SILICATE DE POTASSIUM SOLIDE

Enquêtes préliminaires de dommage (paragraphe 34(2))


SILICATE DE POTASSIUM SOLIDE
Enquête préliminaire de dommage no PI-2011-003

Décision rendue
le mardi 6 mars 2012

Motifs rendus
le mercredi 21 mars 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une enquête préliminaire de dommage, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, concernant du :

SILICATE DE POTASSIUM SOLIDE ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTAN

DÉCISION PROVISOIRE DE DOMMAGE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, a procédé à une enquête préliminaire de dommage afin de déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement de silicate de potassium (également connu sous acide silicique, sel de potassium; verre soluble au potassium; verre soluble à la potasse; verre de silicate de potassium), de toute teneur ou rapport, sous forme solide soluble, notamment en granules, en flocons ou en poudre, originaire ou exporté de la République islamique du Pakistan, ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage.

La présente enquête préliminaire de dommage fait suite à l’avis, reçu par le secrétaire le 6 janvier 2012 et transmis en vertu du sous-alinéa 34(1)a)(i) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, selon lequel le président de l’Agence des services frontaliers du Canada avait ouvert des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables des marchandises susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine par la présente que :

  • les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un retard;
  • les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises susmentionnées ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Membres du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant
Diane Vincent, membre
Pasquale Michaele Saroli, membre

Directeur de la recherche : Matthew Sreter

Économiste principal : Simon Glance

Agent principal de la recherche : Josée St-Amand

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Reagan Walker
Nick Covelli

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

Agent de soutien du greffe : Bianca Zamor

PARTICIPANTS :

Conseillers/représentants
National Silicates Partnership Cyndee Todgham Cherniak
Peter Wells
Vincent Gaudreau
Marquis Alliance Energy Group Inc. Darrel H. Pearson
Jesse I. Goldman
Elliot J. Burger
Brad D. Markel
Consulat général de la République islamique du Pakistan Muhammad Usman Chachar
Captain PQ Chemical Industries (PVT) Limited Darrel H. Pearson
Jesse I. Goldman
Elliot J. Burger
Mazhar K. Bangash

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 6 janvier 2012, à la suite d’une plainte déposée le 16 novembre 2011 par National Silicates Partnership (NSP), un partenariat privé entre PQ Canada Company et NSL Potters Canada Company, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait des enquêtes concernant les présumés dumping et subventionnement dommageables de silicate de potassium (ou acide silicique, sel de potassium; verre soluble au potassium; verre soluble à la potasse; verre de silicate de potassium), de toute teneur ou rapport, sous forme solide soluble, notamment en granules, en flocons ou en poudre, originaire ou exporté de la République islamique du Pakistan (Pakistan) (les marchandises en question).

2. Le 9 janvier 2012, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) publiait un avis d’ouverture d’enquête préliminaire de dommage1.

3. Marquis Alliance Energy Group Inc. (Marquis Alliance), un importateur des marchandises en question et un producteur canadien de silicate de potassium liquide, Captain PQ Chemical Industries (PVT) Limited (Captain), un exportateur des marchandises en question, et le Consulat général de la République islamique du Pakistan (Consulat général du Pakistan) s’opposent à la plainte.

4. Le 7 février 2012, le Tribunal demandait à NSP de fournir les renseignements, comme des études ou des plans d’affaires, sur lesquels est fondée une déclaration dans sa plainte publique concernant la viabilité de la production de silicate de potassium solide au Canada. Le 13 février 2012, les documents demandés étaient reçus.

5. Le 7 février 2012, le Tribunal demandait aux parties de présenter des exposés supplémentaires sur la question de savoir quelles marchandises produites au pays sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Plus particulièrement, le Tribunal demandait aux parties de fournir des éléments de preuve et des arguments sur la question de savoir si le silicate de potassium liquide constitue des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. En outre, le Tribunal demandait aux parties de lui fournir une liste des producteurs connus de silicate de potassium liquide. Le 15 février 2012, NSP, Marquis Alliance et Captain déposaient des exposés sur les marchandises similaires. Le 22 février 2012, NSP déposait un exposé en réponse.

