TUBES EN CUIVRE CIRCULAIRES

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


TUBES EN CUIVRE CIRCULAIRES
Enquête préliminaire de dommage no PI-2013-002

Décision rendue
le lundi 22 juillet 2013

Motifs rendus
le mardi 6 août 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant les :

TUBES EN CUIVRE CIRCULAIRES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DES ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de tubes en cuivre circulaires avec un diamètre extérieur de 0,2 pouce à 4,25 pouces (0,502 centimètre à 10,795 centimètres), à l'exception de tubes industriels et de tubes en cuivre recouverts ou isolés, originaires ou exportés de la République fédérative du Brésil, de la République hellénique, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et des États-Unis du Mexique, et le subventionnement des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République populaire de Chine ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l'avis en date du 22 mai 2013, selon lequel le président de l'Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Pasquale Michaele Saroli, membre

Directeur de la recherche : Matthew Sreter

Directeur adjoint de la recherche par intérim : Shawn Jeffrey

Gestionnaire de la recherche par intérim : Paula Place

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Anja Grabundzija

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent principal du greffe : Lindsay Vincelli

PARTICIPANTS :

  Conseillers/représentants
Great Lakes Copper Inc. Victoria Bazan
4361814 Canada Inc. s/n Noble Trade Cyndee Todgham Cherniak
Halcor S.A. Gordon LaFortune
BMI Canada Rachel Bouthillette
Délégation de l'Union européenne au Canada Matthias Brinkmann
Paranapanema S.A. Arnaldo Colonna
Bureau de représentation du ministère de l'Économie du Mexique au Canada Carlos Pinera
Le gouvernement de la République fédérative du Brésil Piragibe Dos Santos Tarragô
Paulo Roberto Amora Alvarenga
Elter Nehemias Santos Barbosa

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. La présente enquête préliminaire de dommage porte sur une plainte déposée par Great Lakes Copper Inc. (GLC), un producteur national de tubes en cuivre.

2. GLC allègue que le dumping de tubes en cuivre circulaires avec un diamètre extérieur de 0,2 pouce à 4,25 pouces (0,502 centimètre à 10,795 centimètres), à l'exception de tubes industriels et de tubes en cuivre recouverts ou isolés (les marchandises en question), originaires ou exportés de la République fédérative du Brésil (Brésil), de la République hellénique (Grèce), de la République populaire de Chine (Chine), de la République de Corée (Corée) et des États-Unis du Mexique (Mexique), et le subventionnement des marchandises en question originaires ou exportées de la Chine ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

3. Le 22 mai 2013, le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert des enquêtes de dumping et de subventionnement relativement aux marchandises en question. Le 23 mai 2013, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a entamé la présente enquête préliminaire de dommage1.

4. Un distributeur de matériaux de construction et de fournitures de plomberie au Canada, 4361814 Canada Inc. s/n Noble Trade (Noble), un producteur étranger des marchandises en question, Paranapanema S.A. (Paranapanema) du Brésil, et le Bureau de représentation du ministère de l'Économie du Mexique au Canada (ministère de l'Économie) ont déposé des exposés s'opposant à la plainte.

5. D'autres participants à la présente enquête préliminaire de dommage qui n'ont pas déposé d'exposés comprennent BMI Canada, la Délégation de l'Union européenne au Canada, le gouvernement du Brésil et Halcor S.A. de la Grèce.

6. Le 22 juillet 2013, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation2, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage.

DÉCISION DE L'ASFC D'OUVRIR DES ENQUÊTES

7. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l'ASFC était d'avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et subventionnées et que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, l'ASFC a ouvert des enquêtes de dumping et de subventionnement le 22 mai 2013.

8. La période d'enquête de l'ASFC sur les présumés dumping et subventionnement des marchandises en question s'est échelonnée du 1er janvier 2012 au 28 février 2013.

9. L'ASFC a estimé les marges de dumping et les volumes de marchandises sous-évaluées pour chaque pays visé comme suit3 :

Estimations du dumping par l'ASFC

Pays Marge estimative de dumping
(exprimée en pourcentage du prix à l'exportation)
Volume estimatif de marchandises sous-évaluées
(exprimé en pourcentage du total des importations)
Brésil 7,6 4,8
Grèce 7,1 3,1
Chine 7,5 18,3
Corée 9,2 25,9
Mexique 5,9 4,2

10. En ce qui concerne le présumé subventionnement, l'ASFC est d'avis que 15,4 p. 100 des marchandises en question importées au Canada au cours de la période visée par l'enquête ont été subventionnées, selon un montant estimatif global de subvention de 4 p. 100, exprimé en pourcentage du prix à l'exportation des marchandises en question4.

11. L'ASFC est d'avis que la marge estimative de dumping et le montant estimatif de subvention ne sont pas minimaux et que les volumes estimatifs de marchandises sous-évaluées et subventionnées ne sont pas négligeables5.

OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS DE DOMMAGE ET DE MENACE DE DOMMAGE

GLC

12. À l'appui de son affirmation selon laquelle le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage, GLC a présenté des éléments de preuve concernant une augmentation du volume et de la part de marché des importations des marchandises en question, une perte de ventes, une diminution de l'« écart brut »6 [traduction] par livre, une sous-cotation, une baisse et une compression des prix, ainsi qu'une diminution de l'utilisation de la capacité, de l'emploi, du revenu, de la marge brute et des bénéfices. GLC met l'accent sur les allégations de sous-cotation et de baisse des prix, démontrées par les prix de produits de référence de comptes clients particuliers.

