MAÏS-GRAIN

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


CERTAINS MAÏS-GRAIN ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET IMPORTÉS AU CANADA POUR UTILISATION OU CONSOMMATION À L'OUEST DE LA FRONTIÈRE MANITOBA-ONTARIO
Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 10 octobre 2000

Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-001

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

LE DUMPING ET LE SUBVENTIONNEMENT DE CERTAINS MAÏS-GRAIN ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET IMPORTÉS AU CANADA POUR UTILISATION OU CONSOMMATION À L'OUEST DE LA FRONTIÈRE MANITOBA-ONTARIO

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le 9 août 2000, le directeur général intérimaire, Direction des droits antidumping et compensateurs, Agence des douanes et du revenu du Canada, a avisé le Tribunal canadien du commerce extérieur de l'ouverture d'une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables du maïs-grain sous toutes formes, à l'exception du maïs blanc denté importé par des fabricants de grignotines et de tortillas pour la fabrication de grignotines et de tortillas, du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique et importé au Canada pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario.

Après avoir reçu l'avis, le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain susmentionné ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur par la présente détermine que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain susmentionné ont causé un dommage à la branche de production nationale.


Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Susanne Grimes

Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.
 
 

Date de la décision :

Le 10 octobre 2000

   

Date des motifs :

Le 25 octobre 2000

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Directeur de la recherche :

Selik Shainfarber

   

Agent principal de la recherche :

Ken Campbell

   

Économiste :

Ihn Ho Uhm

   

Conseillers pour le Tribunal :

John Dodsworth

 

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Gillian E. Burnett

Observations

Association de nutrition animale du Canada

Association de nutrition animale du Canada - section Alberta

Association de nutrition animale du Canada - section Colombie-Britannique

Association de nutrition animale du Canada - section Manitoba

BC Agriculture Council

Conseil canadien du porc

Association canadienne des fabricants de grignotines

Genetic Seeds, Inc.

Manitoba Corn Growers Association Inc.

 
 

Ottawa, le mercredi 25 octobre 2000

Enquête préliminaire de dommage no : PI-2000-001

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

LE DUMPING ET LE SUBVENTIONNEMENT DE CERTAINS MAÏS-GRAIN ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET IMPORTÉS AU CANADA POUR UTILISATION OU CONSOMMATION À L'OUEST DE LA FRONTIÈRE MANITOBA-ONTARIO

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 9 août 2000, aux termes du paragraphe 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 , le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le Commissaire) a ouvert une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables du maïs-grain sous toutes formes, à l'exception du maïs blanc denté importé par des fabricants de grignotines et de tortillas pour la fabrication de grignotines et de tortillas, du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique et importé au Canada pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario.

L'enquête a été ouverte à la suite d'une plainte déposée au nom de la Manitoba Corn Growers Association Inc. (MCGA) le 19 juin 2000. Le 10 juillet 2000, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a informé la MCGA que le dossier de sa plainte était complet et a avisé le gouvernement des États-Unis du dépôt de la plainte.

Le 10 août 2000, aux termes du paragraphe 34(2) de la LMSI, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a donné avis aux parties intéressées qu'il avait ouvert une enquête préliminaire de dommage en vue de déterminer si les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable que le dumping et le subventionnement ont causé un dommage sensible ou un retard ou menacent de causer un dommage sensible.

Le dossier de la présente enquête préliminaire de dommage comprend tous les documents qui se rapportent à la décision du Commissaire d'ouvrir son enquête, l'énoncé des motifs de sa décision d'ouvrir une enquête et les versions publique et protégée de la plainte. De plus, le dossier comprend tous les exposés déposés en réponse à l'avis du Tribunal. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties. Seuls les conseillers qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d'engagement relativement à l'utilisation, la divulgation, la reproduction, la protection et l'entreposage des renseignements confidentiels figurant au dossier de la procédure, et à la façon d'en disposer à la fin de la procédure ou en cas de changement de conseiller, ont eu accès aux pièces protégées.

Le Tribunal a publié sa décision provisoire de dommage le 10 octobre 2000.

PRODUIT

Aux fins de l'enquête de l'ADRC, les marchandises en question sont définies comme suit : « maïs-grain sous toutes formes, à l'exception du maïs blanc denté importé par des fabricants de grignotines et de tortillas pour la fabrication de grignotines et de tortillas, du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique et importé au Canada pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario ».

