TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BULGARIE, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ET DE LA ROUMANIE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2003-002


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 12 août 2003

Enquête préliminaire de dommage no PI-2003-002

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

LE DUMPING DE CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BULGARIE, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ET DE LA ROUMANIE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tôles d'acier au carbone et des tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d'une largeur variant de 24 pouces (+/- 610 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/- 4,75 mm) à 5,25 pouces (+/- 133 mm) inclusivement, originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie, à l'exclusion des tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l'American Society for Testing and Materials (ASTM), nuance 70, d'une épaisseur supérieure à 3,125 pouces (+/- 79,3 mm), des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l'avis, reçu le 13 juin 2003 du commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, annonçant l'ouverture d'une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tôles d'acier au carbone laminées à chaud susmentionnées a causé un dommage à la branche de production nationale.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Date de la décision :

Le 12 août 2003

Date des motifs :

Le 27 août 2003

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Zdenek Kvarda. membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Directeur de la recherche :

Peter Welsh

   

Gestionnaire de la recherche :

Douglas Kemp

   

Préposé aux statistiques :

Marie-Josée Monette

   

Conseillers pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

 

Roger Nassrallah

   

Greffier adjoint :

Gillian E. Burnett

   

Agent au soutien du greffe :

Ingrid Navas

Participants :

 

Ronald C. Cheng

   

Benjamin P. Bedard

   

Paul D. Conlin

 

pour

Algoma Steel Inc.

     
   

Dalton Albrecht

 

pour

IPSCO Inc.

     
   

Lawrence L. Herman

   

Craig S. Logie

 

pour

Stelco Inc.

     
   

Donald J. Goodwin

   

Evgeny Pavlenko

 

pour

Acier Wirth et Vitkovice Steel A.S.

     
   

Lubka Voucheva

   

Ambassade de la Bulgarie

     
   

Menelaos Tassopoulos

   

Stomana Industry S.A.

Témoins :

Glenn A. Gilmore
Superviseur des activités commerciales
IPSCO Inc.

Robert A. Clark
Directeur
Commerce et vérification

Algoma Steel Inc.

Mark Mittleman
Directeur
Produits de tôles
Algoma Steel Inc.

Donald K. Belch
Directeur - Relations gouvernementales
Stelco Inc.

Fernando Ferreira
Directeur des produits - Produits plats
Acier Wirth

Alan Bromley
Président
Division de la vente des tôles
Samuel Plate Sales

Todd Beacom
Directeur corporatif des achats
Anchor Lamina Inc.

J.E.M. Braid
Chercheur scientifique principal
Laboratoire de la technologie des
matériaux de CANMET
Secteur des minéraux et des métaux
Ministère des Ressources naturelles

Ottawa, le mercredi 27 août 2003

Enquête préliminaire de dommage no PI-2003-002

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

LE DUMPING DE CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET CERTAINES TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BULGARIE, DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ET DE LA ROUMANIE

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 12 août 2003, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 , le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a rendu une décision provisoire de dommage concernant le dumping des tôles d'acier au carbone et des tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d'une largeur variant de 24 pouces (+/- 610 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/- 4,75 mm) à 5,25 pouces (+/- 133 mm) inclusivement, originaires ou exportées de la Bulgarie, de la République tchèque et de la Roumanie, à l'exclusion des tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l'American Society for Testing and Materials (ASTM), nuance 70, d'une épaisseur supérieure à 3,125 pouces (+/- 79,3 mm), des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »).

L'ouverture de la présente enquête a fait suite à l'ouverture, le 13 juin 2003, par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire), d'une enquête sur le présumé dumping des marchandises susmentionnées.