6. Le 6 mars 2012, conformément au paragraphe 37.1(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation2, le Tribunal déterminait que les éléments de preuve n’indiquaient pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un retard; le Tribunal concluait, cependant, que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage.

DÉCISION DE L’ASFC D’OUVRIR DES ENQUÊTES

7. Conformément au paragraphe 31(1) de la LMSI, l’ASFC était d’avis que des éléments de preuve indiquaient que les marchandises en question avaient été sous-évaluées et subventionnées et que des éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement avaient causé ou menaçaient de causer un dommage. Par conséquent, l’ASFC ouvrait des enquêtes le 6 janvier 2012.

8. La période visée par l’enquête (PE) de l’ASFC sur le présumé dumping était du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2011. L’ASFC était d’avis que toutes les marchandises en question avaient été sous-évaluées, selon une marge moyenne pondérée estimative de dumping de 35,6 p. 100, exprimée en pourcentage du prix à l’exportation des marchandises en question3.

9. En ce qui concerne le présumé subventionnement, au cours de la même PE, l’ASFC était d’avis qu’environ 75 p. 100 des marchandises en question avaient été subventionnées, selon un montant estimatif global de subventionnement équivalant à 4,1 p. 100 du prix à l’exportation des marchandises en question4.

10. De plus, l’ASFC était d’avis que la marge moyenne pondérée estimative de dumping et le montant estimatif global de subventionnement n’étaient pas minimes et que les volumes estimatifs de marchandises sous-évaluées et subventionnées n’étaient pas négligeables5.

OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS DE RETARD, DE DOMMAGE ET DE MENACE DE DOMMAGE

Partie plaignante

11. NSP soutient que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un retard de la mise en production du silicate de potassium solide au Canada et un dommage à la production du silicate de potassium solide et menacent de causer un dommage à la branche de production nationale du silicate de potassium solide. À l’appui de ses allégations, NSP a déposé des éléments de preuve sur l’augmentation des volumes des marchandises en question, sur les présumées sous-cotation, baisse et compression des prix, sur les pertes de ventes et de part de marché, sur la diminution de la production et de l’utilisation de la capacité, sur le recul possible de l’emploi et sur la chute du rendement du capital investi, de la rentabilité et des marges brutes en raison du dumping et du subventionnement des marchandises en question. NSP soutient avoir aussi enregistré d’importantes pertes de ventes et de part de marché, une baisse et une compression des prix et une diminution de l’utilisation de la capacité, de l’emploi, de la productivité et du rendement du capital investi en ce qui a trait aux produits dérivés, à savoir le silicate de potassium liquide et les fluides de forage. NSP affirme que tout dommage causé à ses produits dérivés a une incidence négative directe sur la production du silicate de potassium solide.

12. NSP allègue que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage. À cet égard, NSP prétend que l’augmentation rapide du volume des importations sous-évaluées et subventionnées à des prix inchangés depuis 2008 constitue une menace imminente de dommage sous forme de compression des prix et d’effritement possible des prix, de pertes de part de marché et de ventes et de diminution de la production, de la rentabilité et de l’emploi à des niveaux inférieurs à ceux qui seraient atteints en l’absence des importations sous-évaluées et subventionnées. NSP affirme également que le fait de ne pas pouvoir mettre en production une branche de production nationale de silicate de potassium solide représente une autre menace de dommage.

Parties qui s’opposent à la plainte

13. Captain et Marquis Alliance soutiennent que rien n’indique, de façon raisonnable, qu’il y a retard, puisqu’il n’a pas été établi que la mise en production d’une branche de production nationale a été retardée ou a cessé, et que NSP n’a pas établi de relation entre les présumés dumping et subventionnement des importations et le retard de la mise en production d’une branche de production nationale.

