MAÏS-GRAIN

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


MAÏS-GRAIN
Enquête préliminaire de dommage no PI-2005-001

Décision rendue
le mardi 15 novembre 2005

Motifs rendus
le mercredi 30 novembre 2005


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant :

LE DUMPING ET LE SUBVENTIONNEMENT DU MAÏS-GRAIN ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

DÉCISION PRÉLIMINAIRE DE DOMMAGE EU ÉGARD AU MAÏS-GRAIN À L'ÉTAT BRUT ET CLÔTURE DE L'ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE DE DOMMAGE EU ÉGARD AU MAÏS-GRAIN TRANSFORMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain sous toutes ses formes, à l'exception du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l'avis en date du 16 septembre 2005 annonçant que le président de l'Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que le maïs-grain à l'état brut est une catégorie de marchandises distincte du maïs-grain transformé. Le maïs-grain à l'état brut comprend le maïs-grain à grains entiers et le maïs-grain ayant fait l'objet d'une mouture limitée, de sorte que le maïs-grain ainsi moulu, sans égard à sa forme matérielle, conserve toutes les composantes du maïs-grain à grains entiers et soit chimiquement identique au maïs-grain à grains entiers.

Le maïs-grain transformé qui fait l'objet de la présente enquête préliminaire de dommage résulte, au contraire, d'un procédé de mouture sèche qui sépare ou supprime des composantes du maïs-grain à grains entiers comme la couche de son ou la péricarpe, le germe, le capuchon ou l'albumen.

Aux termes de l'alinéa 35(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain transformé ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, aux termes de l'alinéa 35(3)a) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur clôt par la présente son enquête préliminaire de dommage concernant le maïs-grain transformé.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain à l'état brut ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Agent principal de la recherche :

Simon Glance

   

Agent de la recherche :

Nadine Comeau

   

Statisticien :

Ihn Ho Uhm

   

Conseillers pour le Tribunal :

Philippe Cellard

 

Eric Wildhaber

 

Dominique Laporte

   

Greffier adjoint :

Gillian E. Burnett

   

Agent du greffe :

Marija Renic

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

   

Association des producteurs de maïs de l'Ontario
Fédération des producteurs de cultures
commerciales du Québec
Manitoba Corn Growers' Association

Bill Hearn
Neil Campbell
Markus Koehnen
Jamie Wilks
Ryan Morris
Jonathan Hood
Husniye Atas
Daniel MacDonald

   

Conseil canadien du porc
Association de nutrition animale du Canada
Canadian Cattlemen's Association

Peter Clark
Patrick Cuenco
Wallis Stagg
Chris Hines

   

Fabricants de produits alimentaires du Canada

Wallis Stagg

   

Brasseurs du Canada

Chris Hines
Wallis Stagg

   

Schenley Distilleries Inc.
Alberta Distillers Limited

C.J. Michael Flavell, c.r.
J. Peter Jarosz
Keith D. Cameron

   

Aliments Maple Leaf Inc.

Susan M. Hutton
Donald A. Kubesh
Kim D. G. Alexander-Cook
Patrizia Martino
Brian N. Zeiler-Kligman

   

Association des distillateurs canadiens

Kirsten M. Goodwin

   

Les Alcools de Commerce Inc.

Mark N. Sills
Anthony T. Eyton

   

Newco Commodities Limited

Frank de Walle

   

Diageo Canada Inc.

Simon V. Potter
John W. Boscariol
Brenda C. Swick
Orlando Silva

   

Brar Natural Flour Milling Incorporated

Ross G. Eagleton

   

Corporation General Mills Canada

Cyndee Todgham Cherniak
Cynthia Amsterdam

   

Casco Inc.
Corn Products International, Inc.

Paul Lalonde
Cyndee Todgham Cherniak
Rajeev Sharma
Michelle Wong
Judith Parisien

   

Association canadienne des fabricants de grignotines

Peter E. Kirby
Catherine Piché

   

Ach Food Companies, Inc.

Richard G. Dearden
Wendy Wagner

   

U.S. Corn Coalition

Bennett Caplan
Brenna C. Steinert
Robert G. Kalik

   

Nature's Path Foods Inc.

Keith Mitchell, c.r.
Robert J. McDonell

   

Association de nutrition animale du Canada - Division du Manitoba

Herb Schultz

   

QTG Canada Inc.

Adele McDougall

   

Hytek Limited

Dennis Kornelsen

   

Ontario Agri Business Association

Ron Campbell

   

Association de nutrition animale du Canada - Division de la Colombie-Britannique

Bruce M. Cook

   

Bureau du représentant américain au Commerce

Sharon Bomer Lauritsen

   

Que Pasa Mexican Foods

Morris Zallen

   

Association de nutrition animale du Canada - Division de l'Alberta

William R. McGill

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 15 novembre 2005, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 , le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a décidé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain à l'état brut avaient causé un dommage à la branche de production nationale.

2. Le même jour, aux termes de l'alinéa 35(1)b) de la LMSI, le Tribunal a conclu que les éléments de preuve n'indiquaient pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain transformé avaient causé un dommage ou un retard ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, aux termes de l'alinéa 35(3)a) de la LMSI, le Tribunal a clos son enquête préliminaire de dommage concernant le maïs-grain transformé.

3. Les décisions du Tribunal ont conclu son enquête préliminaire de dommage, qui faisait suite à l'ouverture, le 16 septembre 2005, par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), d'une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables du maïs-grain sous toutes ses formes, à l'exception du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique (les marchandises en question). L'ASFC avait ouvert son enquête à la suite d'une plainte déposée le 12 août 2005 par l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario (OCPA), la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec (FPCCQ) et la Manitoba Corn Growers' Association (MCGA), collectivement désignées la coalition des producteurs canadiens de maïs (CPCM).

