SUCRE RAFFINÉ

Réexamens relatifs à l'expiration (article 76.03)


SUCRE RAFFINÉ
Réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-003R

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 28 septembre 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un réexamen relatif à l’expiration, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des ordonnances rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 2 novembre 2005, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2004-007, prorogeant, avec modification, ses ordonnances rendues le 3 novembre 2000, dans le cadre du réexamen no RR-99-006, prorogeant, avec modification, ses conclusions rendues le 6 novembre 1995, dans le cadre de l’enquête n° NQ-95-002, concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique, du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne;

ET À LA SUITE D’ordonnances rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 1er novembre 2010, prorogeant son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique et annulant son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne;

ET À LA SUITE D’un jugement rendu par la Cour d’appel fédérale le 30 mai 2012, qui annulait l’ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 1er novembre 2010, annulant son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne, et renvoyait l’affaire au Tribunal canadien du commerce extérieur pour réexamen.

LE DUMPING DU SUCRE RAFFINÉ ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE, DES PAYS-BAS ET DU ROYAUME-UNI, ET LE SUBVENTIONNEMENT DU SUCRE RAFFINÉ ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DE L’UNION EUROPÉENNE

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, à la suite d’un jugement de la Cour d’appel fédérale rendu le 30 mai 2012, a rouvert le réexamen relatif à l’expiration de son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne.

Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur, ayant réexaminé l’affaire tel qu’ordonné par la Cour d’appel fédérale, proroge, par la présente, l’ordonnance susmentionnée.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Membres du Tribunal : Pasquale Michaele Saroli, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Jason W. Downey, membre

Directeur de la recherche : Rose Ritcey

Gestionnaire de la recherche : Mark Howell

Agent principal de la recherche : Paula Enright

Conseiller juridique pour le Tribunal : Alain Xatruch

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Cheryl Unitt

PARTICIPANTS :

Producteurs nationaux Conseillers/représentants
Institut canadien du sucre Gerry H. Stobo
Greg Tereposky
Olivier Nguyen
Daniel Hohnstein
Rhema Kang
P. John Landry
Alberta Sugar Beet Growers Association Richard G. Dearden
Importateurs/exportateurs/autres Conseillers/représentants
Fabricants de produits alimentaires du Canada Peter Clark
Renée Clark
Délégation de l’Union européenne au Canada S.E. Matthias Brinkmann

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1. Le présent réexamen relatif à l’expiration fait suite à un jugement de la Cour d’appel fédérale (la Cour), en date du 30 mai 20121, par lequel la Cour annulait une des ordonnances rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 1er novembre 2010, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration no RR-2009-0032, et renvoyait l’affaire au Tribunal pour réexamen. Avant de présenter sa décision et ses motifs en l’espèce, le Tribunal fera un rappel de la procédure de son réexamen relatif à l’expiration dans Sucre raffiné, de la procédure devant la Cour et de celle du présent réexamen relatif à l’expiration.

Réexamen relatif à l’expiration du Tribunal dans Sucre raffiné

2. Le 17 février 2010, le Tribunal ouvrait, aux termes du paragraphe 76.03(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation3, un réexamen relatif à l’expiration de ses ordonnances rendues le 2 novembre 2005, dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration n° RR-2004-007, prorogeant, avec modification, ses ordonnances rendues le 3 novembre 2000, dans le cadre du réexamen n° RR-99-006, prorogeant, avec modification, ses conclusions rendues le 6 novembre 1995, dans le cadre de l’enquête n° NQ-95-002, concernant le dumping du sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre (sucre raffiné), originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique (États-Unis), du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne (Allemagne), des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne (les marchandises en question).

3. Le 18 février 2010, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ouvrait une enquête afin de déterminer si l’expiration des ordonnances causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping ou du subventionnement des marchandises en question.

4. Le 17 juin 2010, l’ASFC concluait, aux termes de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration des ordonnances causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping et du subventionnement des marchandises en question.

5. Le 18 juin 2010, à la suite de la décision de l’ASFC, le Tribunal entreprenait son réexamen relatif à l’expiration afin de déterminer si l’expiration des ordonnances causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale. L’Institut canadien du sucre (ICS)4 et l’Alberta Sugar Beet Growers Association (ASBGA) ont participé à cette procédure en présentant des éléments de preuve et des arguments à l’appui de la prorogation des ordonnances. La Délégation de l’Union européenne au Canada (Délégation de l’UE), Fabricants de produits alimentaires du Canada (FPAC) et la United States Beet Sugar Association ont également participé à cette procédure en présentant des éléments de preuve et des arguments à l’appui de l’annulation des ordonnances.

6. Le 1er novembre 2010, le Tribunal concluait, aux termes du paragraphe 76.03(10) de la LMSI, que l’expiration de son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté des États-Unis (l’ordonnance concernant le sucre des ÉU), causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale, mais que l’expiration de son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne (l’ordonnance concernant le sucre de l’UE), ne causerait vraisemblablement pas un dommage à la branche de production nationale. Le Tribunal a donc rendu une ordonnance, aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) et du paragraphe 76.04(1), prorogeant l’ordonnance concernant le sucre des ÉU et a rendu une autre ordonnance, aux termes de l’alinéa 76.03(12)a), annulant l’ordonnance concernant le sucre de l’UE. Le Tribunal publiait son exposé des motifs le 15 novembre 2010.

7. Le 1er décembre 2010, l’ICS déposait auprès de la Cour une demande de contrôle judiciaire de l’ordonnance du Tribunal annulant l’ordonnance concernant le sucre de l’UE.

