FILS D'ACIER GALVANISÉS

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


FILS D'ACIER GALVANISÉS
Enquête préliminaire de dommage no PI-2012-005

Décision rendue
le vendredi 22 mars 2013

Motifs rendus
le lundi 8 avril 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant des :

FILS D'ACIER GALVANISÉS ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE L'ÉTAT D'ISRAËL ET DU ROYAUME D'ESPAGNE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de fil de carbone ou d'acier allié étiré à froid ayant une section pleine dont le diamètre est de 1.082 mm (0.0426 pouce) à 12.5 mm (0.492 pouce), plaqué ou revêtu de zinc ou de zinc allié, revêtu de plastique ou non, excluant le fil méplat, originaire ou exporté de la République populaire de Chine, de l'État d'Israël et du Royaume d'Espagne et le subventionnement des marchandises susmentionnées de la République populaire de Chine ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l'avis en date du 21 janvier 2013, selon lequel le président de l'Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre

Eric Wildhaber
Eric Wildhaber
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Ann Penner, membre
Daniel Petit, membre

Directeur de la recherche : Lisa Backa Demers

Gestionnaire de la recherche : Mark Howell

Agents principaux de la recherche : Rebecca Campbell
Rhonda Heintzman

Agents de la recherche : Anna Nowak
Marie-Josée Monette

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Georges Bujold
Laura Little

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Haley Raynor

Agent de soutien du greffe : Rosemary Hong

PARTICIPANTS :

  Conseillers/représentants
Tree Island Steel Ltd. Geoffrey C. Kubrick
Jonathan O'Hara
ArcelorMittal Montréal Inc. Paul Conlin
Benjamin P. Bedard
Drew Tyler
Anne-Marie Guindon
Paul E. Brunetta
Sacks Industrial Corp.
Structa Wire Corp.
Kimberley L.D. Cook
Rosemary J. Anderson
Jeremie D. Beitel
Uniwire International, Ltd.
Uniwire Trading LLC
Christopher J. Kent
Andrew M. Lanouette
Moreda Riviere Trefilerias Victoria Bazan
Quincaillerie A. Karpat Ltd. Issie Hefter
Délégation de l'Union européenne au Canada Matthias Brinkmann
Yehuda Welded Mesh Ltd. Avichai Rosenshtok
MAX USA Corp. Masahito Yamamoto

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 21 janvier 2013, à la suite d'une plainte déposée le 23 mars 2012 par Tree Island Steel Ltd. (Tree Island), le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert des enquêtes sur le présumé dumping dommageable de fils d'acier galvanisés originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine), de l'État d'Israël (Israël) et du Royaume d'Espagne (Espagne) et sur le présumé subventionnement dommageable de fils d'acier galvanisés originaires ou exportés de la Chine (les marchandises en question).

2. Le 22 janvier 2013, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a publié un avis d'ouverture d'enquête préliminaire de dommage1.

3. Deux importateurs des marchandises en question, Quincaillerie A. Karpat Ltd. (Karpat) et Structa Wire Corp. (Structa), et un producteur espagnol des marchandises en question, Moreda Riviere Trefilerias (MRT), ont déposé des exposés faisant opposition à la plainte.

4. Les autres parties à la présente enquête préliminaire de dommage comprennent ArcelorMittal Montréal Inc., Sacks Industrial Corp., Uniwire International Ltd., Uniwire Trading LLC, la Délégation de l'Union européenne au Canada, MAX USA Corp. et Yehuda Welded Mesh Ltd. Ces parties n'ont pas déposé d'exposé auprès du Tribunal pour indiquer leur position à l'égard de la plainte.

5. Le 2 mars 2013, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation2, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage.

DÉCISION DE L'ASFC D'OUVRIR DES ENQUÊTES

6. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l'ASFC a conclu que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et subventionnées et que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé ou menaçaient de causer un dommage.

7. La période visée par l'enquête de l'ASFC sur le présumé dumping s'étend du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012. Le tableau ci-dessous présente la marge estimative de dumping et le volume estimatif des marchandises sous-évaluées pour chacun des pays visés3. L'ASFC est d'avis que les marges estimatives de dumping ne sont pas minimales et que les volumes estimatifs des marchandises sous-évaluées ne sont pas négligeables4.

Estimations du dumping par l'ASFC

Pays Marge estimative de dumping
(exprimée en pourcentage du prix à l'exportation)
Volume estimatif des marchandises sous-évaluées
(exprimé en pourcentage du total des importations)
Chine 28,2 29,5
Israël 43,1 4,1
Espagne 49,4 7,5

8. La période visée par l'enquête de l'ASFC sur le présumé subventionnement s'étend du 1er janvier 2011 au 30 septembre 2012. L'ASFC est d'avis que 100 p. 100 des marchandises en question en provenance de la Chine ont été subventionnées, selon un montant estimatif de subvention égal à 19,1 p. 100 du prix à l'exportation5. En outre, le montant estimatif de subvention n'est pas minimal et le volume estimatif des marchandises subventionnées n'est pas négligeable6.

