TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD
Enquête préliminaire de dommage no PI-2013-003

Décision rendue
le lundi 4 novembre 2013

Motifs rendus
le mardi 19 novembre 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, concernant des :

TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL, DU TAIPEI CHINOIS, DU ROYAUME DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE D'INDONÉSIE, DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE, DU JAPON ET DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des tôles d'acier au carbone et des tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d'une largeur variant de 24 pouces (+/–610 mm) à 152 pouces (+/–3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/-4,75 mm) jusqu'à 3 pouces (76,2 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »), les tôles en bobines, les tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil, du Taipei chinois, du Royaume du Danemark, de la République d'Indonésie, de la République italienne, du Japon et de la République de Corée a causé un dommage ou menace de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l'avis en date du 5 septembre 2013, selon lequel le président de l'Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert une enquête concernant le présumé dumping dommageable des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage ou menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Ann Penner
Ann Penner
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Ann Penner, membre

Directeur principal de la recherche : Lisa Backa Demers

Directeur associé de la recherche : Greg Gallo

Agent principal de la recherche : Nadine Cabana

Agent de la recherche : Andrew Wigmore

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Stagiaire en droit : Anca Petrescu

Gestionnaire par intérim, Programmes et
services du greffe : Lindsay Vincelli

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

Agent de soutien du greffe : Rosemary Hong

PARTICIPANTS :

  Conseillers/représentants
Essar Steel Algoma Inc. Paul D. Conlin
Benjamin P. Bedard
J. Peter Jarosz
Linden Dales
William Pellerin
EVRAZ Inc. NA Canada Christopher J. Kent
Christopher J. Cochlin
Marc McLaren-Caux
Nippon Steel & Sumitomo Metal Corporation Martin G. Masse
Jonathan O'Hara
Neil Campbell
Amanda Vanderlee
NISSHIN STEEL Co., Ltd. Martin G. Masse
Jonathan O'Hara
Neil Campbell
Amanda Vanderlee
Kobe Steel, Ltd. Martin G. Masse
Jonathan O'Hara
Neil Campbell
Amanda Vanderlee
JFE Steel Corporation Martin G. Masse
Jonathan O'Hara
Neil Campbell
Amanda Vanderlee
Edmonton Exchanger Victoria Bazan
Usinas Siderúrgicas de Minas Gerais S.A. (USIMINAS) Peter Clark
Renée Clark
Délégation de l'Union européenne au Canada Marie-Anne Coninsx
Hanwa Canada Corporation Ken Kuboki
Ambassade du Brésil à Ottawa Elter Nehemias Santos Barbosa
Majid Abaiian

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 5 septembre 2013, à la suite d'une plainte déposée le 15 juillet 2013 par Essar Steel Algoma Inc. (Essar Algoma), le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable de tôles d'acier au carbone et de tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d'une largeur variant de 24 pouces (+/–610 mm) à 152 pouces (+/–3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/-4,75 mm) jusqu'à 3 pouces (76,2 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »), les tôles en bobines, les tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil (Brésil), du Taipei chinois, du Royaume du Danemark (Danemark), de la République d'Indonésie (Indonésie), de la République italienne (Italie), du Japon et de la République de Corée (Corée) (les marchandises en question).

2. Le 6 septembre 2013, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a publié un avis d'ouverture d'enquête préliminaire de dommage1.

3. Deux producteurs nationaux de tôles, Evraz Inc. NA Canada (Evraz) et SSAB Central Inc. (SSAB), ont déposé des lettres auprès de l'ASFC à l'appui de la plainte déposée par Essar Algoma2. Evraz est partie à la présente procédure, mais n'a déposé aucun argument. SSAB n'est pas partie à la présente procédure.

4. Nippon Steel & Sumimoto Metal Corporation, JFE Steel Corporation, Kobe Steel, Ltd. et Nisshin Steel Co., Ltd. (collectivement, Nippon Steel et al.) s'opposent à la plainte, ainsi qu'Usinas Siderúrgicas de Minas Gerais S.A. (USIMINAS).

5. Les autres participants à la présente enquête préliminaire de dommage qui n'ont pas déposé d'exposés sont la Délégation de l'Union européenne au Canada, Edmonton Exchanger, l'ambassade du Brésil à Ottawa et Hanwa Canada Corporation.

6. Le 9 octobre 2013, après avoir examiné les renseignements versés au dossier, le Tribunal a fait parvenir à Evraz et à SSAB des demandes de renseignements, y compris des renseignements sur les données concernant leur production nationale de tôles, des renseignements sur leurs ventes et des renseignements de nature financière. Le Tribunal a également demandé des renseignements à ces producteurs et à Essar Algoma, dans la mesure de leur connaissance, relativement à la production estimée de tôles des centres de service de l'acier. Le 16 octobre 2013, le Tribunal a reçu des réponses à ses demandes de renseignements de la part d'Essar Algoma, d'Evraz et de SSAB.