Jugement de la Cour

8. Le 30 mai 2012, la Cour entendait la demande de contrôle judiciaire de l’ICS. Le même jour, la Cour accueillait la demande, annulait l’ordonnance du Tribunal annulant l’ordonnance concernant le sucre de l’UE et renvoyait l’affaire au Tribunal pour réexamen.

9. Dans les motifs de son jugement de ce contrôle judiciaire, la Cour déclarait que la question consistait à déterminer « [...] si la décision du Tribunal était raisonnable eu égard aux éléments de preuve devant lui et les motifs énoncés par le Tribunal »5 [traduction].

10. En accueillant la demande, la Cour a affirmé ce qui suit :

[4] Après avoir examiné les observations écrites et verbales de l’[ICS], nous sommes incapables de discerner des motifs du Tribunal et des éléments de preuve auxquels on nous a renvoyés comment le Tribunal en est arrivé aux conclusions qu’il a rendues concernant les volumes prévus de sucre raffiné exportés des pays nommés au cours de la période pertinente et la capacité opérationnelle des nouvelles raffineries. Pour cette raison, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’ordonnance relative à l’Union européenne est annulée et l’affaire est renvoyée au Tribunal pour réexamen.

[Traduction]

Réouverture de réexamen relatif à l’expiration du Tribunal

11. Le 18 juin 2012, le Tribunal publiait un avis indiquant que, à la suite du jugement de la Cour dans Canadian Sugar Institute, il rouvrait le réexamen relatif à l’expiration de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE6. Dans l’avis, le Tribunal a indiqué que le réexamen relatif à l’expiration procéderait sous forme d’exposés écrits et mentionnait les délais pour le dépôt de ceux-ci.

12. Selon les renseignements additionnels joints à l’avis de réouverture de réexamen relatif à l’expiration, les exposés, qui devaient se limiter à des arguments7, devaient porter sur les conclusions du Tribunal mentionnées au paragraphe 4 des motifs du jugement de la Cour, l’impact de ces conclusions sur la décision du Tribunal de ne pas procéder à une évaluation des effets cumulatifs du dumping et du subventionnement du sucre raffiné provenant de l’Union européenne et des effets du dumping du sucre raffiné provenant des États-Unis dans le cadre de son analyse de probabilité de dommage et de sa décision que l’expiration de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE ne causerait vraisemblablement pas un dommage à la branche de production nationale.

13. Le 17 juillet 2012, l’ICS, l’ASBGA et FPAC déposaient des exposés auprès du Tribunal. Le 30 juillet 2012, la Délégation de l’UE déposait pour sa part un exposé en réponse auprès du Tribunal; l’ICS et les FPAC faisaient de même le 31 juillet 2012.

14. Le dossier du présent réexamen relatif à l’expiration comprend l’ensemble du dossier du réexamen relatif à l’expiration dans Sucre raffiné, ainsi que les exposés additionnels déposés par les parties en l’instance.

ANALYSE

15. Avant de procéder à son analyse, le Tribunal doit clairement circonscrire la portée exacte de la présente procédure sur renvoi.

Portée du réexamen relatif à l’expiration sur renvoi

16. Comme il a été indiqué ci-dessus, en accueillant la demande de contrôle judiciaire de l’ICS, la Cour a affirmé qu’elle était « [...] incapable de discerner [...] comment le Tribunal en est arrivé aux conclusions qu’il a rendues concernant les volumes prévus de sucre raffiné exportés des pays nommés au cours de la période pertinente et la capacité opérationnelle des nouvelles raffineries »8. Par conséquent, elle a annulé l’ordonnance du Tribunal annulant l’ordonnance concernant le sucre de l’UE et a déclaré que « [...] l’affaire [serait] renvoyée au Tribunal pour réexamen »9 [nos italiques].

17. Pour circonscrire la portée du présent réexamen relatif à l’expiration, les deux questions suivantes se posent. En quoi consiste l’affaire renvoyée au Tribunal par la Cour? En quoi consiste le réexamen de cette affaire, comme le lui a ordonné la Cour?

18. En ce qui concerne la première question, le Tribunal remarque que, dans son exposé, l’ICS soutient que les directives de la Cour doivent être interprétées dans le contexte des arguments qu’elle a présentés dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire. À cet égard, l’ICS souligne que son exposé oral devant la Cour portait sur deux principales conclusions tirées par le Tribunal à savoir (i) le volume probable des exportations de l’UE et (ii) la perte de marchés d’exportation voisins traditionnels pour le sucre raffiné de l’UE. Le Tribunal convient que ses conclusions relatives à ces deux questions constituent l’affaire qu’il doit réexaminer.

19. En ce qui concerne la deuxième question, le Tribunal est d’avis qu’un réexamen de l’affaire signifie que le Tribunal doit réexaminer ces deux conclusions à la lumière des éléments de preuve au dossier, tout en tenant compte des exposés présentés par les parties à cet égard. Si, au terme d’un tel réexamen de l’affaire, l’une ou l’autre de ces deux conclusions est modifiée, le Tribunal déterminera ensuite les conséquences, le cas échéant, de l’issue ultime du réexamen relatif à la l’expiration dans son ensemble.

20. Dans la mesure où le déplacement allégué des exportations de sucre raffiné de l’UE hors des marchés voisins traditionnels a une incidence directe sur la question du volume d’exportations de sucre raffiné de l’UE pouvant vraisemblablement entrer sur le marché canadien si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner cette question en premier.

