUBLIC CONCERNANT CERTAINES PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES POUR BÉBÉS QUI PROVIENNENT DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE OU QUI SONT EXPORTÉES PAR CE PAYS

LE 30 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE [*]

Le 29 avril 1998, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a conclu que le dumping de certaines préparations alimentaires pour bébés (CPAB) en provenance des États-Unis avait causé un dommage sensible à La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée (Heinz). Les conclusions ont été publiées aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LMSI). L’objet premier de la LMSI est de protéger une branche de production nationale du dommage sensible causé par les importations sous-évaluées. À la suite de conclusions de dommage et de l’imposition de droits antidumping, il est normal que les prix montent puisque les effets du dumping dommageable sont supprimés du marché.

Les conclusions du Tribunal et le retrait subséquent du marché canadien du seul fournisseur concurrent, Gerber Products Company (Gerber É.-U.), ont attiré un nombre considérable d’observations de la population. Aux termes de la LMSI et des lignes directrices du Tribunal, lorsque l’existence d’une question d’intérêt public liée à la réduction ou à l’élimination des droits antidumping imposés après des conclusions de dommage peut être démontrée, le Tribunal peut procéder à un examen plus poussé. Le Tribunal a entrepris un tel examen à l’égard des CPAB le 3 juillet 1998.

Dans le cadre de son examen, le Tribunal a reçu plus de 40 exposés. Certains exposés traitaient des questions de santé et de bien-être, notamment pour les familles à faible revenu. D’autres traitaient surtout des effets possibles de l’absence actuelle de concurrence sur le marché canadien des CPAB, un marché de 60 millions de dollars. D’autres exposés attiraient l’attention du Tribunal sur la question de la viabilité de la production de Heinz au Canada et de son importance pour la ville de Leamington, les branches de production connexes et les collectivités agricoles de la région.

Une audience a été tenue la semaine du 14 septembre 1998 pour examiner plus à fond les questions d’intérêt public susmentionnées. Le Tribunal a entendu 34 témoins. Des représentants de Heinz, de Gerber É.-U. et de sa filiale canadienne et du Bureau de la concurrence ont comparu devant le Tribunal, de même que des témoins représentant des organismes d’assistance sociale, des professions liées au domaine de la médecine et de la diététique, des unions, des consommateurs, des distributeurs, des détaillants et des secteurs d’activités régionaux.

Après avoir étudié les éléments de preuve et les témoignages, le Tribunal recommande au ministre des Finances que les droits antidumping sur les CPAB en provenance des États-Unis soient réduits. La recommandation du Tribunal aurait pour effet de réduire d’environ les deux tiers les droits appliqués à leur plein montant. Selon l’opinion du Tribunal, une telle réduction est l’option qui équilibre le mieux les divers intérêts publics concurrents.

Pratiquement tous les témoins et tous les exposés ont abordé la question des prix, soit de l’augmentation des prix qui pourrait résulter de la mise en œuvre des droits à leur plein montant soit des bas prix non viables qui persisteraient si les droits étaient éliminés. À l’audience, cependant, Heinz a reconnu que, bien qu’elle ait besoin d’une protection contre le dumping dommageable, il n’est pas nécessaire, ni possible étant donné les contraintes du marché, que ses prix reflètent des droits antidumping établis à leur plein montant.

Les préoccupations exprimées relativement à la santé et au bien-être des bébés, et plus précisément ceux des familles à faible revenu, seraient atténuées par la mise en œuvre de la recommandation du Tribunal. La réduction des droits, et non leur élimination, est l’option la plus susceptible de mener au rétablissement et au maintien d’un régime de concurrence sur le marché canadien et, par conséquent, aux plus bas prix à long terme. La recommandation vise à susciter des prix sur le marché qui devraient inciter Gerber É.-U. ou un autre producteur à approvisionner le marché canadien. En même temps, elle devrait permettre à Heinz de maintenir la production de CPAB de son usine de Leamington. Le maintien de la production de Heinz est un facteur de sécurité pour la santé économique de Leamington, les branches de production connexes et les collectivités agricoles de la région.

Rien ne garantit que Gerber É.-U. reviendra sur le marché canadien ou que Heinz maintiendra sa production au Canada. Cependant, le rétablissement d’une véritable concurrence, s’il est possible, servirait de prise en compte des préoccupations liées aux avantages d’un régime concurrentiel d’établissement des prix, de la possibilité de choix du consommateur, de la sécurité d’approvisionnement, de l’innovation et des services fournis aux détaillants.

Si le ministre des Finances décide d’accueillir la recommandation du Tribunal portant sur une réduction des droits, le Tribunal propose qu’elle soit mise en œuvre au moyen d’un « prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations » de chaque catégorie de CPAB en provenance des États-Unis, indexé sur une base annuelle, selon le composant « Aliments achetés au magasin » de l’Indice des prix à la consommation.

Ottawa, le lundi 30 novembre 1998

Examen en matière d’intérêt public no : PB-98-001

EU ÉGARD À une opinion du Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes de l’article 45 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, découlant de l’enquête no NQ-97-002 menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

CONCERNANT la question de savoir si l’imposition de droits antidumping, ou l’imposition de ces droits à leur plein montant, sur les préparations alimentaires pour bébés, contenant des légumes, des fruits et/ou de la viande hautement homogénéisés et pouvant comporter des morceaux visibles d’au plus 6,5 mm, et sur le jus tamisé, pour la vente au détail comme aliments et boissons destinés aux bébés de 4 à 18 mois, dans des contenants d’un volume net ne dépassant pas 250 ml, à l’exclusion des aliments biologiques et des préparations surgelées pour bébés, qui proviennent des États-Unis d’Amérique ou qui sont exportés par ce pays, serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public.

O P I N I O N

Le Tribunal canadien du commerce extérieur transmet, par les présentes, son rapport au ministre des Finances, aux termes de l’article 45 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, énonçant l’opinion qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’imposer des droits antidumping à leur plein montant sur les marchandises susmentionnées et recommande en outre ce qui suit :

• que les droits antidumping sur certaines préparations alimentaires pour bébés importées en provenance des États-Unis soient réduits;

• qu’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations de certaines préparations alimentaires pour bébés en provenance des États-Unis serve dans la mise en œuvre d’une réduction des droits antidumping;

• que les prix minimaux spécifiques de vente sur le marché national imposés pour les importations demeurent confidentiels;

• qu’un prix minimal spécifique de vente sur le marché national imposé pour chaque catégorie de certaines préparations alimentaires pour bébés importées en provenance des États-Unis soit établi en conformité avec l’appendice confidentiel;

• que, lorsque le prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations dépasse le prix de vente réel imposé, la pénalité soit fixée à un montant égal à la différence entre les deux prix;

• que les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations soient indexés sur une base annuelle, selon le composant « Aliments achetés au magasin » de l’Indice des prix à la consommation.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Anita Szlazak
_________________________
Anita Szlazak
Membre


Susanne Grimes
_________________________
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

LISTE DES MEMBRES ET DU PERSONNEL, DES PARTICIPANTS ET DES TÉMOINS

Membres et personnel :

Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Raynald Guay, membre
Anita Szlazak, membre

Directeur de la recherche : Dennis Featherstone

Agents de recherche : John Gibberd
John O’Neill

Préposé aux statistiques : Nynon Pelland

Avocats pour le Tribunal : Gerry H. Stobo

Agent à l’inscription et
à la distribution : Gillian E. Burnett

Participants :

Lawson A.W. Hunter, c.r.

Randall J. Hofley

Susan M. Hutton

Tamra A. Alexander

Jennifer Chandler

pour

La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

 

Simon V. Potter

Terrance A. Sweeney

Brenda C. Swick-Martin

Salvatore Mirandola

pour

Directeur des enquêtes et recherches

Kevin F. Fritz

Bureau de la concurrence

pour

Gerber (Canada) Inc.

Ministère de l’Industrie

Gerber Products Company

 

Dawn Walker

Cliff Lloyd

Institut canadien de la santé infantile

Children’s Hospital of Western Ontario Foundation

 

Dr. William James

Elisabeth Sterken

Partie intéressée

Infant Feeding Action Coalition Canada

 

Inese Grava-Gubins

Gerry Prins

Le Collège des médecins de famille du Canada

Distribution Canada Inc.

 

Angela Grella-Gos

Dave Douse

Partie intéressée

Uniplast Industries Inc.

 

John Scott

Helen Yeung

La Fédération canadienne des épiciers indépendants

Community Nutritionists’ Council

 

Rod MacRae

Daniel Sopuch

Le Conseil de la politique alimentaire de Toronto

Marshland Gardens Limited

 

Dr. Robert Cushman

Kent Sutherland

Service de la santé

The Laird Group

Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton

 

Eva J. Lamb

Gordon Patterson

Ottawa West End Community Chaplaincy

Children’s Miracle Network

 

Laurie Rektor

Lynn Sherwood

Organisation nationale anti-pauvreté

Groupe de défense des enfants pauvres d’Ottawa-Carleton

 

Robert Wenzler

Ian D. Hepburn

Recker Distribution

Hepburn Farms Ltd.

 

Bob Séguin

Robert Kerton

Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario

Association des consommateurs du Canada

 

Laurel Rothman

Jane Loppe

Campagne 2000

La Société ontarienne des professionnel(le)s de nutrition en santé publique

 

Len Troup

Patrick M. O’Neil

Ontario Tender Fruit Producers’ Marketing Board

Corporation of the Town of Kingsville

 

Earl Wagner

Michael Butler

Hensall District Co-op

Design Partners

 

Anne Marie Tassé

Rolph McPhail

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec

Gay Lea Foods Co-Operative Limited

Témoins :

Debra Reid

Dr. William James

Hygiéniste alimentaire public

Pédiatre

Service de la santé

Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton

 

Dawn Walker

Paula Robeson

Directeur général

Directeur, Développement des jeunes enfants

Institut canadien de la santé infantile

Institut canadien de la santé infantile

 

Gerry Prins

Eva J. Lamb

Président

Ottawa West End Community Chaplaincy

Distribution Canada Inc.

 

Lynn Sherwood

Anne Marie Tassé

Présidente

Fédération nationale des associations de

Groupe de défense des enfants pauvres

consommateurs du Québec

d’Ottawa-Carleton

 

Elisabeth Sterken

Martin A. Lasher

Directrice

Président

Infant Feeding Action Coalition Canada

Gerber (Canada) Inc.

 

Michael T. Lawton

Brian C. Becker

Vice-président principal, Chef de l’exploitation

Économiste principal

Gerber Products Company

Economic Consulting Services Inc.

 

Ronald Rotenberg

Margaret Repas-Macdonald

Président

Gérante de catégorie

Rotenberg Research

Shoppers Drug Mart Limited

 

Roger Ware

Halldor Palsson

Professeur

Économiste

Département des sciences économiques

Direction de l’économie et des affaires

Queen’s University

internationales

Bureau de la politique de concurrence

Ministère de l’Industrie et Sciences

 

Ruth M. Corbin

Laurel Rothman

Présidente et Chef de l’exploitation

Coordonnatrice nationale intérimaire

Decision Resources Inc.

Campagne 2000

 

Cathy Richards

Robert R. Kerton

Nutritionniste communautaire

Professeur en sciences économiques

Community Nutritionists’ Council

University of Waterloo

 

Bryan Neath

Peter D. Yemen

Adjoint du Directeur canadien pour l’Ontario

Directeur des activités commerciales et Trésorier

Union internationale des travailleurs et travailleuses

Local 772 de l’International Union of Operating

unis de l’alimentation et du commerce

Engineers

 

Jim Rainforth

John Mumford

Secrétaire

Directeur général et Secrétaire-Trésorier

Ontario Tender Fruit Producers’ Marketing Board

The Ontario Vegetable Growers’ Marketing Board

 

Dave Wilkinson

Chris Chopchik

Maire

Leamington District Chamber of Commerce

The Corporation of the Town of Leamington

 

Bruce Crozier

Brian E. Falck

Député de Essex South

Président et Chef de l’exploitation

La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

 

Brian Arbique

Gerry Wiklund

Vice-président—Ventes au détail

Directeur général, Planification financière

La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

 

David L. Yeung

Daphne M. Perry

Directeur—Nutrition des entreprises

Présidente

La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée

Daphne Perry & Associates Inc.

 

James A. Brander

Gillian Humphreys

Professeur, Asie-Pacifique

Vice-présidente

Commerce international et politique publique

Canadian Facts

Faculté du commerce et de l’administration des affaires

The University of British Columbia

PARTIE I -INTRODUCTION

1. Contexte

Le 29 avril 1998, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (LMSI), a conclu que le dumping au Canada de certaines préparations alimentaires pour bébés [2] (CPAB) qui proviennent des États-Unis d’Amérique ou qui sont exportées par ce pays avait causé un dommage sensible à la branche de production nationale [3] . La LMSI prévoit que dans les cas où il rend des conclusions de dommage mais estime que l’imposition de droits antidumping ou de droits compensateurs, ou l’imposition au plein montant de ces droits, serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public, le Tribunal transmet un rapport au ministre des Finances (le Ministre) énonçant son opinion, faits et motifs à l’appui. Par conséquent, au moment où il a rendu ses conclusions de dommage, le Tribunal a invité des observations sur la question de savoir s’il devait procéder à un examen en matière d’intérêt public.

Un total de 27 parties ont présenté des observations au Tribunal et soutenu qu’il existait une question d’intérêt public justifiant un examen plus poussé. Les personnes qui ont fait opposition à la tenue d’un examen en matière d’intérêt public comprennent 47 parties qui ont présenté des exposés, ainsi que 463 employés et employées de La compagnie H.J. Heinz du Canada Ltée (Heinz) et 220 employés et employées de la société Omstead Foods Limited, une filiale de Heinz, qui ont écrit des lettres au Tribunal.

Après avoir examiné toutes les observations qu’il a reçues sur la question de l’intérêt public, le Tribunal était d’avis qu’il y avait plusieurs facteurs qui, lorsqu’ils étaient considérés collectivement, démontraient l’existence d’une question d’intérêt public justifiant un examen plus poussé. Ces facteurs étaient la nature et la structure de la branche de production canadienne et du marché canadien, la question de la disponibilité des CPAB en provenance d’autres pays que les États-Unis et les répercussions des droits antidumping sur les familles à faible revenu [4] . Le 3 juillet 1998, le Tribunal a procédé à un examen en matière d’intérêt public conformément à l’article 45 de la LMSI.

Dans le cadre du présent examen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés au fabricant canadien, aux importateurs, aux exportateurs et aux acheteurs de CPAB. Les répondants ont mis à jour l’information soumise au Tribunal dans le cadre de sa récente enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI et ont soumis des renseignements pertinents sur l’existence possible de questions portant sur l’intérêt public. À partir des réponses aux questionnaires susmentionnés, des exposés des parties intéressées et d’autres renseignements disponibles, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience.

Le Tribunal a tenu des audiences publiques et à huis clos à Ottawa (Ontario) du 14 au 18 septembre 1998 [5] . Gerber (Canada) Inc. (Gerber), Gerber Products Company (Gerber É.-U.) et le Directeur des enquêtes et recherches, Bureau de la concurrence, ministère de l’Industrie (le Directeur) ont demandé l’élimination ou la réduction des droits et ont été représentés par des avocats à l’audience. Dix-sept personnes et organisations, demandant également l’élimination ou la réduction des droits, ont été parties à l’examen en matière d’intérêt public, mais n’ont pas été représentées par des avocats. Des représentants de huit des organisations susmentionnées ont comparu à l’audience publique. Heinz a fait opposition à l’élimination ou à la réduction des droits et a été représentée par des avocats. Treize autres organisations qui ont fait opposition à l’élimination ou à la réduction des droits ont été parties à l’examen en matière d’intérêt public, mais n’ont pas été représentées par des avocats. En outre, sept témoins représentant les organisations susmentionnées et d’autres organisations ont comparu à l’audience publique à l’appui de la position de Heinz.

2. Décision définitive du sous-ministre du Revenu national

Le 30 mars 1998, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) a rendu une décision définitive de dumping au Canada de CPAB par Gerber É.-U. L’enquête du Sous-ministre a révélé que 100 p. 100 des CPAB importées durant la période d’enquête [6] l’ont été à des prix sous-évalués. La marge moyenne pondérée de dumping [7] a été de 59,76 p. 100, exprimée en pourcentage de la valeur normale (c’est-à-dire les prix de vente comparables aux États-Unis), ou de 148,51 p. 100, si elle est exprimée en pourcentage des prix à l’exportation [8] .

Étant donné que l’importateur, Gerber, est une filiale en propriété exclusive de l’exportateur, Gerber É.-U., les prix à l’exportation ont été calculés aux termes de l’alinéa 25(1)c) de la LMSI d’après les prix de vente imposés au Canada par l’importateur moins tous les frais engagés lors de l’importation des CPAB et lors de leur vente au Canada, plus un montant pour le bénéfice. Les prix à l’exportation calculés aux termes de l’article 25 étaient inférieurs aux prix calculés aux termes de l’article 24 dans les huit groupes de produits de Gerber [9] ; le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a donc appliqué les prix à l’exportation déterminés aux termes de l’article 25 pour calculer la marge de dumping.

Le Tribunal fait observer que la marge susmentionnée a été calculée d’après les prix reconstitués des exportations. De ce fait, la marge ne reflétait pas nécessairement la marge de dumping qui pourrait résulter d’une transaction sur le marché entre des parties sans lien de dépendance. Cependant, ainsi que le Tribunal l’a fait remarquer dans l’exposé des motifs de ses conclusions de dommage, les éléments de preuve montraient que les prix au détail des aliments pour bébés aux États-Unis étaient généralement plus élevés que ceux au Canada, en termes de devise commune, et que Gerber É.-U. vendait les CPAB à des niveaux de prix inférieurs sur le marché canadien par rapport à son marché national [10] .

3. Résumé des conclusions de dommage du Tribunal

Le 29 avril 1998, le Tribunal a conclu que le dumping des CPAB qui provenaient des États-Unis ou qui étaient exportées par ce pays avait causé un dommage sensible à la branche de production nationale, c’est-à-dire à Heinz. Pour arriver à sa décision, le Tribunal a examiné les facteurs économiques pertinents et a constaté que, de 1995 à 1997, les ventes et la production nationales de Heinz avaient baissé de plus de 20 p. 100. En même temps, ses coûts et ses dépenses augmentaient et ses recettes unitaires moyennes chutaient. Selon le Tribunal, les effets combinés de l’impossibilité de recouvrer les augmentations des coûts et des dépenses, des pertes de volume, de l’érosion des prix et de la compression des prix ont causé un dommage financier à Heinz. Au cours des trois exercices et trois trimestres visés dans les états financiers concernant les CPAB, Heinz a perdu des dizaines de millions de dollars en bénéfices d’exploitation, comparativement à l’année de référence ou au premier exercice visé dans l’enquête du Tribunal, soit l’exercice 1994-1995 de Heinz. Le Tribunal a conclu qu’une telle ampleur de dommage était sensible.

Quant à la question de causalité, les représentants officiels de Heinz ont concédé que la plupart, sinon la totalité, de l’augmentation des coûts et des dépenses subséquente à l’exercice 1994-1995 n’était pas liée au dumping. Par conséquent, dans son évaluation du dommage causé par le dumping, le Tribunal a écarté ce facteur.

Quant aux pertes de volume des ventes, le Tribunal a fait observer que, au cours de la période d’enquête, bien que le volume des ventes de Heinz ait diminué de plus de 20 p. 100, le marché global a aussi diminué de 20 p. 100. Au cours de la même période, les ventes de Gerber ont diminué de plus de 25 p. 100. Par conséquent, la part du marché de Heinz a, en fait, augmenté légèrement. Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer le fléchissement du marché. Il est toutefois apparu évident au Tribunal que le repli des volumes de ventes de Heinz n’était pas lié au dumping. Pour évaluer le dommage que le dumping a causé à Heinz, le Tribunal a donc mis de côté le dommage financier attribuable aux pertes de volume dont faisaient mention les états financiers de Heinz.

Durant la période d’enquête du Tribunal, plusieurs grandes chaînes de magasins de détail ont renégocié leur contrat d’approvisionnement. Ces chaînes de magasins de détail comprenaient Les Compagnies Loblaw Limitée (Loblaws) et Shoppers Drug Mart Limited (Shoppers), respectivement les clients les plus importants de Heinz et de Gerber. Les éléments de preuve ont indiqué que Gerber avait présenté une soumission très persuasive afin d’obtenir cette clientèle. Les éléments de preuve ont aussi montré que, en termes de ventes nationales de toutes les catégories de CPAB, durant la période de trois ans qui a commencé en janvier 1995, le prix net réel moyen pondéré de Gerber [11] a toujours été inférieur à celui de Heinz. Le fait était vrai non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle du marché de l’Ontario, où Gerber a effectué la plupart de ses ventes. Étant donné que les éléments de preuve montraient que la plupart des grands détaillants se servaient des offres soit de Heinz soit de Gerber pour obtenir une meilleure offre de l’autre, même entre deux contrats, ce plus bas prix durant la période d’enquête de trois ans a exercé une pression à la baisse continuelle sur les prix de Heinz.

