OIGNONS JAUNES, FRAIS ET ENTIERS

Réexamens (article 76)


OIGNONS JAUNES, FRAIS ET ENTIERS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DESTINÉS À ÊTRE UTILISÉS OU CONSOMMÉS DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
Réexamen no : RR-91-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 22 mai 1992

Réexamen no : RR-91-004

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues le 30 avril 1987 par le Tribunal canadien des importations dans le cadre de l'enquête no CIT-1-87, concernant les :

OIGNONS JAUNES, FRAIS ET ENTIERS, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DESTINÉS À ÊTRE UTILISÉS OU CONSOMMÉS DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

O R D O N N A N C E

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre de l'enquête no CIT-1-87.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge sans modification les conclusions susmentionnées.

W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre de l'enquête no CIT-1-87.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l'audience : Les 30 et 31 mars 1992

Date de l'ordonnance et des
motifs : Le 22 mai 1992

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Sidney A. Fraleigh, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh
Agent de la recherche : Peter Rakowski
Préposé aux statistiques : Gilles Richard

Avocats pour le Tribunal : Robert Desjardins
Cliff Sosnow
Agent de l'inscription et
de la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Marvin R.V. Storrow, c.r.,
Margaret L. Eriksson et
Maria A. Morellato
pour B.C. Vegetable Marketing Commission

(l'industrie)
John T. Morin, c.r.
pour David Oppenheimer and Associates

(importateur)

Témoins :

Richard W. Gilmour
Gestionnaire, Services de commercialisation
B.C. Coast Vegetable Co-operative Association

Wayne Odermatt
Spécialiste provincial de l'industrie des légumes frais
Ministère de l'agriculture, des pêches et des aliments de la Colombie-Britannique

John Riel
Gestionnaire, Mise en marché des fruits et légumes
Canada Safeway Limited

Charles E. Amor
Gestionnaire général
B.C. Vegetable Marketing Commission

Jim Alcock
Gestionnaire de secteur, Fruits et légumes
Ministère de l'agriculture, des pêches et des aliments de la Colombie-Britannique

Gerry A.P. Sprangers
Agriculteur
Sprangers Farms Ltd.

Keith T. Maddocks
Agriculteur
Maddocks Farms Ltd.

Stephen W. Thomson
Gestionnaire adjoint
B.C. Federation of Agriculture

Gary Hammonds
Directeur général
David Oppenheimer and Associates

John M. Christiansen
Expert-conseil
Christiansen Marketing Limited

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE RÉSUMÉ

Il s'agit d'un réexamen en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI) des conclusions susmentionnées. Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a donné avis, dans l'Avis d'expiration no LE-91-005 du 29 août 1991, que les conclusions expireraient le 29 avril 1992. Le Tribunal a demandé aux parties intéressées appuyant la prorogation des conclusions ou s'y opposant de formuler des observations au sujet : (1) de la probabilité de la reprise du dumping si l'on permettait aux conclusions d'expirer; (2) des volumes et prix probables des importations sous-évaluées s'il y avait reprise du dumping; (3) du rendement de l'industrie nationale depuis les conclusions; (4) de la probabilité d'un préjudice sensible à l'industrie nationale si l'on permettait aux conclusions d'expirer; (5) d'autres circonstances qui influaient, ou qui seraient susceptibles d'influer, sur le rendement de l'industrie nationale; et (6) de tout autre changement de situation, au niveau national ou international, y compris les changements au niveau de l'offre et de la demande des marchandises en cause, ainsi que les changements de niveau et de sources d'importations dans la province de la Colombie-Britannique.

Le 29 novembre 1991, en fonction des renseignements disponibles et des observations formulées, le Tribunal a décidé, en vertu de l'article 76 de la LMSI, d'instituer un réexamen desdites conclusions. Un avis de réexamen a été transmis à toutes les parties intéressées connues et publié dans la partie I de la Gazette du Canada du 14 décembre 1991. Un avis de changement de la date de l'audience publique a été transmis à toutes les parties intéressées connues et publié dans la partie I de la Gazette du Canada du 8 février 1992.

Le Tribunal a envoyé des questionnaires à la B.C. Vegetable Marketing Commission (la BCVMC) ainsi qu'aux coopératives de producteurs et aux principaux importateurs des marchandises en question. En se fondant sur les réponses à ces questionnaires et sur d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé un rapport préalable à l'audience.

Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions, l'avis d'expiration, l'avis de réexamen, les réponses aux questionnaires, le rapport préalable à l'audience, de même que tous les éléments de preuve et les témoignages entendus au cours des audiences tenues à Vancouver (Colombie-Britannique). Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées et les pièces protégées, à la disposition des avocats indépendants qui s'étaient engagés à ne pas divulguer de renseignements confidentiels.

La BCVMC était représentée à l'audience par des avocats qui ont présenté des éléments de preuve et formulé des arguments à l'appui de la prorogation des conclusions. David Oppenheimer and Associates, importateur, était représentée à l'audience par un avocat qui a présenté des éléments de preuve et formulé des arguments à l'appui de l'annulation des conclusions.

LE RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

Le 30 avril 1987, le Tribunal canadien des importations (le TCI) a conclu que l'entrée en Colombie-Britannique, à des prix sous-évalués, des oignons jaunes, frais et entiers, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et destinés à être utilisés ou consommés dans la province de la Colombie-Britannique, à l'exception de la période allant du 1er avril au 15 août de chaque année, avait causé et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

La partie plaignante, la BCVMC, représentant les 48 producteurs d'oignons jaunes de la Colombie-Britannique, a soutenu que la baisse des prix des oignons jaunes conséquente au dumping des marchandises en question avait rendu non rentable la culture des oignons jaunes en Colombie-Britannique et avait, en conséquence, poussé les producteurs à réduire leur superficie cultivée et à subir une sous-utilisation de la capacité, une baisse du chiffre d'affaires et une perte de bénéfices. Elle a soutenu que la vulnérabilité des producteurs de la Colombie-Britannique face à la surproduction de l'industrie américaine, dont la taille est beaucoup plus considérable, les rendait susceptibles de subir un préjudice au cours de la campagne agricole de 1987-1988.

