JOINTS DE TUBES COURTS

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


JOINTS DE TUBES COURTS
Enquête préliminaire de dommage no PI-2011-001

Décision rendue
le lundi 14 novembre 2011

Motifs rendus
le mardi 29 novembre 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant des :

JOINTS DE TUBES COURTS ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que les dumping et subventionnement de joints de tubes courts, de fournitures tubulaires pour puits de pétrole, en acier au carbone ou acier allié, soudés ou sans soudure, traités thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 3/8 pouces à 4 1/2 pouces (60,3 mm à 114,3 mm), de toutes les nuances, d’une longueur allant de 2 pieds à 12 pieds (61 cm à 366 cm), originaires ou exportés de la République populaire de Chine, ont causé un dommage ou un retard, ou menacent de causer un dommage .

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 12 septembre 2011, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Jason W. Downey, membre

Directeur de la recherche : Audrey Chapman

Gestionnaire de la recherche : Mark Howell

Agents principaux de la recherche : Rebecca Campbell
Josée St-Amand

Conseiller juridique pour le Tribunal : Eric Wildhaber

Gestionnaire, Bureau du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

Agent de soutien du greffe : Marc-André Gosselin

PARTICIPANTS :

Conseillers/représentants
Dover Corporation (Canada) Limited — Alberta Oil Tool Division Geoffrey C. Kubrick
J. Peter Jarosz
Jonathan O’Hara
Weatherford Canada Partnership John W. Boscariol
Brenda C. Swick
CMUS Steel Inc. Lihong Zheng
Zach St. Croix  
Imex Canada Inc. Regula Schoenenberger
Pacrim Steel ULC Owen Sun

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 12 septembre 2011, à la suite d’une plainte déposée le 25 juillet 2011 par Dover Corporation (Canada) Limited — Alberta Oil Tool Division (AOT), le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait des enquêtes sur les présumés dumping et subventionnement dommageables de joints de tubes courts, de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP), en acier au carbone ou acier allié, soudés ou sans soudure, traités thermiquement ou non, peu importe la finition des extrémités, d’un diamètre extérieur de 2 3/8 pouces à 4 1/2 pouces (60,3 mm à 114,3 mm), de toutes les nuances, d’une longueur allant de 2 pieds à 12 pieds (61 cm à 366 cm), originaires ou exportés de la République populaire de Chine (Chine) (les marchandises en question).

2. Le 13 septembre 2011, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage.

3. Tenaris Canada Inc. (Tenaris) appuie la plainte1.

4. CMUS Steel Inc. (CMUS), Imex Canada Inc., Pacrim Steel ULC, Weatherford Canada Partnership et M. Zach St. Croix s’opposent à la plainte.

5. Le 14 novembre 2011, conformément au paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation2, le Tribunal déterminait que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR DES ENQUÊTES

6. Conformément au paragraphe 31(1) de le LMSI, l’ASFC était d’avis qu’il y avait des éléments de preuve qui indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et subventionnées, ainsi que des éléments de preuve qui indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé un dommage ou menaçaient de causer un dommage. Par conséquent, l’ASFC ouvrait des enquêtes le 12 septembre 2011.

7. La période visée par l’enquête (PE) de l’ASFC sur le présumé dumping était du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question avaient été sous-évaluées, selon une marge moyenne pondérée estimative globale de dumping de 32,4 p. 100, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation3.

8. La PE de l’ASFC sur le présumé subventionnement était du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011. L’ASFC était d’avis que les marchandises en question avaient été subventionnées, selon un montant estimatif de subvention égal à 13,3 p. 100 du prix à l’exportation des marchandises en question4.

9. De plus, l’ASFC était d’avis que la marge moyenne pondérée estimative globale de dumping et le montant de subvention n’étaient pas minimes et que les volumes estimatifs de marchandises sous-évaluées et subventionnées n’étaient pas négligeables5.