Le Tribunal a examiné d’autres causes possibles d’érosion des prix, comme la publicité défavorable issue du rapport du Center for Science in the Public Interest (CSPI) [12] , le repli général du marché qui survenait alors, l’incidence des paiements d’exclusivité, ainsi que la pratique consistant à combiner ou à lier la vente d’un produit ou d’un groupe de produits à d’autres produits ou groupes de produits. Après avoir examiné les facteurs susmentionnés, le Tribunal était d’avis qu’aucun d’eux, pris individuellement ou collectivement, n’expliquait de façon satisfaisante l’érosion des prix qui s’était produite. Le Tribunal a donc conclu que le dumping des CPAB de Gerber avait causé un dommage sensible associé à l’érosion des prix de Heinz, de l’ordre de plusieurs millions de dollars en pertes de bénéfices d’exploitation.

Quant à la compression des prix, le Tribunal a exprimé l’avis qu’il n’aurait peut-être pas été possible à Heinz d’augmenter ses prix autant qu’elle l’aurait voulu durant la période d’enquête. Selon le Tribunal, l’incapacité de Heinz à augmenter ses prix nets réels au-delà de leur niveau de 1995 a découlé de son obligation de remettre à ses clients une partie des bénéfices issus des augmentations de prix pour contrer les effets de l’établissement, par Gerber, de bas prix sur des marchandises sous-évaluées. Le Tribunal a en outre reconnu que Heinz a encouru des augmentations de ses coûts et de ses dépenses durant la période d’enquête et que, même si ces augmentations des coûts n’étaient pas attribuables au dumping, il n’en demeurait pas moins nécessaire qu’elle récupère une partie, ou la totalité, de ces coûts accrus en haussant ses prix.

Heinz a soutenu que, sans les marchandises sous-évaluées, elle aurait dû être en mesure d’augmenter sa part du marché. Sans reconnaître la proposition selon laquelle Heinz aurait pu ou aurait dû capturer la totalité ou même la plus grande partie de la part du marché détenue par Gerber, le Tribunal a néanmoins tiré certaines conclusions en ce sens. Selon le Tribunal, il était manifeste que Heinz aurait perdu une part du marché au profit de Gerber si elle n’avait pas baissé ses prix pour demeurer compétitive au niveau des prix. À l’inverse, le Tribunal croyait que si les prix de Gerber sur le marché canadien avaient été plus élevés, ce qui aurait été le cas s’il n’y avait pas eu dumping, elle aurait perdu une part du marché au profit de Heinz. Le Tribunal a évalué chaque point de pourcentage de la part du marché à environ 500 000 $ soit pour Heinz soit pour Gerber. Par conséquent, de faibles déplacements persistants des parts du marché auraient eu des conséquences importantes sur le rendement financier de Heinz.

4. Marché des CPAB

Traditionnellement, le marché des CPAB au Canada a été desservi par deux sociétés, Heinz et Gerber. Heinz produit les CPAB destinées au marché canadien à partir de ses installations de production de Leamington (Ontario). Avant juin 1990, Gerber produisait les CPAB destinées au marché canadien à son installation de production située à Niagara Falls (Ontario). L’usine a fermé ses portes en juin 1990 [13] . C’est alors que Gerber a commencé à importer les CPAB de l’usine de sa société mère située à Fremont, au Michigan. Heinz devenait ainsi le seul producteur canadien de CPAB commerciales, mais les consommateurs canadiens jouissaient toujours de deux sources d’approvisionnement de CPAB.

Les ventes annuelles sur le marché des aliments pour bébés en pot au Canada ont été évaluées publiquement à environ 60 millions de dollars [14] . Le Tribunal fait observer que la catégorie « aliments pour bébés en pot » contient d’autres produits que les CPAB, par exemple les aliments pour les « tout-petits », les jus dans des contenants de grand format et les aliments organiques pour bébés « Les Bienfaits de la Terre ». Par conséquent, la valeur totale du marché des CPAB est quelque peu inférieure à 60 millions de dollars. Selon divers articles, les ventes de CPAB de Heinz ont traditionnellement représenté 75 p. 100 à 80 p. 100 du marché canadien, les ventes de CPAB de Gerber représentant le reste, ce qui, pour l’essentiel, est conforme aux renseignements soumis au Tribunal [15] . Par opposition, les ventes de Gerber É.-U. représentent environ 65 p. 100 du marché américain des aliments pour bébés en pot, les ventes de H.J. Heinz Company (Heinz É.-U.) et de Beech-Nut Nutrition Corp. (Beech-Nut) représentant la majeure partie des autres 35 p. 100.

Comme il a déjà été indiqué, le marché global des CPAB au Canada a diminué de plus de 20 p. 100 entre 1995 et 1997. Les données soumises dans le cadre de l’examen en matière d’intérêt public pour les six premiers mois de 1998 indiquent que le marché a continué de baisser, de plus de 5 p. 100, par rapport aux six mois correspondants en 1997. La production de CPAB de Heinz et les importations de CPAB de Gerber ont toutes deux baissé durant la période 1995-1997, les parts du marché demeurant à peu près inchangées durant ces trois ans. À la suite de la décision provisoire de dumping du Sous-ministre, cependant, le volume de la production de Heinz a augmenté durant les six premiers mois de 1998, tandis que le volume des importations de Gerber a baissé durant les quatre premiers mois de 1998 et a été pratiquement nul après les conclusions de dommage rendues par le Tribunal le 29 avril 1998. Depuis les conclusions de dommage du Tribunal, la part du marché de Heinz a augmenté encore davantage, tandis que les anciens clients de Gerber ont trouvé en Heinz une nouvelle source d’approvisionnement.

Les bénéfices d’exploitation rapportés par Heinz sur les ventes de CPAB au Canada ont baissé à chacun de ses trois derniers exercices [16] . Les données soumises relativement au premier trimestre du prochain exercice de Heinz (de mai à juillet 1998), le premier trimestre de l’exercice de Heinz après les conclusions de dommage du Tribunal, indiquent une augmentation des bénéfices d’exploitation par rapport au premier trimestre de l’exercice 1997-1998.

Les prix nets réels moyens des CPAB de Heinz, tels qu’ils sont indiqués dans les états financiers soumis au Tribunal, ont également baissé aux exercices 1995-1996 et 1996-1997, par rapport à l’exercice 1994-1995, mais ont ensuite augmenté à l’exercice 1997-1998. Le prix moyen déclaré par Heinz pour le premier trimestre de l’exercice 1998-1999, la période qui suit immédiatement les conclusions de dommage rendues par le Tribunal, est demeuré relativement stable, n’augmentant que de quelques points de pourcentage par rapport au prix moyen de l’exercice 1997-1998. Cependant, il était encore inférieur au prix net réel moyen déclaré à l’exercice 1994-1995, l’année de référence aux fins de l’analyse de dommage du Tribunal.

PARTIE II - CONTEXTE DE LA QUESTION DE L’INTÉRÊT PUBLIC

En 1904, le Canada s’est doté d’une législation antidumping pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales, devenant ainsi le premier pays au monde à adopter une telle législation. Depuis lors, la législation a été modifiée à de nombreuses reprises, en partie, pour tenir compte de l’évolution de la collectivité du commerce international et, en partie, en réponse au suivi parlementaire effectué au Canada. Les modifications les plus importantes apportées à notre législation antidumping nationale ont suivi les négociations commerciales du Tokyo Round de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Ce cycle de négociations a mené à l’Accord relatif ?E0… la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [17] (le Code antidumping du GATT de 1979).

Au début des années 80, le Parlement a entrepris un examen fondamental de la législation canadienne en matière de droits antidumping et de droits compensateurs pour en assurer la conformité avec les dispositions du GATT négociées dans le cadre du Tokyo Round et faire en sorte qu’elle continue à tenir compte de l’évolution des intérêts économiques du Canada [18] . Au cours des délibérations du comité parlementaire, certaines réserves ont été exprimées quant à l’incidence sur les consommateurs et les entreprises du Canada du maintien des droits à un niveau égal à la totalité de la marge de dumping. Non seulement l’imposition des droits susmentionnés menait-elle inévitablement à des coûts d’achat plus élevés pour les consommateurs du produit et ses utilisateurs en aval, mais elle nuisait aussi parfois au régime de concurrence sur le marché canadien. Tout en reconnaissant que des prix élevés étaient de fait l’une des conséquences probables des lois antidumping, le comité a considéré les préoccupations susmentionnées avec bienveillance. Le comité a également tenu compte de l’Accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [19] (le Code antidumping du GATT de 1967) et du Code antidumping du GATT de 1979, qui soulignaient que les intérêts des personnes touchées par l’imposition des droits, tout comme les intérêts des producteurs nationaux, devaient être pris en compte pour décider de fixer ou non les droits à leur plein montant. Les codes susmentionnés soulignaient que l’imposition des droits à un niveau égal à la totalité de la marge de dumping devrait être facultative, c’est-à-dire ne pas être obligatoire, et qu’il était souhaitable que les droits imposés ne soient pas supérieurs au montant nécessaire à faire disparaître le dommage causé aux producteurs nationaux [20] .

Les changements proposés dans le rapport du comité ont mené à la promulgation de la LMSI en 1984, dont une disposition, l’article 45, porte sur la question de l’intérêt public. Cet article autorise le Tribunal à tenir un examen en matière d’intérêt public dans les causes appropriées et à transmettre ses recommandations au Ministre sur la question de savoir si des droits à un niveau égal à la totalité de la marge de dumping doivent être maintenus, réduits ou éliminés. Malgré l’inclusion de cette disposition, la LMSI n’indique pas ce que l’intérêt public inclut, et ni les codes antidumping ni les accords internationaux ne définissent l’expression « intérêt public ». Par conséquent, le sens qu’il convient de donner à cette expression est laissé à la discrétion du Tribunal.

Le Directeur et Gerber ont tous deux allégué que le Tribunal devrait recommander la réduction ou l’élimination des droits chaque fois qu’il est d’avis que l’imposition des droits à un niveau égal à la totalité de la marge de dumping « serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public » [21] . Par conséquent, ils ont poursuivi que le seuil auquel le Tribunal doit recommander la réduction ou l’élimination des droits est très bas. Comme solution de rechange, Gerber a allégué que, si un seuil plus élevé existe effectivement, ce dernier a été satisfait étant donné la nature spéciale des CPAB et les faits de la présente cause.

Heinz a exprimé son désaccord sur la position susmentionnée, et a soutenu que le seuil justifiant la réduction ou l’élimination des droits est beaucoup plus élevé et qu’il n’a pas été atteint dans la présente cause. Les avocats de Heinz ont déclaré que le Tribunal a interprété l’expression « serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public » comme signifiant qu’il doit exister un « intérêt public suffisamment contraignant » pour qu’il puisse recommander la réduction ou l’élimination des droits.

Le Tribunal fait observer que cette question a fait l’objet d’examen dans le cadre de décisions antérieures en matière d’intérêt public. Par exemple, dans la cause sur le Maïs-grain [22] , le Tribunal canadien des importations a déclaré :

La LMSI prévoit un mécanisme d’imposition de pénalités, sous forme de droits spéciaux, à l’égard des importations sous-évaluées ou subventionnées causant un préjudice sensible à la production canadienne de marchandises similaires. Une telle procédure est conforme aux conventions internationales dont le Canada est un signataire. En précisant le sens accordé à la disposition de l’intérêt public, le Tribunal reconnaît que la LMSI, à l’exemple de toutes les lois, a été promulguée par le Parlement dans l’intérêt public. Par conséquent, l’article 45 étant une disposition particulière de la loi, il doit être appliqué à titre de mesure d’exception, comme c’est le cas lorsqu’une aide consentie à des producteurs cause un problème sensible et éventuellement inutile aux utilisateurs (producteurs en aval) et aux consommateurs du produit [23] . (Soulignement ajouté)

Cette même opinion a été exprimée de nouveau dans la cause sur le Sucre raffiné, examen en matière d’intérêt public no PB-95-002 [24] , où le Tribunal a déclaré :

Dans [la cause sur le] Maïs-grain, le TCI a déclaré que la LMSI prévoit un mécanisme d’imposition de droits à l’égard des importations sous-évaluées ou subventionnées qui causent un dommage sensible à la production canadienne de marchandises similaires. Le TCI a conclu que, puisque la LMSI globalement a été promulguée par le Parlement dans l’intérêt public, il s’ensuit que l’article 45, qui est une disposition particulière de la LMSI, devrait « être appliqué à titre de mesure d’exception » [25] . (Soulignement ajouté)

Le Tribunal est d’accord sur l’opinion qu’une recommandation au Ministre visant la réduction ou l’élimination du niveau des droits ne doit être faite que dans les cas où il existe une raison d’intérêt public suffisamment contraignante pour justifier une telle recommandation.

Tant le Directeur que Gerber ont invité le Tribunal à envisager, sinon l’élimination, du moins la réduction des droits au niveau du « droit moindre », c’est-à-dire uniquement au niveau des droits qui suffisent à faire disparaître le dommage causé au producteur national, Heinz. Ils ont fait valoir qu’il s’agit là du critère prévu par les codes antidumping et le paragraphe 1 de l’article 9 de l’Accord antidumping de l’OMC, qui prévoient ce qui suit :

Il est souhaitable que l’imposition [des droits] soit facultative sur le territoire de tous les Membres et que le droit soit moindre que la marge si ce droit moindre suffit à faire disparaître le dommage causé à la branche de production nationale [26] .

À l’appui de l’interprétation susmentionnée, le Directeur et Gerber ont cité les observations du Tribunal dans la cause sur la Bière, opinion no PI-91-001 [27] , où la majorité a déclaré :

[N]ous nous interrogeons sur la nécessité d’imposer aux importations sous-évaluées des droits antidumping supérieurs à ceux nécessaires pour faire disparaître le préjudice sensible causé à l’industrie de la Colombie-Britannique. Des droits antidumping suffisants pour éliminer ce préjudice ont déjà donné leurs résultats [...]

Des droits antidumping plus élevés que nécessaire pour faire disparaître le préjudice sensible sont excessifs. Des droits excessifs pénalisent certains produits et exportateurs en augmentant les prix à des niveaux inutilement élevés, ce qui peut les exclure totalement du marché. À notre avis, une telle situation ne vise nullement l’intérêt public. Non seulement avantage-t-elle inutilement l’industrie de la Colombie-Britannique, mais elle se traduit également par une augmentation des prix et une réduction du choix pour les consommateurs [28] .

Le Tribunal fait cependant observer que la majorité, dans la cause sur la Bière, a aussi abordé d’autres facteurs pertinents pour considérer la question de l’intérêt public :

L’intérêt public englobe, à notre avis, la protection des emplois dans la province de la Colombie-Britannique et de l’investissement dans l’industrie visée, de même que dans les industries en amont et dans les industries de service associées [...]

En outre, l’analyse coûts-avantages préparée par le Directeur ne tient pas compte du coût social éventuel qui pourrait résulter de la suppression des droits [29] . (Soulignement ajouté)

Le Tribunal est d’avis qu’un examen en matière d’intérêt public mené en conformité avec la LMSI permet de prendre en compte une vaste gamme de facteurs dans l’examen du niveau convenable de droits à fixer. Le Tribunal trouve un appui qui corrobore le bien-fondé d’une telle façon, plus vaste et plus globale, d’aborder la question, dans la décision récemment rendue par la Cour fédérale du Canada, où la Cour a déclaré :

Un examen de la jurisprudence concernant « l’intérêt public » révèle qu’il s’agit d’une notion vaste, plutôt indéfinie et souple, qui inclut néanmoins des considérations qui dépassent les intérêts des parties au litige [30] .

[Traduction]

Cela ne signifie cependant pas qu’il n’y a pas de limite aux facteurs que le Tribunal peut prendre en compte. Ainsi qu’il a été énoncé dans la cause sur le Maïs-grain, le Tribunal n’est pas « le conseiller auprès du ministre des Finances à l’égard de la répartition de la richesse et du revenu entre les divers intérêts privés » [31] . Par conséquent, dans la présente cause, le Tribunal a concentré son attention sur ces facteurs pertinents au niveau convenable des droits.

Le Directeur a exhorté le Tribunal à accorder un poids égal aux dispositions de la Loi sur la concurrence [32] et de la LMSI dans l’analyse de l’intérêt public. Ce faisant, selon lui, les intérêts des consommateurs et de la concurrence sur le marché seraient placés sur un même pied que ceux de Heinz. Le Parlement, a-t-il fait valoir, a voulu que les lois soient « interprétées ensemble, sans conflit » [traduction]. Les deux lois devraient, a-t-il poursuivi, être interprétées de façon à promouvoir la cohérence et l’uniformité d’application.

L’objet clairement énoncé de la Loi sur la concurrence est le suivant :

de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne, d’améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits [33] .

Heinz, d’autre part, a soutenu que le Parlement promulgue toutes les lois dans l’intérêt public et que, en promulguant la LMSI, il a reconnu l’importance de protéger les producteurs nationaux. Autrement dit, la protection des producteurs nationaux contre les importations faisant l’objet d’un commerce déloyal est la finalité première et l’objectif principal de la structure de la LMSI. À l’appui de leur affirmation, les avocats de Heinz ont invoqué la cause sur le Sucre raffiné, où les membres du Tribunal ont conclu que « l’objet central et premier de la LMSI est de protéger la branche de production nationale contre les importations qui font l’objet d’un commerce déloyal » [34] . Le Tribunal est d’accord sur cette opinion.

Selon le Tribunal, tant la Loi sur la concurrence que la LMSI ont été promulguées pour promouvoir et protéger les pratiques commerciales loyales au Canada afin de favoriser le bien-être économique canadien. Ces intérêts sont réalisés, en partie, en veillant à ce que des importations faisant l’objet d’un commerce déloyal ne causent pas de dommage aux branches de production canadienne. Ces intérêts sont également réalisés par la promotion de la concurrence loyale sur le marché. La Loi sur la concurrence et la LMSI sont toutes deux d’importants outils de politique publique qui peuvent être appliqués pour créer une conjoncture favorable sur le marché par l’établissement de règles de jeu équitables, la suppression des obstacles et la promotion de la concurrence loyale. Selon la nature des questions en cause, les parties peuvent recourir à la loi pertinente pour atteindre les résultats qu’elles visent. Lorsque les parties se présentent devant le Tribunal pour obtenir une protection contre des importations qui font l’objet de dumping au Canada ou de subventionnement déloyal, elles le font aux termes de la LMSI et non aux termes de la Loi sur la concurrence. C’est la LMSI qui confère au Tribunal sa compétence pour enquêter sur de telles questions et, en cas de divergence entre les deux lois susmentionnées, le Tribunal doit s’en remettre aux dispositions de la LMSI.

Sans perdre de vue l’objet premier de la LMSI, le Tribunal a soupesé les diverses préoccupations en matière d’intérêt public, dans l’examen à la fois de la question de savoir si le seuil avait été atteint et, le cas échéant, quel serait le niveau de droits qu’il conviendrait de fixer. Les préoccupations en matière d’intérêt public ainsi prises en compte ont été les effets des prix sur les consommateurs, et particulièrement le fardeau financier pour les familles à faible revenu, la santé des bébés canadiens et les effets, sur le plan des prix et sur d’autres plans, de la concurrence, ou du manque de concurrence, sur le marché canadien après la décision de Gerber de mettre fin à l’importation de CPAB. De même, le Tribunal a pris en compte les intérêts publics relatifs à la persistance de la viabilité de l’usine de Leamington de Heinz et à son incidence sur cette collectivité et sur les branches de production associées en amont, y compris la collectivité agricole du sud-ouest de l’Ontario.

PARTIE III - POSITION DES PARTIES

1. Exposés en faveur de l’élimination ou de la réduction des droits antidumping

a) Grand public

Le Tribunal a reçu des exposés écrits et entendu des témoignages de plusieurs personnes et organisations exprimant l’opinion que l’intérêt public exigeait l’élimination ou la réduction des droits antidumping sur les importations de CPAB en provenance des États-Unis. Ces personnes et organisations sont les suivantes : Institut canadien de la santé infantile, Dr William James, Infant Feeding Action Coalition Canada, Le Collège des médecins de famille du Canada, Distribution Canada Inc., Mme Angela Grella-Gos, La Fédération canadienne des épiciers indépendants, Community Nutritionists’ Council, Le Conseil de la politique alimentaire de Toronto, Service de la santé de la Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, Ottawa West End Community Chaplaincy, Organisation nationale anti-pauvreté, Groupe de défense des enfants pauvres d’Ottawa-Carleton, Association des consommateurs du Canada, Campagne 2000, La Société ontarienne des professionnel(le)s de nutrition en santé publique et Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec.

