PROFILÉS EN ACIER À LARGES AILES

Réexamens (article 76)


PROFILÉS EN ACIER À LARGES AILES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU ROYAUME-UNI, DE LA FRANCE, DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE D'AFRIQUE DU SUD, DE LA BELGIQUE, DU LUXEMBOURG, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE L'ESPAGNE
Réexamen no : RR-89-011

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 10 septembre 1990

Réexamen no : RR-89-011

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 29 décembre 1977, telles que modifiées, et le 14 octobre 1983, ainsi que des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 7 juin 1985 et le 18 décembre 1987 concernant les :

PROFILÉS EN ACIER À LARGES AILES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU ROYAUME-UNI, DE LA FRANCE, DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE D'AFRIQUE DU SUD, DE LA BELGIQUE, DU LUXEMBOURG, DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET DE L'ESPAGNE

O R D O N N A N C E

En vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a réexaminé :

- les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 29 décembre 1977 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception de certaines catégories, originaires ou exportés du Royaume-Uni, de la France, du Japon, de la République d'Afrique du Sud et du Luxembourg dans l'enquête no ADT-12-77, modifiées par une ordonnance rendue le 14 octobre 1983;

- les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 14 octobre 1983 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception de certaines catégories, originaires ou exportés de la Belgique, de la République fédérale d'Allemagne et de la République de Corée dans l'enquête no ADT-9-83;

- les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 7 juin 1985 concernant l'entrée au Canada, à des prix subventionnés, de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception des profilés à larges ailes exclus des conclusions du Tribunal antidumping rendues le 14 octobre 1983, originaires ou exportés de l'Espagne dans l'enquête no CIT-1-85; et

- les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 18 décembre 1987 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier au carbone ou allié à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exclusion des profilés à larges ailes L4 x 4 de tous les poids, L6 x 4 9 lb le pied, L8 x 4 10 lb le pied, L10 x 4 12 lb le pied, L12 x 4 16 lb le pied et moins, L12 x 13 210 lb le pied et plus, L14 x 16 de tous les poids et L16 x 10,25 89 lb le pied et plus, ces exclusions ne s'appliquant pas aux pieux porteurs en acier au carbone et aux pieux porteurs haute résistance faiblement allié, originaires ou exportés de l'Espagne dans l'enquête no CIT-7-87.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule par la présente les conclusions susmentionnées rendues les 29 décembre 1977, 14 octobre 1983, 7 juin 1985 et 18 décembre 1987.

Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient de proroger, avec ou sans modification, ou d'annuler les conclusions du Tribunal antidumping et du Tribunal canadien des importations concernant les marchandises susmentionnées.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) annule les conclusions susmentionnées. Les prix réduits offerts en Amérique du Nord par les petites usines américaines empêchent l'industrie nationale d'être rentable. Cette dernière est donc susceptible de subir un préjudice sensible si les importations de profilés à larges ailes sous-évalués ou subventionnés devaient entrer au Canada et réduire les prix davantage. Toutefois, selon les éléments de preuve, le subventionnement a pris fin et la situation du marché fait qu'il est peu probable qu'il y ait reprise du dumping. Le Tribunal estime qu'étant donné les prix réduits en vigueur en Amérique du Nord et la forte demande intérieure sur leur propre marché national et ailleurs à l'étranger, les exportateurs des pays visés ne voudront pas subir des pertes et continueront de se retirer du marché canadien.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Du 18 au 21 juin 1990
Date de l'ordonnance et
des motifs : Le 10 septembre 1990

Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant
John C. Coleman, membre
Sidney A. Fraleigh, membre

Directeur de la recherche : S. Shainfarber
Agent de la recherche : A. Mahli
Agent des statistiques : R. Larose

Commis à la distribution
et à l'inscription : M. Hay

Participants :
John M. Coyne, c.r.
Ronald C. Cheng et
Gregory O. Somers
pour The Algoma Steel Corporation, Limited

(fabricant)
John D. Richard, c.r.
et David Liston
pour TradeARBED Canada Inc.

Peter Clark
et Chris Hines
pour British Steel Canada Inc.

Manfred F. Wirth
Président
Wirth Limited

(importateurs)
Donald J. Goodwin
pour ENSIDESA
et Stahlwerke Peine-Salzgitter AG

(exportateurs)

Témoins :

Alex Stewart
Directeur général adjoint
Ventes et commercialisation
The Algoma Steel Corporation, Limited

William J. Kissick
Directeur - Affaires gouvernementales
The Algoma Steel Corporation, Limited

W.J. Reed
Contrôleur
The Algoma Steel Corporation, Limited

John D.F. Rolland
Vice-président exécutif
TradeARBED Canada Inc.

J.G. Marshall
Président
Marshall Steel Limited

John B. Currie
Vice-président
British Steel Canada Inc.

Barry L. Craig
Président
Aristrain International Inc.
Jose Maria Aristrain S.A. et
Jose Maria Aristrain Madrid S.A.

Herminio Blanco Piña
Président
Ensisteel Inc.
(ENSIDESA)

Bernard Ennis
Président
Ennisteel Service Centre
Division of Ennisteel Corp.

Hans Mette
Directeur, Ventes à l'exportation
Stahlwerke Peine-Salzgitter AG

William L. Wallace
Président et Chef de la direction
Dofasco Inc.

Adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal Sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a réexaminé quatre conclusions de préjudice sensible à la production nationale de certains profilés en acier à larges ailes. Les premières conclusions ont été rendues en 1977 et visaient les importations en provenance du Royaume-Uni, de la France, du Japon, de la République d'Afrique du Sud et du Luxembourg. Les deuxièmes conclusions, rendues en 1983, concernaient les importations en provenance de la Belgique, de la République fédérale d'Allemagne (Allemagne) et de la République de Corée (Corée). Les deux dernières séries de conclusions, rendues en 1985 et en 1987, s'appliquaient aux importations en provenance de l'Espagne. Exception faite des conclusions d'importations subventionnées rendues en 1985 visant l'exportateur espagnol ENSIDESA, toutes les autres conclusions concernaient le dumping. The Algoma Steel Corporation, Limited (Algoma), le seul fabricant national des marchandises en question, a demandé au Tribunal de proroger les conclusions. Trois importateurs des marchandises en question, à savoir TradeARBED Canada Inc. (TradeARBED), Wirth Limited et British Steel Canada Inc. (British Steel), de même que deux fabricants espagnols, ENSIDESA et Aristrain International Inc., et un fabricant allemand, Stahlwerke Peine-Salzgitter AG (Peine-Salzgitter), ont demandé l'annulation des conclusions.

Le Tribunal doit répondre à deux questions. Premièrement, s'il y a reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, la production nationale des marchandises en question est-elle susceptible de subir un préjudice sensible? Deuxièmement, les éléments de preuve démontrent-ils qu'une reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées est susceptible de se reproduire dans un avenir prévisible?

Le Tribunal constate qu'une reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées serait susceptible de causer un préjudice sensible à Algoma. Les états financiers de la société démontrent que sa production de profilés en acier à larges ailes a été déficitaire pendant la majeure partie de la dernière décennie. Le fait que Algoma a été obligée de concurrencer les prix offerts par les petites usines américaines pour éviter une perte de sa part du marché explique, en grande partie, les piètres résultats enregistrés récemment. Parmi les autres facteurs ayant contribué aux difficultés que connaît Algoma, citons l'absence d'investissements dans la modernisation des installations de production des marchandises en question depuis 1979. La production des marchandises en question au Canada est donc fortement réduite, et il est peu probable qu'elle augmente dans un avenir prévisible.

