TURBINES HYDRAULIQUES ET ALTERNATEURS ÉLECTRIQUES

Réexamens (article 76)


TURBINES HYDRAULIQUES ORIGINAIRES DE L'UNION DES RÉPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIÉTIQUES; TURBINES HYDRAULIQUES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU JAPON OU DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET INTRODUITES SUR LE MARCHÉ CANADIEN PAR UN FABRICANT, UN PRODUCTEUR, UN VENDEUR OU UN EXPORTATEUR AU JAPON OU EN SON NOM; ET ALTERNATEURS ÉLECTRIQUES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE L'ITALIE ET DU JAPON
Réexamen no : RR-89-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 19 juin 1990

Réexamen no : RR-89-004

EU ÉGARD À un réexamen en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation des conclusions de préjudice sensible du Tribunal antidumping rendues le 27 juillet 1976, le 29 février 1980, le 14 juillet 1983 et le 7 septembre 1984 concernant des :

TURBINES HYDRAULIQUES ORIGINAIRES DE L'UNION DES RÉPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIÉTIQUES; TURBINES HYDRAULIQUES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU JAPON OU DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET INTRODUITES SUR LE MARCHÉ CANADIEN PAR UN FABRICANT, UN PRODUCTEUR, UN VENDEUR OU UN EXPORTATEUR AU JAPON OU EN SON NOM; ET ALTERNATEURS ÉLECTRIQUES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE L'ITALIE ET DU JAPON

O R D O N N A N C E

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, en vertu des dispositions de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé à un réexamen des conclusions de préjudice sensible concernant :

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 27 juillet 1976 au sujet des turbines hydrauliques devant produire de l'énergie électrique, ne comprenant pas les turbines du genre bulbe, originaires de l'Union des républiques socialistes soviétiques, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-76, prorogées le 19 août 1983 dans le cadre du réexamen no ADT-4B-76;

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 29 février 1980 au sujet des alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation, originaires ou exportés du Japon, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-79;

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 14 juillet 1983 au sujet des alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation, originaires ou exportés de l'Italie, dans le cadre de l'enquête no ADT-8-83. Plus précisément, l'expression "composantes" désigne notamment les pièces de rechange; et

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 7 septembre 1984 au sujet des turbines hydrauliques ou pièces composantes d'origine de même que les pièces de rechange et les roues de remplacement, servant à produire de l'énergie électrique, y compris tous les accessoires encastrés, stationnaires et tournants, que ces marchandises soient importées séparément ou non, mais à l'exclusion des actionneurs à contrôle par régulateur et des clapets d'admission des turbines, originaires ou exportées du Japon ou originaires ou exportées de la République populaire de Chine et introduites sur le marché canadien par un fabricant, producteur, vendeur ou exportateur au Japon ou en son nom, dans le cadre de l'enquête no ADT-9-84.

Conformément au paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule par les présentes, en date du 19 juin 1990, les conclusions mentionnées ci-dessus du 27 juillet 1976, du 29 février 1980, du 14 juillet 1983 et du 7 septembre 1984.

Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre présidant


Robert J. Bertrand, c.r.
_________________________
Robert J. Bertrand, c.r.
Membre


W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Doit-on annuler ou proroger, avec ou sans modification, les conclusions du Tribunal antidumping concernant les marchandises mentionnées ci-dessus? - Demande du marché national - Politiques d'achat des sociétés provinciales de services publics.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions ci-dessus mentionnées. La protection substantielle qu'offrent aux fabricants canadiens Hydro-Québec et d'autres sociétés provinciales de services publics et d'excellentes perspectives de la demande nationale assurent aux fabricants canadiens un marché soutenu pendant les années 1990. En outre, le Tribunal n'a pu déceler que peu de signes d'une tendance à recourir au dumping de la part des pays cités.

Lieu de l'audience : Ottawa, Ontario
Dates de l'audience : Du 15 au 19 janvier 1990
Date de l'ordonnance et motifs : Le 18 juin 1990

Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant
Robert J. Bertrand, c.r., membre
W. Roy Hines, membre

Directeur de la recherche : Marcel Brazeau
Agents de la recherche : Richard Cossette et André Renaud
Commis à la distribution et
à l'inscription : Lillian E. Pharand


Participants : John M. Coyne, c.r.
pour GE Canada
MIL Tracy (division du Groupe MIL) et
DBS Escher Wyss

(fabricants)
John J.B. Gilliland
et Kevin S.S. Kucey
pour V/O Energomachexport
Bering Electric Company Ltd.
et E.S. Fox Limited

(importateurs)
Richard S. Gottlieb,
Donald J. Goodwin
et Richard H. Pragnell
pour The Japan Electrical
Manufacturers' Association et
Fuji Electric Co., Ltd.

(exportateurs/associations)

Témoins :

Gordon E. Drew
Gestionnaire
Développement des marchés
Hydro - GE Canada

Robert C. Parkinson
Directeur
Bureau régional du Manitoba
MIL Tracy

Keith G. Pomeroy
Vice-président et gestionnaire
Commercialisation
DBS Escher Wyss

Walter R. Fell
Vice-président et gestionnaire
Systèmes hydro-électriques et services
GE Canada

A.J. Mettler
Gestionnaire - Finances
DBS Escher Wyss

Jacques C. Daignault
Vice-président - Marketing
MIL Tracy

John E. Eastwood
Directeur
The Bering Company

Kevin G. Rickatson
Gestionnaire de projet
E.S. Fox Limited

Sumio Miyakawa
Directeur gestionnaire
The Japan Electrical Manufacturers' Association

Hisakichi Okamoto
Directeur
Gérant général
Contentieux
Fuji Electric Co., Ltd.

Kazuo Kazumi
Président
Sampole Enterprises Inc.

Mieko Kondo
Interprète de conférence

Veuillez adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Il s'agit d'un réexamen mené par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) des conclusions de préjudice sensible concernant certaines turbines hydrauliques et certains alternateurs électriques, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI). En procédant au réexamen des conclusions, le Tribunal a cherché à répondre à deux questions essentielles : quelle sera la tendance à recourir au dumping si les conclusions sont annulées et dans quelle mesure l'industrie nationale est-elle vulnérable à la reprise du dumping des marchandises visées?

En ce qui concerne la vulnérabilité de l'industrie nationale, le Tribunal a noté qu'à la lumière des prévisions de l'industrie de même que de celles de son personnel, les carnets de commande des fabricants canadiens, GE Canada, MIL Tracy et DBS Escher Wyss dans le cas des turbines et GE Canada et MIL Tracy dans le cas des alternateurs, pour du matériel servant à produire de l'énergie électrique, étaient passablement mieux remplis pour la période de 1990 à 1995 qu'ils ne l'étaient pendant les années 80. De plus, à cause des politiques d'achat d'Hydro-Québec et Ontario Hydro, les fabricants étrangers se verraient interdire la plupart des chantiers hydro-électriques prévus pendant la prochaine décennie. Le Tribunal a conclu que l'amélioration des commandes prévues pour les années 90 et la protection substantielle découlant des politiques d'achat provinciales, jointes aux bons résultats des sociétés canadiennes sur les marchés étrangers et au taux élevé d'utilisation des usines, démontraient que l'industrie canadienne n'était pas vulnérable aux importations sous-évaluées.

En ce qui concerne la tendance à recourir au dumping, le Tribunal a relevé que les fabricants japonais de turbines et d'alternateurs n'avaient pas exporté au Canada pendant que les conclusions applicables étaient en vigueur. Le Tribunal n'a décelé aucun signe évident de la part des fabricants japonais d'un besoin impérieux d'accroître le taux d'utilisation de leurs usines et a remarqué que les sociétés canadiennes avaient précédemment connu du succès face aux sociétés japonaises sur les marchés d'exportation.

En ce qui a trait aux importations de turbines de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le Tribunal a attaché de l'importance à la création récente d'une entreprise commune entre The Bering Electric Company des États-Unis et des fabricants soviétiques de turbines, grâce à laquelle cette entreprise commune obtenait les droits de distribution de la technologie hydro-électrique soviétique en Amérique du Nord. Le Tribunal a estimé qu'il était peu probable qu'une entreprise commune de ce genre prendrait le risque qu'une plainte de dumping soit déposée contre elle au Canada.

Le Tribunal n'a également relevé que peu de signes d'une tendance à recourir au dumping de la part du fabricant italien d'alternateurs. En ce qui concerne tous les pays visés, le Tribunal a estimé que les dispositions de la LMSI, lesquelles permettent le dépôt d'une plainte de dumping par suite de seulement une soumission sous-évaluée, constituaient une dissuasion en ce qui a trait au dumping sur le marché canadien.

Étant donné le peu d'indices d'une tendance à recourir au dumping par les pays cités ou d'un préjudice sensible pour l'industrie canadienne, le Tribunal annule par les présentes les conclusions de préjudice sensible concernant les turbines hydrauliques et les alternateurs électriques en question.

HISTORIQUE

Il s'agit d'un réexamen en vertu de l'article 76 de la LMSI des quatre conclusions de préjudice sensible concernant du matériel lourd servant à produire de l'énergie électrique, deux portant sur des turbines et deux sur des alternateurs. Les détails de ces quatre conclusions sont les suivants :

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 27 juillet 1976 au sujet des turbines hydrauliques devant produire de l'énergie électrique, ne comprenant pas les turbines du genre bulbe, originaires de l'Union des républiques socialistes soviétiques, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-76, prorogées le 19 août 1983 dans le cadre du réexamen no ADT-4B-76;

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 29 février 1980 au sujet des alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation, originaires ou exportés du Japon, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-79;

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 14 juillet 1983 au sujet des alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation, originaires ou exportés de l'Italie, dans le cadre de l'enquête no ADT-8-83. Plus précisément, l'expression "composantes" désigne notamment les pièces de rechange; et

- les conclusions du Tribunal antidumping rendues le 7 septembre 1984 au sujet des turbines hydrauliques ou pièces composantes d'origine de même que les pièces de rechange et les roues de remplacement, servant à produire de l'énergie électrique, y compris tous les accessoires encastrés, stationnaires et tournants, que ces marchandises soient importées séparément ou non, mais à l'exclusion des actionneurs à contrôle par régulateur et des clapets d'admission des turbines, originaires ou exportées du Japon ou originaires ou exportées de la République populaire de Chine et introduites sur le marché canadien par un fabricant, producteur, vendeur ou exportateur au Japon ou en son nom, dans le cadre de l'enquête no ADT-9-84.