Le TCI s'est penché sur deux questions préliminaires. Dans un premier temps, il a conclu que les oignons jaunes produits en Colombie-Britannique étaient des marchandises similaires aux oignons jaunes, frais et entiers, importés des États-Unis. Deuxièmement, il a conclu que la Colombie-Britannique constituait un «marché régional» et que les producteurs d'oignons de cette province représentaient l'industrie nationale aux fins de la détermination du préjudice.

Le TCI a conclu que les faibles niveaux des prix nationaux enregistrés au cours de la campagne agricole de 1985-1986 étaient directement imputables aux mêmes faibles niveaux des prix connus aux États-Unis. Il était évident, pour le TCI, que les prix pratiqués sur le marché de la Colombie-Britannique avaient nui aux bénéfices des producteurs de cette province et que ces derniers avaient subi un préjudice sensible.

Le TCI a reconnu que le niveau des prix pratiqués aux États-Unis variait d'année en année selon l'offre. Ainsi, il était difficile de prédire les prix des oignons jaunes aux États-Unis et, par conséquent, s'il y aurait du dumping si les prix étaient inférieurs au coût de production. Toutefois, des témoins experts avaient prévu un retour des bas prix aux États-Unis au cours de la prochaine campagne agricole. Ce qui s'était passé lors de la campagne agricole de 1985-1986 laissait supposer qu'advenant une meilleure campagne agricole, un dumping s'ensuivrait. Ainsi, le TCI avait conclu que, en ce qui concernait l'avenir prévisible, il était prévu qu'en l'absence de mesures antidumping, les producteurs d'oignons jaunes de la Colombie-Britannique continueraient de subir un préjudice sensible attribuable aux importations sous-évaluées.

Le TCI était également d'avis que l'application continue de droits antidumping était moins pertinente lorsque les marchandises en question étaient périssables, comme les produits agricoles. Les oignons jaunes peuvent être entreposés pendant moins d'un an et toute mesure envisagée en vertu de la LMSI devait éviter de pénaliser les utilisateurs finals, alors que les producteurs ne demandaient pas la protection de mesures antidumping en raison d'un manque d'approvisionnement. Le TCI avait donc exclu de ses conclusions de préjudice les marchandises en question importées entre le 1er avril et le 15 août de chaque année civile.

LE PRODUIT

Les marchandises faisant l'objet du réexamen sont décrites comme des oignons jaunes, frais et entiers, originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique et destinés à être utilisés dans la province de la Colombie-Britannique. Les oignons jaunes sont de forme sphérique et ont une peau sèche, jaune foncé ou brun clair. Bien qu'il existe plusieurs variétés d'oignons jaunes, notamment, Autumn Spice, Tauras, Rocket, Aries, etc., toutes les variétés sont commercialisées et vendues comme des oignons jaunes. La plupart des oignons jaunes cultivés et importés au Canada sont vendus pour consommation à l'état frais plutôt qu'aux fins de la transformation.

Au Canada, la catégorie, la taille et la commercialisation des oignons jaunes sont régis par la Loi sur les normes des produits agricoles du Canada. Outre la taille, les normes de détermination de la catégorie visent l'apparence, la couleur et la fermeté. Les marchandises en question sont de catégorie Canada no 1 ou Canada no 2; la première catégorie est subdivisée en diverses catégories en fonction de la taille, notamment les «jumbos», dont la taille dépasse 3 po. Dans l'ensemble, les normes de détermination de la catégorie permettent une gamme raisonnablement grande de qualité. Il est ressorti des témoignages entendus que les oignons jaunes de la Colombie-Britannique qui ne satisfont pas aux normes de la catégorie Canada no 1 n'étaient pas commercialisés, mais plutôt mis au rebut.

Les producteurs de la Colombie-Britannique n'ont pas de récoltes distinctes d'oignons de taille «jumbo»; une petite proportion seulement des oignons qui poussent dans cette province font partie de cette catégorie. En revanche, bon nombre de producteurs américains se spécialisent dans la culture d'oignons de cette catégorie. Les oignons jaunes de la Colombie-Britannique ont les mêmes caractéristiques que ceux des États-Unis et sont en concurrence avec eux, sauf qu'une proportion relativement plus grande des oignons plus gros des États-Unis est écoulée sur le marché de la Colombie-Britannique. Le Tribunal est d'avis que les oignons jaunes de la Colombie-Britannique et ceux des États-Unis, y compris ceux de la catégorie «jumbo», sont des marchandises similaires.

L'INDUSTRIE

Il existe actuellement en Colombie-Britannique 44 producteurs d'oignons jaunes qui, pour la plupart, sont de petits producteurs. La superficie de culture moyenne est inférieure à 10 acres et les taux de rendement moyens de la plupart des entreprises sont relativement moins élevés que ceux des producteurs d'oignons des états de l'ouest des États-Unis. Certains producteurs, dont les deux qui ont comparu à l'audience, consacrent une plus grande superficie à la culture des oignons et ont des taux de rendement beaucoup plus élevés que la moyenne de l'industrie.