Le 16 juin 2003, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête préliminaire de dommage2 . Le 19 juin 2003, après avoir examiné le dossier transmis par le commissaire et dont il ressortait que la production actuelle de tôles au Canada était limitée aux tôles d'une épaisseur de 3,0 pouces ou moins, le Tribunal a demandé aux parties de déposer des exposés sur la situation actuelle et les projets de producteurs nationaux eu égard à la production et à la vente de tôles d'acier au carbone d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces et de soumettre des éléments de preuve et des arguments sur la substituabilité physique et économique des tôles d'acier au carbone d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces et des autres tôles visées dans l'enquête. En même temps, le Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs nationaux et aux importateurs de tôles d'acier au carbone leur demandant des renseignements détaillés, selon l'épaisseur des tôles, sur leurs ventes de tôles d'acier au carbone à partir de la production nationale et à partir des importations.

Le 18 juillet 2003, le Tribunal a décidé de tenir une audience, compte tenu des observations et des réponses aux questionnaires qu'il avait reçues. L'audience, pendant laquelle les témoignages ont été entendus publiquement et à huis clos, a été tenue à Ottawa le 28 juillet 2003. L'objet de l'audience était de permettre au Tribunal d'entendre des témoignages et des plaidoiries sur la situation actuelle et les projets des producteurs nationaux eu égard à la production et à la vente de tôles d'acier au carbone d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces et sur la substituabilité physique et économique des tôles d'acier au carbone d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces et des autres tôles visées dans la présente enquête. L'audience avait aussi pour objet de permettre de savoir si les prix des tôles d'acier importées d'une épaisseur supérieure auront vraisemblablement une incidence sur l'établissement des prix des marchandises similaires de moindre épaisseur.

Algoma Steel Inc. (Algoma), IPSCO Inc. (IPSCO) et Stelco Inc. (Stelco) ont présenté des exposés et ont été représentées par des conseillers. Acier Wirth (Wirth), un importateur, a aussi présenté des exposés et a été représentée par des conseillers. Le gouvernement de la Bulgarie a présenté un exposé, et une représentante de ce gouvernement a comparu à l'audience.

Des représentants d'un grand distributeur d'acier semi-ouvré et d'un utilisateur final, Samuel Plate Sales et Anchor Lamina Inc., respectivement, et un chercheur scientifique du ministère des Ressources naturelles ont comparu à titre de témoins du Tribunal.

ANALYSE

Le mandat du Tribunal en ce qui concerne les enquêtes préliminaires de dommage lui est conféré aux termes du paragraphe 34(2) et de l'article 37.1 de la LMSI, qui prévoient que le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. Le terme « dommage » est défini dans la LMSI comme étant le « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». L'expression « branche de production nationale » s'entend de l'ensemble des producteurs nationaux de « marchandises similaires » ou les producteurs nationaux dont la production totale constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'Algoma, IPSCO et Stelco constituent la branche de production nationale.

Questions de compétence

En plus de la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, l'existence d'un dommage, les questions que le Tribunal doit trancher en l'espèce sont les suivantes : à savoir si, aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI 3 , le Tribunal a compétence pour recueillir d'autres renseignements et éléments de preuve sur les différentes épaisseurs de tôles; à savoir s'il existe plus d'une catégorie de marchandises similaires; à savoir si le Tribunal a le pouvoir, dans une enquête préliminaire de dommage, d'accueillir une demande d'exclusion à l'égard des tôles d'une épaisseur supérieure à 2,75 pouces présentée par Wirth aux termes de l'alinéa 35(1)b)4 . Dans la présente affaire, le Tribunal était d'avis que, étant donné la décision de Stelco d'interrompre l'exploitation de son laminoir, la demande d'exclusion présentée par Wirth et la question de la substituabilité physique et économique des tôles de différentes épaisseurs, une audience était justifiée. Le Tribunal était aussi d'avis qu'une brève audience ciblée lui permettrait de mieux examiner les motifs sous-jacents de la décision de Stelco, ainsi que les projets de la branche de production nationale au sujet de la production de tôles d'un épaisseur supérieure à 3,0 pouces.