Pour être plus précis, « le maïs-grain sous toutes formes » faisant l'objet de l'enquête inclut, mais sans s'y limiter, le maïs en grains entiers et le maïs-grain traité, comme le maïs concassé, écrasé, moulu ou en flocons. Est aussi inclus le maïs-grain mélangé à d'autres produits, y compris, mais sans s'y limiter, le millet, qui peut être séparé du maïs-grain après importation.

Le maïs-grain est récolté lorsque les grains sont secs et durs, habituellement de septembre à la fin novembre. Les grains de maïs sont séparés de l'épi au moment de la récolte, rendant ainsi le maïs prêt à être vendu et transporté. Il existe de nombreuses variétés de maïs-grain. Cependant, la variété la plus commune de maïs en Amérique du Nord est connue sous l'appellation maïs denté. Il est aussi appelé maïs blanc et son appellation scientifique est Zea mays indentata. Le maïs denté est une variété de maïs dont le grain contient à la fois de l'amidon dur et de l'amidon mou et qui est denté à maturité. Il est principalement utilisé pour l'alimentation des animaux, mais aussi pour la création d'une vaste gamme d'autres produits, comme l'alcool (y compris les spiritueux et l'éthanol utilisé comme carburant), le sirop de maïs et les édulcorants, l'amidon de maïs, les aliments destinés aux humains et aux animaux, et les produits industriels.

Comme l'indique la définition du produit, le maïs blanc denté, le maïs de semence (utilisé aux fins de reproduction), le maïs sucré et le maïs à éclater sont exclus de la portée de l'enquête de l'ADRC. Est également exclu le maïs d'ensilage ou de fourrage, un type de maïs dont les grains ne sont pas séparés de l'épi au moment de la récolte. Toute la plante de maïs est coupée en morceaux, y compris la tige, les feuilles et l'enveloppe. Le maïs d'ensilage sert à l'alimentation des animaux sur les fermes où il est cultivé et n'est habituellement pas objet de commerce ou d'utilisation dans la transformation industrielle. Le maïs indien et le sorgho, généralement utilisés à des fins décoratives, ne sont pas non plus visés dans l'enquête.

BRANCHE DE PRODUCTION

Deux associations représentent les producteurs de maïs-grain dans l'Ouest canadien : la partie plaignante, la MCGA, qui représente 391 producteurs de maïs-grain au Manitoba; et Bow Island Corn Marketing, Ltd. (Bow Island), qui représente environ 12 producteurs de maïs-grain en Alberta. Bien qu'elle n'appuie pas la plainte, Bow Island ne fait pas opposition à l'action de la MCGA. Il y a peu ou pas de production de maïs-grain en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique.

Les producteurs du Manitoba représentent plus de 90 p. 100 de la production de maïs-grain dans l'Ouest canadien (c.-à-d. le maïs cultivé à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario). Ces producteurs ont en général vendu la plus grande partie de leur production par l'intermédiaire de cinq ou six grands acheteurs qui vendent ensuite aux utilisateurs finals dans l'ensemble de l'Ouest canadien. Les acheteurs peuvent demander que le maïs-grain soit livré à leurs silos ou directement à certains de leurs gros clients, par exemple des distillateurs ou des fabricants d'aliments pour animaux. Les producteurs vendent aussi aux provenderies locales et aux utilisateurs finals, par exemple des producteurs de bétail.

Bow Island commercialise le maïs-grain dans le cadre de contrats dans le sud de l'Alberta. Ses membres ont moissonné environ 2 500 acres de maïs-grain lors de la dernière campagne agricole, soit environ 3 p. 100 de la production dans l'Ouest canadien.

ENQUÊTE DU COMMISSAIRE

Dans le cadre de son estimation provisoire des marges de dumping, l'ADRC a accueilli l'affirmation de la partie plaignante selon laquelle les prix de vente aux États-Unis ne représentaient pas des prix rentables. Par conséquent, l'ADRC a établi des valeurs normales en additionnant le coût de production des marchandises, un montant raisonnable pour les frais administratifs, les frais de vente et autres frais, et un montant raisonnable pour les bénéfices. Pour calculer les prix à l'exportation, l'ADRC s'est fondée sur des données à l'importation réelles tirées d'un échantillon de documents douaniers.

