ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES

Réexamens (article 76)


ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE HONG KONG ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE; FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE HONG KONG, DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE; ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT) ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE; ET ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉEMENT) ET FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE SINGAPOUR, MALAISIE ET TAÏWAN
Réexamen n° : RR-89-012

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 4 septembre 1990

Réexamen n° : RR-89-012

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975, prorogées le 24 août 1984, et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations les 26 avril 1985, 14 février 1986 et 3 novembre 1987 concernant les :

ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE HONG KONG ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE; FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE HONG KONG, DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE; ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT) ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE; ET ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU S 9?PARÉEMENT) ET FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE SINGAPOUR, MALAISIE ET TAÏWAN

O R D O N N A N C E

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, en vertu des dispositions de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a entrepris un réexamen des conclusions de préjudice sensible concernant :

- les conclusions rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon et de la République de Corée, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-74 et prorogées le 24 août 1984, dans le cadre du réexamen n° R-3-84;

- les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 avril 1985 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires ou exportés de Hong Kong et des États-Unis d'Amérique et les feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Hong Kong, des États-Unis d'Amérique et de la République de Corée, dans le cadre de l'enquête n° CIT-18-84;

- les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 14 février 1986 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) originaires ou exportés de la République populaire de Chine, dans le cadre de l'enquête n° CIT-10-85; et

- les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 3 novembre 1987 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et les feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan, dans le cadre de l'enquête n° CIT-5-87.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur par la présente :

a) proroge, sans modification, les conclusions susmentionnées concernant les marchandises originaires de la République de Corée, de Hong Kong, de la République populaire de Chine, de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan;

b) annule les conclusions datées du 24 janvier 1975 et prorogées le 24 août 1984 concernant les marchandises originaires du Japon; et

c) annule les conclusions datées du 26 avril 1985 concernant les marchandises originaires des États-Unis d'Amérique.

W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre présidant


John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Doit-on proroger, avec ou sans modification, ou annuler les conclusions et les conclusions de réexamen du Tribunal antidumping, de même que les conclusions du Tribunal canadien des importations relativement aux marchandises susmentionnées?

DÉCISION : En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur par la présente a) proroge, sans modification, les conclusions concernant les marchandises originaires de la République de Corée, de Hong Kong, de la République populaire de Chine, de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan; b) annule les conclusions datées du 24 janvier 1975 et prorogées le 24 août 1984 concernant les marchandises originaires du Japon; et c) annule les conclusions datées du 26 avril 1985 concernant les marchandises originaires des États-Unis d'Amérique.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 22 et 23 mai 1990
Date de l'ordonnance et
des motifs : Le 4 septembre 1990

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant
John C. Coleman, membre
Charles A. Gracey, membre

Directeur de la recherche : Marcel Brazeau
Gestionnaires de la recherche : André Renaud
Richard Cossette

Agent des statistiques : Gilles Richard
Commis à la distribution et à
l'inscription : Molly C. Hay


Participants :
John D. Richard, c.r.
pour Desmarais & Frère Ltd./Ltée

Gerry Hunt
Directeur des produits
Candym Enterprises Limited

Témoins :

André Deschamps
Vice-président et Chef de la direction
Desmarais & Frère Ltd./Ltée

Marius St.-Amand
Trésorier
Desmarais & Frère Ltd./Ltée

William Campbell
Vice-Président, Ventes
Ontario et Ouest du Canada
Desmarais & Frère Ltd./Ltée

Gerry Desmarais
Président
Desmarais & Frère Ltd./Ltée

Gerry Hunt
Directeur des produits
Candym Enterprises Limited

Pierre Stevens
Banner Educational Products Ltd.

Garry L. Bilton
Préposé aux achats
Black Photo Corporation

Veuillez adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal Sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Il s'agit d'un réexamen mené par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), en vertu de l'article 76 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975 et prorogées le 24 août 1984, et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations (TCI) les 26 avril 1985, 14 février 1986 et 3 novembre 1987, concernant les albums de photos et les feuilles auto-adhésives. Dans le cadre du réexamen des conclusions, le Tribunal a tenté de répondre à deux questions fondamentales - Quelle est la probabilité que les pays exportateurs reprennent leur pratique de dumping si les conclusions en cause sont annulées? Si le dumping recommence, l'industrie nationale est-elle susceptible de subir un préjudice sensible?

En ce qui concerne la probabilité d'une reprise du dumping, les éléments de preuve portent le Tribunal à conclure que les exportateurs japonais et américains ne sont pas susceptibles de reprendre leur dumping préjudiciable en foi de quoi les conclusions applicables à ces deux pays devraient être annulées. Les éléments de preuve révèlent que le Japon et les États-Unis ont possédé une part relativement restreinte du marché. Les importations japonaises sont faibles sur le plan du volume et elles se limitent en grande partie à des albums à prix élevés. En 1985, une des préoccupations de Desmarais & Frère Ltd./Ltée (Desmarais), le plus important fabricant national et la partie plaignante dans toutes les causes, était que plusieurs des importations originaires des États-Unis se composaient de marchandises transbordées originaires des pays en cause. Il est peu probable que de tels transbordements se reproduisent compte tenu des conclusions de préjudice rendues ultérieurement aux États-Unis contre le dumping des marchandises importées de la République de Corée (la Corée) et de Hong Kong. En outre, l'activité des fabricants américains a diminué depuis 1986.

