TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET ALLIÉ

Réexamens (article 76)


CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET ALLIÉ ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU BRÉSIL, DE LA TCHÉCOSLOVAQUIE, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE LA RÉPUBLIQUE DE L'AFRIQUE DU SUD, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA ROUMANIE, DE L'ESPAGNE, DU ROYAUME-UNI ET DES PAYS-BAS
Réexamen n° : RR-89-006

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 1er mai 1990

Réexamen n° : RR-89-006

EU ÉGARD À un réexamen, effectué en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping dans le cadre des enquêtes nos ADT-10-83 du 7 décembre 1983 et ADT-13-83 du 26 janvier 1984, modifiées par le Tribunal canadien des importations dans le cadre du réexamen n° R-10-88 du 16 septembre 1988 concernant :

CERTAINES TÔLES D'ACIER AU CARBONE ET ALLIÉ ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU BRÉSIL, DE LA TCHÉCOSLOVAQUIE, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DE LA RÉPUBLIQUE DE L'AFRIQUE DU SUD, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA ROUMANIE, DE L'ESPAGNE, DU ROYAUME-UNI ET DES PAYS-BAS

O R D O N N A N C E

En vertu des dispositions de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé au réexamen des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 décembre 1983 et le 26 janvier 1984, respectivement, modifiées par le Tribunal canadien des importations le 16 septembre 1988 au sujet des tôles d'acier au carbone et allié en question.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule, par la présente, les conclusions susmentionnées du 7 décembre 1983 et du 26 janvier 1984, modifiées le 16 septembre 1988, à compter du 1er mai 1990.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient de proroger, avec ou sans modification, ou d'annuler les conclusions du Tribunal antidumping et les conclusions de réexamen du Tribunal canadien des importations concernant les marchandises susmentionnées.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions susmentionnées. Les exportateurs des pays désignés ont pu exercer avec succès une concurrence sur le marché canadien à des prix supérieurs aux valeurs normales, ce qui indique une faible tendance à recourir au dumping. L'amélioration des ventes et de la situation financière de l'industrie, de même que sa compétitivité accrue par suite de la modernisation et de la rationalisation de ses installations, la rendent beaucoup moins vulnérable au préjudice sensible résultant du dumping qu'à l'époque des conclusions initiales.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : Du 5 au 8 février 1990
et le 14 février 1990
Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 1er mai 1990

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
John C. Coleman, membre
Kathleen E. Macmillan, membre

Directeur de la recherche : S. Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : K. Campbell
Préposée aux statistiques : M. Saumweber
Commis à l'inscription et
à la distribution : L.E. Pharand


Participants : John M. Coyne, c.r.
Ronald C. Cheng et
Gregory O. Somers
pour The Algoma Steel Corporation, Limited
Dofasco Inc.
IPSCO Inc. et
Stelco Inc.

(fabricants)
Peter Clark
et Peter Burn
pour Companhia Siderurgica
Paulista-COSIPA et
Usinas Siderurgicas de Minas
Gerais
S.A. - USIMINAS

Peter Clark
et Mary Ellen Murdock
pour British Steel Canada Inc.

Donald J. Goodwin
pour ENSIDESA
Pohang Iron and Steel Co., Ltd.
et Stahlwerke Peine-Salzgitter AG

Glenn A. Cranker
pour Forges de Clabecq, S.A.

Richard S. Gottlieb
et Peter E. Kirby
pour Charleroi (USA)
et Fabrique de Fer Charleroi S.A.

Richard S. Gottlieb
pour Canadian Klöckner Ltd.
et Klöckner-Werke AG

Manfred F. Wirth
Président
Wirth Limited

(importateurs-exportateurs)

Témoins :

Ian E. Williams, P. Eng.
Directeur général
Ventes et commercialisation
The Algoma Steel Corporation, Limited

Tom J. Oelkuch
Directeur des ventes
Centres de service de l'acier
Dofasco Inc.

J.A. Anderson
Directeur des ventes - tôles
Stelco Steel

Joe Russo
Vice-président et directeur général
Produits laminés à froid
IPSCO Inc.

Gerald Fagan
Directeur des achats
A.C. Leslie
(Division de Newman Steel Ltd.)

William Joseph Kissick
Directeur
Affaires gouvernementales
The Algoma Steel Corporation, Limited

R.H. Thompson
Contrôleur des coûts
Stelco Steel

Fred C. Alcock
Directeur - comptabilisation des coûts
Dofasco Inc.

Bruce L. McKee, C.M.A.
Directeur
Administration et commerce
IPSCO Inc.

John B. Currie
Vice-président
British Steel Canada Inc.

Serge G. Vinograd
Vice-président exécutif
Charleroi (USA)

S.K. Lee
Directeur
Région des États-Unis
Pohang Iron & Steel Co., Ltd.

Klaus H. Thomas
Directeur des exportations
Salzgitter Stahl GmbH

Manfred F. Wirth
Président
Wirth Limited

Dennis G. Martin
Directeur
Renseignements commerciaux
Dofasco Inc.

Heinz-Juergen Wiecken
Vice-président et Directeur général
Canadian Klöckner Ltd.

Raleigh A. Miller
Expert-conseil
Produits laminés à froid

Nick F. Zoccano
Directeur des ventes - Matériel
tubulaire
Dofasco Inc.

Stuart Critchley
Contremaître général
Technologie des opérations - Laminoir à froid
Dofasco Inc.

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), au réexamen des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 décembre 1983 et le 26 janvier 1984, qui ont été prorogées, avec modification, par le Tribunal canadien des importations dans le cadre des conclusions de réexamen rendues le 16 septembre 1988 concernant certaines tôles d'acier au carbone et allié. En procédant au réexamen des conclusions, le Tribunal s'est penché sur deux questions fondamentales : quelle sera la tendance à recourir au dumping si les conclusions sont annulées et dans quelle mesure l'industrie canadienne est-elle sensible au dumping?

En ce qui touche la tendance à recourir au dumping, le Tribunal constate que 5 des 11 pays désignés n'y ont pratiquement pas eu recours et que dans le cas des 6 autres pays, la marge de dumping et le volume de marchandises visées sont généralement très modestes. Selon les éléments de preuve, les usines européennes ont réduit la capacité excédentaire de production d'acier au cours de la dernière décennie, misent davantage sur les profits et moins sur l'accumulation de stocks, et fonctionnent à un rythme acceptable qui devrait leur permettre de se concentrer sur les marchés européens. Il semble que les autres pays désignés connaissent une situation semblable. Le Tribunal estime que le programme de surveillance des importations d'acier au carbone mis en place par le Gouvernement du Canada peut décourager le dumping, car il permet à l'industrie d'appliquer des correctifs en temps opportun en cas de reprise du dumping préjudiciable. Le Tribunal considère en outre que les Accords de restriction volontaire (ARV) (traduction non officielle) des États-Unis visant l'acier n'ont pas accru le recours au dumping face à un marché canadien relativement ouvert parce que les contingents, qui ont récemment été augmentés, ne sont pas entièrement utilisés par les pays visés par les accords.

