TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2012-003

Décision rendue
le vendredi 13 juillet 2012

Motifs rendus
le lundi 30 juillet 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

TUBES SOUDÉS EN ACIER AU CARBONE ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU TAIPEI CHINOIS, DE LA RÉPUBLIQUE DE L’INDE, DU SULTANAT D’OMAN, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA THAÏLANDE, DE LA RÉPUBLIQUE TURQUE ET DES ÉMIRATS ARABES UNIS

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tubes soudés en acier au carbone, aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de 1/2 po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C200-97 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, originaires ou exportés du Taipei chinois, de la République de l’Inde, du Sultanat d’Oman, de la République de Corée, de la Thaïlande, de la République turque et des Émirats arabes unis et le subventionnement des marchandises susmentionnées de la République de l’Inde, du Sultanat d’Oman et des Émirats arabes unis (les marchandises en question), ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 14 mai 2012, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises en question.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Pasquale Michaele Saroli, membre
Jason W. Downey, membre

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Agent de la recherche : Rebecca Campbell

Conseiller juridique pour le Tribunal : Eric Wildhaber

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

Agent de soutien du greffe : Stéphane Racette

PARTICIPANTS :

Conseillers/représentants
Bolton Steel Tube Co. Ltd. Benjamin P. Bedard
Paul Conlin
Drew Tyler
Novamerican Steel Inc. Benjamin P. Bedard
Paul Conlin
Drew Tyler
Celik Ihracatcilari Birligi (Association des exportateurs d’acier, Turquie) Victoria Bazan
ADPICO Abu Dhabi Metal Pipes and Profiles Industries Complex LLC Marcel Schmitz
Chung Hung Steel Corporation Ivan E. H. Lee
Continental Steel Ltd. Ken Scherk
Gouvernement de l’Inde Vijay Kumar
IMCO International Inc. Nezih Bosut
Knightsbridge International Corp. Sylvia Mielke
Manu International Dipesh Gupta
Ministère de l’Économie de la République turque Ferüdün Baer
Protin Import Ltd. Andre Berner

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 14 mai 2012, à la suite d’une plainte déposée le 23 mars 2012 par Novamerican Steel Inc. (Novamerican) et Bolton Steel Tube Co. Ltd (Bolton) (les parties plaignantes), le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait des enquêtes sur les présumés dumping et subventionnement dommageables de tubes soudés en acier au carbone (TSAC), aussi appelés tuyaux normalisés, de dimensions nominales variant de 1/2 po à 6 po (diamètre extérieur de 12,7 mm à 168,3 mm) inclusivement, sous diverses formes et finitions, habituellement fournis pour répondre aux normes ASTM A53, ASTM A135, ASTM A252, ASTM A589, ASTM A795, ASTM F1083 ou de qualité commerciale, ou AWWA C200-97 ou aux normes équivalentes, y compris ceux pour le tubage de puits d’eau, les tubes pour pilotis, les tubes pour arrosage et les tubes pour clôture, mais à l’exception des tubes pour les canalisations de pétrole et de gaz fabriqués exclusivement pour répondre aux normes de l’API, originaires ou exportés du Taipei chinois, de la République de l’Inde (Inde), du Sultanat d’Oman (Oman), de la République de Corée (Corée), de la Thaïlande, de la République turque (Turquie) et des Émirats arabes unis (EAU), et sur le subventionnement des marchandises susmentionnées en provenance de l’Inde, d’Oman et des EAU (les marchandises en question).

2. Le 15 mai 2012, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage1.

3. ADIPCO Abu Dhabi Metal Pipes & Profiles Industries Complex LLC (ADIPCO), Knightsbridge International Corp. (Knightsbridge), le ministère de l’Économie de la Turquie et Protin Import Ltd. (Protin) s’opposent à la plainte.

4. Les autres parties à la présente enquête préliminaire de dommage comprennent Celik Ihracatcilari Birligi (Association des exportateurs d’acier, Turquie), Chung Hung Steel Corporation, Continental Steel Ltd., le gouvernement de l’Inde, IMCO International Inc. et Manu International. Ces parties n’ont pas déposé d’exposé auprès du Tribunal pour indiquer leur position à l’égard de la plainte.

5. Le 13 juillet 2012, conformément au paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation2, le Tribunal déterminait que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage ou un retard ou menaçaient de causer un dommage..

