PANNEAUX DE BÉTON

Réexamens relatifs à l'expiration (paragraphe 76.03)


PANNEAUX DE BÉTON, RENFORCÉS D'UN FILET DE FIBRE DE VERRE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET PRODUITS PAR OU POUR LE COMPTE DE CUSTOM BUILDING PRODUCTS, SES SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT, QUI SONT UTILISÉS OU CONSOMMÉS DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE OU DANS LA PROVINCE DE L'ALBERTA
Réexamen relatif à l'expiration no RR-2001-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 26 juin 2002

Réexamen relatif à l'expiration no RR-2001-004

EU ÉGARD À un réexamen relatif à l'expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 27 juin 1997, dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004, concernant les :

PANNEAUX DE BÉTON, RENFORCÉS D'UN FILET DE FIBRE DE VERRE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET PRODUITS PAR OU POUR LE COMPTE DE CUSTOM BUILDING PRODUCTS, SES SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT, QUI SONT UTILISÉS OU CONSOMMÉS DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE OU DANS LA PROVINCE DE L'ALBERTA

ORDONNANCE

Le 15 octobre 2001, le Tribunal canadien du commerce extérieur a donné avis qu'il procéderait, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, au réexamen relatif à l'expiration des conclusions qu'il a rendues le 27 juin 1997, dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004, concernant les panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de verre, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et produits par ou pour le compte de Custom Building Products, ses successeurs et ayants droit, qui sont utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique ou dans la province de l'Alberta.

Dans le cadre de son réexamen, le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que la demande en Alberta et en Colombie-Britannique est maintenant satisfaite, dans une mesure substantielle, par des producteurs de marchandises similaires situés ailleurs au Canada. Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut donc que la Colombie-Britannique et l'Alberta ne constituent plus un marché régional et que la condition préalable nécessaire pour rendre une décision aux termes du paragraphe 76.03(10) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, c.-à-d. que l'expiration des conclusions rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004 causera vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale, n'est plus satisfaite.

Aux termes du sous-alinéa 76.03(12)a)(ii) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule par la présente les conclusions qu'il a rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004 concernant les marchandises susmentionnées.



Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre présidant


James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Ellen Fry

Ellen Fry
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 27 juin 1997, dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004.

Date de l'ordonnance et des motifs :

Le 26 juin 2002

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

James A. Ogilvy, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Simon Glance

   

Économistes :

Geneviève Chaloux

 

Ihn Ho Uhm

   

Préposé aux statistiques :

Marie-Josée Monette

   

Conseillers pour le Tribunal :

Reagan Walker

 

Lynne Soublière

   

Agent du greffe :

Natalie Lowe

   

Participants :

 

Victoria Bazan

 

pour

Bed-Roc Industries Limited

     
   

(producteur national)

     
   

Jeffrey S. Thomas

   

Angus M. Gunn

   

Michael Scott Kerwin

 

pour

Custom Building Products of Canada Ltd.

     
   

Denis Gascon

 

pour

Westroc Inc.

     
   

Riyaz Dattu

   

Orlando E. Silva

 

pour

CGC Inc.

     
   

(importateur/exportateur/autre partie)

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen relatif à l'expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 , des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 27 juin 1997, dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004, concernant les panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de verre, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et produits par ou pour le compte de Custom Building Products, ses successeurs et ayants droit, qui sont utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique dans la province de l'Alberta.

Le 24 août 2001, le Tribunal a fait publier un avis d'expiration aux termes du paragraphe 76.03(2) de la LMSI, avisant les parties intéressées de l'expiration, le 26 juin 2002, des conclusions qu'il a rendues le 27 juin 19972 .

Le 15 octobre 2001, le Tribunal a diffusé un avis de réexamen relatif à l'expiration, conformément au paragraphe 76.03(3) de la LMSI. Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) a donc ouvert une enquête le 16 octobre 2001 pour déterminer si l'expiration des conclusions susmentionnées causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en question. Dans le cadre de son enquête, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) a envoyé des questionnaires aux producteurs, aux distributeurs, aux importateurs et aux exportateurs de panneaux de béton et autres panneaux d'appui pour carreaux.

Le 12 février 2002, aux termes de l'alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, l'ADRC a déterminé que l'expiration des conclusions causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises en question.

Le 19 avril 2002, le Tribunal a donné avis de l'annulation de l'audience publique qui devait se tenir le 6 mai 2002 à Vancouver (Colombie-Britannique).