OBSERVATIONS SUR LA QUESTION DE DOMMAGE

Tree Island

9. Tree Island soutient que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé et menacent de causer un dommage à la production de marchandises similaires au Canada. À l'appui de ses allégations, elle a déposé des éléments de preuve sur l'augmentation du volume des importations des marchandises en question, sur la perte de ventes et de part de marché, sur l'effritement et la compression des prix, sur la sous-utilisation de la capacité, sur le recul de l'emploi et sur la diminution des recettes, des marges et des bénéfices en raison du dumping et du subventionnement des marchandises en question. Tree Island affirme également que les marchandises en question menacent de causer un dommage, mais elle n'a pas présenté d'exposé détaillé sur la question.

Parties opposées à la plainte

10. MRT met l'accent sur les éléments de preuve concernant 2010 et les années ultérieures, soulignant que si le Tribunal ouvre une enquête de dommage, la période visée par celle-ci ne remontera pas jusqu'à 2009. Elle soutient que les éléments de preuve versés au dossier n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale. D'ailleurs, MRT qualifie d'inadéquats la grande majorité des éléments de preuve présentés par Tree Island, en ce sens que le lien de causalité entre la situation de Tree Island et les marchandises en question est loin d'être évident. Selon MRT, le seul facteur indiquant un dommage est la baisse du rendement financier des producteurs nationaux, une baisse qui découle d'autres facteurs non liés.

11. De plus, MRT fait valoir que les éléments de preuve concernant le dommage avancés par Tree Island ne sont pas représentatifs du rendement global de la branche de production nationale et, par conséquent, ne suffisent pas pour rendre une décision provisoire de dommage. MRT avance également que le Tribunal ne doit pas tenir compte des allégations avancées par Tree Island selon lesquelles il y a eu effritement des prix et perte de ventes en dehors des périodes visées par les enquêtes de l'ASFC, puisque aucun élément de preuve n'indique que les marchandises en question ont été sous-évaluées et subventionnées.

12. Dans ses observations, Structa soutient que les marchandises en question doivent être divisées en deux catégories : les « produits de faible calibre » [traduction] et les « produits de calibre 17/18 » [traduction]. Selon Structa, rien n'indique que des « produits de calibre 17/18 » sous-évalués ou subventionnés ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

ANALYSE

Cadre législatif

13. Le mandat du Tribunal en matière d'enquête préliminaire de dommage, énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, exige du Tribunal qu'il détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal tient compte des facteurs prescrits à l'article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation7.

14. Dans le cadre d'une enquête préliminaire, le degré de preuve requis qui est établi par les termes « indiquent de façon raisonnable » est moins élevé que celui qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI. Cela signifie que les éléments de preuve en question n'ont pas à être « [...] concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités [...] »8 [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents ne peuvent être suffisantes9.

15. En l'espèce, Tree Island allègue que le dumping et le subventionnement ont causé ou menacent de causer un dommage. Aucune allégation de retard n'a été avancée10.

16. Avant d'examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. Cette analyse préliminaire doit être effectuée parce que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme un « [...] dommage sensible causé à une branche de production nationale » et le terme « branche de production nationale » comme suit : « [...] l'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. »

Marchandises similaires et catégories de marchandises

17. Le Tribunal doit effectuer son enquête préliminaire de dommage en fonction de la description de produit de l'ASFC. En l'espèce, l'ASFC définit les marchandises en question comme des fils de carbone ou d'acier allié étirés à froid ayant certaines caractéristiques, y compris une fourchette de diamètres particuliers, à l'exclusion des fils méplats, originaires ou exportés de la Chine, d'Israël et de l'Espagne. Cependant, pour évaluer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit définir la portée des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Il peut également déterminer si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandises.

18. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

19. En ce qui concerne les questions de « marchandises similaires » et de « catégories de marchandises », l'ASFC est d'avis que les fils d'acier galvanisés produits par la branche de production nationale sont en concurrence directe avec les marchandises en question, ont les mêmes utilisations finales que celles-ci et peuvent leur être substituées. Selon elle, les marchandises en question et les marchandises similaires constituent une seule catégorie de marchandises11.

20. Pour trancher les questions de marchandises similaires et de catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte d'un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients)12.

21. Tree Island soutient que les fils d'acier galvanisés produits au pays, définis de la même manière que les marchandises en question, sont identiques ou similaires aux marchandises en question et que, par conséquent, ils constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. En outre, Tree Island affirme que les marchandises en question constituent une seule catégorie de marchandises13.

22. Les parties qui s'opposent ne contestent pas le fait que les fils d'acier galvanisés produits au pays, définis de la même manière que les marchandises en question, constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. En fait, aucun élément de preuve versé au dossier ne met en doute l'affirmation de Tree Island ou la conclusion de l'ASFC selon laquelle les fils d'acier galvanisés produits au Canada et les marchandises en question sont substituables les uns aux autres et se livrent concurrence sur le marché. Par conséquent, dans le contexte de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que les fils d'acier galvanisés produits au Canada qui sont de même description que les marchandises en question sont des marchandises similaires.