Les producteurs emballent, expédient et déterminent la catégorie des oignons par l'entremise de coopératives dans trois régions. La B.C. Coast Vegetable Co-operative Association (B.C. Coast) s'occupe des produits cultivés dans les terres basses continentales, la Island Vegetable Co-operative Association, ceux de la région de l'Île de Vancouver et la Interior Vegetable Marketing Co-operative, ceux des terres des autres régions de la province. B.C. Coast vend une forte proportion des oignons jaunes cultivés en Colombie-Britannique. Les oignons jaunes ne sont pas tous vendus par l'entremise de coopératives. En effet, presque 20 p. 100 de la production annuelle est vendue dans des étals le long des routes.

La BCVMC agit à titre de coordonnateur pour le compte des coopératives. Elle est composée d'agriculteurs de toutes les régions de la province et relève de la B.C. Marketing Board, un organisme provincial représentatif.

Le programme relatif aux légumes de la Colombie-Britannique, édicté par décret en 1980 en vertu de la Natural Products Marketing (B.C.) Act (loi provinciale), a permis de créer la BCVMC, qui est investie du pouvoir de promouvoir, de contrôler et de réglementer la production, le transport, l'emballage, l'entreposage et la commercialisation des légumes. La BCVMC délègue certains de ses pouvoirs concernant les oignons jaunes aux organismes agissant à titre de coopératives pour le compte des producteurs dans leur région. Chaque producteur se voit attribuer un quota de vente, quota qu'il a acquis après avoir assuré de façon constante des livraisons pendant plusieurs années. Le système de quotas ne vise pas à limiter la production, mais à réglementer son écoulement sur le marché de façon que les producteurs habituels du marché effectuent leurs livraisons avant que toute production excédentaire ne soit vendue. Les coopératives n'entreposent pas les oignons jaunes. Ils sont plutôt conservés sur les lieux de l'entreprise agricole jusqu'à ce qu'ils soient livrés aux coopératives pour qu'elles les traitent, les emballent et les vendent.

La BCVMC établit des prix hebdomadaires minimums après avoir consulté les coopératives qui, à leur tour, fixent leurs propres listes de prix en se fondant sur les prix minimums établis. Depuis les conclusions, les prix fixés par la BCVMC sont fonction de la «valeur normale» établie par le ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada) pour les oignons jaunes et du taux de change du dollar ainsi que des coûts d'expédition et des droits de douane. Lorsque les prix de vente des États-Unis sont supérieurs à la valeur normale, ces prix américains servent de base pour fixer les prix de vente de la Colombie-Britannique. Avant les conclusions, les prix des oignons en Colombie-Britannique étaient fonction des prix de vente aux États-Unis.

Les oignons jaunes comptent pour près de 10 p. 100 de la production de légumes en Colombie-Britannique. Les producteurs cultivent d'autres légumes et, dans très peu d'entreprises agricoles, s'il en existe, la culture des oignons représente une part importante de la production totale de légumes ou d'autres produits agricoles. Les trois coopératives régionales fixent les quotas de livraison et les prix des autres légumes comme elles le font de ceux des oignons jaunes. Bien que la culture des oignons jaunes représente rarement, s'il en est, la seule culture d'un producteur, certains grands producteurs peuvent réaliser des économies d'échelle, notamment grâce aux installations d'entreposage.

LA POSITION DES PARTIES

L'industrie nationale

L'industrie nationale a soutenu que les conclusions de 1987 devraient être prorogées pour éviter la reprise du dumping préjudiciable des oignons jaunes exportés des États-Unis vers la Colombie-Britannique. Elle a prétendu que la Colombie-Britannique était un marché régional. Les avocats ont rejeté les arguments que les producteurs de la Colombie-Britannique ne constituaient pas l'industrie nationale aux fins de la détermination du préjudice.

Les avocats de l'industrie ont soutenu que la situation n'avait guère changé depuis les premières conclusions et que la Colombie-Britannique continuait d'être un marché régional. Les faits ont montré que 99 p. 100 de tous les oignons jaunes produits en Colombie-Britannique sont écoulés dans cette province et que presque aucune vente d'oignons jaunes produits dans d'autres provinces n'est réalisée en Colombie-Britannique.

Ils ont ajouté que, conformément à l'article 4 du Code antidumping (le Code), il peut exister un préjudice si une concentration des importations sous-évaluées se trouve dans le marché régional et si ces dernières causent un préjudice à tous ou à presque tous les producteurs de ce marché. Ils ont prétendu qu'il existait une concentration d'importations sous-évaluées et que cette concentration continuerait d'exister. En ce qui a trait au critère de «distribution», les avocats ont déclaré qu'il existait, par habitant, une concentration beaucoup plus forte d'importations sous-évaluées acheminée vers la Colombie-Britannique que vers l'Ontario. Ils ont ajouté que le critère de la «densité» était satisfait, car les oignons jaunes des États-Unis représentaient plus de 68 p. 100 du marché de la Colombie-Britannique. Ils ont de plus rejeté l'argument qu'un préjudice ne serait pas causé à l'ensemble de l'industrie nationale et ont noté que l'importateur n'avait présenté aucune preuve pour étayer cette allégation.