Déplacement allégué des exportations de l’UE des marchés traditionnels

21. Dans son énoncé des motifs joint à la décision dans Sucre raffiné, le Tribunal affirmait ce qui suit :

271. Traitant ensuite de la destination probable des exportations de sucre raffiné de l’Union européenne, le témoin expert de l’ICS a indiqué que l’Union européenne continue de compter sur un vaste éventail de destinations d’exportation, une forte proportion des exportations prenant la destination des marchés régionaux d’Europe, du bassin méditerranéen et des régions de la mer Rouge et du golfe Persique, alors que des volumes relativement plus faibles se dirigent vers des marchés plus éloignés, principalement en Asie.

272. Quant à l’argument de l’ICS selon lequel l’Union européenne a perdu un nombre important de débouchés pour ses exportations à la suite de la construction de raffineries de sucre dans les marchés susmentionnés, le Tribunal fait remarquer que la capacité opérationnelle de ces nouvelles raffineries ne remplace pas entièrement les volumes d’exportation historiques de l’Union européenne vers ces marchés. De plus, en ce qui concerne toute capacité prévue et toute capacité actuellement en construction, le Tribunal n’est pas convaincu par les éléments de preuve au dossier que cette capacité deviendra réellement fonctionnelle au cours des 24 prochains mois.

[Notes omises, nos italiques]

22. L’ICS soutient que la conclusion du Tribunal selon laquelle la capacité opérationnelle des nouvelles raffineries dans les marchés voisins traditionnels ne remplace pas entièrement les volumes d’exportation historiques de l’UE vers ces marchés est erronée. À cet égard, elle soutient que le rapport déposé par le témoin expert de l’ICS, M. Martin Todd, directeur général, LMC International (LMC), ainsi que les autres éléments de preuve qu’elle a fournis dans sa réponse au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration indiquent que la nouvelle capacité construite et fonctionnelle dans les marchés traditionnels d’exportation de l’UE depuis 2005 et 2006 correspond à presque le double de la réduction des volumes d’exportation historiques vers ces marchés. Selon l’ICS, les éléments de preuve indiquent qu’il y a peu d’occasions de vendre le sucre raffiné de l’UE sur les marchés voisins et que même une petite partie des exportations disponibles (voire même la disponibilité de sucre raffiné de l’UE tel qu’indiqué par les offres d’exportateurs de l’UE) peut sérieusement perturber le marché canadien et causer un dommage sensible à la branche de production canadienne.

23. FPAC soutient que le Tribunal a examiné les témoignages de l’ICS et les témoignages d’experts concernant les ajouts à la capacité et qu’il n’a pas tiré de conclusions déraisonnables à cet égard.

24. Le Tribunal a réexaminé les éléments de preuve au dossier de Sucre raffiné, en commençant par le rapport de LMC qui indique que, de 2005 et 2006 à 2009, les exportations de sucre raffiné de l’UE ont chuté d’environ 5 millions de tonnes métriques (TM)10. D’autres éléments de preuve au dossier, y compris le rapport de McKeaney-Flavell11, les données préparées par l’International Sugar Organization12 et les éléments de preuve fournis dans la réponse de l’ICS au questionnaire de réexamen relatif à l’expiration,13 corroborent l’ampleur du déclin des exportations de sucre raffiné de l’UE au cours de cette période.

25. Les éléments de preuve au dossier indiquent également qu’au cours de cette même période, environ 10,3 à 11,4 millions de TM de capacité de raffinage ont été ajoutées à l’échelle mondiale, dont une grande partie dans les marchés d’exportation traditionnels de l’Union européenne14. Malgré un écart d’environ 1 million de TM entre la première estimation fournie par LMC et la plus récente fournie par l’ICS (lequel écart est probablement attribuable, en partie, aux différentes périodes couvertes), les deux estimations indiquent que la capacité de raffinage totale ajoutée à l’échelle mondiale excède la réduction des exportations de sucre raffiné de l’UE15.

26. De plus, les éléments de preuve non contestés fournis par l’ICS indiquent, qu’exception faite des pays européens ne faisant pas partie de l’UE, la capacité additionnelle construite dans chaque région d’exportation traditionnelle de l’UE excède la réduction des exportations de l’UE vers cette région16.

27. Toutefois, le Tribunal remarque que, nonobstant la réduction des exportations de l’UE liée aux réformes du régime sucrier de l’Union européenne, et malgré l’ajout de nouvelle capacité de raffinage dans les marchés d’exportation traditionnels de l’UE excédant la réduction de ses exportations, les éléments de preuve au dossier indiquent que l’Union européenne a continué d’exporter du sucre raffiné vers ses marchés d’exportation traditionnels en 2009, bien qu’à des volumes considérablement inférieurs17. Cependant, bien que ces marchés soient demeurés ouverts aux exportations de sucre raffiné de l’UE, le Tribunal demeure convaincu que l’ajout de la nouvelle capacité de raffinage excédant les volumes d’exportation historiques de l’Union européenne a probablement entraîné un déplacement partiel des exportations de sucre raffiné de l’UE hors de ces marchés. Le Tribunal est également d’avis que, si les conditions économiques étaient propices, ce sucre serait probablement disponible pour exportation vers le Canada.

Volume probable des exportations de l’UE vers le Canada

Exportations de sucre raffiné hors quota

28. Dans Sucre raffiné, bien que le Tribunal n’ait pas fourni une estimation précise du volume probable des exportations de sucre raffiné hors quota de l’UE, il conclut que le volume des exportations hors quota de l’UE n’excéderait probablement pas l’engagement de 1,35 million de TM de l’Union européenne à l’égard de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en matière de subventions à l’exportation.