Conformément à l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen des conclusions et a émis un avis de réexamen le 18 octobre 1989. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a paru dans la partie I de la Gazette du Canada du 28 octobre 1989.

Dans le cadre de son réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés aux fabricants canadiens, aux sociétés de services publics et aux utilisateurs des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et confidentiel, préalables à l'audience, au sujet du réexamen. En outre, le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'Avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Tous les documents publics ont été mis à la disposition des parties intéressées et les documents confidentiels, à la disposition des avocats indépendants seulement.

Des séances publiques et à huis clos se sont tenues à Ottawa (Ontario) du 15 au 19 janvier 1990.

GE Canada, MIL Tracy et DBS Escher Wyss, fabricants, étaient représentées à l'audience par des avocats et elles ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de la prorogation des conclusions.

V/O Energomachexport, Bering Electric Company Ltd. (BEC), et E.S. Fox Limited (Fox), respectivement exportateur, importateur éventuel et fabricant éventuel des marchandises en question, étaient représentées à l'audience par des avocats et elles ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de l'annulation des conclusions.

The Japan Electrical Manufacturers' Association (JEMA) et Fuji Electric Co., Ltd. (Fuji), un exportateur des marchandises en question, étaient également représentées à l'audience par des avocats et elles ont aussi présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de l'annulation des conclusions.

LES PRODUITS

Les produits qui font l'objet du présent réexamen sont des turbines et des alternateurs.

Turbines

Aux fins des premières conclusions (ADT-4-76), les marchandises en question étaient définies comme des :

... turbines hydrauliques devant produire de l'énergie électrique, ne comprenant pas les turbines du genre bulbe, originaires de l'Union des républiques socialistes soviétiques.

Dans le cadre de la deuxième enquête (ADT-9-84), les marchandises étaient plus largement définies comme des :

... turbines hydrauliques ou pièces composantes d'origine de même que les pièces de rechange et les roues de remplacement, servant à produire de l'énergie électrique, y compris tous les accessoires encastrés, stationnaires et tournants, que ces marchandises soient importées séparément ou non, mais à l'exclusion des actionneurs à contrôle par régulateur et des clapets d'admission des turbines, originaires ou exportées du Japon ou originaires ou exportées de la République populaire de Chine et introduites sur le marché canadien par un fabricant, producteur, vendeur ou exportateur au Japon ou en son nom.

Les turbines hydrauliques servent à transformer l'énergie des chutes d'eau en couple mécanique permettant d'actionner des hydro-alternateurs qui produisent de l'électricité. Cinq genres de turbines hydrauliques de base sont utilisés au Canada, et le modèle choisi pour réaliser un projet en particulier dépend d'un certain nombre de facteurs, y compris la charge d'eau ou la hauteur de la chute d'eau, le débit et les variations de débit.

Le genre de turbine le plus utilisé au Canada est la turbine Francis, qui est choisie lorsque la hauteur de la chute se situe habituellement entre 100 et 2 000 pieds et que le débit est relativement constant.

Il existe deux types de turbines-hélices, la turbine à aubes fixes et la turbine Kaplan. La turbine à aubes fixes est utilisée lorsque la hauteur de la chute est peu élevée et que le débit d'eau est relativement important. La turbine Kaplan est une turbine du genre hélice qui permet d'orienter les aubes à divers angles et qui convient lorsque le débit varie. La turbine de type «S» est une variation de la turbine Kaplan; elle est une turbine du genre Kaplan qui fonctionne à l'horizontale. Ces deux types de turbines du genre hélice sont utilisés lorsque la hauteur de la chute est peu élevée et que le débit est important.

Le troisième genre courant est la turbine à impulsion ou turbine Pelton, qui est utilisée dans les cas de débit peu important et de charges d'eau élevées qui excèdent les conditions dans lesquelles les turbines Francis peuvent être employ 9‚es. Une turbine d'un quatrième genre, la turbine-pompe, est un appareil dont la rotation peut être inversée. Elle est conçue pour servir de turbine au cours des périodes de demande élevée et de pompe au cours des périodes de faible demande. Le cinquième genre est la turbine horizontale pour charge d'eau peu élevée, qui peut être une turbine du genre bulbe, tubulaire ou à écoulement rectiligne.

Alternateurs

Aux fins de l'enquête de 1979 mettant en cause le Japon (ADT-11-79), les marchandises étaient définies comme des :

... alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation originaires ou exportés du Japon.

Dans le cadre des deuxièmes conclusions (ADT-8-83), les alternateurs étaient décrits de la même façon, mais avec la clarification selon laquelle l'expression composantes comprenait les pièces de rechange.

Les alternateurs électriques sont des dispositifs servant à convertir en énergie électrique l'énergie extraite de l'eau en mouvement par des turbines hydrauliques. Bien que les hydro-alternateurs partagent tous certaines caractéristiques électromagnétiques et mécaniques de base, leur design est adapté aux exigences hydrauliques particulières du site et du système électrique auxquels ils sont raccordés. Les fournisseurs appliquent leurs propres critères de conception et de design au cours de la mise au point des appareils afin de satisfaire aux exigences particulières du site de chaque projet. Dans l'élaboration du design, ils doivent tenir compte de diverses variables, notamment la puissance et la vitesse de rotation de la turbine, le voltage produit par l'alternateur et le facteur de puissance du système.

Capacité de production d'énergie hydro-électrique et aménagement de sites

L'on a estimé qu'à la fin de 1988, la capacité de production d'énergie hydro-électrique utilisable au Canada atteignait environ 5,5 GW ou environ 57 p. 100 de la capacité totale de production d'énergie électrique du Canada. Les 43 p. 100 restants sont produits essentiellement grâce à l'énergie nucléaire, au charbon et au pétrole. L'on s'attend à ce que les ajouts futurs à la capacité de production proviennent surtout de l'hydro-électricité et les perspectives pour les 10 à 15 prochaines années laissent entrevoir une forte croissance. L'on s'attend à ce que le Canada devienne le premier producteur mondial d'énergie hydro-électrique d'ici l'an 2000 [1] .

Au Canada, les achats de grandes turbines hydro-électriques et d'alternateurs, de même que d'équipement connexe, sont en très grande partie le fait de sociétés provinciales de services publics. Cinq de ces sociétés dominent le marché. À la fin de 1988, Hydro-Québec possédait environ 41 p. 100 de la capacité de production d'énergie hydro-électrique du Canada. BC Hydro venait deuxième, loin derrière la première, avec 16 p. 100. Ontario Hydro et Newfoundland and Labrador Power en possédaient environ 11 p. 100 chacun. Manitoba Hydro détenait 6 p. 100 de la capacité de production d'énergie hydro-électrique utilisable.

L'aménagement d'un site hydro-électrique peut souvent exiger jusqu'à dix ans du moment de sa planification jusqu'à celui de son fonctionnement. Le tout débute par une étude du cours d'eau, de son débit et de sa dénivellation. Le cours d'eau doit ensuite être endigué, les structures doivent être érigées et les centrales construites. Les turbines, les alternateurs et les transformateurs, de même que l'équipement accessoire, sont ensuite transportés jusqu'au site afin d'y être assemblés et installés.

Une fois le site choisi et les spécifications établies, les sociétés de services publics lancent habituellement des appels d'offres qui spécifient le calendrier d'exécution ainsi que d'autres paramètres pertinents. Avant de présenter leurs soumissions, les fournisseurs effectuent des études techniques préliminaires longues et coûteuses. Bien que les fabricants s'appuient largement sur leur expérience pour préparer leurs soumissions, chaque projet est unique et nécessite donc que les turbines et les alternateurs soient adaptés aux exigences de l'acheteur. Pour s'assurer que les spécifications peuvent être satisfaites, la société de services publics exige normalement que les fournisseurs effectuent des tests à l'aide d'un modèle, ce qui augmente de beaucoup le coût du contrat.

La complexité technique, la particularité et la taille des produits exigent le recours à une équipe de conception et de fabrication hautement spécialisée et requièrent des immobilisations importantes. Avant d'en arriver à l'étape de l'expédition, il faut habituellement consacrer de deux à cinq ans à la conception et à la fabrication de la turbine ou de l'alternateur.

De plus, à cause du poids et de la taille de plusieurs des composantes de la turbine et de l'alternateur, il n'est pas rare que l'assemblage doive se faire sur place. Le transport des pièces composantes et leur installation sur place représentent une proportion importante du prix du contrat.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Dans le cadre du présent réexamen, les fabricants canadiens de turbines hydrauliques, GE Canada, MIL Tracy et DBS Escher Wyss se sont alliés pour s'opposer à l'annulation des conclusions sur les turbines faisant l'objet du réexamen. De même, GE Canada et MIL Tracy, deux fabricants d'hydro-alternateurs, se sont également joints pour s'opposer à l'annulation des deux conclusions sur les alternateurs faisant l'objet du réexamen. Les trois fabricants de turbines et les deux fabricants d'alternateurs se partagent la presque totalité de la production dans leur industrie respective au Canada. Bien qu'il y ait plusieurs autres fabricants, ils ne se partagent qu'un petit pourcentage de la production nationale, lequel consiste principalement en de petites unités de moins d'un megawatt. Ces unités ne servent pas à réaliser des projets aussi importants que ceux visés par le présent réexamen.

GE Canada, qui portait auparavant le nom de Canadian General Electric (CGE), est une filiale à 100 p. 100 de General Electric Company, dont le siège social se trouve à Fairfield (Connecticut). Les activités de GE Canada en matière d'hydro-électricité sont dirigées à partir de bureaux situés à Lachine (Québec), là où se trouvent également ses principales installations de fabrication de grands alternateurs et turbines. Ces installations appartenaient à Dominion Engineering Ltd., qui étaient auparavant une filiale en propriété exclusive de CGE, et à laquelle l'on réfère encore fréquemment sous le nom de Dominion Engineering Works ou «DEW».

GE Canada, qui a le mandat de concevoir, de fabriquer et de vendre de l'équipement hydro-électrique à l'échelle mondiale, fabrique des hydro-alternateurs depuis 1898 et des turbines depuis 1922. GE Canada se situe au premier plan de la recherche et du développement et a fabriqué certaines des unités les plus grosses du monde. À titre d'exemple, la société a installé des alternateurs de 826 000 MVA et des turbines de plus de 1 000 000 de chevaux-vapeur à la centrale électrique de Grand Coulee aux États-Unis.