OBSERVATIONS SUR LA QUESTION DE DOMMAGE

Partie plaignante

10. AOT soutient que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Pour appuyer ses allégations, elle a déposé des éléments de preuve sur l’augmentation des volumes des marchandises en question, la sous-cotation, la baisse des prix, la compression des prix, la perte de ventes, la diminution de revenus, la chute des marges brutes, la diminution des profits, la sous-utilisation et la chute du taux d’utilisation de la capacité, la perte d’emplois et la diminution du rendement du capital investi et la perte de parts de marché résultant du dumping et du subventionnement des marchandises en question.

11. AOT soutient également que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage. À cet égard, elle renvoie à l’imposition de droits antidumping et de droits compensateurs sur les fournitures tubulaires dans d’autres pays. Elle renvoie également à l’imposition de tels droits, au Canada, sur d’autres FTPP provenant de la Chine par suite de conclusions antérieures du Tribunal dans l’enquête no NQ-2007-0016 et l’enquête no NQ-2009-0047. Selon AOT, ces enquêtes illustrent la capacité des exportateurs d’accroître rapidement les exportations vers le marché canadien et la capacité ainsi que la volonté des producteurs chinois de changer de catégorie de FTPP.

Parties opposées à la plainte

12. M. St. Croix et CMUS soutiennent qu’AOT n’a pas étayé son allégation de dommage et que les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, un dommage, un retard ou une menace de dommage. Notamment, les parties opposées allèguent que la branche de production chinoise est plus efficace et que, compte tenu de son réseau intégré d’approvisionnement, elle est supérieure sur le plan des coûts de fabrication et de la qualité, et que la branche de production nationale n’a pas réussi à demeurer concurrentielle en raison d’un manque d’investissement.

ANALYSE

Cadre législatif

13. Le mandat du Tribunal dans une enquête préliminaire de dommage, tel qu’énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, exige que le Tribunal détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal tient compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation8.

14. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit « dommage » comme « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale ». Il définit également l’expression « branche de production nationale » comme suit : « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. » Par conséquent, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et quelle est la branche de production nationale qui les produit avant d’examiner les allégations de dommage ou de menace de dommage.

Marchandises similaires et catégories de marchandises

15. L’ASFC a défini les marchandises en question comme des joints de tubes courts de FTPP ayant certaines caractéristiques, originaires ou exportés de la Chine, et le Tribunal doit mener son enquête préliminaire de dommage en fonction de cette description de produit.

16. Toutefois, lorsqu’il détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal peut déterminer si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandises et doit définir la portée des marchandises similaires produites au pays par rapport à celle des marchandises en question.

17. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

18. M. St. Croix et CMUS soutiennent qu’il existe plusieurs catégories de marchandises, notamment les joints de tubes courts sans soudure, les joints de tubes courts produits au moyen du soudage par résistance électrique, les joints de tubes courts à refoulement externe forgées et les joints de tubes courts à refoulement externe usinées.

19. AOT soutient que les marchandises en question constituent une catégorie de marchandises et que les joints de tubes courts produits au pays constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Elle affirme que, dans des enquêtes antérieures sur des FTPP, le Tribunal a traité des FTPP sans soudure et soudées par résistance électrique comme une seule catégorie de marchandises. AOT soutient qu’elle produit des joints de tubes courts à extrémités forgées et usinées et que les produits obtenus accomplissent une fonction identique et se conforment aux mêmes exigences de l’American Petroleum Institute (API).

20. Sur la question des « marchandises similaires » et des « catégories de marchandises », l’ASFC déclarait ce qui suit dans son exposé des motifs :

[33] Les joints de tubes courts produits par la branche de production nationale sont en concurrence directe avec les marchandises en cause importées de la Chine. Les marchandises produites au Canada et en Chine sont entièrement interchangeables. Par conséquent, l’ASFC a conclu que les joints de tubes courts produits par la branche de production nationale constituent des marchandises similaires aux marchandises en cause. Les joints de tubes courts peuvent être considérés comme une seule catégorie de marchandises alors que les marchandises en cause peuvent être différenciées davantage en tant que produits sans soudure ou soudés9.

21. Pour trancher les questions de marchandises similaires et de catégories de marchandises, le Tribunal tient habituellement compte d’un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients)10.