Le dossier du présent réexamen relatif à l'expiration comprend tous les documents pertinents, y compris le Rapport protégé du réexamen relatif à l'expiration de l'ADRC et l'Énoncé des motifs de l'ADRC, ainsi que les pièces justificatives, les réponses publiques et protégées aux questionnaires du Tribunal et de l'ADRC, ainsi que les rapports public et protégé préalables aux audiences tenues dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004 et du présent réexamen. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées; seuls les avocats ou autres conseillers qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d'engagement en matière de confidentialité ont eu accès aux pièces protégées.

PRODUIT

Définition et description du produit

Les panneaux de béton, communément appelés panneaux d'appui pour carreaux, servent surtout dans l'industrie du bâtiment comme panneaux sur lesquels sont fixés les carreaux de céramique autour des douches, des baignoires et des autres endroits humides et comme sous-couches pour les parquets et les dessus de comptoir de carreaux en céramique, en ardoise ou en marbre. Ils servent aussi de revêtement extérieur ainsi que de pare-feu et de protection de plancher autour des foyers, des poêles à bois et des appareils de chauffage.

Procédé de fabrication

Bed-Roc Industries Limited (Bed-Roc), le seul producteur sur le marché régional de panneaux de béton en Colombie-Britannique et en Alberta, produit des panneaux de béton en mettant un cadre de métal sur une forme de fibre de verre à l'intérieur duquel elle dépose le filet de fibre de verre. Un coulis de ciment est répandu, en une couche mince et uniforme, sur le filet de fibre de verre qui est ensuite coupé à la longueur voulue. Le mélange de base, formé de quantités précises d'agrégats, de ciment et d'eau, est étendu à la truelle dans le panneau, après quoi un deuxième filet de fibre de verre est déposé sur le mélange. Enfin, un coulis de ciment est répandu sur le filet de fibre de verre, qui est alors coupé à la longueur voulue. Tout au long du processus de production, les panneaux sont soumis à divers contrôles de qualité, dont l'objet est d'éliminer les défauts et de vérifier que les panneaux produits ont l'épaisseur requise. Les panneaux finis, laissés à vieillir pour la nuit dans une salle de séchage, reçoivent les empreintes d'identification du produit et sont cerclés sur des palettes de 20 ou 40 feuilles. Bed-Roc fabrique les panneaux en diverses dimensions et épaisseurs, mais le gros de sa production est constitué de panneaux de 3 pi x 5 pi et de 7/16 po d'épaisseur.

PROCÉDURES PRÉCÉDENTES

Sommaire des conclusions rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004

Bed-Roc a prétendu que le dumping des marchandises en question avait causé et menaçait de causer un dommage sensible. Custom Building Products of Canada Ltd. (Custom Canada), un importateur, et Custom Building Products (Custom États-Unis), l'exportateur désigné, avaient plaidé en faveur de conclusions d'absence de dommage et d'absence de menace de dommage.

Relativement aux considérations liées au marché régional, le Tribunal a remarqué que Bed-Roc était le seul producteur de marchandises similaires en Colombie-Britannique et en Alberta et qu'elle vendait toute sa production de marchandises similaires dans ces deux provinces. Unifix Inc. (Unifix), de Bromont (Québec), qui était le seul autre producteur national de panneaux de béton au Canada, ne vendait aucune part de sa production de panneaux de béton en Colombie-Britannique ou en Alberta. Par conséquent, le Tribunal a conclu que la Colombie-Britannique et l'Alberta constituaient un marché régional aux fins de l'enquête.

Dans l'examen de la question de savoir s'il y avait concentration d'importations sous-évaluées sur le marché régional, le Tribunal a fait observer que l'application des deux critères, à savoir le critère de la distribution et le critère du ratio, portait à conclure à une concentration d'importations sous-évaluées sur le marché régional.