DÉCISION DE L'ASFC

4. Le 30 septembre 2005, l'ASFC a diffusé un énoncé des motifs eu égard à l'ouverture d'une enquête, le 16 septembre 2005, sur les présumés dumping et subventionnement des marchandises en question.

5. L'ASFC a estimé les marges de dumping pour la période du 1er septembre 2003 au 31 août 2005. D'après son analyse, environ 63 p. 100 des marchandises importées au Canada durant la période visée par son enquête avaient fait l'objet de dumping selon des marges variant entre 0,1 et 161,0 p. 100, la marge de dumping moyenne estimative étant de 4,4 p. 100, exprimée en pourcentage du prix à l'exportation.

6. L'ASFC a également conclu à l'existence d'un nombre de programmes et de mesures d'encouragement du gouvernement des États-Unis qui pourraient constituer des subventions donnant lieu à une action, aux termes de la LMSI. À l'examen de l'information contenue dans les rapports et les articles produits par la CPCM ou obtenue par ses propres recherches, l'ASFC a dressé la liste suivante des programmes et mesures d'encouragement auxquels peuvent avoir accès les producteurs de maïs-grain aux États-Unis : 1) Programme de paiements directs et contracycliques (anciennement paiements d'aide pour les pertes à la commercialisation); 2) Prêts sans recours d'aide à la commercialisation et paiements compensatoires de prêts; 3) Programmes d'assurance-récolte fédérale.

7. L'ASFC a conclu que le montant estimatif de subvention était de 0,44 $US le boisseau, ou 18 p. 100 du prix à l'exportation moyen des marchandises expédiées au Canada, dans la campagne agricole 2003-20042 et de 0,91 $US le boisseau, ou 44 p. 100 du prix à l'exportation moyen des marchandises expédiées au Canada, entre le 1er septembre 2004 et le 31 mai 2005.

8. L'ASFC a constaté que ses montants estimatifs de dumping et de subventionnement se rapportent aux importations de marchandises en question classées dans le chapitre 10 du Tarif des douanes 3 , à l'exception du numéro de classement 1005.90.00.99 (Autres, y compris le maïs denté blanc). Ces importations représentent environ 94 p. 100 en valeur des marchandises en question.

9. En résumé, l'ASFC était d'avis qu'il existait des éléments de preuve indiquant que les marchandises en question avaient fait l'objet de dumping et de subventionnement. En outre, elle a déclaré que des éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé ou menaçaient de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. C'est pourquoi une enquête avait été ouverte sur le dumping et le subventionnement du maïs-grain provenant des États-Unis.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

10. Un avis de requête a été déposé le 14 octobre 2005, aux termes du paragraphe 24(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 , par la CPCM en vue d'obtenir une ordonnance voulant que M. Peter Clark et son cabinet, Grey, Clark, Shih and Associates Limited, ne soient pas habilités à représenter une partie intimée à titre de conseiller inscrit au dossier dans la présente procédure.

CPCM

11. Les motifs à l'appui de la requête peuvent se résumer comme il suit. Les services de M. Clark ont été retenus pour représenter la MCGA dans le cadre d'une enquête5 concernant le dumping et le subventionnement de maïs-grain pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario. M. Clark a représenté la MCGA à toutes les étapes de cette procédure. La CPCM a soutenu qu'un grand nombre des questions traitées dans Maïs-grain 2000, et notamment les programmes de subvention des États-Unis, sont identiques aux questions qui seront soulevées dans le cadre de la présente procédure. Il est de plus allégué que M. Clark connaît les points forts et les points faibles de la position de la MCGA en raison de l'accès privilégié qu'il a précédemment eu aux renseignements confidentiels à titre de conseiller de la MCGA dans Maïs-grain 2000 et que, par conséquent, M. Clark et son cabinet ne pourront représenter ses clients actuels sans se servir de ces renseignements confidentiels.

12. Il a été soutenu que la MCGA s'était fiée sur le caractère de confidentialité et de confiance inhérent aux rapports antérieurs qu'elle avait eus avec M. Clark et son cabinet pour leur divulguer de tels renseignements confidentiels. La CPCM a soutenu que tous les conseillers qui comparaissent devant le Tribunal sont assujettis aux mêmes obligations. Elle a également invoqué la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Succession MacDonald c. Martin 6 , où la Cour suprême du Canada a déclaré que dès qu'est prouvée « l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué. C'est un fardeau de preuve dont il aura bien de la difficulté à s'acquitter »7 . De plus, la CPCM a soutenu que les faits de l'espèce peuvent se distinguer des faits afférents à la décision que le Tribunal a rendue récemment à l'égard d'une requête semblable dans Bicyclettes 8 .

13. Dans son exposé en réponse, la CPCM a cité l'affaire Ontario Hydro v. Ontario Energy Board 9 , qui portait sur des audiences sur les tarifs devant la Commission de l'énergie de l'Ontario. Dans cette affaire, un avocat qui avait représenté Ontario Hydro lors des audiences sur les tarifs de 1976 à 1986, et qui avait cessé de la représenter en 1986, avait été, huit ans plus tard, empêché d'agir contre son ancien client aux motifs de l'existence d'un conflit d'intérêts.

14. En réponse à l'observation de M. Clark selon laquelle il n'avait pas en sa possession de renseignements confidentiels, la CPCM a soutenu que le mauvais usage qu'elle craint n'est pas lié à l'utilisation de données économiques publiquement accessibles, mais plutôt à la divulgation des renseignements d'ordre stratégique, procédural, contextuel, tactique et intangible dont M. Clark a pris connaissance lorsqu'il représentait la MCGA dans Maïs-grain 2000. La CPCM a ajouté que l'affaire Maïs-grain 2000 et l'espèce sont essentiellement pareilles. Elle a soutenu que les membres de la MCGA font partie de la branche de production nationale dans la présente procédure et que le fait que la portée de cette dernière soit plus vaste que Maïs-grain 2000 n'est pas pertinent.

