PANNEAUX ISOLANTS EN POLYISO

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


PANNEAUX ISOLANTS EN POLYISO
Enquête préliminaire de dommage no PI-2009-004

Décision rendue
le lundi 7 décembre 2009

Motifs rendus
le mardi 22 décembre 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant les :

PANNEAUX ISOLANTS EN POLYISO ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus, originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

Cette enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 8 octobre 2009, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

Stephen A. Leach, membre présidant

 

Diane Vincent, membre

 

Pasquale Michaele Saroli, membre

   

Directeur de la recherche :

Audrey Chapman

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent principal de la recherche :

Josée St-Amand

   

Économiste principal :

Simon Glance

   

Agent principal de la recherche statistique :

Lise Lacombe

   

Agent de la recherche statistique :

Stéphane Racette

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

   

IKO Sales Ltd.

Anthony T. Eyton
Ron W. Erdmann
Mark N. Sills
Andrew Derksen
Sarah Turney

   

Johns Manville Canada Inc.

C. J. Michael Flavell, c.r.
Geoffrey C. Kubrick

   

Firestone Building Products Company

Greg Kanargelidis
Prakash Narayanan

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 8 octobre 2009, à la suite d’une plainte déposée le 19 août 2009 par IKO Sales Ltd. (IKO), le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait une enquête sur le présumé dumping dommageable des panneaux d’isolation thermique en polyisocyanurate (polyuréthane modifié), alvéolaires, rigides et revêtus (polyiso) originaires ou exportés des États-Unis d’Amérique (les marchandises en question).

2. Le 9 octobre 2009, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage.

3. Un autre producteur national, Johns Manville Canada Inc. (Johns Manville), appuie la plainte. Le seul autre producteur canadien connu, Atlas Roofing Corporation (Atlas), n’a pas indiqué sa position à l’égard de la plainte.

4. Firestone Building Products Company (Firestone), fabricant de produits de toiture commerciaux ayant son siège social à Indianapolis, en Indiana, s’oppose à la plainte.

5. Le 21 octobre 2009, après examen des renseignements au dossier, qui couvraient généralement la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, le Tribunal demandait des renseignements supplémentaires visant les périodes intermédiaires allant du 1er janvier au 31 août 2008 et du 1er janvier au 31 août 2009 (la période intermédiaire 2008 et la période intermédiaire 2009 respectivement) auprès d’IKO, de Johns Manville et d’Atlas1 . Chaque société a fourni les renseignements demandés. Par conséquent, pour déterminer si les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage, le Tribunal a considéré que la période allant du 1er janvier 2006 au 31 août 2009 était la période visée par l’enquête (PE) aux fins de son enquête préliminaire de dommage.

6. Le 7 décembre 2009, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation 2 , le Tribunal déterminait que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR UNE ENQUÊTE

7. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC était d’avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage à la branche de production canadienne. Par conséquent, l’ASFC ouvrait une enquête le 8 octobre 2009.

8. Pour en arriver à sa décision d’ouvrir une enquête, l’ASFC a utilisé des renseignements relatifs au volume des marchandises sous-évaluées pour la période allant du 1er septembre 2008 au 31 août 2009.

9. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question étaient sous-évaluées, assorties d’une marge moyenne pondérée globale estimative de dumping de 32,0 p. 100, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation. L’ASFC estimait que les marchandises en question comptaient pour 99,9 p. 100 des panneaux isolants en polyiso importés au Canada du 1er septembre 2008 au 31 août 2009. Par conséquent, l’ASFC était d’avis que le volume estimatif des marchandises sous-évaluées n’était pas négligeable et que la marge moyenne pondérée globale estimative de dumping n’était pas minime3 .

OBSERVATIONS SUR LE DOMMAGE

Producteurs nationaux appuyant la plainte

10. IKO soutient que le dumping des marchandises en question a causé et menace de causer un dommage à la branche de production nationale qui produit des marchandises similaires. À l’appui de ses allégations, IKO a produit des éléments de preuve indiquant qu’elle a subi une baisse des volumes de ventes, des prix, des bénéfices, de l’emploi et de l’utilisation de la capacité en raison du dumping des marchandises en question.