Dans l'examen du dommage, il a été constaté que, selon les éléments de preuve, Bed-Roc, malgré son avantage au chapitre du transport, n'avait eu qu'une participation marginale à la robuste croissance de la demande sur le marché. Bien qu'elle ait pu maintenir ses volumes de vente, elle n'avait pu le faire qu'à un coût considérable. De l'avis du Tribunal, Bed-Roc avait été victime du jeu des réductions de prix déclenchées par Custom Canada et auquel CGC Inc. (CGC), un importateur de marchandises non visées dans l'enquête, avait réagi. Bed-Roc, qui avait demandé le prix le plus bas sur le marché régional, avait été forcée de baisser ses prix encore plus pour contrer ces réductions de prix. L'effet de cet effritement de prix et de cette compression de prix se voyait nettement dans les résultats financiers déclarés par Bed-Roc pour son exercice 1997, qui montrait que les recettes et les marges bénéficiaires brutes avaient fléchi et que Bed-Roc avait subi une perte nette considérable. Les éléments de preuve indiquaient aussi que Bed-Roc avait subi un dommage relativement à sa capacité d'investir dans le nouveau matériel et les nouveaux systèmes et que les nouveaux investissements prévus pour 1997 avaient été retardés et étaient compromis, à moins d'un retournement des résultats financiers de la société.

Le Tribunal a aussi examiné les allégations selon lesquelles le dommage subi par Bed-Roc avait été causé par des facteurs autres que le dumping, y compris les prétentions que Bed-Roc était une société à produit unique et que son produit ne répondait pas à la demande du marché. Il a aussi été allégué que Bed-Roc n'offrait pas le même niveau de marketing et d'appui à la clientèle que Custom Canada et CanWel Distribution Ltd. (un distributeur des marchandises en question) et que les gains de marché de CGC avaient été un facteur important de tout dommage subi par Bed-Roc. Enfin, Custom Canada a allégué que la perte du client Home Depot par Bed-Roc et les prix de vente de Home Depot avaient joué considérablement sur le rendement de la branche de production nationale.

Dans l'ensemble, le Tribunal a reconnu que ces autres facteurs avaient joué un rôle sur le rendement de Bed-Roc pendant la période visée par l'enquête. Cependant, leurs effets, de l'avis du Tribunal, avaient été minimes en comparaison avec l'effet dommageable sensible causé par le dumping.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Au cours du présent réexamen, le Tribunal a reçu des éléments de preuve qui indiquaient que la Colombie-Britannique et l'Alberta pouvaient ne plus satisfaire aux conditions nécessaires pour constituer un « marché régional ». Les données obtenues dans le cadre de l'enquête du Tribunal ont révélé que le marché régional avait commencé à être approvisionné par Unifix3 depuis les conclusions de 1997.

Étant donné que le volume des ventes déclaré par Unifix soulevait des questions sur la persistance de l'existence d'un marché régional, le Tribunal a demandé qu'Unifix lui fournisse des renseignements supplémentaires sur la participation de cette dernière sur le marché régional et que les parties lui fournissent des exposés à cet égard4 .

Le 27 mars 2002, le Tribunal a aussi demandé que les parties lui fournissent des exposés sur la question de savoir s'il existait présentement un marché régional constitué de l'Alberta et de la Colombie-Britannique au sens du paragraphe 2(1.1) de la LMSI. Bed-Roc et Custom Canada ont fait parvenir des exposés à cet égard au Tribunal.

Bed-Roc

Dans ses exposés, Bed-Roc a renvoyé le Tribunal à la définition de « marchandises similaires » au paragraphe 2(1) de la LMSI. Elle a d'abord prétendu que, étant donné la définition de « marchandises similaires », les marchandises fabriquées par Unifix n'étaient pas des « marchandises similaires » relativement aux panneaux de béton produits par Bed-Roc et que le Tribunal ne pouvait pas inclure les marchandises susmentionnées dans son analyse aux fins de l'application des critères d'un marché régional. Plus précisément, Bed-Roc a prétendu qu'il y avait des différences importantes entre ses produits et les marchandises en question dans le présent réexamen, des points de vue de la composition, de la taille et de l'utilisation finale. Elle a prétendu que les produits d'Unifix étaient en ciment modifié par polymères et non en ciment Portland comme les produits de Bed-Roc et de Custom États-Unis. Bed-Roc a en outre prétendu que les marchandises en question n'étaient offertes qu'en largeur de 36 po, tandis que certains des produits d'Unifix étaient offerts en largeur de 48 po, une dimension qui convient mieux aux applications pour panneau de revêtement. Enfin, Bed-Roc a soutenu que certains des produits d'Unifix étaient souples et convenaient aux applications d'appui pour toiture et à d'autres applications pour surface courbe. Bed-Roc a soutenu que ces différences militaient en faveur d'une conclusion que la totalité ou une partie des produits vendus par Unifix n'étaient pas des « marchandises similaires » au sens du paragraphe 2(1).