Les marges estimatives de dumping ont été déterminées par comparaison des valeurs normales et des prix à l'exportation calculés par l'ADRC. Selon ces estimations, environ 54 p. 100 des marchandises en question ont été réputées avoir fait l'objet de dumping. Les marges de dumping varient dans une fourchette de 26 à 53 p. 100, en pourcentage de la valeur normale. La marge de dumping globale est évaluée à 40 p. 100.

À l'appui de ses allégations d'importations subventionnées, la MCGA a fourni à l'ADRC divers rapports et documents gouvernementaux des États-Unis, provenant tant du niveau fédéral que des États, qui décrivent les présumés programmes de subventions. Dans son exposé initial à l'ADRC, la MCGA a allégué que les principaux programmes de subventions peuvent être répartis en deux grandes catégories : d'une part, les prêts à forfait d'aide à la commercialisation et les paiements compensatoires de prêts et, d'autre part, les divers programmes d'encouragement à la production d'éthanol. Dans le cadre d'un exposé supplémentaire à l'ADRC, la MCGA a fourni une liste d'autres programmes auxquels les producteurs de maïs des États-Unis ont accès. Cependant, aux fins de son analyse afférente à l'ouverture de l'enquête, l'ADRC a surtout tenu compte des deux grandes catégories de programmes décrites dans l'exposé initial.

À une telle étape préliminaire, l'ADRC estime que le montant total des avantages retirés des prêts ainsi que des paiements compensatoires de prêts, une fois alloué à l'ensemble de la production des États-Unis de maïs, a produit un avantage moyen de 0,14 $US le boisseau en 1998, de 0,22 $US en 1999 et d'au moins 0,21 $US en 2000. Ces avantages représentent environ 8, 13 et 12,5 p. 100 de la valeur à l'exportation des marchandises en 1998, 1999 et 2000 respectivement.

Bien que l'ADRC n'ait pas évalué l'ampleur des avantages que retirent les producteurs de maïs aux États-Unis des programmes d'encouragement pour la production d'éthanol, elle est convaincue de l'existence de motifs suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête de subventionnement et pour faire enquête sur tous les programmes signalés par la partie plaignante.

RÉSUMÉ DES EXPOSÉS

En réponse à l'avis d'ouverture d'enquête préliminaire de dommage publié par le Tribunal, 20 parties ont déposé des avis de comparution. Cependant, seulement huit de ces parties, s'opposant toutes à la plainte, ont déposé des exposés, à savoir : Association de nutrition animale du Canada; Association de nutrition animale du Canada - section Alberta; Association de nutrition animale du Canada - section Colombie-Britannique; Association de nutrition animale du Canada - section Manitoba; BC Agricultural Council; Conseil canadien du porc; Association canadienne des fabricants de grignotines (ACFG); Genetic Seeds, Inc. L'Office of the United States Trade Representative (USTR) avait déjà déposé, au nom du gouvernement des États-Unis, un mémoire auprès de l'ADRC dans lequel il s'opposait à la plainte. Le mémoire fait partie du dossier transmis par l'ADRC au Tribunal. La MCGA a déposé un mémoire en réponse à ces exposés.

En résumé, l'USTR soutient que la plainte déposée par la MCGA ne fournit pas suffisamment d'éléments de preuve du dommage causé par les importations du maïs-grain en provenance des États-Unis. L'USTR soutient que la plainte ne renferme pratiquement pas de renseignements sur la condition de la branche de production canadienne, si ce n'est que des allégations fondées sur des anecdotes de producteurs individuels de maïs. De ce fait, l'USTR soutient que la plainte ne comporte que « de simples affirmations, non étayées par des éléments de preuve pertinents » [traduction] au sens du paragraphe 11.2 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires 2 .

Le Conseil canadien du porc affirme lui aussi qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve de dommage. Il affirme que, bien que les producteurs de maïs-grain nord-américains, dans leur totalité, ont dû composer depuis quelques années avec les prix déprimés du maïs, les producteurs de maïs de l'Ouest canadien ont passablement bien réussi, comme le démontre l'importante augmentation de la production de maïs.