Les avocats ont prétendu qu'advenant l'annulation des conclusions, les États-Unis reprendraient leurs pratiques de dumping et que les producteurs des quatre états de l'ouest cibleraient le marché de la Colombie-Britannique. Ils ont ajouté que la production et les niveaux de prix des états américains producteurs d'oignons, surtout ceux de la côte ouest du Pacifique, devraient être comparés au mécanisme de détermination des prix en Colombie-Britannique. Ils ont renvoyé aux conclusions de 1987 qui avaient établi un lien inverse entre la taille de la récolte américaine et le prix sur le marché, et ils ont soutenu que les faibles niveaux des prix en Colombie-Britannique étaient liés aux faibles niveaux des prix aux États-Unis. Ils ont déclaré que les éléments de preuve déposés auprès du Tribunal indiquaient que la production d'oignons aux États-Unis avait augmenté pendant la période visée par les conclusions en raison d'un accroissement de la superficie des cultures et des taux de rendement plus élevés. De plus, l'industrie a présenté en preuve un rapport du ministère américain de l'agriculture selon lequel la plupart des états augmenteraient les semences pour la campagne agricole de 1992-1993. Par ailleurs, en raison de la proximité de la Colombie-Britannique aux secteurs de production des États-Unis, les producteurs américains considéreraient inévitablement la Colombie-Britannique comme un marché facile d'accès. La part croissante du marché représentée par les importations américaines, conjuguée au fait que, la plupart du temps, les prix américains étaient inférieurs aux coûts de production, a montré sans l'ombre d'un doute que le dumping des oignons jaunes américains reprendrait sur le marché de la Colombie-Britannique advenant l'abrogation des mesures antidumping.

Les avocats ont prétendu que l'industrie des oignons de la Colombie-Britannique ne survivrait pas si les conclusions étaient annulées. Ils ont ajouté que le nombre d'acres consacrés à la culture des oignons jaunes diminuait en Colombie-Britannique alors qu'il augmentait aux États-Unis. Ces deux facteurs, de pair avec l'augmentation des importations des États-Unis, montraient que la Colombie-Britannique était à la merci des forces du marché concurrentes aux États-Unis. L'industrie a indiqué que sa part du marché avait diminué et ce, en dépit des conclusions de préjudice. Les avocats ont fait valoir que cette situation s'expliquait principalement par le fait que certains importateurs de la Colombie-Britannique et certains exportateurs des États-Unis contournaient les conclusions en vendant effectivement en-deçà des valeurs normales.

Les avocats ont soutenu que les conclusions avaient permis aux producteurs de la Colombie-Britannique de demeurer en affaires, sans toutefois réaliser de grands bénéfices. L'industrie a présenté comme élément de preuve un modèle révisé des coûts de production qui montrait que les coûts des producteurs avaient augmenté pendant la période visée par les conclusions. Sans les droits antidumping, les oignons jaunes des États-Unis seraient importés à prix réduit et l'industrie ne pourrait survivre. Enfin, les avocats ont indiqué que l'industrie avait fait valoir qu'il n'était pas facile de remplacer la culture des oignons jaunes, que des investissements seraient perdus et que la valeur de la rotation des cultures serait compromise. L'annulation des conclusions entraînerait des pertes d'emplois à la fois dans les entreprises agricoles et dans les coopératives qui traitent, emballent et vendent des oignons jaunes.

L'importateur

L'avocat de l'importateur a soulevé la question de préjudice causé à une industrie régionale. De façon plus précise, il a prétendu que, dans l'affaire qui nous occupe, deux exigences du paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code, à savoir la concentration des importations sous-évaluées dans un marché isolé et le préjudice causé par ces importations sous-évaluées aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production de ce marché, n'étaient pas satisfaites. Il n'y a pas eu, et il n'y aurait pas, concentration d'importations sous-évaluées en Colombie-Britannique. En outre, les importations sous-évaluées n'avaient pas causé et ne causeraient pas de préjudice à la totalité ou la quasi-totalité de la production en Colombie-Britannique.

L'avocat a pressé le Tribunal de déterminer s'il existait une concentration d'importations sous-évaluées en fonction de deux critères : celui de la distribution et celui de la densité. Pour le première critère, il a renvoyé aux affaires des portes d'entrée de véhicules de plaisance et de l'équipement pour engrais, où entre 75 et 100 p. 100 des importations sous-évaluées étaient vendues sur le marché régional. Il a fait valoir que, dans l'affaire des portes d'entrée de véhicules de plaisance, le TCI avait également tenu compte de la part des importations sous-évaluées sur le marché. Le TCI avait conclu qu'elles comptaient pour un tiers du marché, mais que leur part dépassait celle du producteur national.

L'avocat a fait remarquer que, depuis les conclusions, les importateurs avaient payé la valeur normale aux exportateurs. Ainsi, il n'existait que des quantités minimes de marchandises sous-évaluées. Par conséquent, il ne serait pas possible de déterminer la concentration en se fondant sur cette méthode. Après avoir formulé cette observation, l'avocat a déclaré qu'avant les conclusions et après ces dernières, un pourcentage relativement peu élevé d'oignons jaunes exportés des États-Unis vers le Canada était destiné au marché de la Colombie-Britannique et qu'il ne semblait pas que cette province ait été ciblée ni catégorisée comme marché distinct.

L'avocat a prétendu que les importations sous-évaluées en provenance des États-Unis ne causeraient pas de préjudice à toute ou à presque toute l'industrie de la Colombie-Britannique. Il a cité des éléments de preuve qui montrent que les producteurs ayant une grande superficie et des taux de rendement beaucoup plus élevés que la moyenne de l'industrie faisaient de bonnes affaires et ne subiraient pas de préjudice.

Une reprise du dumping ne serait pas une cause de préjudice sensible aux producteurs de la Colombie-Britannique. Leurs problèmes financiers étaient attribuables à la petite superficie que la plupart des producteurs de la Colombie-Britannique consacrent à la culture. Pour cette raison, leurs taux de rendement sont modestes et leurs chiffres d'affaires, peu élevés. Les petits producteurs ne peuvent pas réaliser les économies d'échelle que réalisent les grands producteurs de la Colombie-Britannique ou ceux des États-Unis. L'avocat a ajouté qu'en dépit des conclusions et d'un marché en évolution, l'industrie de la Colombie-Britannique n'avait pas augmenté sa part du marché ni amélioré considérablement son chiffre d'affaires. Il a soutenu que, malgré des conclusions de préjudice, le nombre d'acres consacrés à la culture était demeuré le même et que, en raison du système de quotas de livraison instauré par la BCVMC, de petits producteurs inefficaces avaient continué d'exploiter leur entreprise. L'avocat a présenté le témoignage d'un témoin comme preuve que le système pouvait entraîner la perte de ventes pour l'industrie de la Colombie-Britannique, car il pourrait empêcher les producteurs cultivant des oignons de grande qualité de faire des livraisons. Il a poursuivi en déclarant que les droits antidumping ne devaient pas être maintenus afin de protéger une industrie inefficace.