En ce qui touche la vulnérabilité de l'industrie face à une reprise du dumping, le Tribunal constate que malgré de récentes baisses de la production et des prix canadiens des tôles d'acier, des ventes très élevées et un solide rendement financier ont été enregistrés ces dernières années. De plus, certains événements survenus au cours des six années écoulées depuis la mise en place des conclusions devraient aider l'industrie à se maintenir face à l'érosion du marché en cours. Les ventes de tôles et la rentabilité de l'industrie sont à leur niveau le plus élevé depuis 10 ans, l'industrie conserve une part importante du marché intérieur et ses exportations à l'extérieur de l'Amérique du Nord augmentent. Le fait que l'industrie ait continué de moderniser et de restructurer ses installations ajoute à sa capacité de concurrencer toutes les usines d'acier étrangères. Le renforcement accru de la compétitivité de l'industrie face aux usines étrangères constitue l'avantage naturel qu'elle tire du fait d'être un fournisseur privilégié des principaux centres de traitement de l'acier.

Le Tribunal est d'avis que les risques de reprise du dumping sont faibles et que la vulnérabilité de l'industrie n'est guère importante. En conséquence, le Tribunal annule les conclusions visant les tôles d'acier.

CONTEXTE

Le présent réexamen, effectué en vertu de l'article 76 de la LMSI, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 décembre 1983 et le 26 janvier 1984, modifiées par le Tribunal canadien des importations le 16 septembre 1988, concernant certaines tôles d'acier et allié décrites ci-après :

N° ADT-10-83 (le 7 décembre 1983)

Tôles d'acier au carbone, y compris les tôles d'acier allié, qui n'ont subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage ou le traitement à chaud, peu importe si elles sont en rouleaux ou qu'elles possèdent une surface laminée, à l'exclusion des sections de base de jantes de roues, de l'acier au carbone et de l'acier allié pour outils, de l'acier inoxydable, de l'acier à mouler, des tôles à bord tombé ou des tôles embouties, des tôles ouvrées ou enduites, de l'acier rapide, des tôles pour scies et des tôles plaquées d'acier inoxydable, à l'exception des marchandises en question dans les épaisseurs de plus de six pouces et des marchandises en question comprises dans les spécifications ASTM suivantes : A203, A204, A302, A353, A387, A533, A553 et A645 et des marchandises en question produites par Creusot-Loire, de Paris (France), originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la Tchécoslovaquie, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la République de l'Afrique du Sud, de la République de Corée, de la Roumanie, de l'Espagne et du Royaume-Uni.

N° ADT-13-83 (le 26 janvier 1984)

Tôles d'acier au carbone, y compris les tôles d'acier résistant à basse teneur; et les tôles d'acier allié, qui n'ont subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage ou le traitement à chaud, peu importe si elles sont en rouleaux ou qu'elles possèdent une surface laminée, mais à l'exclusion des tôles skelp, des tôles pour plancher à surface façonnée, des sections de base de jantes de roues, de l'acier au carbone et de l'acier allié pour outils, de l'acier inoxydable, de l'acier à mouler, des tôles à bord tombé ou des tôles embouties, des tôles ouvrées ou enduites, de l'acier rapide, des tôles pour scies et des tôles plaquées d'acier inoxydable, à l'exception des marchandises en question dans les épaisseurs de plus de six pouces et des marchandises en question comprises dans les spécifications ASTM suivantes : A203, A204, A302, A353, A387, A533, A553 et A645, originaires ou exportées des Pays-Bas.

Le 16 septembre 1988, dans le cadre du réexamen n° R-10-88, le Tribunal canadien des importations a rendu des conclusions de réexamen excluant toutes les qualités de larges plats, laminés simultanément entre des laminoirs horizontaux et verticaux, travaillés aux bouts seulement et ayant des rives de laminage, dont la largeur ne dépasse pas 26 po (660 mm) et l'épaisseur, 3 po (76,2 mm), à compter du 20 avril 1988. Ce réexamen, qui ne comportait pas d'audiences, visait uniquement à réexaminer l'exclusion des marchandises susmentionnées.

En vertu de l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a procédé au réexamen des conclusions et émis un avis de réexamen le 2 novembre 1989. Cet avis a été communiqué à toutes les parties intéressées connues et publié dans la Partie I de Gazette du Canada du 11 novembre 1989.

Aux fins du réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants et aux importateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables aux audiences concernant le réexamen. Dans le cadre des recherches, un représentant du Tribunal a rencontré des porte-parole de l'industrie à Ottawa (Ontario) et visité les installations de British Steel Canada Inc. (British Steel), à Montréal (Québec), pour fournir des précisions au sujet des questionnaires. Le dossier concernant ce réexamen renferme également tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, alors que les pièces protégées n'ont été fournies qu'aux avocats indépendants.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa (Ontario) du 5 au 8 février 1988 et le 14 février suivant.

The Algoma Steel Corporation, Limited (Algoma), Dofasco Inc. (Dofasco), IPSCO Inc. (IPSCO) et Stelco Inc. (Stelco), des fabricants canadiens des marchandises en question, ont été représentées aux audiences par leurs avocats. Elles ont également soumis des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions.

Forges de Clabecq, S.A. (Clabecq), Companhia Siderurgica Paulista-COSIPA (COSIPA), Usinas Siderurgicas de Minas Gerais S.A. USIMINAS (USIMINAS), British Steel, ENSIDESA, Pohang Iron and Steel Co., Ltd. (Posco), Stahlwerke Peine-Salzgitter AG (Peine-Salzgitter), Charleroi (USA), Fabrique de Fer Charleroi S.A. (Charleroi), Canadian Klöckner Ltd. (Klöckner), Klöckner-Werke AG (Klöckner AG), des importateurs et des exportateurs des marchandises en question, ont été représentées aux audiences par leurs avocats. En outre, un représentant de Wirth Limited a participé aux audiences. Toutes ces sociétés ont soumis des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions.

Hoogovens IJmuiden Verkoopkantoor BV, un exportateur des marchandises en question, n'a pas été représentée aux audiences. Elle a toutefois soumis des éléments de preuve en faveur de l'annulation des conclusions.

COMPÉTENCE DU TRIBUNAL

Au début des audiences, les avocats de British Steel ont soumis une motion en vertu du paragraphe 76(5) de la LMSI demandant au Tribunal de se déclarer hors délai et non investi des pouvoirs nécessaires pour procéder au réexamen. Les avocats ont soutenu que la version française dudit paragraphe stipule que le Tribunal doit avoir terminé le réexamen et émis une ordonnance ou des conclusions dans les cinq années suivant l'émission des conclusions précédentes.

Dans une décision rendue directement au cours des audiences, le Tribunal s'est dit compétent pour procéder au réexamen et a promis d'approfondir cette question dans son exposé des motifs.

