MOTEURS À INDUCTION

Réexamens (article 76)


CERTAINS MOTEURS À INDUCTION INTÉGRALE SOUS-ÉVALUÉS D'UN HORSE-POWER (1 HP) À DEUX CENTS HORSE-POWER (200 HP) INCLUSIVEMENT, AVEC EXCEPTIONS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE; ET LES MOTEURS À INDUCTION À PLUSIEURS PHASES SOUS-ÉVALUÉS DE 1 CV À 200 CV INCLUSIVEMENT, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DU JAPON, DU MEXIQUE, DE LA POLOGNE, DE TAÏWAN ET DU ROYAUME-UNI; ET LES MARCHANDISES EN CAUSE SUBVENTIONNÉES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU BRÉSIL
Réexamen no : RR-89-013

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 10 octobre 1990

Réexamen no : RR-89-013

EU ÉGARD À un réexamen, effectué en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 15 avril 1983 et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 11 octobre 1985 concernant :

CERTAINS MOTEURS À INDUCTION INTÉGRALE SOUS-ÉVALUÉS D'UN HORSE-POWER (1 HP) À DEUX CENTS HORSE-POWER (200 HP) INCLUSIVEMENT, AVEC EXCEPTIONS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE;

ET

LES MOTEURS À INDUCTION À PLUSIEURS PHASES SOUS-ÉVALUÉS DE 1 CV À 200 CV INCLUSIVEMENT, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DU JAPON, DU MEXIQUE, DE LA POLOGNE, DE TAÏWAN ET DU ROYAUME-UNI; ET LES MARCHANDISES EN CAUSE SUBVENTIONNÉES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU BRÉSIL

O R D O N N A N C E

En vertu des dispositions de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé au réexamen :

- des conclusions de préjudice sensible du Tribunal antidumping datées du 15 avril 1983 concernant le dumping au Canada de moteurs à induction intégrale* d'un horse-power (1 hp) à deux cents horse-power (200 hp) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique, mais à l'exception :

1) des moteurs à phase unique;

2) des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits de pétrole et d'eau;

3) des moteurs à arbre de scies mécaniques; et

4) des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces de remplacement dans

(i) des pompes à absorption pour générateurs de froid fabriquées par The Trane Company,

(ii) des refroidisseurs Centravac fabriqués par The Trane Company, et

(iii) des compresseurs semi-hermétiques et hermétiques fabriqués par The Trane Company; et

*(Pour éviter toute ambiguïté, notons que l'expression «moteurs à induction intégrale» doit s'entendre des moteurs à induction dont le châssis est identifié par un numéro à trois chiffres.)

- des conclusions de préjudice sensible du Tribunal canadien des importations datées du 11 octobre 1985 concernant le dumping au Canada de moteurs à induction à plusieurs phases de 1 à 200 CV (chevaux-vapeur) inclusivement originaires ou exportés du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni, et le subventionnement des mêmes marchandises originaires ou exportées du Brésil.

Conformément au paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide par la présente :

- de proroger les conclusions datées du 15 avril 1983 à l'égard des marchandises originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique avec une modification pour exclure les marchandises en cause qui sont importées au Canada en provenance des États-Unis par Trane Canada en vue de leur installation dans des machines fabriquées par Trane Canada pour l'exportation du Canada vers les États-Unis conformément à la disposition du Traitement intérieur du Tarif des douanes (il y a dissidence du membre Bertrand en ce qui a trait à l'exclusion); et

- de proroger les conclusions datées du 11 octobre 1985 à l'égard du dumping des marchandises en cause originaires ou exportées du Brésil, du Japon, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni et à l'égard du subventionnement des marchandises en cause par le Brésil, et d'annuler les conclusions à l' 9‚gard des marchandises en cause originaires ou exportées du Mexique.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Robert J. Bertrand, c.r.
_________________________
Robert J. Bertrand, c.r.
Membre


Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Doit-on proroger avec ou sans modification, ou annuler les conclusions du Tribunal antidumping et du Tribunal canadien des importations concernant les marchandises susmentionnées - L'opportunité du réexamen du Tribunal en vertu du paragraphe 76(5) - Ordonnance visant un fournisseur aux termes du paragraphe 43(1) - Assemblage de pièces importées - Sensibilité des prix - Investissement dans des installations de production.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge les conclusions mentionnées ci-dessus tout en les modifiant afin d'en exclure certaines marchandises importées des États-Unis par Trane Canada et annule les conclusions en ce qui a trait aux marchandises originaires ou exportées du Mexique. Le dumping pratiqué par les fournisseurs de marchandises originaires ou exportées des pays visés par les présentes conclusions, à l'exception du Mexique, est susceptible de se poursuivre ou de reprendre, et le subventionnement des mêmes marchandises originaires ou exportées du Brésil est susceptible de se poursuivre. C'est ce qu'indiquent le comportement adopté par les principaux exportateurs et le niveau de la concurrence des prix sur le marché national. (Il y a dissidence du membre Bertrand en ce qui a trait à l'exclusion.)

Le Tribunal conclut qu'en l'absence de droits antidumping ou compensateurs, le dumping ou l'importation des marchandises subventionnées ou les deux sont susceptibles de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale. Le préjudice sensible causé à l'industrie nationale pourrait prendre la forme d'une baisse des prix, d'une réduction de la part du marché, de retours faibles ou négatifs ainsi que d'une capacité moindre à investir les capitaux nécessaires pour demeurer concurrentielle.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 4 au 18 juin 1990

Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 10 octobre 1990

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Robert J. Bertrand, c.r., membre
Michèle Blouin, membre

Directeur de la recherche : M. Brazeau
Gestionnaires de la recherche : D. Chatterson
D. Kemp
Préposé aux statistiques : N. Burroughs
Commis à l'inscription
et à la distribution : L.E. Pharand


Participants : Simon V. Potter
Jean G. Bertrand et
Denis Gascon
pour l'Association des manufacturiers
d'équipement électrique et électronique
du Canada
Westinghouse Motor Company Canada Ltd.
et Moteurs Leroy-Somer Canada Limitée/
Leroy-Somer Canada Limitée

Richard G. Dearden et
Milos Barutciski
pour Générale électrique du Canada Inc.

(fabricants intégrés)
Darrel H. Pearson
pour Brook Crompton (Canada) Inc.
Brook Crompton International Ltd.
MagneTek Canada Ltd.
et Century Electric Inc.

B. Erik Furstrand, P. Eng.
pour Madison Industrial Equipment Ltd.
et Teco Electric & Machinery Co. Ltd.

(fabricants non intégrés)
C.J. Michael Flavell et
Geoffrey C. Kubrick
pour Toshiba Corporation
et Toshiba International Corporation

Peter Clark
Peter Burn
Mary Ellen Murdock et
Keith Flavell
pour V.J. Pamensky Canada Inc.
et le Ministère de l'économie, des finances
et de la planification, Gouvernement de
la République fédérative du Brésil

Peter Clark et
Peter Burn
pour WEG Exportastora S.A.
et WEG Motores Ltda.

William R. Herridge, c.r.
pour John Wilson Electric (Fordwich) Ltd.
Duke Electric (1977) Limited
XYZ Dynamo Ltd.
et TME Delta Inc.

Terrence A. Sweeney et
Luqing Quian
pour Baldor Electric Company
Dryden Agencies Ltd.
et Canada Electro Drives (1982) Ltd.

A. de Lotbinière Panet, c.r.
Richard A. Wagner et
Edith Bramwell
pour Trane Canada, Division de WABCO
Standard Trane Inc.
et The Trane Company of La Cross

Richard S. Gottlieb et
Peter E. Kirby
pour ABB Motores S.A. de C.V.

(importateurs-exportateurs)
Alex Fleming, P. Eng.
pour B.C. Hydro

(autre)

Témoins :

David Mayle
Vice-président, Directeur général
Leeson Electric (Canada) Ltd.

Tom Johnson
Vice-président
Mise en marché et opérations des moteurs de moyenne puissance
Westinghouse Motor Company Canada Ltd.

Jeff B. Irish
Directeur de programmes - Composantes de moteurs
Industrial Drive
Motor Business
GE Canada

James D. McAnsh
Directeur - Contentieux commerce international et droit des sociétés
GE Canada

Alidor Lueders
Diretor de controle
WEG S.A.

Adimar Schievelbein
Schievelein Associados
Consultoria de Comércio Exterior S/C Ltda

Osvaldo Soares
S. & A. Business Consultants

Michel Chripounoff
Président
Leroy-Somer Canada Ltée

R.K. Grandin
Président et Directeur général
Brook Crompton

Ron Sugden
Directeur général et Directeur des ventes
Brook Crompton

Joe Gerschkow
Directeur de l'administration financière
Brook Crompton

B. Erik Furstrand, P.Eng
Président
Madison Industrial Equipment Ltd.

G.D. Eades
Contrôleur
Westinghouse Sales and Distribution Inc.

George Purdy
Vice-président - Finance
Westinghouse Motor Company Canada Limited

Magnus Ballé
Directeur - Achats en construction
Howe Sound Pulp and Paper Limited

A. (Brian) Besteman
Ingénieur-conseil
H.A. Simons Ltd.

Alan R. Fraser
Directeur du service national
Trane Canada

Charles P. LeMone
Vice-président et Ingénieur en chef
Toshiba International Corporation

Carl H. Leippi, P.Eng.
Directeur général
Hampton Power Products

Don Wilson
John Wilson Electric (Fordwich) Ltd.

Ing. Héctor Cardenas N.
Directeur général
ABB Motores, S.A. de C.V.

Peter R. Richard
Directeur de marketing
Large AC Drive and Rectifiers
Asea Brown Boveri Inc.

J.E. (Jim) Dryden
Dryden Agencies Ltd.

D.W. MacDonald
Directeur
Équipement et transport
Programmes d'évaluation
Revenu Canada

Adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien de commerce extérieur
20e étage
immeuble Journal Sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a terminé un réexamen, aux termes de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 15 avril 1983 et par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 11 octobre 1985 concernant certains moteurs à induction importés des États-Unis, du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni.

En procédant à un réexamen des conclusions de préjudice sensible causé par le dumping ou l'importation de marchandises subventionnées, ou les deux, le Tribunal cherche des éléments de preuve relatifs à des facteurs comme le comportement récent des exportateurs et l'état du marché dans les pays d'origine, au Canada ou ailleurs, tous éléments qui indiquent que les importations de marchandises sous-évaluées ou subventionnées ou les deux sont susceptibles ou non de reprendre dans un avenir prévisible. Le Tribunal tient également compte d'éléments de preuve concernant des facteurs comme les changements dans les parts du marché des importations, l'état du marché et la santé de l'industrie, pour déterminer si une reprise du dumping ou de l'importation des marchandises subventionnées, ou les deux, est susceptible de causer un préjudice sensible aux producteurs canadiens.

Pour ce qui est du réexamen des conclusions de 1985 concernant le Brésil, le Japon, le Mexique, la Pologne, Taïwan et le Royaume-Uni, les éléments de preuve indiquent que, si le montant global des importations a diminué, celui des droits compensateurs imposés et perçus sur les importations en provenance du Brésil, les marges brutes de dumping ainsi que le pourcentage des marchandises sous-évaluées ont augmenté pour atteindre des niveaux importants ces deux dernières années. Les importations en provenance du Brésil ont progressé de façon considérable, et le gouvernement brésilien n'a pas cessé le subventionnement. Depuis les conclusions de 1985, une partie importante des importations en provenance de Taïwan, de la Pologne et du Royaume-Uni ont été remplacées par des moteurs produits au Canada par de nouveaux producteurs non intégrés qui se procurent les pièces auprès des usines étrangères qui exportaient auparavant les moteurs entiers et qui, dans certains cas, continuent à exporter des moteurs entiers au Canada. Compte tenu des éléments de preuve concernant cette nouvelle production et de la tendance générale vers la mise en place de sites de production à l'échelle mondiale, le Tribunal entretient des doutes sur la viabilité de cette production non intégrée au cas où les conclusions seraient annulées. Les importations en provenance du Mexique sont tombées à un niveau négligeable après l'adoption de ces conclusions et n'ont pas joué un rôle important dans ce marché depuis ce temps.

Le Tribunal prend acte des éléments de preuve concernant le dumping de moteurs à induction en Australie par le Brésil, le Royaume-Uni, Taïwan et la Pologne. De plus, le Tribunal tient compte du fait que les éléments de preuve relatifs au comportement constaté dans ce qu'on a appelé la cause des moteurs à forte puissance sont pertinents à la présente cause puisque la cause a été entendue l'année dernière et que le gros des marchandises en question (les moteurs de 200 à 800 hp) concernent les mêmes producteurs, les mêmes processus de production, les mêmes réseaux de commercialisation et les mêmes clients.

Le Tribunal a entendu de nombreux témoignages concernant le fléchissement du marché intérieur et sa sensibilité aux prix. Compte tenu de la situation actuelle sur le marché, de la probabilité de l'augmentation des pressions exercées sur les prix et du comportement des pays en cause, le Tribunal conclut que le dumping pratiqué par les pays en cause, à l'exception du Mexique, est susceptible de reprendre si les conclusions étaient annulées.

En ce qui a trait au fait que la reprise du dumping ou le maintien des importations des marchandises subventionnées ou les deux sont susceptibles de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale, le Tribunal note que si la performance de l'industrie s'est améliorée au cours des dernières années, grâce à un marché soutenu, cette industrie demeure dans l'ensemble non rentable. Bien que la part du marché détenue par les fabricants canadiens ait augmenté depuis les conclusions de 1985, cette augmentation reflète presque exclusivement celle des fabricants non intégrés qui se sont établis depuis les conclusions de 1985 et qui vendent des moteurs fabriqués principalement à partir des pièces importées des pays visés par ces conclusions. Bien que d'autres producteurs intégrés aient quitté cette industrie depuis cinq ans, les producteurs intégrés, Westinghouse Motor Company Canada Ltd. (Westinghouse), Leroy-Somer Canada Limitée (Leroy-Somer) et Générale électrique du Canada Inc. (GE Canada), ont réussi à conserver leur part du marché ces dernières années.