L'avocat a également soulevé la question de la qualité, non pas pour prétendre que les oignons jaunes des États-Unis ne constituaient pas des marchandises similaires, mais pour faire valoir que les produits américains étaient plus fermes et plus brillants, et cultivés dans des conditions supérieures. Ces éléments, a-t-il ajouté, étaient devenus des facteurs influant sur les décisions d'achat prises par les détaillants. En d'autres termes, en présence d'un prix plancher, les oignons jaunes américains occupaient une place plus grande sur le marché parce qu'à prix égal, ils étaient de meilleure qualité que ceux de la Colombie-Britannique.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

La production d'oignons jaunes en Colombie-Britannique a augmenté l'année suivant les conclusions, s'est stabilisée pendant deux années et a chuté de 15 p. 100 pendant la campagne agricole de 1990-1991. La production annuelle moyenne des quatre années qui ont suivi les conclusions a été de beaucoup inférieure à celle des quatre années qui les ont précédées. Le nombre d'acres cultivés a très peu changé; les changements des niveaux de production ont surtout été le fait des fluctuations des taux de rendement.

En 1990-1991, 31 millions de livres d'oignons jaunes ont été vendues sur le marché de la Colombie-Britannique. Pendant la période visée par les conclusions, ce chiffre est passé à 32,7 millions de livres, ce qui dépasse de beaucoup le chiffre réalisé pour les quatre années qui ont précédé les conclusions. Les ventes et la part du marché des producteurs d'oignons de la Colombie-Britannique ont été moins grandes pour les quatre années qui ont suivi les conclusions qu'elles ne l'ont été pour la période qui a précédé les conclusions.

En dépit des conclusions de préjudice, les importations des États-Unis, surtout celles des états de l'ouest, ont augmenté considérablement pendant les campagnes agricoles de 1987-1988 à 1990-1991. Les importations américaines totales sont passées de 9,9 millions de livres en 1986-1987 à 20,3 millions de livres en 1988-1989. Elles sont demeurées élevées pour les deux années qui ont suivi, se situant en moyenne à plus de 19 millions de livres. Leur part du marché est passée de 45 p. 100 en 1986-1987 à 63 p. 100 en 1990-1991.

Pendant les sept mois et demi que dure la saison des oignons jaunes en Colombie-Britannique, les producteurs approvisionnent plus de la moitié du marché de la province et les états de l'ouest, surtout ceux de Washington et de l'Oregon, ce qui reste du marché. Le reste de l'année, d'autres états, comme la Californie, et d'autres pays fournissent le marché de la province. Les autres pays n'ont pas augmenté leur part relativement petite du marché des oignons jaunes de la Colombie-Britannique pendant la période visée par les conclusions.

Dans les quatre années qui ont suivi les conclusions, les prix unitaires de vente moyens ont augmenté de façon appréciable et le chiffre d'affaires des producteurs s'est accru. Le chiffre de ventes annuelles moyen des producteurs de la Colombie-Britannique pendant la période visée par les conclusions s'est situé à 1,9 million de dollars. Le prix des oignons jaunes a suivi une certaine tendance. En effet, lorsque les prix pratiqués aux États-Unis étaient inférieurs à la valeur normale, les prix des oignons jaunes en Colombie-Britannique correspondaient à la valeur normale plus les droits de douane, les frais de transport et le taux de change en devises canadiennes. Les rares fois où les prix pratiqués aux États-Unis ont été supérieurs à la valeur normale, les prix pratiqués dans la province ont suivi la tendance à la hausse des prix américains. De fait, il est ressorti des témoignages et des éléments de preuve que les prix pratiqués aux États-Unis étaient habituellement inférieurs à la valeur normale. La valeur normale est devenue le prix plancher, car les producteurs d'oignons jaunes de la Colombie-Britannique n'ont pas cherché à augmenter leur part du marché en fixant un prix inférieur à la valeur normale. Les producteurs de la Colombie-Britannique ont vendu toute leur production soit au même prix que les importations américaines, soit à un prix légèrement supérieur.

Les industries de la Colombie-Britannique et du Canada

La consommation totale canadienne d'oignons jaunes s'est située en moyenne à 217 millions de livres dans la période de cinq années qui s'est terminée en 1990. La production canadienne a chuté pendant cette période, et la part du marché canadien des producteurs canadiens d'oignons jaunes est passée de 60 à 53 p. 100. Les États-Unis représentent le plus grand exportateur sur le marché canadien. Une grande part des exportations américaines vers le Canada proviennent des états de l'ouest. Les importations américaines ont augmenté entre 1986 et 1989; elles ont compté pour une part de plus en plus grande du marché canadien, passant de 38 à 51 p. 100. Malgré une baisse de la part du marché en 1990, les importations américaines ont représenté 43 p. 100 du marché canadien.