Quant à la deuxième question, les éléments de preuve démontrent qu'à l'heure actuelle, le fabricant espagnol, ENSIDESA, ne reçoit pas de subventions et que les circonstances qui justifiaient le versement de ces subventions ne prévalent plus. En outre, le Tribunal n'a relevé aucune preuve convaincante que le dumping est susceptible de reprendre dans un avenir prévisible. Les prix réduits offerts en Amérique du Nord par les petites usines américaines ont obligé les fabricants d'outre-mer à réduire considérablement, voire à interrompre, dans certains cas, leurs livraisons au Canada et aux États-Unis. Par ailleurs, les témoins des importateurs et des exportateurs ont déclaré qu'en raison du dynamisme de la demande en Europe, en Asie et ailleurs, les fabricants d'outre-mer affichent un taux d'utilisation de la capacité largement supérieur à ce qu'il était à l'époque des conclusions, et que cette situation allait se maintenir. Ils ne songent guère à exploiter des marchés non rentables comme ceux du Canada ou des États-Unis, d'où l'importante sous-utilisation de leurs contingents pour 1989 et 1990 (à ce jour) prévus par les limitations volontaires des exportations (LVE) signées avec les États-Unis.

Le Tribunal remarque que les avocats de l'industrie ont fourni des éléments de preuve selon lesquels les fabricants d'outre-mer exportent leurs produits vers les États-Unis à des prix inférieurs à ceux exigés pour leurs exportations au Canada. Selon les avocats, cela signifiait que, si les conclusions étaient annulées, les fabricants d'outre-mer seraient susceptibles de réduire leurs prix canadiens au point de constituer un cas de dumping. Le Tribunal n'est pas convaincu qu'il en serait ainsi. D'après les éléments de preuve, l'excédent des prix au Canada sur ceux en vigueur aux États-Unis correspond approximativement aux droits de douane et aux frais de transport au Canada des produits fabriqués dans les petites usines des États-Unis. Cette différence de coût permettrait aux fabricants d'outre-mer d'exiger des prix légèrement plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, même si les conclusions étaient annulées.

Bref, même si l'industrie est susceptible de subir un préjudice sensible en cas de reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, le Tribunal n'est pas convaincu, sur la foi des éléments de preuve, que les exportateurs en cause sont susceptibles de recourir de nouveau au dumping ou qu'un retour des importations subventionnées est imminent.

HISTORIQUE

Le présent réexamen, effectué en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), porte sur les quatre conclusions de préjudice sensible visant les profilés en acier à larges ailes résumées ci-après :

- les conclusions rendues par le Tribunal antidumping le 29 décembre 1977 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'?E9‚paisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception de certaines catégories, originaires ou exportés du Royaume-Uni, de la France, du Japon, de la République d'Afrique du Sud et du Luxembourg dans l'enquête no ADT-12-77, modifiées par une ordonnance rendue le 14 octobre 1983;

- les conclusions rendues par le Tribunal antidumping le 14 octobre 1983 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception de certaines catégories, originaires ou exportés de la Belgique, de la République fédérale d'Allemagne et de la République de Corée dans l'enquête no ADT-9-83;

- les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 7 juin 1985 concernant l'entrée au Canada, à des prix subventionnés, de profilés, poutres ou colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception des profilés à larges ailes exclus des conclusions du Tribunal antidumping rendues le 14 octobre 1983, originaires ou exportés de l'Espagne dans l'enquête no CIT-1-85; et

- les conclusions rendues par le TCI le 18 décembre 1987 concernant le dumping au Canada de profilés, poutres ou colonnes en acier au carbone ou allié à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c.-à-d. l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exclusion des profilés à larges ailes L4 x 4 de tous les poids, L6 x 4 9 lb le pied, L8 x 4 10 lb le pied, L10 x 4 12 lb le pied, L12 x 4 16 lb le pied et moins, L12 x 13 210 lb le pied et plus, L14 x 16 de tous les poids et L16 x 10,25 89 lb le pied et plus, ces exclusions ne s'appliquant pas aux pieux porteurs en acier au carbone et aux pieux porteurs haute résistance faiblement allié, originaires ou exportés de l'Espagne dans l'enquête no CIT-7-87.

En vertu de l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a amorcé un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 27 novembre 1989. Cet avis a été communiqué à toutes les parties intéressées connues et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 9 décembre 1989.

Dans le cadre de ce réexamen, les membres et les employés du Tribunal ont visité les installations sidérurgiques de Algoma à Sault Ste. Marie (Ontario). Le Tribunal a également fait parvenir des questionnaires détaillés au fabricant canadien et aux importateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses obtenues et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé, préalables à l'audience, au sujet du réexamen. Le dossier concernant le réexamen renferme tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'avis de réexamen et les réponses publiques et protégées - confidentielles aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées et les pièces protégées, à la disposition des avocats indépendants seulement.

Le Tribunal a aussi invité le président de Marshall Steel Limited et celui de Ennisteel Service Centre à répondre aux questions des membres du Tribunal et des avocats du fabricant, des importateurs et des exportateur. En outre, à la demande des avocats de TradeARBED, les avocats de Algoma ont prié le président de Dofasco Inc. (Dofasco) de fournir des précisions au sujet de l'acquisition de Algoma par Dofasco.

Algoma, un fabricant, a été représentée à l'audience par des avocats; elle a également fourni des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions.

TradeARBED, British Steel, ENSIDESA, Peine-Salzgitter et Jose Maria Aristrain Madrid S.A., des importateurs et des exportateurs des marchandises en question, étaient toutes représentées à l'audience par des avocats. Le président de Wirth Limited a également participé à l'audience. Tous ont fourni des éléments de preuve et des arguments en faveur de l'annulation des conclusions.

LE PRODUIT

Les produits en acier faisant l'objet du présent réexamen sont communément appelés sur le marché «profilés en acier à larges ailes et pieux porteurs». Ils sont visés par deux définitions officielles qui se distinguent essentiellement par le nombre d'exclusions dans chaque cas. La définition générale commune à toutes les conclusions et les deux listes d'exclusions figurent ci-après.

Définition du produit

Les profilés, les poutres ou les colonnes en acier à larges ailes ayant une épaisseur de part en part de moins de 25 pouces (c'est-à-dire l'épaisseur entre les surfaces extérieures des ailes), y compris les poutres en double T, les pieux en double T, les pieux porteurs en double T et les pieux porteurs; diverses colonnes et poutres légères et divers profilés de poutres légers en double T à larges ailes; les poutres et les colonnes à ailes parallèles; les poutres, les colonnes et les pieux porteurs universels; les poutres, les profilés et les montants à larges ailes, à l'exception de certaines catégories.

Exclusions

Conclusions de 1977, de 1983 et de 1985

L4 x 4 tous les poids
L6 x 4 12 lb le pied et moins
L8 x 4 13 lb le pied et moins
L10 x 4 17 lb le pied et moins
L12 x 4 16 lb le pied et moins
L12 x 13 210 lb le pied et plus
L14 x 10 61 lb le pied et plus
L14 x 14½ 90 lb le pied et plus
L14 x 16 tous les poids
L16 x 10¼ 67 lb le pied et plus
L18 x 11 76 lb le pied et plus
L21 x 12¼ 101 lb le pied et plus


Conclusions de 1987

Idem L4 x 4 tous les poids
L6 x 4 9 lb le pied
L8 x 4 10 lb le pied
L10 x 4 12 lb le pied
Idem L12 x 4 16 lb le pied et moins
Idem L12 x 13 210 lb le pied et plus
Idem L14 x 16 tous les poids
L16 x 10¼ 89 lb le pied et plus

Ces produits sont principalement utilisés dans l'érection des charpentes d'immeubles industriels et commerciaux et des ponts. Les profilés en acier à larges ailes sont aussi utilisés dans une moindre mesure dans la fabrication de matériel et d'outillage lourds, de véhicules utilisés hors des voies publiques et de wagons de chemins de fer. Les profilés en acier à larges ailes plus légers sont utilisés pour soutenir les galeries dans les mines souterraines et pour la construction de maisons. Les profilés en acier à larges ailes subissent certaines transformations telles que la peinture, le forage ou le perçage de trous avant leur installation. Les pieux porteurs sont habituellement enfoncés et servent de soutien de fondation.