Renvoyant le Tribunal aux critères d'analyse de l'existence d'un marché régional énoncés au paragraphe 2(1.1) de la LMSI, Bed-Roc a prétendu que la demande sur le marché régional en question n'avait pas été satisfaite dans une mesure substantielle par Unifix. Elle a prétendu que la première condition pour qu'un marché régional soit réputé exister était satisfaite étant donné qu'elle a vendu la quasi-totalité de sa production sur le marché régional durant la période visée par l'enquête. Bed-Roc a ajouté que la deuxième condition énoncée au paragraphe 2(1.1) était satisfaite si certains produits vendus par Unifix étaient éliminés aux fins de l'application du critère d'analyse de l'existence d'un marché régional puisqu'ils n'étaient pas des « marchandises similaires ». Enfin, elle a prétendu que, si une partie ou la totalité des produits d'Unifix étaient inclus aux fins de l'application du critère d'analyse susmentionné, la deuxième condition énoncée au paragraphe 2(1.1) de la LMSI était satisfaite à la lumière d'un examen approfondi de la portée de l'expression « mesure substantielle ».

Custom Canada

Custom Canada a prétendu que les produits d'Unifix étaient des « marchandises similaires » au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI. Elle a ajouté que la LMSI ne prescrivait pas que lesdits produits soient identiques à tous égards pour que deux produits soient réputés être des « marchandises similaires ». Les caractéristiques physiques, leur méthode de fabrication, l'établissement des prix, les circuits de distribution et les utilisations finales sont au nombre des facteurs pris en considération pour déterminer quelles sont les « marchandises similaires ». Custom Canada a aussi renvoyé le Tribunal à l'exposé des motifs de la décision rendue dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004, qui soulignait qu'Unifix était un producteur de marchandises similaires. Elle a prétendu que les produits d'Unifix n'avaient pas changé depuis lors et qu'ils demeuraient des « panneaux de béton renforcés d'un filet de fibre de verre ». Custom Canada a aussi affirmé, sans concéder ce point, qu'il était possible de prétendre que les produits souples d'Unifix étaient différents des « marchandises similaires », mais a ajouté qu'ils n'auraient pas d'incidence sur le pourcentage de part de marché d'Unifix puisqu'ils étaient les volumes minimes desdits produits.

Custom Canada a aussi prétendu qu'Unifix satisfaisait à la demande sur le marché régional constitué de la Colombie-Britannique et de l'Alberta dans une mesure substantielle et que, par conséquent, le marché régional n'existait plus. Elle a invoqué des décisions précédentes du Tribunal dans lesquelles il avait été conclu que des marchés régionaux n'existaient plus lorsqu'il y avait des entrées de marchandises en provenance d'autres régions du Canada dans une proportion de 11,5 à 29 p. 1005 . Custom Canada a prétendu qu'il n'existait plus de marché régional au sens du paragraphe 2(1.1) de la LMSI étant donné que la part de marché d'Unifix se situait dans la fourchette susmentionnée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le commissaire a déterminé, aux termes du paragraphe 76.03(7) de la LMSI, que l'expiration des conclusions concernant les marchandises en question causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping des marchandises. Suite à une telle décision du commissaire, le Tribunal doit décider, aux termes du paragraphe 76.03(10), si l'expiration des conclusions à l'égard des marchandises en question causera vraisemblablement un dommage ou un retard. En l'espèce, le Tribunal doit d'abord déterminer quelles sont les « marchandises similaires » pour décider de la question de marché régional.

Marchandises similaires

Le Tribunal doit décider quelles marchandises de production nationale sont des « marchandises similaires » aux marchandises en question.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires », par rapport à toutes les autres marchandises, de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause,
b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

Le commissaire a défini les marchandises en question comme étant des panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de verre.