Les exposés et témoignages susmentionnés ont soulevé cinq principales questions d’intérêt public liées à l’imposition de droits antidumping ou à l’imposition de tels droits à leur plein montant. Premièrement, les parties ont exprimé leurs préoccupations au sujet de l’augmentation des prix des CPAB qui découlerait soit de l’imposition de droits antidumping soit du départ de Gerber du marché, qui laisserait Heinz libre de hausser les prix. Leurs préoccupations portaient sur les effets des augmentations de prix sur tous les consommateurs mais, plus particulièrement, sur le fardeau financier que représente, pour les familles à faible revenu, l’achat d’un produit qui est devenu un élément important de l’alimentation des bébés au Canada. Les parties ont dit également craindre que l’augmentation des prix des CPAB ne mène à la préparation non sécuritaire à la maison d’aliments pour bébés, à la dilution des CPAB ou à « l’étirement à sa limite » de l’utilisation, au-delà de la date recommandée, des aliments pour bébés restant dans des contenants déjà ouverts, entraînant ainsi une mauvaise alimentation des bébés et d’autres problèmes de santé, particulièrement l’étouffement. Deuxièmement, à cause de l’imposition de droits antidumping, la question a été soulevée que Gerber et d’autres fournisseurs américains potentiels de CPAB ne seraient plus compétitifs sur le marché canadien, ce qui réduirait ou supprimerait le choix des consommateurs quant aux marques de commerce et à la gamme de CPAB disponibles au Canada. Troisièmement, une autre préoccupation associée à la concurrence touchait la continuité de l’approvisionnement en CPAB au Canada advenant un arrêt de travail ou la contamination d’un produit à l’usine de Leamington de Heinz, si cette dernière devait être l’unique source de CPAB au Canada. Quatrièmement, les parties ont aussi dit se préoccuper du fait que le service aux plus petits détaillants pourrait être de moindre qualité s’il n’existe qu’une source d’approvisionnement de CPAB au Canada. Enfin, la question a été posée quant à savoir si, étant donné la moindre concurrence commerciale, Heinz serait autant motivée à continuer l’innovation de produits et l’amélioration de la qualité de sa gamme de CPAB.

b) Gerber

Les avocats de Gerber ont déclaré que le plein montant des droits dépasse de beaucoup ce que le marché peut accepter et le montant qui suffit à faire disparaître le dommage causé à Heinz. Ils ont soutenu que leur argument est corroboré par le fait que, après les conclusions de dommage, Gerber n’a pas pu convaincre un grand détaillant d’accepter une augmentation de prix de 30 p. 100 des CPAB expédiées directement de son usine américaine. Gerber a soutenu que, avec cet arrangement direct entre sociétés sans lien de dépendance, une augmentation de 30 p. 100 suffirait à éviter l’imposition de droits antidumping, mais que les droits doivent être fixés bien au-dessous de 30 p. 100 pour maintenir la concurrence. De plus, les avocats ont souligné que Heinz avait admis que les prix de gros n’étaient pas susceptibles d’augmenter jusqu’au niveau des valeurs normales, c’est-à-dire les niveaux des prix aux États-Unis, et que le président de Heinz avait témoigné que cette dernière n’avait pas besoin que le plein montant des droits antidumping soit imposé pour faire disparaître le dommage causé par le dumping.

Les avocats de Gerber ont déclaré que les éléments de preuve indiquent que, si les droits sont maintenus, plusieurs familles canadiennes, particulièrement celles des petites collectivités et celles à faible revenu, perdraient leur accès à des CPAB de qualité à des prix abordables. Ils ont souligné que plusieurs Canadiens et Canadiennes ne préparent pas les aliments pour bébés à la maison parce qu’ils n’ont pas la connaissance suffisante, ou le matériel, l’espace de rangement ou le temps nécessaires. Les avocats ont soutenu que les éléments de preuve indiquent que les parents à faible revenu contraints de dépenser davantage pour l’achat de CPAB dépenseraient moins pour combler leurs autres besoins. Ils ont déclaré que certains s’inquiètent que l’absence de concurrence sera suivie d’une diminution de la motivation de Heinz à améliorer les CPAB.

Les avocats de Gerber ont souligné que le témoin de Shoppers a déclaré que les CPAB sont un produit d’appel et que la perte des CPAB de Gerber signifiait que Shoppers avait perdu un moyen de se distinguer des chaînes d’épicerie. Les avocats ont indiqué que le témoin n’avait pas confiance que les CPAB sous marque de distributeur puissent être une solution de rechange viable pour Shoppers, puisque le produit en est un de « consommation personnelle » et que la marque de commerce a alors de l’importance aux yeux des consommateurs.

Les avocats de Gerber ont allégué que Heinz était présentement l’unique fournisseur de CPAB et ont fait valoir qu’il n’existe aucun élément de preuve crédible que d’autres fournisseurs ont sérieusement tenté de fournir des CPAB sur le marché. De plus, les avocats ont fait observer que Nestlé avait choisi de ne pas acheter Beech-Nut aux États-Unis, à un prix représentant relativement une excellente affaire, et ils ont déclaré que cela démontre que Nestlé a délibérément choisi de ne pas revenir sur le marché nord-américain des CPAB.

Les avocats de Gerber ont souligné que Gerber a identifié plusieurs facteurs qui empêchent l’entrée sur le marché canadien des CPAB. Ces facteurs incluent, notamment, la taille relativement faible et décroissante du marché canadien des CPAB, l’existence d’une capacité de production excédentaire à l’usine de Leamington de Heinz, le coût des diverses solutions de rechange, en termes d’importations ou de nouvelle production nationale, et la position dominante de Heinz sur le marché canadien des CPAB.

Quant à l’analyse pro forma de Heinz liée à la possibilité de nouveaux venus sur le marché canadien, les avocats de Gerber ont souligné que les augmentations de prix dont l’analyse a indiqué comme étant nécessaires, dépassaient celles qu’ont déjà rejetées les détaillants de Gerber. Les avocats ont ajouté que l’analyse n’avait pas pris compte de la capacité de Heinz d’établir des prix inférieurs à ceux des nouveaux concurrents potentiels et qu’aucune indication n’était offerte sur la manière dont les concurrents pourraient surmonter les obstacles à l’entrée. Ils ont indiqué que l’analyse était fondée sur la structure des coûts de Heinz et que rien ne démontrait que la structure des coûts d’un concurrent potentiel serait la même.

Les avocats de Gerber ont déclaré que les usines américaines de Gerber continuent d’avoir une capacité excédentaire et qu’il est déraisonnable d’attendre de Gerber qu’elle construise une usine au Canada pour exporter aux États-Unis. En réponse à l’argument selon lequel le pouvoir compensateur des détaillants restreindrait la taille des augmentations de prix, les avocats ont fait observer que l’expert économiste de Gerber a souligné qu’il était tout autant plausible que Heinz se serve de son pouvoir accru de négociation pour augmenter les prix des autres produits. Les avocats ont aussi soutenu que, si Gerber quitte le marché de façon permanente, les détaillants ne pourront plus se servir des offres possibles d’un fournisseur comme argument de négociation avec l’autre.

Gerber a soutenu que les droits antidumping devraient être éliminés. Si, cependant, le Tribunal déterminait que les droits ne devraient qu’être réduits, Gerber a proposé une mesure corrective selon laquelle ses prix nets réels seraient majorés selon un pourcentage déterminé pour compenser l’érosion des prix et la compression des prix qu’a subies Heinz à cause du dumping. Si les prix de vente imposés par Gerber baissent sous le seuil déterminé, les droits seraient fixés à un montant égal à l’écart ainsi creusé. La proposition ajoute que les prix de vente imposés par Gerber seraient rajustés annuellement pour tenir compte de l’inflation. Enfin, Gerber a demandé que la réduction des droits antidumping s’applique rétroactivement à la date de la décision provisoire de dumping du Sous-ministre (soit le 30 décembre 1997). Les avocats de Gerber ont soutenu que les questions d’intérêt public qui ont été soulevées existaient au moment où les conclusions de dommage et la décision provisoire ont été rendues, que Heinz avait déjà été compensée pour le dommage subi et que son bien-être financier ne serait pas affecté par une réduction rétroactive. Ils ont indiqué que, puisque le montant des droits dépasse la valeur du dommage causé par le dumping, ne pas rembourser les droits reviendrait à pénaliser Gerber pour du dumping non dommageable.

c) Directeur des enquêtes et recherches

Les avocats du Directeur ont soutenu que le Tribunal doit soupeser l’intérêt public lié au maintien des droits antidumping et l’intérêt public lié à l’élimination ou à la réduction des droits antidumping. Les avocats ont soutenu que les présentes circonstances sont exceptionnelles puisque les marges de dumping, si elles sont maintenues, empêcheraient la concurrence de Gerber ou de n’importe qui d’autres des États-Unis, laissant Heinz comme unique fournisseur de cet important produit. Ils ont soutenu que les faits de la présente cause justifient d’éliminer les droits antidumping et de laisser libre cours aux forces du marché. Si, cependant, le Tribunal devait décider de maintenir en place une certaine forme de mécanisme pour redresser le marché, ce mécanisme doit être simple et ne pas surcompenser. Les avocats ont déclaré que, étant donné les circonstances de la présente cause, l’élimination ou la réduction des droits n’établirait pas de précédents permettant aux exportateurs de faire la pratique du dumping impunément au Canada.

Quant à la question de l’intérêt public lié au maintien des droits, les avocats du Directeur ont allégué qu’il avait été conclu à un dommage limité, déclarant que le Tribunal avait constaté une compression des prix et une certaine mesure d’érosion des prix, cette érosion ayant été en grande partie comblée depuis. Ils ont indiqué qu’il n’y avait qu’un seul producteur national et que les CPAB ne représentaient qu’une fraction de sa production globale en tant qu’entreprise. Ils ont admis les affirmations des témoins portant sur le fort degré de dépendance de la viabilité des autres éléments de production de Heinz sur le volume des CPAB et selon lesquelles plusieurs fournisseurs ainsi que la collectivité dépendent de la vigueur de l’usine de Leamington de Heinz. Néanmoins, ils ont allégué que Heinz est en grande partie maître du volume de production de l’usine de Leamington. Par exemple, Heinz n’a pas exporté de CPAB aux États-Unis depuis son usine de Leamington, même si elle a soutenu que le Canada convenait bien comme site d’une nouvelle usine orientée sur le marché nord-américain.

Les avocats du Directeur ont allégué que les droits antidumping devraient uniquement suffire à empêcher le dommage à la branche de production nationale et que d’imposer des droits au-delà de ce seuil est contraire à l’intérêt public. Les avocats ont soutenu que, dans la présente cause, les droits dépassaient les simples droits nécessaires pour éviter le dommage attribuable au dumping. Les avocats ont indiqué que les fluctuations du taux de change entre les devises canadienne et américaine ont déjà fourni un degré de protection accrue à Heinz. De plus, les avocats ont allégué que la méthode de Revenu Canada s’était appuyée sur les prix reconstitués des exportations et, dans plusieurs cas, sur les valeurs normales reconstituées et qu’il était impossible de dire si les prix effectivement payés par un détaillant étaient supérieurs ou inférieurs aux prix comparables aux États-Unis.

Les avocats du Directeur ont soutenu que les éléments de preuve sur le dommage que les droits causeraient aux utilisateurs et aux acheteurs étaient probants, particulièrement en ce qui touche les familles à faible revenu. Les avocats ont indiqué que les CPAB étaient un besoin fondamental pour beaucoup de parents, dont la plupart n’ont pas retenu la solution de rechange qui consisterait à préparer régulièrement à la maison des aliments pour bébés et que presque personne n’applique exclusivement. Les avocats ont allégué que les éléments de preuve montrent clairement que beaucoup de gens ne sont tout simplement pas capables de préparer à la maison des aliments pour bébés en raison d’un manque de connaissances, de matériel ou de temps. Ils ont indiqué que les éléments de preuve montrent que les familles à faible revenu utilisent tout autant de CPAB que les familles à revenu plus élevé, que beaucoup de gens des régions éloignées ou des régions du nord du Canada comptent sur les CPAB, que les parents et les frères et sœurs plus âgés des familles pauvres se sacrifient pour que les bébés mangent suffisamment et que les CPAB font déjà l’objet de dilution ou d’utilisation étirée à sa limite.

Les avocats du Directeur ont déclaré que les éléments de preuve montrent qu’un choix d’aliments pour bébés était essentiel au cours des années de formation d’un bébé. Ils ont fait observer que la disparition des CPAB de Gerber avait éliminé le choix entre deux marques de CPAB et que, en l’absence de marques de commerce concurrentes, l’ampleur du choix dans la gamme de CPAB serait laissée à la discrétion de Heinz. Quant à l’assurance de la qualité, les avocats ont dit s’interroger quant à savoir si Heinz, en l’absence de Gerber, aurait reformulé ses produits aussi rapidement qu’elle l’a fait après le rapport du CSPI. Les avocats ont allégué que, si le plein montant des droits est maintenu, une seule usine fournirait des CPAB et que, advenant une grève ou un rappel de produits, aucune autre source de rechange de CPAB ne serait facilement disponible au Canada.

Quant à la question des nouveaux venus, les avocats du Directeur ont indiqué qu’il n’est objectivement pas probable que de nouveaux venus tenteront d’entrer sur un marché qui est à ce point sous l’emprise de Heinz, étant donné les autres obstacles importants à l’entrée sur le marché qui prévalent. Les avocats ont fait observer que plus les produits de Gerber seront absents des magasins longtemps, plus il sera difficile de les y remettre.

En conclusion, les avocats du Directeur ont soutenu qu’une fraction importante du plein montant des droits était à titre gratuit, et, de ce fait, nuisible. Les avocats ont allégué que la meilleure façon d’équilibrer les préoccupations liées à l’intérêt public était d’éliminer le plein montant des droits. Cependant, ils ont soutenu que, si le Tribunal était convaincu que l’imposition des droits antidumping était nécessaire, les droits devraient en être fixés à un niveau qui ne cause pas de dommage superflu. Ils ont allégué que la meilleure façon de procéder serait d’imposer un droit sous forme d’un montant en valeur absolue par pot parce que cela permettrait d’atteindre tout objectif lié au redressement d’un prix, serait facile à administrer et éviterait une correction excessive et la rigidité de la réaction du marché. Les avocats ont souligné que les exposés écrits du Directeur préconisaient un droit de 4 ¢ le pot et allégué que les éléments de preuve présentés dans le cadre de l’audience publique montraient clairement que, si un montant quelconque de droit était justifié, il devrait être inférieur à 4 ¢ le pot. Enfin, les avocats ont allégué que toute recommandation visant l’élimination ou la réduction des droits doit être accompagnée d’une recommandation visant le remboursement de l’excédent des droits payés jusqu’à présent.

2. Exposés en faveur du maintien des droits antidumping

a) Grand public

La Children’s Hospital of Western Ontario Foundation et le Children’s Miracle Network ont appuyé la position de Heinz et indiqué que cette dernière avait fourni un appui financier considérable par l’entremise de divers programmes de recherche et de bienfaisance. Leurs exposés ont souligné l’éthique professionnelle de Heinz en tant que société consciente de ses responsabilités sociales.

Recker Distribution, Hepburn Farms Ltd., Uniplast Industries Inc., Marshland Gardens Limited, The Laird Group, Hensall District Co-op, Design Partners et Gay Lea Foods Co-operative Limited ont présenté des exposés écrits au Tribunal à l’appui de la position de Heinz. L’Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, le Local 772 de l’International Union of Operating Engineers, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, l’Ontario Tender Fruit Producers’ Marketing Board, l’Ontario Vegetable Growers’ Marketing Board, la Corporation of the Town of Kingsville, la Corporation of the Town of Leamington, la Leamington District Chamber of Commerce et M. Bruce Crozier, député de Essex South, ont présenté des exposés écrits à l’appui du maintien des droits antidumping sur les importations de CPAB qui proviennent des États-Unis. Beaucoup des personnes et organisations susmentionnées ont soulevé la question de la viabilité de l’usine de Leamington de Heinz sans les droits antidumping ainsi que de l’incidence possible de la fermeture de cette usine pour les employés et employées, les fournisseurs et les collectivités voisines de Leamington.

De plus, M. Crozier et des représentants de l’Ontario Tender Fruit Producers’ Marketing Board, de l’Ontario Vegetable Growers’ Marketing Board, de l’Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, du Local 772 de l’International Union of Operating Engineers, de la Corporation of the Town of Leamington et de la Leamington District Chamber of Commerce ont comparu à l’audience publique à l’appui de la position de Heinz.

b) Heinz

Les avocats de Heinz ont soutenu que les augmentations de prix étaient le résultat naturel et logique de l’imposition de droits antidumping. Cependant, les avocats ont soutenu que, dans la présente cause, les augmentations de prix seraient disciplinées par le pouvoir compensateur des détaillants, la concurrence actuelle ou potentielle issue d’une nouvelle production nationale, les importations et le déplacement vers les aliments pour bébés préparés à la maison.

Les avocats de Heinz ont soutenu qu’il est possible d’établir le marché pertinent pour l’examen en matière d’intérêt public en considérant quels produits sont substituables aux CPAB. Ils ont soutenu que les aliments pour bébés préparés à la maison sont considérés comme substituables aux CPAB et, par conséquent, doivent faire partie du marché à l’étude. À cet égard, Heinz ne se trouve pas en situation de monopole avec le départ de Gerber, puisqu’elle doit faire concurrence aux aliments pour bébés préparés à la maison.

Les avocats de Heinz ont soutenu que l’imposition de droits antidumping n’avait pas contraint Gerber à se retirer du marché et, en vendant directement à ses clients canadiens à partir de ses usines américaines, Gerber pourrait réduire sensiblement le niveau des droits qui seraient imposés en éliminant les transactions entre sociétés ayant un lien de dépendance qui ont mené au choix du calcul de la marge d’après les prix reconstitués des exportations aux termes de l’alinéa 25(1)c) de la LMSI.

Quant à la concurrence potentielle, les avocats de Heinz ont soutenu que les entraves au commerce dont il a été fait mention dans le cadre de l’examen en matière d’intérêt public ne sont pas incontournables. Les économies d’échelle peuvent être réalisées dans un contexte nord-américain, sinon dans un contexte canadien. Si le témoin expert du Directeur avait raison lorsqu’il a déclaré que Heinz bénéficiait d’un monopole naturel, alors aucun motif de bien-être public n’existerait pour justifier la réduction des droits, puisque, en tant que monopole naturel, la production actuelle de Heinz serait le moyen d’approvisionnement le plus efficient.

Quant aux circuits de distribution, les avocats de Heinz ont soutenu que les éléments de preuve indiquent que les contrats d’exclusivité, à long terme, entre Heinz et ses clients ne valent pas plus que le papier sur lequel ils sont écrits parce que les clients sont tout à fait prêts à rechercher d’autres concessions et des réductions au niveau des prix durant les ententes et parce que Heinz est d’avis qu’il lui faut satisfaire à de telles demandes. Les avocats ont déclaré que de telles ententes ne constituent pas une entrave à l’entrée sur le marché.

Les avocats de Heinz ont avancé que le capital marques de Gerber persistera et le coût de la rentrée de cette dernière sur le marché canadien plus tard ne sera pas prohibitif. En outre, la réputation établie dans le domaine de l’alimentation des bébés des nouveaux venus sur le marché, comme Milupa ou Nestlé, les aidera à pénétrer le marché canadien des CPAB.

Les avocats de Heinz ont soutenu que le choix du consommateur serait maintenu par la concurrence avec Gerber ou avec un nouveau venu ou grâce au programme permanent de développement de nouvelles variétés de Heinz. Les avocats ont avancé que le CSPI, l’Association des consommateurs du Canada et l’opinion des consommateurs ne sont pas disparus du marché et que ces forces garantiront la persistance de l’offre, par Heinz, de produits de qualité à des prix raisonnables.