Cependant, le Tribunal a conclu qu'il existe une forte probabilité d'une reprise du dumping des marchandises en cause par la Corée, Hong Kong, la République populaire de Chine (la Chine), Singapour, la Malaisie et Taïwan. Le Tribunal fonde sa décision sur les antécédents en ce qui touche le déplacement entre divers pays des importations sous-évaluées causant un préjudice sensible, l'activité des exportateurs de bon nombre de ces pays sur les marchés internationaux en matière de dumping et l'incapacité des marchandises importées à bas prix à concurrencer sur le marché canadien, suivant une valeur respectant la valeur normale ou étant au-dessus de celle-ci.

En ce qui a trait à la probabilité d'un préjudice sensible causé à l'industrie nationale par une telle reprise du dumping, le Tribunal a noté qu'en 1988 l'industrie canadienne a connu sa meilleure année depuis presque une décennie. Tout de même, les prix n'ont été que légèrement supérieurs à ceux pratiqués au début des années 80, et Desmarais n'a réalisé qu'un faible bénéfice sur les marchandises en cause. Cet avantage fut de courte durée en raison de nouvelles pressions exercées sur les prix par des importations à bas prix originaires d'autres pays, notamment l'Indonésie et la Thaïlande. Ces pressions ont exercé un effet négatif sur les prix et sur les bénéfices de l'industrie. Le scénario maintenant connu de réponses défensives de la part de l'industrie aux bas prix des importations, avec la compression des prix et la détérioration de la situation financière qui en découlent, se répétait pour la cinquième fois. Somme toute, le Tribunal est convaincu à la lumière des éléments de preuve que, pour ce qui est des prix, des ventes et des bénéfices, l'industrie est susceptible de subir un préjudice sensible avec la reprise du dumping.

En conséquence, le Tribunal était d'avis que les conclusions en cause, à l'exception de celles contre le Japon et les États-Unis, devraient être prorogées sans modification.

HISTORIQUE

Il s'agit d'un réexamen, en vertu de l'article 76 de la LMSI, des conclusions de préjudice sensible suivantes :

- les conclusions rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon et de la Corée, dans le cadre de l'enquête n° ADT-4-74, et prorogées le 24 août 1984, dans le cadre du réexamen n° R-3-84;

- les conclusions rendues par le TCI le 26 avril 1985 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires ou exportés de Hong Kong et des États-Unis d'Amérique et les feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Hong Kong, des États-Unis d'Amérique et de la Corée, dans le cadre de l'enquête n° CIT-18-84;

- les conclusions rendues par le TCI le 14 février 1986 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) originaires ou exportés de la Chine, dans le cadre de l'enquête n° CIT-10-85; et

- les conclusions rendues par le TCI le 3 novembre 1987 concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et les feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan, dans le cadre de l'enquête n° CIT-5-87.

Conformément aux dispositions de l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen des conclusions et a émis un avis de réexamen le 27 novembre 1989. Cet avis a été transmis à toutes les parties intéressées connues et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 9 décembre 1989.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés aux fabricants et importateurs connus des marchandises en cause. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé, préalables à l'audience, au sujet du réexamen. En outre, le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles-protégées des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées et les pièces protégées, à la disposition des avocats indépendants seulement.

Des scéances publiques et à huit clos se sont tenues à Ottawa (Ontario), les 22 et 23 mai 1990.

Desmarais, un fabricant canadien des marchandises en cause, était représentée à l'audience par un avocat et a présenté des éléments de preuve et des arguments à l'appui de la prorogation des conclusions.

Candym Enterprises Limited (Candym), éventuel importateur des marchandises en cause, a déposé des éléments de preuve et a formulé des arguments à l'appui d'une exclusion des conclusions applicable à Singapour, à la Malaisie et à Taïwan pour importer certains albums qui, paraît-il, ne font pas directement concurrence aux marchandises fabriquées au Canada.

En outre, le Tribunal a convoqué un témoin de Banner Educational Products Ltd. (Banner), deuxième plus important fabricant national des marchandises en cause, et un témoin de Black Photo Corporation (Black), important détaillant de matériel de photographie et acheteur des albums de photos fabriqués par Desmarais et d'albums provenant de l'étranger, afin de répondre aux questions des membres du Tribunal et de l'avocat.

LE PRODUIT

Les albums de photos à feuilles auto-adhésives et les feuilles auto-adhésives détachées font l'objet du présent réexamen. Les albums sont composés de feuilles individuelles qui sont jointes ensemble par des reliures habituellement à trois anneaux ou des reliures à spirale. Les feuilles sont faites de carton léger enduit de chaque côté d'un type spécial d'adhésif par pression et recouverte d'une pellicule transparente qui peut être décollée. L'adhésif tient la photo en place tout en permettant de la retirer très aisément, sans laisser de traces. Une fois la photo placée sur le carton enduit d'adhésif, la pellicule transparente peut être rabattue sur la photographie pour la protéger.

