JAMBON EN CONSERVE ET PAIN DE VIANDE DE PORC EN CONSERVE

Réexamens (article 76)


JAMBON EN CONSERVE, EN BOÎTE DE MOINS DE 1,5 KILOGRAMME CHACUNE, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DU DANEMARK ET DES PAYS-BAS; ET PAIN DE VIANDE DE PORC EN CONSERVE CONTENANT, AU POIDS, PLUS DE 20 P. 100 DE PORC, POUR LEQUEL UNE SUBVENTION A ÉTÉ PAYÉE DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT PAR LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE
Réexamen no : RR-89-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 16 mars 1990

Réexamen no : RR-89-003

EU ÉGARD À un réexamen en conformité avec l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation du rapport émis par le Tribunal antidumping le 7 août 1984 concernant le :

JAMBON EN CONSERVE, EN BOÎTE DE MOINS DE 1,5 KILOGRAMME CHACUNE, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DU DANEMARK ET DES PAYS-BAS; ET PAIN DE VIANDE DE PORC EN CONSERVE CONTENANT, AU POIDS, PLUS DE 20 P. 100 DE PORC, POUR LEQUEL UNE SUBVENTION A ÉTÉ PAYÉE DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT PAR LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE

O R D O N N A N C E

Conformément à l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a effectué un réexamen du rapport émis par le Tribunal antidumping le 7 août 1984, sur lequel étaient basés les décrets C.P.1984-2791 et C.P. 1984-2792, demeurés en vigueur et réputés être demeurés en vigueur en conformité avec l'article 115 du Tarif des douanes [L.R., chap. 41 (3e suppl.)] en tant que conclusions rendues le 1er décembre 1984 en application de l'article 43 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par la présente, les conclusions susmentionnées, sans modification.

Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Il faut déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger les conclusions du Tribunal antidumping concernant les marchandises susmentionnées.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge les conclusions susmentionnées. L'industrie demeure vulnérable à la reprise des importations subventionnées non compensées en raison de la sensibilité au prix du produit, et du niveau élevé actuel des subventions à l'exportation qui accorderait aux importateurs un avantage important sur le prix, ce qui conduirait à une réduction importante du volume des ventes, de l'érosion des prix et de la baisse de la rentabilité pour les deux producteurs nationaux.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : Le 11 décembre 1989
Date des conclusions et
des motifs : Le 16 mars 1990

Membres du jury : Sidney A. Fraleigh, membre présidant
John C. Coleman, membre
Arthur B. Trudeau, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy
Avocat général : Louise Sabourin-Hébert, c.r.
Agent de la recherche : Richard Cossette
Préposés aux statistiques : Margaret Saumweber,
Robert Larose
Commis à l'inscription
et à la distribution : Molly C. Hay


Participants : G.P. MacPherson et
Suzette C. Cousineau
pour le Conseil des viandes du Canada
Canada Packers Inc.
et Gainers Inc.

(Parties plaignantes)


Témoins : Harvey J. Holinski, vice-président
Consumer Processed Foods,
Canada Packers Inc.

Randy R. Richards, gérant
Grocery Products Division,
Gainers Inc.

Serge Kalashnik, contrôleur
Consumer Processed Foods,
Canada Packers Inc.


Veuillez envoyer toutes vos communications à l'adresse suivante :

Le secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Immeuble Journal sud
20e étage
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE RÉSUMÉ

Il s'agit d'un réexamen, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI) mené par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), du rapport émis par le Tribunal antidumping le 7 août 1984 et se rapportant au jambon en conserve et au pain de viande en conserve susmentionnés. Dans ce rapport, le Tribunal antidumping a conclu que les subventions à l'exportation visant les importations en cause, dont le montant était élevé, permettaient d'augmenter suffisamment l'écart entre le prix des produits intérieurs et des produits importés pour provoquer une baisse de la fidélité des consommateurs pour les produits nationaux. Les importations subventionnées ont donc accaparé une part importante du marché, faisant perdre des ventes de produits de qualité supérieure et de qualité secondaire aux producteurs nationaux et empêchant l'industrie de récupérer des niveaux de rentabilité insatisfaisants qu'elle a connus en 1982 et en 1983. Il a été conclu que, sans mesures compensatoires, une détérioration accentuée du rendement de l'industrie était probable.