L'industrie est en cours de rationalisation et de restructuration et fait face à une concurrence vigoureuse sur le marché intérieur. Tous les fournisseurs seront amenés à faire face dans un avenir rapproché à de vives pressions sur les prix. En raison de sa situation déficitaire et d'importants déboursés d'investissement, GE Canada est particulièrement vulnérable à un ralentissement du marché ou à une baisse des prix qu'entraînerait une reprise du dumping. Le Tribunal conclut qu'une reprise du dumping ou le maintien des importations de marchandises subventionnées ou les deux sont susceptibles de causer un préjudice sensible à l'industrie canadienne, préjudice qui pourrait prendre la forme d'une baisse des prix, d'une réduction de la part du marché, de retours faibles ou négatifs ainsi que d'une capacité moindre à investir les capitaux nécessaires pour demeurer concurrentielle.

Pour ce qui est du réexamen des conclusions de 1983 contre les États-Unis, les éléments de preuve indiquent que les importations en provenance des États-Unis ont fortement augmenté depuis 1986 et qu'elles dépassent maintenant les importations combinées des six pays visés par les conclusions de 1985. La marge moyenne de dumping et le pourcentage des marchandises sous-évaluées sont élevés et en hausse. L'industrie américaine procède à l'heure actuelle à une réorganisation et à une rationalisation substantielles. Alors que certaines usines ont fermé et que des entreprises ont abandonné ce secteur, d'autres grands producteurs américains disposent d'une capacité excédentaire ou prévoyaient augmenter leur capacité de production. Le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels Toshiba International Corporation (Toshiba) a largement pénétré le secteur des utilisateurs finals grâce à une stratégie agressive de prix. Le Tribunal prend également note des marges de dumping et du pourcentage de marchandises qui ont été déclarées avoir été sous-évaluées par les États-Unis au cours de l'enquête sur les moteurs à forte puissance tenue l'année dernière. Compte tenu de ce qui précède et des éléments de preuve concernant la sensibilité aux prix d'un marché à la baisse, le Tribunal estime que, sans l'imposition des droits antidumping, les fabricants des États-Unis sont susceptibles de poursuivre ou de reprendre le dumping.

Le Tribunal considère que les observations sur les conséquences probables que la reprise du dumping et du subventionnement, par les pays visés par les conclusions de 1985, peuvent avoir sur la production nationale sont également valables pour ce qui est des conséquences d'une reprise du dumping par les producteurs américains. En fait, la probabilité de préjudice sensible est encore plus grave, compte tenu de la croissance des importations en provenance des États-Unis, de la part du marché que représentent ces importations, des réseaux de distribution et de commercialisation des marchandises américaines déjà en place au Canada et de la stratégie agressive sur les prix adoptée par Toshiba qui a ainsi réussi à pénétrer largement le secteur des utilisateurs finals.

Le Tribunal proroge donc les conclusions du 11 octobre 1985 concernant le Brésil, le Japon, la Pologne, Taïwan et le Royaume-Uni et annule ces conclusions à l'égard du Mexique. Le Tribunal proroge également les conclusions du 15 avril 1983 en les modifiant de façon à exclure les marchandises en cause importées au Canada des États-Unis par Trane Canada en vue de leur installation dans l'équipement fabriqué par Trane Canada et destiné à l'exportation du Canada vers les États-Unis conformément aux dispositions du Traitement intérieur du Tarif des douanes.

CONTEXTE

Ce réexamen est effectué en vertu de l'article 76 de la LMSI et porte sur les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 15 avril 1983 et le TCI le 11 octobre 1985 concernant certains moteurs à induction décrits de la façon suivante.

Enquête no ADT-8R-78 (le 15 avril 1983)

Moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 hp) à deux cents horse-power (200 hp) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique [1] .

Enquête no CIT-6-85 (le 11 octobre 1985)

Moteurs à induction à plusieurs phases de 1 à 200 CV inclusivement, originaires ou exportés du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni.

Le Tribunal a émis un avis de réexamen le 28 novembre 1989. Cet avis a été communiqué à toutes les parties intéressées connues et publié dans la partie I de la Gazette du Canada du 9 décembre 1989. En mars 1990, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés à tous les producteurs canadiens connus de marchandises en question et à plus de 60 importateurs. Le personnel de recherche du Tribunal a préparé, à partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d'autres sources, des rapports de recherche public et protégé préalables à l'audience. Avant l'audience, les membres du personnel du Tribunal ont visité plusieurs producteurs et importateurs du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique et les membres du Tribunal ont visité les locaux de deux producteurs de l'Ontario.

Le dossier du présent réexamen contient tous les documents et textes pertinents, y compris les conclusions originales, l'avis de réexamen, la correspondance échangée avec les parties intéressées, les réponses aux questionnaires, les rapports de recherche préalables à l'audience et les observations et les arguments produits par les parties intéressées. Toutes les pièces destinées au public ont été mises à la disposition des parties intéressées tandis que l'accès aux pièces protégées n'a été accordé qu'aux avocats indépendants et ayant produit un engagement de non-divulgation. Le Tribunal a tenu des séances publiques et à huis clos à Ottawa du 4 au 18 juin 1990.

Westinghouse et Leroy-Somer, fabricants nationaux intégrés des marchandises en question, étaient représentées à l'audience par l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada (l'AMEEEC) et par leurs avocats. Elles ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de la prorogation des deux conclusions.

GE Canada, un autre fabricant national intégré, était représentée par des avocats à l'audience. Ces derniers ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de la prorogation des deux conclusions pour une période de trois ans ou, à titre subsidiaire, de la prorogation des deux conclusions en excluant Baldor Electric Company (Baldor) et les importateurs qui ont droit à des ordonnances de remise de droits pour traitement intérieur, ou subsidiairement, de la prorogation des conclusions de 1985 et de la modification des conclusions concernant les États-Unis de façon à ce qu'elles s'appliquent uniquement aux exportations de Toshiba.

Leeson Electric (Canada) Ltd. (Leeson), producteur et importateur national, a présenté un mémoire en faveur de la prorogation des deux conclusions; elle avait été convoquée à titre de témoin par l'AMEEEC.

Brook Crompton (Canada) Inc. (Brook Crompton), producteur et importateur national, et sa société-mère au Royaume-Uni, Brook Crompton International Ltd., étaient représentées par un avocat à l'audience et ont présenté des éléments preuve et des arguments à l'appui de l'annulation des conclusions dans l'enquête no CIT-6-85 ou, à titre subsidiaire, en faveur de l'exclusion des moteurs en cause en provenance du Royaume-Uni ou de l'exclusion de certaines catégories de moteurs à induction (arbre vertical creux, châssis identifié par un numéro à deux chiffres et rotor à enroulements).

Madison Industrial Equipment Ltd. (Madison), producteur national et ancien importateur, était représentée par le président de la société. Madison a présenté des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions dans l'enquête no CIT-6-85 ou, subsidiairement, en faveur de l'exclusion des importations en provenance de Taïwan ou de l'exclusion des importations par Madison de marchandises fabriquées par Teco Electric & Machinery Co. Ltd. (Teco), de Taïwan.

Toshiba, qui exporte à partir des États-Unis, et quatre de ses distributeurs canadiens, John Wilson Electric (Fordwich) Ltd. (John Wilson), Duke Electric (1977) Limited (Duke Electric), XYZ Dynamo Ltd. et TME Delta Inc., étaient tous représentés par des avocats à l'audience. Elles ont soumis des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions dans l'enquête no ADT-8R-78, à l'égard des États-Unis.

Un autre exportateur américain, Baldor, et deux de ses représentants canadiens, Dryden Agencies Ltd. (Dryden) et Canada Electro Drives (1982) Ltd., étaient représentés à l'audience par des avocats. Ils ont soumis des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions dans l'enquête no ADT-8R-78.

Un importateur, MagneTek Canada Ltd. (MagneTek) et son fournisseur américain, Century Electric Inc. (Century), étaient représentés par un avocat à l'audience. Ils ont présenté des éléments de preuve en faveur de l'annulation des conclusions dans l'enquête no ADT-8R-78 ou, à titre subsidiaire, en faveur de l'exclusion des moteurs exportés par Century et importés par MagneTek ou, à titre subsidiaire, à l'appui de l'annulation de ces deux conclusions.

Trane Canada (Trane), qui importe des moteurs des États-Unis, était représentée par des avocats à l'audience. Ces avocats ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de l'annulation des deux conclusions. Ils ont demandé qu'au cas où les conclusions seraient prorogées, les exclusions actuelles concernant certaines catégories de moteurs importés par Trane soient prorogées et que les marchandises en cause importées par Trane aux termes d'une ordonnance de remise de droits pour traitement intérieur et exportées par la suite soient exclues de l'application des conclusions.

Un autre importateur, V.J. Pamensky Canada Inc. (Pamensky), et son fournisseur brésilien, WEG Motores Ltda (WEG), étaient représentés par des avocats à l'audience. Ils ont présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de l'annulation des conclusions de 1985 concernant les six pays dans l'enquête no CIT-6-85.

ABB Motores S.A. de C.V. (ABB Motores), un fabricant mexicain, était représentée par des avocats à l'audience. Ces avocats ont présenté des éléments de preuve et des arguments visant à amener le Tribunal à déclarer que les conclusions ne s'appliquent pas aux marchandises produites et exportées par ABB Motores ou, à titre subsidiaire, à exclure de l'application des conclusions les marchandises produites et exportées par ABB Motores.

L'ambassadeur du Mexique a présenté des observations écrites demandant que l'on exclu des conclusions les exportations en provenance du Mexique.

QUESTIONS JURIDIQUES EN LITIGE

Compétence du Tribunal

Dès le début de l'audience, les avocats de Toshiba Corporation et de Toshiba International Corporation ont présenté une requête demandant au Tribunal de se déclarer forclos et incompétent à réexaminer les conclusions du Tribunal antidumping du 15 avril 1983 à l'égard des États-Unis, dans l'enquête no ADT-8R-78. En vertu du paragraphe 108(8), une disposition transitoire de la LMSI [2] , les conclusions qui étaient en vigueur au moment où la LMSI a été adoptée en 1984 ont été réputées avoir été faites à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, c'est-à-dire, le 1er décembre 1984. Les avocats ont soutenu que la version française du paragraphe 76(5) de la LMSI exige que le Tribunal termine son réexamen et prononce une ordonnance ou des conclusions dans les cinq ans suivant les anciennes conclusions, c'est-à-dire avant le 30 novembre 1989.

Il s'agit de savoir si, comme l'ont soutenu les avocats, la version française du paragraphe 76(5) exige que le réexamen soit terminé avant l'expiration d'une période de cinq ans faisant suite à l'ordonnance ou aux conclusions initiales. La version anglaise du paragraphe 76(5) énonce que l'ordonnance ou les conclusions sont réputées annulées après l'expiration de cinq ans «Where the Tribunal has not initiated a review ... ,» alors que la version française énonce «À défaut de réexamen... ». Les avocats ont soutenu que la version française reflétait davantage l'esprit de la LMSI qui visait à fixer une limite de cinq ans à la durée d'application d'une ordonnance ou de conclusions.

Les avocats ont également soutenu que le paragraphe 76(4) : «À la fin du réexamen visé au paragraphe (2), le Tribunal rend une ordonnance... » et « ... On completion of a review pursuant to subsection (2) ... the Tribunal shall make an order ... » est que l'ordonnance (order) fait partie du réexamen et doit donc être prononcée au cours de la période de cinq ans.

Enfin, les avocats ont soutenu qu'en retenant la version anglaise du paragraphe 76(5), on risque d'en arriver à un résultat absurde puisque le Tribunal serait uniquement tenu de commencer le réexamen dans les cinq ans de l'ordonnance initiale et qu'il pourrait laisser la question en suspens pendant une période indéterminée.

Le Tribunal a refusé à l'audience la requête des avocats et a affirmé sa compétence dans les termes suivants :

Ce jury se déclare compétent pour procéder à ce réexamen et pour émettre une ordonnance valide concernant les conclusions à l'égard des États-Unis. Ce réexamen a commencé avant l'expiration de la période de cinq ans.

Le jury appuie cette décision sur les motifs énoncés dans l'exposé des motifs de l'ordonnance datée du 1er mai 1990 rendue dans le cadre du réexamen RR-89-006 (Tôles d'acier au carbone et allié). (traduction)

Voici comment étaient formulés les motifs rendus lors de ce réexamen et que notre formation du jury adopte :

Premièrement, toutes les dispositions de l'article 76 doivent être lues ensemble dans les deux langues pour en tirer le sens et l'objet généraux. Ainsi, le paragraphe 76(2) stipule que le Tribunal peut réexaminer une ordonnance ou des conclusions rendues antérieurement, sans préciser un délai à l'intérieur duquel le réexamen doit être instauré ou qu'il doit être achevé dans le délai de cinq ans visé au paragraphe 76(5). Un réexamen ne peut être effectué en un clin d'oeil. Il faut compter plusieurs semaines, voire plusieurs mois, depuis les travaux effectués par le personnel avant l'émission de l'avis du réexamen jusqu'au dépôt, par le Tribunal, des conclusions et des motifs qui les sous-tendent en passant par les travaux de recherche du personnel et la tenue d'audiences publiques. En toute logique, le parlement ne pouvait exiger que le paragraphe 76(5) stipule que le réexamen soit complété dans les cinq ans suivant l'émission de l'ordonnance initiale alors que le Tribunal pouvait déjà amorcer un réexamen en tout temps au cours de cette période.

Deuxièmement, le Tribunal estime que dans son sens ordinaire dans les deux langues, le paragraphe 76(4) prévoit que le Tribunal doit émettre une ordonnance dès que le réexamen est terminé. Cette ordonnance renferme les conclusions du réexamen.