14. En affirmant que la production de marchandises similaires au Canada n’a pas été établie, Captain et Marquis Alliance prétendent que les allégations de dommage et de menace de dommage de NSP sont prématurées. Captain soutient également que les importations des marchandises en question n’ont pas augmenté subitement et que la hausse des importations en 2010 découle principalement de la fusion, en novembre 2009, entre Marquis Drilling Fluids (Marquis) et Alliance Energy Services (Alliance) pour former Marquis Alliance6. Captain et Marquis Alliance ont aussi indiqué que les importations ont depuis lors diminué, compte tenu que le type et le nombre de forages utilisant des fluides de forage faits à partir de silicate de potassium ont chuté au Canada. Captain affirme également établir les prix de ses produits de façon responsable et rentable et ne s’être jamais servie du dumping ou de la compression des prix pour gagner une part de marché.

15. Le Consulat général du Pakistan soutient que bon nombre des problèmes soulevés à titre de dommage dans la plainte concernent les difficultés types rencontrées par un nouveau venu sur un marché établi. Le Consulat général du Pakistan affirme également que le Pakistan a au moins deux avantages concurrentiels : le faible coût de la main-d’œuvre et la disponibilité des matières premières/ressources naturelles. En outre, il prétend que le Pakistan, en tant que pays en développement, doit jouir d’un traitement spécial, puisque son économie a déjà fortement souffert en raison des catastrophes naturelles récemment survenues et du terrorisme.

ANALYSE

Cadre législatif

16. Le mandat du Tribunal en matière d’enquête préliminaire de dommage est énoncé au paragraphe 34(2) de la LMSI, qui exige du Tribunal qu’il détermine si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou un retard ou menacent de causer un dommage. Pour arriver à sa décision, le Tribunal a tenu compte des facteurs prescrits à l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation7.

17. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit le terme « retard » comme le « [...] retard sensible de la mise en production d’une branche de production nationale » et définit le terme « dommage » comme un « [...] dommage sensible causé à une branche de production nationale ». Il définit également le terme « branche de production nationale » comme suit : « [...] l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises. » Par conséquent, le Tribunal doit déterminer quelles sont les marchandises similaires et quelle est la branche de production nationale qui les produit avant d’examiner les allégations de dommage, de retard ou de menace de dommage.

Marchandises similaires et catégories de marchandises

18. L’ASFC a défini les marchandises en question comme du silicate de potassium (ou acide silicique, sel de potassium; verre soluble au potassium; verre soluble à la potasse; verre de silicate de potassium), de toute teneur ou rapport, sous forme solide soluble, notamment en granules, en flocons ou en poudre, originaire ou exporté du Pakistan. Le Tribunal doit mener son enquête préliminaire de dommage en fonction de cette description de produit.

19. Pour déterminer si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un retard ou un dommage ou menacent de causer un dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires, le Tribunal peut examiner la question de savoir si les marchandises en question constituent une ou plusieurs catégories de marchandises et doit définir la portée des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

20. Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires » par rapport à toutes les autres marchandises de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

21. Le 7 février 2012, le Tribunal demandait aux parties de déposer des exposés sur la portée des marchandises produites au pays qui sont des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Le 15 février 2012, le Tribunal recevait trois exposés sur les marchandises similaires et sur les catégories de marchandises de la part de NSP, de Captain et de Marquis Alliance, respectivement, et le 22 février 2012, un exposé en réponse de NSP.

22. NSP soutient que le silicate de potassium solide produit au pays est identique ou similaire aux marchandises en question et constitue, par conséquent, des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question. Elle affirme que même s’il est vrai que le silicate de potassium solide peut servir d’ingrédient dans la production du silicate de potassium liquide, cela ne signifie pas que les deux produits sont des marchandises similaires. NSP allègue également que le silicate de potassium solide constitue une seule catégorie de marchandises.

23. Captain et Marquis Alliance soutiennent que le silicate de potassium liquide ne constitue pas des marchandises similaires aux marchandises en question et que seul le silicate de potassium solide constitue des marchandises similaires aux marchandises en question. En ce qui concerne la question des catégories de marchandises, Captain et Marquis Alliance affirment que le silicate de potassium solide est composé de trois catégories de marchandises, selon leur forme respective (p. ex. poudre, flocons, verre ou granules), compte tenu que le matériel de dissolution pour la production de silicate de potassium liquide, du moins dans leur cas, est conçu pour des formes particulières de silicate de potassium solide et ne sont pas interchangeables.