Dans l'examen de la question de marchandises similaires, le Tribunal examine habituellement divers facteurs, y compris les caractéristiques physiques des marchandises, comme leur apparence, leur méthode de fabrication, les caractéristiques du marché, comme le caractère substituable, l'établissement des prix et les circuits de distribution, et la question de savoir si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients. Dans Sarco Canada c. Le Tribunal antidumping 6 , la Cour d'appel fédérale a admis la démarche du Tribunal antidumping, aux fins de l'analyse des marchandises similaires, dans le cadre de laquelle le Tribunal antidumping a déclaré ce qui suit :

la question de savoir si des marchandises sont « semblables » doit être établie par des études de marché. Ces marchandises se font-elles directement concurrence? Visaient-elles les mêmes consommateurs? Ont-elles, du point de vue fonctionnel, le même usage final? Répondent-elles aux mêmes besoins? Peut-on les substituer l'une à l'autre?7

Le Tribunal antidumping avait aussi examiné les caractéristiques physiques, y compris la ressemblance et la dissemblance des marchandises, pour déterminer s'il s'agissait de marchandises similaires. Si les marchandises étaient considérées comme facilement substituables, on pouvait être porté à les envisager comme étant des marchandises similaires.

Dans ses exposés sur la question de l'existence d'un marché régional, Bed-Roc a prétendu qu'une partie ou la totalité des panneaux de béton produits par Unifix et vendus en Colombie-Britannique et en Alberta n'étaient pas des marchandises similaires. Elle a soutenu que certains produits contenaient du ciment modifié par polymères plutôt que du ciment Portland comme les produits utilisés par Custom États-Unis et Bed-Roc. Elle a ajouté que d'autres produits fabriqués par Unifix étaient présentés dans des dimensions différentes de celles des marchandises en question et ne convenaient donc pas à d'autres utilisations finales que les panneaux d'appui pour carreaux. En outre, Bed-Roc a soutenu que certains autres produits vendus par Unifix étaient différents des marchandises en question et de son propre produit, puisqu'ils étaient des panneaux de béton souples.

Dans l'examen de la question de marchandises similaires, le Tribunal remarque que la définition des marchandises en question, c.-à-d. des panneaux de béton renforcés d'un filet de fibre de verre, a un caractère général étant donné qu'elle ne comprend ni description de la taille et de la composition, ni aucune autre définition technique. Selon les éléments de preuve dont dispose le Tribunal, les utilisations finales des panneaux de béton produits par Unifix et celles des marchandises en question sont les mêmes ou sont semblables8 .

Le Tribunal estime donc qu'il serait difficile d'exclure les produits d'Unifix de la définition des marchandises similaires sur la foi de la taille ou de la composition et il conclut que tous les panneaux de béton renforcés d'un filet de fibre de verre, produits au Canada et vendus sur le marché régional, sont des marchandises similaires aux marchandises en question. Bien qu'ils ne soient pas identiques aux marchandises en question, ces panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de verre, de production nationale, ont des caractéristiques physiques qui sont très proches de celles des marchandises en question et leurs utilisations finales, d'une façon générale, sont les mêmes. Le Tribunal conclut donc que les produits d'Unifix sont des marchandises similaires.

Existence d'un marché régional

Le paragraphe 2(1.1) de la LMSI précise les circonstances dans lesquelles une branche de production nationale peut être fondée sur un marché régional. Le paragraphe 2(1.1) porte ce qui suit :

Dans des circonstances exceptionnelles, le territoire canadien peut, en ce qui concerne la production de marchandises, être divisé en deux ou plusieurs marchés régionaux, et les producteurs de marchandises similaires à l'intérieur de chacun de ces marchés sont réputés constituer une branche de production nationale distincte, si, à la fois :
a) ils vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production de marchandises similaires sur ce marché;
b) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs de marchandises similaires situés ailleurs au Canada.

Si l'un ou l'autre des deux critères susmentionnés n'est pas satisfait, il ne peut alors être conclu qu'un marché régional existe.

La première condition pour qu'il soit possible de conclure à l'existence d'un marché régional se rapporte à la sortie de marchandises similaires du marché régional. Le marché régional sur lequel la plainte a été fondée se limitait à la Colombie-Britannique et à l'Alberta. Il ressort clairement des éléments de preuve qu'il y a eu peu d'expéditions de panneaux de béton produits sur le marché régional et vendus ailleurs au Canada9 . Le Tribunal conclut donc que la première condition est satisfaite.

La deuxième condition se rapporte à l'entrée, sur le marché régional, de marchandises similaires en provenance du reste du Canada. Comme l'indiquent les éléments de preuve, les ventes sur le marché régional faites par des producteurs canadiens situés ailleurs que dans la région en question ont représenté plus du cinquième du marché régional apparent en 2000 et durant la période du 1er janvier au 30 septembre 200110 .