L'Association de nutrition animale du Canada et ses sections de l'ouest soutiennent qu'il y a toujours eu une demande pour le maïs-grain des États-Unis de la part des producteurs d'aliments pour animaux de l'ouest, principalement à cause de l'insuffisance de l'approvisionnement en maïs local et parce que le maïs des États-Unis offre de façon plus constante la qualité nécessaire à certains types d'aliments pour animaux. La section Colombie-Britannique et la section Alberta de l'Association de nutrition animale du Canada demandent aussi une exemption visant les importations dans leurs provinces respectives pour le motif que les producteurs de maïs au Manitoba n'ont traditionnellement jamais été en mesure de satisfaire à la demande de leurs régions. Le BC Agriculture Council demande aussi, pour des motifs semblables, une exemption visant les importations en Colombie-Britannique.

L'ACFG soutient que le maïs utilisé dans la fabrication de grignotines faites à partir de maïs en grains entiers devrait être considéré comme constituant une catégorie distincte de marchandises, puisqu'il est, à bien des égards importants, différent des autres variétés de maïs. De plus, l'ACFG est d'avis que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que l'importation de maïs devant servir dans la production de grignotines a causé ou menace de causer un dommage à la production nationale de cette catégorie de marchandises ou a causé un retard dans la création d'une branche de production nationale. D'une façon similaire, Genetic Seeds, Inc. a demandé une exemption visant les importations de maïs jaune denté utilisé par l'industrie des grignotines. Elle a soutenu que l'approvisionnement en maïs jaune denté pour les producteurs de grignotines et de tortillas ne peut être obtenu qu'à partir d'une variété de maïs, à maturation plus longue, qui présente des caractéristiques spécifiques et qui ne peut être cultivé au Manitoba.

ANALYSE

La présente est la première enquête préliminaire de dommage menée par le Tribunal à la suite des modifications apportées à la LMSI, qui sont entrées en vigueur le 15 avril 2000. En application des modifications susmentionnées, la responsabilité de décider, à l'étape préliminaire d'une enquête, s'il existe des éléments de preuve de dommage a été transmise de l'ADRC au Tribunal. Les nouvelles attributions du Tribunal sont énoncées au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui prévoit ce qui suit :

Dès réception par le secrétaire de l'avis prévu au sous-alinéa (1)a)(i), le Tribunal procède à une enquête préliminaire (n'a pas à inclure d'audition) afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

Le critère de la preuve préliminaire de dommage qui permet de savoir si un dommage est indiqué « de façon raisonnable » que le Tribunal est tenu d'appliquer aux termes de la nouvelle loi est le même que l'ADRC était tenu d'appliquer aux termes de l'ancienne loi. Il s'agit aussi du même critère que le Tribunal a appliqué lorsque, aux termes de l'ancienne loi, il a été saisi par l'ADRC de temps à autre, ou par une des parties, d'une demande « d'avis »3 sur la question de dommage à l'étape préliminaire d'une enquête. Ainsi, même s'il y a eu modification au plan de la compétence et certains changements de procédure4 , le principal critère de la preuve à appliquer dans la présente enquête préliminaire de dommage demeure celui de savoir si un dommage est indiqué « de façon raisonnable ». De plus, le seuil de détermination a toujours été interprété par le Tribunal comme étant moins élevé que dans le cas d'une décision définitive de dommage5 .

Dans le contexte de ce qui précède, le Tribunal fait observer que l'enquête du Commissaire vise le maïs-grain importé des États-Unis pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario. Autrement dit, la présente enquête concerne un marché régional au sens de l'alinéa 4.1(ii) de l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et du paragraphe 16.2 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires 6 . Aux termes de ces dispositions, dans certains cas exceptionnels, un territoire national peut être divisé en marchés régionaux distincts dans les causes de dumping et de subventionnement, et une enquête peut être ouverte même si la partie plaignante peut ne pas représenter une proportion majeure de la branche de production nationale totale. Les dispositions des accords susmentionnés prévoient que quatre conditions doivent être satisfaites dans les circonstances exceptionnelles d'une enquête sur une branche de production régionale. La LMSI regroupe ces conditions au paragraphe 2(1.1), qui définit deux conditions pour qu'il existe un marché régional, et au paragraphe 42(5), qui définit deux conditions pour qu'il existe un dommage à un marché régional, ainsi qu'il suit :

Marché régional

a) les producteurs à l'intérieur du marché doivent vendre la totalité ou la quasi-totalité de leur production de marchandises similaires sur ce marché;

b) la demande sur ce marché ne doit pas être satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs de marchandises similaires situés ailleurs au Canada.