En ce qui a trait à la question du pouvoir conféré au Tribunal aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI, Stelco a soutenu que le Tribunal avait entrepris une mini-enquête, recueillant de nouveaux éléments de preuve, et qu'il était bien près d'outrepasser la compétence que lui confère l'article 34. Ledit article, selon Stelco, prévoit que le Tribunal peut seulement déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu'un dommage a été causé, ce qui représente un seuil moins élevé que celui de l'établissement d'une preuve prima facie. De plus, les mots « des marchandises » à l'article 34 renvoient aux marchandises définies par le commissaire. Stelco a soutenu que, dans une enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal sont les renseignements et les pièces que lui a transmis le commissaire en conformité avec l'alinéa 34(1)b) et n'incluent pas de nouveaux éléments de preuve.

En ce qui a trait à la question des catégories de marchandises, la branche de production nationale a soutenu que le commissaire a ouvert l'enquête à l'égard d'une catégorie de marchandises en question, d'une épaisseur variant de 0,187 pouce à 5,25 pouces, de diverses nuances, et qu'il n'a pas établi de distinction entre les marchandises en question en fonction de l'épaisseur des tôles. La branche de production nationale a soutenu que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question et les marchandises similaires sont identiques et que rien ne justifie, à la lumière de la conjoncture du marché national des tôles, la division d'une seule catégorie de marchandises d'une épaisseur variant de 0,187 pouce à 5,25 pouces, de toutes les nuances, en six catégories d'épaisseurs, comme le Tribunal l'a fait dans son questionnaire. La branche de production nationale a soutenu qu'il ressort des éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal que les marchandises en question sont produites par application des mêmes méthodes, que leurs circuits de distribution sont les mêmes et qu'elles ne sont ni vendues en fonction de six catégories ni demandées par les acheteurs ou achetées en fonction de ces six catégories. Les tôles présentent les mêmes propriétés chimiques et physiques, lesquelles ne varient pas en fonction de l'épaisseur du produit.

Algoma a soutenu que l'article 34 de la LMSI est une disposition permissive qui habilite le Tribunal à établir des catégories de marchandises qui diviseraient la définition initiale établie au moment de l'ouverture d'une enquête par le commissaire. Algoma a soutenu que si, à l'étape de l'enquête préliminaire de dommage, le Tribunal devait être convaincu par des éléments de preuve concluants qu'il existe plus d'une catégorie de marchandises, alors il pourrait y avoir une raison valable de recueillir les données et d'enquêter sur la question de savoir si un dommage a été causé eu égard à plus d'une catégorie de marchandises, par exemple les marchandises d'une épaisseur variant de 0,187 pouce à 4,0 pouces inclusivement et celles d'une épaisseur supérieure à 4,0 pouces mais n'excédant pas 5,25 pouces. Cependant, de l'avis d'Algoma, une détermination d'absence de dommage en fonction de la preuve requise dans une enquête aux termes de l'article 42 serait prématurée à la lumière des éléments de preuve versés au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage. Algoma a aussi soutenu que l'alinéa 35(1)b) confère au Tribunal un grand pouvoir discrétionnaire dans la détermination de la portée de l'enquête préliminaire de dommage. Toutefois, selon l'exposé d'Algoma, les faits de l'espèce ne permettent pas la division des marchandises en question en catégories distinctes de marchandises.

IPSCO a soutenu qu'une demande d'exclusion, comme celle présentée par Wirth, devrait être traitée à l'étape de l'enquête de dommage, dans le cadre d'une audience complète où tous les éléments de preuve sont entendus et non pas à l'étape d'une enquête préliminaire de dommage. De plus, la branche de production a soutenu qu'il y a et qu'il y aura une production des tôles d'une épaisseur de 2,75 pouces et plus. Les éléments de preuve montrent que Stelco a fabriqué des tôles d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces allant jusqu'à 5,25 pouces. Algoma et IPSCO ont soumis des éléments de preuve qu'elles produisent ou produiront bientôt des tôles d'une épaisseur de 3,25 pouces et qu'elles projettent de bientôt produire des tôles d'une épaisseur allant jusqu'à 4,0 pouces. Enfin, la branche de production nationale a soutenu qu'une exclusion de produit, si elle était accordée, pourrait causer un retard à la production de tôles d'une épaisseur allant jusqu'à 4,0 pouces d'IPSCO et au développement continu de la fourchette des dimensions d'Algoma, et mettre en péril les projets de reprise de la production de marchandises similaires de Stelco. Algoma a soutenu que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d'accueillir une demande d'exclusion dans le cadre de l'enquête préliminaire de dommage mais que, à la lumière des faits de l'espèce, il ne serait pas indiqué que le Tribunal accorde une exclusion fondée uniquement sur la question de savoir si la branche de production nationale produit des marchandises similaires.

