BARRES D'ACIER INOXYDABLE ET FILS D'ACIER INOXYDABLE

Réexamens (article 76)


BARRES D'ACIER INOXYDABLE ET FILS D'ACIER INOXYDABLE COUPÉS EN LONGUEURS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE L'ESPAGNE
Réexamen no : RR-89-009

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 22 août 1990

Réexamen no : RR-89-009

EU ÉGARD À un réexamen, en application de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 avril 1983 dans l'enquête no ADT-1-83 et modifiées par le réexamen no R-3-85 du 3 avril 1985 concernant les :

BARRES D'ACIER INOXYDABLE ET FILS D'ACIER INOXYDABLE COUPÉS EN LONGUEURS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA FRANCE, DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE L'ESPAGNE

O R D O N N A N C E

En vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a réexaminé les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 avril 1983 et modifiées par le réexamen no R-3-85 du 3 avril 1985.

En application du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions susmentionnées du 7 avril 1983, modifiées par le réexamen no R-3-85 du 3 avril 1985.

John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu de proroger, avec ou sans modification, ou d'annuler les conclusions du Tribunal antidumping et les conclusions de réexamen du Tribunal canadien des importations au sujet des marchandises susmentionnées.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions susmentionnées, telles que modifiées. Même si la situation du marché a sensiblement évolué depuis 1983, plus particulièrement avec l'acquisition du fabricant canadien Atlas Specialty Steels par la société Sammi de la Corée du Sud, le fait que le marché soit déprécié à l'heure actuelle fait qu'Atlas Specialty Steels risque de subir un préjudice sensible à court terme s'il y a reprise du dumping. Toutefois, les éléments de preuve sur le comportement et les intentions des exportateurs des pays désignés, y compris de Sammi, de même que sur la capacité de production et les tendances de la consommation à l'échelle mondiale incitent le Tribunal à conclure que la reprise du dumping n'est pas probable dans un avenir prévisible.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 7 au 9 mai 1990
Date de l'ordonnance et
des motifs : Le 20 juillet 1990
Date de la traduction : Le 22 août 1990

Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Charles A. Gracey, membre

Directeur de la recherche : S. Shainfarber
Gestionnaire de la recherche : K. Campbell
Agent à la
recherche statistique : R. Larose
Commis à l'inscription et à
la distribution : L.E. Pharand


Participants : John M. Coyne, c.r. et
Ronald C. Cheng
pour Atlas Specialty Steels

(fabricant)
Peter Clark et
Peter Burn
pour Villares S.A.

Peter E. Kirby
pour Thyssen Marathon Canada Ltd.
et Thyssen Edelstahlwerke AG

Mark Naidoo
Gestionnaire des achats et du
contrôle des stocks
et Eamonn P. Godsell
Gestionnaire des finances et
Comptable général
pour Krones Machinery Co. Ltd.
Solar Service

(importateur - exportateurs - utilisateur)

Témoins :

David G. Pastirik
Gestionnaire
Développement des marchés
Atlas Specialty Steels

Joseph G. Thompson
Directeur, Technologie
Atlas Specialty Steels

Don Cody
Gestionnaire
Analyse financière et des produits
Atlas Specialty Steels

Denis L. Redican
Gestionnaire, Ventes
Aciers inoxydables
Atlas Alloys
A Division of Rio Algom Limited

James H. Hollet
Directeur général
Unalloy Steel
A Division of Samuel Manu-Tech Inc.

Rowland Maddison
Directeur
Sammi Atlas Inc.

Robert Hurley
Gestionnaire
Acier inoxydable
Thyssen Marathon Canada Ltd.

Eamonn P. Godsell
Gestionnaire des finances et Comptable général
Krones Machinery Co. Ltd.
Solar Service

Mark Naidoo
Gestionnaire des achats et du contrôle des stocks
Krones Machinery Co. Ltd.
Solar Service

Adresser toute communication au :

Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal Sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE RÉSUMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a réexaminé les conclusions de préjudice sensible causé par le dumping qui ont été rendues en 1983 et modifiées en 1985 concernant les barres et les fils d'acier inoxydable importés du Brésil, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, du Japon, de la République de Corée et de l'Espagne. Atlas Specialty Steels (Atlas), le seul fabricant national de ces marchandises, a demandé au Tribunal de proroger les conclusions. De leur côté, Thyssen Marathon Canada Ltd. (Thyssen Marathon), un importateur, Thyssen Edelstahlwerke AG (Thyssen AG), un exportateur de la République fédérale d'Allemagne, Krones Machinery Co. Ltd., Solar Service (Krones), un utilisateur, et Villares S.A., un exportateur du Brésil, ont sollicité l'annulation des conclusions.

Lorsqu'il réexamine des conclusions de préjudice sensible causé par le dumping, le Tribunal cherche des éléments de preuve qui pourraient le persuader que le comportement récent des exportateurs et que la situation du marché dans les pays d'origine, au Canada et ailleurs font qu'une reprise du dumping dans un avenir prévisible est probable. En outre, le Tribunal détermine, en se fondant sur les éléments de preuve quant à la situation du marché, la rentabilité et l'état général de l'industrie, s'il y a une probabilité que les fabricants canadiens subissent un préjudice causé par une reprise du dumping. Toutefois, à moins que le Tribunal soit convaincu de la probabilité de reprise du dumping, il ne pourra établir un lien de cause à effet entre le dumping et le préjudice sensible.

Dans le cas présent, le Tribunal a conclu que s'il y a reprise du dumping, un préjudice sensible sera causé à la production canadienne. La situation d'Atlas s'est redressée à certains égards depuis 1983, grâce à une amélioration de ses méthodes de distribution et d'entreposage à l'usine, l'installation d'une machine de coulée en continu et l'acquisition de la société par Sammi, de la Corée du Sud. Cette dernière songe à investir et à conclure des accords de commercialisation pour l'Amérique du Nord, ce qui améliorerait la position d'Atlas.