Troisièmement, le Tribunal est d'avis que la LMSI vise, de façon générale, à protéger la production canadienne de marchandises semblables d'un préjudice sensible causé par le dumping et le subventionnement, sous réserve d'un réexamen permettant de confirmer que cette protection spéciale demeure justifiée. Ce réexamen peut être amorcé en tout temps au plus tard dans les cinq ans suivant l'émission d'une ordonnance ou des conclusions. Le paragraphe 76(5) ne vise qu'à s'assurer que l'ordonnance ou les conclusions seront réputées échues si le Tribunal n'entreprend pas de réexamen dans les cinq ans suivant l'émission de l'ordonnance ou des conclusions.

Le parlement n'a pas précisé la durée d'une ordonnance ou des conclusions émises par le Tribunal en vertu de l'article 43 parce qu'il est impossible de prévoir pendant combien de temps les effets du dumping ou du subventionnement, ainsi que du préjudice qui en résulte, se feront sentir. Si le parlement avait voulu avant tout limiter la durée des conclusions de préjudice à cinq ans, il l'aurait précisé dans la LMSI. Au lieu de cela, il a décrété que le réexamen visé à l'article 76 devait être entrepris dans les cinq ans. L'esprit de la LMSI et le but de l'article 76 dans son ensemble sont bien résumés dans la version anglaise du paragraphe 76(5). La tournure française «À défaut de réexamen... » signifie qu'un réexamen constitue un processus, et non un court délai.

Enfin, tout intervenant qui est d'avis que le Tribunal met trop de temps à procéder au réexamen qu'il a entrepris et à rendre sa décision peut s'adresser à d'autres instances.

Application des conclusions

À l'audience, les avocats de ABB Motores, un fabricant du Mexique des marchandises en question, ont demandé au Tribunal de déclarer que la décision du TCI dans l'enquête no CIT-6-85 soumise au réexamen ne s'applique pas à ABB Motores. Celle-ci n'exportait pas les marchandises en question, ni au moment de l'enquête de dumping effectuée par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise (le Sous-ministre), ni au moment où le TCI a fait enquête en 1985. En fait, ABB Motores n'existait pas sous cette raison sociale puisqu'elle a été constituée en 1986 par la fusion de deux sociétés. Une des deux sociétés fondatrices produisait les marchandises en question au Mexique depuis 1964. Cependant, cette société n'exportait pas ces marchandises au moment de l'enquête sur le dumping ou sur le préjudice sensible.

Les avocats ont invoqué ces circonstances pour fonder leur requête et ont précisé que ABB Motores n'était pas une partie à l'enquête de dumping qui a précédé l'enquête de préjudice sensible menée par le TCI, ni une partie à l'enquête sur le préjudice sensible menée par ce tribunal. D'après eux, le TCI ne pouvait appliquer des conclusions de préjudice sensible qu'aux producteurs-exportateurs qui avaient fait l'objet de l'enquête et qui ont été déclarés avoir fait entrer au Canada des marchandises sous-évaluées. Les avocats de ABB Motores ont soutenu que ces conclusions découlent de la façon dont le paragraphe 43(1) de la LMSI précise l'étendue des pouvoirs du Tribunal.

Après avoir examiné la jurisprudence, l'économie générale et l'intention de la LMSI, le Tribunal conclut qu'il ne peut accorder la requête des avocats. Tout d'abord, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué dans la cause Hitachi et al. c. le Tribunal antidumping et al. [3] que les conclusions de préjudice sensible ne s'appliquent pas uniquement aux producteurs-exportateurs dont on a conclu qu'ils ont avoir fait entrer au Canada des marchandises sous-évaluées au moment de l'enquête de dumping ou de l'enquête sur le préjudice sensible.

Dans la cause Hitachi, qui portait sur le dumping de téléviseurs couleurs au Canada en provenance du Japon, d'autres pays asiatiques et des États-Unis, le Tribunal antidumping disposait d'éléments de preuve démontrant que seulement trois des douze exportateurs japonais sous-évaluaient le produit national. De plus, sur ces trois, un seul d'entre eux avait un chiffre d'affaires d'une certaine importance. Malgré le fait que seuls quelques exportateurs japonais sous-évaluaient des marchandises comparables au produit national, le Tribunal antidumping a déclaré ce qui suit :

... La volonté de certains exportateurs japonais de vendre leurs produits à un prix inférieur à celui des produits nationaux est un sujet d'inquiétude réelle et elle pourrait bien s'accentuer si l'on ne fait rien pour empêcher le dumping [4] . (soulignement ajouté)

Par conséquent, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping des marchandises en question, exportées à partir du Japon, était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables. C'est-à-dire que le Tribunal antidumping n'a pas limité la portée des conclusions de préjudice sensible seulement aux exportateurs qui avaient été déclarés avoir fait entrer au Canada des téléviseurs couleurs sous-évalués au moment de l'enquête de dumping ou de l'enquête de préjudice sensible. En fait, les conclusions ont reçu une application de portée nationale.

Les conclusions du Tribunal antidumping respectaient le paragraphe 16(3) de la Loi antidumping [5] dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

Le Tribunal... doit déclarer à quelles marchandises ou à quelle sorte de marchandises, y compris, dans le cas où cela s'applique, à quel fournisseur et à quel pays d'exportation l'ordonnance ou les conclusions s'appliquent. (soulignement ajouté)

Les dispositions habilitantes du paragraphe 43(1) de la LMSI en vigueur au moment où le TCI a rendu les conclusions contestées par ABB Motores dans le cadre du présent réexamen se lisaient ainsi :

... Le Tribunal... y précisant les marchandises concernées et, le cas échéant, leur fournisseur et leur pays d'exportation.

Hitachi a finalement interjeté appel de la décision du Tribunal antidumping devant la Cour Suprême du Canada en posant la question de droit suivante :

... si le Tribunal antidumping était tenu, lorsqu'il concluait au préjudice sensible ou à la probabilité d'un tel préjudice [en vertu du paragraphe 16(3)] eu égard à l'exportation d'appareils du Japon, d'établir un rapport entre ses conclusions et chaque exportateur ou s'il pouvait rendre ses conclusions à l'égard de toutes les marchandises en provenance du Japon, indépendamment du fait que dans le cas de certains exportateurs il n'était prouvé ni préjudice ni préjudice probable. (soulignement ajouté)

La Cour Suprême a rejeté l'appel en déclarant que le paragraphe 16(3) autorisait le Tribunal antidumping à prononcer les conclusions contestées dans le cadre de l'appel.

Compte tenu de la grande similitude qui existe entre le paragraphe 16(3) de la Loi antidumping et le paragraphe 43(1) de la LMSI, le Tribunal estime que, d'après la décision Hitachi, les conclusions rendues en vertu du paragraphe 43(1) ne doivent pas nécessairement viser un exportateur en particulier ou s'appliquer uniquement aux exportateurs qui ont été déclarés avoir fait entrer au Canada des marchandises sous-évaluées au moment de l'enquête de dumping ou de l'enquête sur le préjudice sensible. En fait, il est possible d'appliquer ces conclusions à l'ensemble du pays. Le Tribunal estime que ces conclusions sont conformes à l'économie générale de la LMSI et à l'intention du parlement en promulgant la loi.

D'après cette loi, lorsque des marchandises sont importées au Canada après que des conclusions aient été rendues, un agent des douanes peut déterminer, pour ce qui est de l'imposition de droits antidumping, plusieurs points : (1) Les marchandises importées sont-elles des marchandises de même description que celles qui sont visées par les conclusions?; (2) Le prix d'exportation des marchandises importées de même description que les marchandises visées par les conclusions; ou (3) La valeur normale des marchandises exportées.

Les avocats ont soutenu que les conclusions du TCI s'appliquent uniquement aux exportateurs qui ont été déclarés avoir sous-évalué des marchandises au moment de l'enquête sur le dumping ou le préjudice sensible. Les décisions susmentionnées se rapportent à des marchandises de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du TCI ce qui veut dire, en appliquant le raisonnement des avocats, que ces décisions seraient uniquement applicables aux marchandises fournies par les exportateurs dont le nom figure dans les conclusions du TCI.

Le Tribunal ne peut retenir un tel raisonnement parce qu'un exportateur dont le nom ne figurerait pas dans les conclusions pourrait ainsi livrer en toute impunité des marchandises sous-évaluées, même si cet exportateur fournissait des marchandises identiques aux marchandises sous-évaluées provenant du même pays visé par les conclusions de préjudice sensible. Il est bien établi que l'objectif principal de la LMSI est de protéger les fabricants et les producteurs canadiens de la concurrence injuste que leur feraient le dumping ou l'importation de marchandises subventionnées ou les deux, ce qui leur causeraient un préjudice sensible [6] . Il est évident qu'il serait facile de déjouer l'intention du parlement si la portée d'une enquête sur le dumping devait se limiter uniquement aux exportateurs qui ont été déclarés avoir fait entrer au Canada des marchandises sous-évaluées au moment de l'enquête sur le dumping ou le préjudice sensible.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

Conclusions concernant les États-Unis (Enquête no ADT-8R-78)

Le 9 janvier 1979, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping de certains moteurs à induction intégrale de 1 à 200 hp inclusivement, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises semblables.

Le Tribunal antidumping a examiné la question du préjudice sensible en notant que l'industrie canadienne se composait de divers producteurs caractérisés par une taille, une orientation et des gammes de produits très diverses. Dans l'ensemble, l'industrie était en mesure de produire à peu près la gamme entière des marchandises en cause en respectant une norme de qualité acceptable, bien qu'on ait reproché à cette industrie de réagir trop lentement aux besoins des secteurs spécialisés du marché ainsi que ses pratiques en matière de distribution et de service après-vente.

On a constaté que les importations en provenance des États-Unis représentaient une part importante du marché canadien, et que cette part croissait rapidement. Plus des trois quarts des importations visées par l'enquête du Sous-ministre avaient été sous-évaluées suivant celle-ci, avec une marge de dumping importante. Ceci a empêché l'industrie canadienne de participer à la forte croissance qu'a connue le marché intérieur vers la fin des années 70, parce qu'elle n'a pu augmenter suffisamment ses prix pour compenser l'augmentation des coûts. L'industrie nationale a ainsi vu sa part du marché diminuer et a subi des baisses pour ce qui est de l'emploi, de l'utilisation de sa capacité de production et de sa rentabilité.

Le Tribunal antidumping a indiqué que le prix constituait un facteur important, sinon presque toujours le facteur déterminant, pour ce qui est des décisions relatives aux achats. Le Tribunal antidumping a conclu que les prix sous-évalués constituaient la principale raison des succès commerciaux des moteurs importés des États-Unis et que, par conséquent, ce dumping était à l'origine du préjudice subi par l'industrie canadienne. Ces conclusions excluaient plusieurs catégories de moteurs à induction qui n'étaient pas produits au Canada.

Au cours de l'audience, on a beaucoup débattu du sens des mots «induction intégrale». Pour l'industrie, «induction intégrale» s'applique aux moteurs dont le châssis est identifié par un numéro à trois chiffres tandis que le mot «fractionnaire» vise les châssis identifiés par un numéro à deux chiffres. Cependant, les moteurs fractionnaires avec un châssis à deux chiffres peuvent avoir une puissance allant jusqu'à 5 hp alors que les moteurs intégraux dont le châssis est identifié par un numéro à trois chiffres peuvent avoir une cotation en hp inférieure à un. Bien que le Tribunal antidumping n'ait pas défini de façon explicite le sens des mots «induction intégrale» au cours de l'audience, il a néanmoins défini, dans son exposé des motifs, le produit en question comme étant des moteurs à induction de 1 à 200 hp, construits avec un châssis désigné par trois chiffres.

Certains importateurs ont présenté une demande en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale en vue de faire réexaminer la décision du Tribunal antidumping par la Cour d'appel fédérale, soutenant que le fait de définir les marchandises en cause postérieurement à l'audience les a privés de l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments concernant directement la catégorie de marchandises que visait l'enquête du Tribunal antidumping. La Cour d'appel fédérale a reconnu dans sa décision du 20 juillet 1982 que le fait que toutes les parties n'aient pas eu l'occasion de présenter leurs observations constituait un déni de justice naturel et a ordonné au Tribunal antidumping de réexaminer la question.

La nouvelle audience a eu lieu le 24 janvier 1983 et des éléments de preuve ont été présentés concernant la catégorie particulière de marchandises faisant l'objet de l'enquête, à savoir, les moteurs à induction dont le châssis est identifié par un numéro à trois chiffres d'une puissance allant de 1 à 200 hp inclusivement. Le Tribunal antidumping a déterminé que les moteurs ayant un châssis identifié par un numéro à trois chiffres représentaient près de 70 p. 100 du marché des moteurs à induction intégrale de 1 à 200 hp. Le Tribunal antidumping est arrivé aux mêmes conclusions auxquelles il était arrivé lors de l'enquête initiale et a rendu ses conclusions le 15 avril 1983, qui comprenaient les mêmes exclusions que les conclusions initiales. Ce sont sur ces dernières conclusions, ainsi que sur les conclusions prononcées en 1985, que porte le présent réexamen.

Conclusions contre le Brésil, le Japon, le Mexique, la Pologne, Taïwan et le Royaume-Uni (Enquête no CIT-6-85)

Le 11 octobre 1985, le TCI a conclu que l'entrée au Canada, à des prix sous-évalués, de moteurs à induction à plusieurs phases de 1 à 200 CV inclusivement, originaires ou exportés du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni et le subventionnement des mêmes marchandises par le Brésil avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le 26 novembre 1985, le TCI rendait des conclusions d'absence de préjudice sensible à l'égard d'importations de la même catégorie de moteurs en provenance de la Roumanie [7] .

Sur la question du préjudice sensible, le TCI a noté que l'industrie canadienne a enregistré des profits en 1981, mais qu'avec la récession de 1982-1983, elle a vu ses ventes chuter fortement et a enregistré des pertes nettes. La demande du marché a augmenté en 1984 et 1985, mais l'industrie a continué à perdre sa part du marché et à enregistrer des pertes nettes.