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR DES ENQUÊTES

6. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC a déterminé qu’il y avait des éléments de preuve qui indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et subventionnées, ainsi que des éléments de preuve qui indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé un dommage ou menaçaient de causer un dommage. Par conséquent, l’ASFC ouvrait des enquêtes le 14 mai 2012.

7. La période visée par l’enquête de l’ASFC sur les présumés dumping et subventionnement était du 1er janvier au 31 décembre 2011.

8. Le tableau ci-dessous présente la marge estimative de dumping et le volume estimatif de marchandises sous-évaluées pour chacun des pays visés3 :

Estimations du dumping par l’ASFC
Pays Marge estimative de dumping
(exprimée en pourcentage du prix à l’exportation)
Volume estimatif de marchandises sous-évaluées
(exprimé en pourcentage du total des importations)
Taipei chinois 29 15
Inde 69 9
Oman 50 4
Corée 29 10
Thaïlande 33 11
Turquie 24 9
EAU 42 6

9. Conformément au paragraphe 2(1) de la LMSI, une marge de dumping inférieure à 2 p. 100 du prix à l’exportation est considérée minimale et un volume de marchandises sous-évaluées inférieur à 3 p. 100 du volume total des marchandises dédouanées au Canada en provenance de tous les pays est considéré négligeable. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question avaient été sous-évaluées. En outre, elle était d’avis que les marges moyennes pondérées estimatives globales de dumping étaient supérieures à la limite indiquée ci-dessus, donc n’étaient pas minimales, et que les volumes estimatifs de marchandises sous-évaluées étaient supérieurs à la limite indiquée ci-dessus, donc n’étaient pas négligeables4.

10. Le tableau ci-dessous présente le montant estimatif de subvention et le volume estimatif de marchandises subventionnées pour chacun des pays visés5 :

Estimations de la subvention par l’ASFC
Pays Montant estimatif de subvention
(exprimé en pourcentage du prix à l’exportation)
Volume estimatif des marchandises subventionnées
(exprimé en pourcentage du total des importations)
Inde 34 9
Oman 35 4
EAU 19 6

11. Une fois de plus, conformément au paragraphe 2(1) de la LMSI, un montant de subvention inférieur à 1 p. 100 du prix à l’exportation est considéré minimal et un volume de marchandises subventionnées inférieur à 3 p. 100 du total des importations de marchandises est considéré négligeable. Si un pays visé par l’enquête est considéré comme un pays en développement, les niveaux sont de 2 p. 100 et de 4 p. 100 respectivement. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question avaient été subventionnées. En outre, elle était d’avis que les montants estimatifs de subvention étaient supérieurs à la limite indiquée ci-dessus, donc n’étaient pas minimaux, et que les volumes estimatifs de marchandises subventionnées étaient supérieurs à la limite indiquée ci-dessus, donc n’étaient pas négligeables6.

OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS DE DOMMAGE ET DE MENACE DE DOMMAGE

Parties plaignantes

12. Les parties plaignantes soutiennent que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. À l’appui de leurs allégations, elles ont déposé des éléments de preuve sur l’augmentation des volumes d’importations des marchandises en question, sur les pertes de part de marché et de ventes, sur la sous-cotation et la compression des prix, sur la sous-utilisation de la capacité, sur le recul de l’emploi et sur la diminution des recettes, des marges et des bénéfices en raison du dumping et du subventionnement des marchandises en question.

13. Les parties plaignantes affirment également que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage. Plus particulièrement, elles allèguent que des volumes croissants des marchandises en question sont importés à des prix qui entraînent la sous-cotation des prix des TSAC produits au pays et qui constituent, de ce fait, une menace imminente de dommage. Les parties plaignantes indiquent que l’augmentation et la non-utilisation de la capacité de production des pays visés, le fait que les pays visés se concentrent sur les exportations et les recours commerciaux actuellement en place aux États-Unis à l’égard des TSAC constituent d’autres éléments de preuve concernant une menace de dommage.

Parties opposées à la plainte

14. Les parties qui s’opposent à la plainte soutiennent que tout dommage subi par les parties plaignantes a été causé par d’autres facteurs, tel le ralentissement du marché, un dommage qu’elles se sont elles-mêmes infligées en refusant d’actualiser leurs installations de production, un accès limité de la clientèle à une gamme complète de produits ainsi que le manque d’intérêt des parties plaignantes à l’égard du marché de l’Ouest canadien.

