CULOTTES JETABLES POUR INCONTINENCE POUR ADULTE

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


CULOTTES JETABLES POUR INCONTINENCE POUR ADULTE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2006-003

Décision rendue
le lundi 22 janvier 2007

Motifs rendus
le mardi 6 février 2007


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

LE DUMPING DE CULOTTES JETABLES POUR INCONTINENCE POUR ADULTE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA FRANCE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des culottes jetables d’une pièce pour incontinence pour adulte qui offrent une protection absorbante contre l’incontinence urinaire et fécale et qui sont consolidées par un système de fixation, originaires ou exportées de la France, a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 22 novembre 2006, annonçant que le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Elaine Feldman
Elaine Feldman
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Meriel V. M. Bradford, membre

 

Elaine Feldman, membre

   

Directeur de la recherche :

Marie-France Dagenais

   

Agent principal de la recherche :

Gabrielle Nadeau

   

Agent de la recherche :

Josée St-Amand

   

Agent à la recherche statistique :

Lise Lacombe

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Greffier adjoint :

Marija Renic

   

Agent du greffe :

Virginie Désilets

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

   

SCA North America – Canada, Inc.

Ronald C. Cheng
Raahool Watchmaker

   

Tyco Healthcare Group Canada, Inc.

Darrel H. Pearson
Jesse I. Goldman
Richard S. Gottlieb

   

Tyco Healthcare Group AG
Tyco Healthcare France SAS
Tyco Healthcare Manufacturing France SAS
Tyco Group S.A.R.L.

Darrel H. Pearson
Jesse I. Goldman
Richard S. Gottlieb

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 22 novembre 2006, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable de culottes jetables pour incontinence pour adulte originaires ou exportées de la France (les marchandises en question), à la suite d’une plainte déposée le 2 octobre 2006 par SCA North America – Canada, Inc. (SCA).

2. Le 23 novembre 2006, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a publié un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage.

3. Le 22 janvier 2007, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation 1 , le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient de façon raisonnable que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC

4. L’ASFC a estimé les marges de dumping pour la période allant du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006. Selon son analyse, les marchandises en question représentaient environ 5,5 p. 100 des culottes jetables pour incontinence pour adulte importées au Canada pendant la période visée par l’enquête et elles étaient sous-évaluées selon des marges allant de 34,0 p. 100 à 81,7 p. 100, la marge moyenne pondérée estimative de dumping totale étant de 43,5 p. 100, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation. L’analyse de l’ASFC a indiqué que le volume estimatif des marchandises sous-évaluées n’était pas négligeable et que la marge moyenne pondérée estimative de dumping n’était pas minimale.

5. En résumé, l’ASFC était d’avis qu’il existait des éléments de preuve indiquant que les marchandises en question avaient été sous-évaluées. De plus, elle a déclaré que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production canadienne.

EXPOSÉS

Branche de production nationale

6. Dans sa plainte, SCA a allégué que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et continuaient d’être sous-évaluées et que le dumping avait causé et menaçait de causer un dommage sensible à la branche de production nationale des culottes jetables pour incontinence pour adulte. À l’appui de ses allégations, SCA affirme avoir présenté des éléments de preuve de la perte de part de marché, de l’effritement et de la compression des prix, de l’accroissement des rabais, de la perte de ventes et de la réduction de la rentabilité.

Partie s’opposant à la plainte

7. Le Tribunal a reçu une soumission provenant d’une partie s’opposant à la plainte, Tyco Healthcare Group Canada, Inc. (Tyco). En résumé, Tyco a soutenu que SCA était le chef de file des prix au Canada et que, étant donné la présence très importante d’importations provenant des États-Unis sur le marché, elle laissait peu de place pour le volume relativement négligeable des importations de Tyco provenant de la France.

8. Tyco a également soutenu que SCA n’avait fourni aucun élément de preuve de perte de vente ou de la compression ou de l’effritement des prix en dehors de la province de Québec et que, par conséquent, la plainte était d’une portée régionale et non pas nationale2 . Tyco a soutenu également que, si les importations en provenance de la France avaient causé des perturbations, les importations provenant des États-Unis devaient également en avoir causé3 . Elle a soutenu que la branche de production doit subir des dommages dans l’ensemble du marché, étant donné qu’il faut tenir compte de la compétition entre les ventes obtenues par le processus de demande de propositions (DP) et les ventes obtenues par l’intermédiaire de distributeurs et de détaillants qui n’utilisent pas le processus de DP4 .