En évaluant la cause de ce préjudice, le TCI a déterminé que celle-ci ne pouvait être attribuée à la mauvaise qualité des produits, à des problèmes de livraison ou de service après vente. En fait, on s'est accordé pour reconnaître que la qualité des moteurs produits au Canada était égale sinon meilleure que celle qu'offraient les concurrents étrangers. En outre, le préjudice n'était pas attribuable à des modifications des taux de change étrangers, à la concurrence que se livrait l'industrie canadienne ou à la restructuration de cette industrie face à la poursuite de la concurrence provenant d'usines d'envergure mondiale dans d'autres pays. Le TCI a conclu que bien que ces facteurs nuisaient dans une certaine mesure à l'industrie canadienne, c'était l'effet cumulatif d'importations sous-évaluées et subventionnées qui causait un préjudice sensible à cette industrie sous la forme de perte de part du marché et de pression sur les prix entraînant des pertes d'exploitation.

LE PRODUIT

Les produits visés par les conclusions faisant l'objet du réexamen sont les suivants :

- les moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 hp) à deux cents horse-power (200 hp) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, ou des moteurs à phase unique, des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits de pétrole et d'eau, des moteurs à arbre de scies mécaniques et des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces de remplacement dans certains produits fabriqués par The Trane Company, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique dans l'enquête no ADT-8R-78, et,

- les moteurs à induction à plusieurs phases de 1 à 200 CV inclusivement, originaires ou exportés du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni dans l'enquête no CIT-6-85.

Dans les deux cas, les moteurs en question sont des moteurs à plusieurs phases fonctionnant sur courant alternatif par opposition aux moteurs à phase unique et aux moteurs fonctionnant sur courant continu. On utilise habituellement ces moteurs pour assurer le moment de torsion qui permet de déplacer des solides, des liquides et des gaz. Ils servent principalement à faire fonctionner des ventilateurs, des souffleurs, des pompes, des compresseurs, des convoyeurs et des machines-outils.

Les moteurs en cause dont la puissance s'établit entre 1 et 200 hp sont habituellement vendus avec trois types de boîtiers : ouverts abrités, fermés refroidis par ventilateur et complètement fermés antidéflagrants. Ces boîtiers peuvent être fabriqués en fonte, en aluminium moulé ou en acier laminé. Pour l'essentiel, on utilise l'acier laminé pour les boîtiers ouverts abrités; la fonte, l'aluminium moulé et l'acier laminé pour les boîtiers fermés refroidis par ventilateur et la fonte pour les boîtiers complètement fermés antidéflagrants.

Les moteurs à induction à plusieurs phases comportent deux principaux éléments : le stator ou élément stationnaire et le rotor ou élément tournant. Le passage d'un courant électrique dans le stator et le rotor provoque l'apparition de champs magnétiques opposés qui engendrent le couple. Ce couple fait à son tour tourner le rotor et l'axe du moteur. Dans un moteur à induction, c'est la différence de potentiel entre le rotor et le châssis du moteur qui induit un champ dans les enroulements du rotor.

L'apparition d'une demande pour des moteurs à induction à haute efficacité parce qu'ils consomment moins d'électricité qu'un moteur normal pour la même puissance, ce qui réduit le coût de l'énergie pour le fonctionnement du moteur et en raccourcit la période d'amortissement, est un phénomène relativement nouveau. L'industrie des pâtes et papier, les secteurs miniers et chimiques absorbent environ 60 à 70 p. 100 des moteurs à haute efficacité vendus au Canada. B.C. Hydro et Ontario Hydro offrent des rabais aux personnes qui achètent des moteurs à haute efficacité pour en favoriser l'utilisation. Il existe des moteurs à haute efficacité pour toutes les puissances allant de 1 à 200 hp et dans chacun des trois types de boîtiers.

L'INDUSTRIE

Dans l'enquête no ADT-8R-78, l'AMEEEC était la partie plaignante et représentait six de ses sociétés membres : Brown Boveri Canada Limited, Compagnie générale électrique du Canada Limitée (maintenant GE Canada), Etatech Industries Inc. (Etatech), Leroy-Somer, La compagnie électrique Lincoln du Canada Limitée (Lincoln) et Westinghouse.

Dans l'enquête no CIT-6-85, c'est encore l'AMEEEC qui était la partie plaignante et représentait quatre de ses sociétés membres : GE Canada, Westinghouse, Leroy-Somer et Lincoln. Deux autres sociétés, Etatech et Franklin Electric of Canada Ltd. (Franklin) ont répondu au questionnaire adressé aux fabricants, mais n'étaient pas représentées par l'AMEEEC.

Dans le cadre du présent réexamen, l'AMEEEC a présenté des éléments de preuve et des arguments pour le compte de deux de ses sociétés membres, Westinghouse et Leroy-Somer. Un autre membre de l'AMEEEC, GE Canada, a choisi de présenter directement des éléments de preuve et ses arguments. Ces trois sociétés représentent le gros de la production et des ventes canadiennes entre 1985 et 1990, la période sur laquelle porte le réexamen.

Westinghouse est une filiale de Westinghouse Motor Company (US), une coentreprise de Westinghouse Electric Corporation (US) et de Teco (Taïwan). Westinghouse fabrique les marchandises en question dans une usine intégrée située à Hamilton (Ontario) avec des moteurs plus puissants et quelques autres produits spéciaux. Cette société s'occupe seule de la conception et de la fabrication des marchandises en question. Le principal moteur produit par Westinghouse est un moteur en fonte avec boîtier fermé refroidi par ventilateur qui est fabriqué dans toutes les puissances situées entre 1 et 200 hp. Westinghouse distribue ses produits par l'intermédiaire d'une société distincte mais reliée, Wesco Sales and Service Co. (Wesco), qui s'occupe de tous les secteurs du marché y compris les fabricants de l'équipement d'origine (FEO), les utilisateurs finals et les sous-distributeurs.

Leroy-Somer est la propriété de Leroy-Somer SA de France. En décembre 1989, Emerson Electric Co. (US) a présenté l'offre d'acheter toutes les actions de Leroy-Somer SA et en est devenu le principal actionnaire. Environ 60 p. 100 de la production de cette société est constituée par des moteurs à boîtier d'aluminium fermé refroidi par ventilateur. Une bonne partie de la production de cette entreprise est exportée vers les États-Unis.

GE Canada est la propriété de General Electric Company (US). Elle produit toute la gamme des moteurs en question dans son usine de Peterborough (Ontario). Elle vend les marchandises en question au Canada et à l'exportation grâce à son propre réseau de distribution.

La structure de l'industrie canadienne s'est considérablement modifiée depuis 1985, puisque plusieurs entreprises ont arrêté leur production et que des entreprises nouvelles sont apparues sur le marché. Les petits producteurs, Franklin, Etatech et Lincoln, ont tous arrêté la production au Canada des moteurs en cause. Bien que Lincoln ait arrêté sa production, elle maintient ses ventes de moteurs au Canada qu'elle alimente par des importations en provenance de sa filiale américaine.

Depuis 1987, un nouveau type de producteur est apparu sur le marché national. Il s'agit de sociétés qui agissaient auparavant dans le marché à titre d'importateurs mais qui, depuis les conclusions de 1985, ont commencé à importer des pièces de moteurs pour les assembler au Canada. Ces pièces sont généralement importées des mêmes sources qui avaient exporté des moteurs entiers avant les conclusions. Ces fabricants que nous avons qualifiés de non intégrés et les pays desquels ils importent sont : Brook Crompton (autrefois Hawker Siddeley) - Royaume-Uni; Leeson Electric (Leeson) - Taïwan, États-Unis, Chine; U.S. Electrical Motors, une division de Emerson Electric Canada Ltd. (Emerson) - États-Unis; Madison Industrial Equipment (Madison) - Taïwan; Milton Electric - Taïwan; et Dalimpex - Pologne.

Si les fabricants intégrés (Westinghouse, Leroy-Somer et GE Canada) continuent à dominer la production canadienne des moteurs à induction fonctionnant sur courant alternatif, les fabricants non intégrés ont réussi à augmenter sensiblement leur production de ces marchandises. En tant que groupe, les fabricants intégrés vendent toute la gamme des moteurs faisant l'objet du réexamen, cependant Leroy-Somer domine de son côté la production des moteurs de moins de 26 hp alors que GE Canada et Westinghouse enregistrent de bons résultats dans la production de moteurs de plus de 100 hp. Ces entreprises vendent leurs produits aux FEO, à des distributeurs ou via ceux-ci ainsi qu'à des utilisateurs finals. Les fabricants non intégrés font également état d'une production dans toutes les gammes de puissance, mais leur force se trouve principalement dans la fourchette de 6 à 100 hp. D'une façon générale, ces entreprises vendent aux FEO et aux distributeurs dans l'ensemble du Canada.

Investissement en capital

Depuis 1985, l'industrie a investi près de 12 millions de dollars en biens d'immobilisations. Pendant la période considérée, Westinghouse, Leroy-Somer et GE Canada ont été les principaux investisseurs, mais ces dernières années, certains nouveaux venus comme Brook Crompton, Leeson et Emerson ont également investi dans la production des moteurs en question. À l'exception d'une légère chute enregistrée en 1986, les dépenses globales de capital ont augmenté chaque année, l'augmentation annuelle la plus forte devant être enregistrée en 1990. GE Canada a affecté des sommes importantes à l'achat de nouvel équipement et à l'expansion de son centre de test, ce qui devrait représenter un pourcentage considérable des dépenses de capital déclarées par l'industrie pour 1990.

POSITIONS DES PARTIES

Fabricants intégrés

Deux des trois principaux fabricants des marchandises en cause au Canada, Westinghouse et Leroy-Somer, étaient représentés par l'AMEEEC. Malgré la protection dont jouit cette industrie à l'égard de la plupart des importations sous-évaluées et subventionnées, l'AMEEEC a soutenu que l'industrie doit encore faire face à une vive concurrence sur le marché, qu'elle a démarré des programmes d'investissements importants et a procédé à une réorganisation substantielle pour continuer à améliorer son efficacité et pour faire face à cette concurrence. Les conclusions ont récemment permis au marché d'atteindre la stabilité dont il avait besoin. Bien que certains fabricants aient cessé leurs activités depuis plusieurs années, les fabricants traditionnels ont réussi à maintenir leur part du marché alors que de nouveaux producteurs ont réussi à le pénétrer. Les fabricants n'ont pas tous recommencé à enregistrer des bénéfices.

Les avocats ont soutenu que, malgré les deux conclusions, ce n'est qu'après la nouvelle enquête à laquelle a procédé Revenu Canada en 1987 que l'industrie a finalement bénéficié d'une protection satisfaisante à l'encontre des moteurs sous-évalués et subventionnés. De plus, les avocats ont soutenu que le dumping s'est poursuivi, et que le subventionnement par le Brésil va se poursuivre.

L'industrie a noté que le Japon a, par le passé, été considéré comme faisant entrer des moteurs à induction sous-évalués au Canada, aux États-Unis et en Australie et plus récemment, comme faisant entrer des moteurs à forte puissance au Canada à des prix sous-évalués. Malgré les conclusions, le Japon continue à faire entrer au Canada des moteurs sous-évalués. Le Mexique fabrique des pièces de moteurs et est le lieu d'établissement de neuf producteurs et d'exportateurs potentiels de moteurs à induction. Il semblerait que la Pologne ait réussi à maintenir ses ventes sans avoir à payer de droits antidumping. Les avocats ont noté que les producteurs de moteurs de la Communauté économique européene (la CEE), y compris Brook Crompton (Royaume-Uni) se sont plaints avec succès du dumping de moteurs par des pays de l'Europe de l'Est, y compris la Pologne. Le Brésil a accordé des subventions fort élevées et, si l'on a parlé de la suppression immédiate ou future de ces subventions, aucune preuve n'a toutefois été présentée. Les avocats ont soutenu que les subventions accordées n'ont pas été suffisamment compensées par les droits imposés.

Les avocats ont mentionné que les importations de moteurs en provenance du Royaume-Uni et de Taïwan ont été largement remplacées par les moteurs assemblés au Canada à partir de pièces importées. Ils ont indiqué que les fabricants de ces deux pays ont des usines d'envergure mondiale qui seraient en mesure de reprendre l'exportation de moteurs entiers à des prix sous-évalués au cas où ces conclusions seraient annulées.

Les avocats ont noté que les exportations américaines sont à peu près égales à celles des six pays visés par les conclusions de 1985 et que le dumping se poursuit. Toshiba, par exemple, exporte des moteurs à des prix qui ne sont pas plus élevés que les valeurs normales fournies par Revenu Canada, un indice de la sensibilité aux prix du marché.

L'industrie a mentionné que plusieurs parties intéressées ont donné des éléments de preuve solides du fait que le cycle du marché est en phase descendante et que la demande est à la baisse. Cette baisse augmente la probabilité de dumping et la vulnérabilité de l'industrie nationale. Les avocats ont également noté qu'il existait des éléments de preuve indiquant que les exportateurs américains procédaient à l'expansion de leur capacité ou prévoyaient le faire dans un proche avenir.

Les avocats ont affirmé qu'il existe un grand nombre de fournisseurs du marché canadien qui offrent des marchandises similaires et que la concurrence porte principalement sur les prix. Plusieurs importateurs ont manifesté leur inquiétude concernant leur incapacité actuelle à lutter contre les baisses de prix. La sensibilité du marché aux prix est telle qu'une légère modification des prix peut entraîner des changements importants dans la part du marché, les autres producteurs étant alors forcés de suivre les tendances à la baisse imposées par les prix dominants du marché. Les avocats ont soutenu que les marges dans cette industrie sont très faibles et que toute reprise du dumping entraînerait très rapidement une baisse des prix, une perte de rentabilité, une diminution des investissements et un préjudice sensible important pour l'industrie nationale.