Les marchandises en question sont définies selon une série de désignations numériques qui indiquent l'épaisseur de part en part et la largeur des ailes. Par exemple, selon le système impérial, L16 désigne un profilé à larges ailes de 16 pouces. Il existe à l'intérieur de chaque dimension de base un éventail de poids, comprennant divers propriétés transversales, disponibles au pied linéaire. La gamme de dimensions et de poids exigée par un client est déterminée par les spécifications d'ingénierie établies pour un projet de construction donné.

En tant que fabricant de fer et d'acier de formes primaires intégré verticalement, Algoma fabrique de l'acier brut sous forme de blooms (blocs d'acier rectangulaires) dans son laminoir à blooms ou de flancs (profilés semi-finis) dans ses installations de coulée continue. Les blooms ou flancs sont réchauffés et passent dans une dégrossisseuse avant d'être acheminés vers le laminoir à acier de construction des profilés à larges ailes ou de rails.

Dans le laminoir de profilés à larges ailes, l'acier semi-fini est laminé à chaud dans une série de rouleaux profilés qui allongent petit à petit l'acier et lui donnent la forme correspondant aux dimensions exigées. Le profilé en acier à larges ailes est ensuite coupé à chaud selon la taille désirée, refroidi par eau et, enfin, redressé.

Il existe d'autres procédés de fabrication des marchandises en question. Divers fabricants aux États-Unis (p. ex., Nucor, Chaparral et Northwestern) ont aménagé de petites usines qui utilisent de la ferraille pour fabriquer des produits d'acier sur des laminoirs neufs. Ces usines font appel aux plus récentes techniques de fabrication de l'acier, y compris des hauts fourneaux électriques.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Algoma est le seul fabricant des marchandises en question au Canada et a constitué l'industrie nationale aux fins des quatre enquêtes. Il en va de même dans le cadre du présent réexamen.

Dofasco a fait l'acquisition de Algoma le 19 août 1988. À l'heure actuelle, Dofasco détient la totalité des actions ordinaires de Algoma, qui peut produire et traiter quelque 3 millions de tonnes d'acier brut ou 2,5 millions de tonnes d'acier fini chaque année. Les profilés en acier à larges ailes accaparent une faible proportion de la production totale de l'usine. Algoma exploite une importante aciérie à Sault Ste. Marie, ainsi qu'une mine de fer et des installations connexes à Wawa (Ontario). En outre, par l'intermédiaire de filiales, Algoma possède des mines de charbon et détient une participation dans une mine de fer et dans des installations de fabrication de boulettes de fer aux États-Unis.

Algoma fabrique une vaste gamme de produits en acier, notamment des feuilles et des tôles laminées à plat, de l'acier de construction (y compris des profilés en acier à larges ailes), des produits tubulaires sans soudure, des rails et leurs accessoires, et divers produits semi-ouvrés.

Algoma vend ses profilés en acier à larges ailes soit directement en grandes quantités aux fabricants d'acier de construction, soit indirectement à des distributeurs d'acier semi-ouvré qui maintiennent des stocks locaux et approvisionnent des fabricants et d'autres utilisateurs de moindre envergure. À cette fin, Algoma exploite des bureaux de vente à Mississauga (Ontario) et à Calgary (Alberta). Dans certains cas, les produits sont vendus directement aux utilisateurs finals (p. ex., Ontario Hydro).

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS ANTÉRIEURES

Les quatre conclusions en vigueur concernant les profilés en acier à larges ailes sont résumées ci-après.

Les conclusions de 1977 (ADT-12-77)

Le 29 décembre 1977, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping de profilés en acier à larges ailes, à l'exception de certaines catégories, originaires ou exportés du Royaume-Uni, de la France, du Japon, de la République d'Afrique du Sud et du Luxembourg avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. La Belgique a été exclue de ces conclusions.

Algoma a soumis des éléments de preuve et des arguments selon lesquels le préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées s'était manifesté par la perte d'une part du marché, la réduction du volume des ventes, la diminution de la production et du taux d'utilisation de la capacité, la compression et l'érosion des prix, la baisse des bénéfices et la perte d'emplois. En réponse aux affirmations de Algoma, les importateurs et d'autres parties intéressées ont suggéré que d'autres facteurs non liés au dumping étaient à l'origine des problèmes de l'industrie nationale.

Le Tribunal antidumping a conclu qu'entre 1974 et la fin de 1977 Algoma avait dû composer avec une hausse de ses coûts de production et avec une chute des prix des importations en provenance des pays en question. En choisissant de ne pas concurrencer le prix de ces importations, Algoma a subi des pertes de volume et de part du marché. Si Algoma avait pu accroître le volume de ses ventes tout en maintenant ses prix, sa rentabilité, son effectif et son taux d'utilisation de la capacité auraient progressé en conséquence, car de nombreux éléments de coût auraient été amortis grâce à un volume plus important.

Les avocats des importateurs et des exportateurs ont soutenu que les pertes de ventes subies par Algoma au profit des importations sous-évaluées étaient en partie imputables à sa politique de commercialisation. Une majorité des membres du Tribunal antidumping étaient d'avis que la politique de commercialisation de la partie plaignante lui permettait de bien desservir l'ensemble du marché national et n'avait pas contribué aux pertes de ventes en faveur des importations sous-évaluées. Les importateurs et les exportateurs ayant affirmé qu'une part importante des importations sous-évaluées se présentaient dans des dimensions que le fabricant national n'offrait pas, une majorité des membres du Tribunal antidumping étaient d'avis qu'il était très facile de substituer des produits de dimensions différentes, laquelle substitution se fondait largement sur les prix.

Les conclusions de 1983 (ADT-9-83)

Le 14 octobre 1983, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping au Canada des profilés en acier à larges ailes, à l'exclusion de certaines catégories, originaires ou exportés de la Belgique, de l'Allemagne et de la Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les exportations en provenance de l'Espagne n'étaient pas visées par ces conclusions.

L'un des éléments clés avait trait à l'incapacité de Algoma d'approvisionner entièrement le marché des marchandises en question. Algoma a admis que sa gamme de profilés en acier à larges ailes répondait à environ 80 p. 100 de la demande et qu'en raison du taux de substitution des marchandises en question, elle était en mesure de combler plus de 90 p. 100 de la demande canadienne. La partie plaignante a proposé d'exclure certaines catégories des conclusions de préjudice sensible que le Tribunal antidumping rendrait éventuellement, exclusions que le Tribunal antidumping a acceptées par la suite. Le Tribunal antidumping a aussi modifié les conclusions de l'enquête no ADT-12-77 pour y ajouter les mêmes exclusions.

En 1982 et en 1983, la part des importations en provenance des pays assujettis aux conclusions de dumping rendues en 1977 a fortement chuté alors que les importations originaires des nouveaux pays ayant recours au dumping (la Belgique, l'Allemagne et la Corée) ont pris une importance déterminante. De l'avis du Tribunal antidumping, cette augmentation de la part du marché résultait du dumping.

Tout en reconnaissant l'impact de la récession qui sévissait alors, le Tribunal antidumping était d'avis que ce recours au dumping expliquait dans une large mesure la performance déplorable de Algoma en 1982 et en 1983. Le préjudice subi par Algoma prenait surtout la forme d'une compression des prix et, plus particulièrement, de rabais qu'elle avait été forcée d'instaurer. Le Tribunal antidumping était convaincu que, n'eût été de la présence des marchandises sous-évaluées et des prix auxquels elles étaient offertes, Algoma aurait profité d'un volume de ventes beaucoup plus important. En outre, le Tribunal antidumping estimait que l'importation soutenue au Canada de marchandises sous-évaluées originaires de la Belgique, de l'Allemagne et de la Corée était susceptible de causer un préjudice sensible dans l'avenir.