ANALYSE

Cadre législatif

15. Le mandat du Tribunal en matière d’enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige du Tribunal qu’il détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage7. Pour en arriver à sa décision, le Tribunal a tenu compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 8.

16. La norme de preuve prévue par les termes « indiquent, de façon raisonnable » est moins exigeante que celle qui s’applique lors d’une enquête définitive de dommage menée aux termes de l’article 42 de la LMSI. Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire que les éléments de preuve en question soient « [...] concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités [...] »9 [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents ne peuvent être suffisantes10.

17. Avant d’examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. Cette analyse préliminaire doit être effectuée parce que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » et le terme « branche de production nationale » comme « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production nationale totale des marchandises similaires ».

Marchandises similaires et catégories de marchandises

18. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

19. Pour trancher les questions concernant les marchandises similaires ainsi que les catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients).

20. Le Tribunal remarque que dans son énoncé des motifs accompagnant sa décision rendue aux termes du paragraphe 31(1) de la LMSI relativement aux marchandises en question, l’ASFC a conclu que les TSAC produits par la branche de production nationale sont en concurrence directe avec les marchandises en question, ont les mêmes utilisations finales que celles-ci et peuvent leur être substitués, et que les marchandises en question et les marchandises similaires constituent une seule catégorie de marchandises11.

21. Bolton et Novamerican soutiennent que les marchandises similaires et les marchandises en question sont des produits de base qui se livrent concurrence sur le marché canadien et qu’elles sont entièrement interchangeables. Elles soulignent les conclusions du Tribunal dans Tubes soudés en acier au carbone12, qui portait sur les mêmes produits que les marchandises en question (à l’exception de leur origine). Bolton et Novamerican rappellent que le Tribunal a conclu qu’il n’y avait qu’une seule catégorie de marchandises dans cette affaire et soutiennent qu’il doit en arriver à la même conclusion en l’espèce.

22. Pour sa part, Protin allègue que « [...] le [Tribunal] a commis une erreur dans [TSAC 2008] [...] lorsqu’il a déterminé [...] qu’il n’y avait qu’une seule catégorie de marchandises [...]. [Les] nuances les plus élevées peuvent être déclassées pour devenir de qualité commerciale [...], l’inverse n’étant pas permis [pour] les autres nuances »13 [traduction].

23. ADPICO, pour sa part, allègue ce qui suit : « Si les marchandises en question peuvent être qualifiées de “tuyaux normalisés”, elles [se composent vraisemblablement] de plus d’une catégorie de marchandises. À titre d’exemple, les produits comme les tubes galvanisés (revêtus de zinc) ou peints en noir ont des codes normalisés harmonisés différents [...] »14 [traduction]. Protin et ADPICO n’ont pas fourni d’autres justifications à l’égard des allégations susmentionnées.

24. Le Tribunal est d’avis qu’en l’espèce il n’y a pas de motif suffisant, ni même qu’il en existe un, le cas échéant, pour considérer les TSAC produits au pays comme autre chose que des produits de base en concurrence directe avec les marchandises en question. Par conséquent, dans le contexte de cette enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que les TSAC produits au Canada qui sont de la même description que les marchandises en question sont des marchandises similaires.

25. Quant à la question des catégories de marchandises, le Tribunal doit déterminer s’il y a suffisamment de différences à la suite d’une analyse des facteurs susmentionnés servant à déterminer la « similitude » pour procéder à la séparation des marchandises en catégories distinctes. Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si les produits individuels dans l’éventail des marchandises constituent des « marchandises similaires » les uns par rapport aux autres.

26. Le Tribunal remarque que, dans TSAC 2008, à l’appui d’une conclusion selon laquelle les produits de même description que les marchandises en question constituent une seule catégorie de marchandises, il a conclu que « [...] dans l’ensemble, même s’ils ne sont pas totalement identiques les uns aux autres, tous les types de TSAC comportent des caractéristiques physiques et de marché similaires. Le fait que certains types de TSAC pourraient ne pas être entièrement substituables à d’autres pour certaines utilisations finales ne constitue pas, selon le Tribunal, un motif suffisant pour conclure qu’il existe plus d’une catégorie de marchandises15. »

27. Aucun argument ni élément de preuve présenté au Tribunal dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage ne justifierait qu’il adopte une approche différente de celle adoptée dans TSAC 2008. Par conséquent, aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal est convaincu que les marchandises en question et les marchandises similaires constituent une seule catégorie de marchandises.