La Colombie-Britannique a compté pour 14 p. 100 du marché canadien des oignons jaunes en 1990, soit une hausse par rapport aux 10 p. 100 enregistrés en 1986. Les déchargements d'oignons jaunes américains au Canada ont augmenté de 11,8 millions de livres entre 1986 et 1990, desquels 8,5 millions, ou 72 p. 100, ont été écoulés sur le marché de la Colombie-Britannique. Les exportations américaines d'oignons jaunes en Colombie-Britannique, en pourcentage des exportations totales au Canada, sont passées de 15,3 p. 100 en 1986 à 22,5 p. 100 en 1990.

L'augmentation considérable de la consommation en Colombie-Britannique est attribuable aux effets combinés de deux facteurs. Le premier est l'augmentation de la consommation d'oignons jaunes par habitant dans la province par rapport aux autres provinces consommatrices. La consommation combinée d'oignons jaunes par habitant pour l'Alberta, l'Ontario et le Québec est passée de 17,0 lb en 1986 à 15,6 lb en 1990 alors qu'en Colombie-Britannique, elle est passée de 15,5 lb à 19,6 lb. Le deuxième est que la croissance de la population en Colombie-Britannique a été plus rapide qu'ailleurs au Canada.

L'industrie américaine

La production d'oignons jaunes aux États-Unis est passée de 41,6 millions de quintaux en 1982 à 53,6 millions de quintaux en 1990. Cette tendance s'est principalement manifestée dans les états de l'ouest qui exportent des oignons jaunes en Colombie-Britannique (notamment Washington, Oregon, Californie et Idaho). Pour la période de quatre ans se terminant en 1990, la production de ces états s'est élevée en moyenne à 27,9 millions de quintaux, soit une augmentation de 20 p. 100 par rapport aux cinq années précédentes. Les exportations vers la Colombie-Britannique et les autres provinces canadiennes en provenance de ces états constituent un petit pourcentage de leur production combinée.

La production plus élevée réalisée aux États-Unis a été le fait de l'accroissement à la fois de la superficie des cultures et des taux de rendement plus élevés. Il en est surtout ainsi dans les états de l'ouest, qui ont augmenté considérablement leur superficie de culture pendant la période de quatre ans se terminant en 1990. Ces quatre états ont également enregistré une augmentation des taux de rendement. De plus, les taux de rendement moyens ont été considérablement plus élevés que ceux des autres secteurs de culture aux États-Unis et en Colombie-Britannique.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Lorsqu'il détermine si des conclusions doivent être prorogées, le Tribunal doit décider si une reprise du dumping est probable et, dans l'affirmative, si le préjudice sensible est probable. Il doit également répondre, en l'espèce, à la question formulée par l'avocat de l'importateur concernant le préjudice causé à l'industrie régionale. Pour ce faire, le Tribunal fait remarquer que le paragraphe 1 ii) du Code prévoit une analyse en deux parties.

Premièrement, les producteurs d'un marché géographique précis peuvent être considérés comme une industrie régionale :

1) lorsqu'ils vendent toute ou presque toute leur production de la marchandise sur ce marché; et

2) lorsque la demande du marché régional n'est pas, dans une large mesure, fournie par des producteurs situés à l'extérieur de ce marché.

Deuxièmement, en présence d'une industrie régionale, il peut exister un préjudice seulement si les importations sous-évaluées : (i) sont concentrées dans le marché isolé; et (ii) causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production sur ce marché.

Le Tribunal fait remarquer que, en l'espèce, l'avocat de l'importateur n'a pas remis en question l'existence d'une industrie régionale distincte. Le Tribunal a entendu des éléments de preuve que 99 p. 100 de la production de la Colombie-Britannique étaient vendus dans cette province et que, d'après les rapports de déchargements d'Agriculture Canada, très peu de produits provenaient des autres provinces. Par conséquent, il continue d'être satisfait à ces deux conditions. De fait, le commerce de la Colombie-Britannique avec le reste du Canada a diminué pendant la période visée par les conclusions. Les autres provinces du Canada n'ont presque pas expédié d'oignons jaunes vers la Colombie-Britannique et les ventes de cette dernière aux autres provinces sont passées de 10 p. 100 en 1986-1987 à presque rien en 1991-1992.

Les deux autres critères énoncés dans le Code visent la question de savoir si l'industrie des oignons en Colombie-Britannique pourrait subir un préjudice. Le premier, qui est appelé le critère de la concentration, porte qu'une concentration d'«importations sous-évaluées» doit exister sur le marché régional. Le Tribunal, dans le cadre d'un réexamen comme celui-ci, est confronté à une situation où très peu de dumping, pour ne pas dire aucun dumping, est survenu pendant la période visée par les conclusions. L'avocat de l'importateur a prétendu qu'en pareil cas, il manque une condition requise pour que le Tribunal puisse déterminer qu'un préjudice est causé à la production en Colombie-Britannique. Même s'il comprend très bien ces préoccupations, le Tribunal ne peut être d'accord.

Un réexamen porte non pas sur les événements passés, mais sur ceux qui pourraient vraisemblablement se produire dans l'avenir. En raison de la nature des mesures antidumping, il serait surprenant de s'attendre à ce qu'une quelconque quantité de marchandises sous-évaluées entre sur le marché pendant la période visée par les conclusions. Le législateur, lorsqu'il a prévu le recours que constituent les réexamens, n'a pas établi de distinction entre les affaires visant les marchés régionaux et celles visant d'autres situations, car toutes ces affaires ont trait à des événements futurs et non à des événements passés. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'une décision relative à la probabilité de préjudice contre la production canadienne dans un marché régional doit être fondée sur un jugement éclairé quant aux événements susceptibles de se produire dans ce marché advenant l'annulation des conclusions, ce qui comprend la probabilité d'une concentration d'importations sous-évaluées dans ce marché.