24. Sur la question des “marchandises similaires” et des “catégories de marchandises”, l’ASFC déclarait ce qui suit dans son énoncé des motifs :

[25] Le silicate de potassium solide produit par la branche de production nationale concurrence directement les marchandises en cause importées du Pakistan et a les mêmes utilisations ultimes. Les marchandises en cause et les marchandises similaires sont fabriquées à l’aide du même intrant et produites de la même façon en général. Bien que le silicate de potassium solide ait des caractéristiques physiques qui varient (sous forme de flocons, de fragments, de morceaux ou de poudre, etc.), ces produits sont tout à fait interchangeables. Lorsqu’ils sont vendus, ils le sont par les mêmes réseaux de distribution, qu’ils soient des marchandises en cause ou des marchandises similaires, aux mêmes types de clients et, dans de nombreux cas, aux mêmes clients.

[26] Après avoir étudié les questions d’utilisation et de caractéristiques matérielles et tous les autres facteurs pertinents, l’ASFC est d’avis que les marchandises en cause et les marchandises similaires représentent la même catégorie de marchandises8.

25. Pour déterminer quelles sont les marchandises similaires et s’il y a une ou plusieurs catégories de marchandises, le Tribunal tient généralement compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises (comme leur composition et leur apparence) et leurs caractéristiques de marché (comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales et la question de savoir si elles répondent aux mêmes besoins des clients)9.

26. En ce qui concerne la question des catégories de marchandises, le Tribunal a reçu des exposés de Captain et de Marquis Alliance selon lesquels les marchandises en question et les marchandises similaires doivent être considérées comme formées de trois catégories de marchandises. À cet égard, Captain et Marquis Alliance allèguent que le silicate de potassium solide sous forme de poudre, de flocons et de verre ou granules n’est pas interchangeable. Dans son exposé en réponse, NSP affirme être en mesure d’utiliser du silicate de potassium solide sous forme de granules ou de flocons dans son équipement pour dissoudre le silicate de potassium solide afin de produire du silicate de potassium liquide. En outre, NSP soutient que Marquis Alliance n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles les diverses formes de silicate de potassium solide ne sont pas substituables.

27. Selon les éléments de preuve au dossier concernant la question des catégories de marchandises, le Tribunal conclut que le silicate de potassium solide, qu’il soit sous forme de granules, de flocons ou de poudre, constitue une seule catégories de marchandises. D’ailleurs, les éléments de preuve laissent entendre que NSP est en mesure de produire les trois formes de silicate de potassium solide et que celles-ci sont vendues par l’intermédiaire des mêmes circuits de distribution, ont les mêmes utilisations finales et répondent aux mêmes besoins des clients, c’est-à-dire produire du silicate de potassium liquide.

28. En ce qui a trait à la question des marchandises similaires, le Tribunal remarque que les trois parties ont toutes déposé des exposés supplémentaires sur cette question, qui indiquent clairement qu’elles s’entendent sur le fait que le silicate de potassium liquide ne constitue pas des marchandises similaires aux marchandises en question, à savoir le silicate de potassium solide. Les éléments de preuve ne donnent aucune raison au Tribunal de croire le contraire. Par conséquent, le Tribunal conclut que le silicate de potassium solide produit au pays constitue des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

29. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question constituent une seule catégorie de marchandises et que le silicate de potassium solide produit au pays constitue des marchandises similaires par rapport aux marchandises en question.

Branche de production nationale

30. Dans sa décision d’ouvrir les enquêtes, l’ASFC a indiqué que NSP représentait la majeure partie de la production nationale connue de marchandises similaires10. L’ASFC et NSP ont affirmé qu’il n’y avait aucun autre producteur connu de marchandises similaires au Canada11.

31. Par conséquent, le Tribunal conclut que NSP représente une forte proportion de la production nationale des marchandises similaires. Plus particulièrement, le Tribunal conclut que NSP, en tant que seul producteur national connu des marchandises similaires, constitue la branche de production nationale.

