CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON

Réexamens (article 76)


CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ITALIE ET PRODUITES PAR OU AU NOM DE SILCA S.p.A. DE L'ITALIE, DE SES SUCCESSEURS ET DE SES CESSIONNAIRES
Réexamen no : RR-91-005

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 1er juin 1992

Réexamen no : RR-91-005

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 13 octobre 1989, dans le cadre de l'enquête no NQ-89-002, au sujet des :

CLÉS BRUTES DE REMPLACEMENT EN LAITON ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE L'ITALIE ET PRODUITES PAR OU AU NOM DE SILCA S.p.A. DE L'ITALIE, DE SES SUCCESSEURS ET DE SES CESSIONNAIRES

O R D O N N A N C E

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, en vertu des dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a procédé au réexamen des conclusions de préjudice sensible qu'il a rendues le 13 octobre 1989 dans le cadre de l'enquête no NQ-89-002.

Conformément au paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions susmentionnées.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur au sujet des marchandises susmentionnées.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Date de l'audience : Le 21 avril 1992

Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 1er juin 1992

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Charles A. Gracey, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh
Gestionnaire de la recherche : John Gibberd
Préposé aux statistiques : Margaret Saumweber

Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault

Agent à l'inscription et
à la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Peter Clark, Chris Hines et John Haime
pour Ilco Unican Inc.

(fabricant)
Richard G. Dearden
pour Silca S.p.A.

(exportateur)

Témoins :

Aaron M. Fish
Président du Conseil d'administration
Unican Security Systems Ltd.

Massimo Bianchi
Directeur général
Silca S.p.A

David J. Powell
Vice-président et Directeur général
Silca Keys U.S.A. Inc.

Adressez toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen, effectué en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 13 octobre 1989, dans le cadre de l'enquête no NQ-89-002, concernant les clés brutes de remplacement en laiton originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca S.p.A. (Silca) de l'Italie, de ses successeurs et de ses cessionnaires.

Le 20 septembre 1991, le Tribunal a reçu du procureur de Silca et de Klassen Bronze Limited (Klassen), un importateur des marchandises en question, une lettre demandant que soient réexaminées les conclusions pour la raison qu'Ilco Unican Inc. (Ilco), le seul producteur canadien, ne fabriquait plus les marchandises en question. Ilco ayant cessé sa production au cours de 1991, le Tribunal a décidé, conformément au paragraphe 76(3) de la LMSI, qu'un réexamen des conclusions était justifié. Le 15 janvier 1992, le Tribunal a publié un avis de réexamen qu'il a communiqué à toutes les parties intéressées connues, et qui a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada du 22 février 1992.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a envoyé un questionnaire à Ilco, le fabricant, ainsi qu'aux importateurs des marchandises en question. À partir des réponses à ces questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience pour les besoins du réexamen. Des membres et des employés du Tribunal ont visité les installations d'Ilco, à Montréal, pour examiner le processus de fabrication. Des employés du Tribunal se sont également rendus chez trois importateurs, Klassen de New Hamburg (Ontario), National Key Division Minit of Canada Ltd. de Kitchener (Ontario), et Curtis Industries of Canada Limited (Curtis) de Mississauga (Ontario). Le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'avis de réexamen, les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires et les rapports public et protégé préparés par le personnel du Tribunal. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, et les pièces protégées ont été distribuées aux procureurs indépendants qui avaient soumis un acte d'engagement quant à la non-divulgation des renseignements confidentiels.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa (Ontario) le 21 avril 1992.

Le seul fabricant canadien des marchandises en question, Ilco, était représenté à l'audience par des procureurs qui ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions. L'exportateur des marchandises en question, Silca, était représenté à l'audience par un procureur qui a produit des éléments de preuve et plaidé en faveur de l'annulation des conclusions ou, à défaut, de la restriction des conclusions aux types de clés brutes de remplacement en laiton qu'Ilco fabrique maintenant au Canada.

LE PRODUIT

Les marchandises en question sont des clés brutes de remplacement en laiton originaires ou exportées de l'Italie et produites par ou au nom de Silca, de ses successeurs et de ses cessionnaires.