13. GLC allègue, subsidiairement à une conclusion de dommage, qu'il y a indication raisonnable que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage, en raison de la présumée augmentation du volume des importations des marchandises en question, de la capacité de production élevée dans les pays visés par rapport au marché canadien, de la diminution de la demande nationale, de la baisse et de la compression probables et marquées des prix des marchandises similaires causées par les marchandises en question et de l'imposition de certaines mesures antidumping dans d'autres pays qui ferait du Canada une destination plus attrayante.

Parties opposées à la plainte

14. Noble allègue que la plainte n'indique pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage. Plus particulièrement, Noble soutient que les éléments de preuve démontrent une production nationale saine et une part de marché stable. Noble allègue également, entre autres, qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le dumping et le subventionnement des marchandises en question, d'une part, et le dommage, d'autre part, étant donné notamment que l'augmentation du volume des importations des marchandises en question s'est produite aux dépens des importations en provenance de pays non visés et que d'autres facteurs, y compris l'indisponibilité des produits de GLC à certaines périodes, le vol de cuivre et la concurrence des tuyaux en polyéthylène réticulé, expliquent la diminution des ventes de GLC. Noble ajoute que, pour les mêmes raisons, rien n'indique, de façon raisonnable, qu'il y a menace de dommage.

15. Paranapanema soutient que la plainte contre le Brésil n'indique pas, de façon raisonnable, qu'il y a dommage et qu'on doit clore l'enquête, puisque le volume des importations des marchandises en question en provenance du Brésil est négligeable. Paranapanema allègue également que le conseiller juridique de GLC est en conflit d'intérêts. Cette allégation a été traitée en tant que requête distincte, aux termes du paragraphe 24(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur7, visant à obtenir une ordonnance de récusation du conseiller juridique de GLC; le Tribunal a rejeté la requête le 3 juillet 2013.

16. Le ministère de l'Économie allègue que la plainte n'établit pas que les marchandises produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et que les marchandises en question constituent plusieurs catégories de marchandises. Il conteste également l'exactitude des calculs de GLC et de l'ASFC relativement au volume des importations, aux effets sur les prix et à la part de marché et leur incidence sur les questions liées au cumul, au dommage et au rendement financier. Il indique que la contraction du marché et l'inefficacité de la branche de production nationale pourraient être la cause du dommage. Enfin, il soutient que rien n'indique, de façon raisonnable, que les marchandises en question menacent de causer un dommage à la branche de production nationale.

ANALYSE

Cadre législatif

17. Le mandat du Tribunal en matière d'enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige du Tribunal qu'il détermine « [...] si les élément de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».

18. En l'espèce, GLC allègue que le dumping et le subventionnement ont causé ou menacent de causer un dommage; il n'y a aucune allégation de retard.

19. Dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage, la norme de preuve requise, établie par l'expression « indiquent de façon raisonnable », est moins élevée que celle qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI. Cela signifie que les éléments de preuve en question n'ont pas à être « [...] concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités [...] »8 [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents ne peuvent être suffisantes9.

20. Afin d'en arriver à sa décision provisoire, le Tribunal tient compte des facteurs concernant le dommage et la menace de dommage qui sont prévus à l'article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation10, y compris les volumes d'importation des marchandises sous-évaluées et subventionnées, les effets qu'ont les marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur le prix des marchandises similaires, l'incidence économique des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale, et – s'il existe un dommage ou une menace de dommage – la question de savoir s'il existe un lien de causalité entre le dumping ou le subventionnement des marchandises et le dommage ou la menace de dommage.

21. Cependant, avant d'examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles marchandises produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. Cette analyse préliminaire doit être effectuée en raison du paragraphe 2(1) de la LMSI, qui définit le terme « dommage » comme un « [...] dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l'expression « branche de production nationale » comme « [...] l'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. »

Marchandises similaires et catégories de marchandises

22. L'ASFC a défini les marchandises en question comme des tubes en cuivre circulaires ayant certaines dimensions, à l'exception de tubes industriels et de tubes en cuivre recouverts ou isolés, originaires ou exportés du Brésil, de la Grèce, de la Chine, de la Corée et du Mexique, et le Tribunal doit effectuer son enquête préliminaire de dommage en fonction de cette description de produit.

23. Pour évaluer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit définir la portée des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Il peut également déterminer si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandises.

24. GLC affirme fabriquer une gamme complète de tubes en cuivre de diamètres normalisés et de même description que les marchandises en question. GLC soutient que les tubes en cuivre importés et ceux qui sont produits au pays constituent une seule catégorie de marchandises puisqu'ils sont faits de la même matière première et fabriqués au moyen d'un processus similaire.

25. GLC soutient qu'en tenant compte des facteurs habituels liés aux caractéristiques physiques et de marché des tubes en cuivre, les marchandises en question et les marchandises similaires constituent une seule catégorie de marchandises. Plus particulièrement, GLC souligne que tous les tubes en cuivre ont une apparence et des exigences techniques semblables, à l'exception des exigences de propreté supplémentaires imposées relativement aux tubes utilisés dans la climatisation et la réfrigération.

26. En ce qui concerne le processus de fabrication, GLC soutient que les mêmes méthodes sont utilisées pour tous les tubes en cuivre et que, quoi qu'il en soit, dans la mesure où les processus de fabrication suivis dans d'autres pays diffèrent légèrement, le Tribunal a déjà souligné que ce facteur ne doit recevoir que peu de poids, voire aucun.