Les albums à reliure à spirale sont généralement utilisés comme articles promotionnels par les grands détaillants partout au Canada. Les albums de photos à trois anneaux sont devenus plus populaires car ils contiennent un plus grand nombre de feuilles, habituellement 50. Les feuilles auto-adhésives individuelles sont vendues soit comme feuilles de rechange, le plus souvent en paquets de 4, 10 ou 20 feuilles, ou en vrac à d'autres fabricants d'albums de photos.

L'INDUSTRIE NATIONALE

Desmarais, de Longueuil (Québec), est le principal fabricant canadien d'albums de photos à feuilles auto-adhésives depuis le lancement de ses activités de production au début des années 70. Cette entreprise a été fondée en 1951 et constituée en société en 1957. Le Groupe Quebecor Inc., société de portefeuille canadienne très active dans le domaine de l'impression et de l'édition au Canada, y a acquis une participation majoritaire en 1987. En période de pointe, Desmarais compte plus de 400 employés affectés à la fabrication d'albums de photos, de cartons de montage de diapositives, d'articles en plastique thermocollés de même que de produits à base de polymères obtenus par stratification et extrusion. Il s'agit de la seule entreprise entièrement intégrée qui fabrique les marchandises en cause au Canada. Cette société produit des albums à reliure à spirale, à tiges et à trois anneaux, de même que des feuilles auto-adhésives individuelles.

Au fil des ans, un certain nombre d'entreprises ont produit les marchandises en cause, en tout ou en partie, au Canada. Mentionnons, entre autres, William E. Coutts Company, Limited, de Willowdale (Ontario); Hutchings & Patrick Inc., d'Ottawa (Ontario); Crown Photo Album Co. Inc., de Richmond Hill, (Ontario); et Banner Educational Products Ltd., de Ville d'Anjou (Québec). Les trois premières entreprises achètent des feuilles et les intègrent à des albums qu'elles fabriquent elles-mêmes. Elles en ont produit de faibles quantités depuis 1987, Hutchings & Patrick Inc. mettant même un terme à sa production d'albums en 1989. Par ailleurs, Banner, qui avait produit des albums à feuilles auto-adhésives de façon intermittente par le passé en utilisant des feuilles importées, a commencé en 1987 à fabriquer des feuilles et d'importantes quantités d'albums à reliure à trois anneaux.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1975

Le 24 janvier 1975, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires de la Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale et que le dumping des marchandises en cause originaires du Japon était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale. Aucun préjudice sensible n'a été décelé à l'égard des parties composantes des albums de photos à feuilles auto-adhésives (y compris les feuilles auto-adhésives détachées) originaires du Japon et de la Corée.

Dans son examen de préjudice sensible à l'égard des albums de photos, le Tribunal antidumping a entendu des éléments de preuve révélant que les importations japonaises avaient régressé, en termes de pourcentage, par rapport à l'ensemble du marché canadien apparent et que les prix unitaires moyens japonais des albums de photos étaient plus élevés que les prix unitaires moyens coréens. Par conséquent, le Tribunal antidumping n'a pas été en mesure de conclure que le dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon avait causé ou causait un préjudice sensible à la production canadienne, mais a établi que ledit dumping était susceptible de causer un préjudice sensible. Le Japon avait offert, et était disposé à offrir, de grandes quantités d'albums de photos à feuilles auto-adhésives à des acheteurs canadiens à des prix sous-évalués. Le Tribunal antidumping a conclu qu'une telle pratique pourrait empêcher les fabricants canadiens d'accroître leur part du marché et, ainsi, pourrait constituer une menace de préjudice sensible à la production canadienne.

Bien que la part que détenait le Japon sur le marché canadien des albums de photos à feuilles auto-adhésives fût en régression, elle profitait en grande partie à des fabricants coréens et, dans une moindre mesure, à des fabricants canadiens, et tout portait à croire que la part coréenne du marché demeurerait importante. Compte tenu des éléments de preuve soumis, le Tribunal antidumping s'est dit convaincu que les importations sous-évaluées coréennes ont empêché Desmarais de majorer ses prix selon l'augmentation des coûts, ce qui fut considéré comme une forme d'érosion des prix. De plus, le Tribunal antidumping était convaincu que Desmarais était incapable d'accaparer la part du marché national (particulièrement dans cet important secteur que représente les grands magasins de vente au détail) qu'elle pouvait raisonnablement s'attendre d'obtenir, principalement en raison des prix. Et, finalement, le Tribunal antidumping était persuadé que le faible volume de marchandises et le niveau peu élevé des bénéfices de Desmarais étaient directement liés à l'intense concurrence des importations sous-évaluées. En raison de l'effet cumulatif des éléments susmentionnés, le Tribunal antidumping en est venu à la conclusion que les importations sous-évaluées d'albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires de la Corée avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les composantes d'albums de photos à feuilles auto-adhésives ont été intégrées à la décision provisoire du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), sans autre précision, comme la catégorie de marchandises devant faire l'objet de l'enquête du Tribunal antidumping. Les renseignements remis au Tribunal antidumping ont révélé que les feuilles auto-adhésives individuelles constituaient la seule composante sous-évaluée. Les autres éléments de preuve à l'égard d'autres composantes ne portaient que sur les couvertures. Cependant, le Tribunal antidumping en est venu à la conclusion que même s'il était concevable qu'un importateur puisse amorcer le montage au Canada en utilisant des couvertures importées, il ne s'agissait là que d'une pure spéculation dans la mesure où il n'avait pas été prouvé que des couvertures seulement étaient importées au Canada ou qu'une entreprise avait l'intention de se lancer dans la production d'un tel produit.