Une clé brute de remplacement sert à reproduire des clés. Les clés brutes sont fabriquées de façon à reproduire les différentes caractéristiques de forme, d'épaisseur et de profil d'une serrure donnée. Il existe des milliers de profils différents correspondant aux entrées de clés de serrures précises. Quoique les clés brutes puissent avoir différents numéros de modèles selon les fabricants, il existe des tables permettant d'assortir les clés d'un producteur donné, qu'elles soient de fabrication étrangère ou nationale, à un besoin particulier ou aux caractéristiques de telle serrure complète. Ainsi, les clés brutes de remplacement importées ou de fabrication canadienne sont facilement interchangeables.

Le volume des ventes d'un type de serrure détermine dans une grande mesure la demande de clés brutes de remplacement correspondant à ce type de serrure. Les volumes de vente des serrures et des clés d'origine varient eux-mêmes d'un fabricant à l'autre, ainsi que d'une gamme de produits à l'autre chez un même fabricant, et certains types de serrures ne sont plus vendus quoiqu'ils soient encore en usage. La demande de certains types de clés brutes de remplacement est donc passablement forte et permet aux producteurs d'exploiter d'importantes séries de production, alors que la demande d'autres types de clé brutes de remplacement l'est moins, et ne justifie l'exploitation que de séries de production moyennes ou faibles.

Les clés brutes sont fabriquées en laiton, en argenton, en acier et en zinc coulé sous pression. La vaste majorité des clés brutes vendues sur le marché de remplacement au Canada sont faites de laiton et présentent, en général, un fini nickelé.

Le processus de fabrication commence avec une bande ou un rouleau de métal - de laiton dans le cas présent - mesurant normalement de 2 ¼ po à 3 _ po de largeur. La bande ou le rouleau est poinçonné en forme de clés. Ces formes ou pièces poinçonnées sont empilées sur des tiges pour faciliter la manutention et l'alimentation des diverses machines utilisées dans le procédé de production. Les pièces poinçonnées sont lavées dans une solution à base de détergent pour les débarrasser de la graisse accumulée pendant le découpage, et les pièces nettoyées sont introduites dans une machine à usiner afin de faire les cannelures spéciales qui s'ajusteront à différents types de serrures. Si la crête doit être meulée (c'est-à-dire arrondie pour faciliter l'insertion de la clé dans une serrure), comme c'est le cas pour certaines clés brutes vendues au Canada, ce travail est fait lors de l'usinage.

Les clés brutes usinées sont ensuite soumises à un procédé de matriçage consistant à y inscrire, à l'aide d'une matrice, le numéro d'identification et le symbole du fabricant, ou la marque propre du client. Les clés matricées sont polies dans des tambours, puis laquées ou nickelées, selon le fini requis. Les clés brutes finies sont ensuite conditionnées et expédiées.

Les fabricants de clés brutes peuvent acheter le laiton à des fournisseurs, ou encore le produire dans leurs propres usines, comme le fait une société affiliée à Ilco, à Rocky Mount (Caroline du Nord). Les producteurs ont également la possibilité de concevoir et de fabriquer eux-mêmes leur outillage, ou encore de se le procurer auprès de fournisseurs externes.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Ilco du Canada est l'une des sociétés internationales d'exploitation d'une société mère, Unican Security Systems Ltd. (Unican) de Montréal (Québec). Par l'intermédiaire de ses filiales, Unican se livre à la fabrication et à la commercialisation de produits de sécurité et de produits de quincaillerie d'ameublement. Les produits de sécurité comprennent les clés brutes, les serrures à poussoir, les systèmes d'accès électroniques et les machines à tailler et à reproduire les clés. Unican exploite, en plus de ses deux usines canadiennes, des usines situées aux États-Unis, en Australie et en Italie. La plus importante d'entre elles se trouve à Rocky Mount (Caroline du Nord). Il s'agit d'une importante usine de fabrication de clés brutes (entre autres choses) qui dispose d'une installation de transformation du laiton où elle produit les bandes de ce métal dont elle a besoin pour ses activités.