Dommage à un marché régional

a) s'il y a concentration des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur le marché régional;

b) si le dumping ou le subventionnement de ces marchandises a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage aux producteurs de la totalité ou la quasi-totalité de la production de marchandises similaires sur le marché régional.

Avant de traiter de la question de dommage, le Tribunal doit être convaincu que les conditions susmentionnées ont été satisfaites, sur la foi des renseignements présentement disponibles. En ce qui concerne la condition relative à un marché régional énoncée ci-dessus, les éléments de preuve indiquent que, depuis plusieurs années, aucune expédition de maïs-grain n'a franchi la frontière Manitoba-Ontario, soit vers l'est, soit vers l'ouest. Par conséquent, la région de l'Ouest canadien, telle qu'elle est définie dans la plainte, satisfait à la condition de l'existence d'un marché régional isolé.

Le Tribunal note qu'il a reçu des exposés qui demandaient que les importations en Colombie-Britannique et en Alberta soient exemptées de la portée de l'enquête. Les motifs fournis à l'appui de la demande sont principalement que la demande à l'endroit des marchandises en question dans ces provinces n'est pas satisfaite par le maïs-grain du Manitoba. Si le Tribunal devait accorder ces exemptions, celles-ci pourraient avoir pour effet de redéfinir et de réduire l'étendue géographique du marché régional tel qu'il est délimité dans la plainte et il se pourrait qu'il faille appliquer, à nouveau, les critères de l'existence d'un marché régional, en fonction du nouveau territoire moins étendu. Cependant, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas présentement suffisamment d'éléments de preuve au dossier pour justifier de subdiviser la région déjà définie. La MCGA conteste les allégations provenant de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, et il n'y a pas de renseignements d'ordre statistique concernant le mouvement du maïs-grain du Manitoba vers les autres provinces de l'ouest. Si le Commissaire rend une décision provisoire de dumping ou de subventionnement, ou des deux, le Tribunal voudra à examiner de plus près ces demandes et l'effet que lesdites exemptions pourraient avoir sur les définitions des marchés régionaux.

En ce qui concerne la question de l'existence d'une concentration des importations sous-évaluées ou subventionnées sur le marché régional décrit ci-dessus, le Tribunal constate que, au cours des récentes campagnes agricoles, les importations en provenance des États-Unis ont représenté, d'une façon constante, plus de 50 p. 100 du marché régional. De plus, le marché régional reçoit le tiers des importations au Canada en provenance des États-Unis, soit cinq fois la part du marché régional de la consommation totale de maïs-grain au Canada. Par conséquent, selon les données présentement disponibles, le Tribunal est d'avis que la condition relative à la concentration est satisfaite. Le Tribunal fait observer que les données sur le dumping et sur le subventionnement présentement disponibles à l'égard des importations en provenance des États-Unis sont fondées sur les estimations préliminaires de l'ADRC. Les conditions susmentionnées devront être réexaminées par le Tribunal lorsque d'autres renseignements seront mis à sa disposition, après une enquête plus poussée de l'ADRC7 .

À l'étude de la condition relative au dommage causé aux producteurs de la totalité ou la quasi-totalité de la production, le Tribunal fait observer que la partie plaignante en l'espèce, la MCGA, représente les producteurs du Manitoba dont la production équivaut de 89 à 97 p. 100 de la totalité de la production du marché régional pour les deux plus récentes campagnes agricoles. Par conséquent, cette condition sera satisfaite, selon le Tribunal, si les éléments de preuve indiquent, d'une façon raisonnable, l'existence d'un dommage causé aux producteurs du Manitoba.