Le Tribunal a fondé ses conclusions sur le libellé de l'article 76 et sur les buts et l'objectif généraux de la LMSI. Ce faisant, il a appliqué la règle énoncée par la Cour suprême du Canada dans la cause Slaight Communications Inc. c. Davidson [1] , qui prévoit que les deux versions d'un texte réglementaire doivent être conciliées en dégageant «... le sens qui est commun aux deux versions et vérifier si celui-ci semble conciliable avec l'objet et l'économie générale... » de la loi.

Il s'agit de déterminer si, comme le soutenaient les avocats de British Steel, la version française du paragraphe 76(5) signifie qu'un réexamen doit être achevé dans les cinq ans suivant les conclusions ou l'ordonnance initiale. La version anglaise dudit paragraphe stipule qu'une ordonnance ou des conclusions viennent à échéance après cinq ans «Where the Tribunal has not initiated a review... », alors que la version française stipule que cette situation survient «À défaut de réexamen... » Les avocats ont affirmé que la version française est plus conforme à l'esprit de la LMSI, qui prévoit que toutes ordonnances ou conclusions viennent à échéance après cinq ans.

Les avocats ont affirmé en outre que les passages suivants du paragraphe 76(4) : «À la fin du réexamen visé au paragraphe (2), le Tribunal rend une ordonnance... » et «... The Tribunal shall, on completion of the review, make an order... » signifient que l'ordonnance fait partie du réexamen et doit donc être émise dans les cinq ans.

Enfin, les avocats ont soutenu que si la version anglaise du paragraphe 76(5) est retenue, cela pourrait engendrer une situation absurde en vertu de laquelle il suffirait que le Tribunal instaure un réexamen dans les cinq ans de l'ordonnance initiale, après quoi il pourrait laisser la question en suspend pour une période indéterminée, voire prolongée.

Le Tribunal ne peut retenir ces arguments et formule à cet égard les observations suivantes.

Premièrement, toutes les dispositions de l'article 76 doivent être lues ensemble dans les deux langues pour en tirer le sens et l'objet généraux. Ainsi, le paragraphe 76(2) stipule que le Tribunal peut réexaminer une ordonnance ou des conclusions rendues antérieurement, sans préciser un délai à l'intérieur duquel le réexamen doit être instauré ou qu'il doit être achevé dans le délai de cinq ans visé au paragraphe 76(5). Un réexamen ne peut être effectué en un clin d'oeil. Il faut compter plusieurs semaines, voire plusieurs mois, depuis les travaux effectués par le personnel avant l'émission de l'avis du réexamen jusqu'au dépôt, par le Tribunal, des conclusions et des motifs qui les sous-tendent en passant par les travaux de recherche du personnel et la tenue d'audiences publiques. En toute logique, le parlement ne pouvait exiger que le paragraphe 76(5) stipule que le réexamen soit complété dans les cinq ans suivant l'émission de l'ordonnance initiale alors que le Tribunal pouvait déjà amorcé un réexamen en tout temps au cours de cette période.

Deuxièmement, le Tribunal estime que dans son sens ordinaire dans les deux langues, le paragraphe 76(4) prévoit que le Tribunal doit émettre une ordonnance dès que le réexamen est terminé. Cette ordonnance renferme les conclusions du réexamen.

Troisièmement, le Tribunal est d'avis que la LMSI vise, de façon générale, à protéger la production canadienne de marchandises semblables d'un préjudice sensible causé par le dumping et le subventionnement, sous réserve d'un réexamen permettant de confirmer que cette protection spéciale demeure justifiée. Ce réexamen peut être amorcé en tout temps au plus tard dans les cinq ans suivant l'émission d'une ordonnance ou des conclusions. Le paragraphe 76(5) ne vise qu'à s'assurer que l'ordonnance ou les conclusions seront réputées échues si le Tribunal n'entreprend pas de réexamen dans les cinq ans suivant l'émission de l'ordonnance ou des conclusions.

Le parlement n'a pas précisé la durée d'une ordonnance ou des conclusions émises par le Tribunal en vertu de l'article 43 parce qu'il est impossible de prévoir pendant combien de temps les effets du dumping ou du subventionnement, ainsi que du préjudice qui en résulte, se feront sentir. Si le parlement avait voulu avant tout limiter la durée des conclusions de préjudice à cinq ans, il l'aurait précisé dans la LMSI. Au lieu de cela, il a décrété que le réexamen révisé à l'article 76 devait être entrepris dans les cinq ans. L'esprit de la LMSI et le but de l'article 76 dans son ensemble sont bien résumés dans la version anglaise du paragraphe 76(5). La tournure française «À défaut de réexamen... » signifie qu'un réexamen constitue un processus, et non un court délai.

Enfin, tout intervenant qui est d'avis que le Tribunal met trop de temps à procéder au réexamen qu'il a entrepris et à rendre sa décision peut s'adresser à d'autres instances.

LES PRODUITS

Les produits faisant l'objet du présent réexamen englobent certaines tôles d'acier au carbone et allié. L'acier est défini comme un métal dur composé de fer allié à du carbone, à du manganèse et à d'autres éléments d'alliage en petites proportions variées. L'acier est appelé acier au carbone lorsqu'on ne précise pas ou n'exige pas de proportion minimale d'un élément ajouté pour obtenir l'effet d'alliage voulu. Les aciers résistants à basse teneur désignent un groupe d'aciers dont la composition chimique a été déterminée spécifiquement pour leur donner de meilleures propriétés mécaniques et une plus grande résistance à la corrosion atmosphérique que celles que l'on peut obtenir de l'acier de charpente conventionnelle au carbone. L'acier allié désigne un acier dont la proportion des éléments d'alliage est précisée.

Les dimensions des tôles d'acier au carbone et allié visées par le présent réexamen, exception faite des tôles universelles usinées dont les dimensions sont précisées dans les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 16 septembre 1988, sont décrites de la façon suivante dans les conclusions du Tribunal antidumping :

Largeur Épaisseur
entre 8 et 48 po plus de 0,2299 po
plus de 48 po plus de 0,1799 po

La tôle de première qualité doit répondre à des normes reconnues (AISI, ASTM, etc.) en ce qui concerne le jeu, la planéité, le fini de la surface et la résistance. La tôle qui répond à toutes les normes sauf celles concernant la résistance peut être vendue à moindre prix à titre de tôle de deuxième qualité en vue d'applications ne nécessitant pas de garantie spécifique quant à la résistance.

Les marchandises en question entrent dans la fabrication de formes profilées servant à construire des ponts et des immeubles en hauteur, des coques de navires, des barges, des plates-formes de forage, des appareils à pression, des jantes de roues d'automobiles, des wagons, des engins de terrassement et du matériel agricole.

La tôle d'acier au carbone est vendue par les fabricants canadiens aux utilisateurs finals, les centres de service et les transformateurs. Dans certains cas, les utilisateurs finals se servent de la tôle pour fabriquer des produits tels un appareil à pression. Dans ce cas, les ventes sont conditionnelles à l'adjudication d'un contrat. Il arrive également que les utilisateurs finals transforment la tôle en un élément structurel utilisé pour la réalisation de projets commerciaux. Le transformateur présente sa soumission dès qu'il a découvert un fournisseur, étranger ou national, dont le prix est le plus avantageux.