En avril 1985, Ilco a acquis les actifs de Dominion Lock Company Ltd. (Dominion Lock), le principal fabricant canadien de clés brutes, y compris les clés brutes de remplacement en laiton faisant l'objet de la présente cause. Dominion Lock, qui fabrique des clés brutes à Montréal depuis 1933, fait maintenant partie d'Ilco. Les clés brutes sont fabriquées à l'ancienne usine de Dominion Lock, sur le boulevard Descaries, où est également effectué l'assemblage des serrures à poussoir et des systèmes électroniques d'accès par carte. En plus de fabriquer des clés brutes au Canada, Ilco importe de son usine affiliée de Rocky Mount des clés brutes finies et des pièces poinçonnées pour un complément d'ouvraison. De 1989 à mai 1991, Ilco était le seul fabricant canadien de clés brutes de remplacement en laiton. En mai 1991, la société a cessé sa production de clés brutes, pour la reprendre en février 1992.

Après avoir pris le contrôle de Dominion Lock en 1985, Ilco a entrepris de rationaliser la production entre le Canada et les États-Unis. L'activité de production de clés brutes de Rocky Mount, considérée comme étant de faible volume, a été transférée au Canada et ajoutée à celle de l'usine de Dominion Lock à Montréal. Le plan visant à exploiter à Montréal les petites séries de production ainsi que certaines grandes séries de production visant le marché canadien ne s'est pas déroulé comme Ilco l'espérait. Les stocks s'écoulaient trop lentement, et la société a pris la décision de transférer la production des séries de clés brutes de remplacement de volume faible et moyen, de pair avec les stocks de ces produits, à l'usine de Rocky Mount. En outre, la production a été suspendue au Canada en 1991 pour permettre la rationalisation des stocks et celle des installations de fabrication canadiennes. Ilco a repris sa production au Canada en février 1992, dans le cadre d'un plan visant à concentrer à Montréal la production de sept ou huit grandes séries de clés brutes destinées aux marchés canadien et étranger.

Les distributeurs de fournitures de serrurerie constituent le principal marché d'Ilco pour les clés brutes de remplacement en laiton. Les autres marchés de la société sont les consortiums d'achat, les distributeurs de produits de quincaillerie, les distributeurs de produits spéciaux pour points de vente spécialisés et concessionnaires automobiles, les fabricants de pièces d'origine et les hôtels.

Nombre d'entreprises qui importent des clés brutes en achètent également à Ilco. Elles lui achètent tantôt des clés brutes de type rare et peu demandé, tantôt des quantités plus importantes. Les deux principaux importateurs de clés brutes de remplacement en laiton sont Klassen et Curtis. Ces deux entreprises distribuent leurs clés brutes à des détaillants surtout dans le cadre d'un «programme à service complet». Les détaillants, qui vont de la simple quincaillerie jusqu'aux grandes chaînes du genre de Canadian Tire, reçoivent, pour un prix forfaitaire, des machines à tailler les clés, des clés brutes et des présentoirs. Le prix forfaitaire comprend les frais entraînés par les clés mal taillées, les visites régulières faites aux détaillants dans le cadre du service après vente et l'entretien des machines à tailler les clés. Certains importateurs, tels que National Key Division Minit of Canada Ltd., qui est exploité sous le nom commercial de Things Engraved, et Mister Minit Division of Minit of Canada Ltd., offrent des services de taillage de clés dans leurs magasins de détail dans tout le Canada. L'éventail des autres importateurs va des serruriers et des distributeurs de produits de quincaillerie jusqu'aux sociétés de fabrication d'automobiles.

LE RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1989

Le 13 octobre 1989, le Tribunal a conclu que le dumping des clés brutes de remplacement en laiton produites par Silca ou en son nom avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible. Le Tribunal excluait des conclusions les clés brutes de type «Color Plus», car aucun produit comparable n'était fabriqué au Canada.

Le plaignant, Ilco, était le seul producteur canadien de clés brutes de remplacement en laiton et rendait compte d'environ la moitié des ventes nationales. Une partie des ventes d'Ilco consistaient en clés brutes importées des États-Unis, où elles étaient fabriquées par une société affiliée, qui, en outre, exportait au Canada des pièces poinçonnées en laiton qu'Ilco transformait en clés brutes. Ilco, avec ses filiales des États-Unis et des autres pays, était le plus important producteur de clés brutes au monde.