Pour ce qui est des feuilles auto-adhésives, considérées comme des composantes et des feuilles de rechange, les éléments de preuve ont révélé qu'il n'a fallu qu'un an à Desmarais, à partir du lancement de la production de feuilles auto-adhésives, pour déplacer le Japon de sa position de chef de file sur ce marché. En outre, tous les éléments portaient à croire que Desmarais accroîterait davantage sa part du marché. On a conclu que la Corée n'exerçait aucune influence sur ce marché. Vu la pénétration rapide et importante du marché par Desmarais, de même que sa rentabilité et l'absence de tout élément de preuve indiquant que les importations sous-évaluées avaient causé un préjudice, le Tribunal antidumping a conclu qu'il n'existait aucun préjudice, réel ou probable, à la production canadienne de feuilles auto-adhésives détachées.

RÉSUMÉ DU RÉEXAMEN DES CONCLUSIONS DE 1975

Dans le cadre du réexamen, en 1984, des conclusions de 1975 sur les albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon et de la Corée, le Tribunal antidumping a conclu qu'il n'était pas justifié d'annuler ni de modifier lesdites conclusions. Il a rendu ses conclusions de réexamen le 24 août 1984.

Les éléments de preuve révélaient que les facteurs, présents neuf ans plus tôt, qui ont incité le Tribunal antidumping à déclarer, en janvier 1975, qu'il y avait préjudice sensible existaient toujours, c'est-à-dire la présence, à des prix sous-évalués, d'albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon et de la Corée, les prix en baisse et les ventes non rentables de l'industrie. La vulnérabilité de l'industrie fut amplement démontrée par son incapacité d'augmenter ses ventes depuis 1981, de relever ses prix de vente ou encore de fonctionner de façon rentable. En fait, au cours de cette période, l'industrie a perdu une part importante du marché, et la concurrence des prix qui s'y livrait s'est intensifiée. Pour ce qui est de la question de la reprise éventuelle du dumping et celle à savoir si le dumping était susceptible ou non de causer une reprise du préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires, les éléments de preuve ont révélé que le dumping n'avait jamais cessé.

Par conséquent, le Tribunal antidumping a conclu que, même si les importations provenant d'ailleurs que du Japon et de la Corée avaient sans aucun doute contribué à la situation difficile qu'a connue l'industrie au cours des dernières années, des quantités importantes de marchandises en question en provenance des pays visés, offertes à des prix extrêmement bas, sont demeurées sur le marché. Il a ajouté que si ce n'était de la décision en vigueur, la situation eût alors été beaucoup plus grave. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal antidumping a conclu qu'il n'était pas justifié d'annuler ni de modifier la décision faisant l'objet du réexamen.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1985

Le 26 avril 1985, le TCI a conclu que le dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires ou exportés de Hong Kong et des États-Unis et des feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Hong Kong, des États-Unis et de la Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

L'incapacité de Desmarais, qui demeure le principal fabricant canadien, d'accroître ses ventes d'albums de photos à feuilles auto-adhésives sur un marché en expansion depuis 1981, la compression et l'érosion des prix de vente et leur incidence directe sur les bénéfices de la société en ce qui concerne les marchandises en cause ont incité le TCI à conclure que le préjudice subi par Desmarais était sensible. Les éléments de preuve attestant de l'importante pénétration des importations de marchandises en cause originaires des pays visés et les éléments de preuve incontestés concernant la perte de clients et de ventes au profit des importations sous-évaluées ont porté le TCI à conclure également que le dumping d'albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires de Hong Kong et des États-Unis avait causé et causait un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le niveau des importations de marchandises sous-évaluées, à ce moment, a incité le TCI à conclure que Desmarais était susceptible de subir un préjudice si le dumping se poursuivait au même rythme sans que des mesures ne soient prises, étant donné qu'il n'y avait aucune raison apparente de croire que ce volume serait réduit si des droits antidumping n'étaient pas appliqués.