7. Le 4 novembre 2013, aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation3, le Tribunal a déterminé que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé ou menaçait de causer un dommage à la branche de production nationale.

DÉCISION DE L'ASFC D'OUVRIR UNE ENQUÊTE

8. L'ASFC était d'avis que les éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et qu'ils indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé ou menaçait de causer un dommage. Par conséquent, conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l'ASFC a ouvert une enquête le 5 septembre 2013.

9. Pour arriver à sa décision d'ouvrir une enquête, l'ASFC s'est servie des renseignements relatifs au volume des marchandises sous-évaluées pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013 (la période visée par l'enquête).

10. L'ASFC a estimé les marges de dumping et les volumes de marchandises sous-évaluées pour chaque pays visé comme suit :

Estimations du dumping par l'ASFC

Pays Marge estimative du dumping
(exprimée en pourcentage du prix à l'exportation)
Volume estimatif de marchandises sous-évaluées
(exprimé en pourcentage du total des importations)
Brésil 19,65 3,17
Taipei chinois 4,29 0,26
Danemark 2,82 1,18
Indonésie 6,85 1,83
Italie 2,70 2,56
Japon 6,59 1,18
Corée 3,01 10,41
Total   21

11. L'ASFC était d'avis que les marges estimatives de dumping n'étaient pas minimales et que les volumes estimatifs de marchandises sous-évaluées n'étaient pas négligeables4.

EXPOSÉS SUR LES QUESTIONS DE DOMMAGE ET DE MENACE DE DOMMAGE

Essar Algoma et les producteurs nationaux appuyant la plainte

12. Essar Algoma soutient que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale. À l'appui de ses allégations de dommage, elle a présenté des éléments de preuve concernant une augmentation du volume des marchandises sous-évaluées, une diminution de sa part de marché, une perte de ventes, une baisse des prix, une compression et une sous-cotation des prix causées par les marchandises en question, une baisse de la production, une capacité excédentaire et une diminution de son rendement financier au cours de la période visée par l'enquête.

13. En outre, Essar Algoma affirme que le dumping des marchandises en question menace également de causer un dommage à la branche de production nationale. À l'appui de ses arguments concernant une menace de dommage, elle indique que la branche de production nationale de tôles est et sera particulièrement vulnérable aux effets des marchandises sous-évaluées étant donné la faiblesse des perspectives mondiales et les incidences persistantes de la crise économique mondiale, y compris la faible demande et une augmentation du coût des matières premières.

14. Essar Algoma soutient que la faiblesse de la conjoncture économique dans les pays visés, la nécessité pour les producteurs de protéger leurs investissements de capitaux importants en maintenant des volumes de production tant et aussi longtemps qu'il peuvent produire à leur coût marginal de production et le fait que le prix canadien des tôles tend à être plus élevé que celui des autres marchés d'exportation encouragent l'importation au Canada de volumes accrus des marchandises sous-évaluées en provenance des pays visés.

15. Une autre préoccupation soulevée dans les observations d'Essar Algoma est la surcapacité de production des producteurs chinois de tôles et la pression concurrentielle exercée par les exportations chinoises de tôles à bas prix sur les producteurs des marchandises en question, tant sur leur marché intérieur que sur leurs marchés d'exportation traditionnels. Cela a pour effet d'inciter encore plus les producteurs des marchandises en question à rechercher des marchés comme le Canada, où les recours commerciaux en vigueur contre les tôles de production chinoise minimisent cette pression concurrentielle.

16. Bien qu'Evraz et SSAB aient indiqué à l'ASFC qu'elles appuyaient la plainte, elles n'ont déposé aucun argument auprès du Tribunal.

Parties opposées à la plainte

17. Les parties qui s'opposent à la plainte, Nippon Steel et al. et USIMINAS, soutiennent que les importations des marchandises en question n'ont pas causé et ne menacent pas de causer un dommage à la branche de production nationale comme l'allègue Essar Algoma.

18. Les observations d'USIMINAS se concentrent plutôt sur certains facteurs, autres que les marchandises sous-évaluées, qui, selon elle, ont eu une incidence sur les producteurs nationaux, y compris la récession mondiale et, en particulier, la contraction de la demande de tôles, la concurrence livrée par les tôles produites aux États-Unis et l'importation de tôles à bas prix en provenance de l'Inde par Essar Algoma. USIMINAS demande instamment au Tribunal de rendre des conclusions provisoires de dommage négatives, essentiellement au motif qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve concernant un lien de causalité entre le dommage allégué par la branche de production nationale et les marchandises sous-évaluées, ce qui mettrait un terme à l'enquête à l'étape de l'enquête préliminaire de dommage.

19. Nippon Steel et al. soutiennent que les marchandises en question en provenance du Japon doivent être examinées séparément des marchandises en question en provenance des autres pays visés puisque les conditions de concurrence applicables aux marchandises japonaises sont distinctes. Elles soutiennent que lorsque les tôles japonaises sont analysées de façon distincte, rien n'indique, de façon raisonnable, que le dumping a causé ou menace de causer un dommage.