Au cours des années 1985-1989, les clés brutes importées provenaient surtout des États-Unis et, en quantité toujours plus grande, de l'Italie. Une grande partie des clés importées de ce dernier pays étaient fabriquées par Silca, le deuxième plus grand producteur au monde. La plupart des clés brutes de Silca étaient exportées de l'Italie vers le Canada directement, mais une partie d'entre elles passait par l'intermédiaire de deux sociétés américaines. Le principal importateur canadien de clés brutes produites par Silca était Klassen.

Le Tribunal était d'avis que si Klassen avait abandonné les clés brutes d'Ilco pour celles de Silca, c'était pour une bonne part en raison des prix plus avantageux offerts par cette dernière, et que ces prix étaient rendus possibles par le dumping. Le Tribunal a également déclaré que ces bas prix avaient par la suite permis à Klassen de s'assurer un volume de ventes important par l'intermédiaire de Home Hardware Stores Limited (Home Hardware). Les ventes perdues par Ilco au profit de Klassen et de Home Hardware représentaient 15 p. 100 de sa production visant le marché national. Le Tribunal était convaincu que ces pertes de vente avaient entraîné une baisse des profits d'Ilco équivalant à peu près au profit annuel moyen réalisé au cours des trois années précédentes par cette entreprise sur sa production de clés brutes vendues au pays. Le Tribunal a conclu que le préjudice ainsi causé par le dumping des clés brutes en question fabriquées par Silca était sensible.

Enfin, le Tribunal était convaincu que si le dumping des clés brutes de Silca se poursuivait sans l'imposition de droits antidumping, le préjudice sensible continuerait. Le Tribunal a remarqué que la politique de fixation des prix agressive pratiquée par Silca et que l'installation par celle-ci d'un entrepôt à Cleveland (Ohio) pour desservir le marché nord-américain prouvaient que la société avait l'intention d'accroître sa présence au Canada. Le Tribunal a déclaré que l'augmentation importante des importations des produits de Silca avait entraîné l'augmentation des ventes de celle-ci et l'accumulation d'importations sous-évaluées. Le Tribunal avait conclu que, compte tenu du fait que rien n'indiquait que le dumping allait cesser, cette accumulation pourrait elle-même être cause de préjudice sensible.

LA POSITION DES PARTIES

Le producteur

Ilco a soumis que les conclusions devraient être prorogées. La société produit et continuera de produire des marchandises similaires au Canada, mais si les conclusions sont annulées, le dumping des marchandises en question au Canada reprendra et entraînera la cessation de sa production au Canada.

Le plan établi à l'origine par Ilco, et qui visait à accroître le volume de la production canadienne en transplantant au Canada l'exploitation des séries de faible production jusqu'alors effectuée aux États-Unis, n'a pas produit l'effet souhaité. En conséquence, la production de clés brutes faiblement ou moyennement demandées, de pair avec les stocks y afférents, a été transférée du Canada à Rocky Mount dans l'intention d'améliorer l'efficacité de la production ainsi que le contrôle et la rotation des stocks au Canada et aux États-Unis. En outre, la récession qui s'est produite au Canada et aux États-Unis a fait grimper les stocks jusqu'à des niveaux inacceptables. La production de clés brutes a donc été suspendue à Montréal en 1991 pour réduire les stocks et, par la même occasion, pour permettre la rationalisation des secteurs de production des autres gammes de produits au Canada. Ilco a repris la production au Canada en février 1992, dans le cadre d'un plan à court terme visant la production de sept ou huit clés brutes fortement demandées, pour approvisionner les marchés canadien et étranger. Ce plan sera réévalué au cours de l'automne de 1992 et, si l'état du marché le permet, la production sera développée.

Ilco a soumis que Silca ne peut pas exporter en quantité les marchandises en question au Canada à des prix autres que sous-évalués, et a étayé son argument en évoquant la chute des importations de Silca qui s'est produite après l'entrée en vigueur des conclusions. Ces conclusions avaient rendues Silca moins concurrentielle et permis à Ilco de regagner un client perdu et de vendre un million de clés brutes à Klassen.