27. GLC soutient également que tous les tubes en cuivre ont la même utilisation générale, qui consiste à transporter des gaz et des liquides, et sont vendus par l'entremise des mêmes circuits de distribution, grossistes et détaillants qui se livrent concurrence à titre de sources uniques de tous les tubes en cuivre.

28. Enfin, bien que GLC reconnaisse que tous les tubes en cuivre ne sont pas parfaitement interchangeables, elle soutient que les tubes utilisés dans la climatisation et la réfrigération peuvent être substitués aux tubes de plomberie (mais pas l'inverse) et que les prix artificiellement bas des tubes utilisés dans la climatisation et la réfrigération accélèrent cette substitution.

29. Le ministère de l'Économie fait remarquer que l'allégation de GLC selon laquelle les marchandises produites au pays sont des « marchandises similaires » n'est pas étayée par des éléments de preuve ou d'autres explications et indique, plus particulièrement, que la question de savoir si les processus de production des marchandises produites au pays et des marchandises en question de même description sont semblables au Mexique, au Canada et dans les autres pays n'a pas fait l'objet d'une analyse.

30. En outre, les parties qui s'opposent soutiennent que les tubes en cuivre doivent être divisés en plusieurs catégories de marchandises. Le ministère de l'Économie souligne qu'il est explicitement reconnu dans la plainte et dans l'énoncé des motifs de l'ASFC concernant sa décision d'ouvrir des enquêtes que les tubes en cuivre sont produits selon une variété de normes, de dimensions et de nuances qui correspondent à un éventail d'applications et de circuits de distribution. Le ministère de l'Économie affirme, par exemple, que les tubes en cuivre utilisés dans la climatisation sont habituellement des produits techniques, tandis que ceux qui sont utilisés dans la plomberie sont des produits de base qui livrent concurrence aux tubes en plastique. Noble soutient, sans s'étendre sur le sujet, que les marchandises en question doivent être divisées en catégories distinctes selon les spécifications de l'ASTM.

31. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

32. Pour trancher les questions de marchandises similaires et de catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte d'un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients)11.

33. GLC a présenté une brochure sur les produits à l'appui de son allégation selon laquelle elle produit des tubes en cuivre de tous les diamètres normalisés, mais, essentiellement, elle n'a pas abordé explicitement dans sa plainte la question des marchandises similaires12.

34. Cependant, le Tribunal constate, selon les renseignements versés au dossier, que les tubes en cuivre circulaires sont généralement produits selon certaines normes ASTM courantes dans le monde entier. Le Tribunal constate également que les tubes en cuivre circulaires produits selon ces normes ASTM partagent certaines caractéristiques importantes, notamment l'absence de soudure, le fait qu'ils sont en cuivre et à section circulaire.

35. Fait plus important, il est évident que le marché exige également que les marchandises en question et les marchandises produites au pays respectent certaines exigences minimales de l'ASTM selon leurs utilisations finales. Dans ce contexte, les marchandises en question et les marchandises similaires paraissent se livrer directement concurrence sur ce qui semble être essentiellement un marché de produits de base. De plus, bien que les tubes en cuivre circulaires respectant diverses normes ASTM puissent ne pas sembler parfaitement substituables à l'heure actuelle, certains éléments de preuve indiquent une substituabilité vers le bas, c'est-à-dire que des produits conformes à des normes plus élevées peuvent servir à des applications pour lesquelles les normes sont moins élevées. Essentiellement, cela n'est pas mis en doute par les parties qui s'opposent13.

36. Par conséquent, dans le cadre de la présente enquête préliminaire, le Tribunal est d'avis qu'il est raisonnable de conclure que les tubes en cuivre produits au Canada qui sont de même description que les marchandises en question constituent des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

37. Pour ce qui est de la question des catégories de marchandises, la question dont le Tribunal est saisi est celle de savoir s'il y a suffisamment de différences entre les divers types de tubes en cuivre qui constituent les marchandises en question et les marchandises similaires pour justifier de les séparer en différentes catégories.

38. Le Tribunal constate que la plainte de GLC comprend peu d'éléments de preuve et seulement de brefs arguments à l'appui de sa position selon laquelle il y a une seule catégorie de marchandises. La majeure partie des éléments de preuve et des arguments qu'elle a présentés sur ce sujet se trouvent dans sa réponse aux exposés des parties qui s'opposent. Les contraintes de temps associées à la présente procédure ne permettent pas au Tribunal de donner aux parties qui s'opposent l'occasion de déposer des réponses à ce qui équivaut à des éléments de preuve présentés en réfutation par GLC.

39. Le Tribunal ne peut, à cette étape-ci, se fonder sur les observations insuffisantes figurant dans la plainte de GLC pour se prononcer de manière définitive sur cette question, aussi intéressants que puissent être ses éléments de preuve et ses observations présentés en réponse. À l'inverse, à première vue, les arguments à l'appui d'une pluralité de catégories de marchandises avancés par les parties qui s'opposent à une conclusion positive dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage ne sont pas dépourvus de fondement, bien qu'ils ne soient pas entièrement convaincants au stade actuel.