11. IKO soutient que les importations des marchandises en question ont augmenté pendant la période allant de 2006 à 2008 et, de façon plus importante, qu’elles comptaient pour une partie croissante d’un marché en expansion. À l’égard de la baisse des prix, IKO indique que la comparaison de ses prix courants et de ses prix nets démontre que ses prix de vente unitaires moyens étaient généralement plus bas en raison des importations sous-évaluées. IKO déclare qu’en l’absence de dumping, le prix des importations provenant des États-Unis aurait augmenté d’un montant correspondant à la marge de dumping. IKO fournit des estimations des augmentations de prix en pourcentage qu’elle aurait pu réaliser et des parts maximales du marché qu’elle aurait pu accaparer en l’absence de dumping des marchandises en question.

12. À l’égard de la compression des prix, IKO affirme qu’en raison du dumping des marchandises en question, elle a été incapable d’augmenter ses prix suffisamment pour couvrir les augmentations des coûts unitaires des marchandises vendues, de sorte qu’elle a été incapable de maintenir ses marges brutes. IKO prétend que, n’eût été la « sous-cotation » des marchandises en question, elle aurait été en mesure d’augmenter ses volumes de vente ou ses prix nets. IKO, qui ne vend pas directement aux consommateurs mais plutôt par l’entremise de distributeurs, fournit des exemples portant sur les distributeurs à l’appui de ses allégations de baisse de prix, de compression de prix et de perte de ventes.

13. IKO fournit des renseignements sur sa capacité pratique de production et ses taux d’utilisation de la capacité. Elle soutient que malgré certaines faibles améliorations, son taux d’utilisation de la capacité aurait été plus élevé et qu’elle aurait pu embaucher davantage d’employés sans les effets du dumping.

14. Concernant la menace de dommage, IKO déclare que tant que les marchandises sous-évaluées provenant des États-Unis continuent de pénétrer le marché canadien, IKO ne pourra atteindre ses niveaux prévus de volumes de ventes, de prix, de production, d’emploi, d’utilisation de la capacité et de rentabilité.

15. Johns Manville indique qu’elle appuie la plainte; toutefois, elle n’a pas déposé d’exposé auprès du Tribunal.

Partie opposée à la plainte

16. Firestone soutient que la plainte n’étaye pas de conclusions de dommage sensible causé par le dumping des marchandises en question puisque les éléments de preuve de dommage sont rares ou inexistants. Firestone déclare que la plainte n’est qu’une tentative de la part d’IKO d’obtenir un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents américains et d’augmenter ses prix et, par conséquent, ses bénéfices.

17. Firestone prétend qu’IKO a fondé son allégation de compression des prix uniquement sur les augmentations de prix qu’elle aurait été en mesure, selon elle, de réaliser sans les importations sous-évaluées. Firestone ajoute qu’IKO n’a fourni que quelques cas où elle avait dû, selon elle, réduire son prix de vente en réponse aux marchandises sous-évaluées en question. Firestone soutient que l’allégation de compression de prix par IKO n’est pas fondée puisque les prix de Firestone au Canada sont plus élevés que ceux d’IKO. Firestone ajoute que les prix courants et les prix nets d’IKO ne démontrent pas d’érosion de prix et qu’en ce qui a trait à l’Ouest canadien, où IKO est le seul producteur national, toute réduction de prix aurait été initiée par IKO puisqu’elle est le chef de file au niveau des prix dans ce marché.

ANALYSE

Cadre législatif

18. Le mandat du Tribunal dans une enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige que le Tribunal détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou menace de causer un dommage4 . Pour arriver à sa décision, le Tribunal a tenu compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 5 .

19. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale. » Il définit également le terme « branche de production nationale » comme suit : « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises. » Par conséquent, le Tribunal doit déterminer qu’elles sont les marchandises similaires et qu’elle est la branche de production nationale qui les produit avant d’examiner les allégations de dommage ou de menace de dommage.

Marchandises similaires et catégories de marchandises

20. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

21. IKO soutient que les panneaux isolants en polyiso qu’elle produit constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question puisqu’ils comportent les mêmes utilisations et caractéristiques physiques. IKO souligne notamment les tailles normalisées similaires (4 po x 4 po et 4 po x 8 po), une résistance à la compression similaire (25 lb/po carré) et un indice d’isolation similaire (R-6/po)6 . IKO indique que ses produits isolants en polyiso7 sont fabriqués à l’aide du même type de machinerie que celui utilisé pour les marchandises en question. Selon IKO, tous les panneaux isolants en polyiso sont distribués de la même manière et au moyen des mêmes circuits de distribution.

