CHAUSSURES ÉTANCHES

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


CHAUSSURES ÉTANCHES
Enquête préliminaire de dommage no PI-2008-003

Décision rendue
le mardi 28 avril 2009

Motifs rendus
le mercredi 13 mai 2009


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant :

LE DUMPING DES CHAUSSURES ÉTANCHES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET DU VIETNAM

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le présumé dumping dommageable des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc et(ou) en caoutchouc thermoplastique (TPR), originaires ou exportées de la République populaire de Chine et des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc, en TPR, et(ou) en matières plastiques, originaires ou exportées du Vietnam, a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis en date du 27 février 2009, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises mentionnées ci-dessus.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

André F. Scott
André F. Scott
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal :

Pasquale Michaele Saroli, membre présidant

 

Serge Fréchette, membre

 

André F. Scott, membre

   

Directeur de la recherche :

Randolph W. Heggart

   

Agents principaux de la recherche :

Mark Howell

 

Josée St-Amand

   

Agent principal à la recherche statistique :

Julie Charlebois

   

Agent à la recherche statistique :

Stéphane Racette

   

Conseiller juridique pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Gestionnaire, Bureau du greffe :

Michel Parent

   

Agents du greffe :

Cheryl Unitt

 

Sarah MacMillan

PARTICIPANTS :

 

Conseillers/représentants

   

Association des manufacturiers de chaussures du Canada

Michael Kaylor

   

Columbia Sportswear Canada LP

Richard G. Dearden
Wendy J. Wagner
Andrew A. Bradley

   

Chaussures Régence inc.

Richard S. Gottlieb
Vincent Routhier

   

Association canadienne des importateurs et exportateurs Inc.

Greg Kanargelidis
Elysia Van Zeyl

   

La Société Canadian Tire Limitée

Riyaz Dattu

   

Les Compagnies Loblaw Limitée

Gerry H. Stobo
Jack Hughes

Ambassade de la République socialiste du Vietnam

Ha Ke Tuan

   

Sears Canada Inc.

Leigh A. Lampert

   

Vietnam Leather and Footwear Association

Nguyen Thi Tong

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 27 février 2009, à la suite d’une plainte déposée le 8 janvier 2009, par l’Association des manufacturiers de chaussures du Canada (AMCC)1 , le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait une enquête concernant le présumé dumping dommageable des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini2 , fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc et(ou) en caoutchouc thermoplastique (TPR), originaires ou exportées de la République populaire de Chine (Chine) et des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc, en TPR et(ou) en matières plastiques, originaires ou exportées de la République socialiste du Vietnam (Vietnam) (les marchandises en question). L’ASFC définissait les marchandises en question comme suit3  :

Les chaussures étanches et les chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc et/ou en caoutchouc thermoplastique (TPR), originaires ou exportées de la République populaire de Chine. Une caractéristique distincte des chaussures étanches est que la semelle et une partie du dessus, suffisantes pour donner une protection étanche au pied, sont incorporées en un seul élément qui peut être fait de caoutchouc et de TPR. Les marchandises faisant l’objet de la présente enquête comprennent les chaussures étanches portées par-dessus le pied, de différentes hauteurs, et les chaussures étanches composées de semelles extérieures étanches et de dessus en matières textiles ou en toute autre matière. Elles peuvent être fabriquées avec ou sans chaussons, doublures, fermetures ou dispositifs de sécurité.

Les chaussures de ski et de patinage, ainsi que les marchandises faisant déjà l’objet de l’ordonnance du TCCE no RR-2004-008, notamment, les bottes pour motoneige; les bottes à semelle en caoutchouc et dessus en cuir; les bottes d’équitation composées uniquement de caoutchouc; les « chaussures de sécurité » en caoutchouc définies comme des chaussures qui respectent les normes de sécurité établies par l’Association canadienne de normalisation sont exclues de la présente définition des marchandises en cause.

[...]

Les chaussures étanches et les chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc, en caoutchouc thermoplastique (TPR), et/ou en matières plastiques, originaires ou exportées du Vietnam. Une caractéristique distincte des chaussures étanches est que la semelle et une partie du dessus, suffisantes pour donner une protection étanche au pied, sont incorporées en un seul élément qui peut être fait de caoutchouc, de TPR et/ou de plastique. Les marchandises faisant l’objet de la présente enquête comprennent les chaussures étanches portées par-dessus le pied, de différentes hauteurs, et les chaussures étanches composées de semelles extérieures étanches et de dessus en cuir, en textiles ou en toutes autres matières. Elles peuvent être fabriquées avec ou sans chaussons, doublures, fermetures ou dispositifs de sécurité.