Les conclusions de 1985 (CIT-1-85)

Le 7 juin 1985, le TCI a conclu que l'importation au Canada des profilés en acier à larges ailes subventionnés, à l'exclusion de certaines catégories, originaires ou exportés de l'Espagne avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Algoma a soutenu qu'à la suite de l'exclusion de l'Espagne des conclusions de préjudice rendues par le Tribunal antidumping en octobre 1983, les importations originaires de ce pays ont fortement augmenté, au point de se substituer à celles originaires de la Belgique, de l'Allemagne et de la Corée, les pays visés par les conclusions de 1983 du Tribunal antidumping. Algoma a affirmé que sa production avait chuté en raison de l'accroissement de la part du marché détenue par l'Espagne. Algoma a donc été victime d'une perte de ventes, ainsi que d'une érosion et d'une compression des prix, ce qui expliquait ses graves difficultés financières.

Le TCI a souligné qu'à la suite de l'exclusion de l'Espagne des conclusions de 1983 les importations espagnoles ont progressé au quatrième trimestre de 1983 et que la hausse s'est poursuivie tout au long de 1984. Pour l'ensemble de cette dernière année, les livraisons espagnoles ont atteint environ 50 000 tonnes, soit presque autant qu'en 1981 alors que le marché apparent total était de 40 p. 100 plus important.

De l'avis du TCI, les gains importants de part du marché réalisés par les importations espagnoles étaient en grande partie attribuables aux prix subventionnés auxquels le produit était offert sur le marché canadien. Le TCI était convaincu que Algoma avait subi et subissait un préjudice sensible sous la forme d'une compression des prix et d'une diminution de sa part du marché, en plus de perdre des ventes importantes au profit des importations subventionnées espagnoles.

Pour ce qui est de l'avenir, le TCI était d'avis qu'en l'absence de mesures visant à limiter l'effet des subventions, celles-ci continueraient à causer un préjudice sensible. Le TCI estimait que, dans l'immédiat, la capacité de production des fabricants espagnols était suffisante pour leur permettre d'écouler d'importantes quantités de produits sur le marché canadien.

Les conclusions de 1987 (CIT-7-87)

Le 18 décembre 1987, le TCI a conclu que le dumping au Canada de profilés en acier à larges ailes, à l'exclusion de certaines catégories, originaires ou importés de l'Espagne avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

À la suite des conclusions affirmatives rendues par le TCI le 7 juin 1985 au sujet des importations subventionnées originaires de l'Espagne, les importations en provenance de ce pays ont affiché une nouvelle reprise, mais par l'entremise d'un nouveau fournisseur, Jose Maria Aristrain S.A. (Aristrain). ENSIDESA avait été jusqu'alors le plus important exportateur de marchandises espagnoles. Dès le premier semestre de 1986, Aristrain détenait une part du marché supérieure à celle dont ENSIDESA avait profité et les importations espagnoles atteignaient 50 p. 100 du total des importations. De l'avis du TCI, les gains importants au chapitre de la part des importations et de la part du marché réalisés entre le deuxième semestre de 1985 et la fin de 1986 étaient largement attribuables aux prix peu élevés offerts grâce au dumping. Le TCI a conclu que la compression des prix résultant du dumping des profilés en acier à larges ailes espagnols et son impact sur la situation financière du fabricant canadien avaient causé un préjudice sensible à la production canadienne.

Au cours du premier semestre de 1987, lorsque Algoma faisait savoir qu'elle formulait une plainte visant les importations présumément sous-évaluées en provenance de l'Espagne, les importations originaires de ce pays ont diminué. Algoma a pu réduire les escomptes qu'elle offrait et donc limiter sensiblement ses pertes. Le redressement de Algoma s'est accéléré au deuxième semestre de 1987 en raison d'un raffermissement de la demande et d'une augmentation des prix. Le TCI n'était toutefois pas convaincu que la hausse des volumes et des prix du produit canadien se poursuivrait en l'absence de mesures antidumping.

POSITION DES PARTIES

L'industrie

En ce qui concerne le présent réexamen, les avocats de Algoma ont souligné que, de façon générale, les faits témoignant de la vulnérabilité de leur cliente n'étaient pas contestés. L'exploitation de l'usine de profilés en acier à larges ailes de Algoma avait atteint une étape critique et ne pouvait absolument pas concurrencer les petites usines américaines comme Nucor, Chaparral et, dans une moindre mesure, Northwestern, dont le seuil de rentabilité était largement inférieur à celui de Algoma. Bien que ces petites usines fabriquaient un éventail de marchandises en question représentant 75 p. 100 de la gamme de produits offerts par Algoma, elles se préparaient à concurrencer tous les produits de Algoma au cours des prochaines années.

Les avocats ont admis que les problèmes de concurrence que Algoma éprouvait face aux petites usines américaines n'avaient rien à voir avec le dumping. Toutefois, à leur avis, cela était sans importance. Le problème, ont-ils soutenu, était que cette concurrence avait réduit les prix au Canada et obligé Algoma à encaisser des pertes appréciables pour conserver sa part du marché. La position de Algoma s'est donc détériorée; elle risque maintenant de subir un préjudice sensible s'il y a reprise du dumping de quelque ampleur que ce soit.

Les avocats ont précisé que Algoma envisageait diverses mesures à court et à long termes pour concurrencer les petites usines. L'une des mesures à court terme consistait à moderniser certaines usines de production de rails exploitées conjointement avec le laminoir de profilés en acier à larges ailes. Si Algoma procédait à cet investissement, elle disposerait d'un délai pour évaluer des scénarios sur l'exploitation à long terme du laminoir de profilés en acier à larges ailes et pour mieux prévoir la fluctuation à long terme du prix de la ferraille, qui intervient pour une part importante du coût des matériaux bruts utilisés par les petites usines. Si les prix de la ferraille augmentaient, l'avantage sur le plan des coûts dont disposent les petites usines par rapport à Algoma s'amenuiserait, ce qui pourrait influer sur les immobilisations à long terme que Algoma choisirait d'effectuer.

Bref, Algoma n'était pas disposée à fermer ses usines et à licencier ses 1 300 employés affectés au complexe des poutres à larges ailes et des rails de chemin de fer. Par contre, l'annulation des conclusions pourrait s'ajouter aux difficultés de Algoma s'il y avait une reprise du dumping, ce qui pourrait bien écarter certains scénarios d'exploitation des usines de profilés en acier à larges ailes.

En ce qui concerne une reprise du dumping susceptible de se produire, les avocats ont souligné que les importations des marchandises en question originaires des pays visés par les conclusions avaient grandement diminué, et même presque cessé dans certains cas, en raison de la concurrence exercée par les petites usines américaines. Les avocats ont ajouté que d'après les témoins des exportateurs et des importateurs, la tendance à la baisse des importations n'était pas susceptible de se renverser dans un avenir prévisible et qu'à leur avis, les affirmations en ce sens ne devaient pas être prises en compte. Le marché des marchandises en question était cyclique. Les circonstances allaient nécessairement évoluer et, à ce moment, les exportateurs des pays visés chercheraient à récupérer leur part du marché canadien, sans doute par le biais du dumping.

À l'appui de cette affirmation, les avocats de l'industrie ont souligné que les pays visés par les conclusions présentent une énorme capacité de production d'acier inutilisée, ce que le Tribunal et ses homologues étrangers ont souvent considéré comme l'une des principales sources de pratiques commerciales déloyales et de dumping. L'ampleur de cette capacité excédentaire a fait l'objet d'un rapport que le Comité de l'acier de l'Organisation de coopération de développement économique (l'OCDE) a commandé à l'un de ses groupes de travail (diffusé le 28 mars 1990), que les avocats ont déposé en preuve (annexe 4 de la pièce A-4).

