POMMES DE TERRE ENTIÈRES

Réexamens (article 76)


POMMES DE TERRE ENTIÈRES À PEAU RUGUEUSE, À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE DE SEMENCE, DE CALIBRE «NON-SIZE A», ÉGALEMENT APPELÉES COURAMMENT «STRIPPERS», ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ÉTAT DE WASHINGTON (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE) ET DESTINÉES À ÊTRE UTILISÉES OU CONSOMMÉES DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE; ET POMMES DE TERRE ENTIÈRES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DESTINÉES À ÊTRE UTILISÉES OU CONSOMMÉES DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE DE SEMENCE ET À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE ENTIÈRES À PEAU RUGUEUSE DE CALIBRE «NON-SIZE A», ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ÉTAT DE WASHINGTON
Réexamen no : RR-89-010

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 14 septembre 1990

Réexamen no : RR-89-010

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 4 juin 1984 et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 18 avril 1986 concernant les :

POMMES DE TERRE ENTIÈRES À PEAU RUGUEUSE, À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE DE SEMENCE, DE CALIBRE «NON-SIZE A», ÉGALEMENT APPELÉES COURAMMENT «STRIPPERS», ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ÉTAT DE WASHINGTON (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE) ET DESTINÉES À ÊTRE UTILISÉES OU CONSOMMÉES DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE;

ET

POMMES DE TERRE ENTIÈRES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DESTINÉES À ÊTRE UTILISÉES OU CONSOMMÉES DANS LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE, À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE DE SEMENCE ET À L'EXCLUSION DES POMMES DE TERRE ENTIÈRES À PEAU RUGUEUSE DE CALIBRE «NON-SIZE A», ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ÉTAT DE WASHINGTON

O R D O N N A N C E

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a effectué, en vertu des dispositions de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, un réexamen des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 4 juin 1984 dans le cadre de l'enquête no ADT-4-84 et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 18 avril 1986 dans le cadre de l'enquête no CIT-16-85.

Conformément au paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge par la présente les conclusions susmentionnées, sans modification.

Michèle Blouin
_________________________
Michèle Blouin
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il faut proroger, avec ou sans modification, ou annuler les conclusions rendues par le Tribunal antidumping et par le Tribunal canadien des importations au sujet des marchandises susmentionnées.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) proroge les conclusions susmentionnées. À son avis, la hausse du prix des pommes de terre au cours des dernières années est en partie attribuable à la sécheresse qui a sévi dans certaines régions des États-Unis et qui a entraîné une pénurie, ainsi qu'à une forte demande de la part des conditionneurs. Le Tribunal en conclut que le retour à des conditions d'approvisionnement plus normales donnerait rapidement lieu au dumping de pommes de terre sur le marché de la Colombie-Britannique, et que ce dumping serait préjudiciable aux producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l'audience : Les 23, 24 et 26 avril 1990
Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 14 septembre 1990

Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Sidney A. Fraleigh, membre

Directeur de la recherche : M.J.W. Brazeau
Gestionnaire de la recherche : D. Poirier
Agent de soutien
pour statistiques : S. McEachern
Commis à l'enregistrement
et à la distribution : L.E. Pharand


Participants : P. John Landry et
Keith Mitchell
pour B.C. Vegetable Marketing Commission

(partie plaignante)

Témoins :

Charles Amor
Directeur général
B.C. Vegetable Marketing Commission

R.W. Gilmour
Gestionnaire des services de marketing
B.C. Coast Vegetable Co-operative Association

R.J. Alcock
Spécialiste en marketing, Horticulture
Ministry of Agriculture and Fisheries
Province de la Colombie-Britannique

George Wright
Président du conseil d'administration
B.C. Coast Vegetable Co-coperative Association
Vice-président
B.C. Vegetable Marketing Commission et Producteur de pommes de terre

Keith Maddocks
Maddocks Farms Ltd.
Producteur de pommes de terre

Randolph M. Sung
Président
Pacific Produce Co. Ltd.

Bob McKilligan
Vice-président, Exploitation
Fruits et légumes
Overwaitea Foods
A Division of Jim Pattison Industries Ltd.

Steve Thomson
Directeur général adjoint
B.C. Federation of Agriculture

James E. Harris
Président
B.C. Vegetable Marketing Commission et Producteur de pommes de terre

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Immeuble Journal Sud
20e étage
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Il s'agit d'un réexamen effectué par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI) à la suite des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping et par le Tribunal canadien des importations les 4 juin 1984 et 18 avril 1986 respectivement, au sujet des marchandises susmentionnées. Dans le cadre de son réexamen des conclusions, le Tribunal a examiné deux questions fondamentales : quelle est la probabilité que le dumping reprenne et, le cas échéant, un préjudice sensible est-il susceptible d'être causé?