En outre, la production des marchandises en question a atteint son plus haut niveau de la décennie en 1988 et en 1989, Atlas ayant accru ses exportations vers les États-Unis et l'Europe. Toutefois, Atlas n'a pas récupéré la part du marché qu'elle détenait avant que les conclusions ne soient rendues. Elle n'a pu rentabiliser sa production malgré l'expansion survenue en 1988 parce que ses coûts ont progressé plus rapidement que ses prix. Le Tribunal conclut qu'à court terme, le marché demeurant restreint et même si Sammi n'a pas encore arrêté ses intentions à l'égard d'Atlas, la production des marchandises en question par cette dernière subira un préjudice sensible s'il y a reprise du dumping.

Toutefois, le Tribunal n'a relevé aucun élément de preuve convaincant du fait que les exportateurs des pays désign 9‚s auront de nouveau recours au dumping dans un avenir prévisible. Atlas a fourni des éléments de preuve selon lesquels une augmentation de la capacité de production mondiale d'acier inoxydable engendrerait une offre excédentaire, et donc une reprise du dumping. Toutefois, ces éléments de preuve n'établissaient pas de lien entre la capacité de production et la consommation de barres d'acier inoxydable, qui accuse aussi une hausse modérée. Par conséquent, le Tribunal n'a pu évaluer l'augmentation nette de la capacité et la comparer aux tendances de la demande. En outre, l'accroissement de la capacité de production provient surtout de la République de Corée, et Atlas a reconnu que son propriétaire, Sammi, ne constituait plus une menace sur le plan du dumping. Quant à l'attitude probable des exportateurs des autres pays désignés, le Tribunal prête foi aux éléments de preuve selon lesquels, dans un avenir prévisible, les aciéries profiteront d'une situation plutôt avantageuse de leur propre marché et disposeront d'une capacité limitée pour approvisionner les marchés d'exportation.

En conclusion, le Tribunal déclare que la reprise du dumping par les pays désignés causera un préjudice sensible à la production canadienne de barres et de fils d'acier inoxydable, mais conclut que la reprise du dumping par les pays désignés n'est pas probable dans un avenir prévisible. En conséquence, le Tribunal annule les conclusions, telles que modifiées.

LE CONTEXTE

ll s'agit d'un réexamen, effectué en application de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 7 avril 1983 dans l'enquête no ADT-1-83 concernant les barres et les fils d'acier inoxydable coupés en longueurs, originaires ou exportés du Brésil, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, du Japon, de la République de Corée et de l'Espagne, modifiées le 3 avril 1985 par le réexamen no R-3-85 pour exclure les barres d'acier inoxydable rondes résistant à la chaleur, connues sous le nom «Lister-22».

En application de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal a instauré le réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 22 novembre 1989. Cet avis a été communiqué à toutes les parties intéressées connues et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 2 décembre 1989. Le 18 janvier 1990, un avis de changement de la date de l'audience publique a été transmis à toutes les parties intéressées pour leur signaler que l'audience publique avait été reportée au 7 mai suivant. Cet avis a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 27 janvier 1990.

Dans le cadre du réexamen, le Tribunal a fait parvenir, le 29 décembre dernier, un questionnaire à Atlas, le seul fabricant canadien des marchandises en question, et à 20 importateurs desdites marchandises. À partir des réponses fournies et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience qui se rapportent au réexamen. Les membres du Tribunal ont visité les installations de production d'Atlas pour examiner les méthodes de fabrication. Dans le cadre des travaux de recherche, un membre du personnel du Tribunal a rencontré des représentants d'Atlas, d'Atlas Alloys, d'Avesta Stainless Inc. et d'Unalloy Steel pour répondre à leurs questions au sujet du questionnaire. Le dossier concernant le réexamen renferme tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, les conclusions de réexamen, l'Avis de réexamen, l'Avis de changement de la date de l'audience publique, et les réponses publiques et confidentielles aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, mais seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu du 7 au 9 mai 1990 à Ottawa (Ontario).

Atlas était représentée à l'audience par des avocats et a fourni des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions, telles que modifiées.

Thyssen Marathon, un importateur, Thyssen AG, un exportateur de la République fédérale d'Allemagne, et Villares S.A., un exportateur du Brésil, étaient représentées à l'audience par des avocats et ont fourni des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions, telles que modifiées.

Enfin, Krones, un utilisateur des marchandises en question, a délégué à l'audience des porte-parole qui ont réclamé soit l'annulation des conclusions, telles que modifiées, soit l'exclusion des barres de dimensions métriques.

LE PRODUIT

D'après les conclusions du Tribunal antidumping, les produits visés par le présent réexamen comprennent les barres et les fils d'acier inoxydable coupés en longueurs, à l'exclusion des barres d'acier inoxydable rondes résistant à la chaleur, connues sous le nom «Lister-22», définies dans les conclusions de réexamen du Tribunal canadien des importations du 3 avril 1985.

L'acier inoxydable est un acier qui résiste à la corrosion et à la chaleur, et dont la teneur en chrome, au poids, est d'au moins 10 p. 100. On l'utilise pour des applications, dans les domaines de la production et de l'entretien, qui nécessitent une résistance à la corrosion et à la chaleur. L'acier inoxydable peut être composé de plusieurs éléments chimiques particuliers dont certains contiennent des éléments d'alliage autres que le chrome, comme le nickel et le molybdène. Ces éléments peuvent être fabriqués pour répondre aux exigences mécaniques et physiques particulières d'une application donnée. Ils sont classés par nuances au moyen de séries de représentations numériques attribuées par l'American Iron and Steel Institute (AISI).