22. Firestone soutient que les panneaux isolants en polyiso produits au Canada ne sont pas des marchandises similaires par rapport aux panneaux de couverture ISOGARDMC HD qu’elle produit aux États-Unis. Selon l’exposé de Firestone, les panneaux de couverture ISOGARDMC HD ne sont pas des panneaux isolants, de sorte qu’ils ne doivent pas être visés par la définition des marchandises en question. Firestone soutient donc que son produit (et d’autres panneaux de couverture qu’elle importe des États-Unis) ne doit pas être visé par l’analyse du Tribunal de la question de savoir si le dumping des marchandises en question a causé ou causera vraisemblablement un dommage aux marchandises similaires.

23. À l’appui de son allégation, Firestone prétend que par comparaison avec les panneaux isolants en polyiso, les panneaux de couverture ISOGARDMC HD répondent à différentes spécifications et normes, ont un matériau de revêtement différent qui respecte une norme de résistance à la moisissure, ont un indice d’isolation plus faible et commandent un prix fortement majoré. Selon l’exposé de Firestone, les deux produits ne se font pas concurrence8 .

24. IKO soutient que Firestone n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve indiquant que les panneaux de couverture ISOGARDMC HD ne sont pas des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et qu’il convient de traiter l’exposé de Firestone dans le contexte de demandes d’exclusions de produits si l’enquête menée en vertu de l’article 42 de la LMSI donne lieu à des conclusions de dommage.

25. Pour trancher les questions des marchandises similaires et des catégories de marchandises, le Tribunal tient habituellement compte d’un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), les caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution et les utilisations finales) et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients9 .

26. Après examen des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est convaincu que les panneaux isolants en polyiso produits par la branche de production nationale sont substituables aux marchandises en question, leur font directement concurrence et ont la même utilisation finale. Le même type de machinerie produit les différents types de panneaux isolants en polyiso, qui sont tous faits d’âmes de mousse ayant essentiellement la même composition chimique, les mêmes propriétés physiques et la même apparence. Les circuits de distribution sont aussi les mêmes.

27. Quant aux prétentions de Firestone selon lesquelles les panneaux de couverture ISOGARDMC HD ne sont pas des marchandises similaires et ne répondent pas à la définition des marchandises en question et ne sont pas visés par l’enquête de l’ASFC, le Tribunal est d’avis qu’ils sont visés par la définition des marchandises en question et ne constituent pas une catégorie distincte de marchandises. Le Tribunal convient avec IKO que toute distinction entre les « panneaux isolants » et les « panneaux de couverture » serait traitée de façon plus appropriée dans le contexte d’une demande d’exclusions de produits, dans le cas où l’enquête menée en vertu de l’article 42 de la LMSI donnait lieu à des conclusions de dommage.

28. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en question constituent une seule catégorie de marchandises et que les panneaux isolants en polyiso produits au Canada sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

29. Firestone ajoute que le Tribunal doit effectuer son analyse de dommage sur la base d’un marché régional conformément au paragraphe 2(1.1) de la LMSI, en raison de la prétention de Firestone de l’existence de deux catégories distinctes de marchandises : une catégorie pour l’est du Canada et l’autre pour l’ouest du Canada10 . IKO s’oppose à cette opinion, faisant valoir que la LMSI et la jurisprudence du Tribunal ne reconnaissent pas la détermination de catégories de marchandises suivant la délinéation des marchés régionaux. IKO prétend que le paragraphe 2(1.1) ne s’applique pas dans les cas où le plaignant allègue qu’un dommage est causé à la branche de production nationale dans son ensemble11 .

30. Le Tribunal rejette la position avancée par Firestone concernant les catégories de marchandises parce que les marchandises en question sont essentiellement les mêmes, voire identiques, qu’elles soient destinées à l’est du Canada ou à l’ouest du Canada. De même, les panneaux isolants en polyiso produits au pays sont essentiellement les mêmes, voire identiques, peu importe où ils sont produits au pays. La destination des marchandises en question au Canada ne justifie pas une catégorie distincte de marchandises.