En ce qui concerne la probabilité d'une reprise du dumping, le Tribunal remarque qu'il y a eu fort peu de dumping de pommes de terre des États-Unis d'Amérique en Colombie-Britannique de 1986 à la fin du mois de septembre 1989. C'est en particulier le cas pour les pommes de terre visées par les conclusions rendues par le Tribunal antidumping en 1984. Quant aux pommes de terre auxquelles se rapportaient les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations en 1986, il est à noter que le niveau de dumping a diminué de plus de 50 p. 100 en 1987, à la suite des conclusions du Tribunal canadien des importations, mais que la quantité de pommes de terre qui ont fait l'objet de dumping en 1988 a augmenté de beaucoup et a presque atteint le niveau de 1986, avant de diminuer de nouveau pendant les trois premiers trimestres de 1989. Bien que le pourcentage global des importations qui ont fait l'objet de dumping n'est pas important, il semble que ce ne sont pas tant les conclusions du Tribunal canadien des importations qui ont influé sur la tendance au dumping, mais plutôt l'état du marché américain. Le Tribunal remarque que depuis plusieurs années, le marché des pommes de terre, tant en Colombie-Britannique qu'aux États-Unis, est un marché vendeur, ceci étant attribuable à la sécheresse qui a sévi dans le Midwest, laquelle a entraîné une réduction de la production de pommes de terre dans ce pays et la hausse en flèche des prix des pommes de terre. La demande de la part des conditionneurs a également contribué à la hausse des prix. La pénurie de pommes de terre a influé sur la tendance normale au dumping qui aurait autrement pu se manifester. Le fait que le dumping ait diminué, plus particulièrement au cours de la dernière année, n'a pas l'importance qu'il pourrait normalement avoir aux yeux du Tribunal, compte tenu des raisons de cette diminution.

En ce qui concerne le préjudice sensible susceptible d'être causé, si l'on se fonde sur le coût établi de production, le rendement net du marché obtenu par les producteurs de la Colombie-Britannique a été négatif au cours de cinq des sept dernières années, un rendement positif du marché ayant été obtenu pour la dernière fois pendant la campagne agricole 1984-1985. Les données préliminaires pour 1988-1989 laissent entendre que le rendement du marché a de nouveau été négatif, bien que les résultats finals puissent montrer que, au plus, un rendement positif très minime avait été obtenu. Selon les indications, le rendement net du marché sera élevé pour la campagne agricole 1989-1990, compte tenu du prix actuel exceptionnellement élevé des pommes de terre sur le marché de la Colombie-Britannique. Les éléments de preuve laissent entendre que les producteurs de la Colombie-Britannique ne sont pas susceptibles de subir un préjudice sensible tant que l'offre continuera à être restreinte aux États-Unis, les prix à l'importation demeurant ainsi à leur niveau élevé actuel.

Le Tribunal est d'avis qu'avec le retour d'une offre et d'une demande plus normales, les prix reviendraient à leur niveau antérieur. Ceux-ci seraient probablement inférieurs aux valeurs normales et, en pareil cas, l'industrie de la Colombie-Britannique subirait un préjudice sensible.

Le Tribunal croit donc que les conclusions concernant les pommes de terre en question devraient être prorogées, sans modification.

HISTORIQUE

Il s'agit d'un réexamen, en vertu de l'article 76 de la LMSI, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping et par le Tribunal canadien des importations les 4 juin 1984 et 18 avril 1986, respectivement, au sujet des pommes de terre entières décrites comme suit :

Enquête no ADT-4-84 (le 4 juin 1984)

Pommes de terre entières à peau rugueuse, à l'exclusion des pommes de terre de semence, de calibre «non-size A», également appelées couramment «strippers», originaires ou exportées de l'État de Washington (États-Unis d'Amérique) et destinées à être utilisées ou consommées dans la province de la Colombie-Britannique;

Enquête no CIT-16-85 (le 18 avril 1986)

Pommes de terre entières, originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique et destinées à être utilisées ou consommées dans la province de la Colombie-Britannique, à l'exclusion des pommes de terre de semence et à l'exclusion des pommes de terre entières à peau rugueuse de calibre «non-size A», originaires ou exportées de l'État de Washington.

Conformément à l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a amorcé un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 22 novembre 1989. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 2 décembre 1989.

Dans le cadre du réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés à la B.C. Vegetable Marketing Commission (la Commission) ainsi qu'aux cinq coopératives de producteurs et aux agences de vente qui s'occupent de la mise en marché des pommes de terre cultivées en Colombie-Britannique. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources de renseignements, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé un rapport public, préalable à l'audience, au sujet du réexamen. En plus de leurs activités de recherche, les membres du personnel du Tribunal ont rencontré les représentants des producteurs de la Colombie-Britannique et ont visité les locaux de la B.C. Coast Vegetable Co-operative Association (la B.C. Vegetable Co-op), afin de répondre aux questions relatives aux questionnaires. Ils ont également organisé une rencontre avec un représentant du Ministry of Fisheries and Agriculture de la province pour obtenir d'autres renseignements. Les trois membres du Tribunal ont eux aussi visité les locaux de la B.C. Vegetable Co-op avant de tenir une audience à Vancouver. Tous les documents pertinents, et notamment les conclusions initiales, l'Avis de réexamen, ainsi que les sections publiques et confidentielles-protégées des réponses données aux questionnaires ont été versés au dossier. Tous les documents publics ont été mis à la disposition des parties intéressées, tandis que les documents protégés n'ont été transmis qu'aux avocats indépendants.

Des séances publiques ont été tenues à Vancouver (Colombie-Britannique) les 23, 24 et 26 avril 1990.

La Commission, au nom des producteurs et agences de vente de la province, était représentée à l'audience par des avocats; elle a aussi soumis des éléments de preuve et présenté des arguments à l'appui de la prorogation des conclusions.