Les fabricants canadiens vendent une bonne partie de leur production des marchandises en question à des centres de service qui tiennent des stocks de bobinaux et de tôles en vue d'approvisionner les utilisateurs en petites quantités. Ces centres de service sont souvent outillés pour effectuer le découpage en cisaillement ou au chalumeau, ou encore des opérations comme le redressement et le coupage à longueur.

La tôle produite à l'étranger est généralement importée par des agents qui la revendent ensuite aux utilisateurs finals et aux centres de service de produits métallurgiques. Les importations sont normalement livrées trois à cinq mois après avoir été commandées.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Algoma, Stelco, Dofasco et CHT Steel Company (CHT) étaient les parties plaignantes lors de l'enquête initiale. Il existe deux autres petits fabricants des marchandises en question, à savoir Interprovincial Steel and Pipe Corporation Ltd. (IPSCO) et Sidbec-Dosco. Plusieurs changements importants du point de vue de la propriété sont survenus au sein de l'industrie depuis l'émission des conclusions.

Le 19 août 1988, Dofasco a acquis la totalité des intérêts d'Algoma de Canadien Pacifique Ltée et est devenue le plus important fabricant intégré d'acier au pays, intervenant pour environ 40 p. 100 de la production consolidée d'acier au Canada. En septembre 1989, Stelco a fait l'acquisition de CHT, qui assure le traitement à chaud des tôles d'acier au carbone et allié.

Algoma, de Sault Ste. Marie (Ontario), demeure autonome et constitue le plus important fabricant national des marchandises en question. Elle utilise à cette fin un laminoir de 153 po de largeur, de même qu'un laminoir à bandes à chaud de 96 po de largeur.

Dofasco, de Hamilton (Ontario), fabrique une vaste gamme de produits, y compris des tôles d'acier laminées à chaud ou à froid. En 1989, la société a entrepris de restructurer ses activités commerciales de manière à insister davantage sur le marché que sur les produits. C'est ainsi que tous les produits laminés fabriqués par Algoma et Dofasco seront commercialisés et vendus par l'entremise d'un seul groupe situé à Hamilton. Dofasco fabrique les marchandises en question à l'aide d'un laminoir à bandes à chaud de 60 po.

Stelco de Toronto (Ontario), est le deuxième fabricant en importance au Canada intégré de produits de l'acier et fournit environ 30 p. 100 de l'acier canadien. À l'heure actuelle, Stelco peut fabriquer les marchandises en question à l'aide de trois laminoirs, à savoir le laminoir à tôles de 148 po de largeur installé à Hilton Works à Hamilton; le laminoir à bandes à chaud de 56 po de largeur en service dans la même usine; et le laminoir à chaud de 80 po de largeur de Lake Erie Works. En janvier 1988, Stelco a été réorganisée de manière à créer deux divisions, Stelco Enterprises et Stelco Steel. Cette dernière assure la production et la commercialisation des marchandises en question.

Située à Régina (Saskatchewan), IPSCO est une compagnie publique qui assure la production et la distribution d'une vaste gamme de produits de l'acier, y compris des tôles laminées à chaud. En octobre 1988, IPSCO a fait l'acquisition de Western Canada Steel, un fabricant de barres, d'angles et de canaux. IPSCO fabrique les marchandises en question à l'aide d'un laminoir à chaud en va-et-vient de 74 po de largeur.

Sidbec-Dosco de Montréal (Québec), produit de petites quantités de tôles d'acier au carbone et allié sur un laminoir à chaud en va-et-vient de 52 po de largeur. La production des marchandises en question représente une très faible proportion de la production totale d'acier de l'entreprise.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1983

Le 7 décembre 1983, le Tribunal antidumping a conclu que, sous réserve de certaines exceptions, le dumping des marchandises en question provenant de la Belgique, du Brésil, de la Tchécoslovaquie, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la République de l'Afrique du Sud, de la République de Corée, de la Roumanie, de l'Espagne et du Royaume-Uni avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables. En revanche, le dumping des marchandises susmentionnées produites par Creusot-Loire, de Paris (France), ne causait aucun préjudice sensible.

Lors de son évaluation du préjudice sensible, le Tribunal antidumping a dirigé son attention sur l'essor du marché en 1981 et sur les circonstances entourant l'évolution de la situation en 1982 et en 1983. Même si les perspectives initiales de croissance du marché semblaient très favorables en 1981, la majeure partie de la progression enregistrée est survenue au premier semestre de cette année-là. Au cours de cette période, les trois parties plaignantes avaient des clients attitrés. Stelco a conservé sa clientèle attitrée jusqu'à ce qu'elle soit touchée par une grève de quatre mois qui a commencé en août, tandis qu'Algoma et Dofasco ont conservé les leurs jusqu'à la fin de 1981. Les importations, dont la présence sur le marché était normale au premier trimestre de 1981, ont augmenté très fortement au deuxième trimestre, la majeure partie de cette poussée étant attribuable aux importations provenant des pays désignés. Même si le marché a amorcé un recul au troisième trimestre, traduisant une utilisation moins importante de la tôle, les stocks des centres de service ont commencé à augmenter à mesure que les importations commandées quatre à cinq mois plus tôt sont arrivées en quantités importantes au cours des troisième et quatrième trimestres.

Au cours des deux premiers trimestres de 1982, l'indice d'utilisation du produit a continué de fléchir, alors que les stocks des centres de service ont continué de s'accumuler. Ce n'est qu'au deuxième trimestre que ces stocks ont commencé à diminuer, en raison des taux d'intérêt élevés qui frappaient un marché en net recul. L'écoulement des stocks s'est poursuivi pendant le reste de 1982, l'indice d'utilisation du produit demeurant à la baisse.

Le Tribunal antidumping était d'avis que l'accumulation des stocks dans les centres de service entre le troisième trimestre de 1981 et la fin du premier trimestre de 1982 était en grande partie attribuable aux prévisions d'une croissance continue du marché et d'un règlement tardif de la grève qui sévissait chez Stelco. Durant cette période d'accumulation des stocks, près de 35 p. 100 des achats des centres de services ont été effectués auprès des pays désignés, alors que ce chiffre dépassait à peine 10 p. 100 au premier trimestre de 1981. Mais, ce qui est plus important, c'est que ces stocks, qui comprenaient d'importantes quantités du produit jugé sous-évalué par le Sous-ministre, ont par la suite été écoulés tout au long de 1982, malgré l'effondrement du marché, ce qui a entraîné des pertes de volume et exercé des pressions sur le prix du produit national. Au deuxième trimestre seulement, alors que le marché reculait de 23 p. 100, la production de tôles d'acier au carbone a chuté de près de 40 p. 100 et la part du marché a diminué de sept points. Outre la baisse des ventes de l'industrie aux centres de services en 1982, dans plusieurs cas les importations sous-évaluées ont supplanté le produit national dans le cadre d'appels d'offres portant sur de grands projets.