29. Le Tribunal était également d’avis que l’exportation, par l’Union européenne, de 500 000 TM de sucre au-delà de son niveau d’engagement auprès de l’OMC pour l’année 2010 était un « événement isolé » reflétant les conditions de marché exceptionnelles qui régnaient à cette époque, et le fait que le prix du sucre blanc du contrat no 518 était supérieur au prix du marché de l’UE.

30. En effet, l’ICS a reconnu que « [...] les éléments de preuve au dossier peuvent appuyer la conclusion que les exportations de sucre hors quota de l’UE n’excéderont pas l’engagement de l’UE à l’égard de l’OMC en matière de subventions à l’exportation [...] »19 [traduction].

31. Le Tribunal demeure d’avis que les exportations de sucre hors quota de l’UE n’excéderont pas 1,35 million de TM. Par conséquent, la question devant être examinée par le Tribunal en ce qui concerne ce sucre hors quota est de savoir si une quantité plus que négligeable d’un tel sucre serait vraisemblablement exportée au Canada si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée.

32. Premièrement, en ce qui concerne les considérations logistiques, un producteur de produits contenant du sucre (PCS), qui compte sur la livraison « juste à temps », a déclaré qu’il y avait des risques d’approvisionnement liés à l’importation de sucre raffiné de l’UE en raison de l’expédition à longue distance20. D’autre part, un témoin de la branche de production nationale a déclaré, en contre preuve, qu’il y avait des services d’expédition fréquents, fiables et bien établis entre l’Europe et le Canada21. De plus, un témoin du Tribunal a répliqué qu’il avait déjà importé du sucre de l’Union européenne par le passé et qu’en l’absence de l’ordonnance en vigueur, l’Union européenne deviendrait pour lui une autre source potentielle d’approvisionnement22. Enfin, selon les éléments de preuve fournis par LMC, la majorité du sucre de l’UE est maintenant expédiée dans des conteneurs et que les tarifs de fret pour ces conteneurs sont compétitifs sur des longues distances23.

33. En ce qui concerne la question des marchés de rechange potentiellement plus attrayants que le Canada, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels les importateurs voisins et traditionnels de sucre raffiné de l’UE, comme les pays européens voisins, le Moyen-Orient et certains pays d’Afrique, pouvaient se permettre de payer un prix plus élevé pour le sucre raffiné de l’UE en raison des frais de transport moins élevés24. Le Tribunal est d’avis qu’il est improbable que ces marchés de rechange puissent absorber une quantité importante de ce sucre raffiné, surtout considérant l’impact sur la demande de sucre de l’UE qu’aura l’ajout récent de capacité de raffinage à même ces régions.

34. Le Tribunal remarque que l’imposition de droits antidumping et compensateurs sur les importations de sucre raffiné de l’UE a entraîné l’établissement de prix, sur le marché canadien, qui permettent aux producteurs nationaux de réaliser des marges de raffinage supérieures25 à celles qu’ils auraient obtenues en l’absence de tels droits. L’ICS soutient que si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée, les exportateurs de l’UE exporteraient du sucre raffiné au Canada pour profiter de ces marges de raffinage plus élevées et que cette activité entraînerait l’érosion rapide des marges de raffinage canadiennes, en les rabaissant au niveau de la prime du sucre blanc alors en vigueur26.

35. Le Tribunal a comparé la prime du sucre blanc aux marges de raffinage des producteurs nationaux pour le sucre en sacs industriel au cours de la période de réexamen27. En tenant compte de frais de transport et de manutention de 80 $ la TM et des droits au tarif de la nation la plus favorisée (NPF) de 30,86 $ la TM28, les marges de raffinage disponibles au Canada, comparativement au rendement qui aurait été obtenu sur les ventes de sucre raffiné au prix du sucre blanc du contrat no 5, auraient probablement fait du marché canadien une destination attrayante pour les exportateurs de l’UE. L’expectative du resserrement de la prime du sucre blanc en 201129 aurait rendu les marges de raffinage sur le marché canadien encore plus attrayantes pour les exportateurs de l’UE.

36. Enfin, après avoir comparé de nouveau le coût rendu du sucre raffiné vendu au Canada au prix du sucre blanc du contrat no 5, aux prix de vente du sucre en sacs industriel des producteurs nationaux30, le Tribunal convient qu’en tenant compte des frais de transport et de manutention et des droits au tarif NPF, le coût rendu du sucre raffiné de l’UE au Canada aurait été inférieur aux prix du sucre canadien alors en vigueur; cet écart aurait probablement fait du marché canadien une destination viable pour le sucre raffiné de l’UE.

37. En résumé, après avoir réexaminé les éléments de preuve au dossier et tenu compte des exposés supplémentaires des parties à l’égard de ceux-ci, le Tribunal est d’avis que la probabilité que le sucre raffiné de l’UE soit déplacé en raison de la nouvelle capacité de raffinage présente dans les marchés traditionnels d’exportation de l’Union européenne, combinée aux marges élevées de raffinage au Canada et du fait que le Canada est considéré comme étant un marché de sucre raffiné de grande qualité, causerait vraisemblablement l’entrée au Canada de quantités plus que négligeables de sucre raffiné sous-évalué et subventionné de l’UE si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée.