Quant au présent réexamen, les éléments de preuve indiquent que les importations de jambon en conserve et de pain de viande en conserve ont diminué sensiblement au cours des dernières années et que les producteurs canadiens ont repris leur part du marché et la rentabilité qu'ils avaient perdues au début des années 80 aux dépens des importations subventionnées. Cependant, l'industrie nationale demeure très vulnérable au préjudice sensible que causeraient les importations subventionnées non compensées si la décision était annulée, en raison de la sensibilité au prix des produits et du niveau élevé actuel des subventions à l'exportation. Ainsi, les importateurs bénéficieraient d'un avantage monétaire marqué sur le marché advenant l'annulation des conclusions, et il en résulterait probablement une réduction importante du volume des ventes, l'érosion des prix et une baisse de la rentabilité pour les deux producteurs nationaux. Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que la décision se rapportant au jambon en conserve et au pain de viande en conserve doit être prorogée sans modification.

LE CONTEXTE

Le présent réexamen est mené en vertu de l'article 76 de la LMSI et porte sur le rapport du Tribunal antidumping du 7 août 1984 sur le jambon en conserve en boîte de moins de 1,5 kg chacune, originaire ou exporté du Danemark et des Pays-Bas; et le pain de viande de porc, en conserve contenant, au poids, plus de 20 p. 100 de porc, pour lequel une subvention a été payée directement ou indirectement par la Communauté économique européenne (CEE), dans l'enquête no GIC-1-84, au cours de laquelle le Tribunal antidumping a conclu que l'importation desdites marchandises subventionnées avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises de cette classe ou de cette espèce.

Après avoir reçu le rapport du Tribunal antidumping, le gouverneur en conseil a pris, le 8 août 1984, deux décrets, C.P. 1984-2791 et C.P. 1984-2792, en conformité avec le paragraphe 7(1) du Tarif des douanes. Ces décrets imposent des droits additionnels d'un montant égal à la subvention sur les marchandises en question.

La LMSI a été modifiée par l'article 115 du Tarif des douanes le 1er janvier 1988 pour que les décrets du gouverneur en conseil pris en vertu du paragraphe 7(1) du Tarif des douanes soient jugés avoir été pris en vertu de l'article 43, sous réserve de réexamen, par la suite, en vertu de l'article 76 de la LMSI.

En conformité avec l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen du rapport et a publié un avis de réexamen le 29 septembre 1989. L'avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 7 octobre 1989.

Dans le cadre de son réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés à tous les fabricants canadiens et à certains importateurs des marchandises en question. D'après les réponses obtenues et d'autres renseignements, les agents de la recherche du Tribunal ont rédigé, avant l'audience, des rapports public et protégé se rapportant au réexamen. Le dossier du réexamen comporte aussi tous les documents pertinents, incluant les conclusions initiales, l'avis de réexamen et les parties publique et protégée des questionnaires. Toutes les pièces à l'appui publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées et les pièces protégées, aux avocats indépendants seulement.

Des audiences publiques et à huis clos se sont tenues à Ottawa (Ontario) le 11 décembre 1989.

Le Conseil des viandes du Canada, une association commerciale, était représent 9‚ par des avocats à l'audience et a présenté des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions.

Canada Packers Inc. (Canada Packers), un fabricant, était représentée par des avocats à l'audience et a présenté des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions.

Gainers Inc. (Gainers), un autre fabricant des marchandises en question, était aussi représentée par des avocats à l'audience et a présenté des éléments de preuves et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions.

Aucun importateur des marchandises en question n'a participé aux procédures.

LE PRODUIT

Les produits à l'étude dans cette cause sont décrits dans la décision du Tribunal antidumping comme suit :

a) jambon en conserve, en boîte de moins de 1,5 kg chacune, originaire ou exporté du Danemark et des Pays-Bas; et

b) pain de viande de porc en conserve contenant, au poids, plus de 20 p. 100 de porc, pour lequel une subvention a été payée directement ou indirectement par la CEE.