MIL Tracy est une division du MIL Group Inc. Depuis sa fondation en 1937, MIL Tracy a acquis une réputation mondiale en matière de conception, de fabrication, d'installation et d'entretien d'équipement industriel lourd et de systèmes. Connue originairement sous le nom de Marine Industries Ltée (MIL), la compagnie, qui ne construisait que des navires, est devenue l'un des ensembles industriels les plus importants au Canada.

Les actionnaires du Groupe MIL Inc. sont la Société Générale de Financement du Québec (SGF), qui détient 65 p. 100 des actions, et Alsthom, important groupe industriel français, qui en détient 35 p. 100. Les autres divisions du Groupe MIL sont MIL Davie, MIL Systems Engineering et MIL Vikers.

La vaste gamme des produits de la compagnie comprend les turbines Francis, Pelton et Kaplan et les turbines-hélices, les alternateurs, les compensateurs synchrones, les turbines-pompes et les turbines du genre bulbe, les pièces de rechange et les pièces améliorées, les moteurs électriques de basse vitesse et de forte capacité, les valves et beaucoup d'autre matériel servant à produire de l'énergie hydro-électrique.

MIL Tracy a pris part à de nombreux projets hydro-électriques canadiens d'importance, y compris Churchill Falls, Manic-Outardes, La Grande et Dorsey. Au plan international, elle a fabriqué et installé des systèmes hydro-électriques au Kenya, au Mali, en Chine, en Équateur, en Inde et aux États-Unis. Au cours des 25 dernières années, MIL Tracy a fourni plus de 15 000 MW de turbines hydrauliques et d'alternateurs aux marchés canadien et international.

DBS Escher Wyss est une division de Sulzer Canada Inc., société canadienne appartenant en propriété exclusive à Sulzer Brothers Ltd. de Winterthur (Suisse). Les produits hydrauliques de la compagnie sont conçus et fabriqués au Canada en vertu d'une licence de la division Sulzer Escher Wyss de la société mère. DBS Escher Wyss trouve son origine dans l'acquisition en 1979 par Sulzer Brothers de 49 p. 100 de l'actif de AMCA International Ltd. (anciennement Dominion Bridge), de Lachine (Québec) et de la création subséquente de Dominion Bridge Sulzer Inc. Cette société d'entreprise commune a été par la suite restructurée en janvier 1988 et ses installations ont été réparties de manière adéquate entre DBS Escher Wyss et Dominion Bridge - Québec.

Le siège social et l'usine de DBS Escher Wyss se trouvent à Lachine (Québec) d'où elle s'attaque aux marchés canadien, américain et à certains marchés étrangers choisis de turbines hydrauliques. Le programme de conception et de fabrication de DBS Escher Wyss couvre tous les types de turbine, ses unités pouvant produire de 1 MW à plus de 400 MW. Bien qu'elle ne soit pas un fabricant d'alternateurs, DBS Escher Wyss agit également comme fournisseur principal de petits projets hydro-électriques sur une base «clés en main», de la conception à la distribution.

Depuis sa création en 1980, la compagnie a livré ou s'est vue commander plus de 40 turbines totalisant environ 3 000 MW, dont 40 p. 100 étaient destinés au marché canadien. Au nombre de ses réalisations au Canada se trouve l'introduction de nouvelles technologies, par exemple la turbine Straflo.

En août 1989, Sulzer Brothers Inc. et J.M. Voith GmbH, de Heidenheim, importants fabricants de machines à papier et de turbines hydrauliques, ont signé une entente en vue de fusionner leurs entreprises respectives. Par cette entente, DBS Escher Wyss fera partie de la plus grande société de turbines hydrauliques au monde.

Ces dernières années, GE Canada, MIL Tracy et DBS Escher Wyss ont subi d'importants changements dans leur organisation, par suite d'une rationalisation des gammes de produits et des investissements. C'est ainsi que leurs installations de fabrication respectives servent maintenant principalement à fabriquer des produits «hydro-électriques.» Les fabricants canadiens sont maintenant des concurrents à l'échelle mondiale. GE Canada, dont le mandat consiste à fabriquer du matériel hydro-électrique pour le monde entier, a rationalisé ses opérations et connaît maintenant du succès à l'échelle internationale. MIL Tracy bénéficie d'une collaboration en matière technique et commerciale en tant que membre d'un groupe plus important ayant des liens avec Alsthom (France) et Neyrpic (France). DBS Escher Wyss, le troisième fabricant canadien, fait maintenant partie de la plus grande société fabriquant des turbines hydrauliques au monde, par suite de la fusion de Sulzer Brothers Inc. et de J.M. Voith GmbH en août 1989.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS PRÉCÉDENTES

A) Turbines

Il y a deux conclusions qui portent sur les turbines. Les premières conclusions portent sur les turbines hydrauliques devant produire de l'énergie électrique, ne comprenant pas les turbines du genre bulbe, originaires de l'Union des républiques socialistes soviétiques. Dans ces conclusions, rendues le 27 juillet 1976, le Tribunal antidumping a déterminé que le dumping n'avait pas causé, ne causait pas, mais était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables (ADT-4-76). Ces conclusions ont été révisées et prorogées le 19 août 1983 (ADT-4B-76). Une deuxième enquête a porté sur les turbines hydrauliques et pièces composantes d'origine, de même que les pièces de rechange et les roues de remplacement, servant à produire de l'énergie électrique, y compris tous les accessoires encastrés, stationnaires et tournants, que ces marchandises soient importées séparément ou non, mais à l'exclusion des actionneurs à contrôle par régulateur et des clapets d'admission des turbines, originaires ou exportées du Japon ou de la République populaire de Chine et introduites sur le marché canadien par un fabricant, producteur, vendeur ou exportateur au Japon ou en son nom. Dans ses conclusions du 7 septembre 1984, le Tribunal antidumping a déterminé que le dumping de ces turbines et des pièces composantes, à l'exclusion des roues de remplacement, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.

i) Conclusions de 1976 - Turbines originaires de l'URSS

Lors de cette enquête, l'industrie a fait valoir qu'en raison de la nature du marché, de quatre à six ans pouvaient s'écouler entre le moment où une commande était placée et celui où le produit était livré et qu'en conséquence, une perte de commandes attribuable au dumping au Canada au cours des années 1971 à 1975 se traduirait par une perte de production et une sous-utilisation de la capacité, ce qui aurait des répercussions sur l'emploi et la rentabilité au cours des années 1977, 1978 et 1979. Elle a également prétendu que la perte d'importantes commandes au pays nuirait à sa situation sur le marché des exportations. En outre, elle a affirmé que la menace de subir encore plus de préjudice à cause du dumping dans l'avenir risquait d'anéantir l'industrie nationale des turbines.

L'industrie nationale se composait à ce moment de deux fabricants, DEW, filiale de CGE et MIL.

Dans son étude du préjudice sensible, le Tribunal antidumping a examiné trois projets hydro-électriques mettant en cause des turbines sous-évaluées, originaires de l'URSS. Dans deux cas, soit les projets Mica, en Colombie-Britannique, et Peace Site, aussi en Colombie-Britannique, le Tribunal antidumping a déterminé qu'il n'y avait pas de préjudice passé ou présent étant donné que DEW, même en l'absence de dumping, n'aurait pas obtenu le contrat car sa soumission était plus élevée que la deuxième soumission la moins élevée (Hitachi, Japon). Dans le troisième cas, soit le projet Mactaquac, au Nouveau-Brunswick, bien que le Tribunal antidumping ait pu raisonnablement conclure que DEW aurait obtenu le contrat en l'absence de dumping, il a dit ne pas être persuadé que la perte de cette seule commande, étant donné son petit montant, ait pu en elle-même causer un préjudice sensible à la production nationale. Par conséquent, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping, tel que déterminé par le Sous-ministre dans le cas des trois contrats qui avait été réexaminés, n'avait pas causé et ne causait pas de préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.

Dans son examen de la possibilité de préjudice sensible, le Tribunal antidumping s'est appuyé sur la présomption que l'URSS continuerait le dumping des turbines hydrauliques en question à moins d'en être empêchée par l'imposition de droits antidumping. Il s'est dit d'avis qu'à l'exception du Québec, où l'on pouvait supposer que les deux fabricants canadiens continueraient à être traités de façon préférentielle, il y avait dans d'autres provinces du Canada d'autres contrats importants en perspective où les prix étaient la principale considération. Le Tribunal antidumping a souligné que les caractéristiques de ce marché, tel que le petit nombre annuel de contrats, l'ampleur de leur valeur et la longue période qui s'écoule entre l'adjudication du contrat et l'expédition des marchandises, avaient des incidences significatives en matière de planification dans une industrie de capital du genre et la rendaient particulièrement vulnérable à la désorganisation causée par des pratiques de dumping. Après avoir examiné la nature et la portée du préjudice causé par la perte d'un seul contrat important, et qui s'est traduit par une baisse de l'utilisation de la capacité exprimée en heures-personnes perdues et en rentabilité réduite, le Tribunal antidumping s'est dit convaincu que le dumping continu par l'URSS était susceptible de causer un préjudice sensible.

ii) Réexamen des conclusions de 1976

Lors du réexamen, en 1983, des conclusions de 1976 au sujet des turbines originaires de l'URSS, le Tribunal antidumping ne trouva aucune raison de modifier ou d'annuler lesdites conclusions.

Aux fins de son réexamen, le Tribunal antidumping a estimé qu'il devait répondre à deux questions : les conditions avaient-elles changé suffisamment pour justifier l'annulation de la décision et le dumping pourrait-il reprendre si les conclusions étaient annulées?

Même si, en 1976, le Tribunal antidumping avait souligné qu'un certain nombre de contrats importants de turbines étaient prévus pendant la période de 1976 à 1979, au moment du réexamen en 1983, ces contrats avaient pour la plupart été remplis. Toutefois, à la fin des années 70, plusieurs facteurs inattendus, notamment la conservation de l'énergie et la récession qui s'ensuivit, commencèrent à influer négativement sur la consommation d'énergie électrique et, entre 1978 et 1982, la croissance annuelle de la demande maximale a chuté à 3 p. 100, soit la moitié de ce qu'elle avait été au début des années 70. En conséquence, les besoins prévus en matière de capacité de production d'électricité ont diminué, ce qui a fait chuter le nombre et l'importance des contrats de turbines. L'on prévoyait qu'aucun contrat de turbine ne serait accordé au Canada avant 1985-1986.