GE Canada a soutenu que les États-Unis et les six autres pays visés ont tendance à sous-évaluer leurs marchandises. Les avocats ont soutenu que les droits antidumping et compensateurs imposés et perçus, les marges du dumping et le montant du subventionnement ainsi que la proportion des importations sous-évaluées ou subventionnées, en particulier dans le cas du Brésil, ont tous augmenté de façon importante au cours des deux ans qui ont précédé le réexamen. Ils ont soutenu que le comportement adopté par ces intervenants au cours des deux dernières années alors que les conclusions étaient en vigueur laisse entrevoir ce que pourrait être ce comportement si ces conclusions étaient annulées.

Les avocats ont également indiqué que les importateurs cherchent constamment à s'approvisionner au moindre coût et qu'en cas d'annulation des conclusions, ces importateurs s'adresseraient rapidement à des pays qui pratiquent le dumping comme Taïwan, le Royaume-Uni et le Mexique. Les nouvelles usines de production au Canada utilisées pour contourner les conclusions seraient remplacées par les usines d'envergure mondiale à Taïwan et au Royaume-Uni. Les importations en provenance du Mexique et de la Pologne reviendraient très rapidement au niveau atteint avant les conclusions.

GE Canada a fait état d'éléments de preuve indiquant un ralentissement du marché, ce qui tendrait à établir l'existence d'une certaine tendance au dumping. Les avocats ont fait état d'éléments de preuve soumis par de nombreuses parties d'après lesquelles à l'heure actuelle de fortes pressions à la baisse s'exercent sur les prix qui entraîneraient une chute des prix en cas d'annulation des conclusions. Ils ont également mentionné le fait que les fabricants des États-Unis et du Royaume-Uni disposent d'une capacité excédentaire.

La tendance à exporter des marchandises sous-évaluées ou subventionnées de certains exportateurs a également été abordée. Toshiba a décidé de pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché et a ainsi réussi à conclure cinq des huit principaux contrats conclus au cours des deux dernières années avec les utilisateurs finals. On a noté que Revenu Canada a récemment décidé d'imposer des droits antidumping sur ces contrats. De plus, dans le cas des moteurs à forte puissance, Toshiba de Houston et Toshiba Corporation du Japon, ainsi que Teco de Taïwan, ont été considérés comme appliquant de fortes marges de dumping et un pourcentage élevé d'importations sous-évaluées. Les avocats ont soutenu que la cause des moteurs à forte puissance est pertinente au présent réexamen puisqu'elle a été entendu l'année dernière et que le gros des marchandises en question (200 à 800 hp) a en commun avec les marchandises actuelles, les mêmes entreprises, processus de production, réseaux de distribution et clients. Les avocats ont également soutenu que les programmes de subvention au Brésil avaient été suspendus et non supprimés et que WEG du Brésil et Teco de Taïwan avaient baissé leurs prix pour s'attaquer directement au marché des utilisateurs.

La question de savoir si une reprise du dumping est susceptible de causer un préjudice sensible a également été abordée. La pénétration du marché des utilisateurs par Toshiba, WEG et Teco a gravement affecté les résultats financiers de GE Canada, puisqu'il y a eu perte de commandes, baisse des prix et forte érosion des marges bénéficiaires. On a soutenu que les difficultés de la société seraient aggravées si la reprise du dumping amenait les prix du marché canadien à s'aligner rapidement sur les niveaux américains, au lieu de la baisse progressive attendue en cas de prorogation des conclusions. On a noté que GE Canada avait procédé à des investissements majeurs de façon à lui permettre de devenir membre à part entière de l'équipe GE et non de demeurer une simple succursale. On a indiqué que la deuxième phase du programme d'investissement qui permettrait à la société de réduire ses coûts au cours des trois prochaines années et de passer du statut de producteur à petit volume et coûts élevés à un participant à part entière n'avait pas encore été approuvée. On a soutenu que l'annulation des conclusions entraînerait la reprise du dumping, une baisse des prix, une perte de capitaux et l'impossibilité d'obtenir les investissements nécessaires qui empêcheraient le départ de GE Canada de cette industrie.

Les fabricants non intégrés

Brook Crompton a soutenu que les exportateurs du Royaume-Uni ne manifestent aucune tendance au dumping. L'avocat a soutenu que les marges de dumping avaient été mal calculées au moment des décisions provisoire et définitive et que Brook Crompton (UK) n'a effectivement pas sous-évalué ses marchandises depuis les conclusions de 1985. La production de Brook Crompton au Canada a été décrite comme importante et continue. Elle a été mise en place pour réagir aux taux de change défavorables et non pour contourner les conclusions. On a également noté que Brook Crompton (UK) jouit d'un fort taux d'utilisation de capacité et que ses exportations complètent les marchandises fabriquées au Canada.

L'avocat de la société a également soutenu que l'industrie ne subirait pas un préjudice sensible en cas de reprise du dumping par sa société-mère, l'unique producteur du Royaume-Uni des marchandises en question, compte tenu du volume des exportations et de l'absence de toute tendance avérée au dumping. L'avocat a également prétendu que Brook Crompton ne se considère pas vulnérable à une reprise du dumping, quelle qu'en puisse être l'origine.

Madison a mentionné qu'elle avait cessé d'importer les marchandises en question, qu'elle avait commencé à les fabriquer au Canada et qu'elle projetait de poursuivre cette fabrication. En tant que producteur, elle considère qu'elle peut faire concurrence à toutes les sources d'approvisionnement et ne recherche pas une protection face au dumping. Madison a également noté que les importations des autres producteurs taiwanais ont sensiblement diminué.

Leeson produit au Canada une large gamme de moteurs dont la puissance va de 20 à 200 hp même si elle continue d'importer des moteurs de 1 à 15 hp de sa société-mère américaine et de Taïwan. Leeson a mentionné qu'elle préférerait que les conclusions à l'égard des États-Unis soient prorogées si cela pouvait assurer que la concurrence déloyale sur les prix des producteurs étrangers, autres que Brook Crompton du Royaume-Uni, cessera.

Les importateurs et les exportateurs

Les avocats de Toshiba International Corporation ont soutenu que le comportement de cette entreprise démontre qu'elle n'a pas tendance à faire du dumping. Ils ont indiqué que Toshiba s'efforce de vendre aux prix normaux fixés par Revenu Canada et que les droits antidumping sont négligeables, puisqu'ils ne représentent qu'environ 1 p. 100 du total des ventes. Les prix pratiqués par Toshiba ne diffèrent des prix normaux que lorsque l'on révise ces prix après l'importation des marchandises. Toshiba a soutenu qu'elle n'a pas l'intention de baisser ses prix ou ses bénéfices et a confirmé qu'elle ne sous-évaluerait pas ces marchandises si les conclusions étaient annulées. Les avocats ont soutenu que Toshiba accuse un haut niveau d'utilisation de sa capacité et que les producteurs américains dans l'ensemble ne disposent pas de capacité excédentaire. De plus, ils ont indiqué que le dumping constaté par Revenu Canada dans le cadre de l'enquête sur les moteurs à forte puissance n'est pas pertinent au présent réexamen.

Les avocats ont soutenu que Toshiba a enregistré des succès sur le marché pour des motifs non reliés aux prix comme l'inventaire, la livraison, la qualité et l'efficacité. Les avocats ont déclaré que GE Canada s'inquiétait davantage de la compétitivité des produits Toshiba que de leur caractère sous-évalué. Ils ont laissé entendre que GE Canada devrait davantage s'inquiéter de Westinghouse que de Toshiba et que Leroy-Somer ne se trouve pas fréquemment en concurrence directe avec Toshiba puisqu'elle ne fabrique pas de moteurs en aluminium. Les avocats ont indiqué que l'industrie canadienne est désormais capable de résister à la concurrence sur le marché nord-américain et qu'elle bénéficie de profits oligopolistiques au Canada, depuis la disparition de plusieurs producteurs ces dernières années.

Les avocats ont indiqué que les conclusions ont joué un rôle utile du début jusqu'au milieu des années 80 mais que la situation s'est modifiée depuis et que les États-Unis ne représentent plus une menace grave pour l'industrie canadienne. Ils ont demandé que le Tribunal récompense Toshiba d'avoir respecté les lois en matière de dumping, soit en lui accordant une exclusion, soit en annulant les conclusions.

L'avocat de quatre distributeurs de Toshiba, John Wilson, Duke Electric, XYZ Dynamo Ltd. et TME Delta Inc., a soutenu que les arguments avancés par l'industrie comportent deux grandes faiblesses. Premièrement, l'industrie, à l'exception de GE Canada, est en bonne santé, elle a augmenté sa part du marché et ses bénéfices et elle n'est pas vulnérable à une reprise du dumping. La mauvaise performance de GE Canada s'explique par des problèmes internes de coûts et par la concurrence que lui font les autres producteurs canadiens. En outre, parce que Leroy-Somer produit des moteurs en aluminium qui ne sont pas produits par deux principaux exportateurs américains, elle ne peut donc subir un préjudice de ces importations. Deuxièmement, rien n'indique qu'il y aurait reprise du dumping de la part des États-Unis. Pour ces motifs et compte tenu de la période de protection de 11 ans dont a bénéficié l'industrie, on a demandé au Tribunal d'annuler les conclusions à l'égard des États-Unis.

Les avocats de l'exportateur brésilien, WEG, et de l'importateur canadien, Pamensky, ont prétendu que la plupart des subventions dont bénéficiaient auparavant l'exportateur ont été supprimées et qu'elles n'étaient plus disponibles. Ils ont également prétendu que les marges de dumping sur les exportations brésiliennes s'expliquent par le fait que les taux d'échange n'arrivent pas à suivre l'inflation. Ils ont décrit WEG comme étant un producteur à faible coût dont les exportations au Canada ont été surveillées par Revenu Canada. Bien que l'industrie canadienne se globalise, ils ont soutenu qu'elle ne se restructure que très lentement et qu'elle désire un commerce organisé sur le marché canadien. Les avocats ont soutenu que les problèmes de transition que connaît l'industrie demeureront quelle que soit l'issue du réexamen. À la lumière de ce qui précède et compte tenu du fait que les conclusions ont perdu toute utilité, il faudrait annuler les conclusions de 1985 applicables au Brésil.

Les avocats de Baldor et de son représentant canadien, Dryden, ont noté que Baldor avait respecté les conclusions et n'avait payé ces dernières années qu'un très faible montant de droits antidumping. Les avocats ont soutenu que Baldor n'a aucune tendance à pratiquer le dumping et ne ferait pas de concurrence si les prix accusaient une trop forte baisse. Ils ont mentionné que les politiques de prix de Baldor n'avaient fait l'objet d'aucune plainte au cours de l'audience et que GE Canada était d'accord pour exclure Baldor de l'application des conclusions. Les avocats ont en outre noté que Baldor n'était pas actif sur le marché des utilisateurs finals et qu'elle ne se trouvait donc pas en concurrence avec Westinghouse et GE Canada dans ce secteur.

Les avocats ont soutenu que l'industrie canadienne n'est pas vulnérable à une reprise de dumping, mais qu'elle fait face à des problèmes qui n'ont aucun rapport avec le dumping des marchandises en question à savoir : une incapacité à concurrencer les marchandises ne faisant pas l'objet de dumping en provenance des pays indiqués et les marchandises visées par les conclusions en provenance de pays non énumérés; des difficultés à faire face à la concurrence des nouveaux producteurs installés au Canada; de moteurs à haute efficacité non compétitifs; et, enfin, la concurrence que se font les fabricants canadiens.

Comme cela a été noté plus haut dans ces motifs, les avocats de ABB Motores du Mexique ont présenté un argument juridique d'après lequel les conclusions faisant l'objet du réexamen ne sont pas applicables aux moteurs fabriqués par ABB Motores. Les avocats ont également soutenu que si le Tribunal décide de lui appliquer les conclusions, il n'existe aucun élément indiquant que ABB Motores ait tendance à pratiquer le dumping et qu'il conviendrait, par conséquent, d'exclure cette entreprise en cas de prorogation des conclusions. Ils ont également indiqué que ABB Motores n'avait jamais fait entrer au Canada des marchandises en question sous-évaluées et qu'une autre entreprise du groupe ABB n'a pas été considérée comme ayant sous-évalué des moteurs à forte puissance en provenance de la Finlande.

Les avocats ont soutenu que, pour ce qui est de la tendance, les éléments de preuve apportés par l'industrie au sujet des droits de douane élevés qu'exige le Mexique et de l'existence de neuf autres producteurs mexicains capables d'exporter les marchandises en question ne sont pas cohérents et ressortent davantage du domaine des hypothèses que de celui de la preuve logique. Les avocats ont soutenu que le Tribunal devait exiger de véritables éléments de preuve de tendance au dumping et non se contenter de simples suppositions.

Les avocats de Trane ont noté que les conclusions antidumping ne se veulent pas permanentes et ils ont demandé que les conclusions soient annulées. Dans le cas contraire, ils souhaiteraient que les exclusions qui visent actuellement certaines catégories de moteurs importés par Trane soient prorogées. De plus, ils ont indiqué que les moteurs importés par Trane dans le cadre d'une ordonnance de remise de droits pour traitement intérieur et exportés par la suite devraient également être exclus des conclusions. Les avocats de l'AMEEEC et de GE Canada étaient en faveur de ces exclusions.

EXAMEN DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

Le marché intérieur apparent des marchandises en question, mesuré en unités, a augmenté d'environ 6 p. 100 au cours de la période de cinq ans se terminant en 1989. Les producteurs canadiens ont augmenté leur part du marché de 9 points, atteignant 46 p. 100 en 1989. Cette croissance, toutefois, est nettement attribuable à l'arrivée de nouveaux producteurs qui se sont joints à l'industrie après les conclusions de 1985. La part du marché des producteurs intégrés traditionnels, GE Canada, Westinghouse et Leroy-Somer, n'a progressé que d'un point au cours de cette période et ils terminent cette période avec une part combinée de 30 p. 100.

La part du marché des importations a chuté de 9 points au cours de cette période pour passer à 54 p. 100 en 1989. Les importations en provenance du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni ont chuté sensiblement après les conclusions de 1985, la part du marché de tous ces pays passant de 35 à 7 p. 100. Les importations du premier exportateur japonais, Toshiba Corporation, ont été remplacées par les importations des filiales américaines de cette entreprise et les exportations du Mexique à destination du Canada ont cessé. Une partie importante des importations en provenance de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni ont été remplacées par des moteurs fabriqués au Canada par des entreprises qui importaient auparavant des moteurs entiers de ces pays.