Deux importateurs de pommes de terre des États-Unis ont été assignés par le Tribunal : Overwaitea Foods, A Division of Jim Pattison Industries Ltd., qui est un important détaillant de produits alimentaires de la Colombie-Britannique, et Pacific Produce Co. Ltd., un important grossiste de fruits et légumes.

Aucun importateur ni aucun exportateur n'a comparu officiellement ou n'a présenté d'observations au Tribunal relativement au présent réexamen; aucun, également, n'a pris position quant à l'orientation des conclusions que le Tribunal était appelé à rendre.

LE PRODUIT

Les marchandises faisant l'objet du réexamen sont des pommes de terre entières originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique.

Le tubercule des pommes de terre est l'excroissance d'une tige souterraine qui emmagasine les hydrates de carbone ne servant pas à la croissance du plant de pommes de terre. Les pommes de terre peuvent être de grosseurs, de formes et de couleurs de peau ou de chair très variées. Selon la variété, la période de croissance du plant, de l'ensemencement à la récolte, nécessite entre 80 et 150 jours.

Les pommes de terre entières produites au Canada sont généralement classées dans l'une des quatre catégories suivantes : les pommes de terre blanches rondes, les pommes de terre à peau rugueuse, les pommes de terre rouges rondes ou les pommes de terre blanches longues. En outre, il existe plusieurs autres variétés de pommes de terre qui sont produites en petites quantités. Les pommes de terre à peau rugueuse représentent plus de 60 p. 100 de la production de la Colombie-Britannique.

La grande majorité des pommes de terre sont vendues pour consommation immédiate en Colombie-Britannique. Il ne s'effectue que très peu de conditionnement de pommes de terre dans cette province, bien que les ventes à cette fin aient augmenté de beaucoup au cours des dernières années. Les pommes de terre peuvent être bouillies, frites, pilées, transformées en croustilles tranchées ou cuites au four selon la variété et la préférence des consommateurs.

Le calibre représenté par chaque catégorie donnée et l'uniformité du calibre sont des facteurs importants pour ce qui est des ventes pour la consommation immédiate de pommes de terre (de consommation). Les pommes de terre de calibre plus gros vendues pour la consommation sont achetées principalement par les restaurants, par les hôtels ou par d'autres établissements.

En ce qui concerne les normes canadiennes relatives aux pommes de terre, il existe quatre «catégories» qui désignent des classes établies en combinant deux normes de qualité (permettant d'évaluer les défauts du produit) et trois calibres spécifiques. Les pommes de terre qui n'appartiennent pas aux catégories no 1 et no 2 sont appelées des «écarts de triage» et sont habituellement vendues comme nourriture pour les animaux ou en vue du conditionnement.

Il n'y a pas de différence entre les pommes de terre cultivées dans les diverses régions des États-Unis ou dans les autres provinces canadiennes; dans une plus ou moins grande mesure, toutes les différentes variétés sont cultivées dans toutes les régions. Les pommes de terre produites localement sont vendues en paquets allant du sac de polyéthylène de 5 livres au sac en toile de 100 livres. Ces emballages contiennent des pommes de terre de calibres variés appartenant à la catégorie Canada no 1 ou no 2. La plupart des pommes de terre importées sont offertes dans des emballages semblables à ceux que l'on retrouve sur le marché local. Toutefois, en vertu de la Loi sur les normes des produits agricoles du Canada, seules les pommes de terre répondant à la norme Canada no 1 (c'est-à-dire, ayant un diamètre minimum de 1½ po) peuvent être importées.

L'INDUSTRIE

À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique compte environ 180 producteurs de pommes de terre regroupés dans trois régions, soit le Lower Mainland, l'île de Vancouver et le Nord. Chacune de ces régions est représentée par une coopérative de producteurs ou par une agence de vente. La B.C. Vegetable Co-op et l'Interior Vegetable Marketing Agency Cooperative représentent le Lower Mainland et le Nord, respectivement. L'Island Co-operative Association, située à Victoria, et la Port Potato Company, à Port Alberni, ont représenté les producteurs de l'île de Vancouver pendant toute la durée du réexamen. En juin 1988, la Commission a désigné la Vancouver Island Produce pour représenter les producteurs du nord de l'île de Vancouver. Cette région était auparavant représentée par l'Island Co-operative Association, mais la plupart des pommes de terre de l'île de Vancouver sont cultivées dans le Nord. Chacune de ces agences ainsi que les 180 producteurs sont représentés par la Commission, qui sert d'organisme de coordination.

La Commission est composée uniquement d'agriculteurs provenant de tous les coins de la province et élu pour s'occuper des questions qui les touchent et pour rendre des comptes au B.C. Marketing Board, organisme provincial représentant des secteurs variés.

Le B.C. Vegetable Scheme (le régime), promulgué par le décret provincial du 20 mars 1980, en vertu de la Natural Products Marketing (B.C.) Act, a créé la Commission, qui jouit des pouvoirs requis pour promouvoir, contrôler et réglementer la production, le transport, l'emballage, l'entreposage et la mise en marché des légumes, y compris les pommes de terre, cultivés en Colombie-Britannique. La Commission administre le régime et délègue certains de ses pouvoirs aux cinq organismes agissant à titre d'agence de vente pour les producteurs de pommes de terre de sa région. On attribue à chaque producteur un quota de vente calculé selon la moyenne quinquennale des expéditions de pommes de terre de ce producteur. Un producteur peut excéder son quota, mais le surplus ne peut être accepté par la coopérative que lorsque tous les autres producteurs ont livré la quantité de produits correspondant à leur quota. Conformément au régime, le produit est ensuite acheminé à son marché ultime par l'entremise de l'agence de vente appropriée. La Commission et les coopératives ne peuvent contrôler les prix et les quotas que dans le cas de la production provinciale; les produits importés échappent à leur contrôle, c'est-à-dire, que les importations des États-Unis d'Amérique et des autres provinces peuvent entrer en Colombie-Britannique, quels que soient la quantité ou le prix, à la condition que les normes fédérales et provinciales soient respectées le cas échéant.