Bien que les renseignements de ce rapport ne traitaient pas expressément des marchandises en question, les avocats ont soutenu qu'on pouvait en déduire du document de l'OCDE que le problème de la capacité excédentaire de production d'acier brut était à tout le moins plus grave dans le cas des profilés en acier à larges ailes parce qu'au cours des dernières années, le recul de la demande et la hausse de la capacité de production excédentaire ont été plus importants dans le cas de l'acier de charpente que dans celui de l'acier brut. Les avocats ont ajouté que le contenu d'un document déposé en preuve (pièce D-4) par un importateur (Wirth Limited), qui traitait précisément de la capacité de production de profilés en acier à larges ailes et du taux d'utilisation de cette dernière dans plusieurs des pays visés, tendait à confirmer la position de l'industrie concernant l'existence d'une capacité de production de profilés en acier à larges ailes passablement excédentaire.

Les avocats ont ajouté que l'évolution des prix imposés aux États-Unis par les pays visés prouvait que ces derniers écouleraient leurs produits au Canada à des prix sous-évalués si les conclusions étaient annulées. À ce propos, les avocats ont déposé en preuve la pièce A-5, qui a permis de comparer les valeurs déclarées moyennes des droits visant les profilés en acier à larges ailes exportés au Canada et aux États-Unis par huit des neuf pays visés au cours du dernier trimestre de 1989 et du premier trimestre de 1990. Bien qu'ils admettent que cette comparaison soit imprécise, les avocats ont estimé qu'elle démontrait que cinq des sept pays exportant au Canada et aux États-Unis (le Luxembourg, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon) exigaient des prix moins élevés aux États-Unis qu'au Canada. Pour illustrer les bas prix auxquels les fournisseurs étrangers étaient disposés à écouler leurs produits aux États-Unis, on a déposé en preuve, selon les avocats, la pièce A-9 qui présentait une offre extrêmement avantageuse destinée à ce pays en mars 1990 et visant les poutres d'acier de construction fournies par un des fabricants espagnols (Aristrain) visés par les conclusions. Selon les avocats, on pouvait raisonnablement supposer que ces prix, qui étaient inférieurs aux valeurs normales en vigueur au Canada, seraient offerts au Canada si les conclusions étaient annulées.

Enfin, les avocats ont soutenu que le comportement antérieur des fabricants de deux des pays visés par les conclusions prouvait que s'ils en avaient l'occasion, ils auraient de nouveau recours au dumping au Canada. Plus précisément, les avocats ont fait remarquer que les importations belges à destination du Canada ont progressé peu après l'annulation des mesures antidumping à l'égard de ce pays en 1977. Ces importations belges, par la suite, ont été déclarées sous-évaluées dans l'enquête antidumping de 1983. De même, les exportateurs espagnols ont accru leurs livraisons au Canada à la fin d'une enquête antidumping en 1983 les concernant. On a ensuite constaté en 1985 et en 1987 respectivement que ces importations étaient subventionnées et sous-évaluées.

Importateurs/exportateurs

Les trois importateurs et les trois exportateurs représentés à l'audience du Tribunal ont soutenu que les conclusions avaient joué leur rôle et qu'il convenait maintenant de les annuler. Ils ont soulevé certains points pour étayer leur point de vue, dont certains qu'ils partageaient dans une certaine mesure. Ces points communs sont résumés ci-après.

Selon les avocats des exportateurs et des importateurs, les problèmes que Algoma a connus récemment et qu'elle rencontrera dans un avenir prévisible n'ont pas été causés par le dumping. Ils découlent directement et uniquement de son incapacité de concurrencer, à des niveaux rentables, les petites usines américaines, qui offraient incontestablement les prix les plus avantageux sur les marchés canadien et américain pour les dimensions de profilés en acier à larges ailes qu'elles fabriquaient. En outre, ces bas prix, qui semblaient nettement devoir se maintenir en raison de la forte augmentation de capacité des petites usines de profilés en acier à larges ailes qui doit se concrétiser sous peu, ne favorisaient guère les fabricants étrangers, dont les livraisons au Canada et aux États-Unis avaient diminué et poursuivraient donc leur chute. En effet, les fabricants étrangers ne souhaitaient pas concurrencer directement les petites usines américaines même si cela les obligeait à renoncer à une partie, sinon à la totalité, de leur contingent prévu de LVE signé avec les États-Unis. Ils se tourneraient plutôt vers les marchés à l'extérieur de l'Amérique du Nord, notamment vers l'Europe et la région du Pacifique, où la demande et les prix étaient dynamiques. L'affirmation de l'industrie selon laquelle les fabricants étrangers tenteraient de concurrencer les petites usines américaines en imposant des prix sous-évalués n'était que pure spéculation et ne reflétait pas fidèlement la situation.

En outre, la réaction de Algoma dès l'émergence de ce risque de concurrence américaine a été très mitigée. D'après les éléments de preuve fournis par Algoma au cours de l'audience, il était évident que la société n'avait adopté ni plan à long terme, ni même certaines mesures de transition à court terme. En fait, Algoma n'a pas investi d'importantes sommes dans la production des marchandises en question depuis 1979. Cette attitude mine la demande de prorogation des conclusions présentée par Algoma et ne cherche qu'à lui donner le temps de décider de la conduite à suivre.

Suit un résumé des points soulevés par chacune des parties.

TradeARBED Canada Inc.

Les avocats de TradeARBED, un importateur des marchandises en question du Luxembourg et de la Belgique, ont souligné qu'aucun élément de preuve ne démontrait que les fabricants de profilés en acier à larges ailes de ces pays affichaient une capacité de production excédentaire. Au sujet de la pièce A-5, qui semblait prouver que les fabricants étrangers offraient des prix réduits sur le marché américain, les avocats ont déclaré que plusieurs facteurs permettaient d'expliquer les écarts, y compris l'impact sur les prix des LVE signées avec les États-Unis, la diversité des produits, les taux de change et les distorsions, attribuables aux valeurs attribués par les sociétés à divers niveaux du circuit de distribution. En outre, selon les données sur la Belgique, les valeurs américaines étaient beaucoup plus élevées qu'au Canada. Bref, on ne pouvait tirer aucune conclusion de ce document. La pièce A-9, concernant une offre de marchandises en question à des prix prétendument bas destinée aux États-Unis émanant de la société Aristrain, n'était guère plus probante. Il semblait que ce n'était là qu'une transaction isolée visant un seul fournisseur.

Les avocats ont précisé que TradeARBED était une entreprise à but lucratif établie au Canada depuis 30 ans et un fournisseur réputé de nombreux produits de l'acier, dont les marchandises en question. Le témoin de TradeARBED a précisé que la société avait réduit ses importations au Canada et aux États-Unis des marchandises en question dans toutes les dimensions fabriquées par les petites usines et les offrait désormais dans des dimensions plus importantes. TradeARBED avait nettement l'intention de trouver des créneaux où elle pouvait être concurrentielle sans recourir au dumping.

British Steel Canada Inc.

Les avocats de British Steel ont soutenu que si la présente cause constituait une première enquête de préjudice, il serait impossible de conclure que le dumping était, ou était susceptible d'être, la cause du préjudice sensible subi par Algoma. De toute évidence, les problèmes de Algoma étaient et demeureraient imputables à d'autres facteurs autre que le dumping. Pour survivre à l'assaut des petites usines, Algoma a reconnu qu'elle devait restructurer massivement ses installations de production de profilés en acier à larges ailes. Les dispositions de l'article 6 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ne permettait pas d'imposer ou de proroger des droits antidumping pour faciliter l'ajustement structurel. Le remède indiqué dans le cas présent consistait à invoquer les dispositions de «sauvegarde» du GATT et les dispositions correspondantes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Les avocats ont déclaré que British Steel avait sensiblement réduit sa capacité de production depuis le dépôt des dernières conclusions, et ils ont déposé en preuve à cet effet la pièce C-5. Au sujet de la pièce A-5 sur les prix américains et canadiens, les avocats ont rappelé que le témoin de British Steel avait précisé que les données sur le Royaume-Uni contenues dans ce document ne tenaient pas compte des exportations de British Steel vers le Canada ou les États-Unis. En fait, au cours de la période indiquée, British Steel, le seul fabricant au Royaume-Uni des marchandises en question, n'a pas exporté d'acier au Canada ou aux États-Unis. Selon les avocats, il était évident que cette pièce était tellement imprécise qu'elle n'avait aucune valeur.