9. Enfin, Tyco a fait référence à un certain nombre de facteurs non reliés au dumping, comme les primes aux fournisseurs existants, la force de la marque, les niveaux de service, les délais d’approvisionnement et de livraison, et les efforts de mise en marché et de promotion qui, selon elle, pourraient expliquer le présumé dommage.

ANALYSE

Contexte réglementaire

10. Le mandat du Tribunal à l’étape préliminaire d’une enquête de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, lequel prévoit que le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal a tenu compte des facteurs prévus à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 5 .

11. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme étant « le dommage sensible causé à une branche de production nationale ». Il définit également « branche de production nationale » comme étant « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises ». Par conséquent, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et déterminer la composition de la branche de production nationale de ces marchandises avant de se pencher sur les questions de dommage, de retard ou de menace de dommage.

Marchandises similaires

12. Le Tribunal observe que lors de l’ouverture de son enquête, l’ASFC a défini les marchandise en question comme des culottes jetables d’une pièce pour l’incontinence pour adulte qui offrent une protection absorbante contre l’incontinence urinaire et fécale et qui sont consolidées par un système de fixation, originaires ou exportées de la France.

13. Pour décider de la question des marchandises similaires, le Tribunal tient compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (telles que la composition et l’apparence), leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix et la distribution) et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients que les marchandises importées.

14. SCA a soutenu que les marchandises en question et les marchandises produites par la branche de production nationale sont directement substituables et sont en concurrence directe les unes avec les autres sur le marché canadien. Le Tribunal observe que ces affirmations n’ont pas été remises en question par la partie opposée.

15. À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut que les culottes jetables pour incontinence pour adulte fabriquées au Canada sont des marchandises similaires aux marchandises en question.

Branche de production nationale

16. Les éléments de preuve au dossier à cette étape indiquent que SCA est le seul producteur connu de marchandises similaires au Canada. Par conséquent, le Tribunal conclut que SCA constitue la branche de production nationale6 .

Volume des marchandises sous-évaluées

17. SCA a soutenu que le volume des importations des marchandises en question a augmenté de façon substantielle sur le marché canadien à partir de 2004 et qu’il a continué à augmenter, en particulier pendant la première moitié de 2006. Ces allégations n’ont pas été réfutées.

18. En ce qui concerne le volume estimatif des importations de culottes jetables pour incontinence pour adulte, le Tribunal observe que les statistiques disponibles au public ne s’avèrent pas utiles parce qu’elles comprennent une vaste gamme d’autres produits. Étant donné les limites des statistiques, l’ASFC a estimé le volume des importations des marchandises en question en se fondant sur son analyse des données réelles d’importation obtenues au moyen de son système d’information interne et des documents de déclaration douanière. Ainsi, l’ASFC a estimé que, pendant la période visée par l’enquête, du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006, les importations en provenance de la France ont représenté 5,5 p. 100 du volume total des importations de culottes jetables pour incontinence pour adulte au Canada.

19. Le Tribunal observe que les éléments de preuve au dossier, fondés sur les estimations de l’ASFC, indiquent une augmentation substantielle du volume des importations des marchandises en question entre 2004 et la fin de la première moitié de 2006.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

20. En ce qui concerne l’incidence des marchandises en question sur le prix des marchandises similaires, SCA soutient que la diminution constante du prix de vente des marchandises présumément sous-évaluées a entraîné la chute du prix unitaire des marchandises similaires au Canada depuis 2003. La compagnie a fait référence aux valeurs déclarées moyennes des importations en provenance de la France, qui montrent des prix allant de 7,59 $ le kg en 2003 à 3,16 $ le kg au cours de la première moitié de 2006. De plus, SCA a produit de l’information qui montre un déclin continu de son prix de vente unitaire moyen net le kilogramme pendant la période allant de 2004 à la fin de la première moitié de 2006. Selon SCA, afin de demeurer concurrentielle, elle avait dû réduire ses prix encore plus pour ne pas perdre ses contrats7 .

21. En ce qui concerne l’effritement des prix, SCA a présenté des éléments de preuve indiquant des situations d’invitations à soumissionner où elle avait dû réduire ses prix offerts afin de concurrencer. Ceci ne lui a pas garanti des résultats positifs; dans certains cas, ses offres ont tout de même échoué malgré le rabais supplémentaire, et dans d’autres cas, elle n’a obtenu les contrats que grâce à ses réductions de prix.

22. Malgré le fait que, en théorie, ces circonstances puissent indiquer qu’il y a effritement des prix, le Tribunal observe que depuis 2003 jusqu’à la fin de la première moitié de 2006, le mouvement d’ensemble des prix des marchandises similaires a été relativement petit en proportion du prix unitaire total, et il conclut que les éléments de preuve appuyant un effritement des prix ne sont pas concluants.