Il paraissait évident au Tribunal antidumping que l'industrie nationale connaissait à ce moment-là une période creuse importante qui s'était répercutée et continuerait d'influer sur sa situation et qui la rendrait très vulnérable s'il y se produisait une reprise du dumping lors de l'amélioration du marché vers le milieu des années 1980. En outre, la concurrence sur le marché national à l'égard du nombre restreint de contrats s'intensifierait davantage en raison de l'accroissement de la capacité de production attribuable à l'apparition d'un nouveau fabricant canadien, DBS (Dominion Bridge-Sulzer Inc.) Montréal (Québec). De plus, puisque les bénéfices découlant des contrats ne se sont pas réalisés avant la fin de ceux-ci, les contrats obtenus au cours de la deuxième moitié des années 80 n'influeraient pas sur la rentabilité avant les années 90, ce qui rendrait également les fabricants vulnérables financièrement à la reprise du dumping.

Pendant les quatre années s'échelonnant de 1984 à 1987, environ 70 p. 100 des contrats au Canada porteraient sur des projets à l'extérieur de la province de Québec et seraient donc accessibles aux soumissionnaires étrangers. De plus, ces contrats étaient peu nombreux mais importants. Ainsi, le Tribunal antidumping s'est dit d'avis que la perte, ne serait-ce que d'un seul contrat aux mains d'une société se livrant au dumping, aurait de graves répercussions sur l'industrie nationale. En outre, les soumissions sous-évaluées qui pourraient être déposées sur cette partie du marché entraîneraient, selon toute probabilité, la diminution des prix dans les soumissions présentées sur le marché «fermé» du Québec.

Après avoir pris connaissance des éléments de preuve présentés à l'audience, le Tribunal antidumping s'est dit convaincu que les forces qui avaient créé une période creuse sur le marché national étaient également à l'oeuvre sur le marché international. Ce marché était caractérisé par un affaiblissement de la demande et l'existence d'une importante capacité de production excédentaire qui, en conséquence, avait donné lieu à une concurrence intense entre les soumissions déposées à l'égard des quelques projets disponibles, souvent à des prix qui ne semblaient pas permettre aux fabricants de recouvrer tous leurs frais de production. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal antidumping s'est également dit convaincu que si l'exportateur était autorisé à participer à un appel d'offres sur le marché canadien, on pouvait s'attendre à ce que ses prix soient tels qu'ils constituent du dumping. En outre, les éléments de preuve relatifs à la participation active de l'URSS sur le marché international, que ce soit au moyen d'appels d'offres libres ou d'ententes bilatérales, ont convaincu le Tribunal antidumping que l'exportateur chercherait vigoureusement à participer à tous les appels d'offres possibles sur le marché national si les conclusions étaient annulées.

iii) Conclusions de 1984 - Turbines originaires de la République populaire de Chine et du Japon

Dans cette enquête, le Sous-ministre en était arrivé à la conclusion de dumping concernant deux contrats, Upper Salmon (Terre-Neuve et Labrador) et Nipawin (Saskatchewan). Le Tribunal antidumping a rendu ses conclusions de préjudice sensible le 7 septembre 1984.

L'industrie avait soutenu qu'en raison du ralentissement de la progression de la consommation d'électricité, le marché des turbines connaissait une période creuse importante et que les caractéristiques uniques de ce marché étaient d'autres facteurs qui avaient alimenté une concurrence féroce. En outre, selon l'industrie, en l'absence de dumping, le contrat de Nipawin aurait été accordé à un fabricant canadien plutôt qu'aux exportateurs japonais et chinois. (Le contrat de Upper Salmon a été accordé à un fabricant canadien, nonobstant le dumping.) L'industrie a souligné qu'en raison de la perte du contrat du projet de la Nipawin, elle avait subi un préjudice qui s'était manifesté sous la forme d'une réduction de l'emploi et des heures-personnes, d'une diminution du taux d'utilisation des usines, de pertes de ventes et de conséquences financières négatives.

L'industrie a également appuyé ses allégations de préjudice passé et présent en invoquant une réduction des prix causée par les soumissions japonaises peu élevées, après les décisions de préjudice rendues par le Tribunal antidumping en 1976 au sujet des turbines originaires de l'URSS. Les soumissions japonaises peu élevées, a-t-elle fait valoir, continueraient de servir de point de comparaison en matière de prix dans le cas des projets futurs.

Au sujet de l'avenir, l'industrie a fait valoir que parce que la période creuse du marché s'était prolongée, elle continuerait d'être vulnérable au dumping et que la perte d'un seul contrat futur aurait des conséquences désastreuses. En outre, la plupart des contrats à venir seraient octroyés à l'extérieur du Québec et seraient donc ouverts à la concurrence d'outre-mer.

Dans son réexamen de la question, le Tribunal antidumping s'est dit d'avis que la principale question dans l'enquête était de savoir si la perte du contrat du projet de la Nipawin avait causé un préjudice sensible à la production de turbines. Le Tribunal antidumping a déterminé qu'étant donné les conditions généralement mauvaises à l'époque de l'attribution du contrat, qui se sont poursuivies jusqu'au moment où les conclusions ont été rendues, «la perte du contrat avait causé un préjudice sensible et que ce préjudice continuait de se faire sentir et continuerait de se faire sentir dans les années à venir». Compte tenu de cette conclusion, et étant donné le fait que les deux soumissions les plus basses avaient été présentées par des fabricants japonais et qu'elles avaient été reconnues comme sous-évaluées, et aussi du fait que si l'on avait ajouté au montant des soumissions des Japonais les marges de dumping calculées, ces soumissions japonaises auraient fait état de prix bien supérieurs à ceux des deux fabricants nationaux, et compte tenu de l'importance du prix dans ces questions, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping constaté par le Sous-ministre avait causé la perte du contrat du projet de la Nipawin ainsi que le préjudice sensible découlant de cette perte.

Le Tribunal antidumping a souligné que le préjudice subi avait pris la forme principalement d'une réduction du taux d'utilisation des usines pendant une période de deux ou trois ans et d'une perte de plus de 100 000 heures-personnes de production. Le préjudice subi pendant la période de 1981 (appel des soumissions) à 1985 (fin de la livraison) n'était pas seulement sensible, mais grave.

En outre, le Tribunal antidumping s'est dit convaincu que ces pratiques de dumping par les fabricants japonais de turbines, si elles n'étaient pas stoppées par l'imposition de droits antidumping, continueraient et causeraient selon toute probabilité un préjudice sensible à la production au Canada dans les années à venir.

B) Alternateurs

Il y deux conclusions concernant les alternateurs; les deux portent sur les alternateurs électriques devant être utilisés avec des turbines ou des roues hydrauliques, y compris leurs composantes, importées séparément ou non, et devant servir à l'assemblage, la construction ou l'installation desdits alternateurs, ainsi que des paliers de butée et des arbres d'alternateurs devant être utilisés avec lesdits alternateurs ou y être reliés, mais à l'exception des systèmes d'excitation. Les premières conclusions portent sur des marchandises originaires ou exportées du Japon. Dans ces conclusions rendues le 29 février 1980, le Tribunal antidumping a déterminé que le dumping d'alternateurs et de pièces composantes du Japon n'avait pas causé, ne causait pas de préjudice sensible, mais était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables (ADT-11-79). Les deuxièmes conclusions portent sur des marchandises originaires ou exportées de l'Italie. Dans ces conclusions, rendues le 14 juillet 1983, le Tribunal antidumping a déterminé que le dumping de ces alternateurs et de leurs composantes avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables (ADT-8-83).

i) Conclusions de 1980 - Alternateurs originaires du Japon

CGE alléguait que la perte de commandes importantes attribuables à des importations à des prix sous-évalués avait entraîné des pertes de production, une sous-utilisation de la capacité, une diminution de la rentabilité et une diminution ou un report des investissements en matière de recherche et de développement. Bien que l'autre fabricant canadien, MIL, n'ait pas présenté d'arguments en son propre nom, il appuyait les allégations de préjudice.

L'industrie nationale, au moment des conclusions, comprenait CGE et MIL.

Dans son étude du préjudice sensible, le Tribunal antidumping a établi une distinction entre le marché du Québec et le marché à l'extérieur du Québec. Il estima qu'il était probable que le volume d'affaire qu'obtiendrait MIL au Québec les années suivantes fournirait un volume de travail suffisant pour assurer un fonctionnement rentable. De plus, souligna-t-il, comme le marché du Québec avait été et était susceptible de demeurer effectivement fermé aux fournisseurs étrangers, la concurrence japonaise n'avait pas posé et n'était pas susceptible de poser des difficultés à MIL.

Bien que CGE pouvait s'attendre d'obtenir une partie des affaires sur le marché du Québec, elle ne demeurerait que le deuxième fournisseur, après MIL, et n'obtiendrait probablement qu'une part limitée et imprévisible de ce marché. L'on considérait que le marché assuré de CGE, défini comme «tous les contrats disponibles en Ontario, ainsi que certains ou la plupart des contrats disponibles des organismes qui subissent l'influence du gouvernement fédéral, c'est-à-dire la NCPC (Northern Canada Power Commission) et la Lower Churchill Development Corporation», était relativement restreint.

CGE faisait face à une concurrence de plus en plus grande des fabricants japonais dans la partie la plus importante, et en croissance, du marché canadien qui se situe à l'extérieur du Québec, soit l'Ontario et les régions où le gouvernement fédéral exerce son influence, et sur les marchés d'exportation. À l'époque, les sociétés japonaises avaient été admises à présenter des soumissions sur huit projets au Canada, ce au cours des cinq années précédentes, et elles avaient eu du succès dans cinq cas, représentant environ 85 p. 100 du volume total des affaires. CGE avait obtenu les trois autres contrats.

CGE fondait ses allégations de préjudice passé et actuel sur quatre des cinq contrats, trois en Colombie-Britannique connus sous les noms de Site One, Seven Mile et Revelstoke, et un à Terre-Neuve, du nom de Hind's Lake. Le Tribunal antidumping s'est dit convaincu que même en l'absence de dumping, CGE n'aurait pas obtenu les trois contrats en Colombie-Britannique pour diverses raisons, notamment une détérioration grave des relations entre BC Hydro et CGE découlant d'un contrat accordé à CGE en 1967 pour cinq alternateurs au chantier de Portage Mountain. Bien que le Tribunal antidumping ait convenu que le succès du fournisseur japonais dans le cadre du contrat à Terre-Neuve était attribuable au dumping, il ne considéra pas que la perte de ce petit contrat constituait à elle seule un préjudice sensible.