Les avocats de Heinz ont déclaré que les éléments de preuve ne corroborent pas les allégations selon lesquelles les droits antidumping ont eu un effet démesuré sur les familles à faible revenu. Ces familles, comme toutes les familles, selon les avocats, ont bénéficié de prix artificiellement bas à cause du dumping. Heinz ne demande que l’occasion de ramener les prix à des niveaux raisonnables. Selon les estimations présentées lors de la déclaration d’un témoin du Directeur, une augmentation de 30 p. 100 des prix des CPAB se traduirait par une augmentation de 43,20 $ du coût de l’alimentation d’un bébé pour toute la période d’alimentation de 30 semaines, soit de seulement 1,44 $ par semaine. En outre, les avocats ont allégué qu’aucun élément de preuve présenté n’a établi de lien entre l’augmentation des problèmes de santé et l’augmentation du prix des aliments pour bébés, soit au Canada soit ailleurs dans le monde, où les aliments pour bébés coûtent en général plus cher et où on utilise davantage d’aliments pour bébés préparés à la maison.

En conclusion, les avocats de Heinz ont soutenu que les éléments de preuve soumis dans la présente cause ne justifiaient pas de recommander au Ministre l’élimination ou la réduction des droits antidumping. Si le Tribunal est convaincu qu’une réduction est justifiée, les avocats ont soutenu que cette réduction devrait être appliquée en fixant un prix minimal au premier client sans lien de dépendance au Canada. Le point de départ du calcul d’une augmentation de prix devrait être le montant de l’augmentation des prix que Heinz a pu apporter à ses prix sur le marché du Québec durant ses exercices 1996-1997 et 1997-1998. Il faudrait ajouter au prix majoré susmentionné un montant pour tenir compte de l’effet d’érosion et de compression des prix de la présence de Gerber sur le marché québécois. Ce montant devrait inclure une indemnisation pour tenir compte des engagements à long terme d’augmenter les escomptes, les rabais et les remises rendus nécessaires par la disponibilité de produits sous-évalués sur le marché. Enfin, les avocats ont soutenu que, si le Tribunal recommande une réduction des droits antidumping, il n’est pas dans l’intérêt public de recommander une réduction rétroactive des droits payés jusqu’à présent et qu’un tel remboursement ne saurait servir que les seuls intérêts commerciaux de Gerber.

PARTIE IV - EFFETS DES DROITS ANTIDUMPING SUR LES PRIX

1. Introduction

Presque tous les exposés sur la question de l’intérêt public, qu’ils portent sur les avantages ou sur les fardeaux découlant de l’imposition des droits antidumping, mentionnent les augmentations de prix. Plus précisément, certains exposés avancent qu’un manque de concurrence sur le marché des CPAB entraînerait une augmentation indue des prix. En outre, les exposés expriment des préoccupations liées aux effets que les prix plus élevés pourraient avoir sur les familles à faible revenu et sur la santé des bébés. D’autres exposés traitent de la nécessité d’augmenter les prix pour préserver la viabilité de la production canadienne et protéger les emplois à l’usine de Leamington de Heinz, les fournisseurs en amont, et les collectivités et l’industrie agricole des environs de l’usine de Leamington.

Avant d’entreprendre son analyse, le Tribunal fait observer qu’une fois des conclusions de dommage sensible rendues et un régime antidumping en place, en général, les prix augmentent, puisque la branche de production nationale n’est plus assujettie à la pression à la baisse imposée par la concurrence des importations à des prix sous-évalués. L’ampleur de l’augmentation, cependant, peut être limitée par d’autres facteurs. Dans la présente section, le Tribunal analyse d’abord les facteurs qui pourraient limiter l’augmentation des prix étant donné l’application de droits antidumping à leur plein montant. Le Tribunal analyse ensuite les effets de l’élimination des droits et, finalement, les effets de réductions partielles des droits.

Pour évaluer les effets des droits antidumping, le Tribunal a surtout examiné non pas les prix de détail, qui varient selon la région du pays et selon les différents points de vente au détail, mais plutôt la variation ou la variation possible des prix nets réels de gros, puisque c’est au niveau du circuit de distribution de gros que Heinz et Gerber se font concurrence. L’expression « prix nets réels », ainsi qu’il a déjà été indiqué, s’entend des prix de vente nets rendus obtenus par Heinz et par Gerber de leurs clients au Canada, moins toutes les formes d’escompte [35] . Comme les prix de détail, les prix nets réels varient d’une région à l’autre du Canada. Le Tribunal a surtout axé ses analyses sur les prix nets réels moyens pondérés pour l’ensemble du Canada.

2. Droits antidumping à leur plein montant

Le Tribunal a calculé que la marge moyenne de dumping et, donc, le montant moyen de droits antidumping auquel les importations de CPAB de Gerber auraient été assujetties durant la période d’enquête de Revenu Canada (de janvier à juin 1997), se situait entre 20 ¢ et 45 ¢ le pot, selon la catégorie de CPAB [36] . Ainsi, en se basant sur l’information portant sur la période d’enquête de Revenu Canada, le prix net réel moyen des CPAB de Gerber devrait être augmenté de 20 ¢ à 45 ¢ le pot, selon la catégorie de CPAB, pour éviter l’imposition de droits antidumping.

Depuis les conclusions de dommage que le Tribunal a rendues le 29 avril 1998, Gerber a pratiquement cessé d’importer des CPAB au Canada à cause, vraisemblablement, de l’effet des droits à leur plein montant sur le prix qu’elle pouvait offrir aux acheteurs étant donné la conjoncture des bas prix qui existait alors. En l’absence d’un approvisionnement continu de CPAB de Gerber, les magasins qui détenaient des stocks de CPAB de Gerber les ont épuisés, et la plupart achètent maintenant des CPAB à Heinz. Entre-temps, de mai à juillet 1998, soit au premier trimestre de Heinz qui a suivi les conclusions du Tribunal, le prix des CPAB de Heinz sur le marché canadien est demeuré relativement stable, n’augmentant que de quelques points de pourcentage par rapport au prix moyen déclaré à l’exercice précédent. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, la part du marché des CPAB détenue par Heinz a connu une hausse marquée durant le mois de juin (le dernier mois sur lequel porte les données dont dispose le Tribunal), et Heinz réalisera probablement près de 100 p. 100 des nouvelles ventes de CPAB, sinon leur totalité, d’ici la fin de 1998.

a) Options stratégiques de Heinz en matière de prix

Bien que Heinz n’ait pas encore augmenté le prix de ses CPAB, dans le contexte de l’application de droits antidumping à leur plein montant, il est probable qu’elle les augmentera. Les témoignages indiquent que Heinz n’atteint présentement pas ses objectifs de rendement sur les ventes de CPAB au Canada [37] .

M. Brian E. Falck, président de Heinz, a déclaré que cette dernière établit ses prix d’après ses objectifs de rendement, puis tente « d’ajouter de la valeur » à ses produits pour que ses clients acceptent de payer les prix indicatifs [38] . Autrement dit, Heinz essaie de concevoir ses produits et ses stratégies d’établissement des prix afin de satisfaire les objectifs de rendement de ses actionnaires, puis tente d’enlever la meilleure part du marché qu’elle peut, à ce niveau.

En tant qu’unique fournisseur de CPAB commerciales, Heinz dispose d’une latitude considérable dans le choix de la façon dont elle procédera pour augmenter les prix des CPAB. Elle pourrait choisir d’augmenter ses prix courants, ou de diminuer le montant des escomptes, des remises et des rabais offerts à ses clients au moment du renouvellement de leur contrat. Si elle décide d’augmenter les prix courants, elle pourrait tenter d’appliquer une forte augmentation d’un seul coup, ou décider de « sonder » le marché en procédant par une série d’augmentations plus faibles pour mieux évaluer la réaction du marché et déterminer l’ampleur des augmentations de prix qu’il lui serait possible d’appliquer, ce qu’elle fera probablement selon des témoins de cette dernière [39] .

Le Tribunal est d’avis que Heinz tentera d’augmenter les prix de ses CPAB sur le marché canadien pour hausser le niveau de son bénéfice d’exploitation sur ces produits. Cependant, elle le fera probablement au moyen d’une série d’augmentations progressives, pour ainsi minimiser les réactions de ses clients de gros et, en bout de ligne, des acheteurs de CPAB au détail. Les facteurs dont il est discuté ci-dessous peuvent cependant avoir une incidence sur le niveau jusqu’auquel les prix peuvent augmenter.

b) Potentiel de concurrence commerciale

Au cours de l’audience publique, M. Falck a avancé que, en moyenne, il faudrait que les prix augmentent de l’ordre de 33 p. 100 à 48 p. 100 avant que le marché canadien ne devienne attrayant pour les importations en provenance d’autres sources ou pour une nouvelle production canadienne. Selon M. Falck, une telle augmentation de prix représente à peu près une augmentation de 13 ¢ à 19 ¢ le pot par rapport au prix net réel moyen actuel des CPAB au Canada [40] .

Heinz a allégué qu’il existe plusieurs sources possibles de concurrence commerciale qui pourraient entrer sur le marché canadien, soit sous forme d’importations directes soit sous forme de nouvelle production canadienne. Selon Heinz, cette possibilité de nouveaux venus sur le marché limitera les augmentations de prix sous le niveau du plein montant des droits antidumping.

Gerber a convenu que les prix pourraient ne monter que jusqu’au niveau susmentionné, non pas à cause de l’arrivée réelle de nouveaux venus sur le marché canadien, mais plutôt, selon Gerber, parce que Heinz prendrait soin d’établir ses prix sous le seuil à partir duquel, selon cette dernière, les nouveaux venus pourraient trouver le marché canadien attrayant. Heinz, tout en niant qu’elle agirait délibérément de la sorte, a reconnu qu’elle ne souhaiterait pas la bienvenue aux nouveaux venus. Comme M. Falck l’a déclaré, « souhaiter la bienvenue ne fait pas -- vous savez, pas partie de notre vocabulaire » [41] [traduction]. Il a poursuivi en déclarant que Heinz mettrait en œuvre une stratégie de produits et de commercialisation conçue pour que les consommateurs canadiens ne s’arrêtent pas à considérer un nouveau venu et que Heinz demanderait « les meilleurs prix qu’elle peut tirer du marché » [42] [traduction].

i) Importations en provenance des États-Unis

Ainsi qu’il a déjà été mentionné, après l’imposition de droits antidumping, Gerber s’est rendue compte qu’elle ne pouvait continuer à importer et à vendre des CPAB au Canada à des prix compétitifs. Heinz a avancé que les importations de Gerber É.-U. et d’autres producteurs des États-Unis pourraient entrer sur le marché canadien à des prix « ne faisant pas l’objet de dumping » et qu’un tel scénario était viable. Pour ce faire, Gerber É.-U. devrait modifier ses arrangements de vente actuels et vendre directement à des clients non liés au Canada pour éviter les droits plus élevés auxquels les transactions entre sociétés ayant un lien de dépendance sont assujetties [43] . En fait, Gerber É.-U. a tenté de vendre directement aux clients canadiens de Gerber à des prix plus élevés de 30 p. 100, une majoration qui, selon elle, était nécessaire pour éliminer les droits antidumping dans une vente directe. Aucun des clients de Gerber n’a accepté la proposition. Bien que, selon Gerber, le prix ait été le principal motif d’un tel refus, Shoppers a indiqué que d’autres facteurs avaient influencé sa décision de ne pas acheter directement de Gerber É.-U. [44]

Pour ce qui est des autres exportateurs américains, Beech-Nut est le seul autre producteur de CPAB en provenance des États-Unis signalé au Tribunal. Bien que le Tribunal ait fait parvenir un questionnaire à Beech-Nut, cette dernière n’y a pas répondu. Selon les renseignements présentés par Gerber, les prix des produits de Beech-Nut aux États-Unis sont similaires aux prix des produits comparables de Gerber [45] . Il est donc probable que s’il était demandé à Revenu Canada de déterminer des valeurs normales des produits de Beech-Nut pour exportation sur le marché canadien, ces valeurs normales seraient comparables à celles des produits de Gerber pour un niveau de distribution similaire. Étant donné que ces valeurs sont plus élevées que les niveaux des prix canadiens actuels, si Beech-Nut devait vendre ses produits à des parties non liées au Canada, elle devrait probablement les vendre à des prix similaires à ceux estimés par Gerber pour des transactions entre sociétés sans lien de dépendance.

ii) Importations en provenance d’autres pays

Heinz a soutenu qu’il se produit des aliments pour bébés en pot dans beaucoup de pays dans le monde et que ces pays sont libres de vendre des CPAB à des clients canadiens. Cependant, Gerber a souligné que, selon les éléments de preuve soumis par Heinz, parmi les pays industrialisés identifiés, c’est le Canada qui bénéficie du niveau des prix le plus bas [46] . Les sociétés qui voudraient exporter des CPAB au Canada devraient donc le faire à des prix inférieurs aux prix qu’ils obtiennent sur leur marché intérieur, ce qui signifie qu’elles devraient se préoccuper de la possibilité que des mesures antidumping soient entreprises au Canada à leur endroit.

iii) Importations de CPAB sous marque de distributeur

Les éléments de preuve soumis par Heinz indiquent que les CPAB « sous marque de distributeur » représenteraient un produit économique et relativement peu coûteux que les grands détaillants du Canada pourraient importer. Ainsi que l’a soutenu Heinz, l’augmentation par rapport aux prix nets réels actuels qui rendrait l’importation de tels produits attrayante est considérablement plus faible dans le cas de l’importation sous marque de distributeur [47] . Cependant, les déclarations du témoin de Shoppers portent le Tribunal à croire que les détaillants ne voudraient pas s’engager dans la voie des gammes de CPAB sous marque de distributeur [48] . Une raison majeure de cet état des choses, selon le témoin susmentionné, est que, dans le cas de certains articles « de consommation personnelle », les consommateurs font principalement confiance aux produits portant une marque de commerce [49] . En outre, selon une analyse de Shoppers, les mères voudraient avoir une recommandation d’un pédiatre ou d’un médecin avant de se servir d’aliments pour bébés sous marque de distributeur [50] . M. Michael T. Lawton, vice-président principal et chef de l’exploitation chez Gerber É.-U., a témoigné que, d’après son expérience, les aliments pour bébés vendus sous marque de distributeur n’ont pas suscité l’acceptation des consommateurs dans le monde à cause de préoccupations liées à la qualité [51] . En outre, il a témoigné que, au Royaume-Uni, un des rares marchés où se vendent des aliments pour bébés sous marque de distributeur, ces aliments représentent moins de 10 p. 100 du marché global. Il a en outre déclaré ne pas avoir eu connaissance qu’il s’était vendu, à quelque degré appréciable, des aliments pour bébés sous marque de distributeur sur aucun autre marché [52] . Le Tribunal a aussi entendu qu’il ne se vend pas, présentement, d’aliments pour bébés sous marque de distributeur sur le marché américain [53] .

Le Tribunal fait observer que, bien que le coût d’achat initial de produits sous marque de distributeur soit en général inférieur au coût d’achat de produits comparables vendus sous marque de commerce, les détaillants doivent engager des dépenses supplémentaires pour la promotion et la distribution de tels produits au Canada, y compris des promotions continues ciblées sur les nouvelles mères et les femmes enceintes. Étant donné ces coûts supplémentaires et les facteurs dont il a été discuté ci-dessus, l’option qui consisterait à importer des produits sous marque de distributeur perd beaucoup de son attrait. Le Tribunal n’est pas convaincu, par conséquent, que les importations de CPAB sous marque de distributeur serait une solution de rechange économique pour remplacer des produits vendus sous une marque de commerce établie comme les CPAB de Heinz et de Gerber.

iv) Nouvelle production

Heinz a soutenu que, si les prix montent suffisamment, c’est-à-dire de 13¢ à 19¢ le pot, d’autres producteurs, y compris Gerber, seraient incités à produire des CPAB au Canada. Cette production pourrait prendre la forme d’une installation de production « entièrement nouvelle » ou d’une entente de conditionnement à forfait en sous-traitance avec un transformateur alimentaire canadien qui possède une usine ayant une capacité excédentaire. Gerber a soutenu que ni une nouvelle installation de production ni une entente de conditionnement à forfait n’était une option viable dans son cas, étant donné la taille du marché canadien et l’investissement qui serait alors requis [54] .

Le Tribunal est d’avis que la taille du marché canadien est probablement trop petite pour qu’il puisse, à lui seul, assurer la survie d’une nouvelle installation de production. Le Tribunal ne dispose pas de suffisamment de renseignements sur le marché américain pour arrêter un jugement sur la question de savoir si d’autres fournisseurs de CPAB pourraient trouver intéressant d’établir une autre usine au Canada pour servir le grand marché nord-américain. En outre, le Tribunal ne dispose pas de suffisamment de renseignements sur les usines actuelles qui pourraient conclure une entente de conditionnement à forfait pour se faire une opinion sur la question de savoir si Gerber ou un autre producteur d’aliments pour bébés trouverait attrayante l’option du conditionnement à forfait des CPAB au Canada.

v) Entraves à l’entrée

Gerber et le Directeur ont déclaré que les nouveaux venus sur le marché canadien des CPAB se heurteraient à certaines entraves à l’entrée et que ces entraves bloquent effectivement l’émergence de toute nouvelle source d’importations ou toute nouvelle production canadienne. Ces entraves sont, notamment : les droits de douane; la réglementation gouvernementale, comme le Règlement sur les produits transformés [55] , le Règlement sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation [56] et le Règlement sur les aliments et drogues [57] ; le contrôle des circuits de distribution, l’acceptation des nouvelles marques de commerce par le marché et la fluctuation des taux de change.

Les droits de douane imposés sur les CPAB en provenance d’autres pays que les États-Unis vont de 0 p. 100 à 15 p. 100. Les règlements gouvernementaux prescrivent, notamment, des exigences d’étiquetage et de tailles de pot uniques. Gerber et le Directeur ont soutenu que les circuits de distribution des CPAB au Canada sont sous le contrôle effectif de Heinz, par l’intermédiaire d’ententes d’exclusivité passées avec les grandes chaînes d’épiciers-détaillants. En outre, ils ont allégué que tout nouveau venu sur le marché canadien des CPAB devrait appliquer un vaste et coûteux programme de publicité pour gagner l’acceptation du marché. Enfin, ils ont déclaré que la récente dépréciation de la devise canadienne par rapport à la devise américaine a rendu les exportations de produits en provenance des États-Unis plus coûteuses au Canada et que ce fait est non seulement une autre entrave à l’entrée mais a déjà procuré à Heinz une certaine mesure de protection.

M. Falck a témoigné que les entraves à l’entrée susmentionnées pourraient être surmontées, bien qu’en contrepartie d’un certain coût, et que c’est ce que doit habituellement faire toute société qui entre sur un nouveau marché [58] .

vi) Conclusion

Le Tribunal est d’avis qu’avec l’imposition de droits antidumping à leur plein montant, il est peu probable qu’il y aura de nouveaux venus sur le marché canadien des CPAB. Il faudrait soit que Gerber modifie sa structure des ventes au Canada soit que Beech-Nut démontre un intérêt considérable à l’endroit du marché canadien. Même si les prix augmentaient suffisamment pour que d’autres fournisseurs de CPAB exportent au Canada ou établissent une nouvelle production, les entraves à leur entrée sont passablement efficaces. Bien que les ententes d’approvisionnement entre Heinz et ses clients ne soient pas perçues comme liant ces derniers, l’existence des modalités contenues dans ces ententes obligerait un nouveau venu à offrir des modalités aussi avantageuses ou meilleures que celles offertes par Heinz. L’acceptation du marché représente aussi une entrave, potentiellement coûteuse, à l’entrée d’une nouvelle société qui commercialiserait une marque de commerce inconnue des consommateurs canadiens. Cependant, cette entrave pourrait ne pas être insurmontable pour un nouveau venu qui posséderait déjà une marque de commerce renommée et une bonne réputation se rapportant à des aliments ou des produits de soins aux bébés similaires [59] . Une nouvelle marque de CPAB pourrait, en fait, être bien accueillie par certains détaillants qui voudraient s’en servir comme moyen de distinguer les produits qu’ils offrent de ceux de détaillants compétiteurs. Finalement, le Tribunal fait observer que s’ils s’attendent à la poursuite de la dépréciation du dollar canadien, les exportateurs potentiels pourraient y voir une entrave à l’entrée sur le marché canadien. À l’inverse, cependant, l’appréciation du dollar canadien pourrait rehausser l’attrait de l’entrée sur le marché canadien.

c) Pouvoir compensateur des acheteurs

D’autres facteurs pourraient contenir les prix au-dessous du seuil nécessaire pour attirer des nouveaux venus. M. Falck a témoigné que des facteurs sur le marché canadien, comme le pouvoir compensateur des acheteurs, limiteraient probablement l’augmentation moyenne des prix à un montant inférieur, soit dans la fourchette de 9 ¢ à 15 ¢ le pot [60] , ce qui équivaut à une augmentation d’environ 23 p. 100 à 37 p. 100 des prix nets réels moyens des CPAB.