Retard

32. NSP soutient que la mise en production d’une branche de production nationale de silicate de potassium solide a été retardée. Elle affirme que la production de silicate de potassium solide a commencé au quatrième trimestre de 2010. NSP allègue que sa production nationale de silicate de potassium solide est caractérisée par des arrêts et des reprises, compte tenu des essais de fonctionnement effectués et des interruptions de la branche de production nationale aux troisième et quatrième trimestres de 2011, afin de modifier le matériel servant à fabriquer le silicate de potassium solide.

33. NSP soutient également avoir pris un engagement important pour la mise en production d’une branche de production nationale de silicate de potassium solide12. Elle allègue avoir acheté des machines et modernisé les installations existantes afin de fabriquer les marchandises similaires de façon plus économique.

34. Bien que Captain et Marquis Alliance ne contestent pas le fait que NSP ait pris un engagement en vue de la mise en production d’une branche de production nationale de silicate de potassium solide, elles soutiennent que rien n’indique un retard, compte tenu qu’aucun élément de preuve quant à un retard ou à une cessation de la mise en production de ladite branche de production n’a été présenté.

35. L’existence d’une branche de production nationale établie est principalement une question de fait. Le Tribunal remarque que selon la LMSI, un retard et un dommage (ou une menace de dommage) sont deux concepts distincts qui s’excluent mutuellement. Selon le Tribunal, un retard est possible seulement en l’absence d’une branche de production nationale établie, alors qu’un dommage ou une menace de dommage est possible seulement en présence d’une branche de production nationale déjà établie. Le Tribunal est d’avis que le début de la production nationale démontre l’établissement d’une branche de production nationale. Dans des décisions antérieures13, le Tribunal a toujours soutenu qu’il ne pouvait y avoir de retard en présence d’une production nationale de marchandises similaires14.

36. À la lumière des éléments de preuve déposés par NSP, la production a commencé à la fin 2010. Depuis lors, les volumes mensuels de production enregistrés au cours de 2011 ont varié, mais, dans l’ensemble, cette production constitue une partie importante des volumes estimatifs du marché national.

37. Par conséquent, selon les éléments de preuve au dossier de la présente enquête préliminaire de dommage, le Tribunal conclut que la production établie de marchandises similaires au Canada fait en sorte que rien n’indique, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un retard à la mise en production d’une branche de production nationale.

Volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées

38. NSP soutient que les importations des marchandises en question ont considérablement augmenté de 2006 à 2010, tant en termes relatifs qu’absolus. Au cours de cette période, les importations ont atteint leur sommet en 2010. NSP affirme que la présence des marchandises sous-évaluées et subventionnées l’a empêchée de prendre part au marché du silicate de potassium solide. En ce qui concerne la part des importations, NSP allègue que l’augmentation des importations sous-évaluées et subventionnées en provenance du Pakistan a déplacé la part des importations en provenance des États-Unis.

39. Captain prétend que les importations des marchandises en question n’ont pas enregistré de hausse soudaine et que l’augmentation des importations en 2010 découle principalement de la fusion de Marquis et d’Alliance en novembre 2009. Captain fait remarquer que les importations ont diminué depuis 2010, compte tenu que le nombre de sites de forage pétrolier et gazier utilisant des fluides de forage faits à partir de silicate de potassium a chuté au Canada.

40. Les données sur les importations compilées par l’ASFC illustrent des tendances semblables à celles fournies par NSP. Ces données montrent que pratiquement toutes les importations de silicate de potassium solide vers le Canada sont originaires du Pakistan ou des États-Unis. De 2009 à 2010, les importations totales ont grimpé de 88 p. 100, principalement en raison des importations des marchandises en question. D’ailleurs, les importations en provenance du Pakistan ont plus que triplé au cours de cette même période. Par la suite, sur une base annualisée pour l’ensemble de 2011, les importations ont considérablement chuté par rapport à 2010. De 2008 jusqu’à la période intermédiaire de 201115, la part des importations totales des marchandises en question est passée de 38 p. 100 à 61 p. 10016.