M. Clark

15. En réponse à la requête, M. Clark a soutenu que la CPCM n'avait pas fait la preuve du lien entre Maïs-grain 2000 et l'espèce. M. Clark a prétendu qu'il s'agit de deux procédures totalement distinctes étant donné les différences en ce qui concerne la période visée par l'enquête, la portée géographique, la couverture de produits et la composition de la branche de production nationale. Il a souligné que la production du Manitoba ne représente que 2 p. 100 de la production collective canadienne et que la présente procédure sera axée sur l'Ontario et le Québec plutôt que sur le Manitoba.

16. Par conséquent, M. Clark a déclaré que, même si la CPCM a invoqué la présomption que des renseignements confidentiels sont communiqués aux conseillers, elle n'a pas réussi à établir l'existence d'un lien suffisant entre les deux procédures pour que cette présomption soit pertinente en l'espèce.

17. Il a déclaré ne pas être en possession de quelque renseignement confidentiel que ce soit déposé auprès du Tribunal dans Maïs-grain 2000, et ne pas être non plus en possession de renseignements confidentiels obtenus de la MCGA dans le cadre de ses fonctions de conseiller pour cette dernière. M. Clark a reconnu que tous les conseillers qui comparaissent devant le Tribunal sont assujettis aux mêmes obligations que celles auxquelles sont assujettis les avocats. Il a souligné que sa relation commerciale avec la MCGA a pris fin immédiatement après la publication de l'exposé des motifs du Tribunal dans Maïs-grain 2000, le 22 mars 2001.

18. M. Clark a ajouté que, dans une affaire concernant un produit agricole comme c'est le cas en l'espèce, les renseignements confidentiels ont peu ou pas d'importance, puisque la question est décidée en fonction des données macro-économiques publiquement disponibles. Quant à la récente décision que le Tribunal a rendue sur une requête semblable dans Bicyclettes, M. Clark a prétendu que, dans cette affaire, le Tribunal avait alors conclu que, puisque les deux affaires concernant les bicyclettes ne correspondaient pas à des périodes se chevauchant, elles n'étaient pas des procédures liées. Il a prétendu que, dans la présente affaire, les deux périodes sont même davantage éloignées l'une de l'autre et que les procédures n'étaient donc pas liées.

19. Enfin, répliquant à l'exposé en réponse de la CPCM, M. Clark a soutenu que la stratégie, les tactiques et les méthodes qui convenaient dans Maïs-grain 2000 ne pouvaient en aucune façon s'appliquer à la présente procédure. Il a aussi précisé que, étant donné la taille et la situation de la branche de production dans l'Ouest canadien, il n'avait pas l'intention d'interroger le témoin de la MCGA ni aucun autre témoin de l'Ouest canadien.

Motifs de la décision

20. Le 2 novembre 2005, le Tribunal a rejeté la requête.

21. Comme il l'a déclaré dans Bicyclettes, le Tribunal estime qu'il est très important qu'un conseiller qui comparaît devant lui ne soit pas en situation de conflits d'intérêts10 . Puisque le Tribunal est une cour d'archives, son champ de compétence pour examiner toutes les questions nécessaires à l'exécution de son mandat inclut la capacité d'examiner les questions concernant la participation et la comparution de parties et de conseillers devant lui11 .

22. Il n'a pas été contesté que les conseillers commerciaux qui ne sont pas membres d'un barreau provincial ou territorial qui comparaissent devant le Tribunal sont assujettis aux mêmes obligations de loyauté et de confidentialité que celles qui s'appliquent aux avocats.

23. Le devoir d'un avocat d'éviter les conflits d'intérêts comprend, notamment, un devoir général de loyauté et un devoir de confidentialité. En ce qui a trait au devoir de loyauté, il est établi que les avocats doivent agir dans l'intérêt supérieur de leurs clients en évitant les situations de conflit. Conformément à ce devoir, un avocat qui a agi au nom d'un client dans une affaire antérieure ne doit pas agir contre ce client dans une affaire liée. En ce qui a trait au devoir de confidentialité, un avocat qui a agi au nom d'un client ne doit pas par la suite agir contre ce même client dans une nouvelle affaire, si les renseignements confidentiels qu'il a reçus à l'occasion de sa relation antérieure sont pertinents à l'affaire en cause.

24. L'énoncé classique du principe régissant les conflits d'intérêts entre avocats et clients se trouve dans Succession MacDonald. Le juge Sopinka y a déclaré ce qui suit :

[...]

D'ordinaire, ce type d'affaire soulève deux questions : premièrement, l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, qui concernent l'objet du litige? Deuxièmement, y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?

[...] À mon avis, dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué. C'est un fardeau de preuve dont il aura bien de la difficulté à s'acquitter. Non seulement la Cour doit être convaincue, au point qu'un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu'aucun renseignement de cette nature n'a été transmis, mais encore la preuve doit être faite sans que soient révélés les détails de la communication privilégiée [...]

Il s'agit en deuxième lieu de décider si un mauvais usage serait fait des renseignements confidentiels. Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir. Peu importe qu'il donne l'assurance ou qu'il promette de ne pas utiliser les renseignements. L'avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les renseignements appris de son client et ceux obtenus d'autres sources. Au surplus, il risquerait de s'abstenir d'utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de donner l'impression qu'ils proviennent du client [...]12 .

25. La première question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir si le lien entre l'espèce et Maïs-grain 2000 est suffisant pour placer M. Clark en situation de conflit d'intérêts et donner naissance à un manquement à son devoir de loyauté.

26. Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments au dossier, le Tribunal conclut que le lien entre Maïs-grain 2000 et l'espèce n'est pas suffisant pour placer M. Clark en situation de conflit d'intérêts et donner naissance à un manquement à son devoir de loyauté. À cet égard, le Tribunal constate d'abord que Maïs-grain 2000 traitait du maïs-grain importé au Canada pour utilisation ou consommation à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario et concernait donc un « marché régional ». Par opposition, l'espèce traite des importations de maïs-grain au Canada dans son ensemble. Le Tribunal estime que cette distinction est très importante. En vérité, dans Maïs-grain 2000, la MCGA, à titre de seule partie plaignante agissant au nom de ses membres, prétendait représenter toute ou presque toute la production de marchandises similaires à l'ouest de la frontière Manitoba-Ontario. La présente procédure traite d'un « marché national » à la différence d'un « marché régional », et la part de la production collective nationale détenue par MCGA représente maintenant seulement environ 2 p. 100. L'importance relative du rendement de la MCGA dans le contexte de l'analyse de dommage faite par le Tribunal doit être examinée en conséquence. En outre, certaines conditions régissant le déroulement d'une affaire portant sur un marché régional diffèrent considérablement des conditions qui s'appliquent à une affaire portant sur un marché national. Ces conditions se rapportent, par exemple, à la séparation du commerce au sein du marché régional et du commerce dans le reste du marché national et au fait qu'il doit être conclu qu'un dommage a été causé aux producteurs nationaux de presque toute la production de marchandises similaires.

27. Deuxièmement, le Tribunal constate que l'affaire Maïs-grain 2000 a pris fin le 22 mars 2001, au moment de la publication de son exposé des motifs. M. Clark a indiqué que sa relation commerciale avec la MCGA a cessé immédiatement après. Presque cinq années se sont écoulées entre les deux procédures et les périodes visées par les enquêtes respectives ne se chevauchent pas. Comme il a été déclaré dans Bicyclettes, il s'agit là d'un point crucial dont il faut tenir compte. Le Tribunal constate de plus que la requête n'est pas déposée dans le contexte d'un réexamen relatif à l'expiration, où il devrait réexaminer une ordonnance ou des conclusions directement liées à la procédure.

28. En ce qui a trait au devoir de confidentialité, le Tribunal est d'avis, principalement pour les raisons déjà énoncées, qu'aucun des renseignements confidentiels que son ancien client aurait pu communiquer à M. Clark ne sera pertinent à l'espèce. À cet égard, le Tribunal constate l'importance des données macro-économiques publiquement disponibles dans les analyses de dommage qu'il effectue pour décider des affaires nationales concernant les denrées agricoles. Le Tribunal constate de plus que la CPCM n'a pas pu donner d'exemple significatif ou valable du type de renseignements qui auraient été obtenus de la MCGA et qui constitueraient des renseignements confidentiels pertinents dans le contexte de l'espèce.

29. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que la participation de M. Clark à l'espèce ne donne pas naissance à un manquement à son devoir de loyauté et à son devoir de confidentialité et ne le place pas en situation de conflit d'intérêts. Par conséquent, le Tribunal a rejeté la requête.

EXPOSÉS

Branche de production nationale

30. Dans sa plainte, la CPCM a soutenu que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé et menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. De plus, elle a soutenu que les marchandises en question menacent de causer un dommage à la production de maïs denté blanc. À l'appui de ses allégations, elle a produit des éléments de preuve de baisse et de compression des prix, de superficies réduites, de baisse des revenus, du rendement de l'investissement et des rentrées de fonds, et de l'alourdissement du fardeau pour les programmes de soutien gouvernementaux.

Parties s'opposant à la plainte

31. Le Tribunal a reçu 23 exposés des parties suivantes s'opposant à la plainte de la CPCM : Conseil canadien du porc, Association de nutrition animale du Canada, Canadian Cattlemen's Association, Fabricants de produits alimentaires du Canada, Brasseurs du Canada, Schenley Distilleries Inc. et Alberta Distillers Limited, Aliments Maple Leaf Inc., Association des distillateurs canadiens, Les Alcools de Commerce Inc., Newco Commodities Limited, Diageo Canada Inc., Brar Natural Flour Milling Incorporated, Casco Inc. et Corn Products International, Inc., Association canadienne des fabricants de grignotines, U.S. Corn Coalition, Nature's Path Foods Inc., Association de nutrition animale du Canada - Division du Manitoba, Hytek Limited, Ontario Agri Business Association, Association de nutrition animale du Canada - Division de la Colombie-Britannique, Bureau du représentant américain du Commerce, Que Pasa Mexican Foods, et Association de nutrition animale du Canada - Division de l'Alberta.

32. Les exposés soumis traitent de la portée de la définition du produit, des marchandises similaires, des catégories de marchandises et d'autres facteurs qui auraient pu causer un dommage non attribuable aux présumés dumping et subventionnement des marchandises en question. Certaines parties ont prétendu que la définition de produit relative aux marchandises en question était trop vaste et ont demandé au Tribunal de régler cette question au moyen de l'établissement de plusieurs catégories de marchandises ou d'exclusions de produit. D'une façon générale, les parties s'opposant à la plainte ont soutenu que les éléments de preuve n'indiquaient pas, de façon raisonnable, que les présumés dumping et subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage ou menaçaient de causer un dommage.

ANALYSE

33. Nombre de parties à la présente procédure ont soutenu que l'enquête visait plusieurs catégories de marchandises. Le Tribunal traitera de cette question et de la question des marchandises similaires avant de procéder à son analyse de dommage.