Avant d'aborder la question de la concentration, le Tribunal s'est penché sur la probabilité de la reprise du dumping. Il est ressorti clairement des éléments de preuve présentés au Tribunal que cette question est principalement liée au prix que fixeraient les États-Unis pour les oignons jaunes exportés vers la Colombie-Britannique si les conclusions étaient annulées. Pour se faire une idée des prix qui seraient vraisemblablement pratiqués en Colombie-Britannique en l'absence de conclusions, le Tribunal a examiné l'évolution de l'industrie et du marché des oignons aux États-Unis au cours des 10 dernières années. La superficie de culture et les taux de rendement des producteurs d'oignons jaunes aux États-Unis ont tous deux augmenté pendant la période visée par les conclusions de préjudice. C'est surtout ce qui s'est produit dans les quatre états qui exportent le plus vers la Colombie-Britannique. À moins d'une récolte désastreuse, rien ne laisse supposer la probabilité d'une baisse imminente des niveaux de production ni des changements d'importance aux facteurs influant les niveaux de prix pratiqués aux États-Unis. De plus, certains témoins ont démontré que les producteurs d'oignons aux États-Unis prévoyaient maintenir et même, dans certains états, augmenter la superficie de culture d'oignons en 1992. Rien ne laisse croire que les niveaux généraux de prix des oignons connus aux États-Unis ces dernières années augmenteront vraisemblablement de manière considérable à l'avenir.

Selon les preuves dont a été saisi le Tribunal, les prix pratiqués aux États-Unis ont été, sauf à de rares exceptions, inférieurs à la valeur normale depuis le début de la période visée par les conclusions. De très nombreux éléments de preuve ont également été présentés au Tribunal concernant l'incidence des excédents aux États-Unis sur le prix des oignons sur les marchés canadien et américain. Selon certains témoins, il existe une relation inverse entre l'offre et les prix pratiqués sur les marchés à un moment donné. Il ne s'agit pas de caractéristiques propres aux oignons; c'est ce qui se produit en général à l'égard de presque toutes les marchandises périssables.

Par suite de ces forces du marché, il y a de nombreuses et, à l'occasion, d'importantes fluctuations du prix de vente de ces marchandises sur le marché national. Dans le cas des oignons jaunes et d'autres produits similaires, Revenu Canada, en conformité avec la loi canadienne et le Code, s'est servi de modèles du coût de production pour déterminer les valeurs normales. Les valeurs normales établies de la sorte sont souvent supérieures aux prix nationaux des exportateurs et, de fait, elles deviennent les prix planchers pour la période pendant laquelle elles sont en vigueur.

Le Tribunal estime qu'il convient de formuler deux observations sur cette situation. Dans un premier temps, le dumping existera toujours lorsque les forces du marché du pays exportateur dictent des prix inférieurs aux prix planchers (soit les valeurs normales), et ceci est susceptible de se produire à de nombreuses reprises pendant la période de commercialisation d'une marchandise périssable. Selon les éléments de preuve présentés au Tribunal, ce comportement commercial s'applique également aux oignons. Dans un deuxième temps, en pareilles circonstances, le Tribunal ne peut que conclure que le dumping pourrait reprendre advenant l'annulation des conclusions. En raison de la situation de production et de détermination des prix aux États-Unis et en l'absence de preuves du contraire, le Tribunal prévoit que les prix des États-Unis seront, dans de nombreux cas, inférieurs aux valeurs normales fixées par Revenu Canada. Le Tribunal estime donc qu'il est probable que le dumping reprenne si les conclusions sont annulées.

Pour déterminer la probabilité d'une concentration des importations sous-évaluées sur le marché de la Colombie-Britannique, le Tribunal a considéré la distribution des importations en question dans le contexte de la consommation des marchandises en question dans cette province par rapport à celle du marché canadien. Pour ce faire, il a consulté les rapports de déchargements d'Agriculture Canada, qui renferment les tendances en matière de livraisons d'oignons jaunes pour les régions du Canada. Il s'est également penché sur des éléments de preuve relatifs à l'évolution démographique au Canada. Ces données peuvent servir à titre d'indication des tendances probables en matière de commerce et de consommation advenant l'annulation des conclusions. La consommation d'oignons jaunes a connu une croissance beaucoup plus forte en Colombie-Britannique qu'ailleurs au Canada. Sa part du marché canadien est en effet passée de 10 p. 100 en 1986 à 14 p. 100 en 1990. Les niveaux supérieurs de consommation d'oignons jaunes en Colombie-Britannique sont attribuables aux effets combinés de la croissance de la consommation par habitant et de la population, qui a été supérieure à celle des autres régions du Canada. Les importations des États-Unis ont principalement compensé cette augmentation de la consommation, car la production en Colombie-Britannique a diminué pendant la période visée par les conclusions. Les exportations des États-Unis vers le Canada se sont accrues pendant la période du réexamen; plus de 70 p. 100 de cet accroissement étant réalisé en Colombie-Britannique. La part de ces exportations revenant à la Colombie-Britannique, en pourcentage des exportations totales canadiennes, est passée de 15,3 p. 100 en 1986 à 22,5 p. 100 en 1990. Cette augmentation des importations a donné lieu à une hausse appréciable de la consommation par habitant d'oignons jaunes des États-Unis. Le Tribunal a déjà conclu à la probabilité de reprise du dumping advenant l'annulation des conclusions. Compte tenu du niveau élevé des importations américaines en Colombie-Britannique et des événements récents qui laissent croire que cette tendance se maintiendra vraisemblablement, le Tribunal conclut à la probabilité de concentration des importations sous-évaluées en Colombie-Britannique advenant l'annulation des conclusions.