Exportations de sucre raffiné aux termes du régime du perfectionnement actif

38. Dans son énoncé des motifs dans Sucre raffiné, le Tribunal décrivait le régime de perfectionnement actif (RPA) et son application au sucre raffiné de l’UE comme suit :

244. Le régime du perfectionnement actif (RPA) est un régime qui permet une exonération des droits par ailleurs applicables aux marchandises importées de l’extérieur de l’Union européenne, lorsque celles-ci sont transformées puis exportées vers des pays hors de l’Union européenne. À ce titre, il est accessible aux raffineurs de sucre de l’Union européenne. Le recours au RPA est assujetti à l’approbation de l’État membre (c.-à-d. que les exploitants individuels doivent obtenir une autorisation pour importer le sucre brut, autorisation accordée à la discrétion des autorités de l’État membre de l’Union européenne). Aux termes de ce régime, le sucre brut importé qui est raffiné et qui est réexporté sous forme de sucre raffiné ou dans des PCS est admissible à une exonération de droits. Ce sucre réexporté est considéré comme du sucre ne provenant pas de l’Union européenne et, à ce titre, n’est pas assujetti au régime sucrier de l’Union européenne, ni à l’engagement de 1,35 million de tonnes métriques de l’Union européenne à l’égard de l’OMC en matière de subventions à l’exportation.

245. Selon un témoin de l’ICS, les transformateurs de sucre de betterave peuvent également avoir recours au RPA pour exporter du sucre de betterave vers des pays hors de l’Union européenne et vendre ensuite le crédit résultant de cette manœuvre à un raffineur de sucre de canne qui peut l’utiliser pour importer une quantité équivalente de sucre de canne brut.

246. Selon des témoins de l’ICS, bien que le RPA existe depuis plus de 40 ans, ce n’est que récemment qu’il est devenu attrayant pour les transformateurs et exportateurs de sucre en raison de l’augmentation de la capacité de raffinage du sucre de canne de l’Union européenne et des réformes du régime sucrier qui ont éliminé les restitutions à l’exportation.

[Notes omises]

39. Ayant déjà conclu qu’il est probable qu’une portion plus que négligeable du sucre raffiné hors quota de l’UE soit détournée vers le Canada, le Tribunal ne se sent pas contraint de traiter en profondeur de l’argument de l’ICS selon lequel les exportations de sucre raffiné du RPA seraient ainsi dirigées vers le Canada si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée.

40. L’ICS soutient que l’Union européenne utiliserait environ 800 000 TM de capacité de raffinage excédentaire en 2011-2012 pour produire du sucre raffiné RPA en vue de l’exportation si le sucre pouvait être exporté à des prix permettant aux raffineurs de l’UE de recouvrer les coûts variables en plus d’une partie acceptable des coûts fixes31.

41. Comme dans les réexamens relatifs au sucre antérieurs32, le Tribunal accepte l’argument selon lequel qu’il y a un impératif de production pour le raffinage du sucre, étant donné que la branche de production exige un investissement important, de sorte que lorsqu’une importante capacité de raffinage n’est pas utilisée, les raffineurs de l’UE ont un intérêt économique important à utiliser le RPA pour maintenir des niveaux de production élevés et réaliser les économies qui y sont relatives.

42. Tel que mentionné plus haut, la protection que procurent les droits antidumping et compensateurs a entraîné des marges de raffinage attrayantes sur le marché canadien, qui excèdent la prime du sucre blanc disponible au prix du sucre blanc du contrat no 5. Le Tribunal accepte l’argument selon lequel il est probable que les exportateurs de l’UE exporteront du sucre raffiné du RPA vers le Canada à un prix qui leur permettra de couvrir leurs coûts variables en plus d’une partie des coûts fixes, au soutien de l’impératif de production lié à la production de sucre raffiné, si la totalité des coûts variables liés aux exportations de sucre raffiné du RPA de l’UE est inférieure à la marge nette de raffinage disponible sur le marché canadien.

43. Le Tribunal convient que l’annulation de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE pourrait offrir une occasion d’exportation du sucre raffiné du RPA de l’UE vers le marché canadien pour tirer profit des marges de raffinage élevées au Canada. De telles exportations se poursuivraient vraisemblablement jusqu’à ce que les marges de raffinage canadiennes diminuent pour atteindre le niveau équivalent à la prime du sucre blanc majorée des frais de transport et de manutention et des droits NPF, c.-à-d. la prime du sucre blanc rendue. Le Tribunal remarque que les éléments de preuve relatifs aux coûts variables de production du sucre raffiné du RPA de l’UE sont principalement fondés, tel que le reconnaît l’ICS dans son exposé, sur le témoignage d’un seul cadre supérieur de la branche de production canadienne du sucre33. De plus, les éléments de preuve relatifs à certains coûts variables connexes, tel les frais de réception, d’emballage et d’entreposage, sont fondés uniquement sur l’expérience des raffineurs canadiens34. Le Tribunal remarque également que la partie minimale acceptable des coûts fixes est fondée sur le témoignage d’un autre cadre supérieur de la branche de production canadienne35.

44. Le Tribunal se serait attendu à ce que la branche de production nationale fournisse une analyse de fixation des prix à partir des coûts variables pour le sucre raffiné RPA de l’UE qui soit plus rigoureusement étayée et complète, surtout considérant le fait qu’elle reconnaît que la faisabilité des exportations du RPA au Canada dépend de la capacité des raffineurs de l’UE de réaliser un gain leur permettant de recouvrer leurs coûts variables en plus d’une partie des coûts fixes. À titre d’exemple, le Tribunal remarque que le témoin pour les producteurs canadiens n’a fourni aucun renseignement sur les postes comptables compris dans l’estimation des coûts variables de production. De plus, tel que les FPAC l’ont justement remarqué, certains frais accessoires, comme les frais d’assurance maritime et les frais de courtage, n’étaient aucunement reflétés dans les éléments de preuve au dossier.