Le jambon en conserve provient de la patte postérieure du porc. Il est précuit, stable à la température ambiante et constitue un aliment-service que les consommateurs achètent depuis de nombreuses années. Il est vendu au détail dans des boîtes de moins de 1,5 kg (environ 3,3 lb.) de trois dimensions : 425 g (15 oz.), 454 g (1 lb.) et 680 g (1,5 lb.). Le jambon en boîte de 1,5 kg et plus est vendu à l'industrie des services alimentaires et ne fait pas l'objet du réexamen.

Le pain de viande de porc en conserve, qui est défini avec précision par le Règlement sur les aliments et drogue, sert principalement de garniture de sandwich et est vendu aux magasins de détail en boîtes rectangulaires de 340 g (12 oz.). Ce produit, dont la demande est de nature saisonnière, est vendu en plus petite quantité entre juin et septembre.

Les producteurs nationaux vendent le jambon en conserve et le pain de viande en conserve aux détaillants sous leurs marques nationales. Des promotions et des escomptes sont offerts aux détaillants afin de maximiser les ventes. Les producteurs peuvent également vendre ce produit sous leurs marques maisons à des prix inférieurs à ceux du produit de qualité supérieure. Le prix moins élevé du produit de marque maison s'explique par sa formulation différente et par l'absence de publicité à son égard, alors que le produit de marque nationale nécessite une publicité constante.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Le Conseil des viandes du Canada, au nom de ses membres, qui comprend Canada Packers et Gainers, était la partie plaignante au moment de l'enquête initiale. Burns Meats Ltd. (Burns) et Montalban Enterprises Ltd. (Montalban) appuyaient la plainte. Depuis la décision, des changements importants ont ébranlé l'industrie : Montalban a cessé la production depuis un certain nombre d'années et Canada Packers a acheté, en 1984, les marques de produits de viande en conserve et le matériel de production de Burns. Un autre producteur de jambon en conserve, F.W. Fearman Company, Limited, a cessé la production en 1987. Finalement, le gouvernement de l'Alberta a récemment acheté Gainers, une société privée.

Canada Packers, le plus grand producteur national de viandes préparées au Canada, participe à trois grands segments de l'industrie, soit les produits de viande (64 p. 100 des ventes y compris les marchandises en question), les aliments apprêtés (16 p. 100 des ventes) et les produits non alimentaires (20 p. 100 des ventes). Elle effectue des opérations à l'extérieur du Canada, surtout en ce qui concerne les produits de viande.

Les opérations de traitement du porc de Canada Packers nécessitent l'abattage et la préparation des porcs qui sont découpés puis vendus en pièces fraîches ou congelées sur les marchés nationaux et étrangers, ou utilisés comme matière première dans les opérations de préparation des viandes. Ces dernières nécessitent un traitement additionnel du porc et d'autres matières premières et permettent d'obtenir des produits tels le bacon, le jambon et les saucisses fumées. Toutes les viandes en conserve sont produites dans une seule installation située à Toronto. Les produits de viande en conserve comprennent le jambon en conserve, le paleron de porc en conserve, le pain de viande et les flocons de viande. La mise en marché du jambon en conserve à l'intention du secteur du détail est effectuée par le propre personnel de vente de l'entreprise, sous les marques de commerce «Maple Leaf» et «Maple Leaf Lean and Tender». Les pains de viande sont mis en marché sous les étiquettes «Klik» et «Kam». Les anciennes marques de Burns sont maintenant produites et vendues par Canada Packers. Il y a le jambon en conserve, vendu sous l'étiquette «Pride of Canada» et les pains de viande, vendus sous les étiquettes «Spork» et «Roy-All». Ces dernières marques sont considérées comme des produits de deuxième qualité et se vendent habituellement en fonction de leur prix seulement.

Gainers, une société privée, était la propriété exclusive de Pocklington Foods Inc. jusqu'en 1987. Elle a été vendue au gouvernement de l'Alberta en octobre 1989.

Malgré les changements de propriétaires, Gainers continue la fabrication des marchandises en question à Edmonton. Le jambon en conserve produit par Gainers est mis en marché sous l'étiquette «Swift Premium». Les marques de pains de viande produites et vendues par Gainers sont «Co-op», «Prem» et «Holiday». Gainers distribue ses produits par l'entremise de distributeurs alimentaires.

Canada Packers et Gainers produisent actuellement la totalité de la production nationale des marchandises en question.