En ce qui concerne la possibilité de préjudice sensible que pourrait subir CGE dans l'avenir, le Tribunal antidumping souligna que, bien que tous les projets hydro-électriques de l'envergure de celui de Portage Mountain et faisant appel à pareille technologie connaissent des difficultés, les problèmes technologiques qu'a connu CGE à cet endroit représentent «un peu une aberration» dans le dossier de CGE qui, par ailleurs, est en général satisfaisant tant au Canada qu'à l'étranger. Le Tribunal antidumping souligna qu'on aurait la capacité suffisante à l'échelle mondiale au cours des années suivantes pour assurer une concurrence vigoureuse sur les marchés qui sont ouverts aux soumissions internationales et qu'à la lumière des longs délais qui s'écoulent à partir de l'adjudication d'un contrat jusqu'à la fabrication et de l'état actuel du carnet de commandes de CGE, il semblait à peu près inévitable, à son point de vue, que CGE se retrouverait quelques années plus tard avec une grande part de sa capacité de fabrication d'alternateurs non utilisée. Cette situation, souligna le Tribunal antidumping, s'aggraverait à moins que CGE ne soit en mesure de restreindre la période de ralentissement en obtenant une fraction importante du volume considérable d'affaires que l'on prévoit être adjugé au cours des prochaines années dans le secteur ouvert du marché canadien, comprenant BC Hydro, laquelle, déclara prévoir le Tribunal antidumping, pourrait dans l'avenir être de nouveau disposée à acheter des hydro-alternateurs de CGE. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal antidumping a conclu que CGE pourrait de fait obtenir une grande partie de ces affaires, à la condition qu'elle n'ait pas à concurrencer des importations sous-évaluées, mais que si le dumping japonais se poursuivait, CGE ne pourrait accaparer qu'une faible partie, s'il en ait, de cet important marché.

ii) Conclusions de 1983 - Alternateurs originaires de l'Italie

Lors de cette enquête portant sur le dumping d'alternateurs et de composantes de l'Italie, CGE et MIL ont fait valoir que le dumping avait causé et causait un préjudice sensible qui s'était manifesté sous la forme d'une diminution des prix, d'une réduction de la rentabilité et des emplois, d'un report des investissements et d'une baisse des exportations. Il a été reconnu que c'était principalement CGE qui avait subi le préjudice passé et présent puisque MIL n'avait que peu de temps auparavant décidé d'accroître sa participation dans ce secteur du marché canadien dans lequel le dumping était susceptible de causer un préjudice dans l'avenir, étant donné la période creuse que connaîtrait le marché au cours des quelques années suivantes, les niveaux de prix peu économiques requis pour faire face aux soumissions sous-évaluées de l'étranger et la nécessité d'alimenter les usines. L'on a également fait valoir qu'en l'absence d'un rétablissement des niveaux de rentabilité qui existaient précédemment en l'absence de dumping, l'industrie des hydro-alternateurs au Canada ne pourrait demeurer viable avant une reprise du marché vers la fin des années 1980.

Le Tribunal antidumping souligna encore une fois que l'industrie se composait de CGE et MIL.

Les éléments de preuve et les discussions dans le présent cas portaient en grande partie sur les contrats accordés par Newfoundland Hydro pour la fourniture d'hydro-alternateurs pour ses projets Upper Salmon et Cat Arm, et par la Saskatchewan Power Corporation pour son projet Nipawin.

Dans le premier cas, le projet Upper Salmon, un fournisseur italien, Ansaldo, a présenté la soumission la plus basse, suivie de celle de CGE. CGE, qui à ce moment-là avait déposé une plainte de dumping portant sur des hydro-alternateurs originaires du Japon, déposa une plainte de dumping contre Ansaldo. Peu après, le Sous-ministre entreprit une enquête qui affecta les négociations entre la société de services publics et le plus bas soumissionnaire, Ansaldo. Dans ces circonstances, des discussions ont eu lieu avec CGE et lorsque ce dernier accepta de réduire l'écart de prix qui le séparait du plus bas soumissionnaire, on lui accorda le contrat.

Dans le cas du second contrat, portant sur le projet Cat Arm, la soumission de CGE était la plus basse, celle d'Ansaldo venait au second rang et celle de MIL, l'autre fabricant national, au quatrième rang. C'est CGE qui a obtenu le contrat.

CGE a également obtenu le contrat pour le projet de la Nipawin. CGE estimait que le projet était suffisamment important pour attirer des intérêts étrangers et elle croyait que Ansaldo présenterait une soumission. De fait, Ansaldo figurait sur la liste des soumissionnaires, mais n'a pas présenté de soumission. Toutefois, CGE prétend que les soumissions peu élevées faites par Ansaldo pour les projets Upper Salmon et Cat Arm et la crainte que ces soumissions se poursuivent l'ont amené à présenter une soumission très basse pour le projet Nipawin afin d'obtenir le contrat dont elle avait tellement besoin.

Après une étude des effets préjudiciables sur CGE des soumissions de Ansaldo pour les projets Upper Salmon et Cat Arm, le Tribunal antidumping s'est dit persuadé qu'un préjudice sensible avait été causé.

Le Tribunal antidumping a admis que les soumissions très basses pour le projet Nipawin étaient en grande partie dictées par une volonté d'accroître le taux d'utilisation des usines, mais il a également reconnu que n'eut été des soumissions de Ansaldo aux projets Upper Salmon et Cat Arm, CGE aurait présenté une soumission qui lui aurait au moins permis de récupérer entièrement ses coûts. L'incidence exacte de cette diminution des prix sur la rentabilité de CGE, compte tenu du fait qu'elle avait décroché les trois contrats, a bien sûr été l'objet de débats, mais le Tribunal antidumping s'est dit convaincu qu'elle était significative. Le Tribunal antidumping s'est dit d'avis que la diminution de la rentabilité s'était à son tour répercutée sur les décisions d'investir en vue d'accroître la productivité et avait influé également sur les exportations de la compagnie.

À partir d'un examen des éléments de preuve, il est apparu que le tiers seulement des megawatts totaux devant être produits de 1980 à 1982 l'ont en fait été. Cette contraction du marché avait entraîné une augmentation des risques de préjudice tant pour la période antérieure que pour les années suivantes. La simple présence d'un fournisseur prêt à soumissionner à des prix sous-évalués, comme l'avait fait Ansaldo auparavant, était un facteur qui bouleversait la planification à long terme, tendait à exercer des pressions à la baisse sur les prix et constituait une source de préjudice continu et grave.

POSITION DE L'INDUSTRIE

Passons maintenant au présent réexamen. L'avocat représentant GE Canada, MIL Tracy et DBS Escher Wyss a souligné les caractéristiques uniques du marché des turbines et des alternateurs. Au nombre de ces caractéristiques, nous retrouvons l'adaptation du produit aux exigences particulières du site où il sera utilisé, l'importance substantielle de chaque contrat et le petit nombre de contrats, la longue période de temps qui sépare l'obtention du contrat et la date où il est entièrement rempli de même que le montant élevé et continu de capital requis.

L'avocat a fait valoir qu'en raison d'un certain nombre de changements qui s'étaient produits au cours des dernières années, l'industrie demeurait à certains égards aussi vulnérable qu'elle l'était lorsque le Tribunal antidumping a déterminé qu'il y avait préjudice, dans ses dernières conclusions, en 1984. Pendant la période de 1981 à 1985, l'industrie a subi des pertes financières continues à cause de la trop faible demande sur le marché, lesquelles se sont répercutées sur les résultats financiers de la seconde moitié de la décennie. Par souci de limiter les pertes, l'industrie a mis fin à la production dans certains domaines et a réduit le nombre de ses employés. Ces mesures de restructuration ont transformé les entreprises de ce secteur en entreprises axées uniquement sur l'hydro-électricité.

L'avocat a reconnu que les prévisions laissaient entrevoir une augmentation importante des commandes à l'échelle nationale. Cependant, les prévisions dans cette industrie sont généralement fondées sur une surévaluation de la demande véritable du marché. En outre, il est probable que la plus grande partie des contrats prévus au Canada seront accordés pendant la première moitié des années 90, ce qui crée des préoccupations considérables relativement à l'utilisation des usines pendant la deuxième moitié de la décennie.

Bien que la demande nationale se soit raffermie depuis la période creuse de 1981 à 1985 et qu'elle demeurera forte pour quelque temps encore, il y a encore place à un accroissement de la capacité de production, ce qui pousse l'industrie à tenter vivement d'obtenir des contrats d'exportation. Sans ces contrats, a fait valoir l'avocat, les coûts de production de l'industrie seraient considérablement plus élevés et affecteraient la viabilité des fabricants nationaux. En outre, des alliances récentes entre des sociétés internationales intensifieront la concurrence sur les marchés des exportations, ce qui rendra plus difficiles à obtenir les contrats à l'étranger.

L'avocat a allégué que la perte d'une seule commande peut occasionner de graves conséquences sur la santé financière de l'industrie et sur l'emploi pendant plusieurs années après la date d'attribution du contrat. En vertu des dispositions de la LMSI, les fabricants ont légalement le droit d'entreprendre une action en se fondant sur une promesse de vente ou sur une soumission irrévocable. L'industrie considère qu'un droit de ce genre permettant d'entreprendre des procédures est une forme de protection inadéquate; elle a fait remarquer que le Tribunal antidumping, dans l'énoncé de ses motifs dans le cas de l'alternateur originaire de l'Italie, avait affirmé que la simple présence d'un fournisseur prêt à soumissionner à des prix sous-évalués était un facteur qui bouleverse de manière continue la planification.

L'avocat a en outre allégué que malgré le fait qu'une partie importante des affaires prévues proviendraient de la province de Québec, là où les soumissions étrangères sont interdites, la perte d'un seul contrat d'importance dans le secteur ouvert du marché causerait un préjudice sensible grave à l'industrie. L'on a également fait valoir que le préjudice causé par le dumping pourrait également, comme cela a été le cas dans le passé, avoir des effets très sérieux sur le niveau des prix au Canada, même dans les marchés protégés, car les soumissions sont fondées sur les prix apparents sur le marché ouvert.

Parmi les autres changements qu'il faut considérer dans l'étude de la vulnérabilité de l'industrie à une reprise du dumping, notons la possibilité de moins en moins grande d'obtenir du financement pour les exportations et le refus de plus en plus fréquent des sociétés de services publics de rendre publics des renseignements sur les soumissions, ce qui restreint les possibilités de recourir de manière opportune aux redressements prévus dans les lois commerciales.