ENSIDESA (Espagne) et Stalhwerke Peine-Salzgitter AG (Allemagne)

L'avocat de ces deux fabricants étrangers a déposé en preuve les pièces E-1 et F-1 et fait témoigner des représentants des deux sociétés qui ont déclaré que ni l'une ni l'autre ne disposait d'une capacité de production excédentaire dans le cas des profilés en acier à larges ailes. D'après ces éléments de preuve, l'augmentation de la demande intérieure des marchandises en question en Espagne et en Allemagne, ainsi qu'ailleurs en Europe généralement et en Asie, ne permettait ni ne justifiait guère l'utilisation d'une partie de la capacité de production pour faire concurrence sur le marché nord-américain peu rentable. Les conditions dans ces marchés avaient permis à ces deux fabricants d'accroître progressivement leur rentabilité depuis plusieurs années. En fait, pour que l'Espagne puisse devenir membre de la Communauté économique européenne (la CEE), ENSIDESA devait atteindre un certain niveau de rentabilité, ce qui a entraîné l'abolition des subventions qui étaient à l'origine des conclusions de 1987 visant ENSIDESA.

L'avocat a déclaré que ENSIDESA n'avait pas livré de marchandises en question au Canada depuis 1989 et que les importations allemandes avaient aussi sensiblement diminué. En outre, les deux fabricants n'avaient pas utilisé la totalité du contingent que leur accordait les LVE signées avec les États-Unis, confirmant en cela leur désintéressement à l'égard du marché nord-américain dans les circonstances du moment. En outre, comme ENSIDESA n'avait pas effectué de livraisons en 1989 ou en 1990, il était évident que la pièce A-5 ne s'appliquait pas à cette société. En ce qui touche les exportations allemandes, même si la pièce A-5 faisait état d'un léger écart entre les prix d'exportation f. à b. aux États-Unis et ceux au Canada, celui-ci était sans doute attribuable, comme l'a indiqué l'un des témoins de Peine-Salzgitter, aux modalités de crédit différentes en vigueur dans ces deux pays.

Jose Maria Aristrain S.A., Jose Maria Aristrain Madrid S.A. et Aristrain International Inc.

Dans son témoignage, le représentant de Aristrain, un exportateur espagnol de profilés en acier à larges ailes, a déclaré que l'explosion du secteur de la construction en Espagne (en raison des Jeux olympiques et de l'Exposition universelle de 1992), la forte demande à l'égard des marchandises en question au sein de la CEE et de la région du Pacifique et les bas prix offerts au Canada et aux États-Unis avaient entraîné une importante baisse des exportations de Aristrain vers l'Amérique du Nord depuis octobre 1989. Il a ajouté que Aristrain ne serait présente que sur les marchés rentables, ce qui excluait l'Amérique du Nord pour le moment.

Le témoin a aussi répondu aux questions des avocats de l'industrie au sujet de la pièce A-9 concernant les bas prix offerts par Aristrain pour ses produits d'acier vendus aux États-Unis. À son avis, les prix indiqués dans cette pièce ont été établis par INSTCO, la filiale commerciale, et non par Aristrain. Cette dernière n'avait aucun contrôle sur les prix et ne pouvait répondre du prix auquel des maisons de commerce et des spéculateurs revendaient ses produits.

Wirth Limited

Le président de Wirth Limited, M. M. Wirth, a déposé en preuve la pièce D-4, selon laquelle la capacité de production d'acier de construction de la Belgique, de l'Allemagne, de la France, du Luxembourg, de l'Espagne et du Royaume-Uni avait chuté de 29 p. 100 entre 1978 et 1990. Selon cette même pièce, les exportations de la CEE vers les États-Unis ont diminué de 17 p. 100 et ses livraisons internes ont grimpé de 46 p. 100 entre 1986 et la fin de 1989. Il a fait remarqué que, pour interpréter les données contenues dans cette pièce, l'industrie nationale n'avait soustrait que les livraisons destinées à l'Amérique du Nord et à l'Europe de la capacité de production totale indiquée. Le résultat obtenu tend à démontrer que la capacité de production des marchandises en question en Europe était excédentaire. Toutefois, M. Wirth a soutenu que Algoma interprétait mal le document, car les données indiquées n'englobaient pas les exportations vers les autres pays du globe, y compris le dynamique marché des pays d'Asie du Pacifique, de l'Afrique, du Moyen-Orient et d'autres destinations.

Selon M. Wirth, la renégociation des LVE avec les États-Unis faussait les données sur les prix américains en 1989 contenues dans la pièce A-5 parce que les fabricants étrangers croyaient qu'ils devaient préserver le niveau de leurs exportations à tout prix pour conserver leurs contingents. Or, il s'agissait d'une condition exceptionnelle qui n'allait pas se répéter de sitôt. Au sujet de la pièce A-9, M. Wirth a soutenu qu'au milieu du mois de mars 1990, soit au cours de la période visée par la pièce, Aristrain lui avait fourni directement des prix beaucoup plus élevés que ceux indiqués dans la pièce. À son avis, l'explication la plus logique était que l'intermédiaire en cause, INSTCO, utilisait les marchandises en question comme «produit d'appel» pour attirer des clients. M. Wirth a indiqué que cette pratique commerciale était courante et qu'il y avait déjà eu recours.

M. Wirth a ajouté que, si les conclusions étaient annulées, Algoma pourrait encore compter sur certains mécanismes de protection, y compris le Tarif de la nation la plus favorisée de 6,5 p. 100 et la préférence déclarée des principaux distributeurs nationaux pour les produits nord-américains. En outre, les distributeurs nationaux ont récemment constaté un élément de risque appréciable lié à l'achat d'importations devant être livrées quelque six mois plus tard, vu les incertitudes caractérisant les escomptes accordées par les petites usines américaines. Ce risque d'achat à terme conférait aux fabricants nationaux un avantage marqué par rapport aux importations vu la conjoncture du marché, qui ne semblait pas devoir évoluer.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le Tribunal a examiné l'évolution du marché au cours d'une période de 13 ans débutant en 1977. Il a constaté que la consommation nationale a atteint des sommets en 1981 et en 1988. Le plancher a été établi en 1982, en pleine récession, alors que la consommation était inférieure de 119 points de pourcentage au sommet de 1981. La part du marché de Algoma a évolué dans le sens contraire du marché. Elle a enregistré son plus faible niveau pour les 13 ans au cours de l'année record de 1981 et a fait à peine mieux en 1988. Pourtant, tout au long de la période à l'étude, la part du marché de Algoma représente le gros de la consommation nationale.

Pendant 5 des 13 années à l'étude, la part du marché détenue par les pays visés a représenté plus du quart de la demande totale des marchandises en question. Elle a atteint un sommet au cours de l'année record de 1988 pour ensuite chuter brusquement en 1989. Cet important déclin est sans doute largement attribuable au recul des importations espagnoles, ce pays ayant été pendant plusieurs années le plus important exportateur des marchandises en question parmi les pays visés par les conclusions.