Catégories de marchandises et marchandises similaires

34. Dans l'examen de la question des catégories de marchandises, le Tribunal doit décider si les marchandises visées par une enquête constituent des marchandises similaires les unes par rapport aux autres. Par conséquent, pour déterminer s'il existe plus d'une catégorie de marchandises, le Tribunal examinera les facteurs qu'il prend généralement en considération relativement à la question des marchandises similaires. Des catégories distinctes de marchandises ne seront établies que lorsque des marchandises qui sont présumées faire partie d'une seule catégorie de marchandises ne constituent pas des « marchandises similaires » par rapport à d'autres marchandises en question. Si le Tribunal conclut à l'existence de plusieurs catégories de marchandises, la question de savoir si le dumping et le subventionnement des marchandises ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale devra être examinée relativement à chacune des catégories correspondantes de marchandises similaires13 .

35. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises, de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

36. Lorsqu'il procède à l'examen des questions de catégories de marchandises et de marchandises similaires, le Tribunal examine habituellement divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme l'apparence), le procédé de fabrication, les caractéristiques du marché (comme leur substituabilité, l'établissement des prix et les circuits de distribution) et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises importées14 .

37. Le Tribunal constate que la portée de la définition de produit dans la présente affaire est plus vaste que celles retenues dans Maïs-grain 2000 et une autre affaire précédente15 . Dans Maïs-grain 1986, le produit a initialement été décrit ainsi :

[...] maïs-grain, sous toutes ses formes, à l'exception du maïs de semence, du maïs sucré et du maïs à éclater [...]16 .

Dans Maïs-grain 1986, l'exposé des motifs qui accompagnait l'avis d'enquête publié par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le sous-ministre) indiquait que la partie plaignante n'était pas intéressée aux divers produits fabriqués à partir du maïs, notamment les semoules de maïs ou la farine de maïs, l'amidon de maïs et le sirop à haute teneur en fructose17 . Le maïs-grain ayant fait l'objet d'un traitement complémentaire était exclu de la définition des marchandises visées dans cette affaire. Toutefois, après la décision provisoire, le sous-ministre a avisé le Tribunal canadien des importations, dans une lettre datée du 1er décembre 1986, qu'une nouvelle tendance se dessinait dans la commercialisation du maïs-grain depuis la décision provisoire. En transformant le maïs au moyen de procédés simples ou en le mélangeant à d'autres ingrédients, on pouvait prétendre que le produit final ne correspondait pas aux marchandises en question aux fins de l'application des droits provisoires. Par conséquent, le sous-ministre a modifié son interprétation de la désignation du maïs-grain sous toutes ses formes pour inclure les produits dans lesquels toutes les composantes du maïs-grain sont présentes et représentent, au poids, au moins deux tiers du produit. Les marchandises considérées comme assujetties comprenaient donc le maïs à grains entiers, le maïs concassé, broyé, moulu, en flocons, en lamelles ou le maïs enrichi de vitamines, et les criblures de maïs18 .

38. Dans Maïs-grain 2000, le produit était défini comme le « maïs-grain sous toutes ses formes », à l'exception du maïs de semence (utilisé à des fins de reproduction), du maïs sucré et du maïs à éclater. Pour une plus grande clarté, le maïs-grain sous toutes ses formes, dans le cadre de l'enquête était défini comme incluant, sans s'y limiter, le maïs en grains entiers et le maïs-grain transformé, comme le maïs cassé, écrasé, moulu ou en flocons. Était aussi inclus le maïs-grain mélangé à d'autres produits, y compris, mais sans s'y limiter, le millet, qui peut être séparé du maïs-grain après importation19 . Dans cette affaire, les marchandises visées étaient classées dans la sous-position no 1005.90.

39. Dans la présente affaire, le « maïs-grain sous toutes ses formes » a été défini comme incluant le maïs à grains entiers et le maïs-grain qui a fait l'objet d'une transformation ou d'une mouture sèche limité; il inclut aussi le maïs broyé tel que la farine de maïs, la semoule de maïs, le gruau de maïs, les sons de maïs, les remoulages et autres résidus de maïs, le maïs mondé, tranché ou concassé. En plus des produits dénommés dans la sous-position no 1005.90, six codes statistiques ont été inclus : 1102.20.00.00, 1103.13.00.10, 1103.13.00.20, 1104.23.00.00, 2302.10.00.10 et 2302.10.00.90. Ces codes dénomment la farine de maïs; le gruau de maïs; la semoule de maïs utilisée dans la fabrication de la farine de maïs, le maïs mondé, tranché ou concassé, les sons, les remoulages et autres résidus hachés, écrasés ou moulus, et les autres sons, remoulages et autres résidus respectivement.

40. La CPCM a soutenu que le maïs-grain sous toutes ses formes, y compris le maïs-grain qui a fait l'objet d'une transformation limitée (p. ex. par concassage, écrasage, roulage, broyage ou floconnage), y compris la semoule de maïs, le gruau de maïs et la farine de maïs, ou mélangé avec d'autres grains ou graines oléagineuses, devrait être inclus dans la portée de l'enquête. Elle a soutenu que le maïs-grain qui a fait l'objet d'une transformation limitée (ce qui inclut la mouture sèche mais non la mouture humide) constituait une seule catégorie de marchandises20 . Elle a soutenu que, même si le maïs-grain transformé n'est pas identique à tous égards au maïs-grain à l'état brut, ses utilisations et caractéristiques sont très proches de celles du maïs-grain à l'état brut. Plus précisément, elle a soutenu que le maïs-grain transformé et le maïs-grain à l'état brut présentent, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques chimiques et nutritionnelles, que le maïs-grain transformé peut être substitué au maïs-grain à l'état brut dans les aliments des animaux ou de la volaille et la plupart des utilisations industrielles (y compris la production d'amidons, d'édulcorants et d'alcools sous forme de spiritueux et d'éthanol) et que le maïs-grain transformé et le maïs-grain à l'état brut répondent tous deux aux mêmes besoins des clients et pourraient être vendus par l'intermédiaire des mêmes circuits de distribution21 .