ANALYSE

Cadre législatif

20. Le mandat du Tribunal en matière d'enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige du Tribunal qu'il détermine « [...] si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises [en question] a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage ».

21. Dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage, la norme de preuve requise, établie par l'expression « indiquent de façon raisonnable », est moins élevée que celle qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI. Cela signifie que les éléments de preuve en question n'ont pas à être « [...] concluants ou probants selon la prépondérance des probabilités [...] »5 [traduction]. Néanmoins, de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve pertinents ne peuvent être suffisantes6.

22. En l'espèce, Essar Algoma allègue que le dumping des marchandises en question a causé et menace de causer un dommage aux producteurs canadiens de marchandises similaires. Aucune allégation n'a été avancée en ce qui a trait au subventionnement des marchandises en question ni relativement à un retard.

23. Dans le cadre de sa décision provisoire de dommage, le Tribunal prend en compte les facteurs prescrits à l'article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation7, y compris le volume d'importation des marchandises sous-évaluées, l'effet des marchandises sous-évaluées sur le prix des marchandises similaires, l'incidence économique des marchandises sous-évaluées sur la branche de production nationale et, s'il existe un dommage ou une menace de dommage, la question de savoir s'il existe un lien de causalité entre le dumping des marchandises et le dommage ou la menace de dommage.

24. Cependant, avant d'examiner les allégations de dommage et de menace de dommage, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et quelle branche de production nationale produit ces marchandises. Cette analyse préliminaire doit être effectuée parce que le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « dommage » comme un « [...] dommage sensible causé à une branche de production nationale » et l'expression « branche de production nationale » comme « [...] l'ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ».

Marchandises similaires et catégories de marchandise

25. L'ASFC a défini les marchandises en question comme des tôles d'acier au carbone et des tôles d'acier allié résistant à faible teneur, laminées à chaud, n'ayant subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage à chaud, traitées thermiquement ou non, coupées à longueur, d'une largeur variant de 24 pouces (+/–610 mm) à 152 pouces (+/–3 860 mm) inclusivement, et d'une épaisseur variant de 0,187 pouce (+/-4,75 mm) jusqu'à 3 pouces (76,2 mm) inclusivement (dont les dimensions sont plus ou moins exactes afin de tenir compte des tolérances admissibles incluses dans les normes applicables), à l'exclusion des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »), les tôles en bobines, les tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »), originaires ou exportées du Brésil, du Taipei chinois, du Danemark, de l'Indonésie, de l'Italie, du Japon et de la Corée. Le Tribunal doit mener son enquête préliminaire de dommage en se fondant sur cette définition de produit.

26. Pour déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal doit d'abord définir la portée des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Il peut également examiner la question de savoir si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandise.

27. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

28. Pour trancher les questions de marchandises similaires et de catégories de marchandise, le Tribunal tient généralement compte d'un certain nombre de facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales) et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients8.

29. Les éléments de preuve indiquent que les tôles produites au pays et les marchandises en question se livrent directement concurrence entre elles, ont des utilisations finales semblables et sont substituables. De plus, il ressort des éléments de preuve versés au dossier que les tôles produites au pays et les marchandises en question sont vendues par l'entremise des mêmes circuits de distribution et, dans bien des cas, aux mêmes clients. En ce qui concerne les caractéristiques physiques, les éléments de preuve versés au dossier indiquent que les tôles d'acier au carbone produites au pays et les marchandises en question sont fabriquées à partir des mêmes matériaux de base selon des processus de fabrication semblables. Par conséquent, le Tribunal conclut, dans le contexte de la présente enquête préliminaire, que les tôles d'acier au carbone produites au Canada sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

30. Pour ce qui est de la question des catégories de marchandise, Essar Algoma soutient que, selon les éléments de preuve versés au dossier et les motifs du Tribunal dans le cadre d'enquêtes de dommage et de réexamens relatifs à l'expiration antérieurs concernant des marchandises quasi identiques, la présente enquête préliminaire de dommage ne vise qu'une seule catégorie de marchandise9. Le Tribunal fait remarquer que, dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage, il n'a reçu aucun argument alléguant le contraire ni aucun élément de preuve qui justifierait qu'il se fonde sur des catégories de marchandises distinctes. Par conséquent, pour déterminer s'il y a indication raisonnable de dommage, le Tribunal considérera les tôles d'acier au carbone comme constituant une seule catégorie de marchandise.

Branche de production nationale

31. Dans sa décision d'ouvrir une enquête, l'ASFC a indiqué qu'Essar Algoma, Evraz et SSAB constituaient la quasi-totalité des producteurs canadiens connus de marchandises similaires et que les centres de service de l'acier qui coupent à longueur des tôles d'acier au carbone à partir de bobines représentaient le reste de la production nationale10.