23. Toutefois, pour ce qui est de la question des catégories de marchandises, Structa soutient que les marchandises doivent être divisées en deux catégories distinctes de marchandises, à savoir les « produits de calibre 17/18 » et les « produits de faible calibre »14. Structa allègue que les caractéristiques physiques, les prix, les méthodes de commercialisation, les circuits de distribution, les utilisations finales et les caractéristiques de rendement des deux catégories ne sont pas les mêmes.

24. Plus particulièrement, Structa affirme que les produits de calibre 17/18 ont une résistance à la rupture par traction considérablement plus faible en raison de leur diamètre plus petit et nécessitent un processus de production différent et plus coûteux que les produits de faible calibre. De plus, les produits de faible calibre sont considérablement plus chers, selon le prix à la longueur, que les produits de calibre 17/18, et, dans les faits, ces derniers ne sont pas distribués au pays puisqu'ils sont essentiellement fabriqués pour être exportés aux États-Unis. Structa soutient également qu'il y a pratiquement aucune substituabilité entre les deux catégories, étant donné que les produits de faible calibre ont une multitude d'utilisations finales, tandis que les produits de calibre 17/18 servent presque exclusivement à la production de treillis soudés pour stuc.

25. Tree Island réplique que les produits de calibre 17/18 auxquels Structa fait référence ne doivent pas être traités comme une catégorie distincte de marchandises. À titre de question préliminaire, Tree Island souligne que si Structa importe des fils méplats, comme elle l'a indiqué dans son exposé15, ces produits ne sont donc pas les marchandises en question.

26. Tree Island poursuit en alléguant que si Structa importe vraiment les marchandises en question, il ne doit y avoir qu'une seule catégorie de marchandises puisque les fils d'acier galvanisés se situent dans un continuum de produits de dimensions, de compositions chimiques et d'utilisations finales variées. Autrement dit, Structa soutient que tous les produits sont essentiellement fabriqués au moyen du même processus de production et du même équipement.

27. Contrairement aux affirmations de Structa, Tree Island insiste sur les éléments de preuve versés au dossier selon lesquels elle produit des marchandises dans la fourchette de dimensions16 pour laquelle Structa demande un traitement distinct. Elle indique aussi que les produits de calibre 17/18 ne servent pas uniquement à la production de treillis soudés pour stuc et que, dans les faits, ils ont plusieurs utilisations finales. En outre, Tree Island soutient que les niveaux de prix des produits de calibre 17/18 que Structa a mentionnés confirment les niveaux de prix dommageables des fils d'acier galvanisés plus épais indiqués dans la plainte, que Structa qualifie de moins chers à produire.

28. Pour décider s'il y a plus d'une catégorie de marchandises, le Tribunal doit déterminer si les présumées catégories distinctes des marchandises en question constituent des « marchandises similaires » l'une par rapport à l'autre. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandises17. Dans l'examen de cette question, le Tribunal tient habituellement compte des mêmes facteurs que ceux qui sont employés pour déterminer quelles sont les marchandises similaires aux termes du paragraphe 2(1) de la LMSI, tels que décrits ci-dessus.

29. Malgré les observations présentées par Structa et selon le dossier, le Tribunal ne peut conclure, à cette étape préliminaire, qu'il existe plus d'une catégorie de marchandises. Par conséquent, pour déterminer s'il y a indication raisonnable de dommage, le Tribunal considérera que les fils d'acier galvanisés constituent une seule catégorie de marchandises.

30. Toutefois, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve versés au dossier laissent entendre qu'il pourrait exister plus d'une catégorie de marchandises. Cette question devra être examinée en profondeur dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI si l'ASFC conclut, dans sa décision provisoire, que les marchandises en question ont été sous-évaluées ou subventionnées. Plus particulièrement, le Tribunal estime que, dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42, il pourrait être fondé d'évaluer le dommage d'après les deux catégories de marchandises suivantes : 1) les produits de calibre 17/18 (dont le diamètre varie de 1,082 mm à 1,41 mm) et 2) les autres marchandises en question.

31. Par conséquent, le Tribunal recueillera des renseignements sur les catégories possibles de marchandises susmentionnées et demandera aux parties des observations supplémentaires à ce sujet dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI.

32. Le Tribunal a aussi demandé à l'ASFC de recueillir des renseignements distincts sur le dumping et le subventionnement des deux catégories possibles de marchandises susmentionnées.

Branche de production nationale

33. Dans sa décision d'ouvrir des enquêtes, l'ASFC indique que Tree Island représente une proportion majeure de la production nationale connue de marchandises similaires aux fins du paragraphe 31(2) de la LMSI18. L'ASFC a désigné ArcelorMittal Dofasco Inc. (AMD), Bekaert Canada Ltd. (Bekaert), Davis Wire Ltd. (Davis) et Sivaco Wire Group (Sivaco) à titre d'autres producteurs nationaux connus de marchandises similaires19. À l'exception de Bekaert, qui a choisi de demeurer neutre, tous les autres producteurs ont confirmé à l'ASFC qu'ils appuient la plainte.