Faisant contraste à cette tendance à la baisse enregistrée chez les importations, les marchandises importées des États-Unis ont augmenté leur part du marché de 9 points sur cette période de cinq ans, avec une part de 23 p. 100 en 1989. Les importations du Brésil ont également augmenté; elles ont gagné 4 points pour passer à 14 p. 100. Les importations des pays non visés par ces conclusions ont sensiblement augmenté, passant d'une part de moins de 1 p. 100 avant les conclusions de 1985 à une part de 9 p. 100 en 1989.

L'importance relative des différents pays d'origine des importations a sensiblement changé depuis les conclusions de 1985. Alors que la part du total des importations que représentent les moteurs en provenance des États-Unis a chuté au début des années 80 pour atteindre un minimum de 23 p. 100 en 1985, les importations ont enregistré une hausse rapide après les conclusions rendues à l'égard des six pays en 1985 et elles représentaient 43 p. 100 du total des importations en 1989. Les importations du Brésil ont presque doublé entre 1985 et 1989, pour atteindre 23 p. 100 du total des importations en 1989. Les importations en provenance des cinq autres pays visés par les conclusions de 1985 sont passées de 59 p. 100 du total des importations en 1985 à 13 p. 100 en 1989. Au cours de la même période, les importations des pays non visés par ces conclusions ont plus que triplé et représentaient 21 p. 100 du total des importations en 1989.

Alors que le marché s'est élargi pendant la période de cinq ans allant de 1985 à 1989, il a enregistré une diminution de 2 p. 100 en 1989. Parallèlement, alors que les prix ont augmenté d'environ 5 p. 100 par année, cette augmentation semble avoir été plus faible en 1989. D'après la plupart des témoins, le marché devrait fléchir en 1990, en particulier pour les utilisateurs finals des secteurs de l'industrie forestière, minière et des pâtes et papier; la plupart s'attendent à ce que ce ralentissement affaiblisse les prix.

Le grand nombre d'éléments de preuve soumis au cours de l'audience indique que le marché canadien des marchandises en question est sensible aux prix. Il semble que les FEO achètent les moteurs qui satisfont à leurs normes minimales au meilleur prix. Par contre, les utilisateurs finals choisissent leurs fournisseurs en fonction des aspects techniques, de leur capacité en matière de service après vente, des services de livraison et du prix. Alors que le prix n'était qu'un facteur parmi ceux dont dépendent la conclusion des contrats par les utilisateurs finals dont nous avons parlé à l'audience, il semble que ce facteur soit déterminant dans la plupart des cas. Les fournisseurs réagissent de différentes façons aux pressions exercées sur les prix, mais aucun ne semble pouvoir échapper aux pressions exercées sur les prix dans le marché. Les participants ont généralement reconnu que les prix canadiens étaient supérieurs aux prix américains, mais qu'ils baisseraient progressivement pour atteindre le niveau américain, suivant ainsi la réduction progressive des droits de douane que prévoit l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (l'ALÉ).

La production globale canadienne a augmenté de près de 25 p. 100 en cinq ans et les nouveaux producteurs représentent plus de la moitié de cette augmentation. Malgré l'augmentation constante de la valeur des ventes nettes depuis 1984, les ventes d'unités enregistrées en 1989 par les producteurs intégrés étaient environ au même niveau qu'en 1985. L'industrie a continué à subir des pertes jusqu'en 1988, année au cours de laquelle elle a enregistré de légers bénéfices. Alors que certaines entreprises ont également déclaré des bénéfices en 1989, l'industrie en général a enregistré une perte en 1989. Au cours de la période de 1986 à 1989, l'industrie a mis en route divers programmes de rationalisation, dont un bon nombre se prolongeront jusqu'en 1990 et au-delà. Les dépenses en capital ont augmenté annuellement depuis 1986 et les dépenses effectuées en 1989 représentent plus de 6 p. 100 des ventes pour cette année.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Lorsque le Tribunal procède à un réexamen de conclusions de préjudice sensible causé à l'industrie nationale par le dumping ou le subventionnement, il doit examiner deux questions fondamentales. Premièrement, si les conclusions sont annulées, le dumping ou le subventionnement est-il susceptible de se poursuivre ou de reprendre? Deuxièmement, au cas où le dumping ou le subventionnement se poursuivrait ou reprendrait, celui-ci serait-il susceptible de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale?

Pour répondre à la première question, le Tribunal examine des éléments de preuve concernant des facteurs comme le comportement récent des exportateurs et les conditions du marché dans les pays d'origine, au Canada et dans les autres pays qui peuvent indiquer si le dumping est susceptible ou non de reprendre dans un avenir prévisible. De plus, le Tribunal cherche à obtenir des éléments de preuve sur les pratiques en matière de subventionnement par les gouvernements des pays visés par les conclusions. Pour ce qui est de la seconde question, le Tribunal examine les éléments de preuve concernant de nombreux facteurs, y compris la modification de la répartition des importations, les paramètres du marché, la santé de l'industrie et tout autre changement de circonstances qui pourrait causer un préjudice sensible à l'industrie.

Maintien ou reprise du dumping - Brésil, Japon, Mexique, Pologne, Taïwan et Royaume-Uni et subventionnement - Brésil (Enquête no CIT-6-85)

Le total des importations des marchandises en question en provenance de ces pays a chuté au cours des cinq dernières années. Cependant, le montant en droits compensateurs imposés et perçus sur les importations en provenance du Brésil, les marges globales de dumping ainsi que le pourcentage des importations déclarées avoir été sous-évaluées en provenance de ces pays ont tous fortement augmenté depuis deux ans. Le comportement de chacun des six pays visés par les conclusions n'est pas toutefois facile à qualifier.

Le Brésil est le seul de ces pays qui ait réussi à augmenter le volume et la valeur de ses exportations depuis les conclusions de 1985. Mais, est plus significatif encore le montant des droits compensateurs et antidumping perçus sur ces importations lequel a augmenté de façon plus dramatique que les importations elles-mêmes. Ces droits représentent la majorité des droits perçus aux termes de la LMSI sur l'importation des moteurs en question. Il est évident que pour WEG, le fabricant brésilien, le marché canadien est un élément essentiel de sa stratégie globale d'exportation.

Le Tribunal a entendu des déclarations selon lesquelles le gouvernement brésilien aurait pris certaines initiatives en vue de suspendre les subventions accordées aux exportateurs brésiliens. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que ces éléments de preuve démontrent de façon concluante que les subventions ont été supprimées, ni que les exportateurs brésiliens n'ont plus et n'auront plus accès à des subventions pouvant donner lieu à l'imposition de droits compensateurs. Au cas où ces subventions seraient éliminées à l'avenir, le Sous-ministre arrêterait immédiatement de percevoir des droits compensateurs. Le Tribunal pourrait alors songer à annuler les conclusions en se basant sur l'arrêt des subventions.

En ce qui a trait à l'entrée au Canada des marchandises sous-évaluées en cause, en provenance du Brésil, le pourcentage des marchandises sous-évaluées et les marges de dumping sur ces marchandises ont nettement augmenté ces dernières années.

Les éléments de preuve présentés à l'audience indiquent que les moteurs brésiliens sont commercialisés au Canada de façon agressive, principalement en agissant au niveau des prix. Plusieurs témoins ont déposé sur les faibles prix auxquels étaient vendus ces moteurs. D'après certains éléments de preuve, un producteur canadien a perdu deux appels d'offres auprès d'utilisateurs finals qui lui ont préféré des moteurs brésiliens vendus à des prix bien inférieurs à ceux du marché.

Le Tribunal note également que le Brésil a été considéré comme ayant pratiqué le dumping de certains moteurs à induction en Australie en 1982. De plus, WEG a fait l'objet de conclusions à l'effet d'avoir exporté des moteurs à induction sous-évalués et subventionnés de plus de 200 hp au Canada en 1988, 62 p. 100 des marchandises importées étant sous-évaluées d'une marge moyenne de 25 p. 100 et le montant de la subvention s'élevant lui aussi à 25 p. 100. Le Tribunal estime que le comportement démontré dans ce que l'on a appelé la cause des moteurs à forte puissance (enquête no CIT-5-88) est pertinent à la présente cause puisque la cause des moteurs à forte puissance ne remonte qu'à l'année dernière et que le gros des marchandises (les moteurs de 200 à 800 hp) mettent en jeu les mêmes producteurs, processus de production, réseaux de commercialisation et clients que dans la présente instance. En fait, les éléments de preuve présentés à l'audience indiquent qu'il est déjà arrivé que des moteurs de moins de 200 hp et de plus de 200 hp figurent dans le même bon de commande. Compte tenu de ces faits, le Tribunal est d'avis que le dumping des moteurs en provenance du Brésil se poursuivra.

Les importations de trois des pays visés, le Royaume-Uni, Taïwan et la Pologne, ont sensiblement baissé depuis les conclusions et ont été remplacées en partie par des moteurs assemblés au Canada par des entreprises qui importaient auparavant les marchandises en cause. Les importations en provenance de ces trois pays ont diminué en passant de 50 p. 100 des importations apparentes en 1985 à 12 p. 100 en 1989.

Malgré la baisse du volume des exportations, la marge de dumping sur les marchandises importées du Royaume-Uni demeure élevée. Bien que Brook Crompton, dont la compagnie mère est maintenant le seul exportateur du Royaume-Uni, ait commencé à fabriquer des moteurs au Canada à la fin de l'année 1987 pour remplacer les importations des marchandises similaires en provenance du Royaume-Uni, ses ventes globales au Canada ont chuté. Les moteurs fabriqués au Canada utilisent principalement des pièces importées des mêmes usines du Royaume-Uni qui continuent également à exporter des moteurs entiers au Canada.

Brook Crompton UK a acheté les opérations de GEC Electromotor du Royaume-Uni l'année dernière et dispose à l'heure actuelle de cinq usines d'envergure mondiale ayant une forte capacité de production. Il existe également un projet d'expansion de cette capacité. Cette entreprise exerce ses activités au Canada sous différents noms depuis un certain nombre d'années et s'est dotée d'une organisation de vente réputée.

Le Tribunal note que certains moteurs à induction en provenance du Royaume-Uni ont été considérés comme ayant été sous-évalués en Australie en 1979 et 1982. De plus, une compagnie liée à Brook Crompton au Royaume-Uni a été déclarée avoir sous-évalué toutes ses exportations de moteurs à forte puissance au Canada en 1988, à une marge moyenne de dumping de 13 p. 100.

Les importations en provenance de Taïwan ont chuté sensiblement, même si le pourcentage des marchandises sous-évaluées et les marges de dumping sont demeurés très élevés. Teco, un des fabricants de Taïwan, exploite une usine d'envergure mondiale et semble être en train d'en construire une autre en Indonésie. Tatung, un autre fabricant de Taïwan, exploite également une grosse usine. Les importations provenant de ces deux entreprises ont été largement remplacées par des moteurs produits au Canada, principalement à partir de pièces importées, par les anciens importateurs des moteurs entiers. Ces importateurs ont mis sur pied des réseaux de distribution au Canada où ils jouissent d'une bonne réputation. Madison, le producteur non intégré qui utilise des pièces importées de Teco, a été qualifiée au cours de l'audience d'entreprise ayant adopté une politique agressive en matière de prix. Madison a récemment réussi à pénétrer le secteur des utilisateurs finals en écartant un fabricant intégré national.

Le Tribunal note que Taïwan était visé par les conclusions australiennes antidumping de 1982 mentionnées plus haut. De plus, les exportations taiwanaises de moteurs à induction de plus de 200 hp ont été considérées comme ayant été sous-évaluées au Canada en 1988, 81 p. 100 des importations étant considérées sous-évaluées à une marge moyenne de dumping de 18 p. 100.

Bien que les importations en provenance de Pologne aient baissé par rapport à leur sommet de 1985, elles se sont stabilisées au cours des trois dernières années. Le pourcentage des marchandises sous-évaluées et les marges de dumping ont baissé au cours de cette période où aucun droit antidumping n'a été imposé en 1989. Ces dernières années, l'unique importateur canadien de moteurs fabriqués en Pologne, Dalimpex, a également commencé à fabriquer des moteurs à partir de pièces importées. Cet importateur a choisi de ne pas comparaître devant le Tribunal et n'a pas soumis d'argument ou d'élément de preuve qui pourrait convaincre le Tribunal que le démarrage de la production au Canada et son maintien continue ne sont pas uniquement dus aux conclusions de 1985.

Le Tribunal note que la Pologne a également été visée par les conclusions australiennes antidumping de 1979 que nous avons mentionnées plus haut. De plus, la Pologne a été considérée en 1987, avec plusieurs autres pays européens de l'Est, avoir sous-évalué des moteurs électriques à phases multiples standard dans les pays de la CEE.

Une quantité impressionnante d'éléments de preuve concernant les opérations et les intentions des nouveaux producteurs non intégrés a été soumise au Tribunal. Bien que les nouveaux producteurs aient réussi à remplacer une partie importante des importations en provenance du Royaume-Uni, de Taïwan et de la Pologne depuis les conclusions de 1985, ils n'ont pas demandé la prorogation des conclusions. Cela amène le Tribunal à se demander si ces entreprises sont véritablement décidées à continuer leur production au Canada ou si elles ne préféreraient pas être en mesure d'importer des moteurs entiers sans avoir à subir un contrôle de dumping.

Les éléments de preuve indiquent qu'un bon nombre des pièces et des composantes de ces moteurs proviennent des mêmes usines qui exportaient avant 1985 les moteurs entiers. De plus, cette nouvelle production porte principalement sur les marchandises en cause alors que les moteurs à induction non visés par ces conclusions, et parfois même visés par celles-ci, continuent d'être importés des mêmes usines qui produisent les pièces des moteurs en cause. Les investissements actuels et futurs que représentent ces nouvelles installations sont, en moyenne, une petite partie des sommes qu'ont investies les producteurs intégrés. Compte tenu de ces éléments de preuve et de ceux qui portent sur l'importance des usines d'envergure mondiale dans l'industrie des moteurs dans les années 90, le Tribunal est loin d'être certain que les nouvelles installations canadiennes de production des fabricants non intégrés maintiendraient leur allure au cas où les conclusions seraient annulées.