40. Enfin, la mauvaise synchronisation des observations formulées par GLC est regrettable puisqu'elle force le Tribunal à continuer d'examiner la question des catégories de marchandises et à adapter ses questionnaires en conséquence, peut-être en vain14. La principale conséquence qui en découle est la possibilité d'un fardeau accru imposé aux répondants aux questionnaires et d'un pourcentage plus faible de réponses. Les producteurs nationaux qui demandent l'imposition de mesures antidumping et compensatoires devraient aborder en détail les questions liées aux « marchandises similaires » et aux « catégories de marchandises » afin que les parties qui s'opposent soient en mesure de répliquer et que le Tribunal puisse trancher ces questions à l'étape de l'enquête préliminaire de dommage, lorsque cela est possible, comme cela aurait dû être le cas en l'espèce.

41. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la question des catégories de marchandises mérite d'être examinée davantage si l'ASFC rend une décision provisoire de dumping ou de subventionnement. Dans un tel cas, le Tribunal demandera aux parties de présenter d'autres observations sur la question des catégories de marchandises de façon accélérée. Le Tribunal demande donc à l'ASFC de recueillir des renseignements distincts concernant les trois catégories possibles de marchandises, soit les tubes en cuivre utilisés dans la plomberie, ceux qui sont utilisés dans la climatisation et la réfrigération et ceux qui sont utilisés dans des installations de gaz médicaux.

Branche de production nationale

42. GLC affirme être le seul producteur national de marchandises similaires. L'ASFC accepte cette affirmation et les parties qui s'opposent ne la contestent pas. Par conséquent, le Tribunal conclut que GLC représente la branche de production nationale.

Cumul

43. Le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit que le Tribunal, dans le contexte d'une enquête définitive de dommage aux termes de l'article 42, doit procéder à une évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées qui sont importées au Canada, s'il est convaincu que certaines conditions sont remplies. Plus particulièrement, le Tribunal doit être convaincu que la marge de dumping ou le montant de subventionnement par rapport aux marchandises provenant de chaque pays n'est pas minime15, que le volume des importations au Canada provenant de ces pays n'est pas négligeable16 et qu'une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises en provenance d'un des pays visés, les autres marchandises sous-évaluées ou subventionnées et les marchandises similaires.

44. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal estime qu'il serait illogique de ne pas évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul17.

45. En ce qui concerne la première condition relative au cumul aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal rappelle que l'ASFC a déterminé que les marges de dumping et le montant de subvention par rapport aux marchandises en provenance de tous les pays visés n'étaient pas minimaux et que le volume des importations en provenance de chaque pays n'était pas négligeable18.

46. Cependant, le ministère de l'Économie et Paranapanema contestent la détermination de l'ASFC selon laquelle, en ce qui concerne le Mexique et le Brésil, les marges de dumping n'étaient pas minimales et le volume des importations n'était pas négligeable.

47. Le ministère de l'Économie allègue que les données sur les importations sont surestimées puisqu'elles peuvent comprendre des marchandises non visées et qu'elles traitent toutes les marchandises en question comme une seule catégorie de marchandises. Le ministère de l'Économie soutient donc qu'il est impossible d'évaluer correctement si les importations en provenance du Mexique sont négligeables ou si la marge de dumping est minimale.

48. De même, Paranapanema soutient que le volume des importations des marchandises en question en provenance du Brésil est faible et qu'on devrait clore l'enquête à l'égard du Brésil sur ce motif, alléguant que, selon les statistiques publiques, les importations en provenance du Brésil vers le Canada ont représenté 3 p. 100 en 2012 et 0,0311 p. 100 en 2011.

49. Le ministère de l'Économie et Paranapanema allèguent essentiellement que l'ASFC a déterminé à tort que les volumes des importations en provenance du Mexique et du Brésil n'étaient pas négligeables et que leurs marges de dumping n'étaient pas minimales.

50. Dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal ne peut que se fonder sur les estimations du volume, de la marge de dumping et du montant de subvention fournies par l'ASFC. Dans l'esprit de la LMSI, il incombe à l'ASFC d'établir la marge de dumping et le montant de subvention – et, par conséquent, de déterminer s'ils sont minimaux.

51. Pour ce qui est de la détermination du volume, les articles 35 et 38 et le paragraphe 42(4.1) de la LMSI, interprétés ensemble, indiquent clairement que même si le Tribunal détermine le volume à l'étape de l'enquête définitive de dommage, cette tâche incombe à l'ASFC au cours de la période qui précède le prononcé de sa décision provisoire, période qui comprend l'enquête préliminaire de dommage dont le Tribunal est saisi. Dans le contexte de la présente procédure, le Tribunal s'appuiera donc sur les données estimatives sur le volume fournies par l'ASFC.

52. Par conséquent, puisque l'ASFC a estimé, relativement à chacun des pays visés, que la marge de dumping et le montant de subvention des marchandises en question n'étaient pas minimaux et que le volume des importations des marchandises en question n'était pas négligeable, le Tribunal est également convaincu que la première condition relative au cumul aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI est remplie.

53. En ce qui a trait à la deuxième exigence, le ministère de l'Économie soutient que le Mexique ne doit pas être regroupé avec les autres pays en l'absence d'une analyse des conditions de concurrence entre les marchandises en question en provenance du Mexique, d'une part, et les autres marchandises en question et les marchandises similaires, d'autre part. Toutefois, le ministère de l'Économie n'a présenté à cette étape-ci aucune observation relativement à la nature de ces conditions de concurrence.