41. Les importations en provenance des États-Unis ont enregistré une hausse légèrement supérieure à 20 p. 100 de 2009 à 2010, puis chuté en 2011 (sur une base annualisée), atteignant environ un tiers du niveau atteint en 2010. De 2008 jusqu’à la période intermédiaire de 2011, les importations en provenance des États-Unis ont fléchi, passant de 62 p. 100 à 39 p. 100. Les importations en provenance d’autres pays ont été faibles en 2009 et en 201017.

42. La diminution de la présence des importations en provenance des États-Unis a coïncidé avec le début de la production nationale de marchandises similaires.

43. Aux termes de l’alinéa 37.1(1)a) du Règlement, le Tribunal a examiné les importations des marchandises en question par rapport à la production nationale de marchandises similaires. À la lumière des renseignements disponibles, le Tribunal a comparé les importations des marchandises en question provenant du Pakistan aux données sur la production de NSP, pour la période allant de 2009 à septembre 201118. Compte tenu de la hausse des volumes de production nationale au cours de cette période, les ratios des importations des marchandises en question par rapport à la production nationale de marchandises similaires ont chuté considérablement et rapidement.

44. Le Tribunal a également examiné le ratio des importations des marchandises en question par rapport à la consommation nationale de silicate de potassium solide. Le Tribunal a substitué aux données sur la consommation nationale les importations totales de silicate de potassium solide déclarées par l’ASFC pour 2009, 2010 et les trois premiers trimestres de 2011. Le ratio des importations des marchandises en question en provenance du Pakistan par rapport à la consommation nationale de silicate de potassium solide a presque doublé de 2009 à septembre 201119. Le Tribunal est d’avis que l’augmentation du ratio des importations au cours de la période susmentionnée a été considérable.

45. En somme, jusqu’à ce que NSP commence sa production à la fin 2010, les importations représentaient 100 p. 100 du marché national. Compte tenu de la croissance de la production au Canada en 2011, le ratio des importations visées par rapport à la production nationale a diminué et celui des importations visées par rapport à la consommation a augmenté proportionnellement.

46. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que, de 2009 jusqu’à la période intermédiaire de 2011, le volume des importations des marchandises en question a augmenté en termes absolus, que les importations des marchandises en question ont été considérables par rapport à la production nationale de silicate de potassium solide et que les importations des marchandises en question par rapport à la consommation de silicate de potassium solide se sont accrues pour atteindre des niveaux importants en 2009, en 2010 et au cours de la période intermédiaire de 2011.

Incidence sur le prix des marchandises similaires

47. NSP allègue que les importations des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation, une baisse et une compression des prix du silicate de potassium solide produit au pays.

48. NSP soutient que les prix de vente de Captain, le principal exportateur des marchandises en question vers le Canada, sont considérablement inférieurs à ses coûts de production, si on inclut les frais généraux, les frais de vente et les frais d’administration, ainsi qu’un montant raisonnable de bénéfices. NSP allègue que, selon son examen des valeurs unitaires à l’exportation, Captain n’a pas augmenté ses prix entre 2008 et 2011. NSP affirme que ces prix ont présentement un effet de compression sur les prix nationaux. Par conséquent, elle n’a pas été en mesure de recouvrer ses frais de démarrage. À cet égard, NSP a avancé des allégations confidentielles de dommage selon lesquelles elle n’a pas pu augmenter les prix du silicate de potassium solide qu’elle produit. NSP a également présenté une comparaison entre les prix rendus du silicate de potassium solide importé du Pakistan et ceux du silicate de potassium solide produit au pays. Il est allégué que ces prix rendus sont inférieurs à ceux des marchandises similaires.

49. À l’appui de ses allégations de sous-cotation et de baisse des prix, NSP a décrit un cas où elle avait dû réduire le prix imputé du silicate de potassium solide afin de maintenir les ventes de produits dérivés.

50. Captain affirme établir les prix de ses produits de façon responsable et rentable, n’ayant jamais recours au dumping ou à la compression des prix pour gagner une part de marché.

51. Le Tribunal remarque que NSP n’a fourni aucune donnée sur les ventes nationales de silicate de potassium solide et ne peut donc comparer la valeur de vente unitaire nette moyenne des marchandises similaires à la valeur unitaire des importations visées. Cependant, le Tribunal observe que pour chaque période entre 2009 et la période intermédiaire de 2011, les valeurs unitaires à l’exportation des marchandises en question étaient considérablement inférieures à celles des importations en provenance des États-Unis.

52. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve de la présente enquête préliminaire de dommage indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont entraîné une sous-cotation, une baisse et une compression des prix.

Incidence sur la branche de production nationale

53. NSP affirme avoir subi des pertes de ventes et de part de marché et une baisse de la production, de la rentabilité, des marges brutes, de l’emploi, du rendement du capital investi et de l’utilisation de la capacité en raison de la présence des marchandises sous-évaluées et subventionnées.

54. NSP prétend ne pas avoir pu vendre de silicate de potassium solide à Marquis Alliance en 2011 et que, tant que les marchandises sous-évaluées et subventionnées seront offertes à ses clients, elle ne pourra vendre de silicate de potassium solide produit au pays. NSP reconnaît qu’elle ne perdra pas, en soi, de ventes de silicate de potassium solide, mais qu’elle ne pourra commencer à conclure de telles ventes avec des acheteurs canadiens.

55. NSP soutient que la part de marché des importations des marchandises en question a considérablement augmenté par rapport à celle des importations en provenance des États-Unis. Les importations des marchandises en question ont maintenu leur position dominante sur le marché en 2011, après que NSP eut commencé sa production de marchandises similaires. NSP indique que si les clients nationaux n’achètent pas le silicate de potassium solide qu’elle produit ou son produit dérivé, elle n’aura aucune raison de continuer à produire les marchandises similaires au Canada.

56. À l’appui de ses déclarations sur la rentabilité, NSP a présenté un état des résultats concernant les ventes nationales de produits de silicate de potassium de ses usines à Etobicoke (Ontario) et à Whitecourt (Alberta) au cours des neuf premiers mois de 2011.

57. NSP soutient que les marchandises en question ont également une incidence négative sur l’emploi, sur le rendement du capital investi et sur l’utilisation de la capacité. NSP a calculé les taux d’utilisation de la capacité en fonction de l’hypothèse selon laquelle ses importations de silicate de potassium solide en provenance des États-Unis entre 2006 et 2010 avaient été produites au Canada. NSP allègue que les taux d’utilisation de la capacité qu’elle a calculés montrent l’effet négatif des marchandises sous-évaluées et subventionnées. Au cours de la période intermédiaire de 2011, l’utilisation de la capacité est demeurée faible en dépit de la production de silicate de potassium solide établie au Canada.

58. À l’appui de son allégation concernant l’incidence des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur la branche de production nationale, NSP a fourni des données sur le nombre d’emplois menacés en cas d’arrêt de la production de silicate de potassium solide. Elle a également présenté les dépenses en immobilisations engagées afin d’établir la production de silicate de potassium solide au Canada. NSP indique que la présence des marchandises sous-évaluées et subventionnées l’empêchera de profiter de ces investissements de capitaux.

59. Captain et Marquis Alliance soutiennent que le marché canadien du silicate de potassium solide a reculé en raison de changements dans les types de forage et de la diminution de l’activité de forage dans la branche de production pétrolière et gazière. Selon Captain, le marché du silicate de potassium solide et de ses produits dérivés a chuté de 91 p. 100 entre 2005 et 2011.

60. Compte tenu des éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal observe que le rendement de NSP depuis qu’elle a commencé à produire du silicate de potassium solide peut avoir été inférieur à celui dont elle aurait pu s’attendre normalement. Le lien entre le rendement de NSP et les importations sous-évaluées et subventionnées est une question qui devra être examinée plus en détail au cours d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI, si l’ASFC conclut, dans sa décision provisoire, que les marchandises en question ont fait l’objet de dumping et/ou de subventionnement.

61. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage à la branche de production nationale.

Autres facteurs

62. NSP affirme ne pas estimer que le dommage ou la menace de dommage qu’elle allègue soit attribuable à d’autres facteurs. Elle reconnaît que la situation de l’économie nord-américaine et les conditions météorologiques dans l’Ouest canadien influent sur le nombre de puits de pétrole et de gaz forés au cours d’une saison de forage. Toutefois, NSP soutient que n’eût été du dumping et du subventionnement des marchandises en question, elle aurait eu l’occasion de vendre du silicate de potassium solide produit au pays à des sociétés de services pétrolières et gazières.