Pour ce qui est des feuilles auto-adhésives, le TCI a conclu que jusqu'à preuve du contraire, le dumping de feuilles détachées avait propablement fait perdre à Desmarais des ventes importantes des feuilles détachées au profit d'un client éventuel, identifié comme un important importateur de feuilles qui les a intégrées à des reliures à trois anneaux qu'il fabrique lui-même. En outre, étant donné que les feuilles représentaient une partie importante des albums complets, le TCI a conclu que l'achat de feuilles à bas prix avait permis à cet importateur de vendre ses albums complets à des prix beaucoup moindres que ceux pratiqués par Desmarais.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1986

Le 14 février 1986, le TCI a conclu que le dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) originaires ou exportés de la Chine avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

À peu près au moment des conclusions de 1985, Desmarais a appris que Climax Paper Converters, Limited, de Hong Kong, avait informé les acheteurs au Canada qu'elle déménageait ses installations de production d'albums de photos et de feuilles de Hong Kong en Chine. Depuis les conclusions, Desmarais avait augmenté ses ventes dans une grande proportion, tandis que les ventes à partir d'importations avaient diminué d'environ 50 p. 100, cette baisse étant en grande partie imputable à la chute des ventes d'importations des pays qui, selon les conclusions de 1985, pratiquaient le dumping et causaient un préjudice.

Le TCI était convaincu, à partir des éléments de preuve, qu'en raison de la menace d'importations sous-évaluées de la Chine, Desmarais a été forcée de maintenir ses prix à des niveaux peu élevés ou même de les réduire pour pouvoir conserver son volume des ventes. Ainsi, même si elle a accru sa production, ses ventes et ses commandes en carnet, Desmarais a néanmoins continué de subir des pertes financières importantes en 1985. Malgré la faible pénétration du marché canadien par les marchandises sous-évaluées, le TCI a conclu que le dumping des marchandises en cause originaires de la Chine avait causé et causait un préjudice sensible à la production de marchandises similaires par Desmarais.

Les éléments de preuve ont également indiqué que le volume de marchandises expédiées vers le Canada représentait une fraction de la capacité de production disponible en Chine. Ils ont révélé en outre que le matériel et l'outillage pouvaient être déménagés rapidement à un autre endroit, que les employés pouvaient être formés très rapidement et, qu'en conséquence, la capacité estimée de l'usine pouvait être accrue assez facilement et dans un délai relativement court. Pour ces motifs, le TCI était convaincu que la continuation du dumping des albums de photos originaires de la Chine était susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires par Desmarais.

Desmarais avait également fait valoir que l'application rétroactive de droits antidumping était justifiée dans le présent cas. Cependant, le TCI a conclu que le volume d'importations était faible en comparaison du marché canadien total ou des ventes de Desmarais au cours de cette période. En outre, malgré le fait que la Chine soit devenue fournisseur au deuxième semestre de 1985, les importations totales de marchandises en cause de toutes provenances avaient diminué sensiblement depuis 1983. Le TCI n'était donc pas convaincu que l'importation des marchandises en cause originaires de la Chine soit «massive».

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1987

Le 3 novembre 1987, le TCI a conclu que le dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et des feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

Dans son examen de préjudice sensible, le TCI a noté qu'il s'agissait de la troisième enquête en trois ans et de la quatrième enquête portant sur des marchandises similaires au cours des treize dernières années. Par conséquent, le dumping et le préjudice qu'avait subi le seul fabricant canadien important, Desmarais, avaient commencé bien avant l'entrée d'importations sous-évaluées originaires de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan. Grâce aux conclusions rendues en 1984, le fabricant canadien avait vu son volume des ventes augmenter, mais comme cela s'était produit auparavant, l'origine des importations sous-évaluées avait simplement été déplacée vers d'autres pays, notamment Singapour, la Malaisie et Taïwan. Le scénario maintenant connu de la réaction défensive adoptée par Desmarais pour contrer les importations à bas prix, avec la compression des prix et les pertes financières qui en résultent, s'est à nouveau répété, ce qui a incité le TCI à conclure que le préjudice attribuable aux importations sous-évaluées subi par Desmarais était sensible. En outre, le TCI a conclu que si des droits antidumping n'étaient pas imposés, il y aurait une forte probabilité que le préjudice sensible se poursuivrait du simple fait que Desmarais serait contrainte de maintenir les bas niveaux de prix sous-évalués pour soutenir son volume.

Pour ce qui est de l'allégation de Desmarais selon laquelle le niveau des importations en provenance des pays visés prouvait qu'il y avait eu dumping massif, le TCI a fait remarquer que, même si les importations sous-évaluées originaires des trois pays visés représentaient près des trois quarts des importations totales en 1986, leur part combinée du marché canadien était toutefois inférieure à 15 p. l00. Il s'agissait d'une part modeste si on la comparait à celle de Desmarais; en outre, il s'agissait d'une substitution d'autres importations plutôt que d'une érosion de la part du marché national détenue par cette société. Par conséquent, le TCI a conclu que les importations sous-évaluées n'étaient pas «massives» en vertu de la LMSI.

POSITION DES PARTIES

Position de l'industrie

L'avocat de Desmarais a soutenu que les conclusions assujetties au présent réexamen devraient être prorogées. La série de conclusions contre divers pays a révélé une propension, de la part de nombreux fabricants étrangers, à pratiquer le dumping des marchandises en cause au Canada. Il n'y avait aucune raison de croire que la pratique constatée antérieurement à l'égard du passage d'un pays à un autre ne se répéterait pas. À titre d'exemple, l'avocat a cité une plainte déposée récemment auprès du Sous-ministre au sujet de l'Indonésie, qui représente une source d'approvisionnement relativement nouvelle.