LE RÉSUMÉ DU RAPPORT DE 1984

Le Conseil des viandes du Canada et quatre producteurs importants des marchandises en question, Burns, Canada Packers, Gainers et Montalban, ont déclaré que les importations de jambon en conserve, de paleron de porc en conserve et de pain de viande de porc en conserve originaires du Danemark et des Pays-Bas n'auraient pas pu prendre une telle part du marché sans les subventions de la CEE. Cette perte de la part du marché s'était manifestée sous forme de réduction des ventes, et de baisse de production, du nombre d'emplois, des marges brutes et des bénéfices nets.

Pour déterminer s'il y avait préjudice sensible, le Tribunal antidumping a examiné l'impact des importations subventionnées sur la production au Canada de chacun des produits en question. Dans le cas du paleron de porc en conserve, le Tribunal antidumping n'a pas conclu au préjudice sensible causé par les importations.

Le jambon en conserve

Le Tribunal antidumping a constaté que le marché a accusé une baisse annuelle d'environ 5 p. 100 au cours des 10 ans précédant la décision. Cette réduction de la demande et les fluctuations qui se sont produites au cours de la période sont vraisemblablement attribuables à la nature d'aliment-service du produit, qui faisait face à une concurrence très forte sur le grand marché des garnitures de sandwich, et aux changements des goûts des consommateurs en matière d'alimentation.

En 1981, l'industrie nationale accaparait 95 p. 100 du marché, soit une hausse de 2 p. 100 par rapport à 1980. En 1982, les prix de la matière première ont augmenté de façon marquée, et la hausse a touché le prix du jambon en conserve canadien. Ce relèvement des prix a conduit à la diminution de 23 p. 100 du marché. Ces résultats défavorables n'étaient pas attribuables aux importations, mais aux majorations de prix du jambon en conserve canadien, ce qui a creusé le fossé entre les prix du produit national et du jambon en conserve danois et hollandais importé.

En 1983, l'écart entre les prix s'est élargi et la fidélité des consommateurs au produit national ne suffisait plus. Malgré la hausse de 29 p. 100 du marché depuis 1982, l'industrie canadienne n'a pas réussi à profiter de la croissance et a même connu une chute des ventes de plus d'un tiers de million de livres. La totalité de la progression du marché a été comblée par les importations des Pays-Bas. Même si les importations du Danemark n'ont accaparé qu'une faible part du marché, le volume des importations de cette source a grimpé de façon marqué par rapport à l'année précédente.

Le Tribunal antidumping a conclu que la subvention avait permis d'élargir le fossé entre les prix de façon à atténuer la fidélité du consommateur au produit canadien. Sans la subvention en 1983, l'écart de prix serait revenu à un niveau qui aurait permis aux producteurs nationaux, de garder leur position dominante sur le marché.

Le Tribunal antidumping a conclu qu'en 1983, l'industrie nationale a été empêchée de récupérer du rendement insatisfaisant de 1982. De même, la détérioration s'est poursuivie en 1984. Le Tribunal antidumping a conclu qu'en l'absence de mesures compensatoires, le rendement de l'industrie canadienne continuerait de se détériorer.

À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal antidumping a conclu que les importations subventionnées de jambon en conserve en question avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible.

Le pain de viande de porc en conserve

Ce marché a baissé d'une moyenne d'environ 5 p. 100 annuellement au cours des 10 années précédant les conclusions. Cette réduction était attribuable à l'influence grandissante des points de vente d'aliments-minute et à la multiplication des produits de remplacement, dont les aliments de type «charcuterie».

Au début des années 80, les producteurs canadiens dominaient le marché, accaparant une part de 97 p. 100. En 1982, suite à la hausse marquée des prix de la viande de porc, l'écart entre les prix des produits nationaux et des produits danois et hollandais s'est élargi. Les pains de viande importés en question ont gagné chacun quatre points de part du marché, réduisant la part des producteurs canadiens à un peu moins de 90 p. 100.

Le Tribunal antidumping a noté que les ventes de pain de viande de qualité supérieure effectuées par l'industrie ont à peine été touchées par les importations, mais que ce sont les produits de marque secondaire qui ont subi le gros de la réduction de la part du marché. Même si l'industrie a perdu une part du marché, elle a augmenté son chiffre d'affaires et ses marges brutes en faisant assumer les augmentations des coûts aux consommateurs.