54. Le Tribunal est d'avis qu'aucun élément de preuve versé au dossier à cette étape-ci n'indique que les conditions de concurrence diffèrent entre les marchandises en question provenant de différents pays et entre les marchandises en question et les marchandises similaires. Par conséquent, le Tribunal est convaincu qu'une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question en provenance de tous les pays est indiquée dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage19.

55. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu'il y a dommage ou menace de dommage en tenant compte des facteurs prescrits à l'article 37.1 du Règlement.

Volume de marchandises sous-évaluées et subventionnées

56. GLC soutient que le volume des importations des marchandises en question a augmenté de 144 p. 100 de 2010 à 2012, ce qui correspond à une augmentation de la part de marché des marchandises en question de 10 p. 100 à 27 p. 100 au cours de la même période.

57. Le ministère de l'Économie met en doute l'exactitude du calcul du volume des marchandises importées effectué par GLC et par l'ASFC, alléguant que leur méthodologie comporte des lacunes ou n'est pas suffisamment expliquée. Le ministère de l'Économie soutient que, quoi qu'il en soit, les données de l'ASFC montrent que le volume des importations des marchandises en question en provenance du Mexique est négligeable et en baisse.

58. Comme indiqué précédemment, au cours d'une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal s'appuie sur les données estimatives de l'ASFC sur le volume ainsi que sur les renseignements versés au dossier. En outre, le Tribunal doit examiner la détermination de l'ASFC selon laquelle le volume des importations en provenance de tous les pays visés n'était pas négligeable.

59. Le Tribunal constate, selon les données estimatives sur les importations fournies par l'ASFC, que le volume total des importations des marchandises en question a constamment et considérablement augmenté, en valeur absolue, de 2010 à 201220 et que, comparativement aux importations totales sur le marché canadien, la part détenue par les marchandises en question est passée de 23 p. 100 en 2010 à 56 p. 100 en 201221. En revanche, la part des importations en provenance de pays non visés par rapport aux importations totales est passée de 77 p. 100 en 2010 à 44 p. 100 en 2012.

60. Le Tribunal a également examiné le volume des importations des marchandises en question par rapport à la production et à la consommation nationales de marchandises similaires. Les deux comparaisons indiquent une augmentation sensible des importations des marchandises en question de 2010 à 2012 en valeur relative. Plus particulièrement, le volume des importations des marchandises en question, exprimé en pourcentage de la production nationale, a grimpé de 16 points de pourcentage de 2010 à 2012. Le volume des importations des marchandises en question, exprimé en pourcentage de la consommation nationale, a augmenté de 34 points de pourcentage de 2010 à 201222.

61. Compte tenu de ce qui précède, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que de 2010 à 2012 le volume des importations des marchandises en question a considérablement augmenté en valeur absolue et par rapport au volume de la production et de la consommation nationales de marchandises produites au pays.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

62. GLC soutient que les prix des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation des prix des marchandises similaires, comme le démontrent 20 cas documentés de perte de ventes relativement à certains comptes clients. GLC ajoute qu'en dépit des limites inhérentes aux données de Statistique Canada, qui ne fournissent aucune ventilation en fonction du diamètre des tubes en cuivre importés, facteur qui influe sur les prix, les prix rendus des marchandises en question entraînent invariablement la sous-cotation des prix de vente unitaires nets livrés de GLC.

63. GLC allègue également avoir enregistré en 2012 une baisse de 9 p. 100 des valeurs de vente unitaires moyennes de ses 20 principaux produits de référence ainsi qu'une diminution de 13 p. 100 de ce qu'elle appelle son « écart brut ». GLC attribue cette présumée baisse des prix au grand volume des marchandises en question qui sont entrées sur le marché canadien.

64. Enfin, GLC affirme avoir subi une compression des prix de 2010 à 2012, qui s'est manifestée sous forme de diminution de son « écart brut », déduction faite de ses coûts de transformation à l'usine. À cet égard, GLC explique qu'étant donné que le coût du cuivre est toujours transféré au client, le rendement d'un producteur est évalué en fonction du montant qu'il peut facturer pour la fabrication (les coûts de fabrication auxquels s'ajoutent les bénéfices).

65. Noble allègue que les éléments de preuve présentés par GLC ne démontrent pas qu'il y a eu compression des prix et, plus particulièrement, que les renseignements concernant les prix et l'« écart brut » ne correspondent pas au prix du marché du cuivre ni aux prix des importations en provenance de pays non visés.

66. Le ministère de l'Économie soutient que la plainte ne fournit pas de données fiables qui permettraient d'évaluer la sous-cotation des prix.

67. Le Tribunal s'est référé aux valeurs unitaires des importations des marchandises en question, estimées à partir des données disponibles de l'ASFC, tout en indiquant que ces valeurs ne se comparent pas directement aux prix de vente du producteur national puisqu'elles ne comprennent pas les coûts de livraison au Canada, ou une majoration supplémentaire appliquée par les distributeurs avant de vendre les marchandises, et ne tiennent pas compte de la gamme de produits.

68. Le Tribunal constate que les valeurs unitaires des importations des marchandises en question sont généralement inférieures aux prix de vente des marchandises produites au pays23. Le Tribunal reconnaît toutefois qu'il est probable que cet écart entre les valeurs unitaires des importations des marchandises en question et les prix de vente des marchandises produites au pays ait pour effet de surestimer24 la sous-cotation réelle des prix de vente des marchandises produites au pays causée par les prix de vente des marchandises en question.