La propension au dumping a également été attestée par une poursuite antidumping intentée par la Communauté économique européenne (CEE) contre les importations de certains albums de photos originaires de la Corée et de Hong Kong et par des conclusions de dumping aux États-Unis contre ces deux pays.

L'avocat a soutenu que Desmarais était vulnérable face à une reprise du dumping. Les albums de photos constituaient un produit sensible au prix. En l'absence de protection, le marché favoriserait le passage de commandes importantes à des prix sous-évalués, car une dizaine de clients représentait environ 70 p. 100 des ventes annuelles. En conséquence, les offres à bas prix à un ou deux détaillants importants pourraient permettre de fixer des niveaux de prix pour tous les principaux clients. Dans des conclusions antérieures, le TCI avait remarqué que la production d'albums de photos était très capitalistique, qu'elle dépendait des commandes en carnet et qu'elle nécessitait un volume élevé. L'avocat a ajouté qu'en fait, Desmarais n'avait profité de l'effet cumulatif des conclusions que depuis 1988. En outre, ce n'était qu'après la publication des conclusions du 3 novembre 1987 que Desmarais a déclaré que la brèche avait été colmatée, comme en faisaient foi ses résultats financiers de 1988. Cependant, Desmarais n'a pas eu le temps de souffler, car elle a fait face, en 1989, à de nouvelles pressions exercées sur les prix par des pays non visés.

Pour ce qui est des États-Unis en particulier, Desmarais a soutenu que certains fabricants continuaient d'exercer leur activité, en plus de certains fabricants coréens qui étaient implantés sur la côte ouest. Desmarais continue de craindre que les marchandises importées des États-Unis peuvent être constituées de marchandises originaires d'autres pays visés et qui sont uniquement transbordées dans ce pays.

En ce qui touche la demande d'exclusion, l'avocat a fait remarquer que ni Black ni Candym n'avait demandé à Desmarais de lui fournir des albums laqués ou «décoratifs», bien que cette dernière leur ait déjà vendu de telles marchandises. Desmarais continuait de fabriquer ces produits; il n'était donc pas justifié de les exclure.

Banner a demandé la prorogation des conclusions, alléguant que leur annulation nuirait considérablement à l'industrie canadienne. Banner a amorcé la production en 1987 en raison de la situation favorable du marché. En 1989, la concurrence exercée par les importations à faibles prix a repris et lui a fait perdre des ventes. Les investissements futurs de cette société dans l'équipement de production dépendraient de la situation du marché. Si l'érosion des prix se poursuivait, l'entreprise envisagerait la possibilité de recourir encore une fois aux importations au lieu de produire ces marchandises au Canada.

Position des importateurs

Candym, un importateur éventuel, a demandé l'exclusion des albums «décoratifs» à prix plus élevé originaires de la Malaisie et de Taïwan. Elle soutenait que ces importations seraient vendues par des boutiques spécialisées dans les cadeaux et par des grands magasins de prestige plutôt qu'à des points de vente de masse, comme c'est le cas pour les produits fabriqués au Canada.

Black était d'avis que les albums laqués devraient être exclus parce qu'ils ne pouvaient pas être facilement obtenus au Canada et que les albums importés des États-Unis devraient être également exclus.

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

La production nationale d'albums de photos a doublé entre 1984 et 1989; celle des feuilles a presque triplé. Au cours de la même période, les importations provenant des pays visés ont presque disparu du marché canadien. Les fabricants nationaux ont réussi à accroître leur part du marché, d'un peu plus de 50 p. 100 en 1984 à plus de 90 p. 100 du marché des albums de photos à feuilles auto-adhésives en 1989. Cependant, cette amélioration de la situation s'est effectuée dans un climat d'incertitude, car les prix n'ont que légèrement augmenté pendant cette période. Au cours des trois dernières années, Desmarais a réussi à effacer d'importantes pertes subies en 1984, 1985 et 1986, mais elle n'est parvenue qu'à rejoindre le seuil de rentabilité.

En 1989, l'industrie a fait face à de nouvelles pressions des prix exercées par les pays non visés, plus particulièrement l'Indonésie, qui a réussi à accaparer quelque 6 p. 100 du marché en un an. Cette concurrence exercée par les bas prix a nui au rendement financier de Desmarais et de Banner.

En 1987, après les conclusions contre Singapour, la Malaisie et Taïwan, Banner a amorcé au Canada la production de feuilles et d'albums. Desmarais a également investi d'importantes sommes dans la modernisation de ses installations de production et dans la recherche-développement.

La sensibilité des prix des albums de photos est liée à la structure du marché, dont plus des deux tiers sont accaparés par une dizaine d'entreprises commerciales. La perte totale ou partielle de l'un de ces clients influe considérablement sur les prix et les bénéfices de l'industrie canadienne. Les concessions de prix accordés à une entreprise entraînent habituellement une baisse générale des prix sur tout le marché.