Les agriculteurs possèdent et exploitent la coopérative. Dans la plupart des cas, la coopérative se charge pour tous ses membres de la réception, du lavage, de la catégorisation, de l'emballage, de la promotion et de la mise en marché des pommes de terre, en ayant recours à un système fondé sur un seul point de vente. Elle peut également traiter d'autres produits tels les betteraves, le chou, les carottes, les oignons, le panais et le rutabaga. La coopérative est le prolongement du comptoir de la ferme, permettant à l'agriculteur de minimiser les coûts de mise en marché en partageant des installations communes.

L'objectif de la coopérative est d'assurer une source stable d'approvisionnement aux commerçants, et ce, à longueur d'année. La livraison quotidienne des produits, la plupart du temps sous une forme préemballée, épargne au grossiste les immobilisations importantes que nécessiteraient le maintien d'espace d'entreposage et de matériel d'emballage, élimine la nécessité de commander à l'avance un produit et de le garder sur les lieux pendant plusieurs jours, et lui fait bénéficier des économies relatives au mode d'achat simplifié à partir d'un seul point de vente.

Les coopératives ne maintiennent pas de stocks importants de pommes de terre. Elles commandent chaque jour les pommes de terre dont elles ont besoin de producteurs membres inscrits sur une liste, lesquels se chargent eux-mêmes de l'entreposage du produit. Des listes de prix à l'intention des grossistes sont publiées très fréquemment (parfois chaque semaine); les prix indiqués sont généralement respectés. Habituellement, aucun rabais n'est accordé.

Les principaux clients sont les chaînes de supermarchés telles que les magasins Safeway, Overwaitea, Supervalue et Woodward's, les grossistes, les institutions et les restaurants.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1984

Le 4 juin 1984, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping des pommes de terre en question de calibre «non-size A», également appelées «strippers», de l'État de Washington, avait causé, aurait causé, n'eût été du fait que des droits provisoires aient été appliqués, et était susceptible de causer un préjudice sensible, mais que le dumping des pommes de terre de calibres autres que «non-size A» de l'État de Washington et des pommes de terre entières à peau rugueuse d'autres États que l'État de Washington n'avait pas causé, ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible aux producteurs de marchandises semblables de la Colombie-Britannique.

La partie plaignante, à savoir la Commission, a allégué que le dumping des pommes de terre à peau rugueuse des États-Unis d'Amérique en Colombie-Britannique a causé un préjudice sensible qui a pris la forme d'une perte de la part du marché, d'une érosion des prix et d'une diminution des bénéfices réalisés par les producteurs pendant les campagnes agricoles 1982 et 1983.

Étant donné que la Colombie-Britannique est située à proximité d'un gros État producteur de pommes de terre, les prix dans cette province sont le reflet des prix du marché de l'État de Washington. Les témoignages des témoins de l'industrie ont confirmé que les coopératives de la Colombie-Britannique établissent le prix de leur produit en fonction du prix au débarquement à Vancouver du produit concurrent de l'État de Washington. Le cours d'ouverture sur le marché local pour la campagne agricole 1982-1983 était de beaucoup inférieur à celui des deux années précédentes, conséquence directe de la diminution du prix à l'importation cette année-là. Le Tribunal antidumping a reconnu que la diminution du prix sur le marché local était en partie attribuable à la réduction des prix constatée dans l'État de Washington lors de la récolte de 1982-1983, réduction qui était attribuable aux récoltes abondantes dans cet État et dans les États voisins. Toutefois, les importations de pommes de terre à peau rugueuse de l'État de Washington sont demeurées à un niveau élevé et leur prix est demeuré inférieur à ceux des années antérieures. Dans la mesure où il a été constaté que ces importations étaient sous-évaluées, elles ont eu pour effet de faire diminuer encore davantage le prix local du produit.

Le Tribunal antidumping a fait remarquer que les allégations de préjudice sensible subi par l'industrie des pommes de terre de la Colombie-Britannique visaient essentiellement les produits importés de l'État de Washington. Le Tribunal antidumping n'était pas convaincu que le préjudice subi par l'industrie était attribuable aux produits importés d'autres États que l'État de Washington. Les prix au débarquement des produits importés d'États tels que la Californie, l'Oregon et l'Idaho étaient généralement supérieurs à ceux des pommes de terre à peau rugueuse de l'État de Washington et de la Colombie-Britannique. Le Tribunal antidumping a également constaté que les observations de la partie plaignante ne traitaient pratiquement pas des produits importés d'États autres que l'État de Washington. Par conséquent, le Tribunal antidumping était d'avis que les pommes de terre à peau rugueuse expédiées d'États autres que l'État de Washington n'avaient pas contribué au préjudice subi par les producteurs de la Colombie-Britannique.