69. Compte tenu des limites qui empêchent une comparaison appropriée des prix au niveau global, le Tribunal a examiné d'autres renseignements sur les prix versés au dossier. Le Tribunal a examiné les allégations de perte de ventes de GLC, qui montrent l'écart entre le prix au pied proposé par GLC et celui qui est proposé par les exportateurs dans les pays visés. À l'examen de ces données, qui de l'avis du Tribunal constituent la meilleure preuve à cette étape-ci, le Tribunal constate que les marchandises en question ont entraîné une sous-cotation constante et marquée du prix au pied proposé par GLC25.

70. En ce qui concerne l'allégation de baisse des prix avancée par GLC, le Tribunal constate que, de 2010 à 2012, les prix de vente unitaires des 20 principaux produits de référence de GLC ont généralement suivi la même tendance que les valeurs unitaires des importations et, en particulier, des marchandises en question en provenance de tous les pays visés, sauf un en particulier26.

71. De même, le Tribunal constate que la baisse des valeurs unitaires des marchandises en question en 2012 a été considérablement supérieure à celle des prix de vente unitaires de GLC et que la présence d'un volume considérable d'importations à bas prix peut avoir exercé une pression à la baisse plus forte sur les prix de GLC.

72. Pour ce qui est de la compression des prix, le Tribunal constate, à partir de l'état des résultats de GLC, que la comparaison entre le total des coûts unitaires des matériaux des marchandises et les prix de vente unitaires indique un certain degré de compression des prix de 2010 à 201227.

73. Compte tenu de ce qui précède28, le Tribunal conclut que les éléments de preuve versés au dossier indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé une sous-cotation, une baisse et une compression des prix.

Incidence sur la situation de la branche de production nationale

74. GLC affirme que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale, qui s'est manifesté sous forme de perte de ventes, de réduction du rendement financier et de diminution de l'utilisation de la capacité et de l'emploi.

75. Noble soutient que rien n'indique, de façon raisonnable, qu'il y a dommage sensible, puisque la production nationale est saine et que la part de marché de GLC est demeurée inchangée. Selon Noble, le volume accru des importations des marchandises en question au cours des dernières années n'a eu aucune incidence sur la branche de production nationale, mais a plutôt supplanté les importations de tubes en cuivre en provenance de pays non visés. Noble affirme avoir acheté auprès de GLC des volumes de marchandises similaires plus importants en 2012 qu'en 2011 ou 2010 et avoir été en mesure de revendre ces achats sur le marché canadien. Noble ajoute qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les présumés dumping et subventionnement et la diminution des marges brutes réalisées sur les ventes nationales, de l'utilisation de la capacité ou de l'emploi.

76. Le Tribunal constate d'abord que ni la production totale de tubes en cuivre de GLC ni sa part de marché n'a diminué de façon marquée de 2010 à 201229.

77. Cependant, le Tribunal constate, selon les éléments de preuve disponibles à ce stade préliminaire, que même si GLC a réussi jusqu'à maintenant à maintenir relativement stable sa production totale et sa part de marché, d'autres facteurs de dommage indiquent une dégradation de la situation de la branche de production nationale.

78. Plus particulièrement, il ressort des éléments de preuve que, de 2010 à 2012, les ventes nationales de marchandises similaires ont enregistré une baisse plus marquée que la contraction globale subie par le marché canadien au cours de la même période30. Lorsque le Tribunal tient compte du fait que les marchandises en question ont régulièrement augmenté leur part du marché canadien de 2010 à 2012, par 17 points de pourcentage, alors que la part de marché des importations en provenance de pays non visés a diminué de 16 points de pourcentage au cours de la même période31, il y a indication raisonnable que la diminution des ventes nationales de marchandises similaires effectuées par GLC est attribuable à l'augmentation marquée du volume des marchandises en question à bas prix.

79. Le Tribunal constate également, à partir des allégations de perte de ventes de GLC relativement à 20 comptes clients, que la branche de production nationale a perdu des ventes importantes de 2010 à 2012, ce qui a entraîné une diminution globale de 17 p. 100 du volume de ses ventes32 ainsi qu'une baisse générale de la valeur de ses ventes33. En outre, puisque les 20 cas particuliers de perte de ventes documentés par GLC démontrent également une sous-cotation importante des prix causée par les marchandises en question34, le Tribunal estime qu'aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage qu'il y a indication raisonnable que cette perte de ventes a eu lieu en raison de la concurrence livrée par les marchandises en question à bas prix.

80. Le Tribunal a également examiné les résultats de GLC relativement aux tubes en cuivre et constate que le rendement financier de GLC sur le marché canadien a diminué chaque année de 2010 à 2012 eu égard à la marge brute et au revenu net35.

81. Enfin, le Tribunal constate des réductions apparentes de l'utilisation de la capacité et de l'emploi au cours de la même période. Plus particulièrement, de 2010 à 2012, GLC a engagé d'importantes dépenses en capital afin d'accroître sa productivité et de réduire ses coûts. Même si la capacité de production a augmenté en 2011, elle a été sous-utilisée tout au long de la période, comme le démontre la stabilité des volumes de production. De plus, GLC a dû licencier 45 employés en 2012, la plupart desquels participaient directement à la production de tubes en cuivre et la majorité desquels ne sont pas retournés au travail depuis lors36.