Les éléments de preuve déposés au cours de l'audience révèlent que les albums fabriqués au pays sont généralement de meilleure qualité que la plupart des importations en provenance des pays visés, mais que le consommateur final n'est pas en mesure d'évaluer ou de comparer la qualité des albums, ceux-ci étant généralement vendus en paquets scellés. Par conséquent, le prix constitue le facteur primordial pour le consommateur.

Les feuilles peuvent représenter jusqu'à 70 p. 100 du coût de production d'un album complet, selon le type et la qualité de la couverture utilisée et le nombre de feuilles comprises dans l'album.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans le cadre du réexamen visant à déterminer si les conclusions devraient être prorogées, avec ou sans modification, ou annulées, le Tribunal étudie deux questions fondamentales. D'abord, est-ce qu'il y a une probabilité d'une reprise du dumping de la part des pays exportateurs si les conclusions faisant l'objet du réexamen sont annulées? En deuxième lieu, y a-t-il une probabilité que l'industrie nationale subisse un préjudice sensible causé par la reprise du dumping? Il convient d'établir un lien de causalité entre la probabilité d'une reprise du dumping et le préjudice sensible qui pourrait être causé à l'industrie nationale. En l'absence de conclusions attestant de la probabilité d'une reprise du dumping, le Tribunal ne pourrait proroger les conclusions faisant l'objet du réexamen, car tout préjudice éventuel ne pourrait être imputé au dumping.

Le Tribunal note que le présent réexamen porte sur quatre conclusions et que les importations sous-évaluées ont généralement été déplacées d'un pays à un autre, au gré des conclusions.

PROBABILITÉ D'UNE REPRISE DU DUMPING

Les premières conclusions émises en 1975, et réexaminées en 1984, portaient sur les albums de photos originaires du Japon et de la Corée. Les feuilles auto-adhésives en étaient exclues. Depuis le début des années 80, les importations originaires du Japon ont été négligeables sur le plan du volume, et la part du marché détenue par le Japon n'a jamais dépassé 1 p. 100. En outre, pour ce qui est des prix moyens, les importations originaires du Japon semblent avoir été limités en grande partie à des albums de prix élevé. Par ailleurs, la Corée a été un important fournisseur d'albums peu coûteux jusqu'en 1987. Les feuilles provenant de ce pays ont été également englobées dans les deuxièmes conclusions rendues en 1985. Les marges de dumping relatives aux importations de ce pays ont été très élevées.

Les conclusions de 1985 portaient sur les albums de photos et les feuilles originaires de Hong Kong et des États-Unis et sur les feuilles originaires de la Corée. Hong Kong avait été le principal fournisseur étranger au cours des quatre années précédentes. Les États-Unis ont constitué un important fournisseur en 1984 et 1985; ils ne représentent toutefois pas plus de 2 p. 100 du marché depuis 1986. De plus, selon Desmarais, une de ses préoccupations principales, au moment de la publication des conclusions de 1985, était qu'une grande partie des importations originaires des États-Unis n'étaient constituées que de marchandises transbordées au Canada en provenance des pays visés. De tels transbordements sont maintenant peu probables, vu les conclusions ultérieures de préjudice rendues en décembre 1985 par la United States International Trade Commission contre les importations sous-évaluées d'albums de photos et de pages de rechange originaires de Hong Kong et de la Corée. En outre, les éléments de preuve révèlent que l'activité des fabricants américains a diminué depuis 1986. Bien que Desmarais ait fait valoir que la Corée avait implanté des installations de production aux États-Unis, elle n'a pas fourni de données sur les activités relatives à l'établissement des prix de ces nouvelles usines comparativement à celles des fabricants américains déjà établis, et n'a rien révélé de leurs intentions, s'il en est, à l'égard du marché canadien. Enfin, les éléments de preuve indiquent que Desmarais vend les marchandises en cause aux États-Unis.

La Corée et Hong Kong font actuellement l'objet d'une enquête menée par la CEE à l'égard des importations d'albums de photos de tous genres. Il convient également de remarquer que, dans le cadre d'un récent réexamen, les autorités américaines ont conclu que les importations de Taïwan, de Singapour, de la Malaisie et de Hong Kong sont réputées être des produits de la Corée aux fins de l'imposition de droits antidumping.

En 1986, les troisièmes conclusions, soit celles contre la Chine, étaient principalement fondées sur les offres faites sur le marché canadien et sur les éléments de preuve selon lesquels les installations de production étaient déplacées de Hong Kong vers la Chine. À ce moment, les importations originaires de Hong Kong avaient presque toutes été éliminées. En 1985, les albums originaires de Hong Kong représentaient environ 10 p. 100 du marché canadien, en baisse relativement à la part d'environ 30 p. 100 enregistrée l'année précédente. On pourrait donc soutenir que ces importations, de même que celles originaires de la Corée, qui comprennent toutes des marchandises à bas prix, ne seraient pas en mesure de concurrencer sur le marché canadien suivant les valeurs normales.