Selon les données financières fournies par les producteurs importants, en ce qui a trait aux ventes des marchandises en question, un bénéfice a été réalisé pendant l'exercice financier 1980-1981, des pertes peu importantes ont été subies en 1981-1982 et des pertes élevées ont été subies en 1982-1983. Le Tribunal antidumping était également convaincu que les importations de pommes de terre à peau rugueuse de l'État de Washington auraient continué d'avoir un effet dépressif pendant la campagne agricole 1983-1984 si le sous-ministre n'avait pas fait enquête et s'il n'avait pas imposé des droits antidumping provisoires.

Le Tribunal antidumping a donc conclu que le dumping des pommes de terre entières à peau rugueuse de l'État de Washington avait causé et aurait causé un préjudice sensible aux producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique n'eût été du fait que des droits provisoires aient été appliqués. On était apparemment d'avis, étant donné la quantité de pommes de terre cultivées dans l'État de Washington, que les producteurs de la Colombie-Britannique continueraient à subir, dans un avenir prévisible, un préjudice tel que décrit plus haut. Selon les estimations, les ensemencements avaient augmenté en 1984-1985 et, si ce n'avait été des conditions climatiques imprévues, la Colombie-Britannique aurait fort probablement fait l'objet d'un dumping aussi préjudiciable que celui qui avait été signalé en 1982-1983. Le Tribunal antidumping a donc conclu que le dumping des pommes de terre à peau rugueuse de l'État de Washington était susceptible de causer un préjudice sensible aux producteurs de pommes de terre à peau rugueuse de la Colombie-Britannique.

Il a été conclu que les pommes de terre «non-size A» représentaient environ 87 p. 100 des importations totales visées par l'enquête de Revenu Canada. Le Tribunal antidumping a donc conclu que le dumping des pommes de terre entières à peau rugueuse de calibre «non-size A» de l'État de Washington avait causé, aurait causé et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires de la Colombie-Britannique.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1986

Le 18 avril 1986, le Tribunal canadien des importations a conclu que le dumping au Canada des pommes de terre entières des États-Unis d'Amérique destinées à être utilisées ou consommées en Colombie-Britannique, à l'exclusion des pommes de terre de semence et des pommes de terre entières à peau rugueuse de calibre «non-size A», originaires ou exportées de l'État de Washington, avait causé, aurait causé, n'eût été du fait que des droits provisoires aient été appliqués, et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

La partie plaignante, à savoir la Commission, a allégué que le dumping des pommes de terre entières des États-Unis d'Amérique en Colombie-Britannique avait causé un préjudice sensible, qui a pris la forme d'une érosion des prix, d'une perte de la part du marché et d'une perte complète de bénéfices pour les producteurs pendant la campagne agricole 1985-1986, jusqu'à ce que le sous-ministre rende une décision provisoire de dumping.

Il a de plus été allégué que le dumping des pommes de terre en question aurait également causé un préjudice sensible au cours de la période temporaire n'eût été de l'imposition de droits provisoires. En outre, il a été affirmé que le dumping était susceptible de causer un préjudice aux producteurs de la Colombie-Britannique, lequel se manifesterait par une érosion du prix des pommes de terre à un point tel que le rendement net serait inférieur au coût de la production. Les avocats représentant l'industrie ont également souligné qu'il y avait eu dumping en Colombie-Britannique au cours de trois des quatre dernières années et que l'on pouvait s'attendre à ce que les exportateurs américains se tournent vers la Colombie-Britannique pour écouler leurs produits à des prix inférieurs à leurs propres coûts de production.

Le Tribunal canadien des importations a fait remarquer que le prix des pommes de terre de la Colombie-Britannique dépendait entièrement du prix au débarquement à Vancouver du produit concurrent américain, tandis que les prix intérieurs américains étaient principalement fonction de la production nationale annuelle et qu'ils dépendaient des forces du libre marché. Il a ajouté que la récolte record enregistrée aux États-Unis en 1985 avait non seulement entraîné un «effondrement total» du prix intérieur des pommes de terre sur le marché américain, mais avait également eu des répercussions négatives sur les producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique. Selon les éléments de preuve, au début de 1985, le surensemencement et la surproduction dans les régions à plantation hâtive ainsi que les stocks existants de pommes de terre ont été la cause de la détérioration des prix qui était devenue évidente dès le début de juin 1985.

La B.C. Vegetable Co-op avait remis aux producteurs un bénéfice net de 13,84 $ le quintal sur les pommes de terre rouges rondes, une variété hâtive, en août 1984. Ce montant a chuté à 6,56 $ le quintal un an plus tard et les producteurs ne récupéraient plus leurs coûts de production. Cette situation a continué à l'automne lorsque les pommes de terre à peau rugueuse «tardives», soutien principal de la production en Colombie-Britannique, ont fait leur entrée sur le marché. En septembre 1985, les pommes de terre à peau rugueuse ont rapporté aux producteurs un bénéfice net de 3,86 $ le quintal par opposition à un coût de production de 7,66 $ le quintal. Les pressions à la baisse exercées par les prix américains ont été si fortes que les producteurs de la Colombie-Britannique ont subi des pertes énormes au cours des deux premiers trimestres de la campagne agricole 1985-1986.