32. Dans sa plainte, Essar Algoma a fourni des données sur sa production. Tel qu'indiqué précédemment, le Tribunal a fait parvenir à Essar Algoma, à Evraz et à SSAB des demandes de renseignements afin de mieux estimer la production du reste de la branche de production nationale au cours de la période visée par l'enquête. Bien que les renseignements versés au dossier en vue d'indiquer la quantité de marchandises similaires produites par les centres de service de l'acier soient limités, les éléments de preuve indiquent que leur production est vraisemblablement minimale11.

33. Par conséquent, selon les éléments de preuve versés au dossier, le Tribunal conclut qu'en ce qui concerne le volume de production, Essar Algoma, Evraz et SSAB constituent une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires et sont donc considérées comme constituant la branche de production nationale aux fins de la présente enquête préliminaire de dommage.

Cumul

34. Le paragraphe 42(3) de la LMSI prévoit que le Tribunal, dans le contexte d'une enquête définitive de dommage aux termes de l'article 42, doit procéder à une évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées qui sont importées au Canada, s'il est convaincu que certaines conditions sont remplies. Plus particulièrement, le Tribunal doit être convaincu que la marge de dumping ou le montant de subventionnement par rapport aux marchandises provenant de chaque pays n'est pas minime12, que le volume des importations au Canada provenant de ces pays n'est pas négligeable13 et qu'une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises en provenance d'un des pays visés, les autres marchandises sous-évaluées ou subventionnées et les marchandises similaires.

35. Bien que le paragraphe 42(3) de la LMSI traite des enquêtes définitives de dommage, le Tribunal estime qu'il serait illogique de ne pas évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question dans le cadre d'une enquête préliminaire de dommage lorsque les éléments de preuve disponibles semblent justifier le cumul14.

36. En ce qui concerne la première condition relative au cumul aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI, le Tribunal rappelle que l'ASFC a déterminé que les marges de dumping par rapport aux marchandises en provenance de tous les pays visés n'étaient pas minimaux et que le volume des importations en provenance de chaque pays n'était pas négligeable15.

37. Dans le contexte d'une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal s'appuie sur les estimations de volumes et de marges de dumping fournies par l'ASFC, y compris son évaluation de la question de savoir si les volumes sont négligeables et si les marges sont minimales. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la première condition énoncée au paragraphe 42(3) de la LMSI est remplie.

38. Pour déterminer si le cumul est indiqué, le Tribunal doit également tenir compte des conditions de concurrence entre les marchandises en provenance des pays visés, les autres marchandises sous-évaluées et les marchandises similaires.

39. En ce qui concerne cette condition, Nippon Steel et al. soutiennent que les tôles japonaises ne doivent pas être incluses dans le cumul avec les autres marchandises en question puisque ce regroupement serait inapproprié. Plus particulièrement, Nippon Steel et al. allèguent que le prix moyen des tôles japonaises est bien supérieur à celui des autres marchandises en question et des marchandises similaires. En outre, elles allèguent que les tôles japonaises sont achetées en raison de leurs caractéristiques uniques et de leur qualité élevée, en plus de l'importance des relations à long terme entre les fournisseurs japonais et les utilisateurs finals canadiens.

40. En réponse, Essar Algoma affirme que le prix seul ne peut être un facteur suffisant pour procéder à un décumul. De plus, elle explique que l'écart de prix entre les tôles japonaises et les autres marchandises en question est attribuable au fait que les tôles japonaises tendent à être de qualité supérieure à celle des autres marchandises en question.

41. Pour déterminer s'il est indiqué d'évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question en provenance du Brésil, du Taipei chinois, du Danemark, de l'Indonésie, de l'Italie, du Japon et de la Corée sur la branche de production nationale, le Tribunal doit examiner les conditions de concurrence sur le marché canadien entre ces pays, de même qu'entre les marchandises en question et les marchandises similaires. Dans le cadre de cet examen, le Tribunal tient habituellement compte des facteurs suivants16 : la mesure dans laquelle les marchandises en question en provenance de chaque pays visé sont « fongibles » par rapport aux marchandises en question en provenance des autres pays visés, la question de savoir si les marchandises en question en provenance d'un seul pays visé sont présentes sur un marché géographique précis, l'existence de circuits de distribution communs ou semblables, les différences entre le moment de l'arrivée des importations en provenance d'un pays visé et des importations en provenance des autres pays visés et la disponibilité des marchandises similaires offertes par la branche de production nationale.

