TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET TÔLES D'ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


TÔLES D’ACIER AU CARBONE ET TÔLES D’ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD
Enquête préliminaire de dommage no PI-2009-002

Décision rendue
le vendredi 4 septembre 2009

Motifs rendus
le vendredi 18 septembre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

LE DUMPING DES TÔLES D’ACIER AU CARBONE ET DES TÔLES D’ACIER ALLIÉ RÉSISTANT À FAIBLE TENEUR, LAMINÉES À CHAUD, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L’UKRAINE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tôles d’acier au carbone et des tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (610 mm) à 152 pouces (3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (4,75 mm) à 3,0 pouces (76,0 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes en vue de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables, p. ex. les normes ASTM A6/A6M et A20/A20M), originaires ou exportées de l’Ukraine, à l’exclusion des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher ») a causé un dommage ou un retard, ou menace de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 6 juillet 2009, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Serge Fréchette, membre

 

Stephen A. Leach, membre

   

Directeur de la recherche :

Audrey Chapman

   

Gestionnaire de la recherche :

Manon Carpentier

   

Agent de la recherche :

Rhonda Heintzman

   

Agent principal à la recherche statistique :

Julie Charlebois

   

Agents à la recherche statistique :

Marie-Josée Monette

 

Stéphane Racette

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Alain Xatruch

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

   

Essar Steel Algoma Inc.

Ronald C. Cheng
Peter Jarosz

   

Azovstal Iron & Steel Works

Christopher Kent
Olivia Wright

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 6 juillet 2009, à la suite d’une plainte déposée le 26 mai 2009 par Essar Steel Algoma Inc. (Essar Algoma), le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait une enquête concernant le présumé dumping dommageable des tôles d’acier au carbone et des tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (610 mm) à 152 pouces (3 860 mm) inclusivement, et d’une épaisseur variant de 0,187 pouce (4,75 mm) à 3,0 pouces (76,0 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes en vue de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables, p. ex. les normes ASTM A6/A6M et A20/A20M), originaires ou exportées de l’Ukraine, à l’exclusion des larges-plats, des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux et des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher ») (les marchandises en question)1 .

2. Le 7 juillet 2009, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage.

3. La plainte est appuyée par deux autres producteurs nationaux, Evraz Inc. NA Canada (Evraz) et SSAB Central Inc. (SSAB).

4. Le ministère de l’Économie de l’Ukraine au Canada (MÉU), lequel représente les intérêts des producteurs et des exportateurs ukrainiens, s’oppose à la plainte.

5. Azovstal Iron & Steel Works, un producteur et exportateur des marchandises en question, était une partie à l’enquête préliminaire de dommage mais n’a pas présenté d’exposé au Tribunal.

6. Le 4 août 2009, après examen des renseignements au dossier, qui couvraient généralement la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, le Tribunal a décidé de demander à Essar Algoma, à Evraz et à SSAB de fournir des renseignements allant jusqu’au 31 mars 20092 . Les trois producteurs nationaux ont répondu à la demande de renseignements du Tribunal. Par conséquent, pour rendre sa décision sur la question de savoir si des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, le Tribunal a considéré la période du 1er janvier 2006 au 31 mars 2009 comme la période visée par l’enquête pour son enquête préliminaire de dommage.

7. Le 4 septembre 2009, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation 3 , le Tribunal déterminait que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR UNE ENQUÊTE

8. L’ASFC était d’avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et indiquaient aussi, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage. Par conséquent, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a ouvert une enquête le 6 juillet 2009.

9. Pour prendre sa décision quant à l’ouverture d’une enquête, l’ASFC s’est fondée sur des renseignements sur le volume des marchandises sous-évaluées pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2009.

10. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question étaient sous-évaluées et que la marge moyenne pondérée estimative globale de dumping était de 4,1 p. 100, en pourcentage du prix à l’exportation.

11. L’ASFC a estimé que les marchandises en question comptaient pour 6,3 p. 100 des tôles d’acier au carbone importées au Canada du 1er avril 2008 au 31 mars 2009. Par conséquent, l’ASFC était d’avis que le volume estimatif des marchandises sous-évaluées n’était pas négligeable et que la marge moyenne pondérée estimative globale de dumping n’était pas minimale4 .