Les chaussures de ski et de patinage sont exclues de la présente définition des marchandises en cause.

2. Le 2 mars 2009, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage.

3. Le 28 avril 2009, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation 4 , le Tribunal déterminait que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR UNE ENQUÊTE

4. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC était d’avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping avait causé un dommage ou menaçait de causer un dommage. Par conséquent, l’ASFC ouvrait une enquête le 27 février 2009.

5. L’ASFC a recueilli des renseignements sur le volume des marchandises sous-évaluées pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2008. L’ASFC estimait que 100 p. 100 des marchandises en question avaient été sous-évaluées. Dans le cas de la Chine, les marges estimatives de dumping, exprimées en pourcentage du prix à l’exportation, s’échelonnaient de 1,5 p. 100 à 123,4 p. 100, la marge moyenne pondérée estimative de dumping étant de 45,0 p. 100. Dans le cas du Vietnam, les marges estimatives de dumping, exprimées en pourcentage du prix à l’exportation, s’échelonnaient de 11,1 p. 100 à 54,5 p. 100, la marge moyenne pondérée estimative de dumping étant de 31,2 p. 100. De plus, l’ASFC était d’avis que le volume estimatif des marchandises sous-évaluées n’était pas négligeable et que les marges moyennes pondérées estimatives de dumping n’étaient pas minimales5 .

ANALYSE

Cadre législatif

6. Le mandat du Tribunal dans une enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige que le Tribunal détermine si des éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal tient compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation 6 .

7. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme étant le « dommage sensible causé à une branche de production nationale » et le terme « retard » comme étant le « retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale ». Il définit également l’expression « branche de production nationale » comme étant « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises. » Par conséquent, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et la branche de production nationale qui les produit avant d’examiner les questions de dommage, de retard ou de menace de dommage.

Marchandises similaires et catégories de marchandises

8. Le Tribunal constate que l’ASFC, à l’ouverture de son enquête, définissait les marchandises en question comme étant des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc et/ou en TPR, originaires ou exportées de la Chine, et des chaussures étanches et des chaussures étanches à l’état presque fini, fabriquées entièrement ou partiellement en caoutchouc, en TPR et/ou en matières plastiques, originaires ou exportées du Vietnam.

9. Aux termes de la LMSI, le Tribunal doit tenir son enquête préliminaire de dommage en se fondant sur la description des marchandises en question établie par l’ASFC à l’ouverture de son enquête7 . Toutefois, cette obligation n’empêche pas le Tribunal d’examiner la question de savoir si les marchandises en question se composent de plus d’une catégorie de marchandises.

10. L’AMCC ne soulevait pas la question des catégories de marchandises ni celle des marchandises similaires dans sa plainte initiale. Toutefois, Chaussures Régence inc. (Régence), une partie s’opposant à la plainte, soumettait que les marchandises devraient être divisées en chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé et chaussures en thermoplastique faites par moulage à injection8 . Même si l’ASFC définit le produit en TPR comme un produit en caoutchouc synthétique, Régence soutient qu’il s’agit d’un produit en matière plastique conçu pour avoir l’aspect physique du caoutchouc.

11. Régence soutient que la principale différence entre les deux catégories est que la chaussure en caoutchouc naturel vulcanisé est faite par un procédé de cuisson, qui lui confère une plus grande résistance au froid, à la chaleur et aux produits chimiques. Elle ajoute que le caoutchouc naturel vulcanisé fait en sorte que la chaussure peut être laminée avec le tissu, ce qui permet une intégration parfaite. D’après Régence, il est impossible d’obtenir un tel résultat avec des matières plastiques. Régence ajoute que les chaussures en caoutchouc naturel présentent d’excellentes propriétés antidérapantes et permettent une isolation encapsulée.