Branche de production nationale

28. Il ressort des éléments de preuve versés au dossier que la branche de production nationale comprend trois principaux producteurs : Bolton, Novamerican et Quali-T-Tube. Les éléments de preuve versés au dossier indiquent qu’Atlas Tube, Evraz Inc. NA, Lakeside Steel Inc., Tenaris et Welded Tube of Canada produisent aussi, à l’occasion, de petites quantités de TSAC au Canada.

29. Selon le Tribunal, le dossier indique que Bolton et Novamerican sont responsables à elles seules d’une proportion majeure de la production nationale connue de marchandises similaires16. Par conséquent, dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage, Bolton et Novamerican constituent la branche de production nationale aux fins de l’évaluation du présumé dommage ou de la présumée menace de dommage.

Volume de marchandises sous-évaluées et subventionnées

30. Les parties plaignantes soutiennent que les volumes d’importations des marchandises en question ont augmenté sur le marché canadien entre 2009 et 2011. Elles affirment que les importations en provenance des pays visés sont passées d’environ 35 000 tonnes métriques à plus de 69 000 tonnes métriques au cours de cette période17.

31. La Turquie soutient que les importations de TSAC en provenance de son pays sont demeurées relativement stables au cours des huit dernières années, la seule augmentation ayant eu lieu en 2009 et en 2010, pendant la reprise qui a suivi la crise économique mondiale. La Turquie fait également remarquer que les importations de TSAC en provenance de son pays n’ont pas atteint les niveaux enregistrés en 2004-2005.

32. Les données sur les importations compilées par l’ASFC démontrent des tendances comparables à celles fournies par les parties plaignantes18. De 2009 à 2011, la part de volume des importations des marchandises en question par rapport au total des importations entrées sur le marché canadien a augmenté de 49 p. 100 à 64 p. 100. En revanche, la part des importations en provenance de pays non visés par rapport au total des importations a diminué, passant de 51 p. 100 à 36 p. 100 au cours de la même période19.

33. Depuis 2009, le volume des marchandises en question sur le marché canadien a augmenté relativement au volume de la production nationale et au volume de la consommation nationale. Plus particulièrement, entre 2009 et 2011, le volume des marchandises en question a grimpé d’environ 60 p. 100 par rapport au volume de la production nationale et au volume de la consommation nationale20.

34. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le volume absolu des importations des marchandises en question a considérablement augmenté de 2009 à 2011. En outre, le volume des importations des marchandises en question a grimpé par rapport au volume de la production nationale et au volume de la consommation nationale de marchandises similaires.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

35. Les parties plaignantes affirment avoir subi un dommage qui s’est manifesté sous forme de sous-cotation et de compression des prix. Elles font remarquer que les prix des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation des prix des marchandises similaires et que le coût des intrants a sans cesse augmenté. Les parties plaignantes ont également fourni des éléments de preuve confidentiels pour illustrer les effets négatifs sur leurs prix de vente de la concurrence livrée par les marchandises en question et pour justifier leurs allégations de sous-cotation et de compression des prix21.

36. La Turquie soutient que le prix moyen des TSAC des producteurs canadiens est passé de 1 130 $ en 2009 à 1 172 $ en 2011.

37. La Turquie et Protin affirment que le coût élevé des bobines laminées à chaud (BLC), qui constituent les principaux intrants dans la fabrication des TSAC, explique essentiellement le dommage subi par les producteurs nationaux de TSAC. Protin ajoute que les prix des BLC sont artificiellement élevés en Amérique du Nord en raison des droits antidumping et compensateurs déjà imposés sur ces produits. À ce titre, elle renvoie à certaines conclusions rendues au Canada22 qui, selon elle, ont causé un dommage sensible aux utilisateurs de BLC, comme les producteurs de TSAC, parce qu’elles ont fait augmenter les coûts des matériaux à des niveaux non concurrentiels.