41. Dans son énoncé des motifs, l'ASFC a conclu, se fondant sur l'analyse de la composition chimique, des réseaux de distribution, des clients et de la substituabilité, que le maïs-grain à l'état brut et le maïs-grain transformé constituaient une seule catégorie de marchandises22 .

42. Les parties s'opposant à la plainte ont soutenu, notamment, que la portée de la définition des marchandises en question était trop vaste. Elles ont fait valoir que le maïs-grain à l'état brut se compose du grain de maïs, qui est habituellement séparé de l'épi au moment de la récolte et séché jusqu'à ce que sa teneur en humidité atteigne environ 15,5 p. 100. Le maïs-grain sert, notamment, à fabriquer des produits de maïs-grain transformé. Le Conseil canadien du porc, l'Association de nutrition animale du Canada et la Canadian Cattlemen's Association ont souligné que les flocons de semoule, utilisés dans la fabrication des céréales de flocons de maïs pour le petit déjeuner, sont produits à partir des plus grandes fractions de l'albumen du maïs. Le gruau à grains gros, moyens et fins, fabriqué à partir de fractions progressivement plus fines de l'albumen, est utilisé comme source de sucres fermentescibles dans les procédés de brassage. Les cônes de maïs et la farine de maïs sont composés de fractions de plus en plus fines de la semoule de maïs23 . Aliments Maple Leaf Inc. a constaté que les sons de maïs ne proviennent pas de l'albumen, mais sont plutôt fabriqués à partir des fractions de son et de germe des grains, et que le procédé de production est distinct de celui du gruau, de la semoule et de la farine24 .

43. Les parties s'opposant à la plainte ont soutenu que le maïs-grain transformé et le maïs-grain à l'état brut sont généralement vendus à différents utilisateurs finals par l'intermédiaire de différents modes de distribution.

44. Le Tribunal est d'avis qu'il ressort des éléments de preuve que le maïs-grain à l'état brut ne constitue pas une « marchandise similaire » par rapport au maïs-grain transformé parce que ces deux types de maïs présentent des différences importantes du point de vue du procédé de production, des caractéristiques physiques et des caractéristiques de marché, comme la substituabilité, les modes de distribution, les clients et le prix.

45. Premièrement, une comparaison du maïs-grain à l'état brut et du maïs-grain transformé montre clairement qu'ils ne sont pas produits de la même façon. Le maïs-grain à l'état brut est cultivé, récolté et séché sous forme de grains entiers de maïs-grain (même si certains grains peuvent, par inadvertance, être cassés au moment de la manutention). Le Tribunal constate que ce type de maïs-grain peut faire l'objet d'une mouture limitée, de sorte que le maïs-grain ainsi moulu, sans égard à sa forme matérielle, conserve toutes les composantes du maïs-grain à grains entiers et soit chimiquement identique au maïs-grain à grains entiers. Le Tribunal est d'avis que, à cause de l'absence de changement des caractéristiques chimiques et des caractéristiques des composantes, le maïs-grain ayant fait l'objet d'une mouture ainsi limitée peut être considéré comme « à l'état brut ». Le maïs-grain transformé qui fait l'objet de la présente enquête préliminaire de dommage résulte, au contraire, d'un procédé de mouture sèche qui sépare ou supprime des composantes du maïs-grain à grains entiers, comme la couche de son ou la péricarpe, le germe, le capuchon ou l'albumen. Par conséquent, ce type de maïs-grain ne présente pas les mêmes caractéristiques physiques. La séparation ou le retrait de certains éléments constitutifs laisse aussi supposer que le maïs-grain à l'état brut et le maïs-grain transformé ne sont pas de même composition chimique. La production par mouture sèche de tels produits est un procédé complexe qui exige davantage qu'une opération mineure de mouture. Des normes techniques définissent les divers produits transformés en fonction de leur composition chimique et de leur finesse, comme l'indiquent les différents codes statistiques qui servent à dénommer ces produits.

46. Quant aux caractéristiques du marché, les éléments de preuve déposés par les utilisateurs de maïs-grain à l'état brut et de maïs-grain transformé ont montré qu'il existe des possibilités limitées de substitution. L'équipement d'entreposage et de manutention utilisé par les consommateurs est souvent conçu pour traiter les grains entiers ou le maïs-grain transformé de forme particulière (p. ex. le gruau, les flocons, la farine)25 . Une variation de la taille ou des éléments constitutifs du maïs peut nuire à l'efficience des procédés de fabrication et les rendre inopérants26 . D'une façon similaire, la farine de maïs ne sert normalement pas de nourriture pour les animaux et ne peut pas non plus servir à la production d'éthanol ou d'eau-de-vie distillée parce que l'amidon a été retiré27 .

47. En ce qui a trait aux modes de distribution, la CPCM a reconnu que le maïs-grain transformé est habituellement vendu ensaché et transporté par camion jusqu'aux établissements des utilisateurs, tels les boulangers et les brasseurs. Le maïs-grain à l'état brut est habituellement entreposé en vrac dans des conteneurs et transporté par camion ou par chemin de fer jusqu'aux établissements des utilisateurs finals, des producteurs d'aliments pour animaux ou d'éthanol, par exemple.

48. Il ressort des éléments de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage que le maïs-grain transformé présente une importante valeur ajoutée. Ses prix sont de deux à trois fois plus élevés que ceux du maïs-grain à l'état brut28 . Même si des droits antidumping et compensateurs étaient appliqués, les prix du maïs-grain à l'état brut importé seraient considérablement moindres que ceux du maïs-grain transformé et, par conséquent, ne mèneraient vraisemblablement pas à une substitution importante chez le consommateur.

49. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal décide que le maïs-grain à l'état brut constitue une catégorie de marchandises distincte de celle du maïs-grain transformé.