82. Compte tenu de ce qui précède, et étant donné que la norme de preuve établie par l'expression « indiquent de façon raisonnable », qui s'applique lors d'une enquête préliminaire de dommage, est moins élevée que celle qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Autres facteurs

83. Noble soutient que tout dommage subi par la branche de production nationale peut avoir été causé par le fait que les consommateurs ont délaissé les tubes en cuivre utilisés dans la plomberie au profit des tubes en polyéthylène réticulé et que des vols de cuivre ont eu lieu.

84. Le ministère de l'Économie affirme que le dommage causé à la branche de production nationale est attribuable à la contraction du marché canadien plutôt qu'à l'augmentation des importations des marchandises en question. Le ministère de l'Économie soutient également que le présumé dommage pourrait s'expliquer par l'inefficacité relative de la branche de production canadienne.

85. GLC répond que le glissement du marché vers les tubes en polyéthylène réticulé s'est produit il y a plus de 15 ans et n'est donc pas pertinent en ce qui a trait aux allégations actuelles de dommage. En outre, elle soutient que les vols de cuivre ne constituent pas un problème dans ses installations. GLC ajoute que l'incidence d'autres facteurs, y compris la contraction du marché canadien des tubes en cuivre, n'est pas étayée par des éléments de preuve à cette étape-ci et qu'elle serait mieux évaluée dans le contexte d'une enquête complète aux termes de l'article 42 de la LMSI.

86. Le Tribunal est d'avis que les facteurs invoqués par le ministère de l'Économie et Noble sont susceptibles d'avoir eu une incidence sur la branche de production nationale. Cependant, aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve restreints versés au dossier concernant l'incidence de ces autres facteurs ne suffisent pas pour annuler la conclusion du Tribunal selon laquelle l'ensemble des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. C'est dans le cadre d'une enquête aux termes de l'article 42 de la LMSI que le Tribunal sera en mesure d'évaluer pleinement ces autres facteurs et leur importance relative.

Menace de dommage

87. Quant à la question de la menace de dommage, les éléments de preuve présentés par GLC se concentrent sur les données portant sur le taux d'augmentation considérable des volumes de marchandises sous-évaluées et subventionnées qui sont importées au Canada, sur la capacité de production et la conjoncture prévues dans les pays visés, sur le fait que les marchandises en question entrent au Canada à des prix qui sont susceptibles d'avoir un effet de baisse ou de compression considérable sur le prix des marchandises similaires et sur l'existence de mesures antidumping et compensatoires dans d'autres pays, ce qui fait du Canada une destination plus attrayante pour les marchandises en question.

88. Le ministère de l'Économie conteste ces allégations et soutient qu'elles sont fondées sur des spéculations et ne sont pas étayées par des éléments de preuve convaincants. Noble affirme que la plainte n'indique pas, de façon raisonnable, qu'il y a menace de dommage, aux mêmes motifs qu'elle n'indique pas, de façon raisonnable, qu'il y a eu dommage.

89. Comme indiqué précédemment, le Tribunal est d'avis qu'il y a indication raisonnable que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont déjà causé un dommage à la branche de production nationale. En outre, le Tribunal estime cependant que le taux d'augmentation rapide et probant des volumes des marchandises en question et la substitution tout aussi rapide des marchandises en question aux importations en provenance de pays non visés au cours de la période visée par l'enquête peuvent être le signe d'une situation dans laquelle les marchandises en question augmenteront leur part de marché aux dépens de la branche de production nationale et exacerberont d'autres indices de dommage déjà démontrés de façon raisonnable.

90. Plus particulièrement, bien qu'il semble que la branche de production nationale peut avoir été en mesure, au cours de la période visée par l'enquête, d'atténuer une partie de l'incidence de la présence accrue des marchandises en question, peut-être grâce à son rendement à l'exportation, il restera à déterminer dans le cadre d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI si un tel contexte est viable pour la branche de production nationale.

91. Tout compte fait, étant donné que l'affirmation de GLC est appuyée par des éléments de preuve pertinents et, comme indiqué précédemment, que la norme de preuve établie par l'expression « indiquent de façon raisonnable », qui s'applique lors d'une enquête préliminaire de dommage, est moins élevée que celle qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal conclut que les éléments de preuve versés au dossier indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage.

CONCLUSION

92. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé ou menacent de causer un dommage.


1 . Gaz. C. 2013.I.1302.

2 . L.R.C. 1985, ch. S-15 [LMSI].

3 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-05, dossier administratif, vol. 1E à la p. 52.

4 . Ibid. à la p. 59.

5 . Ibid. aux pp. 52, 59.

6 . GLC définit l'« écart brut » comme égal à son revenu déduction faite des escomptes, des ristournes et du coût du cuivre refacturé aux clients.

7 . D.O.R.S./91-499.

8 . Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

9 . L'article 5 de l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et l'article 11 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'OMC exigent d'une autorité chargée d'une enquête qu'elle examine l'exactitude et l'adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping et de subventionnement afin de déterminer s'il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête; une plainte sera rejetée ou une enquête sera close dès que l'autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping ou au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure, les affirmations non étayées ne constituant pas des éléments de preuve suffisants.

10 . D.O.R.S./84-927 [Règlement].

11 . Voir par exemple Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

12 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-02.01, dossier administratif, vol. 1 à la p. 82.