L'avocat a allégué que l'absence récente de soumissions par des fournisseurs des pays visés ne permettait pas de croire qu'il n'y avait pas de tendance à recourir au dumping. Il faut plutôt, a fait valoir l'avocat, évaluer la tendance des fournisseurs étrangers à recourir au dumping au Canada à la lumière de leurs activités ailleurs dans le monde. À cet égard, l'on a allégué que la capacité de production des fournisseurs des pays visés demeurera excédentaire et que ces pays ont continué de chercher avec vigueur des marchés d'exportation, très souvent avec succès. De l'avis de l'industrie, la capacité excédentaire, que l'on prévoit à l'échelle mondiale pendant la période de 1990 à 2005, laisse entrevoir une forte possibilité d'une reprise du dumping au Canada par des fournisseurs étrangers, particulièrement ceux des pays visés.

S'appuyant sur une tendance persistante à recourir au dumping et sur la vulnérabilité toujours existante de l'industrie, l'avocat a allégué que les quatre conclusions portant sur les turbines et les alternateurs en question devraient être prorogées, sans modification.

POSITION DES EXPORTATEURS ET DES IMPORTATEURS

Les avocats représentant JEMA et Fuji ont allégué que les perspectives pour les dix prochaines années au Canada étaient plus que bonnes en comparaison de la dernière décennie, la plus grande partie de la croissance se produisant au Québec.

Les avocats ont également fait valoir que la politique d'Hydro-Québec, consistant à octroyer préférablement ses contrats de turbines et d'alternateurs aux fabricants locaux, constituait pour l'industrie nationale un fondement solide à partir duquel elle peut développer ses opérations à l'échelle mondiale. De plus, l'industrie canadienne a subi une importante restructuration, elle a adopté des mesures de diminution des coûts et elle a conclu des alliances qui lui ont permis d'être concurrentielle tant au plan national qu'à l'étranger. En conséquence, les avocats ont fait valoir que l'industrie canadienne n'était pas vulnérable à une reprise du dumping de turbines ou d'alternateurs ou des deux.

Il n'y a, ont fait valoir les avocats, aucune tendance de la part de Fuji ou d'autres fabricants japonais à recourir au dumping au Canada. Les exportations japonaises de turbines et d'alternateurs au Canada au cours des dix dernières années ont été négligeables. En outre, la hausse phénoménale du yen japonais, qui a débuté pendant la deuxième partie de 1985, a forcé l'économie japonaise à s'orienter davantage vers la demande nationale que vers les marchés d'exportation. Cette réorientation s'est également produite dans l'industrie de l'équipement électrique lourd. À des fins d'illustration, des témoins ont présenté des chiffres qui démontraient une baisse continue depuis 1980 dans le rapport des exportations de Fuji sur ses ventes totales d'équipement électrique lourd. Entre-temps, les ventes totales d'autre matériel électrique lourd se sont accrues constamment à cause de l'augmentation des ventes au plan intérieur. Selon JEMA, les autres grands fabricants japonais de turbines et d'alternateurs affichent des tendances similaires. Afin de faire face au déclin de la production des marchandises visées, les fabricants japonais, a-t-on allégué, ont diminué leur capacité de production des turbines et d'alternateurs en réaffectant leurs ressources humaines et leurs installations de fabrication à la production d'autres produits tels que les petits moteurs électriques, les convertisseurs continus-alternatifs et les systèmes d'alimentation sans coupure. Par conséquent, il est inexact de prétendre, comme le font les fabricants canadiens, que les fabricants japonais doivent s'approprier une partie du marché presque à tout prix afin de faire fonctionner leurs usines.

Les avocats des fabricants japonais ont conclu qu'étant donné la force relative actuelle des fabricants canadiens découlant d'un marché en ébullition, de carnets de commandes très bien garnis et de la position privilégiée des fabricants dans le secteur fermé du marché, de même que l'absence de toute preuve raisonnable d'une tendance à recourir au dumping de la part des Japonais au Canada, les conclusions devraient être annulées.

Les avocats représentant BEC, Fox et V/O Energomachexport ont allégué que les hypothèses et les opinions qui avaient poussé le Tribunal antidumping à proroger, en 1983, les conclusions de 1976 sur les turbines soviétiques n'existaient plus.

Les avocats ont fait valoir que les fabricants nationaux exerçaient maintenant un contrôle beaucoup plus efficace de leurs coûts de fabrication et de la mise en marché de leurs produits. Malgré les difficultés diverses inhérentes aux prévisions, les éléments de preuve sur le développement hydro-électrique futur permettent de tirer une conclusion claire : il y aura une croissance constante et importante.

L'importance accordée à la sous-utilisation de leur capacité de production par les fabricants nationaux est trompeuse car l'on peut facilement faire varier les taux d'utilisation de la capacité en faisant effectuer du travail par sous-contrat. À la lumière des éléments de preuve présentés, le marché canadien de l'hydro-électricité et la position des fabricants nationaux, a-t-on suggéré, étaient excellents.

Les avocats ont également fait référence à une entreprise commune récemment créée et connue sous le nom de BEC, et qui affecterait de manière significative la façon par laquelle les soumissions sur les marchandises visées seraient présentées de même que la façon par laquelle ces marchandises seraient distribuées en Amérique du Nord. BEC est une société de Californie, détenue à 51 p. 100 par la Bering Company et à 49 p. 100 par V/O Energomachexport, société commerciale soviétique. La Bering Company elle-même appartient principalement à des investisseurs américains, 80 p. 100 des actions, les 20 p. 100 d'actions restants étant détenues par Fox, société dont la propriété est canadienne. Les avocats ont fait valoir que cette entreprise commune n'avait aucunement l'intention de recourir au dumping de turbines au Canada au cas où les conclusions de 1976 seraient annulées. Des discussions ont récemment été tenues avec Revenu Canada afin d'assurer que les soumissions futures soient faites à des prix justes. Les fabricants soviétiques ne pourraient pas soumissionner directement pour obtenir des contrats au Canada, étant donné que BEC détient les droits exclusifs de licence et de distribution de la technologie hydro-électrique soviétique en Amérique du Nord. Les composantes et les prix des turbines (et des alternateurs) seraient conçues et fabriquées non seulement en URSS, mais également aux États-Unis et au Canada, dans ce dernier cas, grâce à la participation de Fox, société dont la propriété est canadienne. La structure organisationnelle de BEC, a-t-on suggéré, est à-peu-près la même que celle de DBS Escher Wyss et BEC devrait par conséquent être traitée de la même façon qu'un fabricant canadien.

À la lumière de ce qui précède, l'on a demandé que les conclusions de 1976 concernant les turbines originaires de l'URSS soient annulées.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Pendant l'audience, les avocats de Fuji et de JEMA ont allégué que des audiences distinctes devraient être tenues pour toutes les conclusions ou tout au moins pour chacune des deux catégories de produits. Par suite de discussions avec les parties en cause, le Tribunal a décidé que les quatre conclusions devraient faire l'objet d'un seul réexamen mais qu'à chaque fois que cela était possible et pertinent, les parties devraient scinder leurs éléments de preuve, leur contre-interrogatoire et leurs arguments en fonction du produit et du pays à l'étude. Le Tribunal a fait remarquer que le rapport du personnel présentait une analyse distincte du marché des turbines et de celui des alternateurs, de même que des soumissions des fournisseurs de chaque pays en question. Cela a permis aux parties d'examiner individuellement les divers faits sous étude.

La reconnaissance du fait que les quatre conclusions s'appuyaient sur beaucoup d'éléments communs était sous-jacente à la décision du Tribunal. Tout particulièrement, l'industrie nationale est pratiquement la même dans le cas des turbines et des alternateurs et la demande a toujours eu des effets semblables sur tous et il continuera d'en être ainsi.

Dans son examen des éléments de preuve et dans la présentation de ses motifs, le Tribunal se propose de procéder de façon similaire à celle qui avait été convenue lors de l'audience, c'est-à-dire de traiter en premier lieu des éléments communs dans le présent réexamen, puis d'aborder les éléments de preuve particuliers ayant trait à toutes les conclusions individuellement.

CONSIDÉRATIONS RELATIVES AU MARCHÉ ET À LA SITUATION FINANCIÈRE

Turbines

L'on évalue généralement la demande de turbines et d'alternateurs en parlant des ajouts à la capacité existante de production d'énergie hydro-électrique. Un examen des ajouts à la capacité au cours des vingt dernières années, effectué en regroupant les contrats attribués pendant des périodes de six ou sept ans, révèle une diminution constante de la demande, qui est passée de 13 832 MW pendant la période de 1969 à 1975, à 8 771 MW de 1976 à 1982 et à 5 270 MW au cours de la période la plus récente, soit de 1983 à 1989. Évalués de cette façon, les ajouts à la capacité pendant la période de 1983 à 1989 n'ont représenté que 38 p. 100 des ajouts de 1969 à 1975. Un examen plus en profondeur des contrats attribués pendant les années 80 permet de constater qu'une période creuse sérieuse s'est produite de 1981 à 1984, mais que depuis ce temps, la demande s'est raffermie. La plupart des ajouts à la capacité de 5 270 MW pendant la période de 1983 à 1989 ont eu lieu après 1984.

Un certain nombre de raisons expliquaient le ralentissement de la demande pour l'équipement de production d'énergie hydro-électrique au début des années 80. Parmi elles, notons des prévisions d'augmentation moins fortes des taux de croissance de la charge électrique par les sociétés de services publics, des réserves excédentaires découlant de forts ajouts à la capacité pendant les années 60 et 70, des coûts en capital élevés, des mesures de conservation de l'énergie et des préoccupations sans cesse croissante pour l'environnement. Cette situation se traduisit par des niveaux peu élevés d'utilisation des usines et, de l'avis de témoins de l'industrie, par des résultats financiers décevants. Selon des représentants de l'industrie, les pertes financières auraient été encore plus élevées si Hydro-Québec n'avait pas accéléré ses travaux d'amélioration et de rénovation de ses postes les plus âgés.