34. Tree Island affirme être le plus grand producteur national de fils d'acier galvanisés20. Elle a désigné les cinq autres producteurs nationaux de marchandises similaires suivants : AMD, Bekaert, Davis, Sivaco et Oval International. Aux fins de la plainte, Tree Island n'a indiqué que sa production de fils d'acier galvanisés destinée à la vente sur le marché.

35. Dans son opposition à la plainte, MRT soutient que Tree Island n'est pas représentative de la branche de production nationale. Tree Island réplique que sa part du marché national est plus grande que ne l'affirme MRT. Elle avance que l'estimation du marché apparent total du Tribunal ne doit être fondée que sur la production destinée à la vente sur le marché.

36. Compte tenu des éléments de preuve versés au dossier dans le cadre de l'enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que Tree Island, AMD, Bekaert, Davis, Sivaco et Oval International constituent la branche de production nationale. Concernant le volume de production, Tree Island représente à elle seule une proportion majeure de la production de marchandises similaires au Canada21.

37. À cet égard, le mot « majeure » doit être interprété comme voulant dire « importante » plutôt qu'au sens mathématique plus précis de « plus de la moitié »22.

38. En appliquant cette norme à l'espèce, le Tribunal conclut que la production de Tree Island représente une proportion importante de la production collective nationale de marchandises similaires23. En d'autres termes, selon l'examen des éléments de preuve effectué par le Tribunal, la production de Tree Island destinée à la vente sur le marché représente une proportion suffisamment grande de la production collective nationale de marchandises similaires. Par conséquent, son rendement peut raisonnablement être jugé représentatif du rendement de l'ensemble de la branche de production nationale, du moins aux fins de l'enquête préliminaire de dommage.

Cumul

39. Le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit que le Tribunal, dans le contexte d'une enquête définitive de dommage aux termes de l'article 42, doit procéder à une évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées qui sont importées au Canada, s'il est convaincu que certaines conditions sont remplies. Plus particulièrement, le Tribunal doit être convaincu que le volume des importations au Canada des marchandises sous-évaluées n'est pas négligeable et qu'une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises en provenance d'un des pays visés, les autres marchandises sous-évaluées ou subventionnées et les marchandises similaires.

40. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal estime qu'il serait illogique de ne pas évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul24. En l'espèce, le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve suffisent pour établir que les marchandises en question se font concurrence entre elles et font concurrence aux marchandises similaires sur le marché national. En outre, les importations en provenance de chaque pays visé ne sont pas négligeables, puisqu'elles ont représenté plus de 3 p. 100 des importations totales de fils d'acier galvanisés au Canada en 2010. Le Tribunal constate également que les parties qui s'opposent à la plainte ne lui ont pas demandé d'évaluer séparément les effets des importations en provenance de chaque pays visé.

41. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que, compte tenu des conditions de concurrence, les éléments de preuve suffisent pour procéder à son analyse préliminaire de dommage en fonction d'une évaluation cumulative des effets des marchandises en question.

Volume de marchandises sous-évaluées et subventionnées

42. Selon Tree Island, le volume absolu des importations des marchandises en question en provenance de la Chine a augmenté de près de 60 p. 100 de 2009 à 2011. Au cours des sept premiers mois de 2012, le volume absolu des importations chinoises a dépassé le volume total des importations en 2010. Les importations des marchandises en question en provenance d'Israël ont grimpé de plus de 70 p. 100 de 2009 à 2010, mais elles ont chuté en 2011 en raison de la concurrence livrée par la Chine. Les importations des marchandises en question en provenance de l'Espagne ont augmenté de plus de 650 p. 100 de 2009 à 2011.

43. MRT soutient le contraire, affirmant que, de 2010 à 2011, le volume des marchandises en question n'a que légèrement augmenté, ce qui n'a pas nui à la branche de production nationale.

44. Les données sur les importations compilées par l'ASFC semblent appuyer, à cette étape préliminaire, l'affirmation de Tree Island selon laquelle le volume des importations des marchandises en question a augmenté depuis 2009. L'ASFC conclut que le volume absolu des importations des marchandises en question a augmenté en 2010 et en 2011. Les importations en provenance de l'Espagne et d'Israël ont diminué en 2011, tandis que les importations en provenance de la Chine ont continué d'augmenter. Au cours des neuf premiers mois de 2012, les importations des marchandises en question ont dépassé les importations totales en 2009, 2010 et 2011. Dans l'ensemble, le volume des importations des marchandises en question a considérablement grimpé depuis 200925.

45. L'ASFC conclut également que les importations des marchandises en question ont augmenté par rapport à la production et à la consommation nationales des marchandises produites au pays. Le volume des importations des marchandises en question, exprimé en pourcentage de la production nationale, a augmenté de 2009 à 2010 et est demeuré stable en 2011. Au cours des neuf premiers mois de 2012, le volume relatif des importations des marchandises en question a été supérieur à celui de chacune des trois années précédentes26.