Dans la plainte qu'elle a déposée auprès du Commissaire, la MCGA a allégué que, à cause du dumping et du subventionnement, les producteurs de maïs du Manitoba ont subi un dommage sous forme de compression des prix, de pertes de ventes, de réduction des revenus, d'atteinte aux marges de crédit et de pertes de motivation pour accroître la production. Plus précisément, la MCGA a soumis des éléments de preuve, sous forme de données statistiques, ainsi que de lettres de producteurs agricoles individuels, pour démontrer la portée et l'effet des baisses de prix du maïs-grain, particulièrement à la campagne agricole 1999-2000. Selon la MCGA, les prix au Manitoba reflètent étroitement ceux des États-Unis et, puisque les prix nationaux et à l'exportation ont baissé aux États-Unis à la suite de la production excédentaire des producteurs aux États-Unis, ils ont entraîné les prix à la baisse non seulement au Manitoba mais aussi dans l'Ouest canadien en général. Il ressort des éléments de preuve que, aux niveaux de prix actuels, les producteurs de l'Ouest canadien ont, en moyenne, exploité leurs entreprises au seuil de rentabilité et ont réduit leur production au cours de la présente campagne agricole par rapport aux années précédentes.

Le Tribunal constate que, selon les données au dossier, les importations de maïs-grain en provenance des États-Unis ont augmenté de presque 50 p. 100 entre la campagne agricole 1995-1996 et la campagne agricole 1999-2000. De plus, il est prévu que les importations en provenance des États-Unis augmenteront d'un autre 21 p. 100 à la présente campagne agricole, 2000-2001, car la récolte aux États-Unis devrait atteindre des niveaux records. Étant donné un tel taux de croissance, les importations en provenance des États-Unis commencent à s'accroître plus rapidement que la consommation dans l'Ouest canadien.

Le Tribunal note que la portée et l'ampleur du dommage allégué par la MCGA, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et les importations en provenance des États-Unis, sont contestés par un nombre de parties s'opposant à la plainte. Cependant, le Tribunal est d'avis que suffisamment d'information étayent les affirmations de la MCGA, à cette étape, pour que soit satisfait le critère que le dommage causé par les importations en question en provenance des États-Unis soit indiqué de « façon raisonnable ». En résumé, le Tribunal conclut, à la lumière des éléments de preuve dont il dispose, qu'il existe une corrélation entre la croissance des importations sous-évaluées et subventionnées en provenance des États-Unis et la réduction des prix canadiens ainsi que la baisse du rendement financier subis par les membres de la MCGA. Cependant, la preuve de l'existence du dommage causé par le dumping et le subventionnement, tel qu'il est allégué par la MCGA, ne peut être établie que par une enquête définitive de dommage.

Le Tribunal traitera maintenant de l'affirmation selon laquelle plus d'une catégorie de marchandises doit être considérée dans la présente enquête. L'ACFG a soutenu que le maïs importé pour la production de grignotines constitue une catégorie distincte de marchandises. Le Tribunal fait observer que, lorsqu'elle a ouvert l'enquête, l'ADRC a indiqué, dans son énoncé des motifs, qu'elle avait examiné la question de savoir si les marchandises visées par l'enquête devaient être divisées en plus d'une catégorie de marchandises et avait conclu qu'il y a seulement une catégorie de marchandises.

Ainsi qu'il l'a déjà indiqué, le Tribunal n'est pas lié par la décision de l'ADRC sur l'existence de catégories de marchandises. Autrement dit, le Tribunal peut déterminer, en l'espèce, qu'il existe plus d'une catégorie de marchandises. Une telle détermination, si le Tribunal devait la rendre, aurait une incidence importante sur le déroulement de la présente. Il faudrait que l'ADRC mène des enquêtes distinctes sur le dumping et le subventionnement pour chaque catégorie de marchandises, et que le Tribunal, de façon similaire, mène des enquêtes de dommage distinctes.

Ainsi que l'ACFG l'a fait valoir, dans l'examen de cette question, le Tribunal tient habituellement compte de divers facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme l'apparence), le procédé de fabrication, les caractéristiques du marché (comme la substituabilité, l'établissement des prix et les circuits de distribution) et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients8 . L'examen de ces facteurs par rapport aux variétés de maïs utilisées par l'industrie des grignotines porte à croire que ces variétés peuvent être distinguées, à certains égards et à divers degrés, des autres variétés. Un tel état des choses n'est pas surprenant puisqu'il semble exister de nombreuses variétés de maïs, à part celles utilisées dans l'industrie des grignotines, qui, d'une façon ou d'une autre, peuvent être différenciées des autres variétés.