Les procureurs d'Ilco ont soutenu que Silca avait sous-évalué ses produits dans le passé et qu'elle le ferait encore dans l'avenir si les conclusions étaient annulées. Ils ont accordé peu d'importance au fait que toutes les ventes de Silca au Canada, depuis l'entrée en vigueur des conclusions, se sont faites à des valeurs normales. De plus, ils étaient sceptiques devant l'affirmation de Silca selon laquelle sa capacité de production en Italie était consacrée à l'approvisionnement de l'Europe et du Proche-Orient et que Silca avait l'intention de fournir le marché canadien en produits fabriqués aux États-Unis. Ils ont soulevé la question des motifs de Silca quant à l'annulation des conclusions et ont soutenu que des clés brutes à faible demande seraient importées d'Italie. De plus, Silca, jouissant de sa position nouvellement acquise sur le marché nord-américain, tentera de s'emparer d'une part du marché en écoulant les marchandises en question qui lui conviendront le mieux, quelle que soit leur origine.

Les procureurs d'Ilco ont contesté l'argument de Silca selon lequel, à défaut d'annulation, les conclusions ne devraient être prorogées que contre les sept ou huit clés brutes en forte demande incluses dans le plan à court terme d'Ilco. Ils ont présenté cet argument comme une preuve du fait que Silca avait sans doute l'intention d'importer au Canada des clés brutes originaires de l'extérieur de l'Amérique du Nord.

L'exportateur

Silca a demandé que les conclusions soient annulées. Son procureur a soutenu qu'il est très peu probable qu'il y ait reprise du dumping ou préjudice sensible au détriment du producteur national en l'absence des conclusions en cause. Silca Keys U.S.A. Inc. (Silca Keys) approvisionnera le Canada et la capacité de production de Silca en Italie sera accaparée par les marchés de l'Europe et du Proche-Orient.

Silca Keys a été spécifiquement créée pour produire et vendre tous les profils requis par un client en Amérique du Nord. Elle a commencé sa production en avril 1990 et fabrique aujourd'hui près de 318 profils à son usine de Twinsburg (Ohio), dont la capacité de production annuelle est de 60 millions de clés brutes. Les 318 profils, qui répondent à 95 p. 100 des besoins des clients canadiens, incluent des profils qu'Ilco produit ou prévoit produire dans un proche avenir pour le marché canadien. Pour répondre aux 5 p. 100 restant de besoins de consommation, Silca Keys fabriquera des profils sur commande si la chose se révèle rentable. En outre, Silca Keys a l'intention d'accroître le nombre de profils de sa production.

Le procureur de Silca a fait remarquer que cette dernière a vendu les marchandises en question sur le marché canadien à leur valeur normale depuis l'entrée en vigueur des conclusions et que les droits antidumping versés en conséquence de ces conclusions avaient trait à des marchandises expédiées avant que ces dernières aient été rendues et conservées dans un entrepôt de douane. Les exportations de Silca au Canada ont chuté après que les conclusions ont été rendues parce que la capacité de production de la société en Italie était presque totalement absorbée par les marchés de l'Europe et du Proche-Orient. Quant à sa stratégie pour l'Amérique du Nord, Silca a prévu de la mettre en oeuvre aux États-Unis avant de le faire au Canada.

Le procureur a soutenu que c'est surtout devant la concurrence américaine qu'Ilco est vulnérable. Selon lui, les données relatives à la ventilation des importations fournies par le Tribunal montrent que c'est de ce côté-là que viendra la concurrence. Les deux parties ont convenu que les prix sont maintenant uniformes entre les États-Unis et le Canada.

Le procureur a plaidé que Silca désirait que les conclusions soient annulées parce que certains clients ne veulent pas traiter avec une société qui est sous le coup de conclusions antidumping, même si cette société ne sous-évalue pas ses produits.

Le procureur a fait remarquer qu'Ilco a déclaré, en réponse à une question, qu'aucun préjudice ne s'était produit pour cause de dumping depuis que les conclusions ont été rendues et que la suspension de sa production au Canada n'avait aucun rapport avec l'activité de Silca. Ilco a déclaré qu'il lui serait possible de maintenir sa production au Canada et de se développer si Silca ne vendait pas ses produits au Canada à des prix sous-évalués. Silca a relevé la réponse d'Ilco selon laquelle cette dernière société pourrait soutenir une concurrence américaine loyale. Silca a soutenu que les prix pratiqués par Silca Keys ferait de cette dernière une concurrente loyale.