12. Régence affirme que les chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé constituent une catégorie de marchandises différentes de celle que constituent les chaussures étanches en thermoplastique. Régence affirme que les chaussures étanches en thermoplastique sont plus légères, que leur production exige moins de main-d’œuvre et qu’elles permettent des formes plus raffinées et mieux définies et des motifs plus originaux que les chaussures en caoutchouc vulcanisé. Elle soutient également que les consommateurs préfèrent les chaussures en thermoplastique à cause de leur prix plus bas. D’après Régence, les chaussures en thermoplastique présentent les inconvénients suivants : elles fondent lorsqu’elles sont exposées à des températures élevées, résistent peu aux produits chimiques et s’usent plus rapidement que les chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé.

13. Régence fait valoir qu’il ne se produit pas au Canada de chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé de même description que les marchandises en question et, par conséquent, elle demande que les chaussures en caoutchouc naturel soient exclues de la portée de l’enquête préliminaire de dommage9 . Régence soutient de plus que Genfoot importe des chaussures en caoutchouc vulcanisé.

14. L’AMCC réplique que la demande de Régence visant à obtenir une catégorie distincte de marchandises pour les chaussures en caoutchouc naturel est dénuée de fondement.

15. L’AMCC soutient que les marchandises similaires de production nationale et les marchandises en question sont très proches les unes des autres sauf sous les angles de leur composition, de leur méthode de production et de leur prix. L’AMCC soutient de plus que même si les marchandises similaires de production nationale et les chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé ne sont pas de même composition, elles sont très proches les unes des autres des points de vue de leur apparence, de leurs caractéristiques de marché et de leurs utilisations finales. L’AMCC souligne que l’établissement des prix est examiné dans le contexte d’une enquête et ne constitue pas un motif pour créer une catégorie distincte de marchandises.

16. Pour décider de la question des marchandises similaires et des catégories de marchandises, le Tribunal tient compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence), leurs caractéristiques de marché (comme leur substituabilité, leurs prix, les circuits de distribution et leurs utilisations finales) et la question de savoir si les marchandises nationales répondent aux mêmes besoins des clients10 .

17. En ce qui a trait à la question de savoir s’il existe plus d’une catégorie de marchandises, le Tribunal doit déterminer si les catégories censément distinctes de marchandises constituent des marchandises similaires les unes par rapport aux autres. Le cas échéant, elles seront considérées comme constituant une seule catégorie de marchandises11 .

18. Pour déterminer si, dans la présente enquête préliminaire de dommage, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu’un dommage a été causé, le Tribunal considérera les marchandises en question comme des « marchandises similaires » les unes par rapport aux autres et, donc, comme constituant une seule catégorie de marchandises. Le Tribunal conclut, dans la présente enquête préliminaire de dommage, que les chaussures étanches fabriquées au Canada et les marchandises en question sont des marchandises similaires.

19. Comme le précise l’avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage, le Tribunal n’étudiera pas les demandes d’exclusions à la présente étape de la procédure et, en fait, n’a été saisi d’aucun exposé sur la question.

20. Toutefois, le Tribunal est d’avis que certains éléments de preuve au dossier indiquent qu’il pourrait exister plus d’une catégorie de marchandises, à savoir les chaussures étanches à l’état fini et les chaussures étanches à l’état presque fini. La question de savoir si ces marchandises constituent deux catégories distinctes de marchandises devra être examinée en profondeur dans le contexte d’une enquête aux termes de l’article 42 de la LMSI si l’ASFC conclut dans sa décision provisoire que les marchandises en question ont été sous-évaluées. Par conséquent, le Tribunal entend recueillir des données sur ces deux catégories possibles de marchandises et inviter les parties à soumettre des exposés sur la question.

21. Le Tribunal a aussi demandé à l’ASFC de recueillir des renseignements distincts sur le dumping 1) des chaussures étanches à l’état fini et 2) des chaussures étanches à l’état presque fini.

Branche de production nationale

22. Les éléments de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage permettent au Tribunal de conclure que Genfoot, Rallye, Yeti, Hichaud, AirBoss-Défense et Baffin constituent la branche de production nationale. D’après la plainte, Genfoot et Rallye représentent, ensemble, environ 90 p. 100 de la production de chaussures étanches au Canada12 . Des lettres d’appui à la plainte ont été reçues de Genfoot, Rallye, Yeti et Hichaud, tandis que deux autres producteurs, AirBoss-Défense et Baffin, ont déposé des lettres déclarant qu’elles n’appuyaient pas la plainte, mais ne s’y opposait pas non plus.