Les importations en provenance du Japon ont également diminué depuis l'adoption des conclusions, même si les marges de dumping demeurent importantes et le pourcentage des marchandises sous-évaluées, très élevé. Cette baisse des importations s'explique en partie par le transfert de production qu'a opéré Toshiba, le principal producteur japonais, vers sa filiale américaine. Le Tribunal sait que Toshiba Corporation a également été considérée comme ayant fait entrer au Canada des moteurs sous-évalués à forte puissance en 1988 en provenance du Japon, des États-Unis et du Brésil. Le pourcentage des exportations qui ont été considérées comme sous-évaluées allaient de 100 p. 100 (Japon) à 58 p. 100 (États-Unis) à 36 p. 100 (Brésil), les marges de dumping étant de 38 p. 100 (Japon), 16 p. 100 (États-Unis) et 43 p. 100 (Brésil).

Après avoir connu un sommet en 1984, les importations en provenance du Mexique sont retombées à un niveau négligeable après les conclusions. Bien que l'industrie ait manifesté une certaine préoccupation à l'égard de la possibilité d'une reprise du dumping de la part des producteurs mexicains, les éléments de preuve présentés à l'audience ne semblent pas justifier cette préoccupation. De plus, il ne semble pas qu'il existe d'entreprise qui s'occupe activement de commercialiser ses marchandises au Canada.

En plus du comportement spécifique par pays, le Tribunal tient également compte de la tendance au fléchissement qui se fait sentir sur le marché global canadien où tous devront interagir. Compte tenu de la sensibilité aux prix du marché et du grand nombre de fournisseurs, il est probable qu'un ou plusieurs fournisseurs vont baisser leurs prix dans le but de conserver ou d'améliorer leur part du marché lorsque le marché est à la baisse. Cela obligera les autres fournisseurs à réagir dans le même sens par nécessité. Le Tribunal doit déterminer si les pressions exercées sur les prix risquent d'entraîner la poursuite du dumping ou sa reprise, en tenant compte du fait que les subventions et le dumping ont continué, et en fait ont même augmenté, depuis quatre ans, alors que le marché national était globalement en croissance au cours de cette période.

Compte tenu des éléments de preuve disponibles, le Tribunal conclut que, si les conclusions sont annulées, le dumping de la part du Brésil, du Japon, de Taïwan, du Royaume-Uni et de la Pologne est susceptible de se poursuivre ou de reprendre. Bien que certains programmes aient été suspendus, le subventionnement des importations brésiliennes se maintient. Pour ce qui est du Mexique, le Tribunal conclut que les éléments de preuve n'ont pas démontré que les exportateurs du Mexique sont susceptibles de reprendre le dumping si les conclusions contre le Mexique sont annulées.

Maintien ou reprise du dumping - États-Unis (Enquête no ADT-8R-78)

Au cours de l'audience, la question de savoir s'il était possible de demander à un représentant de Revenu Canada de témoigner a été avancée. Les avocats de l'AMEEEC, de Leroy-Somer et de Westinghouse voulaient demander à un représentant de Revenu Canada de témoigner sur le fait que celui-ci avait fait enquête sur cinq contrats où Toshiba était l'une des parties. Les contrats portaient sur certaines marchandises en cause importées des États-Unis au Canada entre 1988 et 1989.

Ces enquêtes avaient pour but d'évaluer s'il convenait de redéterminer la valeur normale des marchandises en question exportées au Canada en exécution des divers contrats. Les avocats voulaient présenter ces éléments de preuve pour réfuter le témoignage de Toshiba selon lequel elle n'avait aucune tendance à sous-évaluer les marchandises en question.

Les avocats de Toshiba ont contesté le fait que le Tribunal ait parlé d'éléments de preuve apportés en contre-preuve. Le Tribunal a toutefois déclaré qu'il était disposé à entendre le témoin et à ce qu'il soit contre-interrogé. Les avocats de Toshiba ont demandé un ajournement pour lui permettre de rappeler un témoin qui pourrait réfuter le témoignage du représentant du Ministère. Le Tribunal n'a pas accordé l'ajournement parce qu'il a noté que la contre-preuve portait uniquement sur le fait que le Sous-ministre avait entrepris une enquête sur les importations.

Alors que ces enquêtes sont terminées, les acheteurs des produits Toshiba compris dans les contrats visés par l'enquête n'ont pas fait l'objet de droits antidumping. C'est ainsi qu'au moment de l'audience aucun droit antidumping n'avait été imposé à ces acheteurs. Cela étant, le Tribunal a préféré ne pas tenir compte du témoignage de ce représentant concernant les cinq contrats pour trancher la question de savoir s'il convenait d'annuler ou de proroger les conclusions concernant les marchandises originaires ou exportées des États-Unis.

Les importations en provenance des États-Unis ont sensiblement augmenté depuis 1986 et dépassent les importations combinées des six autres pays visés par les conclusions. La marge globale de dumping et le pourcentage des marchandises sous-évaluées ont augmenté sensiblement après les conclusions de 1985, pour baisser en 1988 et remonter en 1989. Au cours de ces dernières années, les deux principaux exportateurs américains, Toshiba et Baldor, ont enregistré un pourcentage assez faible d'exportations sous-évaluées et des marges de dumping modérées, mais ils ont indiqué qu'ils disposent déjà d'une capacité excédentaire ou qu'ils prévoient augmenter leur capacité. Le Tribunal sait que le volume et la valeur des importations de chacun d'entre eux dépassent maintenant le volume et la valeur totale importés de chacun des six autres pays, à l'exception du Brésil.

Les avocats de Baldor ont présenté des éléments de preuve indiquant que cette entreprise applique une politique sage en matière de prix et qu'elle n'a pas tendance à sous-évaluer ses marchandises. Les avocats ont fait référence au témoignage d'un représentant de GE Canada d'après lequel celle-ci ne s'oppose pas à ce que Baldor soit exclu de l'application des conclusions. Westinghouse et Leroy-Somer ne partagent pas cet opinion. Le Tribunal note que Baldor ne se trouve pas en concurrence directe avec GE Canada sur le marché des utilisateurs finals, mais qu'elle se trouve en situation de concurrence par rapport à Westinghouse et Leroy-Somer sur ces mêmes marchés. De plus, le Tribunal est conscient de l'importance des exportations de Baldor et du fait que ses marges de dumping et le pourcentage de ses exportations sous-évaluées sont loin d'être négligeables. Par conséquent, le Tribunal ne voit aucune raison d'exclure de l'application de ses conclusions les exportations de Baldor.

De nombreux éléments de preuve concernant les efforts de commercialisation faits par Toshiba ont été soumis à l'audience, en particulier dans le secteur des utilisateurs finals. Toshiba s'est hissé au premier rang dans ce secteur du marché au cours des dernières années parce qu'elle a réalisé son objectif avoué d'augmenter sa part du marché grâce à une politique de prix agressive. Toshiba a, pour l'essentiel, court-circuité ses distributeurs lors de la soumission pour de gros contrats avec les utilisateurs finals et semble vouloir offrir ses produits au prix le plus bas possible, sans avoir recours au dumping. Il semble que les droits antidumping imposés sur les importations de Toshiba résultent du fait que les prix pratiqués par cette entreprise étaient trop proches de la valeur normale des marchandises.

D'après les éléments de preuve présentés à l'audience, l'industrie américaine du moteur a subi une réorganisation et une rationalisation fort remarquables. Plusieurs usines ont fermé, des entreprises ont abandonné ce secteur, alors que d'autres ont fait l'objet de prises de contrôle adossées (PCA). Dans une industrie qui subit ce genre de rationalisation-réorganisation, certaines entreprises s'efforcent d'enregistrer un volume de ventes suffisant pour produire un flux d'encaisse qui leur permette de financer leurs opérations et leur service de la dette. Cette situation accroît la probabilité d'une baisse de leurs prix afin d'augmenter leur part du marché quitte à faire du dumping. Le Tribunal est conscient du fait qu'un pourcentage important des importations de moteurs à forte puissance en provenance des États-Unis ont été considérées comme ayant été sous-évaluées en 1988 par des marges de dumping importantes.

En évaluant la probabilité de reprise du dumping, le Tribunal a étudié, en se fondant sur les éléments susmentionnés, les mêmes facteurs dont tenaient compte les conclusions de 1985, à savoir, le fléchissement du marché, la sensibilité aux prix de celui-ci et la perspective que des fournisseurs baissent leurs prix et obligent ainsi les autres à les suivre. Le Tribunal estime que les exportateurs américains sont soumis à des pressions à la baisse au moins aussi fortes que celles décrites plus tôt en ce qui a trait aux pays visés par les conclusions de 1985. C'est pourquoi, compte tenu des éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que le dumping de la part des États-Unis est susceptible de reprendre si les conclusions sont annulées.

Préjudice sensible - Brésil, Japon, Mexique, Pologne, Taïwan et Royaume-Uni (Enquête no CIT-6-85)

En 1985, le TCI a déterminé que les importations des marchandises sous-évaluées et subventionnées causaient un préjudice à l'industrie nationale, sous la forme d'une diminution des ventes, d'une réduction de la part du marché, d'un fléchissement des prix et de pertes d'exploitation. Depuis ce temps, les éléments de preuve indiquent que, si l'industrie est, d'une façon générale, en bien meilleure position qu'elle ne l'a jamais été depuis 1982, elle n'est tout de même pas très vigoureuse. Les producteurs intégrés traditionnels ont conservé leur part du marché bien que certains d'entre eux aient abandonné ce secteur industriel depuis cette époque. L'industrie a également réussi à améliorer sa rentabilité. Elle a sensiblement réduit ses pertes et certains producteurs ont enregistré des bénéfices ces dernières années. La production a légèrement augmenté alors que les exportations, même si elles ont augmenté, n'ont pas enregistré de bénéfices en 1989.

La performance de l'industrie, dans son ensemble, n'est pas répartie de façon égale entre les entreprises de ce secteur. Pendant les deux dernières années de marché à la hausse que nous avons connu, Westinghouse et Leroy-Somer ont vu leurs bénéfices réduits et ont enregistré des résultats inégaux, pour ce qui est de la récupération de leur part du marché. C'est GE Canada qui a enregistré la plus mauvaise performance au cours de cette période puisque sa production a baissé, tout comme sa part du marché et qu'elle a enregistré des pertes importantes. Une grande partie de cette mauvaise performance peut s'attribuer à la récente pénétration dans le secteur des utilisateurs finals par des moteurs importés des États-Unis, du Brésil et de Taïwan.

L'industrie canadienne est en train de se réorganiser et de rationaliser ses opérations. Elle a procédé à de fortes dépenses en capital en vue de se préparer à affronter les défis que vont continuer à lui poser ses concurrents. GE Canada est en pleine transformation et accepte d'enregistrer de moins bons résultats à court terme dans l'espoir d'obtenir des gains importants à long terme. Un important programme d'investissement qui découle d'une extension à l'échelon du continent nord américain et du transfert d'équipement provenant d'une usine américaine qui vient de fermer tire à sa fin. GE Canada demande l'autorisation d'un autre programme d'investissement sur trois ans dont elle a besoin pour devenir un producteur à fort volume et faibles coûts. Compte tenu des investissements importants auxquels procède GE Canada et de sa situation difficile au niveau des résultats, cette entreprise est particulièrement vulnérable aux fluctuations du marché ou aux baisses de prix que pourrait entraîner la reprise du dumping. Ces événements aggraveraient le ralentissement de la production de cette entreprise, précipiteraient la réduction de sa part du marché et éroderaient davantage ses marges. De plus, le Tribunal est au courant des difficultés que GE Canada aurait à faire approuver par sa société-mère son programme d'investissement, si elle continuait à enregistrer des pertes suite à la reprise du dumping.

Sur le plan mondial, l'industrie du moteur à induction est en pleine transformation. Les éléments de preuve présentés à l'audience indiquent que des producteurs ont été rachetés, que des usines ont été fermées et que la capacité globale augmente à la fois par l'agrandissement des usines et par la construction à l'étranger de nouvelles usines d'envergure mondiale. La tendance semble évoluer vers une situation dans laquelle un petit nombre de gros producteurs vont étendre leurs opérations à l'échelle d'un continent ou à l'échelle du monde. De plus, l'ALÉ va déboucher sur la suppression des droits de douane entre le Canada et les États-Unis en 1998 et l'on s'attend à ce que les prix canadiens baissent pour rejoindre les niveaux américains.

Les éléments de preuve présentés à l'audience font état de la vive concurrence qui anime le marché national. De nouveaux producteurs ont remplacé les importations de certains pays et ont gagné une part importante du marché. Les importations en provenance de pays non visés par les conclusions sont en augmentation. Au cours des dernières années, certaines importations ont largement pénétré le secteur des utilisateurs finals, principalement grâce à leurs prix. La poursuite du dumping de la part de certains pays et du subventionnement de la part du Brésil ont donné lieu à une vive concurrence sur les prix.

Avec l'accroissement des pressions exercées sur les prix dans un marché mou, le Tribunal prévoit que les producteurs nationaux devront faire face à de vives pressions sur les prix dans un avenir rapproché et au risque que les exportateurs des pays visés continuent ou reprennent leur dumping. Le Tribunal conclut que l'industrie nationale est susceptible de subir un préjudice sensible en cas de reprise du dumping, à savoir une baisse des prix, une réduction des parts du marché, des marges faibles ou négatives et une diminution de la capacité d'investir les capitaux nécessaires pour demeurer compétitive.