En 1983, bien que l'industrie ait annoncé des réductions générales des prix, qui se sont traduites par une augmentation de sa part du marché, la présence d'importations sous-évaluées à des prix encore inférieurs à ceux des producteurs canadiens a empêché l'industrie d'accroître davantage sa part du marché. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping avait causé et causait un préjudice sensible à l'industrie. Par ailleurs, compte tenu des incertitudes caractérisant le marché des tôles d'acier au carbone et de la capacité excédentaire des producteurs nationaux et des pays désignés, le Tribunal antidumping a déclaré que l'industrie encourait un préjudice sensible si le dumping devait continuer.

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS DE 1984

Le 26 janvier 1984, le Tribunal antidumping a étendu les conclusions de 1983 au Pays-Bas. Les parties plaignantes étaient les mêmes, à savoir Algoma, Stelco et Dofasco. Comme dans le cas des conclusions de 1983, ces sociétés invoquaient un préjudice sensible se manifestant sous la forme d'une perte de commandes, d'une érosion et d'une réduction des prix, ainsi que d'une diminution de l'emploi et des heures-personnes travaillées, attribuables au dumping des importations originaires des Pays-Bas.

Le Tribunal antidumping a constaté que l'enquête a commencé moins de six semaines après le début de l'enquête précédente au sujet du dumping de marchandises presque identiques provenant de 10 autres pays. Par conséquent, le dumping des importations provenant des Pays-Bas avait des répercussions à l'époque où l'industrie nationale était déjà aux prises avec des marchés restreints et un préjudice sensible attribuable au dumping exercé par 10 autres pays.

Avec l'arrivée des tôles provenant des Pays-Bas, soit 8 805 tonnes, sur le marché canadien, les centres de service ont exercé presque immédiatement des pressions sur leurs fournisseurs en faveur d'une baisse des prix. Le Tribunal antidumping a estimé que pour éviter que certains de ces clients ne se tournent vers les fournisseurs étrangers et devant l'obligation de défendre leur position sur le marché alors que la demande était déjà très limitée, les fournisseurs ne pouvaient guère refuser les concessions demandées.

En plus de devoir composer avec l'impact des importations des Pays-Bas sur les prix, l'industrie a été privée des ventes qui, en l'absence du dumping, lui auraient permis de répondre aux besoins de deux centres de service qui s'approvisionnaient à même ces importations. Les ventes ainsi perdues ont entraîné une baisse de production, de l'emploi et d'utilisation de la capacité. Par ailleurs, le Tribunal antidumping était d'avis qu'à défaut d'une intervention, le dumping se poursuivrait et nuirait à la viabilité, à la rentabilité et au redressement futurs de l'industrie.

POSITION DES PARTIES

L'industrie

L'industrie a soutenu que la situation du marché qui a incité le Tribunal antidumping à déclarer que les pays désignés étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production nationale en 1983 est très semblable à celle qui prévaut aujourd'hui. La production, les ventes et l'emploi à l'échelle nationale diminuent, et cette tendance devrait se maintenir en 1990, traduisant la baisse récente de la demande d'acier au Canada et dans la plupart des autres pays occidentaux. C'est pourquoi les avocats ont soutenu que ce n'était pas le moment d'annuler les conclusions.

L'industrie a fait remarquer que la situation du marché a commencé à évoluer au deuxième trimestre de 1989, lorsque la demande a amorcé un recul. Ce changement s'est accompagné d'une baisse soudaine et importante des prix, surtout dans les provinces de l'Ouest. Selon l'industrie, les prix de l'acier à l'échelle mondiale accusent un recul aussi important.

Les avocats ont également fait valoir que, notamment en raison de l'appréciation du dollar canadien face à la devise américaine, les importations canadiennes de tôles en provenance des États-Unis ont augmenté depuis quelques trimestres, alors que les exportations de la production canadienne d'acier à destination des États-Unis étaient en baisse, ce qui aurait des répercussions néfastes sur les résultats financiers de l'industrie, de même que sur l'emploi et la capacité de production. Bref, la détérioration rapide des marchés signifiait que l'industrie était plus sensible à toute reprise du dumping.

Quant à la tendance à recourir au dumping, l'industrie a soutenu que la demande nationale dans les pays ayant recours à cette pratique était en baisse et que, par conséquent, leur capacit?E9‚ de production était largement excédentaire. Si l'on tient également compte du fait que l'industrie de l'acier exige d'importants capitaux et comporte des frais fixes élevés, il survient des situations où les producteurs font abstractions des lois commerciales d'autres pays afin de préserver leurs propres niveaux de production, tout en appuyant l'instauration d'obstacles aux importations.

Les avocats ont également soutenu que les pays désignés ont davantage tendance à recourir au dumping en raison de l'instauration d'ARV avec les États-Unis, qui limitent le volume des importations de ce pays. À défaut d'un accès libre au marché américain, les importations de tôles seraient détournées vers le marché canadien ouvert, intensifiant la situation de concurrence déjà présente sur le marché intérieur.

Du point de vue de l'industrie, les conclusions de préjudice ont grandement contribué à stabiliser le marché depuis 1983. Elle a toutefois soutenu que si les conclusions ne sont pas prorogées, les 11 pays désignés mettront fin aux pratiques ordonnées d'établissement des prix en vigueur sur le marché, et cette déstabilisation s'étendra à d'autres pays.

Les avocats ont aussi fait remarquer que si les conclusions étaient prorogées, il n'y aurait pas nécessairement lieu de protéger l'industrie nationale pendant une autre période de cinq ans. Si la situation s'améliore d'ici quelques années, le Tribunal pourrait toujours revoir les conclusions avant l'échéance de la période normale de cinq ans.

Les importateurs et les exportateurs

Les avocats de COSIPA et USIMINAS, deux exportateurs brésiliens des marchandises en question, ont fait remarquer que les conclusions sont en place depuis près de sept ans, qu'elles ont joué leur rôle et qu'elles devraient donc être annulées. Ils ont ajouté que ses clients n'étaient pas portés au dumping, étant donné qu'ils n'avaient pas exporté de tôles au Canada depuis l'émission des conclusions en 1983. De toute façon, ils ont ajouté que les exportateurs savaient très bien qu'ils feraient l'objet de mesures visant à contrer le subventionnement et le dumping en cas de reprise de pratiques commerciales déloyales si les conclusions devaient être annulées. Ils ont ajouté que jusqu'ici, les exportateurs n'ont pas eu tendance à reprendre le dumping lorsque le Tribunal a annulé des conclusions antérieures.