Les barres d'acier inoxydable peuvent se vendre sous la forme d'un produit laminé à chaud ou fini à froid, coupé en longueurs, de section ronde, plate ou hexagonale. Les fils d'acier inoxydable s'obtiennent par un étirage à froid qui donne un produit coupé à la longueur d'au plus ½ po de diamètre. Dans le cas des barres d'acier inoxydable, les nuances AISI les plus répandues sont les suivantes : 303, 304, 304L, 316, 316L, 410, 416 et 17-4 PH. Ces huit nuances représentent plus de 85 p. 100 de la consommation canadienne totale de barres d'acier inoxydable.

Les barres et les fils d'acier inoxydable constituent les matériaux de construction de base de la plupart des pièces et de l'outillage usinés utilisés par les industries primaires canadiennes. En outre, ces produits sont utilisés souvent dans les industries secondaires en tant que matières pour fabriquer des pièces ou en tant que matériaux de construction pour fabriquer de l'outillage.

Les barres en acier inoxydable sont souvent utilisées pour les applications qui requièrent un matériau résistant à la corrosion ou aux températures élevées. Le plus souvent, ces barres sont employées dans les secteurs des pâtes et papier, des aliments et des boissons, de l'aéronautique, de la pétrochimie, de la production d'énergie, des mines et de l'automobile. Par exemple, les barres en acier inoxydable entrent dans la fabrication de raccords utilisés en aéronautique et dans l'industrie, de soupapes pour l'appareillage industriel, d'arbres de transmission, de pièces de commutation électrique et de soupapes de moteurs d'automobiles.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Atlas, de Welland (Ontario), est le seul fabricant canadien de barres et de fils d'acier inoxydable. Le 1er août 1989, Sammi Steel Canada Inc. a fait l'acquisition d'Atlas, d'Atlas Stainless Steels, de Tracy (Québec), et d'AlTech Specialty Steels, de l'État de New York, qui appartenaient à Rio Algom Limited. Une nouvelle société, Sammi Atlas Inc., a par la suite été mise sur pied pour détenir la propriété des trois compagnies et diriger leurs opérations. Atlas constitue une division de Sammi-Atlas.

Atlas fabrique tous les types de barres d'acier inoxydable dans les nuances populaires à son usine de Welland. Dans le secteur des aciers spéciaux, outre les barres et les fils d'acier inoxydable, Atlas offre de l'acier allié pour outils, de l'acier à mouler répondant à la norme AISI P-20, de l'acier au carbone pour outils, des aciers creux et plein pour l'industrie minière, de l'acier pour roulements à billes et des aciers alliés laminé à chaud ou fini à froid utilisés en génie. La société fabrique en outre de l'acier au carbone et de l'acier à faible teneur en alliages.

Atlas écoule près de 85 p. 100 de sa production par l'entremise de centres de service, et vend le reste directement à d'importants utilisateurs finals. Les centres de service, qui fonctionnent comme des centres de distribution d'acier, achètent des barres de l'usine de Welland, gardent en stock une vaste gamme de produits et revendent ces derniers en plus petites quantités aux utilisateurs finals. Le réseau de distribution d'Atlas comprend 11 centres de service, dont 2 se spécialisent dans la vente de produits à l'industrie aérospatiale. Atlas traite aussi avec un distributeur «principal» qui garde en stock de grandes quantités de produits dans les dimensions et les nuances les plus populaires et les revend à d'autres distributeurs. Au total, le réseau de distribution d'Atlas comprend des entrepôts dans plus de 40 localités au Canada.

LE RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1983

Le 7 avril 1983, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping des marchandises en question originaires du Brésil, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, du Japon, de la République de Corée et de l'Espagne avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.

La deuxième moitié de 1981 a été marquée par une flambée des taux d'intérêt et par le début d'une grave récession économique. Selon les éléments de preuve de la cause, les stocks des entrepôts d'usine importateurs, dont la clientèle se compose d'autres distributeurs, se sont accrus considérablement au cours de cette période, et les frais de maintien de ces stocks sont devenus extrêmement élevés. C'est ainsi que ces importateurs ont offert leurs produits aux distributeurs à des prix très avantageux afin de les écouler.

La concurrence en matière de ventes aux distributeurs s'est intensifiée au cours du premier semestre de 1982, Atlas cherchant à égaler les prix, et notamment ceux établis par les entrepôts d'usine importateurs. Du même coup, les pressions à la baisse exercées sur les prix ont touché l'ensemble du marché à mesure que les importateurs généralement offraient aux distributeurs indépendants des marchandises à des prix sous-évalués inférieurs à ceux des prix courants consentis par Atlas à ses distributeurs. L'état des revenus d'Atlas tirés de la vente des marchandises en question reflète clairement l'impact d'une réduction des prix au cours de cette période. On constate également une perte de ventes et une réduction de la part du marché.

Selon les éléments de preuve, les entrepôts d'usine importateurs pouvaient vendre leurs produits à des prix réduits, même s'il leur fallait absorber une partie du coût des stocks, uniquement parce que leurs fournitures avaient été importées au Canada à des prix sous-évalués. Toujours d'après les éléments de preuve, les pressions de concurrence exercées sur Atlas par les utilisateurs finals étaient aussi fortes que celles, plus directes, exercées par le réseau de distribution.