En ce qui a trait à l'exigence du paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code stipulant que le préjudice doit être causé aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production du marché régional, l'importateur a fait valoir que seuls les producteurs les moins efficaces subiraient un préjudice et que les gros producteurs ne subiraient pas de préjudice sensible du fait de la reprise du dumping par les États-Unis. Le Tribunal est d'avis que l'ampleur de la réduction des prix qui surviendrait advenant l'annulation des conclusions causerait un préjudice sensible à la production de l'industrie d'oignons jaunes de la Colombie-Britannique.

Les avocats de l'industrie ont prétendu qu'en dépit de l'amélioration du rendement financier pendant la période visée par les conclusions, l'industrie demeurait vulnérable. L'annulation des conclusions entraînerait la fin de la production d'oignons en Colombie-Britannique. Pour appuyer cet argument, l'industrie a renvoyé à son modèle des coûts, tel qu'il figure dans le rapport préalable à l'audience, modèle qu'elle a modifié pendant l'audience. À son avis, ce modèle et les renseignements qui ont été fournis dans le rapport du personnel montrent que l'industrie a connu un meilleur rendement financier pendant la période visée par les conclusions, mais que cette amélioration n'avait pas suffi à financer de nouveaux investissements.

L'avocat de l'importateur a indiqué au Tribunal que le rendement de l'industrie de la Colombie-Britannique pendant la période visée par les conclusions montrait que les problèmes de cette industrie étaient imputables à d'autres facteurs. Les effets de ces autres facteurs seraient considérablement supérieurs à ceux d'une reprise du dumping des oignons en Colombie-Britannique.

Le Tribunal convient que d'autres facteurs ont eu une incidence sur le rendement de l'industrie et qu'ils continueraient d'influer sur le rendement de celle-ci advenant l'annulation des conclusions. L'industrie des oignons en Colombie-Britannique est presque entièrement constituée de petites entreprises agricoles. La superficie moyenne de culture est petite et les taux de rendement moyens sont inférieurs à ceux des États-Unis. De plus, le Tribunal ne peut nier la possibilité que d'autres facteurs comme les conditions du sol et le climat puissent placer certains producteurs de la Colombie-Britannique en situation défavorable sur le plan de la concurrence. On aurait pu s'attendre à ce que les producteurs profitent des conclusions pour augmenter la production et accaparer une part croissante du marché toujours plus grande des oignons jaunes dans la province. Dans un pareil contexte, le Tribunal ne croit pas que la prétendue dérogation aux conclusions soit un point pertinent du présent réexamen. Les producteurs ont vendu toute leur production d'oignons à des prix fondés sur la valeur normale ou à des prix supérieurs.

Bien qu'il admette que d'autres facteurs existent, le Tribunal estime que les importations sous-évaluées en Colombie-Britannique causeraient un préjudice sensible. Pour arriver à cette décision, le Tribunal a examiné les effets sur les prix qu'aurait la reprise du dumping ainsi que l'incidence financière négative qui en découlerait pour les producteurs nationaux. Les avocats de l'industrie ont recommandé au Tribunal de fonder cet examen sur un modèle des coûts intégralement répartis. Bien qu'un tel modèle puisse remplacer les renseignements réels sur les coûts lorsque de tels renseignements ne peuvent être trouvés facilement, le Tribunal estime qu'il ne constitue pas le moyen le plus approprié pour déterminer si une reprise du dumping causerait un préjudice sensible. Un des problèmes qu'éprouve le Tribunal à l'égard d'un modèle du genre a trait à la répartition des coûts fixes pour les entreprises cultivant divers produits. Un autre problème est que la structure des coûts peut varier considérablement d'une entreprise agricole à l'autre selon la taille de cette entreprise et toute une série d'autres facteurs. Par ailleurs, ces modèles ne sont pas conçus pour déterminer les bénéfices réels des entreprises agricoles particulières. Certains de ces obstacles pourraient être surmontés si les modèles fournissaient uniquement des estimations des coûts variables que subissent les agriculteurs, comme l'a fait dernièrement le Tribunal dans l'enquête sur la compétitivité de l'industrie canadienne des fruits et légumes frais et conditionnés.

Le Tribunal a donc considéré comme principaux indicateurs de préjudice les fluctuations des prix et leur incidence sur les recettes. Le prix de vente des oignons jaunes en Colombie-Britannique est fonction de l'imposition de valeurs normales. L'industrie de la Colombie-Britannique a connu des prix stables et prévisibles, car les valeurs normales sont devenues les prix planchers. Les hausses globales des recettes réalisées pendant la période visée par les conclusions sont attribuables exclusivement aux prix plus élevés, car l'industrie n'a pas augmenté la production.

Si les conclusions étaient annulées, les prix des oignons en Colombie-Britannique seraient établis en fonction de ceux du marché américain. Comme il a été indiqué précédemment, le Tribunal a conclu que, la plupart du temps, les prix américains avaient été inférieurs aux prix planchers fixés par les valeurs normales. L'annulation des conclusions entraînerait une chute des prix pour l'industrie de la Colombie-Britannique. Si l'on en croit l'évolution des prix aux États-Unis au cours des 10 dernières années, et le Tribunal estime qu'il est sage de le faire, cette baisse pourrait être appréciable. Cette chute des prix causerait un préjudice sensible sous forme d'érosion des prix et de réduction des recettes pour les producteurs d'oignons de la Colombie-Britannique, quelle que soit la structure des coûts de l'industrie ou son efficience relative.

LES CONCLUSIONS

Le Tribunal conclut que l'industrie des oignons jaunes de la Colombie-Britannique subirait vraisemblablement un préjudice sensible de la reprise du dumping advenant l'annulation des conclusions. Par conséquent, les conclusions sont prorogées, sans modification.


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Publication initiale : le 26 août 1997