Les avocats représentant British Steel ont fait état de la faible marge de dumping établie par Revenu Canada dans sa décision finale de dumping de 1983. Ils ont ajouté que depuis les conclusions, leur client n'a pas eu recours au dumping et qu'il continuerait de faire preuve de retenue par simple mesure de bon sens. Ils ont ajouté que la compagnie avait réduit sa capacité de production et était parvenue à fabriquer, à très faible coût, des tôles concurrentielles au Canada à des valeurs normales. Ils ont soutenu que les récentes chutes de prix sur le marché national ne pouvaient être imputées au dumping, ajoutant que les fournisseurs américains étaient les principaux concurrents de l'industrie canadienne, et qu'il existait nettement un lien de cause à effet entre l'augmentation des importations américaines et le recul des prix sur le marché intérieur. Ils ont ajouté qu'ils existait aucune prévision à l'appui des affirmations de l'industrie selon laquelle l'économie est sur le point de subir une récession aussi grave que celle de 1982. Ils ont fait valoir au contraire qu'il semble que l'économie canadienne se prépare à un «recul en douceur» que l'industrie est en mesure de soutenir sans trop de difficultés.

De son côté, l'avocat d'ENSIDESA, un exportateur espagnol, de Posco, un exportateur de la Corée du Sud, et de Peine-Salzgitter, un exportateur de l'Allemagne de l'Ouest, a soutenu que rien n'indiquait que l'un ou l'autre de ses clients avaient recours au dumping et qu'en fait, ces compagnies écoulaient le production à des prix supérieurs aux valeurs normales sur tous les marchés. Il a ajouté que la demande intérieure dans les trois pays était très dynamique et que, par conséquent, les usines de ses clients n'affichent pas de capacité de production excédentaire.

Les avocats de Charleroi et Clabecq, deux exportateurs belges, ont soutenu que leurs clients ont toujours commercialisé leur acier en respectant scrupuleusement les règles établies. Même à l'égard des conclusions de 1983, Revenu Canada a constaté que le niveau de dumping était négligeable. Depuis, aucun fournisseur belge n'a eu recours à cette pratique. En outre, la capacité de production de la Belgique et de l'Europe, en général, a diminué. Par ailleurs les avocats ont estimé que l'industrie canadienne n'était pas, à l'heure actuelle, sensible à une reprise du dumping en raison de sa marge bénéficiaire élevée et de l'ampleur de sa part du marché national.

Dans un plaidoyer écrit qu'il a soumis au nom de sa société, M. Manfred Wirth, un importateur, a demandé que les conclusions soient annulées dans le cas de la Belgique, de l'Allemagne de l'Ouest et de l'Espagne. À son avis, la dépréciation du dollar canadien face aux devises de ces trois pays européens constitue largement une protection adéquate face à un préjudice éventuel, le marché canadien devenant ainsi moins attrayant pour les exportateurs européens. Il a également fait valoir que la capacité de production de tôles de ces trois pays, et d'autres membres de la Communauté économique européenne, a fortement diminué au cours des dernières années.

L'avocat de Klöckner AG, un exportateur de l'Allemagne de l'Ouest, et de sa filiale canadienne, a soutenu que certains aciers décapés et huilés auraient dû être considérés exclus des conclusions initiales de préjudice ou exemptés de ces dernières rétroactivement au début de 1988, lorsque la filiale canadienne de Klöckner a importé une certaine quantité desdites marchandises. D'importants éléments de preuve d'ordre technique ont été fournis pour expliquer pourquoi ces aciers décapés et huilés auraient dû être exclus des conclusions. À l'appui de la solution de rechange proposée, il a été soutenu qu'une exemption n'était pas préjudiciable à la production nationale parce que lesdites marchandises n'étaient pas disponibles auprès de fabricants nationaux en 1988, à l'époque de l'importation de ces marchandises.

EXAMEN DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

Comme dans le cas de nombreux autres produits de l'acier, le marché de la tôle d'acier au carbone est cyclique, les périodes de pointe et de ralentissement suivant l'évolution globale de l'économie. Dans ses conclusions de préjudice de 1983, le Tribunal antidumping a souligné que 1979 avait été une année record pour le marché de la tôle, le volume atteignant presque 1,4 million de tonnes. En 1980, le marché a chuté de 12 p. 100, mais s'est raffermi en 1981 et ne se situait alors qu'à 3 p. 100 au-dessous du niveau de 1979. L'année suivante, 1982, s'est toutefois avérée une année désastreuse pour l'industrie nationale de l'acier. Le marché de la tôle au carbone a alors régressé de près de 50 p. 100, puis de 22 p. 100 au cours du premier semestre de 1983 par rapport à la même période en 1982.

En 1984, réagissant à une reprise de l'activité économique, le marché national a atteint près de 1 million de tonnes, soit une augmentation de 37 p. 100 par rapport à la période récessionnaire de 1982-1983. En 1987 et en 1988, la demande de tôles a fortement augmenté pour atteindre un sommet légèrement supérieur à 1,4 million de tonnes en 1988, le plus haut niveau atteint au cours de la décennie. Pendant les trois premiers trimestres de 1989, la demande a légèrement fléchi par rapport à la même période en 1988. Cependant, tout indique que les ventes en 1989 ont été excellentes.

Abstraction faite de ces fluctuations de la demande, la répartition des parts du marché entre les fabricants nationaux est demeurée relativement stable à près de 80 p. 100 depuis l'émission des conclusions. La part détenue par les importations provenant des pays visés a fortement chuté en 1983 et s'est maintenue entre 5 et 10 p. 100 depuis. Exception faite de la part de 4 p. 100 accaparée par la tôle importée de Roumanie en 1989, aucun des pays visés n'a détenu plus de 2 p. 100 du marché depuis 1986.

La part du marché détenue par les importations provenant des pays non visés est demeurée très stable tout au long de la décennie, se maintenant entre 10 et 15 p. 100. En revanche, le volume des importations de tôles provenant des États-Unis s'est fortement accru, triplant presque en 1988 pour ensuite afficher des gains importants en 1989.

Le marché est donc très prospère depuis trois ans. Selon les éléments de preuve, l'industrie desservait des clients attitrés en 1988, ce qui signifie qu'elle faisait une grande utilisation de sa capacité. Au chapitre de la valeur, les ventes nettes de tôles d'acier au carbone des fabricants nationaux ont grimpé de 26 p. 100 en 1987 et de 27 p. 100 en 1988, ce qui représente une hausse de 60 p. 100 sur deux ans. Au cours des neuf premiers mois de 1989, les ventes nettes ont fléchi de 3 p. 100 par rapport à la même période en 1988. Le niveau élevé des ventes au cours de ces trois ans a sensiblement accru la rentabilité de l'industrie.

Selon les prévisions de l'industrie concernant le marché, la demande, qui a légèrement diminué en 1989, demeurera à la baisse en 1990. De plus, la concurrence plus vive au chapitre des prix exercera sans doute des pressions à la baisse sur les marges bénéficiaires. Selon les éléments de preuve, la concurrence dans les provinces de l'Ouest, qui constituent le marché traditionnel des fournisseurs étrangers et américains de tôles, sera particulièrement féroce à court terme. Les exportations à destinations des États-Unis, de loin le plus important acheteur étranger de tôles fabriquées au Canada, ne seront sans doute pas très rentables du point de vue des fabricants canadiens si le dollar se maintient au niveau élevé que nous connaissons face à la devise américaine et si les prix sur le marché américain restent dépréciés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Afin de réexaminer des conclusions de préjudice imputables au dumping pour déterminer s'il convient de les proroger ou de les annuler, il convient de répondre à deux questions fondamentales. Premièrement, quelle sera la tendance à recourir au dumping si les conclusions sont annulées et, deuxièmement, dans quelle mesure l'industrie est-elle vulnérable face au dumping?