Wirth a soutenu que les éléments de preuve appuyaient une demande d'exclusion des tôles d'une épaisseur de 2,75 pouces et plus, étant donné l'établissement de prix différents selon la fourchette d'épaisseurs des tôles. Elle a ajouté que les éléments de preuve montrent que Stelco a interrompu l'exploitation de son laminoir à tôles fortes et ne peut offrir les tôles épaisses. De plus, Stelco a produit des brames profilées et non des tôles. Enfin, la branche de production nationale n'a pas déposé d'éléments de preuve concluants de sa production ou de ses projets de production de tôles d'une épaisseur supérieure à 3,0 pouces.

Il ressort clairement de l'alinéa 35(1)b) de la LMSI que le Tribunal peut arriver à la conclusion, au sujet de tout ou d'une partie des marchandises, que le dumping des marchandises a causé un dommage. À cet égard, le Tribunal fait observer que, dans ses exposés en réponse, Algoma indique que le Tribunal dispose d'un grand pouvoir discrétionnaire pour décider de la portée de sa décision provisoire de dommage. Dans sa plaidoirie, Algoma a de plus affirmé que la compétence du Tribunal en vertu de l'article 34 est claire. L'article 34 présente un caractère permissif. Algoma a soutenu qu'en vertu de cet article, le Tribunal avait invoqué sa compétence pour établir des catégories de marchandises et pour diviser une définition initialement énoncée au moment de l'ouverture d'une enquête du commissaire. Selon Algoma, le Tribunal a le pouvoir de procéder de la sorte. Algoma a aussi soutenu que l'alinéa 35(1)b) confère au Tribunal le pouvoir d'établir des exclusions à cette étape. Le Tribunal est d'accord sur ce point.

Le Tribunal doit maintenant déterminer quelles marchandises de production nationale sont des marchandises similaires aux marchandises en question. La question qui a été soulevée à l'audience était celle de savoir si les tôles épaisses de production nationale étaient similaires aux marchandises en question. Le Tribunal est d'avis que la branche de production nationale produit, pour l'essentiel, les mêmes marchandises que les marchandises en question et qu'il s'agit, donc, de marchandises similaires aux marchandises en question. Le Tribunal est aussi d'avis, à la lumière des éléments de preuve qui figurent présentement au dossier, qu'il existe une catégorie de marchandises similaires. Les marchandises, par exemple, présentent des caractéristiques physiques, des circuits de distribution et des procédés de fabrication très proches les unes des autres, même si leurs caractéristiques peuvent varier légèrement selon les applications ou les utilisations finales. De plus, les éléments de preuve ont montré que la branche de production nationale produit les marchandises similaires en appliquant les mêmes méthodes, recourt aux mêmes circuits de distribution et ne vend pas les marchandises selon des catégories, et que les acheteurs ne demandent pas et n'achètent pas les marchandises en question selon différentes catégories. Le Tribunal est aussi d'avis, à la lumière des éléments de preuve au dossier, qu'il peut exister un lien entre les différentes épaisseurs des tôles au sein d'une même catégorie et leur prix, de sorte que le prix d'une épaisseur peut avoir une incidence sur le prix d'une épaisseur différente.