Le Tribunal était donc convaincu que le dumping des marchandises en question était la cause du préjudice que subissait Atlas et, compte tenu des éléments de preuve, que ce préjudice étaient sensible. Le Tribunal a aussi constaté que le dumping au Canada des marchandises en question risquait fort de se poursuivre, ce qui causerait un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Au début de 1985, il y a eu une deuxième enquête sur les barres et les fils d'acier inoxydable coupés en longueurs, originaires ou exportés d'Italie. Le 19 avril 1985, le Tribunal canadien des importations a conclu que le dumping exercé par l'Italie n'avait pas causé et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

LA POSITION DES PARTIES

L'industrie

Atlas a soutenu dans son mémoire soumis au Tribunal que les conclusions devaient être prorogées. La société a affirmé qu'avant le début du dumping au Canada, elle avait détenu une part importante du marché des barres d'acier inoxydable et que la vente de ces produits était passablement rentable. Toutefois, le dumping exercé par les pays en question a entraîné des pertes de ventes et des réductions de prix au point où les ventes de barres d'Atlas sont devenues déficitaires. Depuis les conclusions de 1983, en dépit d'immobilisations importantes et de la mise en oeuvre de nouveaux programmes de commercialisation, Atlas n'a toujours pas recouvré la part du marché canadien qu'elle détenait avant le début du dumping et tarde à rentabiliser adéquatement ses opérations à long terme.

Plus particulièrement, Atlas a fait remarquer que le volume des marchandises en question écoulé sur le marché canadien avait brusquement chuté de quelque 20 p. 100 en 1989. Cette diminution sur le marché de la demande, lorsque combinée à l'offre de barres d'acier inoxydable à bas prix originaires de l'Inde [1] , a donné lieu à des pertes importantes en 1989.

Les avocats d'Atlas ont attiré l'attention sur les éléments de preuve fournis par plusieurs témoins à l'effet que le déclin de la demande sur le marché, amorcé au cours du deuxième semestre de 1989, se poursuivrait en 1990 et que la demande pourrait diminuer encore de 5 à 20 p. 100 en volume et en valeur au cours de l'année en cours. Par conséquent, la production d'Atlas des marchandises en question risquerait fort de subir un préjudice sensible en cas de reprise du dumping, ce qui surviendrait si les conclusions étaient annulées.

Les avocats ont souligné que selon les prévisions, l'acquisition d'Atlas par Sammi-Atlas Inc. serait avantageuse pour la société. Ils ont toutefois ajouté que les projets de Sammi-Atlas Inc. visant le renforcement de la situation d'Atlas pourraient être modifiés si les conclusions étaient annulées et qu'il n'était pas raisonnable de supposer que Sammi-Atlas Inc. investirait des sommes importantes dans Atlas si les perspectives commerciales de celle-ci lui semblaient défavorables.

Quant à la probabilité de reprise du dumping, les avocats d'Atlas ont déclaré que rien n'indiquait que les exportateurs des pays désignés n'auraient pas de nouveau recours au dumping si les conclusions étaient annulées. Avant 1983, les importations originaires des pays désignés étaient «appréciables et prédominantes». Même si la part du marché détenue par ces pays a diminué depuis quelques années, cela signifie tout simplement que les exportateurs ne pouvaient concurrencer au Canada en respectant les valeurs normales. Atlas a également déclaré que si les conclusions étaient annulées, l'apparition récente des barres en provenance de l'Inde offertes à bas prix (et présumément sous-évaluées) inciterait les pays en question à recourir de nouveau au dumping pour demeurer concurrentiels.

Les avocats ont également déclaré que la progression récente de la capacité de production mondiale, qui dépasse l'augmentation modeste de la consommation mondiale de barres d'acier inoxydable, risquait d'ajouter aux pressions en faveur du dumping. Plus précisément, les avocats ont soutenu que d'importantes nouvelles installations de production étaient en construction ou venaient d'être achevées. Ainsi, les nouvelles usines de la République fédérale d'Allemagne, du Japon et de la République de Corée ajouteront au total près de 150 000 tonnes à la capacité de production de barres d'acier inoxydable. Toutefois, comme Sammi est le seul exportateur sud-coréen des marchandises en question, les avocats ont admis que les importations sous-évaluées de la République de Corée n'étaient plus probables vu la fusion entre Atlas et Sammi. Si cette augmentation de la capacité de production ne s'accompagne pas d'une hausse correspondante de la consommation, les fabricants devront éventuellement se livrer une vive concurrence sur le marché des exportations, exacerbant la probabilité de dumping.

Les importateurs - les exportateurs

Les avocats de Villares S.A., un exportateur brésilien des marchandises en question, ont soutenu qu'aux fins de déterminer si les conclusions ont joué leur rôle, le Tribunal devait se reporter au paragraphe 1 de l'article 9 du Code antidumping du GATT, qui prévoit que les droits antidumping ne doivent rester en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour neutraliser le dumping qui cause un préjudice. Ils ont affirmé que, dans le cas présent, Atlas ayant profité d'une protection depuis sept ans, les conclusions avaient joué leur rôle et devraient maintenant être annulées.

Les avocats ont de plus ajouté que si Atlas était vulnérable à l'heure actuelle, c'était à cause de la concurrence exercée par les États-Unis, et non par les pays comme l'Inde, dont la compétitivité était remise en question en raison de problèmes touchant la qualité de ses produits. Or, l'industrie n'a formulé aucune plainte visant les États-Unis. De toutes façons, les avocats étaient d'avis que toute vulnérabilité d'Atlas à l'heure actuelle serait compensée par les nouveaux débouchés, aux États-Unis et ailleurs, qu'elle pourrait exploiter grâce à son association avec le groupe Sammi.