Volume des marchandises sous-évaluées

23. L’AMCC s’est servi de données de Statistique Canada pour estimer le volume des importations de marchandises en question en 2006 et 2007 et durant les six premiers mois de 2008. L’ASFC a accepté les volumes estimatifs des importations en provenance de la Chine et du Vietnam déterminés par l’AMCC.

24. Ces volumes estimatifs des importations affichaient une tendance continuellement croissante dans le cas des deux pays entre janvier 2006 et le 30 juin 2008. Les importations en provenance de la Chine augmentaient de 55 p. 100 en 2007 par rapport à 2006, passant de 493 000 paires à 765 000 paires. Elles augmentaient d’une autre tranche de 117 p. 100 au premier semestre de 2008 par rapport au premier semestre de 2007, atteignant 430 000 paires pour la période de janvier à juin 2008. Les importations en provenance du Vietnam, quant à elles, plus que quadruplaient en 2007, passant de 11 700 paires en 2006 à 54 000 paires en 2007, et doublaient presque au cours des six premiers mois de 2008 par rapport à la même période en 2007, passant à 33 300 paires aux six premiers mois de 200813 . D’après l’AMCC, Genfoot est le seul producteur canadien ayant importé les chaussures en question. Ses importations ont été faites en 2007 et étaient en provenance du Vietnam. L’AMCC soutient aussi que Mark’s Work Wearhouse (L’Équipeur, au Québec), Columbia Sportswear Canada LP et Régence sont les principaux importateurs des chaussures en question en provenance du Vietnam14 .

25. L’AMCC fait valoir que les importations en provenance d’autres pays que la Chine et le Vietnam étaient minimes. Cependant, l’ASFC a déterminé que les importations en provenance des autres pays n’étaient pas minimes15 . Le Tribunal souligne toutefois que les volumes des importations en provenance des autres pays étaient inférieurs aux volumes en provenance de la Chine, sauf en 2006 lorsque ces volumes atteignaient 657 000 paires ou 57 p. 100 des importations totales durant l’année.

26. Le volume total des importations reculait de 7 p. 100 entre 2006 et 2007, mais augmentait de 107 p. 100 durant la période de janvier à juin 2008 par rapport à la même période en 2007. La part du volume total des importations détenue par la Chine augmentait constamment entre 2006 et les six premiers mois de 2008, passant de 42 p. 100 à 65 p. 100, ce pays devenant la principale source des importations en 2007, représentant alors 71 p. 100 de ces importations. Quant au Vietnam, sa part du volume des importations augmentait, passant de 1 p. 100 à 5 p. 100 entre 2006 et les six premiers mois de 2008. Enfin, les importations en provenance d’autres pays, exprimées en pourcentage des volumes totaux des importations, baissaient, passant de 57 p. 100 en 2006 à 30 p. 100 au premier semestre de 2008. Le Tribunal est d’avis que ce repli était principalement attribuable à l’accroissement des importations en provenance de la Chine.

27. Le Tribunal souligne que pendant que les importations en provenance tant de la Chine que du Vietnam augmentaient, le volume de production des producteurs nationaux diminuait et ajoute qu’il est d’avis que le caractère inverse de ces tendances est, à la présente étape, un indicateur raisonnable de l’existence d’un lien de causalité entre les deux.

28. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis qu’à partir de 2006 jusqu’au premier semestre de 2008, le volume des importations en provenance de la Chine et du Vietnam affichait un accroissement important.

Effet sur le prix des marchandises similaires

29. Dans sa plainte, l’AMCC déclare que la production de chaussures étanches au Canada se divise entre les saisons de vente d’hiver et de printemps. La saison de vente du printemps s’étend de mai à juillet et représente 25 p. 100 de la production, tandis que la saison de vente d’hiver s’étend de décembre à mars et représente 75 p. 100 de la production16 .

30. L’AMCC affirme que les importations des marchandises en question ont causé un dommage sensible sous la forme de baisse et de compression des prix.