Dans de telles circonstances, le Tribunal est d'avis que la demande sur le marché régional est satisfaite dans une mesure substantielle par un producteur situé ailleurs au Canada. Même si le Tribunal devait accueillir l'observation de Bed-Roc selon laquelle certaines des marchandises produites par Unifix et importées sur le marché régional n'étaient pas des marchandises similaires, ce que le Tribunal n'est pas disposé à faire, le volume des marchandises entrant sur le marché régional en provenance du reste du Canada serait encore tel que le Tribunal estimerait que la demande sur ce marché est satisfaite dans une mesure substantielle par un producteur de marchandises similaires situé ailleurs au Canada.

Bed-Roc a prétendu que, même s'il devait être conclu qu'une partie ou la totalité des produits d'Unifix étaient des marchandises similaires, la deuxième condition énoncée au paragraphe 2(1.1) de la LMSI serait satisfaite à la lumière d'un examen approfondi de ce qui constitue une demande substantielle. Elle a soutenu que la demande doit être mesurée selon le contexte particulier à chaque cas. La demande peut être substantielle en fonction du pourcentage de la demande satisfaite sur le marché, mais aussi en fonction du nombre de clients dont la demande est satisfaite. Selon l'observation de Bed-Roc, sur un tel fondement, la demande satisfaite à partir des ventes d'Unifix se limitait à quelques clients, ce qui milite en faveur d'une conclusion que la demande n'a pas été satisfaite dans une mesure substantielle.

Selon les éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal, le nombre de clients d'Unifix, relativement aux panneaux de béton en Colombie-Britannique et en Alberta, était limité11 . Le Tribunal prend note que le marché apparent des panneaux de béton a été mesuré au niveau des distributeurs ou grossistes du circuit de distribution, un niveau où les producteurs et les importateurs se livrent habituellement concurrence pour obtenir des ventes. Toutefois, il reconnaît que la demande de panneaux de béton est une demande dérivée de l'activité dans le secteur de la construction, où se fait l'utilisation finale dans le cas de ce produit. Les données sur les ventes aux distributeurs et aux grossistes constituent des données de remplacement qui traduisent bien cette demande. Le fait que la demande de panneaux de béton soit satisfaite à partir de ventes à un petit nombre de grands distributeurs ou grossistes ou qu'elle le soit à partir d'un secteur des services davantage fragmenté n'est pas, de l'avis du Tribunal, un indice qu'un producteur ou un importateur satisfait, dans une mesure substantielle ou non, à la demande du produit.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la demande de panneaux de béton en Colombie-Britannique et en Alberta est satisfaite dans une mesure substantielle par un producteur de marchandises similaires situé ailleurs au Canada et qu'il n'existe plus de marché régional aux fins du présent réexamen. Le Tribunal conclut donc à l'absence de fondement qui justifierait de rendre une décision aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI sur la question de la vraisemblance d'un dommage ou d'un retard.

CONCLUSION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal, aux termes du sous-alinéa 76.03(12)a)(ii) de la LMSI, annule par la présente les conclusions qu'il a rendues le 27 juin 1997, dans le cadre de l'enquête no NQ-96-004, concernant les panneaux de béton, renforcés d'un filet de fibre de verre, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et produits par ou pour le compte de Custom Building Products, ses successeurs et ayants droit, qui sont utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique ou dans la province de l'Alberta.

1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [ci-après LMSI].

2 . Gaz. C. 2001.I.3295.

3 . Rapport protégé préalable à l'audience, 25 mars 2002, pièce du Tribunal RR-2001-004-06 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 25.

4 . Pièce du Tribunal RR-2001-004-20.02A (protégée), dossier administratif, vol. 4.2 aux pp. 17-19.

5 . Certaines barres d'armature, barres et profilés de construction, en acier au carbone, laminés à chaux (1987), 15 C.E.R. 253 (TCI); Urée solide (1987), 15 C.E.R. 277 (TCI); Boisson de malt (2 décembre 1994) RR-94-001 (TCCE).

6 . [1979] 1 C.F. 247.

7 . Ibid. aux p. 251-252.

8 . Pièce du Tribunal RR-2001-004-50, dossier administratif, vol. 1 à la p. 90.

9 . Rapport protégé préalable à l'audience, 25 mars 2002, pièce du Tribunal RR-2001-004-06 (protégée), dossier administratif, vol. 2A à la p. 25.

10 . Ibid.

11 . Pièce du Tribunal RR-2001-004-20.02A dossier administratif, vol. 4.2 à la p. 16.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 26 juin 2002