Le Tribunal canadien des importations n'a eu aucune difficulté à établir un lien de cause à effet entre les bas prix sous-évalués en vigueur sur le marché de la Colombie-Britannique et les fortes pertes financières subies par l'industrie de cette province. En outre, le préjudice sensible causé par le dumping des pommes de terre américaines se serait poursuivi en 1986 n'eût été du fait de l'imposition de droits provisoires. Les stocks américains étaient particulièrement importants, puisqu'en février 1986 ils étaient de 17 p. 100 plus élevés qu'un an plus tôt. Les perspectives à court terme étaient que, en l'absence de mesures antidumping, les producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique continueraient de subir un préjudice sensible en raison des importations américaines sous-évaluées.

À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal canadien des importations a conclu que le dumping au Canada de pommes de terre entières originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, à l'exclusion des pommes de terre de semence et des pommes de terre entières à peau rugueuse de calibre «non-size A», originaires ou exportées de l'État de Washington, avait causé, aurait causé, n'eût été du fait que des droits provisoires aient été appliqués, et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires de la Colombie-Britannique.

POSITION DES PARTIES

L'industrie

L'industrie a allégué que les conclusions rendues en 1986 ont eu un effet stabilisateur sur l'industrie des pommes de terre de la Colombie-Britannique. Les producteurs de cette province ont été en mesure de concurrencer les producteurs américains dont les prix étaient égaux ou supérieurs aux valeurs normales et ont réussi à accroître leur part du marché de cinq ou sept points de pourcentage depuis la campagne agricole 1985-1986.

Cette stabilité accrue avait permis à la B.C. Vegetable Co-op d'investir des capitaux dans une chaîne de triage de pommes de terre de façon à assurer un marché pour les pommes de terre vendues au calibre et à répondre aux inquiétudes manifestées par ses clients sur le plan de la mise en marché. En outre, des producteurs particuliers avaient investi des capitaux dans des entrepôts de façon à être en mesure de mettre en marché des pommes de terre de meilleure qualité pendant toute la campagne agricole.

Relativement à la question de propension au dumping, les avocats ont soutenu que les producteurs américains ont démontré, par le passé, qu'ils avaient tendance à recourir au dumping sur le marché de la Colombie-Britannique; ils ont présenté des éléments de preuve tendant à démontrer que le prix intérieur du marché américain pour les pommes de terre de calibre «non-size A» de l'État de Washington était inférieur à la valeur normale fixée par Revenu Canada, et ce, plus de 80 p. 100 du temps, depuis la campagne agricole 1982-1983.

Les avocats ont soutenu que si ce n'avait été de la protection fournie par les conclusions rendues en 1984 et en 1986, les pommes de terre américaines auraient fait l'objet de dumping en Colombie-Britannique en 1986, en 1987 et en 1988.

Les avocats ont de plus ajouté que, malgré les conclusions rendues en 1984, les pommes de terre américaines qui n'étaient pas visées par ces conclusions avaient par la suite fait l'objet de dumping en Colombie-Britannique lorsque leur prix est devenu inférieur à celui des pommes de terre auxquelles s'appliquaient les valeurs normales établies par Revenu Canada, éludant ainsi ces conclusions.

Quant à la question de la vulnérabilité, les avocats ont affirmé que les campagnes agricoles 1988-1989 et de 1989-1990 avaient été anormales et que le prix des pommes de terre, tant aux États-Unis qu'au Canada, avait atteint un niveau sans précédent. Ils ont ajouté que cette anomalie était attribuable à des catastrophes d'ordre climatique, et notamment aux terribles sécheresses qui avaient sévi dans le Midwest et qui avaient occasionné la hausse en flèche des prix.

Les avocats ont attribué la fluctuation de prix entièrement aux conditions d'approvisionnement; ils ont laissé entendre que la forte demande de pommes de terre de semence aux États-Unis permettait d'envisager la possibilité d'une augmentation des ensemencements et, par conséquent, d'une baisse de prix lors de la prochaine campagne agricole.

Aucun importateur, aucun exportateur ni aucune autre partie ne s'est opposé à la position prise par l'industrie, à savoir que les conclusions devraient être prorogées.

EXAMEN DE LA PREUVE

Le marché apparent des pommes de terre en Colombie-Britannique est demeuré relativement stable (à peu près deux millions de quintaux) pendant toute la période qui s'est écoulée entre les campagnes agricoles 1982-1983 et 1988-1989, soit la dernière campagne agricole complète pour laquelle des données sont disponibles. Les variations de la demande globale du marché sont minimes, ce qui est compréhensible, compte tenu de la nature des marchandises à l'étude. La quantité de pommes de terre vendues semble à long terme demeurer constante, et ce, quel que soit leur prix.

Entre les années 1982-1983 et 1987-1988, les producteurs de la province détenaient au moins 50 p. 100 de la part du marché. Pendant la campagne agricole 1988-1989, leur part du marché est tombée à 46 p. 100, perte qui était en bonne partie attribuable aux pluies diluviennes qui se sont abattues sur la Colombie-Britannique, de sorte que 423 acres n'ont rien produit.

Les producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique ne sont pas en mesure de satisfaire entièrement à la demande de la province. Les importations américaines jouent donc un rôle essentiel sur le marché de la Colombie-Britannique. Toutefois, étant donné leur importance, et compte tenu de l'ampleur de la production américaine de pommes de terre, en particulier dans l'État voisin de Washington, le prix des pommes de terre cultivées en Colombie-Britannique a tendance à dépendre de celui des pommes de terre importées.