42. Les éléments de preuve versés au dossier indiquent que les marchandises en question et les marchandises similaires servent aux mêmes types d'utilisation, y compris la production de wagons de chemin de fer, de réservoirs de pétrole et de gaz, de machines lourdes, de machines agricoles, de ponts, de bâtiments industriels, de tours de bureaux de grande hauteur, de pièces d'automobiles et de camions, de navires et de barges et d'appareils à pression. Il ressort également des éléments de preuve que les marchandises en question en provenance de tous les pays visés et les marchandises similaires présentent les mêmes caractéristiques techniques et répondent aux mêmes spécifications techniques et que, lorsque les marchandises respectent les normes de la branche de production, le seul facteur qui les différencie est le prix. Le dossier ne contient aucun élément de preuve concernant des différences entre les marchandises en question en provenance d'un des pays visés et les marchandises similaires en ce qui a trait aux circuits de distribution et aux utilisateurs finals17.

43. En ce qui concerne les conditions de concurrence, aucun élément de preuve fourni jusqu'à maintenant n'a convaincu le Tribunal que les marchandises en question ne sont pas fongibles ou qu'une des autres conditions de concurrence entre les marchandises en question et les marchandises similaires diffère au point de justifier un décumul des effets des marchandises en question en provenance du Japon. Par conséquent, le Tribunal est convaincu qu'une évaluation des effets cumulatifs des marchandises en question en provenance de tous les pays est indiquée dans le cadre de la présente enquête préliminaire de dommage.

44. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, qu'il existe un dommage ou une menace de dommage, en tenant compte des facteurs prescrits à l'article 37.1 du Règlement.

Volume de marchandises sous-évaluées

45. Essar Algoma soutient qu'un volume considérable de marchandises en question a été importé au cours de la période visée par l'enquête. Nippon Steel et al. allèguent que seulement un faible volume de marchandises en question a été importé du Japon et que ce volume a diminué au cours de la période visée par l'enquête. De même, USIMINAS du Brésil fait valoir que seulement un faible volume des marchandises en question a été importé du Brésil au cours de la période visée par l'enquête et souligne que ce volume a été considérablement inférieur à celui des importations non visées de tôles en provenance des États-Unis.

46. Au cours d'une enquête préliminaire de dommage, le Tribunal s'appuie sur les données estimatives de l'ASFC sur le volume ainsi que sur les renseignements versés au dossier. En outre, le Tribunal doit tenir compte de la détermination de l'ASFC selon laquelle le volume des importations en provenance des pays visés n'était pas négligeable.

47. Le Tribunal constate, selon les données estimatives sur les importations fournies par l'ASFC, que le volume total des importations des marchandises en question a constamment et considérablement augmenté, triplant au cours de la période visée par l'enquête18.

48. Bien que les importations en provenance des États-Unis (un pays non visé) aient dominé le marché d'importation au cours de la période visée par l'enquête, la part des importations totales en provenance des pays visés a également augmenté considérablement au cours de cette même période, ayant plus que doublé de 2010 à 201219.

49. Le Tribunal a également examiné le volume des marchandises en question par rapport à la production et à la consommation nationales de marchandises similaires. Au cours de la période visée par l'enquête, le ratio du volume des marchandises en question par rapport au volume de la production nationale a plus que triplé. On observe une tendance semblable lorsqu'on compare le ratio du volume des marchandises en question par rapport au volume total des ventes de la branche de production nationale20.

50. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'au cours de la période visée par l'enquête, le volume des importations des marchandises en question a considérablement augmenté en valeur absolue et par rapport au volume de la production nationale et de la consommation nationale des marchandises produites au pays.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

51. Dans sa plainte, Essar Algoma allègue que les marchandises en question ont acquis une part de marché aux dépens de la branche de production nationale en entraînant une forte sous-cotation des prix. Elle affirme que les marchandises en question étaient constituées des tôles au plus bas prix sur le marché canadien, selon une marge considérable, au cours de l'ensemble de la période visée par l'enquête. En outre, elle soutient avoir été forcée de réduire considérablement son prix de vente afin de livrer concurrence aux marchandises en question, en dépit de l'augmentation des coûts, ce qui lui a fait subir des pertes importantes sur ses ventes nationales de marchandises similaires.

52. Le Tribunal constate que les prix unitaires moyens des importations de tôles d'acier au carbone en provenance des pays visés ont constamment été inférieurs aux prix de vente unitaires moyens de la branche de production nationale au cours de la période visée par l'enquête. Les prix ont également été inférieurs aux prix unitaires moyens des importations de tôles d'acier au carbone en provenance de pays non visés offertes sur le marché canadien. Par conséquent, une comparaison des prix unitaires moyens des importations des marchandises en question par rapport aux prix de vente unitaires moyens des marchandises similaires indique, de façon raisonnable, une sous-cotation importante des prix pendant toute la période visée par l'enquête, les marges de sous-cotation variant de 15 à 19 p. 10021. Les éléments de preuve empiriques présentés par Essar Algoma appuient également son argument selon lequel les prix des marchandises en question ont entraîné la sous-cotation des prix des marchandises similaires dans des cas particuliers22.