Heinz a soutenu que même si elle est présentement la seule source de CPAB au Canada, étant donné la concentration du pouvoir chez seulement quelques grandes chaînes d’épicerie de détail et de gros, ces grands détaillants peuvent en fait dissuader Heinz d’augmenter le prix de ses CPAB. Par exemple, le plus grand client de Heinz, Loblaws, représente plus de 20 p. 100 de l’ensemble des ventes de tous les produits de Heinz, tandis que le total des produits qu’achète Loblaws à Heinz ne représente qu’environ 1 p. 100 du total des achats de Loblaws [61] . Heinz a soutenu que, étant donné la taille des épiciers et pharmaciens détaillants canadiens et la vaste gamme de produits qu’offre Heinz, elle ne peut se permettre de mettre en péril sa relation avec d’importants clients de gros et de détail en haussant indûment les prix des CPAB. De plus, comme un témoin de Heinz l’a déclaré, cette dernière ne pourrait mettre en péril sa réputation auprès des clients en augmentant les prix des CPAB à des niveaux déraisonnables et garder espoir d’inciter ces consommateurs à acheter ses autres produits, comme le ketchup Heinz [62] .

Dans les circonstances qui prévalent actuellement au Canada, où Heinz est l’unique fournisseur de CPAB, le pouvoir compensateur des acheteurs est manifestement moins grand que lorsque Gerber était également présente sur le marché canadien. Toutefois, le Tribunal croit que les acheteurs seront encore capables d’exercer un certain pouvoir compensateur sur les tentatives d’augmentation des prix de Heinz, puisque les CPAB ne sont qu’un des nombreux produits, bien qu’un produit important, que vend cette dernière. L’ampleur d’un tel pouvoir compensateur est cependant bien plus faible qu’elle le serait s’il existait deux ou plusieurs fournisseurs de CPAB.

d) Réactions des consommateurs aux augmentations de prix

M. Falck a de plus désigné les réactions des consommateurs, comme leur passage à des aliments pour bébés préparés à la maison, comme étant un facteur qui limiterait le montant possible des augmentations de prix des CPAB sur le marché canadien à la fourchette de 9 ¢ à 15 ¢ le pot.

Le Tribunal a reçu un grand nombre d’éléments de preuve dans le cadre du présent examen sur les aliments pour bébés préparés à la maison et sur la mesure dans laquelle ils représentent, de fait, une solution de rechange aux CPAB pour beaucoup de fournisseurs de soins. D’une part, des éléments de preuve présentés indiquent que non seulement les aliments pour bébés préparés à la maison sont substituables aux CPAB, mais qu’ils représentent le but ultime où l’« étalon-or » en matière d’aliments pour bébés. Le Tribunal a entendu que beaucoup de parents considèrent que les aliments pour bébés préparés à la maison sont supérieurs aux CPAB aux points de vue de la qualité et de la valeur nutritive. De plus, les aliments pour bébés préparés à la maison sont considérés comme un choix moins coûteux que les CPAB commerciales. Dans beaucoup de cas, préparer des aliments pour bébés à la maison signifie simplement séparer une partie des aliments du repas familial avant d’y ajouter les épices et piler les aliments jusqu’à ce qu’ils aient une consistance voulue pour que le bébé puisse les assimiler. Les aliments peuvent aussi être cuits, puis broyés, réduits en purée ou tamisés et conservés pour consommation ultérieure.

D’autre part, le Tribunal a entendu de nombreux témoins qui affirment que les CPAB sont un produit nécessaire et que les aliments pour bébés préparés à la maison, bien que relativement simples et peu coûteux, ne sont pas, pour beaucoup de fournisseurs de soins, une option viable. Bien que les aliments pour bébés préparés à la maison devraient être une solution de rechange moins coûteuse que les aliments pour bébés préparés commercialement, préparer les aliments pour bébés à la maison peut entraîner une perte considérable s’il n’y a pas suffisamment d’espace pour conserver les aliments d’une façon sécuritaire jusqu’à ce qu’ils soient consommés, ce qui annule ou réduit l’économie visée en préparant des aliments pour bébés à la maison.

En outre, des témoins ont déclaré que, bien qu’il soit possible de piler beaucoup d’aliments, comme les carottes et les bananes, avec une fourchette jusqu’à consistance voulue, d’autres aliments comme les viandes et les légumes ou les fruits davantage fibreux doivent être broyés ou réduits en purée pour atteindre la consistance voulue. Le Tribunal a entendu que beaucoup de familles à faible revenu n’ont pas le matériel nécessaire pour bien le faire. De plus, le Tribunal a entendu que certaines mères n’ont pas les connaissances nécessaires ou la confiance qu’il faut pour préparer correctement les aliments destinés à leurs bébés.

Plusieurs parties ont avancé que leur commodité était un élément majeur de l’attrait des CPAB préparées commercialement. Souvent, les gens manquent de temps pour préparer les aliments pour bébés à la maison. De plus, l’utilisation de CPAB rassure les parents sur le fait que leurs enfants reçoivent des aliments convenables lorsqu’ils sont confiés aux soins d’autres personnes. Plusieurs parents considèrent les CPAB comme nécessaires, principalement à cause des facteurs susmentionnés. Pour ces familles, par conséquent, les aliments pour bébés préparés à la maison n’ont en général pas été considérés comme facilement substituables aux CPAB, au moins dans la fourchette des prix prévalant sur le marché durant la période visée dans l’enquête du Tribunal.

Malgré l’usage répandu des CPAB dans l’alimentation des bébés canadiens, certains parents continueront de nourrir leurs bébés avec des aliments pour bébés préparés à la maison quel que soit le prix des CPAB. D’autres continueront de voir dans les CPAB un produit nécessaire pour une raison ou pour une autre et accepteront de payer des prix beaucoup plus élevés pour combler ce besoin nécessaire. D’autres parents encore combineront l’utilisation d’aliments pour bébés préparés à la maison et les CPAB durant le stade infantile et peuvent être prêts à remplacer un produit par l’autre si les prix montent suffisamment.

Dans le cadre de son enquête sur les CPAB, le Tribunal a conclu que la demande collective des CPAB était inélastique quant au prix, c’est-à-dire que si les prix de tous les types et marques de CPAB devaient baisser, par exemple, de 1 p. 100, les consommateurs augmenteraient leur achat total de CPAB, mais dans une proportion sensiblement inférieure à 1 p. 100. Inversement, les consommateurs achèteraient moins de CPAB si les prix montaient un peu par rapport à leur niveau actuel, mais la baisse des volumes d’achat serait faible relativement à l’augmentation des prix. Ainsi, dans la fourchette générale des prix des CPAB qui ont prévalu durant la période visée dans l’enquête du Tribunal, une hausse du prix des CPAB, à elle seule, n’entraînerait probablement qu’un faible déplacement depuis les CPAB vers des aliments de rechange, comme les aliments pour bébés préparés à la maison.

Le Tribunal est d’avis que les principes économiques de l’élasticité quant au prix valent également pour les CPAB. Dans une certaine fourchette de prix plus élevés, la demande des CPAB deviendra plus élastique quant au prix. Autrement dit, à un certain prix les diminutions de la demande des CPAB seront proportionnellement plus importantes, davantage de parents se tournant alors vers des produits de rechange pour combler une partie ou même la totalité des besoins alimentaires des bébés auparavant comblés par les CPAB à des prix moins élevés.

Le Pr James A. Brander, un témoin expert de Heinz, a donné une estimation de l’élasticité de la demande des CPAB quant au prix, donnant le Québec à titre d’exemple [63] . La situation au Québec a été rapportée à cause de la faible présence sur le marché du Québec de Gerber durant la période d’avril 1997 à avril 1998 (la période examinée par le Pr Brander) et parce que, depuis quelques années, Heinz a été en mesure d’y apporter des augmentations de prix plus élevées qu’ailleurs au Canada. Tout en admettant que, de par sa nature, son analyse était une analyse grossière, le Pr Brander a soutenu qu’il en ressort nettement que la demande au Québec est élastique quant au prix, dans la fourchette des prix des CPAB qui y ont prévalu récemment. Autrement dit, des prix plus élevés entraîneront une réduction au moins proportionnelle de la demande.

Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas nécessaire, et qu’en vérité il n’est peut-être pas possible, de connaître le prix exact auquel la demande à l’endroit des CPAB devient élastique. La théorie économique corrobore l’existence d’un tel prix cible. L’exemple du Pr Brander indique que les prix au Québec peuvent avoir dépassé ce seuil. Quel que soit ce prix cible pour l’ensemble du Canada, il est clair pour le Tribunal que, à partir d’un certain prix, l’augmentation des prix des CPAB incitera d’une façon croissante les consommateurs à se tourner vers des produits substituts. La nature fondamentale du comportement de la demande des consommateurs limitera donc, dans une certaine mesure, l’ampleur selon laquelle les prix des CPAB pourront augmenter sans déclencher une importante perte de volume des ventes de CPAB au profit de produits de remplacement [64] .

e) Conclusion

Le Tribunal est d’avis que l’augmentation prévue du prix net réel des CPAB de Heinz s’arrêtera probablement bien au-dessous du prix auquel les produits de Gerber, dans le cadre de sa structure actuelle des ventes, devraient être vendus sur le marché canadien avec l’imposition de droits antidumping à leur plein montant. Néanmoins, il y aura probablement une augmentation sensible du prix net réel des CPAB de Heinz par rapport à leur niveau actuel avant qu’il se heurte aux contraintes imposées par les facteurs du marché. Ces facteurs du marché sont, en premier lieu, le pouvoir relatif de négociation des détaillants et le remplacement par les parents des CPAB commerciales par des aliments pour bébés préparés à la maison et, en deuxième lieu, la possibilité de nouveaux venus sur le marché. Dans un tel cadre d’imposition de droits antidumping à leur plein montant, ces contraintes du marché pourraient empêcher les prix nets réels moyens d’augmenter beaucoup plus que de 15 ¢ le pot.

3. Élimination des droits antidumping

Si les droits antidumping sur les importations de CPAB en provenance des États-Unis étaient éliminés, les producteurs américains pourraient entrer librement sur le marché canadien à n’importe quel niveau de prix. Il n’existe aucune garantie, toutefois, que Gerber reviendrait de fait sur le marché, et on ne peut savoir avec certitude non plus ce que d’autres nouveaux venus potentiels, comme Beech-Nut, feraient.

Si Gerber devait revenir sur le marché, l’effet de son retour sur les prix dépendrait en grande partie des décisions de Gerber et des réactions de Heinz. Si Gerber décidait de tenter de regagner sa part historique des ventes commerciales en vendant à des prix ayant déjà fait l’objet de dumping, il est probable que les prix diminueraient alors ou demeureraient à leurs niveaux actuels à court terme, selon la décision de Heinz d’accepter, ou non, la répartition historique du marché entre les deux concurrents. Si Gerber décidait de ne pas revenir sur le marché canadien, Heinz pourrait alors probablement augmenter le prix de ses CPAB, et le faire plus rapidement, puisqu’elle n’aurait pas à se soucier de la concurrence commerciale.

a) Viabilité de la branche de production nationale

M. Falck a témoigné que le marché canadien était, de loin, le marché où la marge bénéficiaire de Heinz pour les produits d’alimentation pour bébés est la plus faible au monde [65] . En outre, M. Falck a soutenu que, si les droits antidumping sont réduits ou éliminés et qu’on laisse reprendre le dumping dommageable, le rendement médiocre persistant relatif à la production de CPAB remettrait en question toute l’exploitation de l’usine de Leamington [66] .

Le Tribunal fait observer qu’il n’est pas rare dans les enquêtes aux termes de la LMSI que les branches de production nationale soutiennent que le dumping dommageable entraînera la fermeture de certaines usines ou même la disparition des branches de production nationale. L’évaluation de ces exposés est toujours une tâche difficile pour le Tribunal, étant donné l’information limitée mise à sa disposition dans le cadre du processus de l’enquête. Dans la présente cause, il existe des éléments de preuve probants que l’usine de Leamington de Heinz serait menacée. Le témoignage des représentants syndicaux qui ont parlé au nom des employés et employées de Heinz indique que ces derniers entrevoient la fermeture de l’usine de Leamington comme étant une possibilité réelle et qu’ils en tiennent véritablement compte lorsqu’ils négocient une convention collective avec Heinz [67] . Il est bien connu que la société mère de Heinz évalue constamment toutes ses installations de production et que le rythme de fermeture de ses usines s’accélère depuis quelques années [68] . En outre, son usine de Pittsburgh, en Pennsylvanie, où elle produit des CPAB destinées au marché américain, est une usine beaucoup plus récente et de plus grande taille qui dispose d’une capacité excédentaire plus que suffisante pour produire des CPAB destinées au marché canadien [69] .

La fermeture de l’usine de production de CPAB de Leamington de Heinz toucherait surtout les employés et employées, les agriculteurs, les fournisseurs et les collectivités qui avoisinent cette usine. La perte du volume de production des CPAB pourrait éventuellement menacer la viabilité de toute l’usine, et ainsi exacerber ces préoccupations. Bien qu’il s’agisse de préoccupations localisées dans le sud-ouest de l’Ontario, elles n’en demeurent pas moins un intérêt public que le Tribunal a examiné. La perte d’emplois directement liés à la production de CPAB à Leamington, combinée à la perte d’emplois indirects dans l’usine [70] , serait considérable. Les répercussions économiques sur les fournisseurs de produits et de services des collectivités des environs de l’usine, ainsi que les pertes de revenus des agriculteurs seraient également considérables.

Les éléments de preuve présentés tant dans le cadre de l’enquête du Tribunal que dans son examen en matière d’intérêt public montrent amplement que Heinz n’a pas atteint ses objectifs de rendement sur ses ventes de CPAB au Canada [71] . Le Tribunal était convaincu que, à moins que Heinz n’améliore son taux de rendement grâce à une augmentation de ses prix et de son bénéfice, la production de CPAB au Canada risque d’être interrompue. Si la production de CPAB à Leamington devait cesser, toutes les CPAB vendues au Canada seraient importées et soumises à l’influence des stratégies globales d’établissement des prix de Heinz É.-U. et de Gerber É.-U., ainsi que des facteurs économiques comme les niveaux des prix aux États-Unis et le taux de change entre la devise canadienne et la devise américaine. Le Tribunal est d’avis que cette perte de production nationale et la dépendance à l’endroit des importations entraîneraient probablement, au fil du temps, une augmentation importante des prix des CPAB au Canada.

4. Réduction des droits antidumping

Au cours de l’audience publique, Heinz a indiqué qu’il n’était pas nécessaire que les droits antidumping soient imposés à leur plein montant pour atténuer le dommage causé par le dumping, mais elle a ajouté qu’elle ne devrait pas avoir à lutter contre la concurrence des marchandises sous-évaluées [72] . Ainsi, Heinz admet que l’imposition de droits antidumping à leur plein montant n’est pas nécessaire pour la protéger des effets d’un dumping dommageable.

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Tribunal est d’avis que les facteurs du marché garderont les prix prévus des CPAB de Heinz bien au-dessous du prix auquel Gerber devrait vendre ses CPAB si les droits antidumping y étaient inclus à leur plein montant. Il s’ensuit qu’il existe une fourchette de réductions de droits qui n’aurait pas d’effet sur la limite supérieure des prix que Heinz peut demander pour ses CPAB. Cette fourchette de réductions de droits est superflue dans la détermination du prix national des CPAB. Autrement dit, la limite supérieure des prix que Heinz pourrait demander pour ses CPAB est déterminée non pas par les droits antidumping à leur plein montant, mais par les divers facteurs dont il a déjà été discuté.

PARTIE V - AUTRES EFFETS DES DROITS ANTIDUMPING

1. Introduction

Dans la partie IV du présent rapport, le Tribunal a examiné les effets des droits antidumping sur les prix moyens selon les trois possibilités suivantes : imposition des droits antidumping à leur plein montant, réduction des droits antidumping et élimination des droits antidumping. La présente partie du rapport traite des effets sur les familles à faible revenu des augmentations de prix des CPAB qui résulteraient de l’imposition de droits antidumping et des répercussions sur la santé des bébés. Elle aborde également les avantages de la concurrence autres que le prix, et sur lesquels les droits antidumping ont une incidence.

2. Familles à faible revenu

Le Tribunal a reçu des exposés avant et pendant l’audience au sujet du niveau de pauvreté chez les enfants au Canada. Le Tribunal a entendu, par exemple, que un enfant sur cinq au Canada vit dans la pauvreté [73] et que presque 42 p. 100 des gens qui reçoivent l’aide des banques alimentaires sont des enfants. Le taux de pauvreté chez les mères chefs de famille monoparentale âgées de moins de 25 ans est alarmant, se situant au-dessus de 91 p. 100. Bien que le gouvernement canadien ait entrepris en 1989 d’éliminer la pauvreté chez les enfants d’ici l’an 2000, selon certains rapports, le nombre d’enfants pauvres au Canada a en fait augmenté de 500 000, soit de 58 p. 100, depuis lors. Les parents qui trouvent déjà difficile de procurer ce qu’il faut à leurs enfants seront défavorablement touchés par toute augmentation de prix de n’importe quel produit nécessaire à ces derniers, que ce soit des couches ou des aliments pour bébés.

Le Canada est reconnu dans le monde comme un pays très à l’aise et humain qui bénéficie d’un niveau de vie enviable. En même temps, le taux de pauvreté chez les enfants du Canada se situe parmi les plus élevés des pays industrialisés [74] . Non seulement l’ampleur de la pauvreté est-elle troublante, mais l’incidence néfaste d’une alimentation médiocre ou insuffisante sur le développement affectif, physique et social de l’enfant a de quoi inquiéter.

a) Droits antidumping à leur plein montant

Beaucoup des parties qui ont plaidé en faveur d’une réduction ou d’une élimination des droits ont exprimé leurs préoccupations quant aux effets, sur les familles à faible revenu, des augmentations de prix qui découleraient de l’imposition de droits antidumping. Elles ont plus précisément dit s’inquiéter que l’incidence des droits imposés à leur plein montant puisse être proportionnellement plus marquée sur les familles à faible revenu.

Le Tribunal a reçu plusieurs témoignages et plusieurs exposés écrits qui dépeignaient les difficultés financières auxquelles les familles à faible revenu sont confrontées. Elles étirent leur budget, un budget qui, dans beaucoup de cas, est tellement serré que les parents et les frères et sœurs plus âgés se passent parfois de nourriture pour que les enfants plus jeunes et les bébés puissent manger. Certains témoins ont déclaré que des parents à faible revenu n’ont pas le matériel, les compétences et la connaissance nécessaires pour préparer des aliments pour bébés à la maison. Souvent, les parents à faible revenu considèrent les CPAB comme le seul moyen de nourrir leurs bébés. Le Tribunal a aussi entendu des témoignages selon lesquels beaucoup de ces parents n’ont pas accès à un véhicule ou ne peuvent se permettre les coûts du transport public pour se rendre aux magasins qui annoncent des CPAB à prix spéciaux ou à prix vedette plus bas. De même, des parents peuvent ne pas avoir l’argent nécessaire pour monter des stocks de CPAB lorsqu’elles sont vendues à des bas prix spéciaux. Par conséquent, les familles à faible revenu achètent souvent les CPAB à l’endroit le plus commode. Il peut s’agir d’un grand épicier ou pharmacien détaillant des environs mais, dans beaucoup de cas, ce peut être le dépanneur du quartier où le prix des CPAB est en général considérablement plus élevé que leur prix ordinaire chez un grand détaillant [75] .

En réponse à des questions posées dans le cadre de l’audience, les témoins qui présentaient des observations sur les problèmes qui confrontent les familles à faible revenu ont reconnu ne pas disposer de données statistiques systématiques sur les effets des augmentations de coûts des CPAB sur les familles à faible revenu. Les renseignements qu’ils ont soumis étaient non scientifiques. Les seuls autres renseignements statistiques sur les familles à faible revenu qui ont été soumis, mise à part l’information statistique contenue dans le rapport préparé par le personnel du Tribunal, l’ont été dans le cadre d’une étude soumise par Heinz [76] . Cet exposé indique que les familles à faible revenu, collectivement, achètent moins de CPAB que les familles à revenu plus élevé.