La part du marché des importations détenues par les pays non assujettis aux conclusions, qui oscillait entre 3 et 8 p. 100 avant 1986, a plus que quadruplé entre 1986 et 1987. Cette redistribution de la part du marché s'est maintenue tout au long de 1989, surtout au détriment des pays exportateurs assujettis aux conclusions. Les importations originaires des États-Unis ont été particulièrement élevées en 1987 et en 1989, faisant de ce pays le plus important exportateur des marchandises en question, que ce soit ou non par rapport aux pays assujettis aux conclusions.

Selon l'état des revenus de Algoma ventilés d'après leur source, les ventes annuelles nettes de profilés en acier à larges ailes ont atteint leur niveau le plus élevé au cours de la période de 13 ans en 1988 et en 1989. Pourtant, la société n'a enregistré aucun bénéfice ni pendant ces deux années, ni depuis 1982 (sauf en 1987, alors qu'elle a dégagé de modestes profits). De même, entre 1987 et 1989, les maigres ventes à l'exportation de Algoma n'ont pas été rentables. Les pertes subies sur la vente des marchandises en question depuis quatre ans ont miné la rentabilité globale de Algoma et transformé les modestes bénéfices qui auraient été enregistrés en 1989 en un important déficit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux fins d'un réexamen de conclusions portant sur des droits antidumping ou compensateurs, le Tribunal doit répondre à deux questions fondamentales. Il doit d'abord déterminer si l'industrie canadienne risque de subir un préjudice sensible en cas de reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées. Il doit ensuite préciser si l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées est susceptible de reprendre si les conclusions sont annulées. Si cette condition n'est pas satisfaite, le Tribunal ne peut établir un lien de cause à effet entre, d'une part, le dumping et le subventionnement et, d'autre part, tout préjudice subi par les fabricants nationaux, auquel cas les conclusions ne peuvent être prorogées.

PRÉJUDICE SENSIBLE SUSCEPTIBLE D'ÊTRE CAUSÉ

Les participants à l'audience n'ont pas remis en question les difficultés de Algoma. Selon les résultats financiers, la production des marchandises en question a été déficitaire tout au long de la période à l'étude, et même en 1988, alors que la demande était forte et les prix raisonnables. Les données financières concernant les marchandises en question sont moins favorables que celles visant les autres activités de Algoma, et l'avenir n'est guère prometteur. D'autres indicateurs comme l'emploi affichent une tendance à la baisse comparable.

De nombreux facteurs expliquent les problèmes de Algoma. Depuis quelques années, la concurrence exercée par les petites usines américaines a obligée Algoma à réduire ses prix pour conserver sa part du marché. Ces petites usines, qui ont entrepris d'augmenter leur capacité et d'étendre leur gamme de produits à l'acier de construction dans la plupart des dimensions, profitent d'un avantage au chapitre des coûts de production pouvant atteindre 30 p. 100 par rapport aux fabricants d'acier intégrés. En outre, l'importante dette de Algoma a limité les mouvements de capitaux dans certains secteurs d'activité. Par exemple, 1979 a été la dernière année durant laquelle Algoma a investi dans l'usine de profilés en acier à larges ailes. À cela s'ajoute un manque de chance. Après avoir procédé au brasquage de ses hauts fourneaux en 1988, Algoma n'a pu profiter pleinement des prix avantageux en vigueur à la fin de l'année; elle a même été obligée de s'approvisionner en acier brut à prix élevé pour répondre à ses propres besoins. Le ralentissement dans le secteur de la construction depuis 1989 a également réduit la demande de profilés en acier à larges ailes, ce qui a accentué le recul des prix.

Algoma n'a pas profité des conclusions pour améliorer ses installations de profilés à larges ailes. Ni Algoma ni Dofasco, le nouveau propriétaire, ne semblent avoir élaboré de plans à long terme pour évaluer la viabilité soutenue des installations. Au cours des séances à huis clos, Algoma a abordé un plan de transition qui permettrait de réduire légèrement les coûts de production des profilés en acier à larges ailes grâce à de modestes injections de capitaux. Vu l'écart important entre les coûts de Algoma et ceux des petites usines américaines, il est évident que même s'il était mis en place, ce plan de transition n'empêchera pas l'accumulation des pertes financières au chapitre de la production de profilés en acier à larges ailes.

Le Tribunal estime que, même si les conclusions étaient prorogées, la situation de Algoma demeurerait fort précaire en raison des nombreux problèmes auxquels l'industrie est confrontée. En revanche, le Tribunal est d'avis que la présence d'importations de marchandises sous-évaluées ou subventionnées ajouteraient aux tensions propices à une baisse des prix, déjà fort répandues sur le marché. Cela serait encore plus néfaste à l'industrie, déjà mal en point. En conséquence, le Tribunal déclare que l'industrie nationale est susceptible de subir un préjudice sensible s'il y a reprise de l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées. Reste à déterminer si l'importation de marchandises sous-évaluées ou subventionnées est susceptible de reprendre.

PROBABILITÉ DE DUMPING

Pour déterminer la probabilité d'une reprise du dumping par les exportateurs visés par les conclusions, le Tribunal a étudié l'évolution des importations, les prix, la demande visant les marchandises en question, la capacité de production des exportateurs visés par les conclusions et leur récent comportement sur le marché nord-américain.

Les témoins de Algoma, des distributeurs d'acier semi-ouvré et des importateurs ont convenu du fait que les petites usines américaines, et Nucor en particulier, fixaient les prix canadiens des marchandises en question. Algoma a soutenu qu'en raison de la domination du marché par les petites usines, les fabricants étrangers seraient obligés de recourir au dumping pour conserver leur part du marché au Canada. Les témoins de Algoma ont essentiellement déclaré que les exportateurs visés par les conclusions réduiraient leurs prix pour suivre ceux exigés par les petites usines. Ils pourraient même se livrer à une guerre de prix avec ses dernières au point de recourir de nouveau au dumping au Canada.

Le Tribunal reconnaît que ce scénario est plausible mais doute qu'il est susceptible de se réaliser dans un avenir prévisible, compte tenu des éléments de preuve disponibles.

Les données sur les importations et le témoignage des représentants des distributeurs d'acier semi-ouvré, des importateurs et des exportateurs ne confirment pas le portrait du marché tracé par Algoma. Les importations originaires des pays visés et d'autres fabricants d'outre-mer ont chuté en 1989 et le recul s'est poursuivi en 1990. Certains de ces fabricants produisent maintenant des profilés de plus grandes dimensions que les petites usines n'offrent pas encore. Toutefois, ce répit sera de courte durée, car les petites usines mettront bientôt en oeuvre leurs propres programmes de production de profilés de plus grandes dimensions.

Les représentants de TradeARBED, de British Steel, de Peine-Saltzgitter, de Aristrain et de ENSIDESA ont mentionné l'augmentation de la demande et des prix dans d'autres marchés d'exportation, notamment dans la région du Pacifique et au Moyen-Orient. En outre, le dynamisme de la demande en Europe en raison de projets tels l'Exposition universelle qui se tiendra prochainement à Hanovre et les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 font que le marché européen est plus attrayant que celui d'Amérique du Nord. D'après une étude de l'OCDE sur la capacité mondiale de production de l'acier, les affirmations des exportateurs, qui soutiennent que leur capacité de production excédentaire est peu importante, contredisaient les arguments de Algoma. Le Tribunal constate que le document de l'OCDE porte sur l'acier brut et ne renferme pas de données distinctes pour la production et la capacité dans le cas de l'acier de construction. En outre, le rapport révèle que depuis 1980, la capacité de production d'acier brut des pays membres de l'OCDE, dont beaucoup sont visés par les conclusions, a sensiblement diminué et que l'écart entre la production et la capacité s'est amenuisé. D'après un autre document déposé en preuve par un importateur (pièce D-4), qui porte plus précisément sur la capacité de production des marchandises en question, la capacité de production d'acier de construction des pays européens a sensiblement diminué au cours de la dernière décennie. Si l'on tient également compte du dynamisme des marchés en Europe, en Asie et ailleurs, il semble que l'affirmation des exportateurs concernant leur modeste capacité de production excédentaire s'en trouve confirmée.