38. Un examen des éléments de preuve concernant les prix indique que les prix unitaires moyens des importations des marchandises en question ont été constamment et sensiblement inférieurs aux prix de vente unitaires moyens des parties plaignantes et aux prix moyens des TSAC en provenance de pays non visés de 2009 à 2011. En outre, le Tribunal remarque qu’au cours de cette période, les prix moyens des TSAC en provenance de pays non visés ont été sensiblement supérieurs aux prix nationaux23. Cela appuie l’opinion du Tribunal selon laquelle le prix des marchandises en question a eu une incidence sur le prix des TSAC produits au pays.

39. Étant donné que les TSAC sont des produits de base24 et que, par conséquent, ils sont relativement sensibles aux prix, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve versés au dossier, y compris les allégations avancées par les parties plaignantes à l’égard de la perte de ventes et de l’offre de bas prix, justifient le fait qu’il y ait vraisemblablement eu sous-cotation et baisse des prix en raison des marchandises en question en 2009 et en 2010.

40. En ce qui concerne le prix des BLC, le Tribunal a examiné les éléments de preuve et comparé le prix des BLC à ceux des marchandises similaires et des marchandises en question sur le marché canadien25. Les données indiquent que le prix moyen des TSAC sur le marché canadien était en baisse en 2009 et en 2010, tandis que, au même moment, celui des BLC était en hausse.

41. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve dans la présente enquête préliminaire de dommage indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation et la compression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

42. Les parties plaignantes prétendent également avoir subi un dommage sensible qui s’est manifesté sous forme de pertes de part de marché et de ventes. Elles affirment que ces pertes ont à leur tour entraîné une diminution de l’utilisation de la capacité, de l’emploi, des recettes, des marges brutes et des bénéfices nets.

43. La Turquie soutient que la production nationale et les importations ont toutes deux augmenté, ce qui indique une forte demande sur le marché.

44. La Turquie et Knightsbridge prétendent que la hausse des importations de TSAC sur le marché national démontre que les producteurs nationaux ne peuvent répondre aux demandes du marché. Knightsbridge soutient également que la part de marché des pays visés a augmenté à la suite des conclusions visant la Chine, ce qui démontre également la nécessité des importations de TSAC sur le marché national.

45. Les éléments de preuve indiquent qu’en termes de volume, la part du marché canadien des marchandises en question a diminué de 8 p. 100 entre 2009 et 2011. En revanche, la part du marché apparent canadien des marchandises en question a constamment augmenté au cours de la même période, en hausse de 14 p. 10026. La part de marché des importations en provenance de pays non visés a diminué de 6 p. 100 de 2009 à 201127.

46. Les éléments de preuve révèlent qu’en dépit d’une hausse globale de la production et des ventes nationales de marchandises similaires et d’une augmentation des taux d’utilisation de la capacité entre 2009 et 2011, chacun de ces secteurs a enregistré une baisse en 201128. Lorsque le Tribunal tient compte du fait que le marché canadien ait constamment augmenté de 2009 à 2011, les éléments de preuve indiquent que la perte de ventes subie par la branche de production nationale était vraisemblablement attribuable à la hausse du volume des marchandises en question29.

47. Il s’ensuit que la dégradation dans ces secteurs a eu une incidence négative sur l’emploi et le rendement financier de la branche de production nationale. Les éléments de preuve indiquent que la branche de production nationale a dû réduire ses quarts de travail et procéder à des fermetures, ce qui a entraîné des mises à pied entre 2010 et 201230.

48. Pour ce qui est du rendement financier de la branche de production nationale, les éléments de preuve indiquent une variation considérable entre 2009 et 2011. En dépit de l’amélioration de son rendement financier en 2010, la branche de production nationale a subi une dégradation considérable de sa situation de 2010 à 201131.

49. Selon les éléments de preuve dans la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal est d’avis que la situation financière de la branche de production nationale aurait été pire si elle ne s’était pas adaptée à la conjoncture du marché. Cependant, le Tribunal estime que ces rajustements ne peuvent être maintenus à long terme.

50. Le Tribunal remarque que la branche de production nationale n’a pas fourni de renseignements précis sur la productivité, le rendement sur capital investi, les liquidités, les stocks, la croissance et la capacité de financement. Néanmoins, le Tribunal conclut que les éléments de preuve préliminaires versés au dossier, concernant les volumes, les prix et les répercussions financières, suffisent pour déterminer que ceux-ci indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale, qui s’est manifesté sous forme de pertes de ventes et de part de marché et de diminution de l’utilisation de la capacité, de l’emploi, des recettes et des marges brutes.