En ce qui concerne les prévisions de la demande, l'on a présenté pendant l'audience un certain nombre de prévisions fondées sur des échéanciers divers. Selon les prévisions de l'industrie nationale, les commandes de turbines hydrauliques s'élèveront à quelque 15 000 MW pendant la période de 1990 à l'an 2000, environ 9 400 de ces MW faisant l'objet de commandes pendant la première moitié de la décennie. Selon les prévisions mêmes du Tribunal, fondées sur les plus récents renseignements obtenus des sociétés de services publics et des utilisateurs des marchandises en question, la demande atteindra un chiffre similaire (quelque 9 100 MW) pendant la période de 1990 à 1995 inclusivement. Les prévisions de l'industrie et du Tribunal divergent légèrement quant au moment où ces contrats seront attribués pendant cette période. À titre d'exemple, le contrat pour le projet Site C, Colombie-Britannique, qui, selon les prévisions de l'industrie, serait accordé en 1992, a été repoussé une fois de plus et il ne constitue plus maintenant qu'une possibilité pendant la décennie. Les contrats pour les projets Grande Baleine I et II, Québec, ont été repoussés d'environ un an dans les prévisions du Tribunal.

Il est difficile de déterminer l'effet des contrats de turbines et d'alternateurs sur les résultats financiers des fabricants canadiens à cause des longues périodes de temps qui s'écoulent entre l'octroi des contrats, la fabrication et la livraison. La plupart des fabricants enregistrent les ventes au moment où l'équipement est livré, bien qu'ils aient reçu des paiements progressifs pendant la période de fabrication. En conséquence, les états de revenus déposés par les trois fabricants canadiens pour la période de 1985 à 1989 reflètent l'activité dans les usines pendant cette période et les revenus de ventes découlant de contrats obtenus plus tôt au cours de la décennie. Ainsi, les états de revenus pour la période de 1985 à 1989 reflètent dans une grande mesure les mauvaises conditions du marché pendant la période de 1981 à 1984.

Les états de revenus des fabricants révélaient de très grandes fluctuations des ventes et des marges brutes d'une année à l'autre tant sur le marché national que sur celui des exportations. Les résultats consolidés du groupe GE Canada, lesquels englobent tant les marchandises visées que celles non visées, se sont améliorés en 1988-1989 par rapport aux années précédentes. DBS Escher Wyss a fait état d'une diminution de ses pertes sur les ventes de turbines au cours des deux dernières années. MIL Tracy a également fait état de pertes moins importantes dans ses ventes totales de turbines et d'alternateurs pendant l'exercice de 1989 par rapport à l'exercice de 1988.

Alternateurs

Les ajouts à la capacité de production d'énergie hydro-électrique étant généralement réalisables par le regroupement de turbines et d'alternateurs, le marché des alternateurs électriques évolue de façon très semblable à la demande de turbines hydrauliques. C'est ainsi que la demande d'alternateurs a également subi une forte baisse pendant la période de 1981 à 1984. Ce très net rétrécissement de la demande a influé sur l'utilisation des usines des fabricants nationaux pendant la deuxième moitié des années 80 ce qui a eu des effets négatifs sur la rentabilité du secteur des alternateurs hydro-électriques en question.

Les données fournies en réponse aux questionnaires du Tribunal et confirmées par les éléments de preuve déposés démontrent clairement que la demande s'est raffermie pendant la deuxième moitié des années 80 par rapport à la période creuse subie pendant la période de 1981 à 1984. De plus, les diverses prévisions tendent vers une augmentation importante de la demande d'alternateurs hydro-électriques pendant la première moitié des années 90; sur une base annuelle, cette demande devrait être comparable à celle que l'on a connue pendant la période d'ébullition des années 1969 à 1975, et qui sert de référence à l'industrie nationale. Une partie importante de ces contrats seront octroyés dans la province de Québec.

Les fabricants nationaux s'attendent à des taux relativement élevés d'utilisation de leurs usines pendant la plus grande partie de la période s'échelonnant de 1990 à 1993. Les chiffres ne tiennent cependant pas compte des contrats sur le point d'être obtenus en 1990 ni des contrats de réparation et de rénovation passablement importants que se verront octroyés certains des fabricants nationaux et qui devraient influer de manière positive sur le taux d'utilisation des usines pendant la première moitié de la décennie.

Des données financières précises concernant les ventes d'alternateurs ont été déposées par les trois fabricants nationaux. Comme dans le cas des turbines, les ventes d'hydro-alternateurs et les marges brutes variaient considérablement d'un producteur national à un autre et en ce qui concerne les ventes au Canada et à l'étranger. Les données financières déposées, portant sur la période de 1985 à 1989, n'ont révélé que peu de tendances perceptibles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans son réexamen des quatre conclusions, le Tribunal doit répondre à deux questions fondamentales. La première est de savoir s'il existe une tendance à recourir au dumping de la part des exportateurs touchés par les conclusions. La seconde consiste à déterminer si l'industrie nationale est vulnérable à une reprise du dumping.

Le Tribunal ne peut répondre à la première question qu'en examinant les activités de chaque pays exportateur, l'un après l'autre. Toutefois, le Tribunal est d'avis que la seconde question, relative à la vulnérabilité de l'industrie, peut faire l'objet d'une réponse commune aux quatre conclusions étant donné le nombre d'éléments communs en cause. Généralement parlant, les sociétés sont les mêmes dans le cas des quatre conclusions. En ce qui concerne les distinctions entre les turbines et les alternateurs, les éléments de preuve ont démontré que les contrats portent normalement sur la fourniture d'un groupe d'appareils de production comprenant les deux produits. Les changements récents sur les marchés mondiaux, par exemple les alliances entre sociétés, les échanges technologiques et les mesures de restructuration prises par les fabricants nationaux, ont touché les deux groupes de produits. Les considérations relatives à l'utilisation des usines sont également liées de près étant donné la similarité du matériel de production et d'autres facteurs. Le Tribunal note en outre que la plus grande partie des témoignages et des éléments de preuve présentés pendant l'audience sur la question de la vulnérabilité de l'industrie ne portaient pas spécifiquement sur les turbines ou les alternateurs.

Vulnérabilité

Pour évaluer la vulnérabilité de l'industrie, le Tribunal a étudié la demande actuelle et future de matériel de production d'énergie hydro-électrique et la nature de la concurrence entourant les contrats à venir sur le marché canadien. Bien que le Tribunal ait également examiné la situation financière des fabricants canadiens, il s'est avéré difficile de tirer des conclusions à partir des résultats financiers de la période soumise au réexamen à cause du décalage entre l'octroi des contrats, le niveau d'activité des usines et les effets sur la situation financière.

Il ressort des données relatives au marché déposées par l'industrie nationale et par le personnel du Tribunal que la demande nationale de matériel de production d'énergie hydro-électrique se raffermit par rapport à la période creuse prononcée de 1981-1984 et qu'elle augmentera de manière significative au cours des quelques prochaines années. Selon les deux ensembles de prévisions, les contrats pendant la période de 1990 à 1995 atteindront, sur une base annuelle, des montants près de ceux atteints pendant la période d'ébullition de 1969 à 1975, que l'industrie a qualifiée de sommet.

Le Tribunal accorde moins d'importance aux prévisions pour la période de 1995 à l'an 2000, étant donné qu'il est toujours beaucoup plus difficile d'établir des prévisions à long terme. Bien que, selon les prévisions de l'industrie, l'on devrait assister à une chute de l'activité plus tard au cours de la décennie, les commandes dépasseraient encore considérablement celles du début des années 80. De plus, la possibilité d'une diminution de la demande dans cinq ans ne justifie pas, selon le Tribunal, la prorogation de ces conclusions aujourd'hui.

En ce qui concerne la concurrence sur le marché, le Tribunal remarque que les sociétés étrangères n'auront pas accès à une bonne partie des contrats à venir. Hydro-Québec, de qui proviendront la majorité des contrats auxquels l'on s'attend pendant les années 90, applique une politique d'«achat au Québec» qui écarte en pratique la concurrence étrangère. Ontario Hydro applique des restrictions aux soumissions qui restreignent les contrats aux fabricants canadiens. En outre, à la lumière des décisions passées de Manitoba Hydro dans l'octroi des contrats pour son projet Limestone à CGE, il est probable que les fabricants canadiens seront de la même façon favorisés dans le cas du futur projet Conawapa du Manitoba. Dans l'ensemble, les projets pour lesquels les fabricants canadiens sont susceptibles d'être traités de manière préférentielle constituent jusqu'à quatre cinquièmes des contrats prévus de 1990 à 1995. Les pratiques d'achat des sociétés provinciales de services publics et la forte augmentation de la demande dans les années 90 font en sorte que les fabricants canadiens sont assurés d'avoir accès à un marché important pour le matériel de production d'énergie hydro-électrique.

L'augmentation de la demande occasionnera un accroissement des taux d'utilisation des usines, laquelle amènera à son tour une amélioration des résultats financiers. Le Tribunal estime également que les mesures de restructuration mises en place et l'amélioration de l'efficacité obtenue depuis que les conclusions sont en vigueur, bien qu'elles aient été douloureuses pour l'industrie, l'ont rendue moins vulnérable à la concurrence des importateurs. GE Canada et MIL Tracy ont toutes deux obtenu du succès sur les marchés mondiaux pendant la dernière décennie. Les alliances et les ententes sur les échanges techniques ont permis aux sociétés nationales d'accroître leur capacité concurrentielle.

Compte tenu d'une nette amélioration des commandes prévues pour les années 90, de marchés pour les marchandises visées qui demeurent fermés, de taux d'utilisation des usines qui sont présentement élevés et que l'on prévoit demeurer ainsi et d'une amélioration de l'efficacité des sociétés nationales de même que d'une diminution de leurs coûts, le Tribunal conclut que l'industrie canadienne n'est pas vulnérable aux importations de produits sous-évalués.

Tendance à recourir au dumping - Conclusions

Conclusions relatives aux turbines - Objet : Japon/République populaire de Chine (ADT-9-84)

Pour déterminer s'il existe une tendance à recourir à nouveau au dumping sur le marché canadien, le Tribunal doit fonder sa décision sur les faits qui lui sont présentés et non simplement sur des allégations, sur la conjoncture ou sur des possibilités distantes. Dans le cas des importations japonaises, les débats ont porté sur les activités passées des fabricants japonais au Canada et sur d'autres marchés d'exportation, de même que sur la situation de l'industrie au Japon.

Depuis les conclusions de 1984, les Japonais n'ont soumissionné avec succès sur aucun contrat au Canada et n'ont pas contribué, de quelque manière qui soit perceptible, aux difficultés financières qu'a connues l'industrie. Les fabricants canadiens ont réussi à obtenir des contrats sur des marchés étrangers face à des concurrents d'envergure internationale, y compris les Japonais.