45. En l’absence d’autres éléments de preuve probants au dossier, les estimations de coûts fournies par la branche de production nationale, telles qu’elles y sont, constituent les meilleurs renseignements disponibles à cet égard. Le Tribunal remarque également que les estimations fournies par la branche de production nationale ne sont pas directement contestées par la Délégation de l’UE ni par les FPAC, et qu’il manque d’éléments de preuve au dossier pour contester la crédibilité de ces montants.

46. En ce qui concerne l’argument des FPAC selon lequel les éléments de preuve au dossier ne fournissent pas de base raisonnable sur laquelle le Tribunal pourrait s’appuyer pour estimer les frais accessoires non spécifiés du sucre raffiné du RPA de l’UE rendu au Canada, le Tribunal, au terme d’un réexamen attentif, conclut que de tels frais seraient englobés dans l’estimation publique délibérément élevée36 des frais de transport et de déchargement fournie dans l’exposé de l’ICS. À cet égard, le Tribunal est d’avis que même après avoir tenu compte de tels frais accessoires, les marges de raffinage en vigueur sur le marché canadien couvriraient fort probablement le prix rendu du sucre raffiné du RPA au Canada.

47. Bien que cela ne soit pas nécessaire pour disposer du présent renvoi, vu la conclusion du Tribunal qu’il est probable que le sucre hors quota soit détourné vers le Canada si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée, le Tribunal, après un plus ample examen de la question et, plus particulièrement, en raison de la latitude qu’offrent les marges de raffinage canadiennes actuelles pour recouvrer les coûts variables en plus d’une partie des coûts fixes, convient qu’il est probable que des exportations de sucre raffiné du RPA entreraient au Canada si l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était annulée.

48. Dans son exposé, la Délégation de l’UE soutient que puisque les exportations de sucre raffiné dans le cadre du RPA ne sont pas subventionnées et qu’elles ne sont pas assujetties à l’engagement de 1,35 million de TM à l’égard de l’OMC en matière de subventions à l’exportation, le Tribunal ne peut en tenir compte dans le cadre de son analyse de dommage. Bien que le Tribunal a convenu que des exportations de sucre raffiné dans le cadre du RPA ne sont pas assujetties à l’engagement de l’Union européenne à l’égard de l’OMC en matière de subventions à l’exportation37, il n’a pas compétence pour conclure que de telles exportations ne sont pas subventionnées et, par conséquent, pour les exclure de son examen de la probabilité de dommage.

49. À cet égard, c’est l’ASFC, aux termes de la LMSI, qui est responsable de déterminer si l’expiration de l’ordonnance à l’égard des marchandises causera vraisemblablement la poursuite ou la reprise du dumping ou du subventionnement des marchandises. Le 17 juin 2010, l’ASFC déterminait, aux termes de l’alinéa 76.03(7)a) de la LMSI, que l’expiration de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE causerait vraisemblablement la poursuite ou la reprise du subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne. Puisque le sucre raffiné exporté dans le cadre du RPA est clairement « originaire ou exporté de l’Union européenne », et que l’ASFC n’a aucunement indiqué, dans son énoncé des motifs, que ce sucre raffiné n’était pas visé par sa décision, le Tribunal doit donc présumer que celui-ci est subventionné. Le Tribunal remarque que, dans tous les cas, la Délégation de l’UE ne soutient pas que le sucre raffiné exporté du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni dans le cadre du RPA n’est pas sous-évalué.

50. La Délégation de l’UE soutient également que des données additionnelles, rendues disponibles depuis que le Tribunal a rendu ses ordonnances dans Sucre raffiné, indiquent que les volumes d’exportation de sucre raffiné de l’Union européenne vers le Canada n’ont pas augmenté de manière significative et que, plus particulièrement, les exportations de sucre raffiné dans le cadre du RPA sont négligeables. Tel que discuté plus haut, les renseignements additionnels joints à l’avis de réouverture de réexamen relatif à l’expiration indiquent clairement que les exposés doivent se limiter à des arguments et que le Tribunal n’autoriserait pas l’introduction d’éléments de preuve nouveaux ou additionnels. Après avoir reçu l’exposé de la Délégation de l’UE, et à la suite de l’opposition soulevée par l’ICS à l’égard de l’introduction de nouveaux éléments de preuve, le Tribunal a envoyé une lettre à la Délégation de l’UE indiquant qu’il ne tiendrait pas compte, dans le cadre du présent réexamen relatif à l’expiration, des nouveaux éléments de preuve qu’elle avait fournis38.

51. Même si le Tribunal décidait de tenir compte de ces nouveaux éléments de preuve, leur valeur probante serait sérieusement compromise par le fait que, depuis l’annulation de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE, le 1er novembre 2010, la branche de production canadienne du sucre est protégée contre les importations sous-évaluées et subventionnées de sucre raffiné de l’UE en raison de l’incertitude créée par la demande de contrôle judiciaire de l’ICS et par le risque que, si la demande était accueillie et que l’ordonnance concernant le sucre de l’UE était prorogée, des droits antidumping et compensateurs pourraient être imposés de manière rétroactive sur les importations de sucre raffiné de l’UE.

Effets cumulatifs

52. Conformément au paragraphe 76.03(11) de la LMSI, le Tribunal est tenu d’évaluer les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises de plus d’un pays s’il est convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises importées d’un ou de plusieurs de ces pays et les marchandises importées d’un ou de plusieurs autres de ces pays ou les marchandises similaires des producteurs nationaux. Si le Tribunal n’est pas convaincu qu’une telle évaluation est indiquée, il doit évaluer les effets du dumping et du subventionnement pour chaque pays séparément.