L’information contenue dans le rapport préparé par le personnel du Tribunal, basée sur les données estimatives publiées par le gouvernement du Manitoba [77] , indique qu’il en coûte environ 1 348 $ pour nourrir un enfant durant la période où il passe de 4 mois à 18 mois. En moyenne, la part de ce coût que représente le coût des aliments pour bébés en pot est de 630 $ [78] (soit 47 p. 100 de 1 348 $), le reste étant surtout constitué de céréales et de préparations pour bébés. L’estimation de 630 $ suppose que le bébé consomme des aliments commerciaux pour bébés et non des aliments pour bébés préparés à la maison [79] . Ce coût représente un coût d’environ 42 $ par mois durant la période de 15 mois que dure l’alimentation des bébés [80] . Ce montant pourrait varier selon les familles et les catégories de revenus [81] .

Si le prix de détail des aliments commerciaux pour bébés devait augmenter de 10 p. 100, le coût des aliments commerciaux pour bébés d’une famille moyenne qui ne se sert que d’aliments commerciaux pour bébés augmenterait de 63,00 $ durant la période de 15 mois que dure l’alimentation des bébés, soit 4,20 $ par mois. Si le prix augmentait de 20 p. 100, l’augmentation du coût serait le double, c’est-à-dire 8,40 $ par mois. La même relation linéaire vaut pour chaque augmentation de 10 points de pourcentage du prix.

Ainsi qu’il l’a déjà déclaré, le Tribunal est d’avis que les augmentations des prix de détail n’atteindront pas les niveaux que l’imposition des droits à leur plein montant pourrait permettre de supposer. Gerber ne serait pas capable de vendre de CPAB à de tels prix, ni Heinz d’augmenter ses prix autant, étant donné les contraintes du marché associées à la possibilité de concurrence commerciale, au pouvoir compensateur des détaillants et à la réaction des consommateurs aux augmentations de prix. Cependant, les prix pourraient tout de même augmenter considérablement si les droits sont maintenus à leur plein montant. Cette augmentation considérable, de l’avis du Tribunal, représente un fardeau trop lourd pour les consommateurs à faible revenu.

b) Élimination ou réduction des droits antidumping

Étant donné que la consommation de CPAB est tellement répandue au Canada, il peut être conclu que beaucoup, ou peut-être même la plupart des familles qui ont des bébés de 4 à 18 mois seront touchées par les augmentations des prix des CPAB. Les familles à revenu plus élevé sont sans nul doute mieux en mesure de faire face à une augmentation du coût d’un produit alimentaire de base que ne le sont les familles à faible revenu. Les éléments de preuve dont dispose le Tribunal indiquent que les familles à faible revenu seront plus touchées, étant donné leurs plus grandes contraintes financières, sinon leur plus grande dépendance à l’endroit des CPAB commerciales. Bien que le Tribunal reconnaisse que toute augmentation de prix des CPAB exacerbera les difficultés financières que connaissent les familles à faible revenu, néanmoins, selon son analyse, que les droits soient éliminés ou non, le prix des CPAB, au fil du temps, augmentera probablement au Canada.

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, l’élimination des droits antidumping entraînerait probablement des prix plus élevés à long terme, puisque Heinz pourrait décider d’abandonner sa production au Canada. La hausse de prix qui s’ensuivrait serait peut-être aussi élevée que si les droits étaient maintenus à leur plein montant. Il se peut que ces prix plus élevés ne soient atteints que plus tard, cependant, puisque Heinz ne mettrait probablement pas immédiatement fin à sa production de CPAB au Canada. Bien que l’élimination des droits puisse sembler une bonne chose pour les familles à faible revenu à court terme, le Tribunal est d’avis que les prix plus élevés qui résulteraient probablement de l’absence d’une source nationale de production auraient, à long terme, une incidence néfaste plus importante sur les familles à faible revenu.

D’autre part, dans le cas d’une réduction des droits, on peut s’attendre à ce que la possibilité accrue de concurrence entre les fournisseurs de CPAB commerciales, combinée au maintien de la production canadienne, entraîne une augmentation plus faible du prix des CPAB que celle qui suivrait soit, d’une part, l’imposition des droits antidumping à leur plein montant soit, d’autre part, à long terme, l’élimination des droits. Le Tribunal est d’avis que cette option est celle qui perturbera le moins les familles à faible revenu à long terme.

Tout en reconnaissant que la pauvreté chez les enfants est une question qui appelle une réponse cruciale, ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Tribunal n’est toutefois pas le « conseiller auprès du ministre des Finances à l’égard de la répartition de la richesse et du revenu entre les divers intérêts privés » ni son conseiller à l’égard des questions de politique sociale [82] . Selon le Pr Brander, « une stratégie publique qui consisterait à redresser la pauvreté des enfants en tentant de contrôler le prix des aliments pour bébés de Heinz Canada serait une bien mauvaise stratégie » [83] [traduction]. Tout en reconnaissant la gravité du problème de la pauvreté chez les enfants, particulièrement pour les familles monoparentales, le Pr Brander a dit ne constater aucun élément de preuve établissant un lien entre « le prix des aliments pour bébés de Heinz Canada et les problèmes associés à la pauvreté chez les enfants et [a dit douter] que le maintien d’un prix artificiellement bas des CPAB de Heinz Canada contribuerait d’une façon sensible quelconque à alléger les problèmes associés à la pauvreté chez les enfants » [84] [traduction].

Tout en étant conscient des difficultés que des augmentations de prix peuvent causer pour les familles à faible revenu, le Tribunal n’est pas convaincu que leurs problèmes puissent être réglés par le maintien des aliments pour bébés à un prix artificiellement bas. En vérité, pour des motifs qui ont déjà été indiqués, une telle façon de procéder pourrait bien être source d’importantes augmentations de prix plus tard, et ne servir qu’à compliquer les problèmes qui affligent cette catégorie défavorisée.

3. Santé des bébés

Une augmentation possible de l’incidence des problèmes de santé chez les bébés à la suite de l’augmentation des prix des CPAB qui découlerait de l’imposition de droits antidumping a aussi été soulevée à titre de question d’intérêt public. Plusieurs parties ont dit se soucier que certains parents ou fournisseurs de soins n’utiliseraient pas les CPAB correctement à cause des prix plus élevés associés à l’imposition des droits à leur plein montant. Un tel usage incorrect pourrait consister à diluer le contenu d’un pot d’aliment ou à en étirer l’utilisation au-delà de la date recommandée pour minimiser le coût de chaque repas. D’autres témoins ont dit s’attendre à l’accroissement du nombre de cas de mauvaises préparations et utilisations des aliments pour bébés préparés à la maison que, selon eux, certains parents utiliseraient pour remplacer les CPAB à prix plus élevés. Le Tribunal a entendu plusieurs témoignages des parties qui ont comparu devant lui, et a reçu des exposés écrits, qui ont fait mention de cas précis de bébés qui se sont étouffés en mangeant des aliments pour bébés mal préparés.

Les éléments de preuve indiquent que, en 1992, soit la dernière année pour laquelle les données statistiques sont disponibles, presque 500 enfants de moins de un an ont été hospitalisés après s’être étouffés avec un aliment quelconque et 24 enfants de moins de un an sont morts des suites de l’inhalation et de l’ingestion d’aliments [85] .

Les témoins n’ont pas pu fournir de données statistiques systématiques sur la fréquence des problèmes de santé chez les enfants attribuables à une mauvaise utilisation des CPAB et découlant des augmentations du prix des CPAB. Le Dr William James, un pédiatre qui compte beaucoup d’années d’expérience, a témoigné que certaines mauvaises habitudes liées à la préparation des aliments et à leur utilisation suscitent déjà des problèmes de santé chez les bébés. Il a ajouté n’avoir constaté ni augmentation ni diminution de l’utilisation fautive des CPAB au cours des 10 dernières années, même si leur prix a subi d’importantes fluctuations [86] .

Les renseignements au dossier indiquent que le prix de détail des CPAB est plus bas en Ontario qu’au Québec. Toutefois, le Tribunal n’a reçu aucun élément de preuve que les problèmes de santé chez les bébés étaient proportionnellement plus graves au Québec qu’en Ontario en raison de l’écart entre les prix de détail.

Le Tribunal, sur la foi des éléments de preuve dont il dispose, ne peut établir de relations statistiques entre une augmentation du prix des CPAB et une augmentation de la fréquence des problèmes de santé chez les bébés. L’absence d’une telle relation ne minimise pas la gravité de la mort par suite d’étouffement, ne fût-ce que d’un seul bébé, ni ne minimise la valeur des préoccupations concernant la nutrition des bébés. Le Tribunal est d’avis que l’inquiétude au sujet de la santé des bébés est causés par les augmentations de prix, alors la meilleure solution est de garder les prix aussi bas que possible à long terme.

4. Concurrence

a) Droits antidumping à leur plein montant

Le Tribunal a reçu des exposés et entendu des témoignages selon lesquels, en plus des augmentations de prix, l’imposition de droits antidumping sur les importations des CPAB en provenance des États-Unis soulevait plusieurs autres questions d’intérêt public associées à l’existence d’un régime de concurrence. Ces préoccupations, fondées sur le fait que l’imposition des droits antidumping a créé une situation où il n’existe qu’un seul fournisseur de CPAB, se rapportait au choix du consommateur à l’égard des variétés et des marques de commerce de CPAB, à la sécurité d’approvisionnement de CPAB commerciales, à la fréquence des innovations en matière de produits et de qualité, et à la qualité du service à l’endroit des plus petits détaillants.

i) Choix du consommateur

Un des principaux avantages de l’existence de concurrents dont font état les exposés et les témoignages des parties se rapporte au choix du consommateur. L’expression « choix du consommateur » a servi, notamment pour décrire la possibilité de choix parmi les unités de gestion de stocks offertes par un fournisseur de CPAB commerciales. Elle a aussi servi pour décrire le choix de base entre les marques de commerce offertes par Heinz et par Gerber.

Bien que Heinz soit présentement l’unique fournisseur de CPAB commerciales, le Tribunal est d’avis que les parents et les fournisseurs de soins continuent de disposer d’un vaste choix d’unités de gestion des stocks. Étant donné l’existence de plus de 100 variétés de CPAB, le choix qu’offre Heinz est suffisamment étendu pour que beaucoup de bébés n’aient probablement pas l’occasion de goûter tous les produits si les parents et les fournisseurs de soins suivent les recommandations nutritionnelles concernant l’adoption progressive de toute nouvelle variété d’aliments pour bébés et sa mise à l’essai pour déterminer la réaction des bébés au cours du cycle normal de leur alimentation [87] . Il ne fait aucun doute que Heinz continuera à retirer de sa gamme de produits ceux qui se vendent mal et continuera probablement à ajouter de nouvelles variétés.

Le Tribunal est d’avis que l’aspect le plus important de la notion de choix se rapporte à la possibilité de choisir entre diverses marques commerciales. La disparition des produits de Gerber dans les magasins signifie que les parents et les fournisseurs de soins ne pourront plus choisir entre diverses marques commerciales. Bien que le Tribunal ait déclaré dans ses conclusions de dommage que les deux marques de commerce pouvaient se substituer l’une à l’autre, cela ne signifie pas que les produits sont complètement interchangeables, comme c’est le cas pour un produit de base. Si les marques de Heinz et de Gerber étaient essentiellement perçues comme des produits dont les caractéristiques ne peuvent être distinguées, alors les parents et les fournisseurs de soins pourraient ne pas se préoccuper de l’absence d’une ou de l’autre des deux marques de commerce. Cependant, les deux sociétés annoncent leurs produits comme étant des produits distincts. Beaucoup de consommateurs ont réagi en faisant montre de la loyauté envers la marque de commerce sur laquelle chaque société mise lorsqu’elle établit ses stratégies de commercialisation. Cet attachement des consommateurs signifie que la non-disponibilité de leur choix préféré mène à un sentiment de perte réelle ou perçue des avantages qu’ils retiraient de l’utilisation de la marque de commerce en cause.

ii) Sécurité d’approvisionnement

Plusieurs parties ont soulevé la question de la sécurité d’approvisionnement commercial en tant que question d’intérêt public connexe à la concurrence. Au cours de l’audience publique, plusieurs scénarios hypothétiques ont été présentés à Heinz et on lui a demandé de déterminer comment elle réagirait à diverses situations d’urgence à titre d’unique fournisseur national de CPAB. Le Tribunal est d’avis, à la lumière des réponses de Heinz, que cette dernière dispose de plans de prévoyance convenables étant donné ses méthodes de sécurité, ses stocks et la possibilité d’obtenir des produits de Heinz É.-U. en cas de situation d’urgence majeure. Le Tribunal, cependant, fait observer que, même si la situation était urgente, quelques semaines pourraient s’écouler avant que des approvisionnements de CPAB en provenance des États-Unis soient disponibles [88] .

iii) Innovation

Un troisième fardeau ou intérêt connexe à l’absence de concurrence entre deux ou plusieurs fournisseurs se rapporte à la diminution de la fréquence des innovations en matière de produits et de qualité. Le Tribunal a reçu des arguments selon lesquels de telles innovations résultent de la stratégie des entreprises qui tentent de démarquer leurs produits de ceux des fournisseurs concurrentiels. Selon le Tribunal, il est probable que, lorsqu’il n’y a qu’un seul fournisseur, la fréquence des innovations en matière de produits et de qualité soit moins élevée qu’en présence de deux ou plusieurs fournisseurs. Le Tribunal est d’avis, cependant, que Heinz continuera d’ajouter de nouvelles variétés à sa gamme de CPAB au Canada, dans le cadre de son effort d’accroître la demande du consommateur à l’endroit de son produit.

iv) Service

Une quatrième question d’intérêt public associée à l’existence de la concurrence entre deux ou plusieurs fournisseurs se rapporte à la qualité des services fournis aux plus petits détaillants. Plusieurs exposés ont indiqué que Gerber offrait des arrangements de livraison qui convenaient mieux aux plus petits détaillants que ceux offerts par Heinz. Au cours de l’audience, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels, après l’arrêt des importations de Gerber au Canada, Heinz a modifié sa politique sur l’envoi minimal à l’intention des plus petits détaillants [89] . Les représentants de Heinz ont témoigné que la modification de la taille minimale d’une commande représente la nouvelle politique de Heinz pour les CPAB. Bien que le Tribunal reconnaisse l’utilité sur le marché de l’initiative de Heinz et le fait qu’il sera ainsi plus facile pour les plus petits détaillants de vendre des aliments pour bébés à des prix raisonnables, à l’origine, Gerber a lancé sa politique d’expédition de plus petites commandes pour se distinguer de Heinz au moment où il y avait deux sociétés qui se faisaient concurrence sur le marché canadien des CPAB. S’il existait encore deux concurrents, il serait davantage probable que les petits détaillants obtiennent d’autres avantages en termes de politique de prix et d’expédition applicable à leurs transactions avec un fournisseur de CPAB commerciales.

b) Élimination ou réduction des droits antidumping

Bien que des questions d’intérêt public concernant la situation de fournisseur unique de CPAB aient été soulevées relativement à l’imposition de droits antidumping à leur plein montant, le Tribunal reconnaît que, même si les droits étaient éliminés, rien ne garantit que Gerber reviendrait sur le marché canadien. Ainsi, même si les droits sont éliminés, la perte des avantages issus d’une véritable concurrence sur le marché canadien pourrait se poursuivre.

À un certain niveau plus élevé des prix, la concurrence d’autres sources, comme une nouvelle production canadienne ou des importations, pourrait émerger sur le marché canadien. Ce potentiel pour une nouvelle concurrence est susceptible de limiter, dans une certaine mesure, la taille des augmentations que Heinz peut appliquer à ses prix.

Si, étant donné l’élimination des droits, il y avait retour de Gerber sur le marché et reprise du dumping dommageable, la possibilité du transfert de la production de CPAB de Heinz, depuis Leamington vers Pittsburgh, augmenterait. Advenant un tel déplacement, toutes les CPAB vendues au Canada seraient importées, ce qui, étant donné les prix plus élevés aux États-Unis, mènerait probablement à une hausse sensible des prix des CPAB au Canada.

Une réduction des droits, cependant, pourrait inciter Gerber ou un autre producteur des États-Unis à servir le marché canadien tout en permettant encore, d’autre part, à Heinz de maintenir sa production de CPAB à son usine de Leamington. Le retour à un véritable régime de concurrence, s’il est possible, répondrait également aux préoccupations se rapportant aux avantages de l’établissement des prix compétitifs, du choix du consommateur, de la sécurité d’approvisionnement, de l’innovation et du service. Le maintien de la production des CPAB de Heinz au Canada est source d’une sécurité plus grande pour la santé économique des branches de production associées en amont, y compris celles de Leamington et des collectivités agricoles voisines.

5. Conclusion

À la lumière de l’analyse ci-dessus des effets des droits antidumping sur d’autres plans et de leurs effets sur le plan des prix, qui sont discutés à la partie IV, le Tribunal est d’avis qu’il existe un motif d’intérêt public suffisamment probant pour transmettre son rapport au Ministre. De plus, l’option privilégiée est en l’espèce une réduction plutôt que l’élimination des droits.

Par conséquent, le Tribunal recommande que les droits antidumping sur les CPAB importées en provenance des États-Unis soient réduits. Une telle réduction est l’option qui sert le mieux l’intérêt public de garder les prix aussi bas que possible à long terme. Il en résulterait une atténuation des effets préoccupants sur les familles à faible revenu et sur la santé et le bien-être des bébés. La réduction des droits, et non leur élimination, est aussi l’option la plus susceptible de mener au rétablissement et au maintien d’un régime de concurrence sur le marché canadien.

PARTIE VI - RÉDUCTION DES DROITS

Ayant conclu qu’il existe un intérêt public suffisamment probant pour réduire le niveau des droits antidumping, le Tribunal doit maintenant examiner la question de savoir à quel niveau le montant des droits doit être fixé. La présente partie du rapport comprend six sections. La première traite de la forme que la réduction des droits devrait prendre. La deuxième traite de la question de la confidentialité des niveaux précis de la réduction de droits recommandée par le Tribunal. La troisième traite des prix cibles que le Tribunal a considérés pour décider du montant de réduction des droits qu’il conviendrait de fixer. La quatrième présente, en termes généraux, la recommandation du Tribunal quant au niveau des prix nets réels qui devrait s’appliquer aux importations de CPAB en provenance des États-Unis. La cinquième présente d’autres recommandations connexes aux aspects fonctionnels de la réduction des droits. La section finale traite des demandes d’application rétroactive de la réduction des droits.

1. Fondement et forme de la réduction des droits

Les droits antidumping sont fondés sur l’excédent des valeurs normales sur les prix à l’exportation. C’est cependant le niveau des prix nets réels auxquels Gerber a vendu les CPAB sur le marché canadien qui a, en bout de ligne, causé un dommage sensible à Heinz. Le Tribunal s’est donc surtout fondé sur les prix nets réels pour décider du montant de réduction des droits antidumping qu’il conviendrait d’appliquer.

Le Tribunal a choisi le prix net réel moyen à l’exercice 1994-1995 de Heinz comme point de départ de ses calculs. L’exercice de 1994-1995 a été choisi comme année de référence (plutôt que toute année ultérieure) parce qu’il précède la période durant laquelle il a été conclu à un dommage à Heinz causé par le dumping, et qu’il a été retenu comme année de référence dans le cadre de la décision de dommage du Tribunal [90] . Ayant choisi une année de référence, le Tribunal était en mesure de concentrer son attention sur un prix net réel convenable en fonction du prix moyen des CPAB à cette année de référence. Ce faisant, le Tribunal a été en mesure de se reporter aux contraintes et aux augmentations de prix proposées comprises dans les exposés et les témoignages.

Le Tribunal a examiné diverses options pour intégrer un prix net réel recommandé au processus de mise en œuvre des droits antidumping par Revenu Canada [91] . Ce processus comporte habituellement l’obligation de déterminer si les prix à l’exportation sont au moins égaux aux valeurs normales et, lorsqu’ils sont inférieurs, à veiller à ce que les droits antidumping soient payés.

Tant Heinz que Gerber ont soutenu qu’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations de CPAB en provenance des États-Unis serait le véhicule qui conviendrait le mieux à la mise en œuvre d’une réduction de droits. Elles ont aussi recommandé que, si le prix de la première vente imposé à une société sans lien de dépendance était inférieur au prix minimal de vente imposé sur le marché national, les droits antidumping soient fixés à un montant égal à la différence entre ces deux prix. Le Directeur, d’autre part, a soutenu que le droit prélevé devrait prendre la forme d’un montant en valeur absolue imposé sur chaque pot d’aliments pour bébés, quel que soit son prix à l’importation réel ou son prix net réel.