46. Dans son examen du volume des marchandises en question par rapport à la consommation de marchandises similaires, le Tribunal compare les importations des marchandises en question aux ventes nationales des marchandises produites au pays. Le Tribunal a exclu de son estimation des ventes des marchandises produites au pays les fils d'acier galvanisés produits par Tree Island pour transformation ultérieure à l'interne, puisque ces fils d'acier galvanisés n'entrent pas sur le marché canadien avant de servir à la fabrication d'autres produits.

47. Le volume relatif des importations des marchandises en question, exprimé en pourcentage de la consommation ou des ventes nationales des marchandises produites au pays, a augmenté de 2009 à 2010, puis diminué en 2011, bien qu'à un niveau plus élevé qu'en 2009. Au cours des neuf premiers mois de 2012, le volume relatif des importations des marchandises en question a été supérieur à celui de chacune des trois années précédentes27.

48. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que de 2009 jusqu'aux neuf premiers mois de 2012, le volume absolu des importations des marchandises en question a considérablement augmenté. De plus, le volume des importations des marchandises en question a fortement grimpé par rapport au volume de la production nationale et au volume de la consommation intérieure de marchandises produites au pays.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

49. Tree Island soutient que les prix des marchandises en question ont chuté en 2009 et 2010 en raison des prix réduits des tiges de fil en acier, les principaux intrants dans la production de fils d'acier galvanisés. Elle fait cependant remarquer que les prix moyens des importations des marchandises en question en 2011 étaient semblables à ceux en 2010, en dépit d'une augmentation marquée du coût des tiges de fil en acier en 2011. Tree Island soutient également que, de 2009 à 2011, les prix moyens des marchandises en question ont constamment été inférieurs aux prix moyens des fils d'acier galvanisés en provenance de pays non visés, y compris les États-Unis.

50. Tree Island affirme avoir subi un effritement et une compression des prix en raison des prix des marchandises en question. Plus particulièrement, elle soutient avoir dû baisser ses prix afin de conserver ses ventes face à la concurrence livrée par les importations et avoir été incapable d'augmenter ses prix en réaction à la croissance des coûts des tiges de fil en acier et du zinc, surtout en 2011. Tree Island avance quatre allégations précises de dommage causé par les marchandises en question, qui s'est manifesté sous forme d'effritement des prix.

51. MRT soutient que Tree Island n'a pas démontré de tendance à la baisse des prix moyens des marchandises en question. Elle fait remarquer que, de 2010 à 2011, les prix moyens des importations en provenance de la Chine et d'Israël ont augmenté, alors que ceux des importations en provenance de l'Espagne n'ont diminué que de 1 p. 100.

52. En outre, MRT affirme que, contrairement aux allégations d'effritement des prix, les prix de vente unitaires moyens de Tree Island à partir de la production nationale ont grimpé depuis 2010. En ce qui concerne la compression des prix, MRT allègue que, de 2010 à 2011, l'augmentation du coût moyen de Tree Island pour les marchandises vendues à la tonne n'a été que légèrement supérieure à celle de son prix de vente unitaire. Par conséquent, MRT soutient que l'ampleur de la compression des prix que Tree Island peut avoir subie est négligeable.

53. Enfin, MRT soutient que les éléments de preuve avancés par Tree Island ne comprennent pas de données sur la compression des prix concernant les autres producteurs nationaux qui ont représenté une portion considérable des ventes de marchandises similaires et ne sont donc pas indicatifs d'une compression des prix subie par l'ensemble du marché national.

54. Le Tribunal constate que les valeurs unitaires préliminaires des importations des marchandises en question que Tree Island a estimées28 ne comprennent pas les coûts de livraison au Canada. En outre, dans le cas des importations par les distributeurs qui sont vendues en concurrence avec les marchandises produites au pays, les distributeurs effectuent une majoration supplémentaire des prix avant de vendre les marchandises. Bien que les valeurs unitaires des importations ne se comparent pas directement aux prix de vente des producteurs nationaux, il y a indication raisonnable que les prix des marchandises en question puissent avoir été inférieurs à ceux des marchandises produites au pays.

55. Les données présentées par Tree Island sur le coût moyen des tiges de fil en acier29 montrent que le coût moyen a enregistré une hausse vertigineuse de 2010 à 2011. Cependant, la valeur unitaire moyenne des marchandises en question n'a augmenté que de 5 p. 10030. De même, les prix de vente de Tree Island n'ont que légèrement grimpé de 2010 à 201131. Le Tribunal reconnaît que le prix des intrants a grandement varié au cours de la période de 2010 à 2011 et qu'on ignore à quels prix les intrants ont été acquis. D'ailleurs, les éléments de preuve ne démontrent pas que le coût des matières directes par tonne de Tree Island a augmenté autant que le coût des tiges de fil en acier32. Toutefois, le Tribunal conclut que les éléments de preuve démontrent que le coût des tiges de fil en acier a grimpé de 2010 à 2011 et indiquent, de façon raisonnable, que les prix des marchandises en question peuvent avoir empêché Tree Island d'augmenter ses prix, ce qui a entraîné une compression des prix.