53. Essar Algoma allègue que ses prix de vente ont chuté de 2011 à 2012 en raison de la présence des importations visées à bas prix sur le marché canadien. Le Tribunal constate que les prix de vente unitaires moyens de la branche de production nationale ont effectivement chuté de 2011 à 2012. Les prix unitaires moyens des importations des marchandises en question ont également diminué au cours de cette même période, mais ont constamment été inférieurs aux prix de vente unitaires moyens des marchandises similaires23. Par conséquent, il y a indication raisonnable de baisse des prix en 2012.

54. En ce qui concerne la question de la compression des prix, le Tribunal a comparé le total des coûts unitaires moyens des marchandises vendues et les prix de vente unitaires moyens des marchandises similaires. La comparaison indique qu'il y a eu compression des prix en 2012. Bien que le prix de vente unitaire moyen de la branche de production nationale ait augmenté en 2011 et chuté par la suite, les coûts moyens des marchandises vendues par la branche de production nationale ont augmenté en 2011 et en 201224. Cela indique, de façon raisonnable, que la branche de production nationale n'a pas pu augmenter ses prix de vente pour recouvrer cette augmentation des coûts en 2012.

55. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal est d'avis que les renseignements sur les prix versés au dossier démontrent un lien de causalité entre le dommage subi par la branche de production nationale et la présence des marchandises en question sur le marché canadien. Ce dommage s'est manifesté sous forme de sous-cotation, de compression et de baisse des prix.

Incidence sur la situation de la branche de production nationale

56. Dans le cadre de son analyse menée aux termes de l'alinéa 37.1(1)c) du Règlement, le Tribunal examine l'incidence des marchandises sous-évaluées sur la situation de la branche de production nationale. Plus particulièrement, il tient compte de facteurs tels que tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l'utilisation de la capacité, toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois ou les salaires et divers autres facteurs économiques qui sont pertinents dans les circonstances.

57. Essar Algoma affirme avoir subi une perte importante de ventes et de part de marché au profit des marchandises en question. Même lorsque le niveau de consommation au Canada a remonté par rapport à son creux de 2009, les marchandises en question se sont presque entièrement emparées de la croissance du marché.

58. Essar Algoma allègue également avoir dû abaisser son prix de vente des marchandises similaires afin de livrer concurrence aux marchandises en question, d'où ses résultats financiers négatifs.

59. Les éléments de preuve versés au dossier indiquent que la production canadienne annuelle totale de marchandises similaires a été relativement stable de 2010 à 2012, même si elle a légèrement chuté au cours de la période visée par l'enquête25.

60. Des éléments de preuve versés au dossier semblent appuyer les allégations selon lesquelles les importations visées se sont accaparées les ventes au cours de la reprise du marché après 2009. Pendant la période visée par l'enquête, le Tribunal estime que le marché apparent a considérablement augmenté en 2011, puis s'est légèrement contracté en 2012. Cependant, l'augmentation de la taille du marché apparent et du volume des ventes de la branche de production nationale paraît dérisoire par rapport au volume des ventes des marchandises en question qui a triplé au cours de la même période26.

61. En outre, bien que le volume des ventes de tôles d'acier au carbone importées de pays non visés ait augmenté en 2011, les gains ont été loin d'être aussi considérables que ceux qui ont été réalisés par les marchandises en question. Le volume des ventes de marchandises non visées a chuté en 2012, tandis que celui des marchandises en question a continué de croître27.

62. Pour ce qui est de la part de marché, il ressort des éléments de preuve versés au dossier que les marchandises en question ont représenté une part limitée mais croissante de l'ensemble du marché apparent estimatif au cours de la période visée par l'enquête. De 2010 à 2012, la part de marché des marchandises en question a augmenté, tandis que celle des producteurs nationaux et des importations en provenance de pays non visés a chuté28. Ces données préliminaires semblent confirmer les allégations d'Essar Algoma selon lesquelles les importations en provenance des pays visés se sont emparées d'une part de marché considérable au cours de la période visée par l'enquête aux dépens de la branche de production nationale.

63. Le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve versés au dossier appuient l'argument d'Essar Algoma selon lequel son rendement financier a subi des conséquences négatives au cours de la période visée par l'enquête29.

64. Essar Algoma allègue que l'utilisation de sa capacité a grandement diminué au cours de la période visée par l'enquête, ce qui a nui à son rendement étant donné que les coûts fixes ont dû être répartis sur un plus faible volume de production. Tout cela a fait augmenter les coûts de production par tonne. Selon le Tribunal, les éléments de preuve indiquent que l'utilisation de sa capacité globale a légèrement diminué au cours de la période visée par l'enquête. L'utilisation de sa capacité de production de tôles est cependant demeurée relativement stable30.

65. Compte tenu de ce qui précède, et étant donné que le degré de preuve requis, qui est établi par les termes « indiquent, de façon raisonnable », qui s'applique lors d'une enquête préliminaire de dommage est moins élevé que celui qui s'applique lors d'une enquête définitive de dommage menée aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé un dommage à la branche de production nationale.