Le Tribunal est d'avis qu'il est concevable que, dans une enquête préliminaire de dommage, il pourrait accorder des exclusions dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque les éléments de preuve établissent clairement l'absence de production récente ou imminente de marchandises similaires pour des motifs non liés au dumping. Le Tribunal est aussi d'avis que les éléments de preuve au dossier sont nettement insuffisants pour arriver à une telle décision en l'espèce. De plus, le Tribunal fait observer qu'il incombe à la demanderesse d'une exclusion de le convaincre qu'il est justifié d'accorder une telle exclusion à cette étape. La demanderesse ne s'est pas acquittée de ce fardeau.

Enfin, le Tribunal accepte que le seuil voulant que les éléments de preuve « indiquent, de façon raisonnable », auquel renvoient les articles 34 et 35 de la LMSI, est manifestement moins élevé que le seuil imposé dans une enquête aux termes des articles 42 ou 76, où les liens de causalité d'un dommage doivent être établis d'après la prépondérance des éléments de preuve.

Dommage

Le Tribunal fait observer que les éléments de preuve transmis par le commissaire montrent que, durant la période d'enquête du commissaire, presque toutes les marchandises faisant l'objet de l'examen semblent avoir été sous-évaluées et que le volume estimatif des marchandises sous-évaluées en provenance de chacun des pays désignés dépassait le seuil de négligeabilité de 3 p. 100.

Dans sa plainte déposée auprès de l'ADRC, Algoma, appuyée par IPSCO et Stelco, a soutenu que les importations des marchandises en question ont causé et menacent de causer un dommage sensible à la branche de production nationale sous la forme de réduction de la part du marché, de pertes de ventes, d'effritement des prix, de compression des prix, de sous-utilisation de la capacité de production de tôles et de faible rendement financier. À l'appui de la plainte, Stelco a produit des éléments de preuve de pertes de ventes qui, selon Stelco, auraient permis de réaliser le volume de ventes nécessaire pour éviter l'arrêt de l'exploitation de son laminoir à tôles fortes.

Le gouvernement de la Bulgarie a soumis que la part du marché des tôles d'acier au carbone détenue par les producteurs nationaux diminue depuis 2000 et que la part de tous les importateurs augmente. En ce qui a trait à la question de menace de dommage, l'exposé souligne que les marchandises en question exportées de la Bulgarie n'ont pas fait l'objet de mesures antidumping récemment. En ce qui a trait à la négligeabilité, l'exposé affirme que, en 2002, la Bulgarie a exporté, au total, moins de 10 000 tonnes et que, par rapport au volume total de tôles importées au Canada, une telle quantité est négligeable. En ce qui a trait à l'exposé du gouvernement de la Bulgarie, le Tribunal fait observer qu'aucun autre élément de preuve au dossier n'est susceptible de porter le Tribunal à tirer une conclusion différente de celle qu'a tirée le commissaire.

En ce qui a trait à la question de dommage, le Tribunal est d'avis qu'il existe des éléments de preuve que les importations sous-évaluées en provenance des pays désignés peuvent avoir contribué à la faiblesse touchant plusieurs aspects visés par les indicateurs économiques normaux de dommage, et avoir aussi fait partie de la cause de l'arrêt de l'exploitation du laminoir à tôles fortes de Stelco. Les éléments de preuve au dossier indiquent que, de 2001 jusqu'au 31 mars 2003, la concurrence entre les marchandises en question et les marchandises similaires a entraîné une perte correspondante de ventes de marchandises similaires et que la part du marché détenue par les importations sous-évaluées a affiché une croissance soutenue, augmentant de 6,1 points de pourcentage. Même si les importations non en question ont aussi augmenté après 2000, les marchandises en question ont capturé une autre tranche du marché de presque 20 p. 100 durant cette période et, de l'avis du Tribunal, n'eût été le dumping, la branche de production aurait pu conserver de nombreuses ventes qu'elle a censément perdues à cause des marchandises sous-évaluées ainsi qu'une grande partie de la part correspondante du marché qu'elle a perdue.