53. Dans son énoncé des motifs joint à la décision dans Sucre raffiné, le Tribunal affirmait ce qui suit à l’égard des effets cumulatifs :

97. [...] pour examiner les conditions de concurrence et déterminer s’il est approprié d’évaluer les effets cumulatifs du dumping et du subventionnement du sucre raffiné provenant des pays visés, le Tribunal doit d’abord être convaincu que les marchandises provenant de l’Union européenne et des États-Unis seraient vraisemblablement présentes sur le marché canadien et qu’elles se livreraient concurrence si les ordonnances étaient annulées.

[...]

100. Sur la foi des renseignements contenus au dossier, et comme il sera expliqué davantage ci-dessous, le Tribunal est d’avis que l’expiration de l’ordonnance relative à l’Union européenne n’entraînera vraisemblablement pas la réapparition, sur le marché canadien, du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne ni même la réapparition d’une quantité plus que négligeable de ce même sucre, à court ou à moyen terme, et qu’en raison notamment des frais de transport, de l’emballage supplémentaire et des frais de manutention, et des risques généraux liés à l’expédition à distance, le sucre raffiné provenant de l’Union européenne ne livrera pas véritablement concurrence au sucre raffiné provenant des États-Unis ou aux marchandises similaires.

101. En raison de ce qui précède, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il est approprié de procéder à une évaluation des effets cumulatifs du dumping et du subventionnement du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et des effets du dumping du sucre raffiné provenant des États-Unis dans le cadre de son analyse de probabilité de dommage. Par conséquent, le Tribunal les évaluera séparément.

[Nos italiques]

54. Puisque le Tribunal a déterminé, dans le contexte de la présente procédure, que l’expiration de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE entraînera vraisemblablement la réapparition, sur le marché canadien, d’une quantité plus que négligeable de sucre raffiné en provenance de l’Union européenne, il ne peut que conclure que le sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et des États-Unis serait présent sur le marché canadien au même moment, si l’ordonnance concernant le sucre des ÉU et l’ordonnance concernant le sucre de l’UE étaient annulées39.

55. En ce qui concerne les conditions de concurrence réelles existant entre les États-Unis, l’UE et le Canada à l’égard du sucre raffiné, le Tribunal rappelle la déclaration suivante qu’il a fait dans le réexamen no RR-2004-00740 :

56. Selon les éléments de preuve, le sucre raffiné est une denrée et son prix est donc un facteur clé dans la décision d’achat, indépendamment de la source du produit. Le sucre raffiné de toute qualité importé de chacun des pays visés est interchangeable, et les éléments de preuve montrent que le sucre raffiné en provenance des divers pays visés est de même qualité. De plus, le mode de transport et les circuits de distribution sont semblables. Les éléments de preuve n’indiquent pas que ces conditions de concurrence vont vraisemblablement changer sur un horizon de court à moyen terme.

56. Il n’y a aucun élément de preuve au dossier qui indique que ces conditions de concurrence ne s’appliquent plus ou qu’elles sont susceptibles de changer dans un avenir rapproché. Par conséquent, le Tribunal est convaincu qu’une évaluation cumulative des effets du dumping et du subventionnement du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et des effets du dumping du sucre raffiné provenant des États-Unis est indiquée dans le cadre de son analyse de probabilité de dommage41.

Probabilité de dommage

57. Dans Sucre raffiné, le Tribunal a évalué séparément les effets du dumping et du subventionnement du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et les effets du dumping du sucre raffiné en provenance des États-Unis. En ce qui concerne les États-Unis, le Tribunal a conclu que la reprise ou la poursuite du dumping du sucre raffiné causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale42. Toutefois, en ce qui concerne l’Union européenne, il a conclu que la reprise ou la poursuite du dumping et du subventionnement du sucre raffiné ne causeraient vraisemblablement pas de dommage à la branche de production nationale43.

58. Considérant la décision du Tribunal à l’égard du bien-fondé d’une évaluation cumulative des effets du dumping et du subventionnement du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et des effets du dumping du sucre raffiné en provenance des États-Unis, et considérant sa conclusion, dans Sucre raffiné, que la reprise ou la poursuite du dumping du sucre raffiné en provenance des États-Unis causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal ne peut que conclure que la combinaison de la reprise ou de la poursuite du dumping et du subventionnement du sucre raffiné en provenance de l’Union européenne et de la reprise ou de la poursuite du dumping du sucre raffiné en provenance des États-Unis causeraient vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale.

59. Par conséquent, après avoir réexaminé l’affaire, le Tribunal conclut que l’effet cumulatif de l’expiration de l’ordonnance concernant le sucre de l’UE et de l’ordonnance concernant le sucre des ÉU causerait vraisemblablement un dommage à la branche de production nationale.

CONCLUSION

60. Aux termes de l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI, le Tribunal proroge, par la présente, son ordonnance concernant le dumping du sucre raffiné originaire ou exporté du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l’Union européenne.


1 . Canadian Sugar Institute v. Canada (Attorney General), 2012 FCA 163 (CanLII) [Canadian Sugar Institute].

2 . Sucre raffiné (1 novembre 2010) (TCCE) [Sucre raffiné].

3 . L.R.S. 1985, c. S-15 [LMSI].

4 . Lantic Inc. et Sucre Redpath Ltée, deux producteurs nationaux de sucre raffiné, sont les seuls membres de l’ICS.

5 . Canadian Sugar Institute au para. 2.

6 . Gaz. C. 2012.I.1820.

7 . Il appert clairement des renseignements additionnels que le Tribunal n’autoriserait pas l’introduction d’éléments de preuve nouveaux ou additionnels.

8 . Canadian Sugar Institute au para. 4.