56. Tree Island avance un certain nombre d'allégations d'effritement des prix et de perte de ventes selon lesquelles les prix des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation des prix de ses marchandises produites au pays. Pour ce qui est des allégations d'effritement des prix, Tree Island a réduit ses prix de vente à la suite d'offres des marchandises en question qui ont entraîné une sous-cotation de ses propres offres33.

57. Le Tribunal constate que peu d'éléments de preuve appuient les allégations de dommage de Tree Island, qui s'est manifesté sous forme de sous-cotation et d'effritement des prix. Toutefois, étant donné que les valeurs des importations des marchandises en question ont été inférieures à celles des marchandises en provenance de pays non visés, il est raisonnable de s'attendre à ce que les marchandises en question aient dicté les prix sur le marché et également entraîné une sous-cotation des prix des marchandises produites au pays. Par conséquent, le Tribunal estime qu'il y a indication raisonnable que les marchandises en question ont entraîné une sous-cotation des prix des marchandises produites au pays, qui a donné lieu à un effritement des prix. Le Tribunal souligne qu'il sera mieux à même de vérifier la validité des allégations d'effritement des prix de Tree Island dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI.

58. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont entraîné un effritement et une compression des prix.

Répercussion sur la branche de production nationale

59. Tree Island prétend avoir subi un dommage qui s'est manifesté sous forme de perte de ventes et de réduction de la part de marché, qui, à leur tour, ont entraîné une diminution des recettes et des marges brutes et nettes, une sous-utilisation de la capacité et la fermeture subséquente d'une de ses trois lignes de galvanisation. Plus particulièrement, Tree Island allègue que les ventes faites à partir de la production nationale n'ont que légèrement dépassé les niveaux de 2009, malgré une amélioration considérable de la demande canadienne de fils d'acier galvanisés depuis 2009, et que les producteurs nationaux ont perdu une part de marché au profit des marchandises en question. Tree Island soutient que cela a eu pour effet de faire baisser ses marges brutes, malgré ses efforts pour réduire les coûts associés à la production de marchandises similaires.

60. À l'appui de ses allégations de perte de ventes, Tree Island avance un certain nombre d'allégations précises de dommage découlant d'une sous-cotation des prix causée par les marchandises en question.

61. MRT soutient que les éléments de preuve versés au dossier n'indiquent pas qu'un dommage sensible s'est manifesté sous forme de perte de ventes ou de réduction de la part de marché. Elle fait remarquer que les ventes faites à partir de la production nationale se sont redressées en 2011 par rapport à 2010 et que la part de marché de la branche de production nationale a légèrement augmenté. MRT allègue également que l'augmentation de la part de marché des marchandises en question semble s'être produite aux dépens de marchandises non visées.

62. MRT fait également valoir qu'il n'y a aucune corrélation entre les marchandises en question et le rendement financier de Tree Island, puisqu'elle a atteint son pire niveau en 2009, année où le volume des importations des marchandises en question était à son plus bas, pour ensuite augmenter en 2010 malgré une hausse des importations.

63. Enfin, MRT souligne que l'utilisation de la capacité et l'emploi direct de Tree Island se sont améliorés depuis 2010. Par conséquent, elle soutient que les éléments de preuve versés au dossier n'indiquent pas, de façon raisonnable, qu'un dommage s'est manifesté sous forme de réduction de l'utilisation de la capacité ou de recul de l'emploi direct.

64. Les données préliminaires montrent que la production nationale de fils d'acier galvanisés a chuté depuis 2009, même si elle s'est améliorée en 2011 par rapport à 201034. Le Tribunal constate cependant que la production de Tree Island destinée à la vente sur le marché national a augmenté chaque année depuis 2009. La perte de ventes à partir de la production nationale est essentiellement attribuable aux autres producteurs nationaux, comme l'a estimé l'ASFC.

65. Le Tribunal a exclu du marché apparent total des fils d'acier galvanisés la production nationale de Tree Island destinée à une transformation ultérieure à l'interne, puisque ces marchandises n'entrent pas sur le marché canadien à titre de fils d'acier galvanisés.

66. Les données préliminaires indiquent que le marché apparent des fils d'acier galvanisés a progressé depuis 2009, de même que les ventes faites à partir de la production nationale35. Le Tribunal observe cependant que, lors de la reprise du marché en 2010, les ventes faites à partir de la production nationale ont continué de chuter, tandis que les ventes des marchandises en question ont grimpé considérablement. Les données préliminaires montrent également que les producteurs nationaux ont perdu des parts de marché depuis 2009, alors que les marchandises en question en ont gagné.

67. Tree Island donne un certain nombre d'exemples de perte de ventes et allègue que les pertes se sont produites en raison des prix des marchandises en question36. Le Tribunal souligne que seulement 3 des 34 allégations de perte de ventes sont appuyées par des éléments de preuve documentaire. Cependant, selon son estimation préliminaire du marché apparent des fils d'acier galvanisés, le Tribunal estime raisonnable de conclure que Tree Island a perdu des ventes au profit des marchandises en question, étant donné l'augmentation des importations des marchandises en question alors que les ventes faites à partir de la production nationale diminuaient.