Le Tribunal a comparé les attributs des diverses démarches. Le Tribunal prévoit que le prélèvement d’un montant en valeur absolue par pot soulèverait divers problèmes s’il devait être utilisé pour mettre en œuvre une réduction de droits antidumping. Par exemple, le montant des droits serait fixé dans un décret de remise [92] et, par conséquent, Revenu Canada ne pourrait faire un retour en arrière, réviser le montant des droits antidumping sur les importations et les imposer rétroactivement lorsqu’un exportateur baisserait le prix à l’exportation ou le prix de vente imposé. Un droit en valeur absolue ne serait pas non plus de nature prospective, c’est-à-dire que le paiement des droits antidumping ne pourrait être évité par un relèvement des prix à l’exportation ou des prix de vente imposés. Un exportateur ou un importateur aurait à payer un droit sur chaque pot de CPAB entrant au Canada en provenance des États-Unis, quel qu’en soit le niveau du prix à l’exportation ou du prix de vente imposé.

Un prix minimal de vente imposé sur le marché national s’entend du prix rendu de la première vente de CPAB importées en provenance des États-Unis à un client sans lien de dépendance au Canada. Il s’agirait d’un prix net réel rectifié par déduction de tous les escomptes, remises, rabais et autres dépenses commerciales, indépendamment du fait que ces escomptes, remises, rabais et autres programmes de dépenses commerciales sont consentis au moment de la vente ou sur une base périodique ou liés aux volumes d’achat.

Dans l’ensemble, un prix minimal de vente imposé sur le marché national serait relativement simple à administrer et ne placerait aucun fardeau supplémentaire sur Gerber, Gerber É.-U. ou d’autres importateurs et exportateurs de CPAB produites aux États-Unis. Il ne devrait pas non plus placer de fardeau supplémentaire indu sur Revenu Canada [93] . Il serait applicable et aurait un caractère prospectif, permettant à Gerber É.-U. ou à tout autre exportateur des États-Unis de relever les prix de vente imposés jusqu’au minimum fixé et, par conséquent, d’éliminer la nécessité pour les importateurs de payer des droits antidumping. Un prix minimal de vente imposé sur le marché national serait suffisamment flexible pour s’adapter aux nouveaux exportateurs américains de CPAB ou aux ventes directes de CPAB par Gerber É.-U. à des détaillants et des grossistes au Canada.

Par conséquent, le Tribunal recommande qu’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations de CPAB en provenance des États-Unis serve dans la mise en œuvre d’une réduction des droits antidumping.

2. Confidentialité

Le Tribunal a examiné la question de savoir si ses recommandations spécifiques portant sur les prix minimaux de vente imposés sur le marché national devraient être divulguées publiquement ou si elles devraient demeurer confidentielles. En conformité avec son objectif fondamental de transparence, le Tribunal aurait préféré divulguer publiquement ces prix minimaux de vente imposés sur le marché national. Dans les circonstances de la présente cause, cependant, la divulgation de ces prix informerait Heinz, ainsi que les détaillants et les grossistes, des prix sous lesquels Gerber et les autres importateurs et exportateurs ne pourraient vendre leurs produits. Les détaillants et les grossistes en retireraient un avantage commercial important aux fins de négociations avec Gerber ou avec d’autres importateurs et exportateurs de CPAB en provenance des États-Unis. Cela procurerait aussi à Heinz un avantage commercial sur Gerber dans ses négociations avec les détaillants et les grossistes.

Le Tribunal reconnaît que, avec le temps, en participant à l’activité normale du marché et à la lueur des renseignements ainsi acquis, les parties susmentionnées peuvent être en mesure d’estimer, avec un degré raisonnable d’exactitude, le niveau des prix minimaux de vente imposés sur le marché national, tout comme elles peuvent estimer les valeurs normales durant l’application de conclusions de dommage. Si les prix minimaux de vente imposés sur le marché national demeurent confidentiels, sauf pour ce qui est de les divulguer à Gerber É.-U. ou à tout autre exportateur américain de CPAB au Canada qui a obtenu des valeurs normales pour ses envois de CPAB, ni Heinz ni les détaillants ni les grossistes ne retireraient un avantage commercial. Le Tribunal, cependant, croit fermement que ni le Tribunal ni le gouvernement, s’il décide de réduire le montant des droits, ne devraient procurer d’avantage commercial, même s’il est de courte durée, à quelque participant du marché que ce soit en divulguant aux concurrents ou clients commerciaux de ce dernier les prix minimaux de vente imposés sur le marché national.

Par conséquent, le Tribunal recommande que les prix minimaux spécifiques de vente sur le marché national imposés pour les importations demeurent confidentiels.

3. Considération des prix cibles

Le Tribunal a reçu plusieurs exposés sur les prix nets réels et sur les facteurs du marché qu’il devrait prendre en compte pour décider de la réduction des droits qu’il convient de recommander. Dans la présente section, le Tribunal traite des exposés susmentionnés et des autres facteurs du marché pouvant le guider dans sa détermination du prix minimal de vente imposé sur le marché national qui, à son avis, établirait un équilibre entre les divers intérêts qui seraient touchés par une réduction des droits antidumping.

a) Niveau de l’inflation

En élaborant sa recommandation, le Tribunal a étudié la question de savoir si Heinz pouvait appliquer des augmentations de prix égales ou supérieures au taux d’inflation des prix à la consommation. Le Tribunal, par conséquent, a examiné l’évolution de l’Indice des prix à la consommation (IPC) et de ses composants pour mieux saisir les tendances inflationnistes des prix à la consommation depuis 1995. Plus précisément, le Tribunal a examiné les tendances de l’IPC global, du composant « Aliments achetés au magasin » de l’IPC et du composant « Aliments pour bébés et enfants » de l’IPC de 1995 à juillet 1998. L’IPC global a augmenté durant la période de 4,1 p. 100 [94] , ce qui équivaut à une augmentation du prix des CPAB d’environ 1,6 ¢ le pot. L’indice des « Aliments achetés au magasin » a augmenté durant la même période de 4,7 p. 100 [95] , ce qui équivaut à une augmentation du prix des CPAB d’environ 1,9 ¢ le pot. Les deux indices indiquent que le taux d’inflation des prix à la consommation en général et, plus précisément, des prix des aliments achetés au magasin a été relativement faible depuis 1995. L’indice des « Aliments pour bébés et enfants », qui comprend les CPAB et d’autres aliments pour bébés, a baissé de 2,5 p. 100 [96] . Ce repli, cependant, reflète en grande partie les baisses de prix des CPAB attribuables au dumping.

b) Proposition de réduction des droits de Heinz

Heinz a proposé que le point de départ pour déterminer le montant des augmentations de prix qui seraient nécessaires pour faire disparaître le dommage qu’elle a subi à cause de l’érosion et de la compression des prix attribuables au dumping était le montant des augmentations de prix qu’elle a pu mettre en œuvre au Québec. Dans cette province, où Heinz a fait face à très peu de concurrence de la part des produits de Gerber, elle a pu augmenter ses prix à ses exercices 1996-1997 et 1997-1998. Heinz a aussi proposé une augmentation supplémentaire pour tenir compte d’une certaine présence de Gerber sur le marché du Québec, cette présence ayant eu des effets dans le sens de l’érosion et de la compression des prix. Aussi, cette augmentation supplémentaire des prix compenserait le fait que Heinz a passé des ententes à long terme, durant la période où le dumping et le dommage sont survenus, dans lesquelles Heinz s’est engagée à des dépenses commerciales d’un niveau plus élevé qu’elle ne l’aurait autrement fait.

Après avoir examiné la taille des augmentations de prix que Heinz a pu appliquer sur le marché du Québec depuis l’exercice 1995-1996 et l’incidence que les CPAB vendues à des prix sous-évalués auraient pu avoir sur la capacité de Heinz d’augmenter ses prix sur ce marché, le Tribunal a conclu que les effets des CPAB sous-évaluées sur les prix sur le marché du Québec n’ont pas été aussi marqués qu’ailleurs au Canada. Néanmoins, une part de 30 p. 100 du circuit de distribution des pharmacies, bien qu’elle ne représente qu’une petite part du marché total du Québec [97] , a probablement eu une certaine incidence dans le sens de la compression des prix sur le marché du Québec.

Quant à l’exposé de Heinz selon lequel les prix devraient augmenter au-delà du prix effectivement atteint au Québec pour compenser les dépenses commerciales à long terme supplémentaires auxquelles elle s’est engagée à cause du dumping, le Tribunal fait observer qu’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations devrait donner à Heinz l’occasion de supprimer les effets de cette dépense commerciale supplémentaire. Toutes choses étant égales par ailleurs, la protection antidumping que procure ces prix minimaux à l’importation devrait permettre à Heinz d’augmenter ses prix courants et de faire en sorte que ces augmentations se transforment entièrement en augmentations des prix nets réels. Les prix relevés compenseraient ainsi toute réduction des prix nets réels attribuable au dumping, y compris les dépenses commerciales accrues.

c) Contraintes du marché

Ainsi qu’il a déjà été discuté, M. Falck a estimé que des augmentations des prix nets réels de l’ordre de 33 p. 100 à 48 p. 100, soient des augmentations en valeur absolue de 13 ¢ à 19 ¢ le pot, permettraient une entrée rentable sur le marché canadien de nouvelles sources d’importations de CPAB vendues sous marque de commerce, de nouvelles CPAB conditionnées à forfait ou d’une nouvelle production nationale de CPAB [98] . Il a ajouté, cependant, qu’il pourrait ne pas être possible d’augmenter les prix dans un ordre de 33 p. 100 à 48 p. 100 parce que les autres contraintes qui s’exercent sur les prix, comme les aliments pour bébés préparés à la maison et le pouvoir compensateur des détaillants, abaisseraient les augmentations possibles de prix à une fourchette de 9 ¢ à 15 ¢ le pot, soit de 23 p. 100 à 37 p. 100 [99] . Le Tribunal est ainsi porté à croire que, dans la conjoncture actuelle du marché, les contraintes susmentionnées auxquelles le marché national est assujetti pourraient empêcher que l’augmentation des prix nets réels dépasse beaucoup plus que 15 ¢ le pot.

d) Offre de Gerber aux grossistes et aux détaillants

Après que le Tribunal a rendu des conclusions de dommage, Gerber a fait des observations auprès de ses clients canadiens pour leur vendre directement des CPAB provenant de Gerber É.-U. Le Tribunal fait observer que les prix proposés par Gerber à ses clients recouvrent la partie inférieure de la fourchette de prix obtenue par l’augmentation du prix moyen de Heinz de l’ordre de 23 p. 100 à 37 p. 100 dont M. Falck a fait mention. Selon Gerber, les clients canadiens ont rejeté ses propositions à cause des prix offerts, bien que Shoppers ait indiqué que d’autres facteurs ont influencé sa décision de ne pas acheter directement à Gerber É.-U. [100]

e) Augmentations des coûts de Heinz

Le Tribunal a examiné les augmentations des coûts des CPAB vendues de Heinz et de ses dépenses au chapitre des CPAB relativement au transport, à la publicité et à la promotion ainsi qu’aux frais généraux de vente et d’administration. Il a prix note de la mesure dans laquelle les coûts des CPAB de Heinz avaient augmenté depuis l’exercice 1994-1995, mais a aussi pris note du caractère extraordinaire, ou non renouvelable, de certaines des dépenses engagées par Heinz. Ces dépenses extraordinaires incluraient les dépenses accrues de promotion, de vente et d’administration engagées par Heinz pour contrer les effets du rapport du CSPI, pour répondre aux effets du dumping et pour soutenir son activité relative à sa plainte de dumping, l’enquête de dommage et l’examen en matière d’intérêt public. Puisque les dépenses susmentionnées avaient un caractère ponctuel et ne seront pas renouvelées, le Tribunal ne les a pas pris en compte pour déterminer les augmentations des coûts que Heinz aurait pu recouvrer au moyen d’augmentations des prix.

Pour analyser les augmentations des coûts, le Tribunal a examiné l’effet des augmentations ou des diminutions du volume de production sur les coûts unitaires [101] . Le Tribunal fait observer que le volume de production des CPAB est déterminé par la demande de CPAB et que la demande du marché, dans son ensemble, ainsi que le volume de production de Heinz ont fléchi durant la période examinée lors de l’enquête de dommage du Tribunal.

Le Tribunal fait cependant observer qu’il aurait peut-être été possible d’atténuer le fléchissement de la demande des CPAB. Un témoin de Heinz a indiqué que, n’eut été du dumping de Gerber, Heinz était convaincue qu’elle aurait investi davantage aux fins de promotion, ce qui aurait augmenté la consommation au moment où la population cible de bébés décroissait étant donné la baisse du nombre de naissances [102] . À la lumière du succès global de la société en commercialisation de biens de consommation, le Tribunal est d’avis que Heinz aurait été capable de « cultiver la consommation » par un marketing efficace et, donc, d’augmenter le volume de production ou, du moins, d’en réduire la diminution. Dans la mesure où la production aurait augmenté, les coûts fixes auraient été répartis sur plus de pots, diminuant de la sorte le coût par pot de CPAB. L’augmentation des prix de Heinz nécessaire pour compenser la croissance des coûts totaux par pot aurait donc été plus faible.

f) Proposition de réduction des droits de Gerber

Gerber a proposé que ses prix minimaux de vente imposés sur le marché national ne soient pas fixés au-delà d’un pourcentage déterminé d’augmentation par rapport à ses prix de gros courants de 1998 [103] . Ce pourcentage était fondé sur deux facteurs. Un de ces facteurs était la baisse des prix nets réels de Gerber entre son exercice 1994-1995 et la fin de l’année civile 1997. L’autre facteur se rapportait à l’augmentation des prix à la consommation de 4,7 p. 100 entre décembre 1994 et décembre 1997 [104] .

Le Tribunal fait observer que la proposition de Gerber est étroite. Le Tribunal doute que l’inflation des prix à la consommation, à elle seule, soit un indicateur suffisant de la mesure dans laquelle les prix auraient augmenté en l’absence du dumping. Pour le Tribunal, il est clair qu’au niveau des augmentations de prix proposées par Gerber, Heinz n’aurait pas été capable d’absorber toutes les augmentations de ses coûts ni de réaliser de marges bénéficiaires viables à long terme. Dans une situation aussi complexe, le Tribunal est d’avis qu’il doit prendre en compte et pondérer plusieurs facteurs qui, regroupés, lui permettront d’arriver à une décision sur le niveau des prix qui pourrait prévaloir sur le marché national des CPAB dans un régime de concurrence non entaché de dumping dommageable.

4. Prix de détail minimaux recommandés sur le marché national

Pour établir la forme définitive de sa proposition d’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations de CPAB en provenance des États-Unis, le Tribunal a choisi le prix net réel, dans la gamme des prix cibles possibles indiqués ci-dessus, comme étant celui qui établit le mieux l’équilibre entre les divers intérêts publics. Le prix net réel ainsi dégagé a ensuite été converti en prix minimaux de vente imposés sur le marché national par équivalent caisse de chacune des quatre catégories de CPAB de Heinz. Ces prix ont ensuite été rectifiés encore pour qu’ils correspondent aux huit catégories de produits et de tailles de pots vendues par Gerber [105] .

Par conséquent, le Tribunal recommande qu’un prix minimal spécifique de vente sur le marché national imposé pour chaque catégorie de CPAB importées en provenance des États-Unis soit établi en conformité avec l’appendice confidentiel [106] .

Le Tribunal estime que, en se fondant sur la décision définitive de Revenu Canada quant à la marge de dumping, le prix minimal moyen de vente recommandé, imposé sur le marché national atténuerait, en réalité, les « répercussions » des droits à leur plein montant dans une proportion des deux tiers environ [107] . Autrement dit, l’augmentation du prix des CPAB importées en provenance des États-Unis représenterait environ le tiers de celle qui se serait produite si les droits avaient été maintenus à leur plein montant.

5. Autres recommandations

a) Pénalité

Le Tribunal a examiné la question de savoir quel montant de droits antidumping devrait être payé si les prix de vente réels sur le marché national imposés pour les importations de CPAB en provenance des États-Unis baissent au-dessous des prix minimaux de vente imposés sur le marché national. Le Tribunal a examiné deux options. La première consisterait à fixer un montant de droits exigibles égal à la différence entre le prix minimal de vente imposé sur le marché national et le prix de vente réel imposé pour les importations. La deuxième option consisterait à fixer un montant de droits antidumping à partir des valeurs normales et des prix à l’exportation déterminés par Revenu Canada. Cette deuxième option déboucherait probablement sur la cotisation de droits plus élevés ou d’une pénalité plus rigoureuse. Le Tribunal préfère la première option.

Par conséquent, le Tribunal recommande que, lorsque le prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations dépasse le prix de vente réel imposé, la pénalité soit fixée à un montant égal à différence entre les deux prix. Le Tribunal est d’avis que cette démarche continuera de préserver l’équilibre entre les divers intérêts publics concurrents si les prix de vente imposés pour les importations en provenance des États-Unis baissent au-dessous des prix minimaux de vente imposés sur le marché national.

b) Indexation

Le Tribunal a examiné la question de savoir si les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations doivent être indexés pour refléter l’évolution générale des prix dans l’économie canadienne. Tant Heinz que Gerber ont soutenu que les prix minimaux de vente imposés sur le marché national devraient être indexés sur une base annuelle. Le Tribunal fait observer que si les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations ne sont pas indexés pour tenir compte de l’inflation (ou de la déflation) des prix sur le marché national, l’équilibre entre les divers intérêts publics risque d’être menacé, y compris la protection de la branche de production nationale, cet équilibre étant perdu selon la mesure de l’évolution générale des prix. Par la suite, la branche de production nationale pourrait subir encore un dommage causé par le dumping.

Par conséquent, le Tribunal recommande que les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations soient indexés sur une base annuelle, selon le composant « Aliments achetés au magasin » de l’IPC. Le Tribunal est d’avis que cet indice, parmi tous les indices publics rapidement et facilement utilisables, est probablement celui qui reflète le plus fidèlement les fluctuations pertinentes des prix sur le marché des CPAB.

6. Rétroactivité

Tant Gerber que le Directeur ont soutenu que toute réduction de droits antidumping devrait être rétroactive à la date de la décision provisoire de Revenu Canada. Gerber a soutenu que les préoccupations en matière d’intérêt public qui existent maintenant existaient au moment où les conclusions de dommage ont été rendues et au moment de la décision provisoire. Gerber a aussi soutenu que Heinz a déjà été indemnisée pour tout dommage qu’elle a subi. Le dédommagement a pris la forme d’une augmentation de production, de part du marché, d’utilisation de la capacité, de l’emploi, des ventes nettes et du bénéfice d’exploitation. Gerber a soutenu que la situation financière de Heinz ne serait pas touchée par une réduction rétroactive. Gerber a de plus allégué qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’accorder au gouvernement du Canada un bénéfice exceptionnel simplement parce que l’examen en matière d’intérêt public se situe après les décisions provisoire et définitive de Revenu Canada. Gerber a soutenu que les droits excèdent ce qui est nécessaire pour faire disparaître le dommage et que ne pas rembourser l’excédent des droits déjà payés reviendrait à punir Gerber et Gerber É.-U. pour du dumping qui n’était pas dommageable. Gerber a aussi allégué que la LMSI n’empêche pas le Tribunal de recommander une réduction rétroactive.

Le Directeur a allégué que toute recommandation de réduction des droits doit être accompagnée d’une recommandation de réduction rétroactive des droits. Il a soutenu qu’une telle conclusion se rapportait à l’intégrité du régime antidumping et que « l’absence d’un tel corollaire jetterait le discrédit » [108] [traduction] sur le régime. Le Directeur a de plus déclaré que le gouvernement du Canada ne doit pas garder une pénalité lorsqu’il détermine par la suite qu’il est contraire à l’intérêt public d’en poursuivre le prélèvement.

Heinz fait opposition à une réduction rétroactive des droits. Elle a soutenu qu’un remboursement des droits après une décision du Ministre qui a pour effet de réduire les droits antidumping ne servirait pas l’intérêt public et ne servirait que les seuls intérêts commerciaux de Gerber. Elle a soutenu qu’un remboursement n’augmenterait ni la concurrence ni le choix du consommateur, qu’il ne réduirait pas non plus les effets sur les familles à faible revenu ni ne minimiserait les problèmes de santé chez les bébés. Heinz a allégué que, puisqu’un remboursement ne servirait pas l’intérêt public, aux termes de l’article 45 de la LMSI, le Tribunal n’a aucun motif de recommander une réduction rétroactive et, pour cette raison, ne l’a jamais fait.

Il n’est pas clair que le Tribunal ait compétence aux termes de la LMSI pour recommander que l’exonération des droits soit rétroactive au moment de l’imposition initiale soit des droits provisoires soit des droits définitifs et il n’est pas clair non plus que le Tribunal ait compétence pour recommander que des droits payés durant cette période soient remis en totalité ou en partie. L’article 45 de la LMSI prévoit que le Tribunal transmette un rapport au Ministre seulement dans les cas où, après avoir rendu une ordonnance ou des conclusions, le Tribunal estime que l’assujettissement des marchandises en cause au plein montant des droits prévus « serait ou pourrait être contraire à l’intérêt public ». Par conséquent, le Tribunal ne présente aucune recommandation au Ministre sur cette question.