22. AOT fait remarquer à raison que, dans des enquêtes antérieures sur des FTPP, le Tribunal a traité des FTPP sans soudure et soudées par résistance électrique comme une seule catégorie de marchandises ou comme des marchandises similaires les unes par rapport aux autres11. Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucun élément de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage pour lui faire adopter un point de vue différent de celui adopté lors d’enquêtes antérieures sur les FTPP.

23. Le Tribunal remarque que, bien que les modes de production puissent être différents, les joints de tubes courts se livrent concurrence sur le marché, sont vendus par l’entremise des mêmes circuits de distribution et ont les mêmes utilisations finales.

24. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les joints de tubes courts constituent une seule catégorie de marchandises aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage.

25. En ce qui a trait aux marchandises similaires, le Tribunal conclut que les joints de tubes courts produits par les producteurs nationaux sont en concurrence avec les marchandises en question et sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

Branche de production nationale

26. Dans sa décision d’ouvrir les enquêtes, l’ASFC était d’avis qu’AOT représentait la majeure partie de la production connue des marchandises similaires12. L’ASFC a désigné Tenaris comme le seul autre producteur national connu de marchandises similaires et a affirmé que Tenaris appuie la plainte13.

27. Le Tribunal remarque que, bien que d’autres entreprises au Canada détiennent la certification API requise pour produire des joints de tubes courts, les éléments de preuve indiquent que ces entreprises ne produisent pas présentement de joints de tubes courts14.

28. Par conséquent, d’après les éléments de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut qu’AOT et Tenaris constituent la branche de production nationale. Le Tribunal conclut également qu’AOT représente à elle seule la majeure partie de la production nationale totale de marchandises similaires.

Volume de marchandises sous-évaluées et subventionnées

29. AOT soutient que les volumes d’importations des marchandises en question sur le marché canadien augmentent de manière constante depuis 2008. AOT fait valoir que les volumes d’importations des marchandises en question n’ont pas diminué malgré le repli du marché en 2009 et que la part d’importations représentée par les marchandises en question a également augmenté depuis 2008.

30. Les données sur les importations compilées par l’ASFC étayent l’affirmation d’AOT et indiquent qu’il y a eu une augmentation importante du volume d’importations des marchandises en question depuis 200815. Le volume absolu d’importations des marchandises en question a augmenté de 525 p. 100 entre 2008 et 201016.

31. L’augmentation initiale des volumes d’importations des marchandises en question a coïncidé avec une diminution des activités de forage en 2009. Lorsque les activités de forage ont repris, la présence des marchandises en question est demeurée marquée. Le volume d’importations des marchandises en question représentait une part importante de l’ensemble des importations de joints de tubes courts en 2008. La part des marchandises en question a augmenté d’environ 35 points de pourcentage entre 2008 et 2010 et de 5 points de pourcentage supplémentaires au cours du premier trimestre de 2011 comparativement à 201017.

32. Le volume des marchandises en question a également augmenté sur le marché canadien par rapport au volume de production nationale et au volume de consommation nationale entre 2008 et 2010. Même si les ratios calculés pour 2008, 2009 et 2010 ont fluctué d’une année à l’autre, les ratios pour 2009 et 2010 ont affiché une augmentation par rapport à ceux de 2008. Dans l’ensemble, il y a eu une augmentation de plus de 20 points de pourcentage entre 2008 et 2010.

33. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que, de 2008 au premier trimestre de 2011, le volume absolu d’importations des marchandises en question a augmenté considérablement et qu’entre 2008 et 2010, les importations des marchandises en question ont augmenté par rapport à la production et à la consommation nationales de joints de tubes courts.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

34. AOT soutient que les prix des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation des prix de ses joints de tubes courts produits au pays, ce qui a provoqué une compression et une baisse des prix.

35. AOT a donné en exemple des cas précis sur le marché où elle était au courant ou avait été informée de la disponibilité des marchandises en question à des prix inférieurs à ses propres prix pour des joints de tubes courts. Plus particulièrement, elle a fait référence aux prix des marchandises en question vendues par TriAlta et WestCan et à des rapports provenant d’un certain nombre de ses propres acheteurs qui avaient informé AOT de la disponibilité de marchandises en question à prix plus bas.