OBSERVATIONS SUR LE DOMMAGE

Partie plaignante et producteurs nationaux appuyant la plainte

12. La partie plaignante, Essar Algoma, soutient que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale. À l’appui de ses allégations, Essar Algoma fournit des éléments de preuve indiquant une augmentation des volumes de marchandises sous-évaluées, une réduction de part de marché, une perte de ventes, des ventes à escompte, une baisse des prix, une sous-utilisation de la capacité de production et une diminution du rendement financier.

13. De plus, Essar Algoma soutient que le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage à la branche de production nationale. Elle fait valoir que la réémergence des importations de tôles d’acier au carbone sur le marché canadien en provenance de l’Ukraine et d’autres pays ne faisant plus l’objet de conclusions du Tribunal5 montre clairement la menace de dommage. Essar Algoma ajoute, concernant la menace de dommage, que les producteurs de l’Ukraine ont tendance à pratiquer le dumping de tôles d’acier au carbone sur le marché américain et que les prévisions des prix et de la consommation de tôles d’acier au carbone sur le marché nord-américain sont sombres pour les quatre prochaines années6 .

14. Evraz et SSAB ont indiqué à l’ASFC qu’elles appuyaient la plainte, mais elles n’ont déposé aucun exposé au Tribunal.

Entité s’opposant à la plainte

15. Le MÉU soutient que les importations des marchandises en question n’ont causé aucun dommage et ne menacent pas de causer un dommage à la branche de production nationale sous forme d’augmentation du volume des importations, de sous-utilisation de la capacité de production, de baisse des expéditions et de détérioration du rendement financier de la branche de production nationale, contrairement à ce qu’allègue Essar Algoma. Il déclare plutôt que d’autres facteurs, comme l’important volume d’importations en provenance des États-Unis et de la République populaire de Chine (Chine) à de faibles prix de vente de même que la crise économique mondiale, pourraient être la cause du dommage subi par la branche de production nationale.

16. Le MÉU soutient qu’Essar Algoma n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants, complets et étayés qui montrent, de façon raisonnable, que les importations des marchandises en question sont la cause du dommage ou de la menace de dommage à la branche de production nationale.

ANALYSE

Cadre législatif

17. La compétence du Tribunal dans une enquête préliminaire de dommage est énoncée au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige que le Tribunal détermine si des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal tient compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 7 .

18. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme étant le « [...] dommage sensible causé à une branche de production nationale ». Il définit également l’expression « branche de production nationale » comme étant « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises. » Par conséquent, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et la branche de production nationale qui les produit avant d’examiner les questions de dommage, de retard ou de menace de dommage.

Marchandises similaires et catégories de marchandises

19. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

20. Pour décider des questions des marchandises similaires et des catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme leur substituabilité, leurs prix, les circuits de distribution et leurs utilisations finales) et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises en question8 .

21. À la lumière des éléments de preuve au dossier en ce qui a trait à ces facteurs, le Tribunal conclut, dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage, que les tôles d’acier au carbone produites au Canada sont des « marchandises similaires » aux marchandises en question.

22. Quant à la question des catégories de marchandises, Essar Algoma soutient que, d’après les éléments de preuve au dossier et les motifs du Tribunal dans des enquêtes sur le dommage et des réexamens relatifs à l’expiration antérieurs concernant des marchandises presque identiques, il existe une catégorie de marchandises dans la présente enquête9 . Le Tribunal fait remarquer qu’il n’a reçu aucun argument pour réfuter cette allégation au cours de la présente enquête préliminaire de dommage. Par conséquent, pour décider s’il y a une indication raisonnable de dommage, le Tribunal considérera que les tôles d’acier au carbone constituent une seule catégorie de marchandises.

23. Le Tribunal conclut toutefois qu’il existe des éléments de preuve au dossier qui indiquent qu’il pourrait exister plus d’une catégorie de marchandises. La question de savoir s’il peut exister plus d’une catégorie de marchandises doit être examinée en profondeur dans le contexte d’une enquête aux termes de l’article 42 de la LMSI, si l’ASFC conclut, dans sa décision provisoire, que les marchandises en question ont été sous-évaluées. Par conséquent, le Tribunal recueillera des renseignements sur trois catégories possibles de marchandises et demandera aussi des observations auprès des parties à ce sujet. Ces catégories possibles de tôles d’acier au carbone sont les suivantes : 1) les tôles de construction; 2) les tôles d’acier allié résistant à faible teneur; 3) les tôles pour appareils à pression. Le Tribunal a aussi demandé à l’ASFC de recueillir des renseignements distincts sur le dumping de ces trois catégories possibles de marchandises.