63. Comme indiqué précédemment, Captain et Marquis Alliance soutiennent que le marché canadien du silicate de potassium solide et de ses produits dérivés a considérablement chuté entre 2005 et 2011 en raison du nombre et des types de puits qui étaient forés. En outre, Captain met en doute la logique de NSP de situer la production de silicate de potassium solide à Etobicoke plutôt que plus près à la fois des sources de matières premières et du marché de ses produits.

64. Le Tribunal est d’avis que le fait que la situation de l’économie nord-américaine et les conditions météorologiques dans l’Ouest canadien puissent influer sur la branche de production nationale de marchandises similaires n’infirme pas sa conclusion selon laquelle, dans l’ensemble, les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage. Ce n’est que dans le cadre d’une enquête menée aux termes de l’article 42 de la LMSI que le Tribunal sera en mesure d’évaluer pleinement si des facteurs autres que les marchandises sous-évaluées et subventionnées ont causé un dommage à la branche de production nationale.

CONCLUSION

65. Compte tenu de l’analyse qui précède, le Tribunal détermine que les éléments de preuve n’indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un retard. Toutefois, le Tribunal détermine que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping et le subventionnement des marchandises en question ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage.


1 . Gaz. C. 2012.I.79.

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

3 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-05, dossier administratif, vol. 1C à la p. 296.

4 . Ibid. à la p. 301.

5 . Ibid. aux pp. 296, 301.

6 . Voir pièce du Tribunal PI-2011-003-13.03, dossier administratif, vol. 3 au para. 37. Voir aussi pièce du Tribunal PI-2011-003-02.01, dossier administratif, vol. 1 à la p. 36.

7 . D.O.R.S./84-927.

8 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-05, dossier administratif, vol. 1C à la p. 292.

9 . Voir par exemple Raccords de tuyauterie en cuivre (19 février 2007), NQ-2006-002 (TCCE) au para. 48.

10 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-05, dossier administratif, vol. 1C à la p. 292.

11 . Ibid. à la p. 288; pièce du Tribunal PI-2011-003-02.01, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 52-53.

12 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-03.01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 14-15, 121-123.

13 . Voir par exemple Isolant en fibre de verre pour tuyaux (19 novembre 1993), NQ-93-002 (TCCE) à la p. 25; Caissons pour puits de pétrole et de gaz (4 juillet 2001), RR-2000-001 (TCCE) à la p. 13; Ail frais (21 mars 1997), NQ-96-002 (TCCE) à la p. 20.

14 . Quand il examine des éléments de preuve concernant le présumé retard de la mise en production d’une branche de production nationale, le Tribunal reconnaît que les nouvelles branches de production, à l’étape du démarrage de la production commerciale, puissent être particulièrement vulnérables à un retard de la production commerciale viable parce que leurs coûts de production initiaux sont généralement plus élevés. D’ailleurs, la situation particulière du démarrage est déjà reconnue dans la LMSI, bien que dans un contexte différent. Plus particulièrement, l’article 23.1 de la LMSI et le paragraphe 13.1(2) du Règlement reconnaissent qu’il peut s’avérer nécessaire de faire certains ajustements en calculant les valeurs normales des producteurs qui sont à l’étape initiale de la production commerciale. Cependant, ce n’est pas le cas en l’espèce, puisque les éléments de preuve indiquent que la production des marchandises similaires de NSP au Canada est grandement supérieure à la consommation nationale.

15 . La période intermédiaire de 2011 représente la période de janvier à septembre.

16 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-05, dossier administratif, vol. 1C à la p. 294.

17 . Ibid.

18 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-03-01 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux pp. 49, 50; pièce du Tribunal PI-2011-003-03-02 (protégée), dossier administratif, vol. 2D à la p. 56.

19 . Pièce du Tribunal PI-2011-003-05, dossier administratif, vol. 1C à la p. 294.