Quant à la probabilité de reprise du dumping, les avocats de Villares S.A. ont affirmé que les pays en question feraient preuve de bon sens et, qu'en conséquence, il serait très imprudent pour eux de recourir de nouveau au dumping. Ils ont souligné que le Brésil, tout comme les autres pays en question, n'avait guère eu recours au dumping depuis que les conclusions ont été rendues. En outre ils ont indiqué qu'un réexamen des conclusions antérieures démontrait clairement que les fournisseurs étrangers n'avaient pas tendance à recourir de nouveau au dumping après l'annulation de conclusions. En fait, d'après leur analyse, 79 conclusions ont été annulées jusqu'à la fin de 1988 et ils n'avaient relevé qu'un seul cas de «récidive» chez les exportateurs ayant profité de l'annulation des conclusions.

L'avocat de Thyssen AG, un exportateur de la République fédérale d'Allemagne, et de sa filiale canadienne, a affirmé que le Tribunal a dû examiner la situation de l'industrie nationale pour déterminer si cette dernière avait pris des dispositions pour améliorer sa situation au cours de la période de protection. À son avis, Atlas avait considérablement raffermi sa position depuis 1983 et n'était plus vulnérable face à une reprise du dumping. Il a souligné que la société avait amélioré son réseau de distribution, mis au point de nouvelles séries de produits et adopté des méthodes d'entreposage des stocks à l'usine. Atlas fournit des produits de haute qualité et sa situation géographique lui permet de devancer ses concurrents d'outre-mer au chapitre des livraisons et du service. Dans ces circonstances, l'avocat ne pouvait expliquer pourquoi Atlas n'était pas parvenue à rentabiliser adéquatement ses opérations, comme elle le prétendait. L'avocat a ajouté que grâce à sa fusion avec Sammi de la Corée du Sud, Atlas pourrait accroître ses ventes au Canada, aux États-Unis et sur les marchés d'outre-mer, ajoutant aux investissements et aux bénéfices de la société.

L'avocat a également soutenu qu'il n'y avait aucune probabilité de reprise du dumping de la part de Thyssen AG. Il a fourni des éléments de preuve selon lesquels les usines de Thyssen AG en Europe fonctionnaient à pleine capacité pour répondre à la forte demande dans cette région, situation qui, à son avis, devrait se maintenir pendant un certain temps. L'avocat a ajouté que sa cliente utilisait la commercialisation par créneau et que sa part du marché canadien avait été et demeurerait raisonnablement stable et relativement modeste. En résumé, sa cliente n'avait pas les produits pour rechercher des marchés à tout prix et n'en avait pas besoin. En outre, la politique de Thyssen AG interdit expressément à ses dirigeants et à ses agents de recourir au dumping.

Krones, un fabricant canadien de pièces pour machines à étiquettes, a demandé que les conclusions soient annulées ou modifiées pour exclure les barres d'acier inoxydable de dimensions métriques. Krones a déclaré que ses efforts visant à s'approvisionner sur le marché national avaient échoué parce que ses modestes besoins ne justifiaient pas l'exploitation soutenue des installations. Il était également impossible de répondre sur place aux normes et aux critères de tolérance en vigueur en Europe (DIN). La société devait donc importer les barres dont elle avait besoin de sa société mère, de la République fédérale d'Allemagne.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Comme dans le cas des autres produits de l'acier, la demande de barres et de fils d'acier inoxydable sur le marché fluctue suivant le niveau global de l'activité économique. Les avocats d'Atlas ont déclaré que l'année 1979 avait donné lieu à une forte expansion et que le marché est demeuré fort dynamique jusqu'à la fin du premier semestre de 1981. Toutefois, la demande a commencé à diminuer au cours de la deuxième moitié de 1981 à mesure que les tensions caractéristiques d'une récession augmentaient. En 1982, au plus fort de la récession, la demande visant les marchandises en question a chuté de plus de 40 p. 100 par rapport à ce qu'elle était en 1979. C'est alors qu'elle était confrontée à cette pénible situation commerciale qu'Atlas a adopté des mesures antidumping à l'égard des pays désignés.

À mesure que le niveau d'activité économique s'est redressé tout au long de 1983, la demande intérieure visant les marchandises en question s'est accrue de sorte qu'en 1985 le volume total du marché était revenu au même niveau qu'en 1979. En 1988, le volume du marché a atteint son sommet dépassant de presque 10 p. 100 les hauts niveaux enregistrés en 1979 et en 1985. Même si, en 1989, la demande nationale a reculé d'environ 20 p. 100 par rapport au sommet de 1988, le volume total des ventes se situait près de la moyenne constatée depuis 1979.

Entre 1979 et 1983, Atlas détenait la plus importante part du marché national. La production de la société a atteint son sommet en 1979. Même si sa production a diminué entre 1980 et 1982 pour ensuite afficher une reprise modérée en 1983, Atlas a pu continuer à dominer le marché national au cours de cette période. Toutefois, en 1984, le marché global s'est développé tandis que la production d'Atlas a diminué. C'est ainsi que la part du marché de la société a chuté. En 1985, la demande du marché a fortement progressé et, bien que la production d'Atlas ait affiché une modeste hausse, sa part du marché a encore diminué. Bien que la société ait accru quelque peu sa production en 1986 et en 1987, elle n'a pu recouvrer la part du marché qu'elle détenait avant que les conclusions de préjudice ne soient rendues. En 1988 et en 1989, la part du marché d'Atlas est demeurée inférieure à ce qu'elle était en 1983 en dépit du fait que son volume de production ait fortement augmenté en 1988 et en 1989 pour se rapprocher des niveaux enregistrés au cours des années de forte expansion, soit en 1979 et en 1980.