Pendant presque toute la période susmentionnée, les producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique ont conservé leur part du marché simplement en se fondant sur le prix au débarquement à Vancouver des importations américaines concurrentes pour fixer le prix de leurs marchandises. Dans bien des cas, le rendement du marché était inférieur au coût calculé de production, de sorte que les producteurs avaient droit, dans le cadre du «Farm Income Insurance Program» (programme provincial d'assurance-revenu agricole) (traduction), à des prestations destinées à supplémenter le revenu qu'ils tiraient de la vente de pommes de terre sur le marché intérieur. À l'exception des campagne agricoles 1983-1984 et 1984-1985, ce n'est qu'en 1989-1990 que le rendement du marché a été supérieur au coût calculé de production utilisé en vue de l'application du programme d'assurance-revenu agricole.

Pendant la campagne agricole 1988-1989, le prix des pommes de terre américaines importées a commencé à s'élever, par suite d'une pénurie attribuable à la sécheresse qui avait sévi dans le Midwest et d'une forte demande de la part des conditionneurs américains. Ces prix ont continué à augmenter et le prix des pommes de terre en 1989-1990 a atteint ce qui a été qualifié de niveau record.

Étant donné la diminution de l'offre et la hausse du niveau des prix, les importations de pommes de terre en Colombie-Britannique excédaient généralement les valeurs normales établies par Revenu Canada. Par conséquent, les pommes de terre ont rarement fait l'objet de dumping au cours des dernières années.

Aux audiences, on a présenté des éléments de preuve montrant que les ensemencements de pommes de terre avaient augmenté aux États-Unis pendant la campagne agricole 1990-1991. La preuve était largement fondée sur une augmentation apparente de la demande de pommes de terre de semence aux États-Unis. L'industrie a affirmé qu'une augmentation même relativement minime des ensemencements et de la production pouvait avoir des conséquences énormes pour les producteurs de pommes de terre de la province. On a fait valoir que la superficie des terres nouvellement consacrées à l'ensemencement des pommes de terre aux États-Unis (soit environ 7 000 acres) en 1989-1990 par rapport à l'année antérieure correspondait à peu près à celle de toutes les terres de la Colombie-Britannique consacrées à cet ensemencement pendant la dernière campagne agricole.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il s'agit de savoir si l'annulation des conclusions entraînera la reprise du dumping et, dans l'affirmative, s'il en résultera un préjudice sensible. Pour ce faire, le Tribunal se demande dans quelle mesure il est probable que les exportateurs américains recommencent à faire du dumping et, le cas échéant, si un préjudice sensible est susceptible d'en résulter.

Probabilité d'une reprise du dumping

Depuis que les conclusions ont été rendues, l'existence de valeurs normales a permis d'établir le niveau du prix de base des pommes de terre sur le marché de la Colombie-Britannique. Toutefois, les prix des deux dernières campagnes agricoles étaient tellement élevés que les prix à l'importation ont régulièrement dépassé les valeurs normales. Il s'agit de savoir si l'état actuel du marché est de fait anormal et, dans l'affirmative, si le retour à la normale (c'est-à-dire, une production américaine plus élevée et des prix américains plus bas) fera encore une fois l'objet de dumping sur le marché de la Colombie-Britannique.

Il a été soutenu que la sécheresse qui a sévi dans le Nord-Ouest américain a eu des répercussions majeures sur le niveau de la production américaine au cours des deux dernières années. En fait, la production américaine de pommes de terre entières a diminué de 9 p. 100 pendant la campagne agricole de 1988-1989 et, bien qu'elle ait augmenté quelque peu en 1989-1990, elle était encore inférieure d'à peu près 6 p. 100 au niveau de production de 1987-1988. Il a en outre été soutenu que cette diminution de la production, à laquelle est venue s'ajouter une forte demande continuelle aux États-Unis pour des pommes de terrre conditionnées, avait favorisé la hausse des prix intérieurs américains et à l'exportation. Le prix des pommes de terre à peau rugueuse Burbank vendues «100 au calibre» dans l'État de Washington a augmenté de 7 $ US le quintal en décembre 1987 à 13 $ le quintal en décembre 1988 pour plafonner à l6 $ le quintal en décembre 1989. La valeur moyenne à l'importation des pommes de terre entières des États-Unis a augmenté de 9,67 $ CAN le quintal pour la campagne agricole 1987-1988 à 13,15 $ le quintal en 1988-1989, et 16,31 $ le quintal au cours de la première moitié de la campagne agricole 1989-1990 (c'est-à-dire, pendant la période de six mois qui a pris fin le 31 décembre 1989).

Un important grossiste de pommes de terre importées et intérieures sur le marché de la Colombie-Britannique a témoigné que le niveau des prix est exceptionnel à cause de la pénurie de pommes de terre. Il a ajouté que «l'année a tout simplement été très bonne pour les producteurs qui avaient des pommes de terre à vendre; depuis deux ans, le prix des pommes de terre est probablement le plus élevé que nous ayons connu depuis dix ans» (traduction).