68. Quant aux affirmations de MRT concernant le manque d'éléments de preuve documentaire à l'appui des allégations de dommage de Tree Island portant sur l'effritement des prix et sur la perte de ventes, même s'il est vrai que peu d'éléments de preuve documentaire à l'appui des allégations concernant des clients en particulier ont été produits, le Tribunal constate que, dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage, il n'a pas à être convaincu que les éléments de preuve sont concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités pour conclure qu'il y a indication raisonnable de dommage. Par conséquent, le Tribunal conclut que, tout compte fait, les allégations de dommage avancées par Tree Island, ainsi que d'autres éléments de preuve versés au dossier, sont suffisamment étayées pour justifier un examen en profondeur dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI.

69. MRT soutient également que le Tribunal ne doit pas tenir compte des allégations de dommage subi avant les périodes visées par les enquêtes de l'ASFC. MRT renvoie à la décision du Tribunal dans une enquête préliminaire de dommage antérieure pour appuyer cet argument37. Le Tribunal constate cependant que le paragraphe auquel MRT renvoie traite du fait que certains projets inclus dans les allégations de dommage des parties plaignantes dans cette affaire antérieure n'avaient pas été présentés à l'ASFC au moment de déterminer les marges de dumping et les montants de subvention liés aux projets particuliers. Selon le Tribunal, cela a donné lieu à une lacune dans la preuve, puisque aucun élément de preuve versé au dossier n'indiquait que les marchandises en question, dans le cas de certaines allégations de dommage, avaient été sous-évaluées ou subventionnées.

70. Toutefois, le paragraphe mentionné n'indique pas que, en droit, les allégations de dommage subi en dehors des périodes visées par les enquêtes de l'ASFC ou pour lesquelles aucun élément de preuve n'indique que les marchandises en question ont été sous-évaluées ou subventionnées ne sont pas pertinentes et ne peuvent être prises en compte par le Tribunal dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage. D'ailleurs, dans Modules muraux unitisés, le Tribunal a poursuivi son analyse des allégations de dommage selon une deuxième méthode qui supposait que les marchandises en question proposées dans chacun des projets inclus dans les allégations de dommage avaient été sous-évaluées et subventionnées. En d'autres termes, le Tribunal a fait abstraction de la lacune susmentionnée dans la preuve et a procédé à l'examen de la question de savoir si les allégations de dommage appuyaient les allégations de perte de ventes et de baisse des prix de la branche de production nationale causées par le dumping ou le subventionnement des marchandises.

71. En outre, comme le soutient Tree Island dans son exposé en réponse, il y a un précédent au soutien de l'assertion selon laquelle l'enquête du Tribunal ne se limite pas à l'examen du dommage causé par le dumping qui a été déterminé au cours de la période visée par l'enquête38. Le Tribunal conclut donc que rien ne l'empêche de prendre en compte les allégations avancées par Tree Island à l'égard du dommage subi en dehors des périodes visées par les enquêtes de l'ASFC. Bien que ces allégations en elles-mêmes puissent ne pas être suffisantes pour constituer une indication raisonnable de dommage, elles sont généralement conformes aux autres éléments de preuve au dossier indiquant que la branche de production nationale a subi un dommage en raison des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

72. L'utilisation de la capacité et la productivité de Tree Island quant aux fils d'acier galvanisés ont diminué en 2010, mais augmenté de nouveau en 2011 pour se situer au-delà des niveaux de 2009. L'utilisation de la capacité au premier semestre de 2012 a été légèrement inférieure à celle qui a été enregistrée au premier semestre de 2011, alors que la productivité au premier semestre de 2012 a dépassé celle qui a été observée au premier semestre de 201139.

73. L'emploi direct, les heures travaillées et les salaires versés de Tree Island ont tous diminué en 2010, pour ensuite s'améliorer en 2011. Cependant, à l'exception du montant total des salaires versés, ces indicateurs sont demeurés inférieurs aux niveaux de 2009. Le rendement relatif à ces indicateurs au premier semestre de 2012 a été inférieur à celui observé au premier semestre de 201140.

74. Le rendement financier de Tree Island relativement aux fils d'acier galvanisés produits pour la vente sur le marché national s'est amélioré en 2010, pour ensuite chuter en 2011. Ses résultats financiers au premier semestre de 2012 se sont également dégradés par rapport au premier semestre de 201141.