Préjudice sensible - États-Unis (Enquête no ADT-8R-78)

Le raisonnement décrit plus haut pour ce qui est du préjudice sensible causé à l'industrie qui pourrait découler de la reprise du dumping de la part de certains pays visés par les conclusions de 1985 est également applicable à l'étude du préjudice sensible susceptible d'être causé à l'industrie nationale en cas de reprise du dumping de la part des États-Unis. En fait, le préjudice sensible est plus susceptible d'être causé par la part de marché détenue par les importations américaines, compte tenu du fait que la commercialisation et la distribution des marchandises américaines au Canada sont bien établies, et de la politique agressive sur les prix appliquée par Toshiba pour ce qui est du secteur des utilisateurs finals. De plus, malgré les affirmations de Toshiba et Baldor selon lesquelles elles ne peuvent causer un préjudice à Leroy-Somer parce qu'elles ne produisent pas de moteurs en aluminium moulé et n'en exportent pas, le Tribunal note que les éléments de preuve indiquent que, dans la plupart des cas, les moteurs en aluminium moulé et en fonte sont en concurrence directe.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'une reprise du dumping par les États-Unis est susceptible de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale, ce préjudice pouvant prendre la forme d'une réduction des prix, d'un rétrécissement de la part du marché, de marges faibles ou négatives et d'une capacité réduite d'investir les capitaux nécessaires pour demeurer compétitifs.

Demande d'exclusion

Les avocats de Trane ont demandé que les marchandises en cause importées des États-Unis par cette entreprise conformément aux dispositions du Traitement intérieur du Tarif des douanes [8] et réexportées ensuite soient exclues de l'application des conclusions. Les éléments de preuve présentés par Trane indiquent que si celle-ci achète des moteurs fabriqués au Canada pour son équipement vendu au Canada, elle importe également des États-Unis certains moteurs visés par les conclusions. Trane est aussi en mesure de demander une remise (drawback) sur les droits de douanes et sur les droits antidumping payés sur la plupart de ses moteurs importés puisqu'ils sont incorporés à des produits qui sont exportés par la suite aux États-Unis.

Trane a soumis des éléments de preuve pour justifier le fait qu'elle s'approvisionne aux États-Unis. Elle a déclaré qu'elle incorpore des moteurs américains à de l'équipement qui est exporté aux États-Unis en raison des exigences du marché américain. Ces exigences ont été décrites en détail dans la soumission confidentielle de Trane. En résumé, Trane a soutenu que ces importations ne pourraient causer de préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires compte tenu des faibles quantités en cause et parce que ces importations ouvrent droit à une remise. Les soumissions publique et confidentielle de Trane n'ont pas été contestées ni l'une, ni l'autre lors de l'audience.

Ni l'AMEEEC, ni GE Canada ne se sont opposés à ce qu'on accorde à Trane cette exclusion et, en fait, GE Canada ne s'opposerait pas à exclure toutes les importations des importateurs bénéficiant des dispositions en matière de traitement intérieur. L'AMEEEC et Trane estiment que seules les entreprises qui demandent à être exclues de l'application des conclusions devraient pouvoir en bénéficier.

Le Tribunal estime donc que les moteurs à induction importés des États-Unis en vertu des dispositions du Traitement intérieur du Tarif des douanes par Trane Canada, pour l'installation dans de l'équipement fabriqué par Trane à être exporté du Canada aux États-Unis ne causent pas de préjudice sensible à l'industrie nationale puisque les éléments de preuve indiquent que ces moteurs ne sont pas achetés auprès de fournisseurs canadiens en raison des exigences du marché américain. Par conséquent, ces moteurs seront exclus de l'application des conclusions contre les États-Unis.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping de la part des exportateurs du Brésil, du Japon, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni est susceptible de se poursuivre et que le subventionnement de la part du Brésil n'a pas cessé et que la reprise du dumping ou du subventionnement causerait un préjudice sensible à l'industrie nationale. Les conclusions de l'enquête no CIT-6-85 sont donc prorogées à l'égard du Brésil, du Japon, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume-Uni et ces conclusions sont annulées pour ce qui est du Mexique.

Le Tribunal conclut également, compte tenu de ce qui précède, que le dumping de la part des exportateurs des États-Unis est susceptible de se poursuivre et que la reprise du dumping causerait un préjudice sensible à l'industrie nationale. Les conclusions de l'enquête no ADT-8R-78 sont donc prorogées en les modifiant de façon à ce que les moteurs à induction importés des États-Unis par Trane pour les incorporer à de l'équipement fabriqué par Trane en vertu des dispositions du Traitement intérieur du Tarif des douanes et réexportés par la suite du Canada vers les États-Unis soient exclus de l'application de ces conclusions. (Il y a dissidence du membre Bertrand en ce qui a trait à l'exclusion.)

MOTIFS DE LA PORTION DISSIDENTE DU MEMBRE BERTRAND

Je suis d'accord avec mes collègues sur tous les aspects des conclusions et des motifs sur lesquels ils s'appuient, sauf pour ce qui est de l'exclusion accordée à Trane. Suivant ma compréhension des faits de cette cause, il m'est impossible d'en arriver à la conclusion que cette exclusion se justifie, et ce, pour les raisons suivantes.

D'après les témoignages, les documents confidentiels et les arguments présentés pour le compte de Trane, sa demande d'exclusion se fonde sur trois «raisons principales». Premièrement, l'industrie nationale, représentée par l'AMEEC et GE Canada, ne s'oppose pas à ce que Trane bénéficie d'une exclusion à l'égard des moteurs en question importés et exportés par la suite en vertu des dispositions du Tarif des douanes en matière de traitement intérieur. Deuxièmement, lesdites marchandises importées par Trane, et exportées par la suite, sont admissibles à une remise de droits de douane conformément au Règlement sur le drawback relatif aux marchandises importées et exportées [9] . Les problèmes administratifs et les difficultés de trésorerie que poserait à Trane l'application du règlement en matière de remise et l'affirmation de Trane selon laquelle l'admissibilité à la remise de droits de douane démontre que les importations de Trane ne posent aucun préjudice à l'industrie nationale serait une deuxième raison, d'après la société, pour qu'on lui accorde cette exclusion. Troisièmement, Trane prétend que les exigences du marché américain lui imposent d'utiliser des moteurs fabriqués aux États-Unis dans les machines qu'elle produit pour des raisons données à huis clos.

Le fait que les producteurs canadiens ne s'opposent pas à l'octroi d'une exclusion à Trane est certes un facteur à considérer, mais ce n'est pas parce que toutes les parties à une audience sont favorables à une exclusion que le Tribunal devrait, du même coup, entériner une telle demande. De plus, le Tribunal doit être convaincu, d'après les éléments de preuve présentés, que l'importation par Trane des moteurs sous-évalués n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible.

J'estime que l'existence et l'effet du règlement sur la remise des droits de douane ainsi que les problèmes associés à l'application de ces règlements et l'argument fondé sur les exigences du marché américain ne justifient pas, si on les examine à la lumière de l'ensemble des éléments de preuve, la conclusion selon laquelle l'importation par Trane des marchandises en question sous-évaluées, en vue de les incorporer à des machines ultérieurement exportées, n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible.

Premièrement, il y a le prétendu fardeau administratif et financier qu'impose à Trane le respect du règlement en matière de remise. Je trouve, tout comme Trane, que ces difficultés sont regrettables, mais je ne vois pas comment ces inconvénients et ces fardeaux pourraient être pertinents à la question de savoir si l'importation des moteurs sous-évalués par Trane est susceptible de causer un préjudice sensible.

Deuxièmement, pour ce qui est du règlement sur la remise des droits de douane, il ressort clairement de la jurisprudence constante du Tribunal qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'un règlement de ce type lorsqu'il s'agit d'examiner le rapport entre le produit sous-évalué et le préjudice sensible. Ainsi, dans l'enquête du Tribunal antidumping n° ADT-5-81, le Tribunal a déclaré que les dispositions en matière de remise de droits de douane n'avaient rien à voir avec le dumping et n'entraient donc pas en ligne de compte dans la recherche d'un lien de causalité entre le dumping et le préjudice que pourrait subir l'industrie canadienne à un moment donné. Une opinion semblable a été exprimée dans l'enquête n° ADT-3-83.

Trane soutient que dans la mesure où elle peut bénéficier des dispositions relatives au «traitement intérieur» pour ce qui est des droits de douane applicables aux moteurs américains destinés à être réexportés, on devrait lui éviter d'avoir à présenter une demande de remboursement de droits antidumping en lui octroyant une exclusion. Elle cite à l'appui de cette position l'exclusion accordée dans le cas des électrodes en graphite par le réexamen n° CIT R-5-87 du TCI. J'estime que la situation présente diffère de celle-là sur plusieurs points fondamentaux. Dans le réexamen concernant les électrodes en graphite, l'exportateur américain demeurait le propriétaire des électrodes et celles-ci n'entraient au Canada que pour des opérations de finition, le fabricant canadien jouant uniquement un rôle de percepteur dans ce cas. Compte tenu de la position très spéciale qu'occupait cet exportateur, il était impossible que l'importation d'électrodes en graphite nuise, dans ces circonstances, à la production canadienne et cause un préjudice aux producteurs canadiens d'électrodes finies. Ces importations avaient plutôt eu pour effet de réduire les coûts de production et d'améliorer les marges bénéficiaires et les flux de trésorerie. En outre, les inconvénients administratifs que connaît Trane ne sont pas différentes de ce que connaissent tous les producteurs canadiens qui exportent vers les États-Unis des machines qui contiennent des marchandises en question. L'octroi d'une exclusion à Trane pour des motifs de ce genre créerait un précédent qui aurait pour effet, s'il était suivi, d'appliquer les dispositions en matière de traitement intérieur aux droits antidumping alors que le Parlement et le gouverneur en conseil ont refusé de le faire.

La troisième «raison principale» sur laquelle Trane a fondé sa demande d'exclusion concerne le fait que les exigences du marché américain imposent l'utilisation de moteurs fabriqués aux États-Unis pour les machines exportées en vue d'être vendues dans ce pays. À la différence de mes collègues, je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve présentés, replacés dans le contexte de tous les éléments de preuve présentés à l'audience, justifient une telle exclusion.

Lorsque le Tribunal examine les éléments de preuve pouvant indiquer que les importations des marchandises sous-évaluées ne sont pas susceptibles de causer un préjudice sensible et donc qu'une exclusion est justifiée, il examine notamment si l'industrie nationale visée produit ou pourrait produire les marchandises en question (ou des substituts) au sujet desquelles on demande l'exclusion. Si l'industrie nationale ne fabrique pas ces marchandises ou n'est pas en mesure de le faire, elle ne peut prétendre subir un préjudice en raison de l'importation des marchandises sous-évaluées dont on cherche à obtenir l'exclusion.

De ce point de vue, l'essentiel de l'argument de Trane fondé sur les exigences du marché américain est que l'industrie nationale ne produit pas de moteurs (et ne peut pas le faire) similaires aux moteurs au sujet desquels Trane demande une exclusion. Dès lors, l'industrie canadienne ne peut prétendre qu'elle subit un préjudice en raison de l'importation des moteurs sous-évalués incorporés dans des machines ultérieurement exportées. Trane soutient, en fait, que ce sont les exigences du marché américain qui créent une barrière imperméable aux moteurs d'origine canadienne. Cependant, les éléments de preuve présentés à l'audience ne vont pas dans ce sens.

Les moteurs fabriqués aux États-Unis en vue d'être incorporés dans les machines exportées par Trane ne diffèrent en rien des moteurs produits au Canada, pour ce qui est de leur conception, de leur qualité ou de leurs spécifications. Lorsque Trane fabrique, pour la vente au Canada, des machines identiques à celles qu'elle exporte aux États-Unis, elle utilise des moteurs canadiens. Bref, rien n'indique que la nécessité d'acheter les moteurs aux États-Unis ne résulte du processus de production des moteurs en question. La difficulté est attribuée aux exigences du marché américain tel qu'expliqué lors de la session à huis clos. Cependant, les éléments de preuve qui ont été présentés au Tribunal indiquent que les fabricants canadiens exportent un nombre important et une grande variété de marchandises en question aux États-Unis. De plus, rien n'indique que ces marchandises exportées ne sont pas acceptées dans ce marché ou qu'elles ne satisfont pas aux exigences, de ce même marché, décrites pas Trane. En d'autres termes, si les exigences du marché américain constituent une barrière, du moins dans l'opinion de Trane, entre les moteurs importés et les moteurs produits localement, c'est une barrière bien poreuse puisque les producteurs canadiens qui sont actifs dans ce marché ne l'ont pas rencontrée.

Ainsi, même si l'industrie nationale est favorable à cette exclusion, je ne suis pas convaincu, pour les motifs exposés ci-dessus, qu'il conviendrait d'accorder à Trane une exclusion pour le motif que cette société n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à l'industrie nationale ni que le Tribunal devrait tenir compte de la disposition en matière de traitement intérieur pour créer un précédent qui élargirait la portée de ces dispositions au-delà de ce que pr?E9‚voient la loi et les règlements.


1. Ces conclusions ont été rendues à la suite d'une nouvelle audience ordonnée par la Cour d'appel fédérale dans la cause DeVilbiss (Canada) Ltd. c. le Tribunal antidumping , [1983] 1 C.F. 706. Cette cour avait accueilli une demande d'examen présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale concernant les conclusions de préjudice sensible rendues en 1979 par le Tribunal antidumping, à la suite du dumping de la même catégorie de marchandises en provenance des États - Unis.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15.

3. [1979] 1 R.C.S. 93.

4. Enquête n o ADT-4-75, à la p. 18.

5. L.R.C. (1970), ch. A-15.

6. Electrohome Limited et al. c. le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise , [1986] 2 C.F. 344; Enquête n o CIT-9-87 (Urée solide).

7. Dans ses motifs à l'origine des conclusions d'absence de préjudice sensible, le TCI a noté que les moteurs roumains n'étaient pas vendus sous une marque connue, n'avaient aucuns antécédents de bonne performance ni de réseau de distribution au Canada.

8. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e supp.).

9. DORS/86-795.


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Publication initiale : le 22 août 1997