Autres facteurs

66. USIMINAS soutient que tout dommage allégué par la branche de production nationale peut être attribuable à plusieurs facteurs autres que le dumping des marchandises en question. Plus particulièrement, elle allègue que les baisses de prix des marchandises similaires ont été causées par la récession et non par les marchandises en question. Elle indique également que la demande intérieure de tôles a diminué en raison du fait que les prix des tôles au Canada sont semblables à ceux aux États-Unis, étant donné la nature intégrée du marché nord-américain. De plus, USIMINAS soutient que les tôles importées de pays non visés, à savoir des États-Unis et de l'Inde, ont nui à la branche de production nationale31. Il est également suggéré que la concurrence au sein de la branche de production nationale puisse avoir un rôle à jouer dans le sous-rendement de la branche de production nationale.

67. Le Tribunal est d'avis que les facteurs soulevés par USIMINAS peuvent avoir eu une incidence sur la branche de production nationale. Toutefois, il est bien établi en droit que le dumping peut être considéré comme une cause de dommage même s'il existe, en même temps, d'autres facteurs pertinents. Il arrive souvent que de nombreux facteurs contribuent à causer un dommage à une branche de production nationale32.

68. Selon le Tribunal, les éléments de preuve limités versés au dossier de l'enquête préliminaire de dommage concernant l'incidence possible de ces facteurs sur la branche de production nationale ne suffisent pas pour infirmer sa conclusion selon laquelle il y a indication raisonnable que le dumping des marchandises en question a causé un dommage. Le Tribunal est d'avis que ce n'est que dans le cadre d'une enquête menée aux termes de l'article 42 de la LMSI qu'il sera en mesure d'évaluer pleinement l'ampleur de ces facteurs autres que le dumping et leur incidence sur la branche de production nationale.

Menace de dommage

69. Quant à la question de la menace de dommage, les observations d'Essar Algoma mettent l'accent sur l'augmentation considérable du volume des marchandises sous-évaluées importées au Canada, sur la capacité de production et la conjoncture prévues dans les pays visés et en Chine, sur la faiblesse persistante de la croissance économique mondiale et du marché mondial de tôles, sur le fait que les producteurs des pays visés sont axés sur les exportations et sur l'existence de mesures antidumping dans d'autres pays qui font du Canada une destination plus attrayante pour les marchandises en question. Elle allègue que ces facteurs feront diminuer davantage la production, l'utilisation de la capacité, l'emploi, la part de marché, les prix, les résultats opérationnels et le rendement sur capital investi.

70. USIMINAS conteste les allégations de menace de dommage et soutient qu'elles sont fondées sur des spéculations et ne sont pas étayées par des éléments de preuve convaincants.

71. En outre, Nippon Steel et al. contestent l'affirmation d'Essar Algoma selon laquelle les tôles japonaises menacent de causer un dommage à la branche de production nationale étant donné le risque de détournement des États-Unis en raison des droits antidumping qui y sont imposés sur les tôles japonaises. Nippon Steel et al. soulignent que les conclusions de la Commission du commerce international des États-Unis ont depuis été infirmées. Elles indiquent également que le faible volume de tôles importées du Japon et les prix relativement élevés de celles-ci, comparativement à ceux des autres marchandises en question, montrent que les tôles japonaises ne menacent pas de causer un dommage.

72. Le Tribunal constate que les éléments de preuve versés au dossier confirment que la croissance économique mondiale a ralenti au cours de la période visée par l'enquête et qu'une reprise lente et irrégulière est prévue33. Le marché mondial de tôles demeure fragile; on s'attend à ce que la surcapacité caractérise le marché dans de nombreux pays. La capacité excédentaire mondiale de production de tôles pourrait, à son tour, comprimer les prix futurs des tôles, ce qui entraînerait une augmentation du volume des exportations puisque les producteurs tenteraient de vendre leur production excédentaire sur les marchés mondiaux. Étant donné que la demande de tôles au Canada devrait continuer d'augmenter, bien qu'à un rythme potentiellement plus lent que par le passé, le Tribunal estime qu'il y a indication raisonnable que les producteurs des marchandises en question demeureront intéressés à accroître leurs ventes sur le marché canadien. Le fait que certains autres pays aient imposé des mesures antidumping sur les importations de tôles d'acier au carbone en provenance des pays visés constitue un autre facteur dont le Tribunal a tenu compte pour déterminer s'il y a indication raisonnable que les marchandises en question menacent de causer un dommage à la branche de production nationale34.

73. Compte tenu de la conclusion du Tribunal énoncée ci-dessus selon laquelle il est indiqué d'évaluer les effets cumulatifs des marchandises en question, le Tribunal a examiné la question de savoir si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question, dans son ensemble, menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

74. Le Tribunal n'est pas convaincu que les observations d'USIMINAS et de Nippon Steel et al. infirment suffisamment les éléments de preuve présentés par Essar Algoma concernant la menace de dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage à la branche de production nationale.