Incidence sur la branche de production nationale

23. Dans sa plainte, SCA a fait valoir que, tandis que le volume des importations des marchandises en question avait augmenté entre 2004 et la première moitié de 2006, la part de marché de SCA diminuait, de même que celles de tous les autres pays, pendant la même période8 .

24. Par ailleurs, Tyco a fait valoir que la branche de production nationale avait perdu une part de marché non pas à cause des importations provenant de la France, mais à cause des importations croissantes provenant des États-Unis9 .

25. Le Tribunal observe l’écart entre les données disponibles au public fournies par SCA, qui comprennent des marchandises non visées, et les données estimatives de l’ASFC liées aux marchandises en question seulement. De l’avis du Tribunal, les données de l’ASFC montrent que, pour la période allant de 2003 à 2005, la part de marché de SCA a diminué, puis elle a diminué encore davantage pendant la première moitié de 2006. Pendant la même période, la part des importations provenant des États-Unis a augmenté et ensuite a légèrement diminué pendant la première moitié de 2006, tandis que la part des importations provenant de sources autres que les États-Unis et la France est demeurée stable. Cependant, les importations de marchandises en question sont restées stables en 2004 et 2005, puis ont augmenté de façon substantielle pendant la première moitié de 2006.

26. Par conséquent, de l’avis du Tribunal, la perte de part de marché de SCA peut être attribuée en partie à la présence croissante des marchandises en question pendant toute la période entre 2003 et la première moitié de 2006.

27. En ce qui concerne les ventes perdues, SCA allègue qu’elle a perdu des contrats et des ventes à l’occasion d’invitations à soumissionner. SCA a fourni des détails sur des contrats au Québec, mais elle n’a fourni aucun élément de preuve indiquant qu’elle avait perdu des ventes ailleurs, sinon une liste de contrats qu’elle considère comme « à risque » dans des situations d’invitations à soumissionner à venir.

28. Malgré cela, le Tribunal est d’avis que les circonstances décrites par SCA indiquent de façon raisonnable que les ventes perdues qu’a subies la branche de production nationale ont été causées par la présence de marchandises sous-évaluées provenant de la France sur le marché canadien. Cette expérience récente permet de conclure que des ventes pourraient être perdues dans l’avenir à l’occasion du renouvellement de certains contrats.

29. Le Tribunal considère donc que les éléments de preuve spécifiques liés aux comptes de SCA appuient son allégation selon laquelle il y a eu dommage sous la forme de perte de ventes et de perte de part de marché.

30. Dans son mémoire, SCA fait référence à la compression des prix et soutient que la réduction de sa rentabilité et une augmentation de son coût des marchandises vendues devraient être attribuées directement à la présence des importations sous-évaluées. Cependant, le Tribunal considère que les éléments de preuve n’appuient pas l’affirmation selon laquelle la rentabilité réduite découlerait du bas prix des marchandises en question. Par exemple, le Tribunal constate que, depuis quelques années, les fluctuations du coût moyen des marchandises vendues et de la marge brute moyenne étaient relativement petites. Le Tribunal est donc d’avis qu’il est possible que des facteurs autres que le dumping aient eu une incidence sur la rentabilité de SCA.

Autres facteurs

31. Comme on l’a observé ci-dessus, la partie opposée à la plainte a soutenu que plusieurs facteurs non reliés au dumping avaient causé un dommage à la branche de production nationale. Ces autres facteurs comprennent les primes aux fournisseurs existants, la force de la marque, les niveaux de service, les délais d’approvisionnement et de livraison, et les efforts de promotion et de mise en marché.

32. Le Tribunal a tenu compte de ces facteurs mais, à la présente étape, étant donné le peu d’éléments de preuve au dossier, il lui a été difficile d’évaluer l’incidence que ces facteurs auraient pu avoir sur la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il conviendra mieux de résoudre ces questions lors d’une enquête éventuelle aux termes de l’article 42 de la LMSI.

CONCLUSION

33. À la lumière des renseignements au dossier et de l’analyse qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale sous la forme de perte de ventes et de perte de part de marché.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . Dossier administratif, vol. 3, exposé de Tyco, para. 4.

3 . Dossier administratif, vol. 3, exposé de Tyco, para. 5-11.

4 . Dossier administratif, vol. 3, exposé de Tyco, para. 12-13.

5 . D.O.R.S./84-927.

6 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 11.

7 . Dossier administratif, vol. 1 aux pp.  30, 31.

8 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 27.

9 . Dossier administratif, vol. 3, exposé de Tyco, para. 8.