50. Certaines parties ont prétendu que le maïs-grain à l'état brut se compose lui aussi de plus d'une catégorie de marchandises. Par exemple, l'Association canadienne des fabricants de grignotines a soutenu que le maïs denté blanc et le maïs-grain à albumen dur constituent des catégories distinctes de marchandises. Le Tribunal conclut que les éléments de preuve au dossier n'établissent pas que les marchandises incluses dans la présumée catégorie distincte de marchandises sont suffisamment différents, du point de vue des facteurs pertinents examinés ci-dessus, pour justifier la décision qu'elles constituent une catégorie de marchandises distincte de celle du maïs-grain à l'état brut. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en question comprennent deux catégories de marchandises : le maïs-grain à l'état brut et le maïs-grain transformé.

51. En ce qui a trait à la question de savoir quelles marchandises de production nationale constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question, le Tribunal conclut que le maïs-grain à l'état brut et le maïs-grain transformé de production nationale constituent des marchandises similaires par rapport au maïs-grain à l'état brut et au maïs-grain transformé qui font l'objet de la présente enquête, respectivement.

Indication raisonnable de dommage

52. Aux termes du paragraphe 34(2) et de l'article 37.1 de la LMSI, le Tribunal est tenu, pour chacune des catégories de marchandises, de décider si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage. Le paragraphe 2(1) définit « dommage », comme le dommage sensible causé à une branche de production nationale. Il définit « branche de production nationale » comme l'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui même un importateur de telles marchandises.

Maïs-grain à l'état brut

53. Le Tribunal constate que, dans sa décision concernant l'ouverture d'une enquête, l'ASFC a conclu que la CPCM, en tant que coalition des organisations de producteurs, c.-à-d. l'APMO, l'AFPCCQ et la MCGA, représente pratiquement la totalité des producteurs de maïs-grain à l'état brut dans leurs provinces respectives. L'Ontario, le Québec et le Manitoba représentaient 98 p. 100 de la production de maïs-grain à l'état brut au Canada dans la campagne agricole 2003-2004, la dernière année pour laquelle des données complètes étaient disponibles. Le Tribunal décide donc que la CPCM constitue la branche de production nationale aux fins de son enquête préliminaire de dommage.

54. Dans la détermination de la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu'un dommage a été causé, le Tribunal constate que, dans sa plainte, la CPCM a soutenu que les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises en question avaient causé et menaçaient de causer un dommage sensible à la production au Canada de maïs-grain à l'état brut. Elle affirme que la branche de production nationale subit un dommage sous forme de compression et d'effritement des prix, d'une superficie réduite, d'une baisse des recettes et des rentrées de fonds et, dans le cas du présumé subventionnement dommageable, d'un fardeau alourdi pour les programmes de soutien gouvernementaux.

55. D'après l'ASFC, la production nationale de maïs-grain à l'état brut au Canada a affiché un recul de 1,6 p. 100 durant la période de 2002-2003 à 2004-2005. Elle est passée de 353 millions de boisseaux dans la campagne agricole 2002-2003 à 364 millions de boisseaux dans la campagne agricole 2003-2004, puis a affiché un recul de 4,7 p. 100 en 2004-2005, passant à 347 millions de boisseaux.

56. L'ASFC a aussi fait savoir que la valeur unitaire moyenne de la production de maïs-grain à l'état brut avait baissé de 29 p. 100 durant la période de 2002-2003 à 2004-2005. En 2002-2003, cette valeur était de 4,00 $CAN le boisseau puis elle a reculé à 3,77 $CAN le boisseau en 2003-2004. La valeur unitaire moyenne de la production a par la suite affiché un nouveau recul, passant à 2,86 $CAN le boisseau en 2004-2005, cette baisse entraînant une perte de recettes monétaires agricoles de plus de 395 millions de dollars canadiens29 .

57. En se fondant sur le coût moyen de production du maïs-grain à l'état brut, de 3,18 $CAN le boisseau en Ontario, qui représente environ 60 p. 100 de la production canadienne de maïs-grain, les producteurs ont essuyé une perte de revenu net d'environ 0,32 $CAN le boisseau en 2004-2005.

58. D'après la CPCM, la baisse de rendement financier relative à la production de maïs-grain à l'état brut était attribuable à une diminution de la superficie ensemencée de maïs-grain. L'ASFC a constaté que la superficie ensemencée avait diminué, passant de 1,30 million d'hectares en 2002-2003 à 1,18 million d'hectares en 2004-2005, soit une baisse de 9,2 p. 100, et, d'après les estimations, a diminué d'une autre tranche de 4,2 p. 100, ou 54 000 hectares, passant à 1,13 million d'hectares en 2005-2006.

59. La baisse du revenu net a aussi entraîné l'alourdissement du fardeau pour les programmes de soutien gouvernementaux. La CPCM a allégué que les prix en baisse du maïs-grain à l'état brut ont fait augmenter d'environ 90 millions de dollars canadiens les montants versés par le Programme d'assurance-revenu du marché de l'Ontario et le Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles du Québec. Elle a ajouté qu'une partie des 50 millions de dollars canadiens versés par le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, un programme général de stabilisation des revenus agricoles, était attribuable aux bas prix du maïs-grain à l'état brut.