36. AOT allègue que TriAlta a offert les marchandises en question en 2009 à des prix qui ont entraîné la sous-cotation de ses propres prix. AOT soutient que cela l’a forcée à réduire ses propres prix en plus de l’empêcher de les augmenter.

37. AOT soutient que même après avoir réduit ses prix en réaction aux prix de TriAlta, elle a appris que les prix des marchandises en question offertes par un autre concurrent, WestCan, étaient également inférieurs à ses prix pour des joints de tubes courts produits au pays.

38. AOT soutient également avoir perdu des ventes auprès d’un important client parce que le client pouvait acheter les marchandises en question à des prix inférieurs aux prix déjà réduits d’AOT. AOT a également été mise au fait de la disponibilité des marchandises en question arrivées au Canada avant la saison de forage de l’hiver 2011 et a été informée par des clients que les prix de ces marchandises étaient inférieurs à ceux des marchandises offertes par AOT.

39. AOT soutient également qu’elle a subi une compression des prix. Elle remarque que le coût des tubes servant à produire les joints de tubes courts J55 vendus au cours de l’hiver 2011 avait augmenté par rapport à l’année précédente, mais qu’elle n’avait pas été en mesure d’augmenter ses prix depuis 2009.

40. Le Tribunal a comparé la valeur de vente moyenne nette par joint de tube court vendu par AOT, au cours de la période de 2008 au premier trimestre de 2011, aux valeurs unitaires moyennes à l’exportation fournies par l’ASFC18. En se fondant sur cette comparaison et tenant compte des exemples précis de concurrence cités par AOT dans ses éléments de preuve susmentionnés, le Tribunal est d’avis que les renseignements indiquent, de façon raisonnable, que les marchandises en question ont mené à la sous-cotation des marchandises produites au pays19. De plus, le Tribunal est d’avis qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une telle sous-cotation entraîne la baisse des prix des marchandises similaires, comme il était évident après la réduction de prix annoncée par AOT à la fin de 2009.

41. À l’égard de la compression des prix, le Tribunal remarque que, bien que les éléments de preuve présentés par AOT indiquent que le prix des intrants de tubes J55 ont baissé au cours du premier semestre de 2009, particulièrement lorsqu’on les compare à ceux de 2008, les prix des intrants ont augmenté en 2009 et durant le premier semestre de 2010, avant de diminuer de nouveau au dernier semestre de 2010. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent qu’en moyenne, les intrants achetés en 2010 auraient coûté plus cher que ceux achetés en 200920. Le Tribunal est convaincu que, d’après les éléments de preuve, il est raisonnable de conclure que les prix des marchandises en question auraient pu mener à la compression des prix des marchandises similaires alors que les coûts des intrants augmentaient.

42. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont mené à la sous-cotation, à la baisse et à la compression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

43. AOT soutient avoir perdu des ventes et des parts de marché en raison du dumping et du subventionnement des marchandises en question. Elle soutient avoir commencé à s’inquiéter de l’incidence des marchandises en question au cours de la saison de forage de 2009 alors que ses ventes de joints de tubes courts diminuaient plus rapidement que ses ventes de tous les autres produits de FTPP. C’est au cours de cette période qu’AOT a pris connaissance du fait que ses concurrents vendaient les marchandises en question à des prix inférieurs aux prix d’AOT. AOT soutient également que ses ventes auprès de son plus grand client ont chuté considérablement en 2011, au moment où ce client a commencé à importer les marchandises en question.

44. AOT a comparé le rendement financier de ses ventes de joints de tubes courts au rendement financier de ses ventes de tous les autres produits de FTPP pour illustrer que le rendement financier des joints de tubes courts est inférieur à celui de l’ensemble de l’entreprise. AOT allègue que cela est attribuable au dumping et au subventionnement des marchandises en question21. AOT soutient que son rendement financier, en ce qui concerne les joints de tubes courts vendus au cours du premier trimestre de 2011, s’est détérioré par rapport à celui de 2010, malgré l’accroissement des activités de forage, et que l’on pouvait s’attendre à ce que ce rendement s’effrite au cours de 2011.