La part du marché des six pays désignés a fortement chuté en 1983 pour ensuite afficher une certaine reprise entre 1985 et 1987. Elle a diminué de nouveau en 1988 et en 1989 pour atteindre son plus bas niveau depuis 1979. Les produits originaires de la République de Corée dominaient le marché, suivis de loin par ceux de la République fédérale d'Allemagne. Depuis 1983, les gains les plus importants sur le marché canadien ont été enregistrés par des pays autres que ceux désignés par les conclusions, savoir l'Italie, le Royaume-Uni et, plus récemment, l'Inde. Bien que les États-Unis demeurent le principal fournisseur étranger du marché canadien, sa part du marché est demeurée très stable depuis 1979.

Quant aux autres indicateurs économiques, le fait que le volume des exportations d'Atlas ait atteint un niveau record en 1989 a alimenté le dynamisme récent de son rendement. Le niveau d'emploi lié à la production des marchandises en question a fortement augmenté pour afficher en 1989 son niveau le plus élevé au cours de la période de 11 ans visée par le réexamen. Toutefois, même si la société a enregistré des bénéfices nets qu'elle qualifie d'«acceptables» sur la vente des marchandises en question avant la récession de 1982, les profits dégagés par la suite furent modestes, voire nuls. En 1989, Atlas a subi des pertes importantes au chapitre des ventes nationales et des exportations.

Tel qu'indiqué précédemment, 1988 fut une très bonne année, les ventes des marchandises en question atteignant un sommet pour la décennie. Atlas a pu imposer des frais additionnels pour compenser la forte hausse du prix du nickel et du chrome. Elle a également réussi à majorer ses prix de base, reflétant ainsi le dynamisme du marché au cours de l'année. Cette situation s'est maintenue jusqu'à la deuxième moitié de 1989, lorsque la demande et les prix ont amorcé un recul. D'après les états des revenus soumis par Atlas, la valeur des marchandises en question écoulées sur le marché national et exportées au cours des deux dernières années civiles a augmenté même si la progression des coûts a été supérieure à celle des revenus. Tous les participants aux audiences dans le cadre du réexamen ont prédit que le volume et la valeur des ventes sur le marché continueront de diminuer cette année, la baisse anticipée variant entre 5 et 20 p. 100.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux fins d'un réexamen des conclusions antidumping, le Tribunal doit répondre à deux questions fondamentales. Premièrement, est-ce qu'il existe une probabilité de reprise du dumping, qui a donné lieu aux conclusions initiales, si les conclusions sont annulées? Deuxièmement, s'il y a reprise du dumping, cela causera-t-il à nouveau un préjudice sensible à la production au Canada? Le Tribunal et les parties ayant comparu devant lui ont souvent utilisé les expressions «propension à recourir au dumping» et «vulnérabilité de l'industrie nationale» pour résumer ces deux notions que le Tribunal doit étudier lors d'un réexamen.

Les conclusions de réexamen sont semblables à celles que rend le Tribunal à l'issue d'une première enquête antidumping lorsqu'il examine la menace de préjudice dans l'avenir. Bien que le Code antidumping du GATT n'ait pas été expressément repris dans la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal estime que le paragraphe 6 de l'article 3 dudit code, qui se lit comme suit, facilite l'interprétation de la notion de menace de préjudice :

La détermination concluant à une menace de préjudice se fondera sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être nettement prévu et imminent.

Pour trancher la première question, le Tribunal requiert des éléments de preuve convaincants à l'effet que le comportement récent des exportateurs et la situation du marché des pays d'origine, du Canada et d'autres pays font que la reprise du dumping est probable dans un avenir prévisible. Comme une décision sur la probabilité de dumping ne doit pas reposer sur des conjectures, le Tribunal étudie habituellement la situation au cours de la première ou deuxième année et accorde beaucoup moins d'importance à la probabilité de dumping pendant le reste de la période de cinq ans au cours de laquelle les conclusions pourraient être prorogées.

Le Tribunal ensuite doit répondre à la question suivante : s'il y a reprise du dumping de quelque ampleur que ce soit, le volume des importations sous-évaluées qui en résulte causera-t-il un préjudice sensible à l'industrie nationale? Pour déterminer si le préjudice sera sensible, le Tribunal doit étudier de nombreux facteurs, y compris l'évolution de la répartition des importations, la prospérité de l'industrie nationale, la situation du marché et tout autre changement des circonstances pouvant rendre l'industrie plus ou moins vulnérable qu'à l'époque où les conclusions initiales ont été rendues.

LA PROBABILITÉ DE DUMPING

Les avocats de l'industrie ont fourni un certain nombre d'arguments selon lesquels les pays en question auront probablement recours au dumping si les conclusions sont annulées.

Premièrement, ils ont affirmé qu'on pouvait raisonnablement supposer que les producteurs étrangers qui ont déjà pratiqué le dumping au Canada reviendront éventuellement à cette pratique. Toutefois, il serait également raisonnable de supposer que les exportateurs désignés par les conclusions agiront avec prudence pour éviter de faire l'objet de procédures ultérieures. Pour évaluer la probabilité de dumping, le Tribunal doit faire abstraction d'un passé lointain pour envisager la situation actuelle et celle qui prévaudra à court terme. Dans ce cas, le Tribunal est peu enclin à partager le point de vue d'Atlas.

Les avocats de l'industrie ont également soutenu que les fournisseurs des pays désignés par les conclusions ne pouvaient être concurrentiels au Canada sans recourir au dumping. À leur avis, la baisse sensible des exportations des pays en question depuis le moment où les conclusions initiales ont été rendues en est la preuve. Exception faite de la République de Corée, qui ne peut plus être considérée comme une source probable de dumping en raison de son affiliation avec Atlas, les pays en question conservent une part minime du marché canadien depuis 1988. Les avocats ont affirmé que pour être compétitifs, les exportateurs des pays désignés auraient recours au dumping en l'absence des conclusions.