Tendance à recourir au dumping

En ce qui a trait à la première question, à savoir la tendance à recourir au dumping, le Tribunal souligne que d'après les données recueillies par Revenu Canada dans le cadre de l'application des conclusions de préjudice, 5 des 11 pays désignés n'on pratiquement pas eu recours à cette pratique depuis 1983-1984. Quant aux 6 autres pays, les marges de dumping, les volumes de marchandises sous-évaluées et le pourcentage de ces marchandises par rapport au total des importations de marchandises en question sont en général très modestes. La plupart des exportateurs ont été en mesure d'affronter la concurrence sur le marché canadien à des prix au moins égaux aux valeurs normales établies par Revenu Canada et de préserver une part importante du marché canadien.

Quant à la situation internationale, le Tribunal a pris connaissance d'éléments de preuve selon lesquels les producteurs européens ont modifié leurs stratégies de production et de commercialisation depuis le début des années 80. Selon un témoin, les usines européennes insistent maintenant avant tout sur les bénéfices plutôt que sur le maintien des niveaux de production et d'emploi à tout prix. Il a également ?E9‚té démontré que la capacité excédentaire de production d'acier s'est en partie résorbée au cours de la décennie, à mesure que l'industrie s'est rationalisée, ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs usines à travers l'Europe. Les témoins ont également mentionné certains faits nouveaux qui, à leur avis, permettraient aux usines européennes de maintenir leur taux d'utilisation de la capacité à un niveau acceptable et de se concentrer sur les marchés européens. À titre d'exemple, citons la demande qui résultera de la reconstruction des pays de l'Europe de l'Est et d'importants projets comme les Jeux olympiques de Barcelone en 1992.

En ce qui à trait à la Corée du Sud, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels les usines d'acier de ce pays tournent presque au maximum afin de répondre aux besoins d'une économie en pleine expansion. Le fait qu'au moins un fabricant canadien ait récemment vendu d'importantes quantités des tôles en question à la Corée du Sud tend à confirmer les témoignages faisant état du dynamisme de l'économie coréenne, ce qui réduit d'autant la capacité disponible pour desservir les marchés d'exportation.

Le Tribunal a pris note de l'affirmation de l'industrie selon laquelle la restriction de l'accès au marché américain de l'acier par la mise en place du programme des ARV favorise le dumping des marchandises en cause sur le marché canadien, qui est relativement ouvert. Par contre, selon les éléments de preuve, le prix de la tôle aux États-Unis est tellement bas que les contingents attribués dans le cadre des ARV n'ont pas été entièrement utilisés par les pays visés, y compris par plusieurs de ceux assujettis aux présentes conclusions. En outre, les contingents attribués à chaque pays ont récemment été augmentés. Il n'est donc pas évident que les ARV ont pour effet à l'heure actuelle de limiter l'accès au marché américain au point de constituer une menace imminente de détournement appréciable du commerce de la tôle vers le Canada.

Le Tribunal considère en outre qu'il faut tenir compte du fait qu'en 1986, le Gouvernement du Canada a commencé à surveiller les importations d'acier au carbone en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Il estime que l'existence de ce programme peut fort bien décourager le dumping, car il permet d'obtenir des renseignements à jour sur les importations et donne à l'industrie l'occasion d'adopter rapidement des correctifs en cas de reprise du dumping au point de causer un préjudice.

Par conséquent, dans la présente cause, le Tribunal est d'avis qu'à la lumière des considérations qui précèdent, la tendance à recourir au dumping est faible.

Vulnérabilité de l'industrie

Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir la vulnérabilité de l'industrie face à une reprise du dumping, le Tribunal constate qu'au cours des six années écoulées depuis la mise en place des conclusions, certains faits qui devraient permettre à l'industrie de faire face au rétrécissement du marché en cours sont survenus. Il est évident que les ventes de tôles et la rentabilité de l'industrie sont à leur niveau le plus élevé depuis 10 ans. Le Tribunal constate aussi que les bénéfices tirés des ventes des marchandises en question sont plus élevés que ceux réalisés par l'industrie sur la vente d'autres produits de l'acier. De plus, l'industrie continue de détenir une part importante et stable du marché canadien qui se situe à près de 80 p. 100.

Le Tribunal remarque en outre que depuis le début des années 80, l'industrie a beaucoup investi dans la modernisation de ses installations de production, ce qui lui permet maintenant de concurrencer la plupart des usines d'acier étrangères. En outre, de l'avis du Tribunal, la restructuration de l'industrie canadienne de l'acier devrait ajouter à sa compétitivité. Après avoir fait l'acquisition d'Algoma en 1988, Dofasco est devenue le plus important fabricant canadien d'acier pleinement intégré. La rationalisation connexe des activités de production et de commercialisation de l'acier chez Dofasco devrait donner lieu à un plus haut taux de rendement et à des avantages concurrentiels pour les deux sociétés. De même, l'acquisition de CHT par Stelco en 1989 lui permettra de mieux desservir le marché national. Le Tribunal est d'avis que ces mesures ont nettement contribué au redressement de la situation financière de l'industrie au cours des dernières années et continueront d'accroître l'efficacité de ses coûts.

L'amélioration de la compétitivité de l'industrie face aux usines étrangères est un avantage naturel découlant du fait qu'elle constitue un fournisseur privilégié des principaux centres de service de l'acier. Selon un témoin convoqué par le Tribunal, qui représente l'un des plus importants centres de service de l'acier du Canada, les usines canadiennes offrent un produit de qualité à prix concurrentiel. Si l'on ajoute à cela les délais de livraison plus courts et les meilleurs rapports avec les clients, les usines canadiennes disposent de certains avantages face aux usines étrangères et incitent les centres de service de l'acier nationaux à s'approvisionner périodiquement dans une proportion supérieure à 90 p. 100 auprès de fournisseurs canadiens.

Le Tribunal constate par ailleurs qu'en 1983, le Tribunal antidumping a souligné que l'une des principales causes du préjudice touchant l'industrie nationale était l'accumulation importante des stocks, constitués dans une large mesure par les marchandises en question, de la part des centres de service de l'acier en 1981 et en 1982, puis par l'écoulement de ces stocks alors que le marché était en forte récession. Rien n'indique qu'il y a eu reprise de l'accumulation des stocks, ce qui signifierait que les centres de service de l'acier appliquent aujourd'hui les leçons tirées des problèmes rencontrés en 1982 et 1983.