PARTIE VII - RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

Après avoir conclu, le 29 avril 1998, que les importations de CPAB en provenance des États-Unis avaient causé un dommage sensible à la branche de production nationale et, aux termes de l’article 45 de la LMSI, le Tribunal a examiné la question de savoir s’il existait un intérêt public suffisamment probant pour motiver une recommandation au Ministre de réduire ou d’éliminer le montant des droits prévus par la LMSI. Après avoir mené un examen en cette matière, le Tribunal transmet, par les présentes, son rapport au Ministre, aux termes de l’article 45 de la LMSI, énonçant l’opinion qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’imposer des droits antidumping à leur plein montant sur les CPAB et recommande en outre ce qui suit :

• que les droits antidumping sur les CPAB importées en provenance des États-Unis soient réduits;

• qu’un prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations de CPAB en provenance des États-Unis serve dans la mise en œuvre d’une réduction des droits antidumping;

• que les prix minimaux spécifiques de vente sur le marché national imposés pour les importations demeurent confidentiels;

• qu’un prix minimal spécifique de vente sur le marché national imposé pour chaque catégorie de CPAB importées en provenance des États-Unis soit établi en conformité avec l’appendice confidentiel;

• que, lorsque le prix minimal de vente sur le marché national imposé pour les importations dépasse le prix de vente réel imposé, la pénalité soit fixée à un montant égal à la différence entre les deux prix;

• que les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations soient indexés sur une base annuelle, selon le composant « Aliments achetés au magasin » de l’IPC.

APPENDICE - PRIX MINIMAUX DE VENTE RECOMMANDÉS SUR LE MARCHÉ NATIONAL IMPOSÉS POUR LES IMPORTATIONS DE CERTAINES PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES POUR BÉBÉS EN PROVENANCE DES ÉTATS-UNIS

Les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations de CPAB de Gerber sont les suivants :

Catégorie de produits

Prix la caisse réelle
($CAN)

Taille de la caisse

1ers aliments

XX

24 pots de 128 ml

2es aliments

XX

24 pots de 128 ml

2es aliments - desserts tropicaux

XX

24 pots de 128 ml

2es aliments - formules de repas aux légumes

XX

24 pots de 128 ml

2es aliments - viandes

XX

12 pots de 68 ml

2es aliments - formules simples de repas

XX

24 pots de 128 ml

Jus

XX

24 pots de 128 ml

3es aliments

XX

12 pots de 213 ml

Les prix minimaux de vente sur le marché national imposés pour les importations d’autres marques de commerce de CPAB en provenance des États-Unis sont les suivants :

Catégorie de produits

Prix par équivalent caisse
($CAN)

Aliments et jus pour bébés

XX

Aliments pour enfants

XX

Viandes tamisées

XX

Repas à la viande

XX

Les prix ci-dessus sont exprimés en dollars canadiens par équivalent caisse (24 pots de 128 ml chacun, soit 3 072 ml au total) pour les catégories de produits de CPAB de Heinz. Les produits des autres producteurs américains devraient être convertis pour correspondre aux catégories susmentionnées et les prix recommandés devraient être rectifiés pour correspondre aux configurations réelles en termes de caisses et de tailles de pots de l’exportateur des États-Unis.

Définition du prix minimal de vente imposé sur le marché national :

Un prix minimal de vente imposé sur le marché national s’entend du prix rendu de la première vente de CPAB importées en provenance des États-Unis é un client sans lien de dépendance au Canada. Il s’agirait d’un prix net réel rectifié par déduction de tous les escomptes, remises, rabais et autres dépenses commerciales, indépendamment du fait que ces escomptes, remises, rabais et autres programmes de dépenses commerciales sont consentis au moment de la vente ou sur une base périodique ou liés aux volumes d’achat.


* La présente constitue un résumé officieux de l’opinion du Tribunal et de l’exposé des faits et motifs à l’appui.

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Préparations alimentaires pour bébés, contenant des légumes, des fruits et/ou de la viande hautement homogénéisés et pouvant comporter des morceaux visibles d'au plus 6,5 mm, et jus tamisé, pour la vente au détail comme aliments et boissons destinés aux bébés de 4 à 18 mois, dans des contenants d'un volume net ne dépassant pas 250 ml, à l'exclusion des aliments biologiques et des préparations surgelées pour bébés, qui proviennent des États-Unis d'Amérique ou qui sont exportés par ce pays.

3. Enquête no NQ-97-002, Conclusions, le 29 avril 1998, Exposé des motifs, le 14 mai 1998.

4. Avis de début d'examen en matière d'intérêt public, Tribunal canadien du commerce extérieur, le 3 juillet 1998.

5. Le dossier du présent examen comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience et la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties. Seuls les avocats indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d'engagement en matière de confidentialité ont eu accès aux pièces protégées.

6. L'enquête du Sous-ministre a porté sur la période allant du 1er janvier au 30 juin 1997.

7. Les valeurs normales des envois de CPAB durant les mois visés ont été déterminées en conformité avec l'article 15 de la LMSI, d'après les prix de vente moyens pondérés à certains clients non liés aux États-Unis, dont les volumes d'achat pouvaient le mieux se comparer à ceux de Gerber.

8. La relation simple entre la marge de dumping exprimée en pourcentage de la valeur normale (MN) et celle exprimée en pourcentage des prix à l'exportation (MX) est la suivante : mx=MN / (100-MN).

9. Les huit groupes de produits de Gerber sont les suivants : 1ers aliments, 2es aliments, 2es aliments - desserts tropicaux, 2es aliments - formules de repas aux légumes, 2es aliments - viandes, 2es aliments - formules simple de repas, 3es aliments et jus.

10. Enquête no NQ-97-002, Exposé des motifs à la p. 5.

11. « Prix net réel » s'entend du prix de vente net réel des marchandises après déduction du prix courant de ces marchandises de tous les escomptes, remises et rabais applicables.

12. Le 4 septembre 1996, le CSPI, un groupe de pression basé aux États-Unis, a publié un rapport dans lequel il critiquait la valeur nutritive des aliments pour bébés produits au Canada, en ciblant particulièrement les produits alimentaires pour bébés produits par Heinz.

13. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 1, le 15 septembre 1998 aux p. 33-35.

14. Pièce du Tribunal PB-98-001-10.1 (protégée), dossier administratif, vol. 6 à la p. 19.

15. Puisqu'il n'existe qu'un seul producteur national et un importateur, la plupart des données sur la production, les importations, les ventes et les états des résultats soumis au Tribunal tant dans le cadre de son enquête que de son examen en matière d'intérêt public sont confidentielles. Cependant, certaines données sont disponibles publiquement, tout comme le sont les tendances générales des données confidentielles, et le Tribunal peut donc ainsi décrire le marché en termes généraux. Les données confidentielles se trouvent dans le Protected Pre-hearing Staff Report, le 24 août 1998, pièce du Tribunal PB-98-001-4 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 22-35; pièce du Tribunal PB-98-001-7.1D (protégée), dossier administratif, vol. 4 aux p. 263-71.

16. L'exercice de Heinz va du début du mois de mai jusqu'à la fin du mois d'avril.

17. Genève, mars 1980, GATT IBDD, 26e suppl. à la p. 188.

18. Rapport sur la Loi sur les mesures spéciales d'importation, Sous-comité sur la politique d'importation du Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques, juin 1982, Chambre des communes, fascicule no 31, le 9 juin 1982.

19. Genève, avril 1968, GATT IBDD, 15e suppl. à la p. 25.

20. La notion de droit moindre que la totalité de la marge (« droit moindre ») a d'abord été articulée dans le Code antidumping du GATT de 1967 et dans le Code antidumping du GATT de 1979. Elle est maintenant prévue au paragraphe 1 de l'article 9 de l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l'Organisation mondiale du commerce (Accord antidumping de l'OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994. Pour une analyse complète de la question de l'intérêt public, voir P.I.A. Moen, Public Interest Issues in International and Domestic Anti-dumping Law: The WTO, European Communities and Canada, Genève, Institut Universitaire de Hautes Études Internationales, 1998.

21. Le paragraphe 45(1) de la LMSI se lit comme suit : Dans les cas où, à l'issue d'une enquête menée en vertu de l'article 42, il rend une ordonnace ou des conclusions visées aux articles 3 à 6 mais estime que l'assujetissement des marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus à ces articles serait ou pourrait être contraire à l'intérêt public, le Tribunal, aussitôt après avoir rendu l'ordonnance ou la conclusion : a) transmet un rapport au ministre des Finances énonçant son opinion, faits et motifs à l'appui; b) fait publier le texte de son rapport dans la Gazette du Canada.

22. Rapport sur l'intérêt public - Maïs-grain, Tribunal canadien des importations, octobre 1987.

23. Ibid. à la p. 2.

24. I mposition de droits antidumping à l'égard des importations de sucre raffiné, tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière, sous forme de granules, de liquide et de poudre, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni et imposition de droits compensateurs à l'égard des importations de sucre raffiné, tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière, sous forme de granule, de liquide et de poudre, originaire ou exporté de l'Union européenne, Tribunal canadien du commerce extérieur, Examen par le Tribunal de la question de l'intérêt public, le 4 avril 1996.

25. Ibid. à la p. 5.

26. Supra note 20.

27. Imposition de droits antidumping, ou leur imposition à leur plein montant, sur la boisson de malt communément appelée bière, d'une teneur alcoolique en volume d'au moins 1 p. 100 et d'au plus 6 p. 100, en bouteilles ou en boîtes d'au plus 1 180 ml (40 oz), originaire ou exportée des États-Unis d'Amérique par Pabst Brewing Company, G. Heileman Brewing Company Inc. et The Stroh Brewery Company, leurs successeurs et ayants droit, ou en leur nom, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, Opinion, le 25 novembre 1991.

28. Ibid. à la p. 4.

29. Ibid. aux p. 3-4.

30. Wang Canada Limited c. Minister of Public Works and Government Services, numéro du greffe T-944-98 , le 28 septembre 1998 à la p. 12.

31. Supra note 22 à la p. 5.

32. L.R.C. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 19.

33. Ibid.

34. Supra note 24 à la p. 4.

35. Ces escomptes comprennent l'ensemble des remises, des rabais et d'autres programmes de dépenses commerciales convenus par le fournisseur de CPAB, que les escomptes, les remises et les rabais et les autres programmes de dépenses commerciales soient consentis au moment de la vente ou sur une base périodique ou liés aux volumes d'achat.

36. Le Tribunal fait observer que, dans le cadre de l'audience publique, le chiffre de 40 ¢ le pot a été avancé comme étant le montant moyen de droits antidumping à payer si le montant de droits imposés était à un niveau égal à la totalité de la marge de dumping. Cependant, pour les huit catégories de CPAB de Gerber, le montant moyen pondéré du droit antidumping aurait été inférieur à 30 ¢ le pot.

37. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 17 septembre 1998 à la p. 164.

38. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 827.

39. Ibid. aux p. 1014-15.

40. Ibid. aux p. 858 et 989.

41. Ibid. à la p. 864.

42. Ibid. à la p. 865.

43. Ainsi qu'il a été noté dans la partie I du présent rapport, les marges de dumping calculées sur les importations de Gerber (c'est-à-dire sur des transactions entre sociétés ayant un lien de dépendance) étaient probablement plus élevées qu'elles ne l'auraient été sur des importations effectuées dans le cadre d'une transaction entre sociétés sans lien de dépendance.

44. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 1, le 15 septembre 1998 aux p. 86-87.

45. Ibid. à la p. 20.

46. Pièce du fabricant A-6 (protégée), appendice A, dossier administratif, vol. 10.

47. Pièce du fabricant A-32 (protégée), appendice A, dossier administratif, vol. 10A.

48. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 15 septembre 1998 à la p. 426.

49. Ibid. à la p. 427.

50. Ibid.

51. Pièce de l'importateur et de l'exportateur B-16, paragr. 10, dossier administratif, vol. 11.

52. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 15 septembre 1998 aux p. 298-99.

53. Ibid. aux p. 306-307.

54. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 1, le 15 septembre 1998 à la p. 57.

55. C.R.C. 1978, ch. 291, modifié par DORS/82-701, le 16 juillet 1982, Gazette du Canada Partie II, vol. 116, no 14 à la p. 2607.

56. C.R.C. 1978, ch. 417.

57. C.R.C. 1978, ch. 870.

58. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 aux p. 876-78 et 1053.

59. Il a été fait mention de sociétés comme Nestlé et Milupa, qui ont une bonne réputation dans le domaine des produits de soins aux bébés, comme des céréales ou des préparations, et qui pourraient produire des aliments pour bébés en pot pour d'autres marchés. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 15 septembre 1998 aux p. 347-48.

60. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 989.

61. Ibid. à la p. 900. Heinz a aussi indiqué que l'ensemble de ses ventes d'aliments pour bébés représente uniquement 10 p. 100 de la totalité de ses ventes. Ibid. à la p. 830.

62. Ibid. à la p. 831.

63. Pièce du fabricant A-40 (protégée), dossier administratif, vol. 10A.

64. Le détenteur d'un monopole qui souhaite maximiser le bénéfice à court terme tentera habituellement d'établir un prix où le coût marginal est égal au revenu marginal, ce qui se situe invariablement dans la région élastique de la fourchette des prix.

65. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 816.

66. Pièce du fabricant A-3, paragr. 11, dossier administratif, vol. 9.

67. Transcription de l'audience publique, vol. 3, le 16 septembre 1998 à la p. 750.

68. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 831.

69. Ibid. aux p. 831-32.

70. M. Falck a estimé que 200 emplois seraient touchés par une fermeture éventuelle de la production d'aliments pour bébés en pot à l'usine de Leamington de Heinz. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 980.

71. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 1011; Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 17 septembre 1998 à la p. 164.

72. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 aux p. 814-15.

73. La pauvreté est définie comme la condition des personnes qui vivent dans des familles dont le revenu total, avant impôt, est sous le seuil de faible revenu défini par Statistique Canada.

74. Pièce d'une autre partie Z-1, dossier administratif, vol. 11B.

75. Les prix des CPAB chez les dépanneurs sont considérablement plus élevés que chez les grands épiciers détaillants. Par exemple, les témoignages indiquent que le prix des CPAB vendues dans les dépanneurs pouvait être aussi élevé que 69 ¢ à 79 ¢ le pot. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 14 septembre 1998 à la p. 161. Les prix chez les autres grands détaillants se situaient dans la fourchette de 39 ¢ à 49 ¢ le pot. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 14 septembre 1998 à la p. 139.

76. Pièce du fabricant A-6 (protégée), appendice J, dossier administratif, vol. 10.

77. Public Pre-hearing Staff Report, le 24 août 1998, pièce du Tribunal PB-98-001-3, dossier administratif, vol. 1A à la p. 93.

78. Le Tribunal fait observer que l'estimation susmentionnée n'inclut pas les jus en pot, mais peut inclure d'autres aliments pour bébés, comme des aliments pour tout-petits ou des aliments biologiques pour bébés, qui ne sont pas visés dans la définition des CPAB.

79. Les données estimatives supposent qu'un bébé moyen consomme environ 588 pots d'aliments pour bébés durant la période de 15 mois que dure l'alimentation des bébés.

80. Le Tribunal fait observer que d'autres estimations du coût des CPAB ou des aliments pour bébés en pot associés à l'alimentation d'un bébé ont été présentées par diverses parties. Cependant, dans son analyse, le Tribunal s'est appuyé sur les chiffres susmentionnés.

81. Un témoin a déclaré, dans son exposé public, qu'il en coûtait 32,40 $ par mois pour acheter les aliments pour bébés en pot nécessaires à l'alimentation d'un bébé de sept mois. Pièce d'une autre partie R-2, dossier administratif, vol. 11B.

82. Supra note 22 à la p. 5.

83. Pièce du fabricant A-35 à la p. 13, dossier administratif, vol. 9A.

84. Ibid.

85. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 14 septembre 1998 aux p. 245-46.

86. Ibid. aux p. 59-60 et 94-95; pièce d'une autre partie F-1, dossier administratif, vol. 11B.

87. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 3, le 17 septembre 1998 à la p. 182.

88. Ibid.à la p. 170.

89. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 aux p. 836-37.

90. L'exercice 1994-1995 a aussi été une année record pour l'Unité des aliments pour nourrissons de Heinz, c'est-à-dire l'unité qui comprend les ventes d'aliments pour bébés en pot. Pour cette raison, il a été plaidé que cet exercice n'est pas un choix convenable comme année de référence. Cependant, le Tribunal est limité dans son choix par les renseignements disponibles au dossier portant sur la période allant de 1995 jusqu'au début de 1998. Il a cependant été constaté que, dans la dernière partie de la période susmentionnée, les prix nets réels ont été affectés par le dumping, ce qui ne laissait que l'exercice 1994-1995 comme seul choix possible.

91. Une discussion des diverses options relatives à la forme qu'une réduction des droits pourrait prendre à été présentée dans la version publique du rapport préparé par le personnel du Tribunal.

92. Une réduction de droits antidumping pourrait être mise en œuvre, sur recommandation du ministre, par le gouverneur en conseil.

93. Revenu Canada appliquerait les prix minimaux de vente imposés sur le marché national, qui seraient mis en œuvre par l'entremise d'un décret de remise. Revenu Canada continuerait aussi de déterminer et de comparer les prix à l'exportation et les valeurs normales, comme il le fait toujours pour un produit qui fait l'objet de conclusions de dommage. Cela est nécessaire afin de veiller, entre autres, à ce que le montant du droit antidumping ne dépasse pas la marge de dumping en conformité avec les exigences du paragraphe 3 de l'article 9 de l'Accord antidumping de l'OMC.

94. Sur une base de 100 pour l'exercice 1992, l'IPC global a monté, passant de 104,2 à 108,5. Statistique Canada, CANSIM, Indices des prix à la consommation au Canada, mensuel, classement de 1996, Banque de données ID P100000.

95. Sur une base de 100 pour l’exercice 1992, le composant « Aliments achetés au magasin » de l'IPC a monté, passant de 104,6 à 109,5. Statistique Canada, CANSIM, Indices des prix à la consommation au Canada, mensuel, classement de 1996, Banque de données ID P100002.

96. Sur une base de 100 pour l'exercice 1992, le composant « Aliments pour bébés et enfants » de l'IPC a baissé, passant de 104,6 à 102,0. Statistique Canada, CANSIM, Indices des prix à la consommation au Canada, mensuel, classement de 1996, Banque de données ID P100069.

97. Un témoin de Heinz a fait observer que l'influence de Gerber, importante dans le reste du Canada durant la période 1995-1997, n'avait pas une aussi grande importance au Québec. Le témoin a aussi indiqué, cependant, que Gerber détenait environ 30 p. 100 du circuit de distribution auprès des pharmacies du Québec. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 1065.

98. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 aux p. 858 et 989.

99. Ibid. à la p. 989.

100. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 1, le 15 septembre 1998 aux p. 86-87.

101. Par exemple, si le volume de la production baisse, les coûts fixes sont répartis sur un plus petit nombre d'unités de vente, ce qui augmente les coûts par pot. À l'inverse, si le volume augmente, les coûts par caisse sont répartis sur un plus grand nombre d'unités et les coûts unitaires diminuent.

102. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 septembre 1998 à la p. 938.

103. Pièce de l'importateur et de l'exportateur B-2 (protégée) aux p. 9-10, dossier administratif, vol. 12.

104. Un témoin expert de Gerber a fait observer que le Fonds monétaire international, dans Statistique financière internationale, fait état d'une augmentation de 4,7 p. 100 des prix à la consommation. Voir pièce de l'importateuret de l'exportateur B-7 à la p. 16, note 31, dossier administratif, vol. 11.

105. Si d'autres exportateurs américains expédient des CPAB au Canada, Revenu Canada devra apparier leurs produits aux quatre catégories de CPAB de Heinz et convertir le prix associé à partir de la base par équivalent caisse pour prendre en compte la taille réelle des caisses utilisées par l'exportateur.

106. Le présent rapport renferme la version publique de l'appendice confidentiel.

107. L'estimation de la réduction des droits a été préparée d'après les taux de change durant la période de janvier à juin 1997 pour refléter les taux de change qui prévalaient durant la période visée dans la détermination de la marge de dumping par Revenu Canada.

108. Transcription de l'argumentation publique, le 18 septembre 1998 à la p. 45.


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Publication initiale : le 1 décembre 1998