Il a également été tenu compte des changements des conditions sur le marché japonais et de décisions touchant la production de l'industrie électrique lourde. Des éléments de preuve indiquant que la part des exportations totales du Japon par rapport aux ventes totales d'équipement électrique lourd a constamment diminué depuis 1980, au moment même où les ventes totales d'autre matériel électrique lourd augmentaient, ont retenu l'attention du Tribunal. Afin de faire face à la baisse de la production des marchandises visées, les fabricants japonais ont sensiblement diminué leur capacité de production de turbines et d'alternateurs en affectant les ressources humaines et les installations de fabrication qui y étaient consacrées à la production d'autres marchandises. Dans l'ensemble, les éléments de preuve ne permettent pas, selon nous, de croire qu'il existe un désir de faire fonctionner les usines à tout prix en s'appropriant une certaine part du marché, tel que l'ont prétendu les fabricants canadiens.

Le Tribunal n'est pas convaincu que l'annulation des conclusions dans le cas des Japonais permettrait à ces derniers de s'approprier une part significative du marché. Comme nous l'avons souligné auparavant, une partie importante des contrats prévus de turbines sera octroyée par les provinces de Québec et de l'Ontario, ce qui signifie qu'il y aura exclusion des soumissions par des étrangers ou application d'une politique préférentielle d'achat au Canada. En ce qui concerne le marché de la Colombie-Britannique, le Gouvernement de cette province semble favoriser davantage l'octroi de petits contrats privés pour répondre à ses besoins en matière d'hydro-électricité au cours des prochaines années, filon auquel les Japonais sont peu susceptibles de s'intéresser, étant donné la valeur minime de chaque contrat.

En ce qui concerne le reste du marché ouvert aux soumissionnaires étrangers, le Tribunal s'attend à ce que les Japonais soient soucieux de ne pas présenter des soumissions sous-évaluées, sachant que l'industrie, en vertu des dispositions de la LMSI, peut entreprendre des procédures antidumping en se fondant sur une soumission sous-évaluée. Les prétentions de l'industrie, selon lesquelles ce recours est inadéquat compte tenu du fait que la perte d'un seul contrat dans ce genre d'industrie peut avoir des effets négatifs sur l'utilisation des usines pendant une période prolongée et voulant que des soumissions sous-évaluées contribuent à faire baisser les prix, ne sont pas dénuées de fondement. Cependant, accepter ces arguments dans le contexte actuel, où les perspectives sont excellentes et le taux d'utilisation des usines est élevé, équivaudrait à proroger les conclusions indéfiniment.

Compte tenu de la force actuelle de l'industrie nationale, des autres facteurs relatifs à la vulnérabilité qui ont été abordés précédemment et des faibles possibilités d'une reprise du dumping par les fournisseurs japonais, le Tribunal conclut que les conclusions ayant trait aux turbines hydrauliques ou pièces composantes d'origine faisant l'objet de l'enquête no ADT-9-84, originaires ou exportées du Japon, ou originaires ou exportées de la République populaire de Chine et introduites sur le marché canadien par un fabricant, un producteur, un vendeur ou un exportateur au Japon ou en son nom, devraient être annulées, à compter d'aujourd'hui.

Conclusions relatives aux turbines - Objet : Union des républiques socialistes soviétiques (ADT-4-76)

Passons maintenant aux turbines soviétiques. Les éléments de preuve ont révélé que les fournisseurs soviétiques ont effectivement été exclus du marché canadien depuis l'époque des conclusions initiales, il y a 14 ans.

Le Tribunal est convaincu qu'il existe une mince possibilité de dumping de turbines soviétiques au Canada. Selon les éléments de preuve, l'intervention des Soviétiques au Canada se ferait par l'entremise de BEC, laquelle détient les droits de distribution de la technologie hydro-électrique soviétique en Amérique du Nord. Le Tribunal est d'avis qu'il est très peu probable qu'une entreprise commune de ce genre prenne le risque de voir déposer contre elle une action en dumping sur le marché nord américain.

Comme dans le cas d'autre équipement de production d'énergie hydro-électrique importé, les turbines soviétiques ne pourraient être vendues que dans la petite partie du marché qui demeure «ouverte». En outre, la nouvelle entreprise commune ne possédant pas d'antécédents solides, il est probable que BEC doive se contenter de plus petits projets dans l'avenir prévisible.

Le Tribunal conclut que les conclusions concernant les turbines hydrauliques devant produire de l'énergie électrique, ne comprenant pas les turbines du genre bulbe, originaires de l'Union des républiques socialistes soviétiques, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-76, devraient être annulées, à compter d'aujourd'hui.

Le Tribunal fonde sa décision sur les changements importants dans le marché depuis les conclusions initiales et le réexamen de 1983, sur la bonne santé de l'industrie nationale à l'heure actuelle et la croissance prévue de la demande, sur l'accès restreint des turbines soviétiques aux grands projets hydro-électriques, qu'il s'agisse de turbines fabriquées entièrement en URSS ou comprenant des pièces fabriquées au Canada, et sur l'absence de toute preuve convaincante qu'un préjudice sensible pourrait découler d'une annulation des conclusions.

Conclusions concernant les alternateurs - Objet : Japon (ADT-11-79)

Pour déterminer s'il existe une probabilité d'une reprise du dumping des alternateurs en question par le Japon, le Tribunal a examiné les éléments de preuve applicables en particulier à ces conclusions. Il a remarqué que de toutes les soumissions présentées par les Japonais pour des contrats canadiens depuis les conclusions de 1979, aucune n'a été retenue et que les fabricants canadiens n'ont pu présenter aucune preuve de soumission sous-évaluée sur des contrats pour des alternateurs hydro-électriques. Les arguments soulevés par l'industrie relativement à la tendance à recourir au dumping sur le marché canadien ont trait essentiellement aux soumissions des Japonais sur des marchés étrangers, à un besoin impérieux d'accroître le taux d'utilisation des usines et au caractère attirant du marché canadien.

En ce qui concerne la question des soumissions par les Japonais sur les marchés étrangers, le Tribunal n'a pas été convaincu qu'il pouvait tirer des conclusions fermes à partir des éléments de preuve présentés. Comme nous l'avons souligné précédemment, bien que l'industrie ait présenté des preuves de soumissions, par les Japonais, à des prix comparativement bas, les témoins japonais ont répliqué avec des éléments de preuve contraires démontrant que leurs soumissions étaient souvent à des prix plus élevés que celles des fabricants canadiens. Compte tenu de ces éléments de preuve contradictoires, le Tribunal n'est pas convaincu que les Japonais ont démontré une tendance à recourir au dumping au Canada.

Traitant de la question d'accroître le taux d'utilisation des usines, les témoins japonais ont présenté des données historiques sur les exportations, la capacité de production et la réaffectation de ressources humaines à des domaines non visés dans la présente décision. Toutefois, le Tribunal note également qu'aucune usine japonaise n'a été mise au rancart et que les capacités de production des usines et leur taux d'utilisation peuvent changer avec le temps. Tout compte fait, à notre point de vue, la preuve ne permet pas de croire qu'il existe chez les Japonais un besoin impérieux d'accroître le taux d'utilisation des usines, les poussant à recourir au dumping sur les marchés étrangers comme celui du Canada.

Il ne fait aucun doute que le Canada, avec son vaste marché pour le matériel de production d'énergie hydro-électrique, est et demeurera attrayant pour les fournisseurs étrangers. Toutefois, comme nous l'avons souligné auparavant, une part importante des contrats au cours des quelques prochaines années sera attribuée par Hydro-Québec, laquelle applique une politique d'«achat au Québec», ou par des provinces où les fabricants canadiens peuvent s'attendre à un traitement préférentiel. De plus, l'on ne peut présumer qu'en cas d'annulation, les fournisseurs japonais s'approprieront une partie importante du reste du marché, lequel se compose de BC Hydro, de même que des plus petits contrats un peu partout au Canada. Les sociétés de services publics sont tout à fait au courant des obligations qui se rattachent à l'octroi d'un contrat à un soumissionnaire étranger dont le prix est concurrentiel et des décisions passées sur les importateurs, en vertu desquelles la société de services publics a été réputée être l'importateur inscrit. Plusieurs conclusions à l'encontre de fournisseurs étrangers de marchandises sous-évaluées dans le domaine de l'équipement hydro-électrique lourd sont en vigueur depuis nombre d'années. Le Tribunal estime que la réprobation que suscite l'octroi d'un contrat à un fournisseur étranger de marchandises sous-évaluées pourrait pendant quelque temps dissuader fortement les clients de s'adresser à des fournisseurs étrangers. De plus, le Tribunal note que la LMSI permet aux fabricants canadiens de porter plainte relativement tôt au cours du processus d'octroi d'un contrat (soumission ou offre de vente). Bien que le Tribunal admette qu'il puisse être quelque peu difficile de déposer au moment opportun une plainte à l'égard d'une soumission que l'on estime sous-évaluée, il ne s'agit pas là d'un motif suffisant pour proroger des conclusions à l'encontre d'un pays.

Pour toutes ces raisons, de même que pour les raisons évoquées précédemment concernant la vulnérabilité de l'industrie nationale, le Tribunal conclut que les conclusions concernant les alternateurs électriques et les pièces composantes, originaires ou exportées du Japon, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-79, devraient être annulées, à compter d'aujourd'hui.

Conclusions concernant les alternateurs - Objet : Italie (ADT-8-83)

Les éléments de preuve présentés au sujet de la tendance à recourir au dumping par les fabricants italiens d'alternateurs se composaient d'un choix de soumissions faites par les compagnies Ansaldo sur des marchés étrangers de même que de renseignements sur les taux d'utilisation de la capacité de production et sur la demande prévue sur le marché italien. Cependant, le Tribunal a été incapable de conclure qu'il y avait tendance à recourir au dumping à cause des limites posées par les données présentées et du choix de ces données. Le Tribunal a cependant noté que l'Italie n'avait soumissionné avec succès sur aucun contrat au Canada depuis les conclusions de 1983.

Le Tribunal est arrivé à la même conclusion en ce qui concerne les alternateurs italiens que dans le cas des trois autres conclusions devant lui. Étant donné le caractère restrictif du marché canadien de l'équipement de production d'énergie hydro-électrique, les fortes perspectives de la demande nationale, l'amélioration de la situation de l'industrie canadienne et l'absence de toute preuve concluante concernant la tendance à recourir au dumping, le Tribunal conclut que les conclusions concernant les alternateurs électriques en question et certaines composantes, originaires ou exportées de l'Italie, dans le cadre de l'enquête no ADT-8-83, devraient être annulées, à compter d'aujourd'hui.


1. Hydro Power, décembre 1989, Publications HCI.


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Publication initiale : le 22 août 1997