Autres facteurs

51. Les parties qui s’opposent à la plainte allèguent que le dommage causé aux producteurs nationaux est attribuable à divers facteurs étrangers au dumping et au subventionnement. Le principal facteur étranger au dumping et au subventionnement concerne la disponibilité des TSAC dans l’Ouest canadien. Protin soutient que la disponibilité de TSAC haut de gamme est limitée et que les parties plaignantes sont essentiellement inconnues sur le marché de l’Ouest canadien en raison des coûts de transport élevés. De même, Knightsbridge affirme que l’Ouest canadien est considéré comme un marché d’exportation et que les producteurs nationaux relèguent au dernier rang de leurs priorités la clientèle qui s’y trouve, ce qui fait gonfler les prix et retarde les expéditions. Ces opinions sont liées à l’argument de Knightsbridge selon lequel la présence d’importations accrues de TSAC démontre que les producteurs nationaux ne peuvent répondre aux demandes du marché.

52. En réponse, les parties plaignantes affirment avoir tenté de vendre des TSAC dans l’Ouest canadien, mais ne pas avoir été en mesure de livrer concurrence au niveau des prix. Elles allèguent que les ventes peu abondantes dans l’Ouest canadien ne s’expliquent pas par un manque d’intérêt, mais découlent plutôt des effets négatifs des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

53. Aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que les éléments de preuve limités versés au dossier en ce qui a trait à l’incidence d’autres facteurs sur la branche de production nationale ne suffisent pas à annuler la conclusion du Tribunal selon laquelle, dans l’ensemble, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Si la présente affaire fait ensuite l’objet d’une enquête aux termes de l’article 42 de la LMSI, le Tribunal sera en position d’examiner ces questions particulières ou d’autres facteurs et leur importance relative dans ce contexte.

CONCLUSION

54. Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la LMSI, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage.


1 . Gaz. C. 2012.I.1382.

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

3 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 76.

4 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 75.

5 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 82.

6 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 82.

7 . Le paragraphe 34(2) de la LMSI permet une conclusion d’indication raisonnable de « retard » que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme « [l]e retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale ». Puisque, comme il en sera question plus loin, il existe une branche de production nationale de TSAC au Canada, le « retard » n’est pas une question en litige dans cette enquête préliminaire de dommage. Le Tribunal souligne que l’évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées (cumul croisé) d’un pays quelconque dans le contexte d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI constitue une pratique de longue date. Le Tribunal estime donc qu’il serait incohérent de ne pas procéder au cumul croisé des effets des marchandises en question dans le cadre d’une enquête préliminaire de dommage et a donc évalué l’effet cumulatif du dumping et du subventionnement des marchandises en question sur la branche de production nationale.

8 . D.O.R.S../84-927.

9 . Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

10 . Le Tribunal remarque que l’article 5 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (l’Accord antidumping de l’OMC) exige d’une autorité chargée d’une enquête qu’elle examine l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête; une plainte sera rejetée ou une enquête sera close dès que l’autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping ou au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure, les affirmations non étayées ne constituant pas des éléments de preuve suffisants.

11 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 70.

12 . (20 août 2008), NQ-2008-001 (TCCE) [TSAC 2008].

13 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-06.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 1.

14 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-06.02, dossier administratif, vol. 3 à la p. 2.

15 . TSAC 2008 au para. 45.

16 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02, dossier administratif, vol. 2A à la p. 10.

17 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-02.01, dossier administratif, vol. 1 à la p. 198.

18 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 83.

19 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-05, dossier administratif, vol. 1I à la p. 71.

20 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 83; pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 104, 108.

21 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 85-87.

22 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-06.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 3.

23 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 83.

24 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-02.01, dossier administratif, vol. 1 à la p. 25; TSAC 2008 au para. 63.

25 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 83, 154.

26 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 83; pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 108.

27 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 83; pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 108.

28 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 104, 149-150, 152.

29 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 83; pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 108.

30 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 149-150, 152.

31 . Pièce du Tribunal PI-2012-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 149-150, 152.