31. L’AMCC fait valoir que les valeurs unitaires moyennes des ventes de la production nationale ont baissé entre 2006 et la période de janvier à juin 2008. Elle a aussi fourni les valeurs unitaires moyennes des ventes pour la Chine et le Vietnam. D’après les éléments de preuve au dossier, les valeurs unitaires moyennes des ventes chinoises baissaient en 2007, puis augmentaient au premier semestre de 2008 par rapport à la même période en 2007. Toutefois, les valeurs unitaires moyennes des ventes chinoises demeuraient sensiblement inférieures à celles de la production canadienne pour toute la période. Quant aux valeurs unitaires moyennes des ventes de chaussures en question en provenance du Vietnam, il ressort des éléments de preuve au dossier que ces valeurs dépassaient considérablement celles de la production canadienne en 2006 et en 2007, puis affichaient un repli considérable par la suite, de sorte qu’elles étaient, au premier semestre de 2008, inférieures aux valeurs unitaires moyennes des ventes canadiennes, mais supérieures aux valeurs unitaires moyennes des ventes chinoises.

32. Le Tribunal est d’avis que la comparaison des prix de vente unitaires moyens, à la présente étape, indique, de façon raisonnable, un dommage causé à la branche de production nationale par les marchandises en question sous-évaluées.

33. L’AMCC présente des éléments de preuve montrant qu’il y a eu augmentation des principaux coûts des matières pour les producteurs canadiens de chaussures étanches. Elle soutient que le prix du TPR, une des principales matières utilisées dans la fabrication de chaussures par les producteurs canadiens, augmentait entre 2006 et 2008, tandis que le prix de vente de ces marchandises de production nationale demeurait stable durant cette période17 . Le Tribunal est d’avis que cet élément de preuve laisse croire à une compression des prix causée par les importations sous-évaluées.

34. L’AMCC fait valoir que l’effritement des prix sous la forme d’une baisse de la valeur de vente unitaire moyenne des marchandises de production nationale était attribuable aux importations des marchandises en question. À l’appui de son allégation, l’AMCC renvoyait à un cas où un de ses membres, Genfoot, avait dû abaisser le prix de certains de ses produits vendus à un détaillant canadien pour éviter que ce client se tourne vers la Chine pour combler ses besoins en marchandises importées.

35. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé une baisse et une compression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

36. L’AMCC fait valoir que les importations des marchandises en question ont causé un dommage sensible sous la forme de perte de ventes, de baisse de l’emploi et de baisse de la rentabilité.

37. L’AMCC présente plusieurs exemples de pertes de ventes subies par l’un de ses membres, Genfoot. Ces ventes perdues étaient remplacées par l’importation de marchandises en question18 . L’AMCC allègue que ces pertes de ventes étaient causées par les marchandises en question sous-évaluées.

38. Selon l’AMCC, l’emploi diminuait entre 2005 et juin 2008 à cause des importations des marchandises en question.

39. D’après les éléments de preuve au dossier, les profits tant de Genfoot que de Rallye baissaient au cours des deux derniers exercices financiers et l’AMCC fait valoir que cette baisse est directement attribuable aux marchandises sous-évaluées.

40. Le Tribunal examine aussi l’incidence sur la branche de production nationale en termes de part du marché. Comme mentionné ci-dessus, les importations des marchandises en question affichaient une croissance entre 2006 et la période de janvier à juin 2008, tandis que les ventes de marchandises de production nationale connaissaient un repli. La part du marché détenue par les importations en provenance de la Chine et du Vietnam augmentait donc entre 2006 et la période de janvier à juin 2008, tandis que la part en pourcentage détenue par la production nationale déclinait. La corrélation entre la présence accrue des marchandises en question sur le marché canadien et la détérioration des indicateurs de rendement de la branche de production nationale, tel qu’il est discuté ci-dessus, indique, de façon raisonnable, l’existence d’un lien de causalité entre le dumping des marchandises en question et le dommage causé à la branche de production nationale.

41. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve au dossier indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.

Autres facteurs

42. Régence allègue que le dommage causé à la branche de production nationale est attribuable à d’autres facteurs et non pas au dumping. Ces autres facteurs comprennent l’appréciation du dollar canadien par rapport au dollar des États-Unis, le défaut de la branche de production nationale de s’adapter aux exigences changeantes des consommateurs et le défaut de la branche de production nationale d’investir dans les nouvelles technologies.