Le procureur a soumis qu'à défaut, si les conclusions étaient prorogées, elles ne devraient l'être que contre les sept ou huit clés brutes en forte demande visées par le plan à court terme d'Ilco.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le marché canadien des clés brutes de remplacement en laiton est stable depuis que les conclusions ont été rendues, avec des ventes annuelles évaluées à plus de 40 millions d'unités. Par rapport à 1989, les ventes d'Ilco au Canada ont été stables en 1990 et ont augmenté de 11 p. 100 en 1991. La part du marché détenue par la société s'est accrue de quelques points de pourcentage après les conclusions. Cependant, la proportion, parmi les ventes d'Ilco au Canada, de produits de fabrication canadienne a baissé sensiblement, alors que la proportion de produits importés a augmenté. En mai 1991, Ilco a suspendu la production de clés brutes de remplacement en laiton au Canada et l'a reprise en février 1992. Les ventes de clés brutes de Silca ont baissé de façon marquée après l'entrée en vigueur des conclusions.

Les importations totales de clés brutes de remplacement en laiton étaient stables en 1990, mais leur volume s'est accru de 39 p. 100 en 1991, à la suite d'une importante augmentation des importations d'Ilco. Les importations en provenance des États-Unis ont augmenté, passant de 72 à 89 p. 100 du total des importations en 1990, et ont progressé encore pour passer à 94 p. 100 en 1991. La chose s'est produite lorsque les importations d'Ilco en provenance des États-Unis sont passées de 11 à 18 p. 100 du total des importations en 1990, et à 41 p. 100 en 1991.

Ilco a fait une perte avant impôts sur ses ventes canadiennes de produits fabriqués au pays au cours des exercices 1990 (finissant le 30 juin 1990) et 1991 ainsi qu'au cours des six premiers mois de l'exercice 1992. Le nombre d'emplois consacrés directement par Ilco à la production de clés brutes au Canada s'est effrité au cours de l'exercice 1991, pour finalement tomber à zéro au moment de la suspension de la production. Les investissements en outils, en matrices, en équipements et en machines faits par la société pour la production de clés brutes au Canada ont baissé au cours des exercices 1990 et 1991. Enfin, les stocks de clés brutes conservés par Ilco au Canada ont commencé à diminuer au cours de l'exercice 1990 par rapport aux niveaux records atteints au cours de l'exercice 1989, et davantage encore au cours de l'exercice 1991 lorsque la production a été suspendue et que les stocks de clés brutes moyennement ou faiblement demandées ont été transférés de Montréal à Rocky Mount.

Les chiffres relatifs au volume et à la valeur des importations tirés des réponses au questionnaire indiquent que la valeur au débarquement moyenne des clés brutes de remplacement en laiton importées des États-Unis avait diminué en 1990 et 1991. Cette diminution reflétait, entre autres, l'effet des forces de la concurrence, l'élimination du droit de douane sur les clés brutes importées des États-Unis en avril 1990 [2] , et la suppression de la taxe de vente fédérale le 1er janvier 1991. Les prix moyens pratiqués par Ilco sur les ventes nationales de clés brutes de remplacement en laiton ont baissé en 1990 et 1991. Dans le cas des importations de Silca, la valeur au débarquement moyenne des clés brutes a augmenté à la suite de l'imposition du droit antidumping. Ilco et Silca conviennent que les prix des clés brutes de remplacement en laiton sont maintenant uniformes entre le Canada et les États-Unis.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Les conditions du marché des clés brutes de remplacement en laiton ont changé considérablement depuis qu'ont été rendues les conclusions. Le Tribunal a considéré tous les faits qui se sont produits depuis lors et n'a pas acquis la conviction que les conclusions devaient être prorogées.