Le Tribunal est conscient des pressions que l'industrie a subi au cours des derniers trimestres et qui devraient se maintenir jusqu'à la fin de l'année. Il semble qu'elles résultent de la concurrence exercée par les fournisseurs américains sur le marché canadien, surtout dans les provinces de l'Ouest, où, comme il a été indiqué plus tôt, les importations ont toujours occupé une place de choix. Les exportations à destination des États-Unis sont également touchées. Par ailleurs, l'appréciation du dollar canadien face à la devise américaine en 1988 et en 1989, de même que le faible niveau des prix sur le marché national américain en raison de la restructuration et des faibles coûts de production d'un certain nombre d'usines d'acier des États-Unis, expliquent dans une large mesure les pressions émanant des États-Unis.

Néanmoins, le Tribunal est d'avis que le ralentissement de la demande intérieure et la baisse du prix des tôles doivent être examinés en tenant compte du fait que les volumes et les prix ont atteint en 1988 un niveau inégalé depuis 10 ans. En outre, les dernières prévisions indiquent que le marché national est beaucoup plus susceptible de faire face à un «recul en douceur» à court terme plutôt qu'à une récession comparable à celle de 1982-1983. En conséquence, le Tribunal estime que l'industrie nationale n'est pas particulièrement vulnérable à un préjudice sensible découlant de la reprise du dumping de la part des pays mentionnés.

Demande d'exclusion

L'avocat de Klöckner et Klöckner AG a demandé au Tribunal de déclarer que la tôle d'acier au carbone en rouleaux décapés et huilés n'était pas visée par les conclusions du 7 décembre 1983. Particulièrement, il souhaitait que le Tribunal modifie la catégorie des marchandises visées par les conclusions afin d'en exclure les rouleaux décapés et huilés rétroactivement au 1er janvier 1988.

L'avocat a fait valoir qu'il n'existait pas de données statistiques ou d'autres éléments de preuve à l'effet que les conclusions de 1983 devaient englober les rouleaux décapés et huilés, lesquels, a-t-il soutenu, sont soumis à un procédé de fabrication différent qui leur confère des propriétés physiques et des utilisations finales qui les distinguent des marchandises en question. Il a également soumis des éléments de preuve à l'effet que les marchandises en question n'étaient pas disponibles auprès de fournisseurs nationaux en 1988, et devaient donc être exclues des conclusions. Il a soutenu que le Tribunal pouvait rendre une telle décision dans le cadre d'un réexamen effectué en vertu de l'article 76 de la LMSI. À l'appui de cette affirmation, l'avocat a invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale du Canada dans la cause DeVilbiss (Canada) Ltd. c. Le Tribunal antidumping [2] .

À ce propos, le Tribunal formule les observations suivantes.

Premièrement, le Tribunal estime que la cause DeVilbiss ne s'applique pas à la présente motion. Contrairement à DeVilbiss, Klöckner demande au Tribunal non pas «de déterminer par des éléments de preuve» (selon le juge Urie, p. 715) le sens de mots particuliers utilisés dans le libellé des conclusions et qui ne sont pas autrement précisés, mais bien de modifier la catégorie de marchandises faisant l'objet du réexamen. Cela n'est pas possible du point de vue de la LMSI, qui précise clairement que le Sous-ministre répond, en vertu des articles 31, 38 et 41, de l'établissement des catégories de marchandises visées par les décisions provisoires et finales. En procédant à des enquêtes en application de l'article 42 ou 76 de la LMSI, il incombe au Tribunal de formuler des conclusions quant à l'existence d'un préjudice sensible à partir de la catégorie de marchandises établie par le Sous-ministre.

Si le Tribunal devait soustraire certaines marchandises à l'application de conclusions, ce serait sur la foi d'éléments de preuve indiquant que l'importation de ces marchandises ne causerait pas de préjudice sensible à la production canadienne parce qu'elles ne sont pas disponibles auprès des fournisseurs canadiens, par exemple. Cela ne veut pas dire que les marchandises ne font pas partie de la catégorie établie par le Sous-ministre. Il incombe aux agents des douanes de déterminer si les marchandises importées sont visées par la même description que celle figurant dans l'ordonnance ou les conclusions du Tribunal. Si un intervenant n'est pas satisfait de la décision rendue par l'agent des douanes, il peut en appeler conformément aux articles 57 à 61, d'abord auprès du Sous-ministre, puis du Tribunal. Ce dernier n'a été saisi d'aucun appel dans ce cas-ci.

Deuxièmement, il n'est pas certain que le Tribunal soit autorisé à modifier rétroactivement des ordonnances ou des conclusions résultant d'un réexamen.

Le paragraphe 76(4), qui régit les ordonnances découlant des réexamens, se lit comme suit :

À la fin du réexamen visé au paragraphe (2), le Tribunal rend une ordonnance motivée annulant ou prorogeant l'ordonnance ou les conclusions avec ou sans modification, selon le cas.

Le parlement ne semble pas avoir expressément conféré au Tribunal le pouvoir de rendre une ordonnance ou des conclusions modifiant rétroactivement l'ordonnance faisant l'objet du réexamen. Cela dit, le prédécesseur du Tribunal, le Tribunal canadien des importations, a procédé à quelques occasions au réexamen d'ordonnances afin d'en exclure rétroactivement des marchandises qui n'étaient plus fabriquées au Canada. À titre d'exemple, citons les conclusions de réexamen R-10-88 du 16 septembre 1988, où l'ancien Tribunal a rétroactivement exclu certaines marchandises qui n'étaient plus produites au Canada des conclusions visant les tôles d'acier au carbone et allié faisant l'objet du présent réexamen, tout en maintenant les autres éléments des conclusions.

Le Tribunal a traité de ces questions en raison de leur pertinence générale au déroulement des réexamens effectués en vertu de l'article 76. Toutefois, la présente cause peut être tranchée à partir des faits exposés plus haut.

L'industrie nationale a fourni des éléments de preuve non contestés à l'effet que des rouleaux décapés et huilés sont effectivement produits au Canada même si, à l'époque où la firme Klöckner en a importés, elle disposait de clients attitrés et n'a pu exécuter toutes les commandes. Le Tribunal estime qu'une pénurie temporaire de marchandises ne constitue pas un motif suffisant pour les exclure en permanence de la catégorie de marchandises visées par les conclusions de préjudice. Dans une telle situation, les importateurs peuvent se prévaloir de mesures précises pour être dédommagées, notamment en invoquant les dispositions de la Loi sur l'administration financière concernant la remise de droits. Compte tenu des faits pertinents à la présente cause, la question de savoir si les conclusions de 1983 devraient être modifiées pour exclure les rouleaux décapés et huilés n'a pas à être soulevée.

CONCLUSION

Comme il est peut probable qu'il y ait reprise du dumping et vu que l'industrie nationale n'est guère vulnérable face à un préjudice découlant de toute reprise du dumping, le Tribunal annule les conclusions de 1983 et de 1984, modifiées en 1988.


1. [1989], 1 R.C.S. 1038, p. 1071.

2. [1983] 1 C.F. 706.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 août 1997