13 . Le ministère de l'Économie mentionne la possibilité de différences entre les processus de production des marchandises similaires et des marchandises en question. Le Tribunal constate cependant que, pour déterminer quelles sont les marchandises similaires et les catégories de marchandises, l'accent est mis sur les caractéristiques des produits eux-mêmes et non sur la manière dont ils sont obtenus; par conséquent, les processus de production ne sont généralement pas considérés comme des indicateurs très utiles de la similitude entre les produits. Voir Raccords de tuyauterie en cuivre au para. 53. Cette méthode est conforme à la décision de l'Organe d'appel de l'OMC dans États-Unis – Mesures de sauvegarde à l'importation de viande d'agneau fraîche, réfrigérée ou congelée en provenance de Nouvelle-Zélande et d'Australie (2001), OMC Doc. WT/DS177/AB/R, WT/DS178/AB/R au para. 94 (Rapport de l'Organe d'appel), dans lequel il a conclu que l'accent doit être mis sur les produits et non sur la manière dont ils sont produits.

14 . À cet égard, le Tribunal constate que la United States International Trade Commission a conclu, après le dépôt d'observations détaillées sur la question, que les marchandises semblables aux marchandises en question, voire peut-être d'une portée plus large que celles-ci, constituaient une seule catégorie de marchandises. Voir Seamless Refined Copper Pipe and Tube from China and Mexico (novembre 2010), enquête no 731-TA-1174-1175 (Final) (USITC).

15 . Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit l'adjectif « minimal » comme signifiant, « dans le cas de la marge de dumping, [une] marge inférieure à deux pour cent du prix à l'exportation des marchandises » et, « dans le cas du montant de subvention, [un] montant inférieur à un pour cent du prix à l'exportation des marchandises ». En outre, aux termes de l'article 41.2 de la LMSI et du paragraphe 10 de l'article 27 de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'Organisation mondiale du commerce, 7 avril 2011, en ligne : Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/French/docs_f/legal_f/final_f.htm> [Accord sur les subventions], dans le cas d'un produit originaire d'un pays en développement, un montant de subvention est « minimal » lorsqu'il est inférieur à 2 p. 100 du prix à l'exportation.

16 . Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « négligeable » de la manière suivante : « [q]ualificatif applicable au volume des marchandises sous-évaluées, provenant d'un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada [...]. » De plus, l'article 27.10 de l'Accord sur les subventions prévoit, en ce qui a trait aux marchandises originaires d'un pays en développement, que le volume des importations subventionnées est considéré négligeable lorsqu'il représente moins de 4 p. 100 du volume total des marchandises similaires exportées au Canada en provenance de tous les pays.

17 . Voir par exemple Tôles d'acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) à la p. 5.

18 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-05, dossier administratif, vol. 1E aux pp. 52, 59.

19 . Le Tribunal est également convaincu qu'il est indiqué en l'espèce de suivre sa méthode habituelle consistant à procéder au cumul croisé des effets des marchandises sous-évaluées et de ceux des marchandises subventionnées. Selon la position antérieure du Tribunal, pour évaluer le dommage causé à la branche de production nationale par les marchandises sous-évaluées et subventionnées, il est impossible, d'un point de vue réaliste, d'isoler les effets causés par le dumping de ceux causés par le subventionnement, puisqu'ils sont trop étroitement enchevêtrés. Voir par exemple Caissons sans soudure en acier au carbone ou en acier allié pour puits de pétrole et de gaz (10 mars 2008), NQ-2007-001 (TCCE) aux para. 75-77; Fils machine de cuivre (28 mars 2007), NQ-2006-003 (TCCE) à la p. 9; Raccords de tuyauterie en cuivre au para. 72; Certains maïs-grain (7 mars 2001), NQ-2000-005 (TCCE) à la p. 16.

20 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 19.

21 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-05, dossier administratif, vol. 1E à la p. 49.

22 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 20; pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02, dossier administratif, vol. 2A aux pp. 17, 19.

23 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A aux pp. 19, 20.

24 . En général, les valeurs unitaires des importations ne comprennent pas les bénéfices. Les valeurs unitaires des importations des marchandises en question sont donc probablement inférieures à leurs valeurs de vente respectives et, par conséquent, l'écart entre les valeurs unitaires des marchandises en question et les prix de vente nationaux peut avoir pour effet de surestimer l'ampleur de la sous-cotation des prix.

25 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 118-244.

26 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 19; pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 51-54.

27 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 56.

28 . Le Tribunal prend acte de l'affirmation de GLC selon laquelle l'« ampleur réelle » [traduction] de la sous-cotation, de la baisse et de la compression des prix est démontrée par l'évolution de son « écart brut » au fil du temps et par la comparaison de son « écart brut » à celui des marchandises en question. Bien que le Tribunal reconnaisse qu'une tendance à la baisse de l'« écart brut » par livre de GLC peut illustrer une diminution de la rentabilité, démontrant une sous-cotation, une baisse et une compression des prix aux fins de la LMSI, il faut généralement examiner les prix de vente unitaires des marchandises similaires et les comparer aux prix de vente unitaires des produits en question comparables. Le Tribunal a utilisé cette méthode traditionnelle aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage.

29 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-08.01, dossier administratif, vol. 3 au para. 19; pièce du Tribunal PI-2013-002-02.01, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 42-43; pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 20.

30 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 45; pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 19.

31 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 45; pièce du Tribunal PI-2013-002-03.02 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 19.

32 . Pièce du Tribunal PI-2013-002-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 46-49.

33 . Ibid. à la p. 46.

34 . Ibid. aux pp. 49, 118-246.

35 . Ibid. aux pp. 55-56.

36 . Ibid. à la p. 57.