De plus, il existe des éléments de preuve au dossier qui portent à croire que les prix auxquels les marchandises en question ont été vendues ont entraîné à la fois une compression et un effritement des prix nationaux et, de ce fait, ont exercé une pression à la baisse sur les marges et la rentabilité de la branche de production. D'après les éléments de preuve déposés par Algoma, les prix nationaux demeurent sous leurs niveaux de 1998, lorsque plusieurs autres pays exportaient des tôles d'acier au carbone sous-évaluées au Canada. En outre, les éléments de preuve indiquent qu'Algoma n'a été capable d'établir qu'une partie des augmentations de prix qu'elle avait annoncées en 2002. À cet égard, tant Algoma que Stelco ont déposé des éléments de preuve que la disponibilité des importations à bas prix en provenance des pays désignés a exercé une forte pression à la baisse sur les prix des tôles d'acier de la branche de production canadienne, ce qui a eu pour effet que toutes deux ont subi une baisse de leurs volumes de ventes, une hausse de leurs coûts unitaires et une réduction de leurs marges bénéficiaires.

Les éléments de preuve indiquent aussi que, même si la branche de production a continué d'investir dans ses installations de production pour réduire ses coûts et augmenter sa compétitivité au plan international, sa capacité de production de tôles demeure considérablement sous-utilisée.

La branche de production nationale a soutenu que les marchandises en question ont été vendues à des prix uniformes la tonne, une pratique qui permettrait l'utilisation des prix de dumping des tôles de dimensions supérieures en vue de l'établissement à la baisse des prix moyens des tôles de moindre épaisseur. En ce qui a trait à l'incidence alléguée d'une telle pratique d'établissement de prix globaux, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve au dossier ne corroborent pas suffisamment les observations et les témoignages de la branche de production selon lesquels cette prétendue pratique causera vraisemblablement un dommage. Le Tribunal ne peut pas, présentement, conclure que tel a été le cas relativement aux marchandises en question. À cet égard, selon le Tribunal, il n'est pas clair non plus si les pays désignés produisent ou exportent des tôles d'une épaisseur supérieure à 4,0 pouces.

Compte tenu des faits qui précèdent, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve au dossier indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tôles d'acier au carbone en question a causé un dommage à la branche de production nationale.

En ce qui a trait à la question du retard, le Tribunal fait observer que la LMSI définit le retard comme le retard sensible de la mise en place d'une branche de production nationale. Étant donné qu'il existe déjà une production de marchandises similaires au Canada, le retard de toute production supplémentaire potentielle ne pourrait être qualifié, de l'avis du Tribunal, de retard au sens des dispositions de la LMSI.

En ce qui a trait à la décision de Stelco d'interrompre la production à son laminoir à tôles fortes, le Tribunal a entendu certains éléments de preuve selon lesquels la baisse de la demande d'acier en bandes (tôles non en question destinées à la production de tuyaux) peut avoir été un facteur sous-jacent dans la prise de cette décision. Le Tribunal est d'avis que la faible demande d'acier en bandes peut avoir contribué à la décision de Stelco, mais aucun élément de preuve qu'il s'est agi du seul facteur n'a été déposé. Si le Tribunal tient une enquête de dommage aux termes de l'article 42 de la LMSI, ce facteur devra faire l'objet d'un plus ample examen.


1 . R.S.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . C. Gaz. 2003.I.2049.

3 . Le paragraphe 34(2) de la LMSI prévoit ce qui suit : « Dès réception par le secrétaire de l'avis prévu au sous-alinéa (1)a)(i), le Tribunal procède à une enquête préliminaire (n'a pas à inclure d'audition) afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. »

4 . L'alinéa 35(1)b) de la LMSI prévoit, en partie, ce qui suit :

35. (1) Le commissaire prend les mesures prévues au paragraphe (2) et le Tribunal, celles prévues au paragraphe (3), si, avant que le commissaire rende une décision provisoire en vertu du paragraphe 38(1) au sujet de marchandises d'un ou de plusieurs pays donnés, l'une ou l'autre des conditions suivantes est remplie :

b) le Tribunal conclut, au sujet de tout ou partie de ces marchandises, que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.