45. AOT soutient que les marchandises en question ont également eu une incidence négative sur l’utilisation de la capacité de ses installations, sur l’emploi et sur le rendement du capital investi.

46. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve soumis par AOT et a observé que le rendement d’AOT a, d’après certains des indicateurs de dommage, diminué de 2008 à 2010 et/ou au cours du premier trimestre de 2011 comparativement au premier trimestre de 2010. Le Tribunal est d’avis que les résultats de sa comparaison des données sur les ventes d’AOT et des données sur les importations fournies par l’ASFC indiquent, de façon raisonnable, que les producteurs nationaux perdent des parts de marché depuis 200822. Le Tribunal conclut également que les allégations précises de pertes de ventes auprès de certains clients indiquent, de façon raisonnable, que les marchandises en question ont entraîné des pertes de ventes pour AOT.

47. Après avoir examiné les éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Autres facteurs

48. M. St. Croix et CMUS soutiennent que les modes de production utilisés par AOT sont inefficaces comparativement à ceux utilisés par les producteurs des marchandises en question. M. St. Croix affirme que cela entraîne une augmentation des coûts des intrants et de production.

49. M. St. Croix soutient également qu’AOT n’a pas fait l’investissement qui aurait permis à ses installations de fabrication de demeurer concurrentielles à l’échelle mondiale.

50. AOT exprime son désaccord et soutient que son mode de production présente certaines efficiences et certains avantages sur le plan des coûts comparativement à d’autres modes de production. Elle soutient que, même si ses modes de production étaient inefficaces, cela ne justifierait pas la capacité des exportateurs chinois d’obtenir un avantage concurrentiel au moyen du dumping et du subventionnement.

51. Le Tribunal est d’avis que, bien que l’efficacité puisse varier entre les différents modes de production, cela n’empêche pas le Tribunal de conclure que, dans l’ensemble, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Le Tribunal fait remarquer toutefois que, dans une enquête aux termes de l’article 42 de la LMSI, il sera en mesure d’examiner pleinement si la branche de production nationale a subi un dommage en raison de facteurs non liés aux marchandises sous-évaluées et subventionnées.

CONCLUSION

52. Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal détermine que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.


1 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-05, dossier administratif, vol. 1B à la p. 444.

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

3 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-05, dossier administratif, vol. 1B à la p. 453.

4 . Ibid. à la p. 461.

5 . Ibid. aux pp. 453, 461.

6 . Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz (10 mars 2008) (TCCE) [Caissons pour puits de pétrole et de gaz].

7 . Fournitures tubulaires pour puits de pétrole (23 mars 2010) (TCCE).

8 . D.O.R.S./84-927.

9 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-05, dossier administratif, vol. 1B à la p. 448.

10 . Voir, par exemple, Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

11 . Caissons pour puits de pétrole et de gaz; Fournitures tubulaires pour puits de pétrole.

12 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-05, dossier administratif, vol. 1B aux pp. 448-449.

13 . Ibid. à la p. 444.

14 Pièce du Tribunal PI-2011-001-02.01, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 98-100, Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.02, dossier administratif, vol. 2C à la p. 8.

15 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.02, dossier administratif, vol. 2C à la p. 19.

16 . Ibid.

17 . Ibid.

18 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.01, dossier administratif, vol. 2 à la p. 113; pièce du Tribunal PI-2011-001-3.02, vol. 2C aux pp. 19, 50.

19 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.01, dossier administratif, vol. 2 aux pp. 28-32, vol. 2B à la p. 220.

20 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.01, dossier administratif, vol. 2A à la p. 240.

21 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.01, dossier administratif, vol. 2B à la p. 242.

22 . Pièce du Tribunal PI-2011-001-3.01, dossier administratif, vol. 2 aux pp. 107-113; pièce du Tribunal PI-2011-001-3.02, vol. 2C aux pp. 19, 50.