9 . Ibid.

10 . Pièce du fabricant A-16, diagramme 3.2, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 11.

11 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-31B, dossier administratif, vol. 1 à la p. 305.

12 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-32.09, dossier administratif, vol. 1.01 à la p. 38.

13 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 76.

14 . Pièce du fabricant A-16, diagramme 3.5, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 11; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 76; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3B aux pp. 451-464.

15 . Le rapport de LMC indique une capacité additionnelle pour la période allant de 2006 à 2010, alors que les éléments de preuve fournis par l’ICS indiquent une capacité additionnelle pour la période allant de 2005 à 2009. Pièce du fabricant A-16, diagramme 3.5, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 11; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 76; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3B aux pp. 451-464.

16 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3 à la p. 76; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3B aux pp. 451-464.

17 . Pièce du fabricant A-16, diagrammes 3.2, 3.4, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 11; pièce du Tribunal RR-2009-003-15.01, dossier administratif, vol. 3B aux pp. 451-464.

18 . Le prix du sucre blanc du contrat no 5, le London International Financial Futures and Options Exchange No. 5 Contract, qui établit les prix au comptant et les cours à terme du sucre blanc, est un prix de port FAB qui est couramment utilisé comme approximation pour le prix mondial du sucre raffiné.

19 . Pièce du Tribunal RR-2009-003R-05.03, dossier administratif, vol. 1 à la p. 156.

20 . Transcription de l’audience publique, vol. 3, 9 septembre 2010, aux pp. 356-360.

21 . Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 8 septembre 2010, à la p. 94.

22 . Transcription de l’audience publique, vol. 2, 8 septembre 2010, à la p. 236; Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 8 septembre 2010, aux pp. 170-171, 178.

23 . Pièce du fabricant A-16 à la p. 45, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 11.

24 . Transcription de l’audience à huis clos, vol. 2, 8 septembre 2010, aux pp. 170-171, 194-195.

25 . La « marge de raffinage » représente la différence entre le prix de vente du sucre raffiné du raffineur au client et les coûts du sucre brut que doit payer le raffineur.

26 . La « prime du sucre blanc » représente la différence entre les prix mondiaux du sucre brut et du sucre raffiné, c.-à-d. la différence entre le prix du sucre blanc du contrat no 5 et le prix du sucre brut du contrat no 11. Le prix du sucre brut du contrat no 11, l’Intercontinental Exchange Sugar No. 11 contract, est le contrat standard mondial pour le sucre de canne brut.

27 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-32.06, dossier administratif, vol. 1A à la p. 159; pièce du Tribunal RR-2009-003-32.05, dossier administratif, vol. 1A à la p. 156; Rapport protégé du personnel, pièce du Tribunal RR-2009-003-06 (protégé), dossier administratif, vol. 2.1 à la p. 56; Rapport du personnel, pièce du Tribunal RR-2009-003-05, dossier administratif, vol. 1.1 à la p. 78.

28 . L’ICS désigne la prime du sucre blanc majorée du fret maritime, des frais de déchargement et des droits NPF comme étant la « prime du sucre blanc rendue » [traduction]. Pièce du Tribunal RR-2009-003R-05.03, dossier administratif, vol. 1 à la p. 137.

29 . Transcription de l’audience publique, vol. 1, 7 septembre 2010, à la p. 104; pièce du fabricant A-09 (protégée) au para. 81, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 12.

30 . Pièce du Tribunal RR-2009-003-32.06, dossier administratif, vol. 1A à la p. 159; Rapport protégé du personnel, pièce du Tribunal RR-2009-003-06 (protégée), dossier administratif, vol. 2.1 aux pp. 55, 78.

31 . L’ICS ajoute également que les prix des exportations pourraient, dans certains cas, être équivalents ou inférieurs aux coûts variables.

32 . Sucre raffiné (2 novembre 2005), RR-2004-007 (TCCE) au para. 74.

33 . Pièce du Tribunal RR-2009-003R-06.03 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 36; pièce du fabricant A-11 (protégée) au para. 63, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 12.

34 . Pièce du fabricant A-09 (protégée), appendice 6, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 12.

35 . Pièce du fabricant A-15 (protégée) aux para. 7, 11, 13, dossier administratif dans Sucre raffiné, vol. 12.

36 . Pièce du Tribunal RR-2009-003R-05.03, dossier administratif, vol. 1 à la p. 26.

37 . Refined Sugar au para. 244.

38 . Lettre du Tribunal à la Délégation de l’UE datée du 10 août 2012.

39 . Le Tribunal remarque que, dans Sucre raffiné, il a conclu que les volumes probables de sucre raffiné qui seraient exportés au Canada, si l’ordonnance concernant le sucre des ÉU était annulée, seraient importants. Voir Sucre raffiné au para. 188.

40 . Sucre raffiné (2 novembre 2005) (TCCE).

41 . Le Tribunal remarque que, à plusieurs reprises, y compris au moment de l’enquête initiale sur cette question et au cours des réexamens subséquents, il a fait une évaluation cumulative des effets dommageables des marchandises sous-évaluées et subventionnées (« cumul croisé ») (voir, par exemple, le réexamen no RR-2004-007 aux para. 57-58). Le Tribunal est convaincu qu’une telle évaluation cumulative est également indiquée en l’espèce.

42 . Sucre raffiné au para. 236. Le Tribunal remarque que cette conclusion n’était pas visée par la demande de contrôle judiciaire de l’ICS et n’a pas été renvoyée au Tribunal pour réexamen. Par conséquent, cette conclusion ne peut être modifiée ni amendée.

43 . Sucre raffiné au para. 304.