Le Tribunal constate qu'une baisse des livraisons ne signifie pas nécessairement qu'un fournisseur étranger ne peut plus concurrencer les valeurs normales en vigueur au Canada. Par exemple, selon les éléments de preuve fournis par l'avocat de la société de la République fédérale d'Allemagne, les usines de sa cliente tournent à pleine capacité et profitent d'une forte demande intérieure, ce qui limite sa capacité de desservir les marchés d'exportation. D'après les éléments de preuve, les livraisons de marchandises en question d'Atlas vers l'Europe de l'Ouest ont sensiblement augmenté depuis 1988, ce qui tend à confirmer le dynamisme de la demande au sein du marché européen.

Invoquant un troisième argument, Atlas a produit des éléments de preuve traduisant l'existence d'une capacité mondiale de production des marchandises en question excédentaire. Selon les avocats d'Atlas, cette capacité excédentaire favoriserait le dumping au Canada.

Le Tribunal ne peut tirer les mêmes conclusions à la lumière des éléments de preuve fournis. Il constate que la République de Corée, qu'Atlas ne peut plus considérer comme une source de dumping, accapare la majeure partie de la croissance prévue de la capacité de production des marchandises en question. Les éléments de preuve fournis par Atlas n'indiquent pas s'il y a eu des réductions de la capacité mondiale pour contrebalancer les augmentations prévues; ils n'établissent pas non plus de lien entre la capacité de production et la consommation de barres d'acier inoxydable, cette dernière affichant une hausse modérée de l'avis des témoins.

Le manque de données sur l'accroissement de la capacité nette et sur ses liens avec les tendances de la demande courante et future font qu'il est difficile de conclure, comme le fait Atlas, que des tensions favorables au dumping se feront probablement sentir.

Enfin, le Tribunal souligne qu'au cours de l'audience, les avocats de l'industrie ont déposé en preuve les prix modestes, et présumément sous-évalués, auxquels les produits originaires de l'Inde sont vendus au Canada, de même que les prix peu élevés pour ces mêmes produits en vigueur aux États-Unis. Les avocats d'Atlas ont déclaré que cette situation inciterait les exportateurs désignés à pratiquer le dumping au Canada si les conclusions étaient annulées.

À ce propos, le Tribunal a pris note des éléments de preuve incontestés fournis par plusieurs témoins qui ont déclaré qu'en 1988, soit près d'un an après leur arrivée sur le marché canadien, les produits originaires de l'Inde présentaient d'importantes lacunes sur le plan de la qualité. Les acheteurs de ces produits ont donc été obligés de se tourner vers d'autres fournisseurs, y compris vers Atlas. Les témoins ont aussi souligné l'importance que le marché accorde à la qualité et à la fiabilité des marchandises en question, surtout en raison de leur utilisation à grande échelle dans la fabrication de pièces et d'outillage de très haute précision. Il ne faut donc pas s'étonner si ces problèmes de qualité ont entraîné une baisse marquée des livraisons au Canada en provenance de l'Inde, comme en témoignent les statistiques sur les importations. Le Tribunal est donc fort peu enclin à croire que les barres et les fils d'acier inoxydable originaires de l'Inde, qu'ils soient sous-évalués ou non, influenceront sensiblement à court terme la fixation des prix au Canada des produits importés, y compris de ceux provenant des pays désignés.

Comme le Tribunal l'a précisé dès le départ, une décision selon laquelle il existe une probabilité de dumping doit s'appuyer sur des éléments de preuve concluants. Dans le cas présent, les éléments de preuve ne démontrent pas, à la satisfaction du Tribunal, que la reprise du dumping par les pays en question est probable dans un avenir prévisible si les conclusions sont annulées.

LA PROBABILITÉ DE PRÉJUDICE SENSIBLE

Le Tribunal a pris connaissance d'éléments de preuve et d'arguments sur la probabilité que la reprise du dumping par les pays en question causerait un préjudice sensible à la production canadienne. Les avocats d'Atlas ont souligné l'incapacité de la société de recouvrer la part du marché qu'elle détenait avant l'arrivée des marchandises sous-évaluées, de même que le niveau peu élevé, et toujours en baisse, de ses bénéfices depuis que les conclusions ont été rendues. Les avocats des importateurs ont contré ces arguments en invoquant l'amélioration du réseau de distribution d'Atlas, l'accroissement de sa production, qui a récemment atteint des niveaux records, et ses liens avec Sammi.

Selon les éléments de preuve, l'industrie a lancé d'importantes initiatives depuis le moment où les conclusions initiales ont été rendues en 1983. Par exemple, peu après les conclusions de 1983, Atlas a aménagé des entrepôts d'usine pour accélérer considérablement la livraison de toute une gamme de nuances populaires, ce qui l'avantageait par rapport aux importateurs aux prises avec des délais de livraison plus longs. Atlas a aussi amélioré son réseau de distribution en portant le nombre de distributeurs autorisés de quatre à onze. En vertu des nouveaux accords de distribution, certains distributeurs clés peuvent maintenant vendre les produits d'Atlas, alors qu'ils devaient autrefois acheter et vendre des produits importés.

Les éléments de preuve fournis par l'industrie indiquent que, depuis le milieu des années 80, Atlas consacre une part croissante de ses ressources à la production d'aciers spéciaux et d'acier inoxydable de plus grande valeur. Ce changement s'accompagne de travaux visant à mettre au point d'autres nuances et de nouveaux finis d'acier inoxydable qui ont permis à Atlas de renforcer sa réputation de fournisseur des marchandises en question de haute qualité. Atlas a aussi beaucoup investi dans les techniques de production de pointe, surtout en 1987 avec l'installation d'une machine de coulée en continu, ce qui devrait renforcer sa compétitivité à long terme sur le marché des marchandises en question.