43. D’après Régence, le dommage allégué à la branche de production nationale est imputable aux fluctuations des taux de change entre la devise canadienne et la devise américaine entre 2006 et 2008 et non au dumping. Elle soutient que les importations sont achetées en devises des États-Unis et que, puisqu’elles sont commandées plusieurs mois avant d’être livrées au Canada, la valeur du dollar canadien peut fluctuer énormément entre le moment de la commande et le moment du paiement. Le Tribunal a examiné les variations des taux de change entre 2006 et 2008, sur une base annuelle, et a constaté une certaine corrélation entre la tendance à la hausse du dollar canadien par rapport au dollar américain et la part accrue du marché détenue par les importations en provenance de la Chine et du Vietnam et la baisse de la part du marché détenue par les ventes de marchandises de production nationale.

44. L’AMCC ne traite pas de la question des taux de change dans son exposé en réponse.

45. Régence allègue par ailleurs que la branche de production nationale avait omis de s’adapter à l’évolution de la demande des consommateurs dans le sens de produits comme des bottes fabriquées en copolymère d’acétate de vinyle-éthylène (EVA), en polyuréthanne ou en caoutchouc naturel vulcanisé, ce qui avait entraîné une segmentation du marché en différents types de produits selon les besoins spécifiques des consommateurs. Régence soutient de plus que cette conséquence était attribuable au défaut de la branche de production nationale d’investir dans les nouvelles technologies. Selon Régence, au lieu de produire une marque concurrente au Canada, Genfoot avait décidé d’importer des bottes EVA et des chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé, tandis que Rallye, censément, avait choisi de ne pas réagir à la conjoncture. Régence soutient que cette réaction est la cause de la contraction de la demande de marchandises fabriquées au Canada.

46. L’AMCC réplique que Genfoot est une entreprise novatrice et une pionnière dans le secteur de la chaussure étanche faite par moulage à injection et que la baisse de la production de chaussures en caoutchouc naturel vulcanisé est due à la grande quantité de main-d’œuvre requise pour accomplir cette activité et au danger qu’elle présente pour l’environnement.

47. Le Tribunal est d’avis que le renforcement du dollar canadien a peut-être eu une incidence sur la branche de production nationale. Toutefois, le Tribunal conclut, dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage, que les éléments de preuve au dossier concernant l’incidence de ces autres facteurs n’infirment pas sa conclusion que le dossier indique, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage. Ce n’est que dans le cadre d’une enquête tenue aux termes de l’article 42 de la LMSI que le Tribunal sera en mesure d’évaluer pleinement l’ampleur de ces autres facteurs et leur importance relative.

CONCLUSION

48. Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.


1 . Selon la plainte, l’AMCC est une association composée, entre autres, de six producteurs connus de chaussures étanches au Canada : Genfoot Inc. (Genfoot), Les Chaussures Rallye Inc. (Rallye), Chaussures Yeti Inc. (Yeti), Hichaud Inc. (Hichaud), AirBoss-Défense et Baffin Inc. (Baffin).

2 . Les chaussures étanches à l’état presque fini comprennent les chaussures pouvant être imperméabilisées grâce à l’insertion d’un tampon, d’un rabat, etc., dans la semelle ou près de celle-ci. Dossier administratif, vol. 1A à la p. 314.

3 . Dossier administratif, vol. 1A aux pp. 331-32.

4 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

5 . Dossier administratif, vol. 1A aux pp. 339-40.

6 . D.O.R.S. /84-927.

7 . Raccords de tuyauterie en cuivre (8 août 2006), PI-2006-001 (TCCE) au para. 15.

8 . D’après Régence, les thermoplastiques comprennent le TPR, le polychlorure de vinyle (PVC), l’oléfine thermoplastique (TPO), le polyuréthanne thermoplastique (TPU) et l’élastomère thermoplastique (TPE). Dossier administratif, vol. 3 aux pp. 6-8.

9 . Dossier administratif, vol. 3 à la p. 11.

10 . Maïs-grain (15 novembre 2005), PI-2005-001 (TCCE) au para. 36.

11 . Chaussures en cuir (27 décembre 2001), NQ-2001-003 à la p. 11.

12 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 19.

13 . Dossier administratif, vol. 1A à la p. 318.

14 . Dossier administratif, vol. 1 aux pp. 30-31, 37.

15 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 37, vol. 1A à la p. 318.

16 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 39.

17 . Dossier administratif, vol. 2 aux pp. 62-73, 316-334, vol. 2A aux pp. 2-48.

18 . Dossier administratif, vol. 1 à la p. 43, vol. 2 aux pp. 36, 135-191, 316-349.