D'autres facteurs incitent le Tribunal à croire que les exportateurs hésiteront à écouler de grandes quantités d'acier de construction en Amérique du Nord, vu les bas prix en vigueur. Selon des éléments de preuve fournis au cours de l'audience, les petites usines fixent les prix de l'acier de construction en Amérique du Nord en raison de l'avantage appréciable sur le plan des coûts que leur confèrent leur niveau de perfectionnement technologique, leur taille, leurs coûts de main-d'oeuvre et leur mode de gestion. Le Tribunal considère que la baisse des prix des marchandises en question sur les marchés n'est pas qu'un phénomène cyclique de courte durée. Les petites usines ont modifié la nature même de la concurrence dans l'industrie de l'acier de construction. D'après le Tribunal, il est peu probable que les fabricants d'outre-mer accepteront d'exploiter à perte encore longtemps le marché canadien alors que d'autres débouchés sont plus intéressants.

Les LVE entre les États-Unis et les exportateurs d'acier se répercutent sur l'ensemble des importations nord-américaines. Dans le cas présent, le Tribunal constate que ces LVE américaines réduisent la probabilité de reprise du dumping au Canada au lieu de l'accroître. Les LVE américaines en vigueur doivent prendre fin en 1992 en application d'ententes signées en 1989 avec divers pays exportateurs d'acier. Avant la conclusion des ententes de 1989, les importations américaines d'acier se maintenaient en dépit de prix dépréciés, les pays exportateurs croyant que le fait de détenir une part importante du marché les avantagerait aux fins de la négociation des contingents et protégerait, donc, leur situation à plus long terme sur le marché américain. Depuis la prorogation des LVE, les exportateurs n'ont pas voulu subir de pertes sur le marché américain et n'ont pas utilisé une bonne part des contingents que les LVE leurs conféraient pour 1989 et 1990. Toutefois, ils accorderaient sans doute la priorité au marché américain même si les bas prix se continuaient si, contrairement aux projets courants, les LVE avec les États-Unis devaient être prorogées au delà de 1992.

Le Tribunal estime que la pièce A-5, comparant les prix d'importation canadiens et américains des marchandises en question, déposée par l'industrie, ne prouve pas que les pays visés par les conclusions auraient de nouveau recours au dumping si ces dernières étaient annulées. En outre, le Tribunal n'admet pas que les prix moyens légèrement plus élevés au Canada indiqués dans ladite pièce résultent nécessairement des conclusions antidumping.

Premièrement, le Tribunal constate que la pièce A-5 ne démontre pas que les prix des importations au Canada sont toujours plus élevés pour les importations en provenance de tous les pays visés. Deuxièmement, comme l'ont déclaré les témoins des exportateurs et des importateurs, les prix plus élevés au Canada pouvaient s'expliquer par la taille réduite de l'échantillon, la brièveté de la période à l'étude et le fait de ne pas tenir compte de la diversité des produits et des modalités de paiement. Enfin, même si les prix sont plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, l'écart est sans doute davantage attribuable aux droits de douane et aux frais de transport. Les témoins ont déclaré que les prix de l'acier au Canada correspondent à la somme des prix fixés par la petite usine de Nucor et des frais de transport et des droits de douane imposés à l'entrée au Canada. Les fabricants des pays d'outre-mer doivent donc s'aligner sur ce prix légèrement plus élevé pour écouler leurs produits au Canada. À mesure que les droits de douane diminueront en application de l'Accord de libre-échange et que les petites usines mettent en service les installations qu'elles prévoient d'aménager dans le nord des États-Unis, l'écart entre les prix sur les marchés canadien et américain devrait devenir négligeable.

Algoma a aussi déposé en preuve une offre de bas prix visant l'acier espagnol vendu aux États-Unis. Le Tribunal a peine à accorder beaucoup d'importance à cette pièce, ne sachant pas quelle quantité d'acier fut offerte dans les diverses dimensions (les marchandises en question ne représentant qu'une partie de l'offre globale), si des transactions ont été effectuées à la suite de cette offre et, dans l'affirmative, à quelles conditions. À défaut de ces précisions, le Tribunal ne peut savoir si INSTCO agissait au nom du fabricant ou de l'importateur inscrit au dossier, fournissant les marchandises en question en quantités appréciables à bas prix, ou ne constituait qu'un modeste intermédiaire spéculant sur l'acier importé des mois plus tôt et qui a été surpris par la récente chute des prix. Le Tribunal doit aussi comparer cet élément de preuve aux données figurant dans la pièce A-5 fournie par l'industrie et au témoignage des importateurs espagnols, qui ont déclaré que les livraisons de profilés en acier à larges ailes originaires de l'Espagne ont grandement diminué depuis un an. Le Tribunal n'est pas convaincu que les éléments de preuve visant ce qui pourrait être une offre ponctuelle d'acier espagnol destinée aux États-Unis signifient une probabilité que le dumping au Canada reprendra si les conclusions visant l'Espagne sont annulées.

Au sujet de l'argument des avocats de Algoma, qui ont soutenu que les antécédents des exportateurs belges et espagnols démontrent que le dumping est susceptible de reprendre, le Tribunal considère, comme il l'a indiqué précédemment, que la situation des marchés canadien et étranger a suffisamment évolué pour que cette éventualité ait peu de chances de se concrétiser.

En résumé, le Tribunal déclare que les exportateurs visés par les conclusions ne sont pas susceptibles de recourir de nouveau au dumping au Canada si les conclusions sont annulées. Cette conclusion s'appuie sur le fait que la vive concurrence exercée par les petites usines américaines a réduit les prix des marchandises en question sur le marché nord-américain et déplacé les importations en provenance d'autres sources. Sur la foi des déclarations des témoins des exportateurs et des importateurs, le Tribunal estime que les fabricants visés par les conclusions ont accès à des débouchés plus intéressants dans leur propre marché national et ailleurs à l'étranger. Le Tribunal considère que la conjoncture du marché nord-américain n'est pas un simple phénomène cyclique et conclut que les fabricants ne seraient pas disposés à exploiter à perte le marché canadien pendant longtemps.

PROBABILITÉ D'IMPORTATIONS SUBVENTIONNÉES

Pour évaluer la probabilité de reprise d'expéditions des marchandises subventionnées originaires de l'Espagne, le Tribunal a étudié l'évolution récente des subventions espagnoles dans le secteur de l'acier.

D'après les éléments de preuve, les fabricants espagnols d'acier ne devaient plus recevoir de subventions et devaient réduire leur capacité et être rentables pour que l'Espagne puisse adhérer à la CEE. Un témoin représentant ENSIDESA, le fabricant espagnol visé par les droits compensateurs imposés en 1985, a indiqué que l'objectif de rentabilité avait été atteint et que ENSIDESA ne recevait plus de subventions. Pour accroître sa rentabilité future, ENSIDESA prévoyait d'autres mesures de compression des coûts, notamment des réductions d'emplois plus importantes que n'exigeait d'elle la CEE. Le Tribunal estime donc que l'importation de marchandises subventionnées originaires de l'Espagne n'est pas susceptible de reprendre dans un avenir prévisible.

CONCLUSION

Le Tribunal conclut qu'une reprise de l'importation des profilés en acier à larges ailes sous-évalués ou subventionnés causerait un préjudice sensible au fabricant canadien, Algoma. En revanche, la conjoncture et l'évolution prévisible du marché font qu'il est peu probable que les pays visés par les conclusions aient recours au dumping pour écouler leurs produits au Canada. En outre, l'Espagne a cessé de subventionner la fabrication de profilés en acier à larges ailes pour être autorisée à adhérer à la CEE. Les conclusions sont donc annulées.


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Publication initiale : le 22 août 1997