Le plus important changement est survenu en 1989, lorsque Rio Algom a cédé la propriété d'Atlas au groupe Sammi de la Corée du Sud, un conglomérat qui regroupe des aciéries de réputation mondiale fabriquant notamment des aciers spéciaux et de l'acier inoxydable. De plus, Sammi de la Corée du Sud a acquis deux autres entreprises - un fabricant d'aciers spéciaux situé au Québec et un fabricant d'aciers spéciaux et d'acier inoxydable situé aux États-Unis. Atlas fait donc partie d'une multinationale, ce qui pourrait améliorer sensiblement les perspectives de cette industrie au Canada.

Sammi de la Corée du Sud a déjà pris des dispositions afin de rationaliser les activités de commercialisation de ses trois nouvelles filiales aux États-Unis en les regroupant sous une seule entité américaine. Cette décision tombe à point nommé pour Atlas, car elle coïncide avec une vaste offensive sur le marché américain que la société avait déjà amorcé au moment de son acquisition par Sammi. En outre, d'après les témoins de Sammi et ceux de l'industrie, une étude d'orientation des activités d'Atlas est en cours pour s'assurer qu'Atlas fabrique des produits, y compris les marchandises en question, qui maximisent ses avantages comparatifs et correspondent le mieux à la stratégie globale de production et de commercialisation de Sammi.

Le Tribunal constate que, d'après l'un des témoins de Sammi, les conclusions antidumping n'ont pas eu un «effet déterminant» sur la décision de Sammi d'acquérir Atlas. Il semblerait donc que, parallèlement, les immobilisations futures de Sammi visant Sammi dépendront de considérations économiques à plus long terme qui font plus ou moins abstraction de la prorogation ou de l'annulation des restrictions antidumping en vigueur.

Le Tribunal prend note des éléments de preuve selon lesquels, malgré une augmentation soutenue, et parfois appréciable, du volume de production, du chiffre d'affaires, des ventes à l'exportation et du niveau d'emploi depuis les conclusions de 1983, Atlas n'a toujours pas retrouvé un niveau de rentabilité qu'elle juge acceptable, même au cours de l'année d'expansion de 1988, lorsqu'elle a pu majorer ses prix de base et imposer des frais additionnels pour compenser la hausse du prix des métaux d'alliage. En formulant quelques-unes des raisons de cette performance financière généralement défavorable, les témoins de l'industrie ont cité des facteurs comme des frais de démarrage et des problèmes inattendus visant la nouvelle machine de coulée en continu et le fait que des frais d'inventaire élevés compris dans la valeur des stocks en 1989 ont dû être radiés en raison de la chute du prix des métaux. Le Tribunal constate que la plupart de ces facteurs traduisent des problèmes de rentabilité temporaires ou non cycliques qui tendent à masquer l'amélioration globale de la situation d'Atlas survenue depuis que les conclusions ont été rendues.

Le Tribunal estime toutefois qu'à court terme, les chances qu'Atlas redevienne rentable sont réduites en raison de la détérioration du marché en cours. Selon les éléments de preuve fournis par certains témoins, le recul de la demande et des prix amorcé au deuxième semestre de 1989 se poursuivra au delà de 1990, ce qui fera pression sur les marges bénéficiaires à tous les paliers commerciaux.

L'industrie a aussi constaté que sa part moyenne du marché a diminué de plusieurs points par rapport à ce qu'elle était avant 1983. Le Tribunal remarque que les données relatives à la part du marché doivent être lues en regard d'autres indicateurs du rendement de l'industrie afin d'être placées dans le contexte approprié. Si l'on procède ainsi dans le cas présent, les faits démontrent qu'en 1988 et en 1989, même si la part moyenne du marché détenue par Atlas avait diminué par rapport à ce qu'elle était avant 1983, ses ventes nationales et sa production totale ont atteint un sommet pour la décennie. Par conséquent, malgré un recul de sa part du marché, le marché lui-même s'est développé, ce qui a permis à Atlas d'améliorer sa performance à maints égards importants.

Bref, de l'avis du Tribunal, les changements survenus depuis 1983 sont appréciables et font qu'Atlas est un peu moins vulnérable face au préjudice sensible causé par le dumping qu'à l'époque des conclusions. Plus particulièrement, l'acquisition d'Atlas par Sammi de la Corée du Sud pourrait bien stimuler la production au Canada des marchandises en question. Cependant, les avantages pouvant découler de ces changements ne se sont pas encore tous concrétisés. C'est pourquoi le Tribunal estime qu'à court terme, le marché demeurant restreint, Atlas serait susceptible de subir un préjudice sensible s'il y avait reprise du dumping par les pays désignés.

LA CONCLUSION

Même si, à court terme, l'industrie risquerait de subir un préjudice sensible s'il y avait reprise du dumping par les pays désignés, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve ne lui permettent pas d'affirmer que la reprise du dumping par ces pays est probable dans un avenir prévisible.

En conséquence, le Tribunal annule les conclusions de 1983 telles que modifiées en 1985. Il n'a donc pas à donner suite à la demande d'exclusion de certaines barres d'acier inoxydable de dimensions métriques formulée par Krones.


1. Le 3 mai 1990, à la suite d'une plainte déposée par Atlas, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a institué une enquête sur le dumping présumément préjudiciable de certaines barres en acier inoxydable non roulées originaires ou exportées de l'Inde.


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Publication initiale : le 25 août 1997