Alors qu'on ignore ce à quoi ressemblera la campagne agricole à venir (1990-1991), il semblerait logique de conclure que si le niveau de la production se rapproche de la normale, les prix reviendront à leur niveau antérieur. Compte tenu de l'augmentation apparente de la demande de pommes de terre de semence, les avocats des producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique ont soutenu que l'ensemble de la preuve montre que les ensemencements de pommes de terre aux États-Unis augmenteront en 1990-1991. On a laissé entendre que même une légère augmentation du niveau de la production américaine pourrait avoir de graves conséquences pour les producteurs canadiens de pommes de terre. Selon le Fraser's Newsletter, une publication commerciale bien connue, on prévoit une augmentation de la superficie ensemencée dans l'État de Washington pour la campagne agricole de 1990-1991.

Le marché des marchandides en question de la Colombie-Britannique intéresse vivement les producteurs américains, dont la présence est par ailleurs bien établie sur ce marché. Étant donné qu'elle est située à proximité de l'État de Washington, la Colombie-Britannique est un débouché naturel pour les producteurs de pommes de terre de cet État, et ce, quel que soit le niveau de la production américaine. Les producteurs américains n'utilisent pas le marché de la Colombie-Britannique simplement pour écouler la production excédentaire; ils le considèrent plutôt comme une extension normale du marché intérieur. Ce faisant, les producteurs américains tirent parti des économies qui lui permettent de réaliser l'expédition de marchandises chez un marché voisin et à une clientèle établie avec laquelle ils ont développé de bonnes relations de travail à long terme.

Le Tribunal fait les remarques suivantes. Premièrement, à la suite de l'audience tenue en 1984 et des conclusions positives qui ont été rendues au sujet des pommes de terre à peau rugueuse «non-size A» provenant de l'État de Washington, les exportateurs américains ont pris des moyens détournés en expédiant d'autres catégories de pommes de terre, ainsi que des pommes de terre d'autres États qui n'étaient pas visés par lesdites conclusions, à un moment où le prix des pommes de terre aux États-Unis était inférieur aux valeurs normales établies. Deuxièmement, l'examen de l'historique de la production de pommes de terre et des prix de celles-ci aux États-Unis révèle que la production a des hauts et des bas et qu'il en va de même pour les prix, qui s'élèvent lorsque la production tombe et qui baissent lorsque la production augmente. Par conséquent, au fur et à mesure que la production revient à la normale, les prix diminuent à un point tel que le dumping reprendrait si ce n'était de la protection fournie par les conclusions. Selon le Tribunal, tout porte à croire que le dumping est susceptible de reprendre si les conclusions sont annulées.

Probabilité de préjudice sensible

La rentabilité de l'industrie des pommes de terre est très difficile à déterminer au moyen des méthodes d'analyse classiques. En premier lieu, compte tenu du grand nombre de producteurs, il est impossible d'examiner en détail les états financiers de chacun. De plus, de nombreux producteurs s'adonnent également à la culture d'autres légumes, ou font de l'élevage. Le fait qu'il est difficile d'identifier et d'isoler les éléments pertinents du prix de revient qui sont liés à la production agricole en général a entraîné l'élaboration de modèles économiques cherchant à établir les coûts réalistes qu'il convient d'attribuer à différents genres de produits, dont les pommes de terre.

Étant donné que le prix des pommes de terre est beaucoup plus élevé aux États-Unis (et par conséquent, en Colombie-Britannique) depuis quelques années, la situation financière des producteurs de la Colombie-Britannique s'est améliorée. Néanmoins, ce n'est probablement qu'au cours de la campagne agricole actuelle (1989-1990) que les producteurs de la Colombie-Britannique obtiendront de fait un rendement du marché suffisamment élevé pour égaler ou excéder le coût établi de production et s'assurer un rendement positif du marché pour la première fois depuis la campagne agricole 1984-1985. Le rendement du marché a toujours été inférieur au coût établi de production calculé par la B.C. Federation of Agriculture avec l'aide du Ministry of Agriculture and Fisheries de la province. En outre, il devrait être noté que les coûts sont demeurés à peu près les mêmes entre 1982-1983 et 1988-1989 (les coûts de 1989-1990 n'ont pas encore été établis avec certitude). De fait, le coût de production des pommes de terre tardives qui a été calculé pour la campagne agricole 1988-1989 (7,54 $ le quintal) est inférieur de neuf cents au coût de production qui avait été accusé en 1982-1983.

En Colombie-Britannique, l'entreprise agricole de production de pommes de terre est habituellement une exploitation d'une superficie très restreinte comparativement aux grosses exploitations américaines, en particulier celles de l'État de Washington. De plus, le rendement des récoltes obtenu par les producteurs américains dépasse de plus de deux fois celui qui est obtenu en Colombie-Britannique. Une autre distinction importante en ce qui concerne l'industrie des pommes de terre dans l'État de Washington et celle de la Colombie-Britannique est que les pommes de terre de cet État sont généralement destinées aux conditionneurs. Par contre, il s'effectue fort peu de conditionnement de pommes de terre en Colombie-Britannique.

Somme toute, les producteurs de pommes de terre de la Colombie-Britannique ne peuvent pas soutenir la concurrence, étant donné que les prix à l'importation sont inférieurs aux valeurs normales établies par Revenu Canada. Conséquemment, un préjudice sensible est susceptible d'être causé à l'industrie provinciale, étant donné la reprise probable du dumping si les conclusions ne sont pas prorogées.

CONCLUSION

Le Tribunal conclut qu'un préjudice sensible est susceptible d'être causé à l'industrie s'il y a reprise du dumping de la part des États-Inis. Les conclusions sont donc prorogées, sans modification.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 août 1997