31. Le Tribunal souligne qu’une position similaire à celle qu’avance Firestone à l’égard des marchés régionaux a été mise de l’avant dans Maïs-grain à l’état brut 12 et rejetée par le Tribunal parce que « [...] les dispositions visant les marchés régionaux [de la LMSI] n’ont pas pour but d’élever les seuils lorsqu’une plainte de dumping [...] fondée sur un marché national est déposée, même si des marchés régionaux distincts pourraient être désignés à l’intérieur du marché national. Dans [Maïs-grain à l’état brut] la branche de production nationale n’a pas demandé l’application des dispositions visant les marchés régionaux, et le Tribunal ne l’imposera pas. Par conséquent, le Tribunal fondera son analyse sur un marché national13 . »

32. En l’espèce, le Tribunal adoptera une approche semblable et mènera donc son analyse sur la base d’un marché national.

Branche de production nationale

33. Dans sa décision d’ouvrir l’enquête, l’ASFC a mentionné trois producteurs de panneaux isolants en polyiso au Canada, à savoir IKO, Johns Manville et Atlas, et a souligné que Johns Manville appuyait la plainte tandis qu’Atlas n’a fourni aucune opinion sur l’affaire.

34. Dans sa plainte, IKO souligne que Johns Manville et Atlas sont liées à des fabricants américains de panneaux isolants en polyiso et que les deux sociétés sont elles-mêmes des importateurs de quantités importantes de marchandises en question au Canada14 .

35. Comme mentionné ci-dessus, le paragraphe 2(1) de la LMSI confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’interpréter le terme « branche de production nationale » comme signifiant seulement les producteurs nationaux qui ne sont pas liés à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou qui ne sont pas importateurs de telles marchandises. À cette étape préliminaire, le Tribunal interprétera le terme « branche de production nationale » comme visant les producteurs nationaux qui ont importé ou non les marchandises en question. Toutefois, si l’ASFC rend une décision provisoire de dumping, le Tribunal recueillera des renseignements auprès des producteurs nationaux au sujet de leurs importations de marchandises en question et pourrait réexaminer cette question lorsqu’il effectuera son enquête en vertu de l’article 42.

36. À la lumière des éléments de preuve figurant au dossier de cette enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut qu’IKO, Johns Manville et Atlas constituent la branche de production nationale et que leur production constitue une proportion majeure de la production nationale totale de marchandises similaires.

Volume des marchandises sous-évaluées

37. Le Tribunal a utilisé les données sur les importations reçues de l’ASFC, pour la période allant de janvier 2006 à août 2009, afin d’estimer le volume d’importations des marchandises en question. Selon l’ASFC, les marchandises en question sont classées dans un seul numéro tarifaire et pratiquement toutes les importations provenaient des États-Unis.

38. Le Tribunal fait remarquer que le volume d’importations des marchandises en question a augmenté de 47 p. 100 entre 2006 et 2008. Si on compare la période intermédiaire 2008 et la période intermédiaire 2009, on constate que les importations ont diminué d’environ 39 p. 100.

39. Le Tribunal fait remarquer que le volume d’importations des marchandises en question par rapport au volume de la production nationale a augmenté de 13 points de pourcentage entre 2006 et 2008, passant de 33 p. 100 à 49 p. 100 en 2007 avant de diminuer à 46 p. 100 en 2008. La comparaison des deux périodes intermédiaires montre que cet indicateur est passé de 60 p. 100 au cours de la période intermédiaire 2008 à 44 p. 100 au cours de la période intermédiaire 2009.

40. Le volume d’importations des marchandises en question par rapport au volume total des ventes de la branche de production nationale a augmenté de 12 points de pourcentage entre 2006 et 2008, passant de 38 p. 100 en 2006 à 57 p. 100 en 2007 avant de diminuer à 50 p. 100 en 2008. Cet indicateur est passé de 67 p. 100 au cours de la période intermédiaire 2008 à 50 p. 100 au cours de la période intermédiaire 2009.