75. Bien que le rendement de Tree Island ait varié depuis 2009, les éléments de preuve indiquent que Tree Island a enregistré un recul de certains indicateurs de rendement en 2010, année qui coïncide avec la plus forte augmentation du volume des importations des marchandises en question. Le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que la branche de production nationale a subi un dommage en raison des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

Autres facteurs

76. Tree Island soutient que la récession qui a commencé à la fin de 2008 a contribué à la baisse de la demande canadienne de fils d'acier galvanisés en 2009 et en 2010 et à une réduction correspondante des prix des importateurs des marchandises en question. Cependant, elle affirme que même si le marché s'est amélioré depuis lors, les prix sont demeurés en baisse étant donné les importations à bas prix des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

77. Structa et Karpat soutiennent que le dommage subi par Tree Island est attribuable à un certain nombre d'autres facteurs, comme les frais de transport au Canada des fils d'acier galvanisés produits au pays par rapport au coût d'importation, ainsi que la méthode de production et la gamme de produits de Tree Island. En outre, MRT affirme que l'allégation de Tree Island selon laquelle les récentes conclusions d'absence de dommage relativement aux importations aux États-Unis de fils d'acier galvanisés en provenance de la Chine élargiront l'accès au marché canadien peut être mise en doute.

78. Aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que les éléments de preuve limités versés au dossier concernant les incidences que d'autres facteurs peuvent avoir eu sur la branche de production nationale ne suffisent pas pour annuler sa conclusion selon laquelle l'ensemble des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Dans le contexte d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal sera en mesure d'examiner ces questions particulières ou d'autres facteurs et leur importance relative.

CONCLUSION

79. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage.


1 . Gaz. C. 2013.I.151.

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

3 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-05, dossier administratif, vol. 1D à la p. 129.

4 . Ibid.

5 . Ibid. à la p. 134.

6 . Ibid.

7 . D.O.R.S./84-927.

8 . Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

9 . L'article 5 de l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'article 11 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'OMC exigent d'une autorité chargée d'une enquête qu'elle examine l'exactitude et l'adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s'il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête; une plainte sera rejetée ou une enquête sera close dès que l'autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping ou au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure, les affirmations non étayées ne constituant pas des éléments de preuve suffisants.

10 . Le paragraphe 34(2) de la LMSI permet une conclusion d'indication raisonnable de « retard » que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme « le retard sensible de la mise en production d'une branche de production nationale ». Puisque, comme il en sera question plus loin, il existe déjà une branche de production nationale de fils d'acier galvanisés au Canada, le « retard » ne constitue pas une question dans la présente enquête préliminaire de dommage.

11 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-05, dossier administratif, vol. 1D à la p. 124.

12 . Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

13 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 13, 14.

14 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-06.03, dossier administratif, vol. 3 à la p. 1.

15 . Ibid. à la p. 4.

16 . Dans sa réponse, Tree Island soutient qu'il y aura confusion si le Tribunal décide de se fonder sur le calibre pour décrire les marchandises en question, puisqu'il y a un large éventail de normes en matière de calibres qui tendent à se chevaucher. Plus particulièrement, Tree Island souligne une anomalie apparente dans le système de mesure employé dans l'exposé de Structa, puisque les diamètres suggérés pour différencier les fils de calibre 17 de ceux de calibre 18 ne correspondent pas aux normes du système American Steel & Wire Gauge pour ces calibres (c'est-à-dire que les calibres 17 et 18 varient de 1,21 mm à 1,27 mm) auxquelles Tree Island a fait référence dans la pièce du Tribunal PI-2012-005-02.01, dossier administratif, vol. 1 à la p. 184.

17 . Chaussures en cuir (27 décembre 2001), NQ-2001-003 (TCCE) à la p. 9.

18 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-05, dossier administratif, vol. 1D à la p. 124.

19 . Ibid. à la p. 120.

20 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 9.

21 . Ibid. aux pp. 90, 91; pièce du Tribunal PI-2012-005-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2B à la p. 16.

22 . Japan Electrical Manufacturers Assn. c. Canada (Tribunal antidumping), [1986] A.C.F. no 652 (C.A.F.).

23 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 90-91; pièce du Tribunal PI-2012-005-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2B à la p. 16.

24 . Voir, par exemple, Tôles d'acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) aux pp. 4, 5.

25 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2B à la p. 18.

26 . Ibid. aux pp. 16, 18.

27 . Ibid. aux pp. 16, 18, 20.

28 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-2.01A, dossier administratif, vol. 1A à la p. 18.

29 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01A (protégée), dossier administratif, vol. 2A aux pp. 92, 98-100.

30 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-2.01A, dossier administratif, vol. 1A à la p. 18.

31 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 90.

32 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01A (protégée), dossier administratif, vol. 2A aux pp. 92, 98-100, 167.

33 . Ibid. aux pp. 111-136.

34 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 90-91; pièce du Tribunal PI-2012-005-3.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2B à la p. 16.

35 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2B à la p. 20; pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 90, 91.

36 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01A (protégée), dossier administratif, vol. 2A aux pp. 111-136.

37 . Modules muraux unitisés (14 septembre 2012), PI-2012-004 (TCCE).

38 . Japan Electrical Manufacturers Association c. Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 816.

39 . Pièce du Tribunal PI-2012-005-3.01A (protégée), dossier administratif, vol. 2A aux pp. 171-172.

40 . Ibid. à la p. 171.

41 . Ibid. aux pp. 165-166.