Branche de production nationale

24. Dans sa décision d’ouvrir l’enquête, l’ASFC a indiqué qu’Essar Algoma, Evraz et SSAB comptaient pour la vaste majorité de la production nationale totale de marchandises similaires et que les centres de service de l’acier canadiens qui coupent les tôles d’acier au carbone à longueur à partir de bobines comptaient pour le reste de la production nationale. Rien au dossier n’indique la quantité de marchandises similaires produites par ces centres de service de l’acier, mais les éléments de preuve indiquent que leur production est probablement minime10 .

25. Par conséquent, à la lumière des éléments de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut qu’en termes de volume de production, Essar Algoma, Evraz et SSAB constituent une proportion majeure de la production nationale totale de marchandises similaires et, par conséquent, constituent la branche de production nationale.

Volume des marchandises sous-évaluées

26. Essar Algoma soutient que depuis que le Tribunal a annulé ses ordonnances contre l’Ukraine dans Tôles II et Tôles IV, d’importantes quantités de marchandises en question à bas prix sont réapparues sur le marché canadien.

27. Le MÉU soutient que les faibles volumes d’importations des marchandises en question qui ont pénétré le marché canadien et les difficultés d’expédition associées à la distance séparant les deux pays montrent clairement le manque d’intérêt des producteurs ukrainiens à l’égard du marché canadien.

28. Les estimations du Tribunal du volume d’importations sont fondées sur la plainte d’Essar Algoma, les données de Statistique Canada et les données tirées du plus récent réexamen relatif à l’expiration sur les tôles d’acier au carbone11 . Ces données indiquent que le volume d’importations en provenance de l’Ukraine a diminué de 51 p. 100 en 2007 par rapport à 2006, mais a augmenté de 45 p. 100 en 2008 par rapport à 2007. Au cours de la période allant de 2006 à 2008, le volume des importations en provenance de l’Ukraine a diminué de 29 p. 100. Pendant la même période, le ratio du volume des marchandises sous-évaluées par rapport au volume de la production nationale est passé de 10 p. 100 à 6 p. 100 et le ratio du volume des marchandises sous-évaluées par rapport au volume des ventes totales de la branche de production nationale est passé de 15 p. 100 à 10 p. 10012 . Ces résultats sont similaires aux estimations de la partie plaignante, qui ont été considérées raisonnablement précises par l’ASFC, et suivent la même tendance.

29. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que même s’il y a eu certaines fluctuations dans le volume d’importations en provenance de l’Ukraine, il n’y a eu aucune augmentation nette et aucune augmentation importante du volume des importations en provenance de l’Ukraine en chiffres absolus et par rapport à la production et aux ventes nationales de marchandises similaires pendant la période visée par l’enquête.

Effet sur le prix des marchandises similaires

30. Essar Algoma soutient que les marchandises en question ont fait perdre des commandes à la branche de production nationale et l’ont forcée à réduire son prix de vente unitaire moyen pour conserver des clients. Elle ajoute que, pendant une certaine partie de la période visée par l’enquête, le prix de vente unitaire moyen des marchandises en question était beaucoup plus faible que son prix de vente unitaire moyen. Pour illustrer l’effet négatif de la concurrence des marchandises en question sur ses prix de vente pendant la période visée par l’enquête et pour étayer ses allégations de sous-cotation des prix, de baisse des prix et de perte de ventes, Essar Algoma a fourni des rapports d’activités d’importations précis pour 2007 et 2008. Ces rapports sont analysés en profondeur ci-après dans le cadre de la micro-analyse de prix du Tribunal.

31. Essar Algoma soutient qu’en vue de demeurer concurrentielle par rapport aux marchandises en question, la branche de production nationale a perdu d’importants revenus de 2006 à 200813 .

32. Les estimations du Tribunal des prix des tôles d’acier au carbone sont tirées des renseignements fournis par les producteurs nationaux, des données de Statistique Canada et des données tirées de Tôles V.

33. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve ayant trait aux prix figurant au dossier de l’enquête préliminaire de dommage sur les plans macro et micro. La macro-analyse révèle qu’en 2006, le prix de vente unitaire moyen des importations des marchandises en question sur le marché canadien était inférieur de 15 p. 100 au prix de vente unitaire moyen des marchandises similaires. Lorsqu’on compare 2007 à 2006, on constate que le prix de vente unitaire moyen des importations en provenance de l’Ukraine a augmenté de 7 p. 100 mais est demeuré inférieur de 3 p. 100 au prix de vente unitaire moyen des marchandises similaires. Pendant cette période, le prix de vente unitaire moyen de la branche de production nationale a diminué de 6 p. 100.

34. De 2007 à 2008, les prix de vente unitaires moyens des marchandises similaires et des marchandises en question ont augmenté de 34 p. 100 et 67 p. 100 respectivement. Pendant la période visée par l’enquête, les prix de vente unitaires moyens sur le marché canadien ont fluctué. Toutefois, lorsqu’on compare 2006 à 2008, on constate que le prix de vente unitaire moyen des marchandises similaires a augmenté de 26 p. 100 tandis que celui des marchandises en question a augmenté de 78 p. 100. En 2008, les importations en provenance de l’Ukraine étaient vendues sur le marché canadien à un prix unitaire moyen qui était supérieur de 19 p. 100 à celui des marchandises similaires14 .

35. Le Tribunal fait remarquer que la comparaison des prix de vente unitaires moyens totaux de la branche de production nationale et de ceux des importateurs des marchandises en question ne constitue pas toujours la meilleure méthode pour déterminer l’effet des importations sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires sur le marché canadien compte tenu du problème de la gamme des produits. Par conséquent, le Tribunal a examiné les microdonnées limitées sur les prix figurant au dossier, qui étaient constituées par les allégations spécifiques de dommage faites par Essar Algoma. Cette dernière soutient qu’en septembre 2007 et en novembre 2008, elle a dû réduire considérablement son prix pour des clients précis afin d’obtenir des commandes en raison de la concurrence des importations à bas prix des marchandises en question. Essar Algoma indique qu’en février 2008, elle a perdu une commande en raison des importations de marchandises en question dont le prix était bien en deçà de son prix soumissionné. Essar Algoma indique qu’en mai et en juillet 2008, le degré de sous-cotation des prix de la part des importations des marchandises sous-évaluées était encore plus important pour deux différents clients15 . Les estimations de l’ASFC des valeurs normales et des prix à l’exportation pour 2008 appuient les allégations de la partie plaignante selon lesquelles certains prix des marchandises en question étaient inférieurs au prix des marchandises similaires sur le marché canadien16 .

36. À la lumière des analyses qui précèdent, le Tribunal est d’avis que les renseignements sur les prix figurant au dossier font ressortir certains éléments de preuve montrant un lien de causalité entre le dommage subi par la branche de production nationale et la présence des marchandises en question sur le marché canadien. Ce dommage a pris la forme de sous-cotation des prix, de baisse de prix et de perte de ventes.

Incidence sur la branche de production nationale

37. Essar Algoma soutient que la baisse de ses prix et de ses volumes d’expéditions par suite de la concurrence des marchandises en question s’est traduite par une détérioration de son rendement financier, tant sur le plan de la marge brute que sur le plan des bénéfices nets pendant la période allant de 2006 à 2008, plus particulièrement au quatrième trimestre de 2008, de même que par une sous-utilisation de la capacité de production de la branche de production nationale. Essar Algoma soutient que la baisse de son rendement financier constitue un indicateur fiable de l’incidence que les importations des marchandises en question ont eu sur les revenus de toute la branche de production nationale pendant la période visée par l’enquête.

38. Le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve au dossier de cette enquête préliminaire de dommage indiquent une réduction de la production nationale et des ventes nationales entre 2006 et 2007. Les éléments de preuve indiquent aussi une forte détérioration du rendement financier de la branche de production nationale, tant sur le plan de la marge brute que du bénéfice net, pendant la période visée par l’enquête17 .