Par 1986, les importations à bas prix d'autres provenances, à savoir de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan, étaient entrées sur le marché canadien en quantités importantes. Elles ont fait l'objet d'une décision de dumping et de préjudice à la production nationale en novembre 1987. Le scénario maintenant connu de la réaction défensive adoptée par l'industrie canadienne à l'égard de la fixation des prix et des pertes de ventes se répétaient pour la troisième fois en trois ans. Comme ce fut le cas pour la Corée et Hong Kong, ces sources d'approvisionnement ont rapidement disparu à la suite des conclusions. En 1988, l'industrie nationale a connu sa meilleure année depuis presque une décennie.

En 1989, les importations originaires des pays non visés ont réapparu sur le marché. Elles ont vite accaparé quelque 6 p. 100 du marché en un an et elles représentaient plus de 80 p. 100 de l'ensemble des importations des marchandises en cause.

À partir d'une plainte déposée par Desmarais, le ministère du Revenu national procède maintenant à une enquête pour déterminer si les importations originaires de l'Indonésie sont sous-évaluées.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il existe une forte probabilité d'une reprise du dumping des marchandises en cause originaires de la Corée, de Hong Kong, de la Chine, de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan. Les éléments de preuve incitent également le Tribunal à conclure que les exportateurs japonais et américains ne sont pas susceptibles de recourir au dumping préjudiciable. Les conclusions applicables au Japon et aux Etats-Unis devraient être annulées.

PROBABILITÉ DE PRÉJUDICE SENSIBLE

Pour ce qui est de la deuxième question, soit la probabilité de préjudice sensible causé à l'industrie à la suite d'une reprise du dumping, les éléments de preuve révèlent qu'en 1988 l'industrie canadienne a connu sa meilleure année depuis près d'une décennie. Toutefois, les prix n'ont été que légèrement supérieurs à ceux pratiqués au début des années 80, et Desmarais n'a enregistré qu'un faible bénéfice à l'égard des marchandises en cause. Néanmoins, les prix étaient en hausse et les pertes avaient été éliminées.

À la suite de la prorogation des premières conclusions, les ventes de Desmarais ont commencé à augmenter. Cependant, cette entreprise a dû faire face à une concurrence préjudiciable causée par le dumping des importations à bas prix provenant d'un certain nombre de pays et, à chaque fois que des conclusions étaient rendues, elle n'était pas en mesure de majorer les prix pour pouvoir soutenir l'augmentation de ses coûts. La vulnérabilité de l'industrie par rapport aux importations à bas prix découle de la sensibilité des prix des marchandises en cause. Cette situation est imputable à la nature des marchandises proprement dites, à leur caractère saisonnier et à la structure du marché. Les marchandises en cause sont vendues aux consommateurs par des détaillants dans des enveloppes ou empaquetages en plastique transparent thermocollés, de sorte qu'il est difficile de déterminer la qualité des produits. Dans ces circonstances, le prix constitue le principal motif de la décision d'achat. En outre, les ventes sont en grande partie concentrées dans une période de quatre mois. De plus, la structure du marché est telle que la plus grande partie du marché est occupée par quelques grands acheteurs, et les rabais offerts à l'un d'entre eux se traduisent inévitablement et rapidement par des réductions pour tous les autres acheteurs. En conséquence, l'industrie est vulnérable à la pénétration des importations à bas prix. Dans le cas de Desmarais, 10 de ses plus importants clients comptent pour environ 70 p. 100 de l'ensemble des ventes des marchandises en cause.

Dans ces circonstances, le Tribunal note qu'en 1988 l'industrie a fait face à une faible concurrence exercée par les importations sous-évaluées. Lorsque le dumping a disparu, la situation a commencé à s'améliorer. Après avoir absorbé ses plus fortes pertes découlant de la vente des marchandises en cause en 1984, Desmarais a vu sa situation financière se redresser progressivement et a connu ses meilleurs résultats en 1988. Cependant, ces avantages ont été de courte durée en raison de nouvelles pressions exercées sur les prix par de nouvelles sources d'importations à bas prix, à savoir l'Indonésie et la Thaïlande.

En résumé, le Tribunal est convaincu, en raison des éléments de preuve qui lui ont été soumis au sujet des prix, des ventes et des bénéfices, que l'industrie est susceptible de subir un préjudice sensible causé par une reprise du dumping.

EXCLUSION

Les demandes d'exclusion des conclusions, tant celle de Candym à l'égard des albums «décoratifs» que celle de Black pour les albums à couverture laquée, étaient fondées sur l'hypothèse voulant que ces produits n'étaient pas disponibles à partir de la production nationale. Les éléments de preuve indiquent toutefois que Desmarais fabrique ces types d'albums. En outre, le Tribunal est d'avis que l'annulation des conclusions contre les États-Unis et le Japon rendra plus facile l'obtention de ces produits de ces mêmes fournisseurs. En effet, l'expérience acquise montre que la plupart des albums importés à prix élevés, vraisemblablement des albums décoratifs et à couverture laquée, proviennent de ces deux pays.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que les conclusions en question, à l'exception de celles rendues contre le Japon et les États-Unis, devraient être prorogées sans modification.


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Publication initiale : le 22 août 1997