60. Il a été allégué que la baisse des recettes monétaires agricoles et du revenu des producteurs canadiens, la diminution de la superficie ensemencée et l'alourdissement du fardeau pour les programmes gouvernementaux sont attribuables à la compression des prix et à l'effritement des prix causés par le dumping et le subventionnement du maïs-grain importé des États-Unis. Le Canada est un importateur net de maïs-grain, autrement dit, la demande nationale y dépasse l'offre nationale, et l'écart, chaque année, est presque exclusivement comblé par les importations de maïs-grain à l'état brut provenant des États-Unis. Étant donné que la frontière entre le Canada et les États-Unis ne présente aucun obstacle au commerce, les prix établis sur le marché des États-Unis, le plus grand producteur et exportateur de maïs-grain à l'état brut au monde, sont un facteur déterminant majeur du prix du maïs-grain au Canada. Le prix moyen du maïs-grain à l'état brut aux États-Unis a affiché un recul, passant de 2,42 $US le boisseau en 2003-2004 à 2,05 $US le boisseau en 2004-2005, soit une baisse légèrement en dessus de 15 p. 100. Le prix moyen le boisseau a encore baissé de 15 p. 100 en 2005-2006, passant à 1,75 $US le boisseau, soit une baisse de presque 28 p. 100 par rapport à son prix durant la campagne agricole 2003-200430 .

61. Le Tribunal a examiné les arguments avancés par les parties s'opposant à la plainte au sujet du lien de causalité entre les prix du maïs-grain à l'état brut aux États-Unis et les prix nationaux des marchandises similaires, et d'autres facteurs, comme l'incidence du taux de change sur les prix nationaux. Le Tribunal a décidé que ces questions seraient mieux traitées à l'étape de l'enquête approfondie.

62. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal conclut à l'existence d'une corrélation entre la diminution globale des prix sous-évalués et subventionnés des marchandises en question et les facteurs de dommage décrits ci-dessus et, plus précisément, l'effritement des prix et la baisse de rentabilité subis par la branche de production nationale.

63. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal décide que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain à l'état brut ont causé un dommage à la branche de production nationale.

64. Enfin, le Tribunal note qu'il traitera des demandes d'exclusion de produits dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI, si l'ASFC rend des décisions provisoire et définitive de dumping ou de subventionnement.

Maïs-grain transformé

65. Ayant déterminé que le maïs-grain transformé constitue une catégorie distincte de marchandises, le Tribunal doit décider de la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain transformé ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires.

66. Le Tribunal constate que la CPCM représente les producteurs de maïs-grain à l'état brut. Aliments Maple Leaf Inc. a constaté que la CPCM avait admis que les producteurs qu'elle représentait ne produisaient pas de maïs-grain transformé et que l'appui des producteurs nationaux de tels produits à l'égard de la plainte n'avait pas été obtenu31 .

67. Le Tribunal constate que la plainte ne comporte pas d'éléments de preuve montrant qu'un dommage, un retard ou une menace de dommage a été causé aux producteurs nationaux de maïs-grain transformé par le dumping et le subventionnement du maïs-grain transformé importé des États-Unis.

68. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement du maïs-grain transformé ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, aux termes de l'alinéa 35(3)a) de la LMSI, le Tribunal clôt son enquête préliminaire de dommage concernant le maïs-grain transformé.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . La campagne agricole s'étend du 1er septembre au 31 août.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . Maïs-grain (7 mars 2001), NQ-2000-005 [Maïs-grain 2000].

6 . [1990] 3 R.C.S. 1235 [Succession MacDonald].

7 . Succession MacDonald à la p. 1260.

8 . Bicyclettes et cadres de bicyclette peints et finis (septembre 2005), GS-2004-001 et GS-2004-002 (TCCE).

9 . [1994] O.J. no 824 (C. Ont., Div. gén.).

10 . « Il est absolument indispensable que le système judiciaire soit tenu, sans réserve, pour loyal par le grand public. » O'Dea v. O'Dea (1987), 68 Nfld. & P.E.I.R. 67 (Cour unifiée de la famille T.-N.), à la p. 75, conf. par la C.A. T.-N., 6 juin 1988; cité avec approbation dans Succession MacDonald à la p. 1256.

11 . 466353 Ontario Ltd. v. Ontario (Municipal Board), [2005] O.J. no 979 (Cour sup. de l'Ont.).

12 . Succession MacDonald aux pp. 1260-1261.

13 . Pièces d'attache (7 janvier 2005), NQ-2004-005 (TCCE) aux paras. 69-70.

14 . Planchers laminés (16 juin 2005), NQ-2004-006 (TCCE) au para. 65.

15 . Maïs-grain (6 mars 1987), CIT-7-86 (T.C.I.) [Maïs-grain 1986].

16 . Maïs-grain 1986 à la p. 3.

17 . Maïs-grain 1986 à la p. 3.

18 . Maïs-grain 1986 aux pp. 4-5.

19 . Maïs-grain 2000 à la p. 4.

20 . Plainte à la p. 25, dossier administratif, vol. 1.

21 . Plainte aux pp. 27-29, dossier administratif, vol. 1.

22 . Énoncé des motifs de l'ASFC pour ouvrir une enquête aux pp. 4-5, dossier administratif, vol. 1A.

23 . Exposé soumis par le Conseil canadien du porc, l'Association de nutrition animale du Canada et la Canadian Cattlemen's Association à la p. 31, dossier administratif, vol. 3A.

24 . Exposé soumis par Aliments Maple Leaf Inc. à la p. 24, dossier administratif, vol. 3B.

25 . Exposé soumis par Schenley Distilleries Inc. et Alberta Distillers Limited à la p. 4, dossier administratif, vol. 3.

26 . Exposé soumis par Schenley Distilleries Inc. et Alberta Distillers Limited à la p. 4, dossier administratif, vol. 3.

27 . Exposé soumis par le Bureau du représentant américain au Commerce aux pp. 9-10, dossier administratif, vol. 3.

28 . Exposé soumis par le Bureau du représentant américain au Commerce, pièce 1, dossier administratif, vol. 3.

29 . Les valeurs unitaires moyennes ont baissé de 1,14 $CAN le boisseau, et la production a été de 346,8 millions de boisseaux.

30 . Plainte, pièce 21, dossier administratif, vol. 1.

31 . Exposé soumis par Aliments Maple Leaf Inc. à la p. 23, dossier administratif, vol. 3B.