En 1983, les prix moyens canadiens ont augmenté légèrement alors que les prix moyens des importations ont diminué. L'écart de prix s'est donc creusé, de sorte que la fidélité des consommateurs, qui constituait un coussin protégeant les produits de qualité supérieure de l'industrie en 1982, ne suffisait plus à compenser l'écart de prix. Le Tribunal antidumping a constaté que l'industrie semblait avoir perdu un plus gros volume de vente de produits de qualité supérieure que de qualité secondaire. Au total, l'industrie a perdu 13 points sur le marché en raison des importations du Danemark et des Pays-Bas. Les importations des Pays-Bas connaissaient une meilleure performance, par rapport au Danemark, en raison des bas prix. Le prix des importations du Danemark était néanmoins inférieur au prix des pains de viande canadien de qualité supérieure et de qualité secondaire.

Le Tribunal antidumping a conclu que les producteurs nationaux ont subi un préjudice sensible au dépens des importations subventionnées en provenance des Pays-Bas et du Danemark en 1983. De plus, si l'écart de prix n'était pas réduit par l'application de droits compensateurs, les ventes de pain de viande de qualité supérieure, qui étaient d'importance capitale, continueraient de chuter et les ventes de produits de qualité secondaire de l'industrie seraient éliminées du marché.

En conséquence, le Tribunal antidumping a conclu que les importations subventionnées de pain de viande en question avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible.

LA POSITION DE L'INDUSTRIE

Quant au réexamen en cours, les avocats représentant le Conseil des viandes du Canada, Canada Packers et Gainers ont soutenu que tout était en place pour une répétition de ce qui s'était produit lorsque le Tribunal antidumping a conclu qu'il y avait préjudice sensible causé par les importations subventionnées de jambon en conserve et de pain de viande en conserve. En effet, tous les éléments pour un retour rapide à l'importation de produits subventionnés comme source d'approvisionnement sont là, en commençant par les grandes surfaces comme K-Mart et Zellers et en poursuivant avec les produits à étiquettes particulières vendus par les épiceries et éventuellement finiraient par toucher les marques renommées vendues aux épiceries.

Les circonstances actuelles pourraient, selon les producteurs, donner lieu à ce qui s'est produit avant l'arrivée des importations subventionnées. Le rendement financier est bon, cela est attribuable non seulement aux conclusions, mais à des circonstances imprévues, surtout les fluctuations du prix de la matière brute (le porc), prix qui est bas depuis deux ans. Ces prix ont commencé à monter, ce qui, il a été soutenu, se répercutera directement sur la marge bénéficiaire des producteurs des marchandises en question. De même, le dollar canadien est plus fort face aux devises européennes, ce qui réduit le prix des importations des pays en cause.

Les avocats ont aussi allégué que les importateurs ont une tendance naturelle à passer au fournisseur dont le produit est le moins coûteux. Les importateurs qui achètent actuellement des pays à bas prix comme la Roumanie pourraient facilement revenir aux pays en question si les droits compensateurs étaient abolis. De plus, les marques de commerce des produits importés sont bien établis sur le marché. Selon l'industrie, les consommateurs adopteraient facilement ces produits importés s'ils revenaient en quantité sur les étagères.

Finalement, les avocats ont soutenu que le montant des subventions à l'exportation au Danemark et dans les Pays-Bas a été réduit à des niveaux très bas dans les années qui ont suivi la décision. Cependant, depuis 1986, les taux des subventions ont augmenté de façon marquée, de sorte que, définies en dollars canadiens, elles sont aussi élevées, sinon plus, qu'à n'importe quel moment depuis la décision.

Pour toutes ces raisons, les avocats ont allégué que la prorogation des conclusions est appropriée, voire nécessaire pour empêcher le retour imminent du préjudice sensible aux producteurs nationaux.

L'EXAMEN DE LA PREUVE

Le jambon en conserve

Le marché canadien apparent du jambon en conserve en question a chuté, passant de sept millions de livres en 1980 à environ six millions de livres en 1984, année des conclusions, et il est demeuré relativement stable à ce chiffre depuis ce temps.