39. Les éléments de preuve indiquent qu’en 2007, la branche de production nationale a été incapable d’augmenter son prix de vente unitaire moyen pour recouvrer l’augmentation de son coût unitaire moyen des marchandises vendues. En réalité, en vue d’être plus concurrentielle avec les marchandises en question, la branche de production nationale a réduit son prix de vente unitaire moyen mais a subi une augmentation de son coût unitaire des marchandises vendues. En 2008, même si, sur une base consolidée, Essar Algoma et SSAB ont pu augmenter leur prix de vente unitaire moyen pour recouvrer l’augmentation de leur coût unitaire moyen des marchandises vendues, elles ont encaissé une perte de rentabilité plus importante. Au premier trimestre de 2009, Essar Algoma et SSAB ont été incapables de recouvrer leur coût unitaire moyen des marchandises vendues, ce qui s’est traduit par un rendement financier négatif, tant sur le plan de la marge brute que du bénéfice net18 .

40. À l’égard de la sous-utilisation par la branche de production nationale de sa capacité de production de tôles d’acier au carbone, le Tribunal fait remarquer que celle-ci est demeurée assez stable en 2006 et 2007, et a diminué légèrement au cours du premier trimestre de 200819 .

41. Même si aucun élément de preuve n’a été produit concernant d’autres facteurs de dommage, comme l’emploi, la productivité, le rendement du capital investi, les liquidités, les salaires, la croissance et la capacité d’obtenir des capitaux, le Tribunal est d’avis qu’on s’attend raisonnablement à ce que la diminution de la rentabilité pendant la période visée par l’enquête ait une incidence négative sur les liquidités et la capacité d’obtenir des capitaux de la branche de production nationale.

42. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que les éléments de preuve au dossier de l’enquête préliminaire de dommage indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a eu une incidence négative sur l’état de la branche de production nationale et, par conséquent, lui a causé un dommage.

Autres facteurs

43. Le MÉU soutient que d’autres facteurs que le dumping, comme l’important volume d’importations en provenance des États-Unis et de la Chine à bas prix de vente sur le marché canadien et la crise économique mondiale, peuvent causer un dommage à la branche de production nationale.

44. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve limités qui figurent au dossier de l’enquête préliminaire de dommage concernant toute incidence de ces autres facteurs sur la branche de production nationale ne suffisent pas pour contredire sa conclusion que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage. Le Tribunal est d’avis que ce n’est que dans le cadre d’une enquête tenue aux termes de l’article 42 de la LMSI qu’il sera en mesure d’évaluer pleinement l’ampleur de ces facteurs non reliés au dumping et leur incidence sur la branche de production nationale.

CONCLUSION

45. À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.


1 . Les tôles d’acier au carbone et les tôles d’acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, de fabrication nationale ou importées de pays autres que l’Ukraine qui répondent à cette description du produit seront ci-après appelées « tôles d’acier au carbone ». Les tôles d’acier au carbone qui répondent à cette description et qui sont originaires ou exportées de l’Ukraine seront ci-après appelées les « marchandises en question ».

2 . Dossier administratif, vol. 1 aux pp. 378-399, vol. 2 aux pp. 206-229.

3 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

4 . Dossier administratif, vol. 1 aux pp. 370-371.

5 . Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud et certaines tôles d’acier allié résistant à faible teneur (17 mai 2004), RR-2003-001 (TCCE) [Tôles II]; Certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud (27 juin 2005), RR-2004-004 (TCCE) [Tôles IV].

6 . Dossier administratif, vol. 1 aux pp. 58-59, vol. 2 aux pp. 104, 106.

7 . D.O.R.S./84-927.

8 . Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

9 . Dossier administratif, vol. 3, exposé en réponse d’Essar Algoma au para. 13.

10 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 349, vol. 2 aux pp. 207, 213.

11 . Tôles d’acier au carbone et tôles d’acier allié résistant à faible teneur (8 janvier 2009), RR-2008-002 (TCCE) [Tôles V].

12 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 42, 208, 219, 224.

13 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 32, 112.

14 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 208, 219, 224, vol. 2.1 aux pp. 40-41.

15 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 30-31, 44-48.

16 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 191, 208, 219, 224.

17 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 208, 219, 224.

18 . Les données pour 2006 et 2007 comprennent des renseignements financiers des trois producteurs nationaux, tandis que les données pour 2009 sont les renseignements financiers d’Essar Algoma et de SSAB. Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 208, 219, 224.

19 . Les estimations de l’utilisation de la capacité de production sont tirées de la plainte et des données ressortant de Tôles V. Dossier administratif, vol. 2 à la p. 108, vol. 2.1 aux pp. 52, 124-125.