Ceci dit, toutes ces diverses variétés de maïs, y compris les variétés utilisées dans l'industrie des grignotines, possèdent des caractères fondamentaux communs. En premier lieu, elles sont toutes membres du même genre biologique, Zea mays. On les fait pousser et les cultive d'une façon similaire, et toutes ont des grains sur des épis enveloppés. En vérité, pour ce qui est de leur aspect physique, qui est un facteur déterminant clé dans la répartition de marchandises en catégories distinctes, rien au dossier ne porte à croire que le maïs utilisé pour les grignotines peut être facilement distingué des autres variétés de maïs. À la lumière de ces caractéristiques communes, le Tribunal conclut que, bien que le maïs utilisé dans l'industrie des grignotines puisse être distinct des autres variétés de maïs, il ne l'est pas au point de constituer une catégorie de marchandises entièrement distincte.

Bien que le Tribunal conclut que le maïs utilisé pour les grignotines ne constitue pas une catégorie distincte de marchandises, cela ne signifie pas qu'il ne peut pas être exclu de la portée de conclusions de dommage. De fait, les importations de maïs blanc denté en provenance des États-Unis pour utilisation dans l'industrie des grignotines ont déjà été exclues de la portée de l'enquête de l'ADRC. L'exemption plus étendue demandée par l'ACFG et qui viserait tout le maïs pour utilisation dans la fabrication de grignotines pourrait être accordée, soit à la présente étape, soit à l'étape de l'enquête définitive, s'il peut être établi que ledit maïs n'est pas cultivé dans l'Ouest canadien, n'est pas substituable et, par conséquent, n'est pas une source de dommage à la branche de production nationale. Cependant, les allégations de l'ACFG sont contestées par la MCGA. Seule une enquête complète permettra au Tribunal de mettre à l'épreuve et d'évaluer correctement ces allégations et l'opposition qui leur a été faite.

CONCLUSION

Sur la foi des renseignements mis à sa disposition, le Tribunal conclut, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement de certains maïs-grain, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et importés au Canada pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario, ont causé un dommage à la branche de production nationale.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [ci-après LMSI].

2 . 15 avril 1994, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/final_f.htm>.

3 . L'alinéa 34(1)b) de la LMSI en vigueur avant le 15 avril 2000 se lisait ainsi :

(1) À l'occasion de toute enquête de dumping ou de subventionnement que fait ouvrir le sous-ministre :
[...]

b) s'il s'agit d'une enquête visée au paragraphe 31(1), le sous-ministre peut, à la date de l'avis donné conformément à l'alinéa a), ou toute personne ou tout gouvernement avisé conformément à cet alinéa peut, dans les trente jours suivant la date de l'avis, demander au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises en cause a causé un dommage ou un retard ou un menace de causer un dommage. [Soulignement ajouté]

4 . Selon les nouvelles procédures, les parties et les conseillers ont accès au dossier, y compris la plainte et les autres renseignements pertinents déposés auprès de l'ADRC. Le Tribunal invite aussi les parties à déposer des exposés non seulement sur la question de l'existence du dommage, mais aussi sur d'autres questions, que précise l'avis. Ces questions comprennent, notamment : s'il se produit au Canada des marchandises similaires aux marchandises présumées sous-évaluées ou subventionnées; s'il existe plus d'une catégorie de marchandises; quels producteurs nationaux de marchandises similaires sont compris dans la branche de production nationale.

5 . Voir, par exemple, Boisson de malt, communément appelée bière, Avis (2 mai 1991), RE-91-001 (TCCE).

6 . Supra note 2.

7 . Étant donné la possibilité que l'étendue géographique du marché régional pourrait être réduite au cours de la présente affaire, le Tribunal demandera à l'ADRC des renseignements distincts sur le dumping et le subventionnement en ce qui a trait aux importations de maïs-grain des États-Unis en Colombie-Britannique et en Alberta, de façon à pouvoir examiner l'incidence des exemptions territoriales demandées sur le résultat de l'application du critère de la concentration.

8 . Voir, par exemple, Certains opacifiants iodés, Conclusions (1er mai 2000), Exposé des motifs (16 mai 2000), NQ-99-003 (TCCE).


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Publication initiale : le 25 octobre 2000