CONCLUSION

75. Compte tenu de l'analyse qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer un dommage.


1 . Gaz. C. 2013.I.2133.

2 . Pièce PI-2013-003-02.01, vol. 1, p.j. 4.

3 . L.R.C. 1985, ch. S-15 [LMSI].

4 . Pièce PI-2013-003-05, vol. 1E à la p. 16.

5 . Ronald A. Chisholm Ltd. v. Deputy M.N.R.C.E. (1986), 11 CER 309 (FCTD).

6 . L'article 5 de l'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) exige d'une autorité chargée d'une enquête qu'elle examine l'exactitude et l'adéquation des éléments de preuve fournis dans une plainte de dumping afin de déterminer s'il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête. Une plainte sera rejetée ou une enquête sera close dès que l'autorité concernée sera convaincue que les éléments de preuve relatifs au dumping ou au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure. L'article 5 prévoit également qu'une simple affirmation non étayée par des éléments de preuve pertinents ne peut être jugée suffisante pour respecter les exigences dudit article.

7 . D.O.R.S./84-927 [Règlement].

8 . Voir par exemple Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au par. 48; Milieux de culture bactériologique (31 mai 1996), NQ-95-004 (TCCE) aux pp. 9-10; Panneaux d'isolation thermique (11 avril 1997), NQ-96-003 (TCCE) aux pp. 9-10; Pièces d'attache (7 janvier 2005), NQ-2004-005 (TCCE) aux par. 60-75; Tuyaux en polyéthylène réticulé (29 septembre 2006), NQ-2006-001 (TCCE) aux par. 45-47.

9 . Pièce PI-2013-003-02.01, vol. 1 aux par. 40-43.

10 . Pièce PI-2013-003-05, vol. 1E au par. 39.

11 . Ibid.

12 . Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit l'adjectif « minimal » comme signifiant, « dans le cas de la marge de dumping, [une] marge inférieure à deux pour cent du prix à l'exportation des marchandises ».

13 . Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « négligeable » de la manière suivante : « Qualificatif applicable au volume des marchandises sous-évaluées, provenant d'un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant trois pour cent de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada; exceptionnellement, n'est pas négligeable l'ensemble des marchandises sous-évaluées – provenant de trois ou plusieurs pays exportant chacun au Canada un volume négligeable de marchandises sous-évaluées – qui représente un volume de plus de sept pour cent de cette totalité. »

14 . Voir par exemple Tôles d'acier résistant à la corrosion (2 février 2001), PI-2000-005 (TCCE) aux pp. 4, 5.

15 . Pièce PI-2013-003-05, vol. 1E aux pp. 15-16.

16 . Voir par exemple Certains feuillards et tôles plats en acier au carbone et en acier allié, laminés à chaud (17 août 2001), NQ-2001-001 (TCCE) à la p. 16.

17 . Pièce PI-2013-003-05, vol. 1E à la p. 9.

18 . Pièce PI-2013-003-03.02 (protégée), vol. 2A aux pp. 16, 57.

19 . Ibid.

20 . Ibid. aux pp. 12, 57, 58; pièce PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2 à la p. 132; pièce PI-2013-003-02.01, vol. 1 à la p. 143; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à l'annexe A; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à l'annexe A.

21 . Pièce PI-2013-003-03.02 (protégée), vol. 2A aux pp. 57-58; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122; pièce PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2, p.j. 24 à la p. 132.

22 . Pièce PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2, p.j. 25.

23 . Pièce PI-2013-003-03.02 (protégée), vol. 2A aux pp. 31, 57-58; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122; pièce PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2, p.j. 24 à la p. 132.

24 . Ibid.; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122.

25 . Pièce PI-2013-003-02.01, vol. 1 à la p. 143; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122, PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2 à la p. 132.

26 . Pièce PI-2013-003-03.02 (protégée), vol. 2A aux pp. 57-58; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122.

27 . Pièce PI-2013-003-03.02 (protégée), vol. 2A aux pp. 57-58.

28 . Ibid. aux pp. 12, 57-58; pièce PI-2013-003-RI-03A (protégée), vol. 2A à la p. 128; pièce PI-2013-003-RI-01A (protégée), vol. 2A à la p. 122.

29 . Pièce PI-2013-003-03.01 (protégée), vol. 2, p.j. 24 à la p. 132.

30 . Ibid., p.j. 26 à la p. 157.

31 . Pièce PI-2013-003-07.01, vol. 3 aux pp. 7, 12, 15.

32 . Sacilor Aciéries c. Tribunal antidumping (1985), 60 N.R. 371 (C.A.F.). Voir également Infasco Division of Ifastgroupe and Company LP c. Canada (Tribunal canadien du commerce extérieur), 2006 CAF 130 (CanLII).

33 . Pièce PI-2013-003-03.01A (protégée), vol. 2.01 à la p. 12.

34 . Pièce PI-2013-003-02.01, vol. 1 aux pp. 88-91.