41. À la lumière des éléments de preuve au dossier, les données à l’importation préliminaires indiquent que les marchandises en question représentaient près de la totalité de toutes les importations de panneaux isolants en polyiso au Canada. À l’exception d’une baisse au cours de la période intermédiaire 2009 comparativement à la période intermédiaire 2008, le volume d’importations des marchandises en question a affiché une croissance constante en chiffres absolus. Les importations des marchandises en question ont aussi augmenté par rapport à la production et à la consommation de panneaux isolants en polyiso au cours de la PE.

Effet sur le prix des marchandises similaires

42. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve relatifs aux prix figurant au dossier et a comparé la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires avec les estimations de la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises en question15 . Dans chaque période, la valeur unitaire moyenne estimative des ventes des marchandises en question était inférieure à celle des ventes des marchandises similaires. Les éléments de preuve indiquent que la valeur unitaire moyenne estimative des ventes des marchandises en question était inférieure de 13 p. 100 à 20 p. 100 à celle des ventes des marchandises similaires au cours de la PE.

43. Le Tribunal fait remarquer que la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires a diminué d’environ 10 p. 100 entre 2006 et 2008. Pour sa part, la valeur unitaire moyenne estimative des ventes des marchandises en question n’a diminué que d’environ 4 p. 100. Nonobstant la baisse plus marquée de la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires, la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises en question est demeurée inférieure à la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires.

44. Si on compare la période intermédiaire 2009 et la période intermédiaire 2008, on constate que la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires a augmenté de 11 p. 100. La valeur unitaire moyenne estimative des ventes des marchandises en question a augmenté de 10 p. 100 pendant la période intermédiaire 2009. Le Tribunal souligne que malgré la similitude des pourcentages d’augmentation des valeurs unitaires moyennes des ventes des marchandises similaires et des ventes des marchandises en question, la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises en question est demeurée inférieure d’environ 15 p. 100 à la valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires pendant la période intermédiaire 2009.

45. Le Tribunal fait remarquer que l’ajustement à la hausse du prix de vente unitaire moyen des marchandises en question, de manière à tenir compte de la marge de dumping et des frais de transport, entraînerait des prix unitaires beaucoup plus élevés que le prix de vente unitaire moyen des marchandises similaires. Le Tribunal estime donc raisonnable de conclure que la branche de production nationale aurait pu réaliser des prix plus élevés et accaparer une part supérieure du marché intérieur n’eût été les effets néfastes des marchandises en question sous-évaluées sur les prix. Cette conclusion est confirmée par le fait que les panneaux isolants en polyiso sont essentiellement des produits de base pour lesquels le prix est un facteur déterminant lors d’une décision d’achat.

46. En outre, même si le Tribunal reconnaît qu’il pourrait y avoir des cas où certaines des marchandises en question se vendent à un prix supérieur à la valeur unitaire moyenne des marchandises similaires, les éléments de preuve indiquent aussi que la valeur unitaire moyenne estimative des ventes des marchandises en question était inférieure à celle des marchandises similaires et pourrait avoir empêché IKO d’augmenter ses prix.

47. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis qu’aux fins de cette enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable que les importations des marchandises en question ont entraîné la compression et la baisse des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

48. Le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve au dossier de cette enquête préliminaire de dommage montrent une réduction de la production nationale et une baisse des ventes nationales entre 2006 et 2007 de même qu’au cours de la période intermédiaire 2009 comparativement à la période intermédiaire 2008.

49. L’examen des éléments de preuve par le Tribunal indique que le marché apparent canadien des panneaux isolants en polyiso a crû d’environ 23 p. 100 au cours de la période allant de 2006 et 2008. Toutefois, les producteurs nationaux ont perdu environ 9 points de pourcentage de part de marché en faveur des importations des marchandises en question entre 2006 et 2007 avant d’en regagner une partie en 2008. Il en résulte une perte nette de 5 points de pourcentage de part de marché pendant la période allant de 2006 à 2008. En d’autres mots, la branche de production nationale n’a pas bénéficié de sa part de la croissance du marché entre 2006 et 2008. Au cours de la période intermédiaire 2009, le marché apparent a diminué d’environ 26 p. 100 comparativement à la période intermédiaire 2008.