La part du marché des producteurs nationaux de jambon en conserve avait diminué sensiblement au cours des deux ans qui ont précédé les conclusions de 1984. Cependant, depuis la décision, celle-ci s'est améliorée de quelque 17 points, reprenant en fait la plupart des pertes qu'elle a subi aux dépens des importations subventionnées en 1983 et 1984. La part du marché occupée par les importations des pays en question a chuté de façon marquée dans l'année qui a suivi la décision, est demeurée faible en 1986, a augmenté temporairement en 1987, mais connaît un recul depuis. Elle est d'ailleurs très minime à l'heure actuelle. Les importations des pays non visés par la décision, notamment la Roumanie et la Yougoslavie, ont remplacé le Danemark et les Pays-Bas au cours des dernières années en tant que principales sources d'importation du jambon en conserve.

Selon les données présentées par les producteurs nationaux, il y a eu très peu d'augmentation de prix au cours des dernières années. Depuis 1985, Canada Packers a augmenté ses prix courants du jambon en conserve seulement une fois, alors que Gainers a procédé à deux augmentations. Ces majorations de prix étaient modestes et un peu en deçà de la hausse de L'indice des prix à la consommation. Les deux producteurs nationaux ont à peu près les mêmes prix courants.

Les ventes de jambon en conserve de Canada Packers ont été rentables pendant l'exercice de 1986, mais la société a connu des pertes pendant l'exercice suivant. Les opérations sont redevenues rentables en 1988, et la société a constaté une augmentation des profits nets avant impôts au cours des deux derniers exercices. Dans le cas de Gainers, les profits nets avant impôts exprimés en pourcentage des ventes nettes ont augmenté régulièrement de 1986 à 1988. Par contre, le taux des profits nets a baissé un peu en 1989, même si les ventes de jambon en conserve sont demeurés rentables.

Les données sur l'exécution reçues de Revenu Canada montrent que le montant de la subvention de base à l'exportation de la CEE sur les expéditions de jambon en conserve en provenance des pays en question a atteint un creux en mai 1985, mais qu'elle a grimpé de façon marquée depuis. Les niveaux actuels des subventions à l'exportation pour le Danemark et les Pays-Bas, exprimés en dollars canadiens, sont plus élevés que les niveaux qui étaient en vigueur au moment des conclusions.

Le pain de viande en conserve

Le marché canadien apparent du pain de viande en question a chuté de près de six millions de livres entre 1980 et 1984. Le marché a continué sa dégringolade dans les deux années qui ont suivi la décision, a augmenté de 15 p. 100 en 1987, mais diminue légèrement depuis. En 1988, le marché se situait à environ 13 millions de livres, légèrement à la hausse par rapport à l'année de la décision (12,3 millions de livres), mais de beaucoup en deçà du total de 1980, 18,2 millions de livres.

La part combinée des producteurs nationaux, sans doute aidée par l'imposition des droits compensateurs a augmenté de 20 points depuis la décision. Ils ont donc retrouvé la part importante qu'ils accaparaient au début des années 80. Par contre, les importations en provenance des pays en question ont diminué en volume absolu et en pourcentage du marché depuis la décision, surtout au cours des 18 derniers mois. Les importations des pays non visés sont pratiquement inexistantes sur le marché depuis la décision.

Canada Packers a augmenté ses prix courants du pain de viande en conserve une fois seulement depuis mai 1985. Gainers, par contre, a procédé à une augmentation marginale (dans le cas du «Prem») et à une diminution marginale (dans le cas de «Holiday»). Une comparaison des prix entre les industries, permet d'établir que les prix courants de Gainers ont été inférieurs à ceux de Canada Packers pendant presque toute la période, même s'ils sont équivalents pour les boîtes de 454 g (l lb.) et 680 g (1,5 lb.).

Les niveaux de subvention à l'exportation pour le pain de viande en conserve suivent sensiblement le modèle tracé dans le cas du jambon en conserve, c'est-à-dire très peu élevés dans les années qui ont suivi la décision du Tribunal antidumping, les taux les plus bas étant enregistrés en mai 1985, et augmentant sensiblement depuis ce temps. Les montants actuels des subventions pour les deux pays en question, exprimés en dollars canadiens, sont plus élevés que les montants en vigueur au moment des conclusions.