La situation a changé pour Ilco qui est une société passablement différente aujourd'hui de ce qu'elle était au moment où les conclusions ont été rendues. Depuis cette époque, en effet, Ilco a considérablement réduit la gamme des profils de clés brutes de remplacement en laiton qu'elle produit au Canada. Elle a transféré aux États-Unis la production des clés brutes faiblement ou moyennement demandées dans un souci d'efficacité et pour accroître le contrôle et la rotation des stocks destinés aux marchés canadien et américain. En mai 1991, Ilco a suspendu ses activités au Canada afin de réduire les stocks, et a repris sa production en février 1992 dans l'intention de fabriquer sept ou huit clés brutes en forte demande destinées aux marchés canadien et extérieur.

Le Tribunal a examiné les éléments de preuve et les témoignages relatifs à la production présente et future des marchandises en question au Canada et a acquis la conviction qu'Ilco produit et a l'intention de produire, au Canada pour le marché canadien, des clés brutes de remplacement en laiton de types fortement demandés. Le Tribunal a admis le fait que la production canadienne sera presque aussi concurrentielle que la production américaine, l'activité devant être concentrée au Canada sur les clés brutes en forte demande. Le Tribunal a remarqué, à la lumière des éléments de preuve, qu'Ilco est sensible aux taux d'intérêt ainsi qu'aux taux de change et répond rapidement à l'évolution des conditions économiques. Le Tribunal a donc reconnu que les effets de la conjoncture macro-économique sur Ilco, et en particulier sur ses coûts de production, seront le facteur déterminant du niveau de production d'Ilco au Canada.

Le Tribunal a noté tout particulièrement le témoignage d'Ilco selon lequel la suspension de la production nationale, de l'aveu même du producteur, n'avait aucun rapport avec une quelconque activité de Silca. Le Tribunal estime que, pour Ilco, la concurrence viendra surtout des importations en provenance des États-Unis. Le droit de douane auquel étaient assujetties les marchandises en question a été supprimé le 1er avril 1990, et les deux parties ont convenu que les prix sont maintenant uniformes de part et d'autre de la frontière canado-américaine.

La situation a également changé pour Silca. Depuis que les conclusions ont été rendues, Silca Keys, qui a pour mandat de fabriquer et de vendre tous les profils requis par un client aux États-Unis, au Canada et au Mexique, a commencé sa production en avril 1990, à son usine de Twinsburg (Ohio). Silca Keys produira bientôt 318 profils de clé brutes, y compris les clés brutes fortement demandées qu'Ilco fabrique ou fabriquera pour le marché canadien. Silca Keys avait d'abord concentré ses efforts sur le marché américain, mais va tourner son attention vers les marchés canadien et mexicain. En outre, la capacité de production de Silca en Italie est presque totalement accaparée par les marchés de l'Europe et du Proche-Orient. Rien dans les éléments de preuve administrés n'a conduit le Tribunal à conclure que la plus grande partie des ventes de clés brutes de Silca sur le marché canadien ne serait pas assurée par la production de Silca Keys. Le Tribunal a noté que l'élimination du droit de douane sur les clés brutes aux termes de l'Accord de libre-échange rend plus rentable, pour Silca, l'approvisionnement du marché canadien à partir des États-Unis plutôt qu'à partir de l'Italie.

En résumé, le Tribunal conclut que la production de clés brutes par Ilco au Canada, depuis qu'elle a repris au cours du mois de février de la présente année, est d'un type très différent de ce qu'elle était avant son interruption en 1991 et au moment où les conclusions ont été rendues en 1989. De plus, les forces du marché et les sources d'importation ont considérablement évolué depuis cette même époque. Silca ne pratique plus le dumping de clés brutes au Canada à partir de l'Italie. En outre, le gros des ventes de Silca au Canada concerne des produits originaires de son usine de Twinsburg aux États-Unis. Cette usine est récemment devenue opérationnelle et a la capacité de produire quelque 318 profils qui sont demandés tant sur le marché américain que sur le marché canadien.

Compte tenu de ces nouveaux faits importants relatifs à la production ainsi qu'à la concurrence à l'importation, le Tribunal décide que les conclusions ne sont plus nécessaires.

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal annule les conclusions à compter de la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. À la suite de la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont éliminé les tarifs douaniers applicables aux clés brutes de remplacement en laiton en vertu de l'Accord sur l'élimination accélérée des droits de douane de 1990.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 26 août 1997