50. Le Tribunal a aussi examiné les résultats financiers d’IKO de même que les estimations qu’elle a fournies et qui indiquaient ce qu’aurait été son rendement financier en l’absence des importations sous-évaluées provenant des États-Unis. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent que la présence des marchandises en question a vraisemblablement eu une incidence négative sur IKO en faisant baisser ses prix nets et ses volumes de ventes de marchandises similaires à un niveau inférieur à ceux qui auraient prévalu sans le dumping des marchandises en question. À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut que la compression et la baisse des prix de même que les pertes de ventes subies par IKO ont eu une incidence négative sur son rendement financier.

51. De plus, il est raisonnable de présumer que sans les effets néfastes des prix des marchandises en question, la branche de production nationale aurait réalisé un meilleur rendement sur le plan de l’utilisation de la capacité, de l’emploi, du rendement de l’investissement et d’autres indicateurs de rendement connexes.

52. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve au dossier de cette enquête préliminaire de dommage indiquent de façon raisonnable que les effets sur les prix du dumping des marchandises en question ont eu une incidence négative sur l’état de la branche de production nationale et ont causé un dommage à celle-ci.

Autres facteurs

53. IKO a mentionné plusieurs autres causes potentielles de dommage, notamment la diminution des ventes à l’exportation, l’augmentation des coûts des matières premières, la variation des coûts de production, la hausse du taux de change, la concurrence intrasectorielle et la variation de la demande sur le marché de panneaux isolants en polyiso.

54. Firestone ne traite pas de chacune des autres causes potentielles de dommage soulevées par IKO, mais déclare généralement que celles-ci ont contribué au dommage subi par IKO.

55. Le Tribunal est d’avis que d’autres facteurs pourraient avoir eu une incidence sur la branche de production nationale, comme la demande de marchandises de substitution et leurs prix de vente relatifs. Toutefois, les éléments de preuve au dossier concernant l’incidence de ces autres facteurs ne suffisent pas pour nier la conclusion du Tribunal selon laquelle les éléments de preuve indiquent de façon raisonnable que le dumping des marchandises en question a causé un dommage. C’est seulement dans le contexte d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI que le Tribunal sera en mesure d’examiner pleinement ces autres facteurs et leur importance relative.

CONCLUSION

56. À la lumière de l’analyse qui précède, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.


1 . Dossier administratif, vol. 1A aux pp. 228-242.

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

3 . Dossier administratif, vol. 1A aux pp. 255-256.

4 . Le paragraphe 34(2) permet aussi une conclusion d’indication raisonnable de « retard », que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme « [l]e retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale. » Puisqu’il existe une branche de production nationale de panneaux isolants en polyiso au Canada, le « retard » n’est pas une question en litige dans cette enquête préliminaire de dommage.

5 . D.O.R.S./84-927.

6 . Dans sa plainte, IKO a fourni de la documentation relative aux produits pour les sociétés américaines suivantes fabriquant des panneaux isolants en polyiso : Johns Manville, pièce 5; Atlas, pièce 6; Firestone, pièce 7; Rmax, pièce 8; Hunter Panels, division de Carlisle, pièce 9; Dow, pièce 10. Dossier administratif, vol. 1 aux pp. 125-214.

7 . IKOTherm, pièce 2, IKOTherm III, pièce 3, Enerfoil, pièce 4, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 113-124.

8 . Dossier administratif, vol. 3 aux para. 11-20.

9 . Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

10 . Dossier administratif, vol. 3 aux para. 21-35; voir en particulier le para. 22.

11 . Ibid. aux para. 21-22.

12 . (18 avril 2006), NQ-2005-001 (TCCE), [Maïs-grain à l’état brut], aux para. 71-74.

13 . Maïs-grain à l’état brut au para. 74.

14 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 20.

15 . La valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises similaires a été soumise en réponse à la demande de renseignements supplémentaires. La valeur unitaire moyenne des ventes des marchandises en question a été estimée par l’ajout des coûts de transport, calculés par IKO, à la valeur en douane unitaire moyenne des marchandises en question. Selon les observations d’IKO, les ventes de panneaux isolants en polyiso au Canada sont destinées principalement aux distributeurs. Par conséquent, l’ajout des coûts de transport à la valeur en douane des importations est représentatif de la valeur de vente nette rendue des importations en question aux distributeurs.