L'ÉTUDE DU PRÉJUDICE SENSIBLE

Le Tribunal doit, dans le présent réexamen, évaluer si l'industrie est vulnérable à une reprise sans restriction des importations subventionnées et s'il est probable que l'octroi de subventions dans ces deux pays va se poursuivre. Même s'il existe de nombreux points communs entre les deux catégories de produits, le Tribunal a jugé bon d'examiner les éléments de preuve présentés de façon distincte pour chaque catégorie de produit.

Le jambon en conserve

Depuis la décision de 1984, les producteurs ont collectivement augmenté leur production et leurs ventes, repris la presque totalité du marché perdu au début des années 80 aux dépens des importations subventionnées, et leurs opérations sont de nouveau rentables.

Au cours de la même période, les hausses de prix ont été plutôt rares et peu élevées, en raison de la concurrence entre les producteurs nationaux et les produits à bas prix de deux pays de l'Europe de l'Est sur le marché.

Même si l'industrie semble s'être bien remise financièrement, les profits ne sont pas exceptionnels. Les bas prix du porc et une réduction des autres dépenses ont aussi aidé à améliorer la situation.

Le Tribunal considère que l'industrie est encore vulnérable à la reprise des importations subventionnées non compensées pour plusieurs raisons. Les augmentations de prix, peu nombreuses et relativement modestes, traduisent probablement la forte concurrence sur le marché et le bas prix des matières premières aux cours des dernières années. Une reprise des importations subventionnées non compensées causerait une plus grande pression à la baisse sur les prix. De plus, les chaînes alimentaires sont moins fidèles aux produits de marques connues, le meilleur prix étant maintenant le facteur déterminant pour ces détaillants. Le secteur non alimentaire, incluant les grandes surfaces comme K-Mart et Zellers, est encore plus sensible aux prix que le secteur alimentaire, et beaucoup moins fidèle à une marque. Comme preuve de cette sensibilité, la seule augmentation de prix effectuée par Canada Packers depuis la décision s'est soldée par une baisse marquée du volume des ventes à ce secteur.

Le Tribunal est aussi d'avis que les importateurs ont une tendance naturelle à passer au produit le moins coûteux. Un gros importateur a, par exemple, décidé de s'approvisionner d'un pays de l'Europe de l'Est, lorsque les prix des produits des Pays-Bas ont été trop élevés et a mis en marché le produit sous la même marque de commerce. Il n'est pas le seul à procéder ainsi. Par ailleurs, toujours selon le Tribunal, les détaillants ont tendance à s'approvisionner chez le fournisseur qui offre le meilleur prix. Le témoin de Gainers a déclaré que sa société avait pu obtenir des commandes pour des produits de marques privées de détaillants qui s'approvisionnaient antérieurement aux Pays-Bas. Ces détaillants changent souvent de fournisseurs et reviendraient probablement à la source d'approvisionnement la moins coûteuse, dès que cela serait possible.

D'après le Tribunal, le facteur le plus important dans le réexamen en cours, est le niveau de la subvention à l'exportation visant le jambon en conserve. Il existe, selon le Tribunal, un lien direct entre le niveau de la subvention à l'exportation et le préjudice que subirait l'industrie si les conclusions étaient annulées. Le montant de la subvention à l'heure actuelle, soit environ 40 cents la livre, est au moins aussi élevé qu'au moment de la décision et représente un pourcentage important (entre 15 et 25 p. 100) du prix de gros du produit. Pour le Tribunal, il ne fait aucun doute que l'importance de la subvention par rapport au prix de gros, accorderait aux importateurs un avantage marqué sur le marché s'il y avait annulation des conclusions. L'impact serait immédiat dans le cas des marques achetées pour le prix et les marques de distribution, ce qui nuirait ultérieurement aux marques de qualité supérieure, en raison de l'érosion de la fidélité au cours des dernières années.

Le Tribunal fait remarquer que les importations subventionnées de jambon en conserve ont vite accaparé une part importante du marché dans l'année qui a précédé la décision, soit 1983. Afin d'évaluer l'importance des pertes prévues si les conclusions étaient annulées, compte tenu du niveau actuel des subventions, le Tribunal a interrogé en détail chaque producteur sur la réduction en pourcentage de volume durant l'année qui a mené à la décision du Tribunal antidumping, et les réductions du volume prévues compte tenu de la situation financière actuelle. D'après les chiffres présentés, le Tribunal conclut qu'il y aurait une réduction notable des ventes, et donc, une chute marquée de la rentabilité pour les deux producteurs nationaux. Le Tribunal considère que le données fournies sont raisonnables et illustrent bien les conséquences de l'annulation des conclusions sur le rendement financier de l'industrie, étant donné que les taux de subvention actuels sont, tout au moins, aussi élevés que les taux en vigueur à l'époque.

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal est d'avis que les conclusions se rapportant au jambon en conserve en question en boîte de moins de 1,5 kg doivent être prorogées, sans modification.

Le pain de viande en conserve

Le Tribunal note que les éléments de preuve soumis et les arguments présentés dans le cas du pain de viande en conserve sont souvent similaires à ceux qui s'appliquent au jambon en conserve. Ensemble, les producteurs nationaux ont augmenté la production et les ventes, repris essentiellement la part du marché perdue au début des années 80 et constaté une amélioration de la rentabilité depuis la décision. Les hausses de prix sont rares et peu élevées, ce qui démontrent la concurrence féroce entre les producteurs nationaux. Le niveau des subventions à l'exportation des pays en question a aussi suivi de près les tendances décrites dans le cas du jambon en conserve. Malgré ces facteurs communs, le Tribunal doit déterminer certains points pertinents au pain de viande en conserve avant de préciser s'il y a lieu de proroger les conclusions.

Bien que le rendement financier de l'industrie du pain de viande en conserve ait été assez bon au cours des dernières années, et ait, en fait, dépassé les niveaux de rendement du jambon en conserve, le marché est dépendant, dans une certaine mesure, de circonstances qu'on retrouve dans le marché du jambon en conserve, surtout les bas prix de la matière brute (par exemple les prix du porc). Selon les éléments de preuve les prix sont bas depuis 1987, mais un revirement est prévu prochainement. Si les prix du porc montent, les coûts de production grimperont aussi et les marges bénéficiaires des marchandises en cause chuteront à moins que les producteurs ne réussissent, mieux que par le passé, à faire monter les prix.

Le secteur du pain de viande en conserve est aussi vulnérable, d'après le Tribunal, que le marché du jambon en conserve, face aux importations subventionnées non compensées. Le taux actuel des subventions à l'exportation exprimé en devises canadiennes est actuellement plus élevé que le taux en vigueur au moment des conclusions du Tribunal antidumping, et s'établit à 25 cents la livre ou 20 cents la boîte. La subvention est, toute proportion gardée, aussi élevée que la subvention versée actuellement à l'égard du jambon en conserve étant donné le prix de vente moins élevé du pain de viande en conserve. Les prix indiqués par Canada Packers dans son témoignage démontrent que sans l'application des droits compensateurs, le taux actuel des subventions aurait, en fait, accordé un avantage certain aux importateurs sur le marché du pain de viande en conserve. Étant donné la sensibilité aux prix de certains détaillants, le Tribunal n'hésite pas à conclure qu'un tel écart de prix favoriserait beaucoup les exportateurs des pays de la CEE. Il en résulterait une perte des ventes en volume, accompagnée d'une pression à la baisse sur les prix et d'une chute marquée de la rentabilité. En raison du taux élevé de la subvention à l'exportation et l'ampleur de l'impact sur le rendement de l'industrie, le Tribunal est d'avis que la réduction des ventes du pain de viande en conserve serait sensiblement la même que dans l'année qui a précédé la décision, soit 1983; année où le Tribunal constate que les importations subventionnées en provenance des pays en question représentaient le quart de la consommation. Les deux producteurs nationaux ont présenté une estimation de l'impact financier sur les opérations courantes advenant une chute des ventes de l'ampleur de la réduction connue en 1983 lorsque les importations subventionnées entraient au Canada sans restriction. Selon le Tribunal, les chiffres qui en ressortent laissent croire qu'il y aurait réduction marquée du volume de ventes et de rentabilité pour les deux producteurs nationaux.

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal est d'avis que la décision se rapportant au pain de viande en conserve en cause doit être prorogée, sans modification.


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Publication initiale : le 22 août 1997