CHAUSSURES ET COUVRE-CHAUSSURES EN CAOUTCHOUC IMPERMÉABLES

Réexamens (article 76)


CHAUSSURES ET COUVRE-CHAUSSURES EN CAOUTCHOUC IMPERMÉABLES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA TCHÉCOSLOVAQUIE, DE LA POLOGNE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE TAÏWAN, DE HONG KONG, DE LA MALAISIE, DE LA YOUGOSLAVIE ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Réexamen n° : RR-92-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 21 octobre 1992

Réexamen n° : RR-92-001

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 22 octobre 1987, dans le cadre du réexamen no R-7-87, prorogeant sans modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 25 mai 1979, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-79, et le 23 avril 1982, dans le cadre de l'enquête no ADT-2-82, concernant des :

CHAUSSURES ET COUVRE-CHAUSSURES EN CAOUTCHOUC IMPERMÉABLES ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA TCHÉCOSLOVAQUIE, DE LA POLOGNE, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE TAÏWAN, DE HONG KONG, DE LA MALAISIE, DE LA YOUGOSLAVIE ET DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

O R D O N N A N C E

Conformément au paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations, le 22 octobre 1987, dans le cadre du réexamen no R-7-87, prorogeant sans modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 25 mai 1979, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-79, et le 23 avril 1982, dans le cadre de l'enquête no ADT-2-82.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge sans modification les conclusions susmentionnées (dissidence du membre Hines).

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 22 octobre 1987, dans le cadre du réexamen no R-7-87, prorogeant sans modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 25 mai 1979, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-79, et le 23 avril 1982, dans le cadre de l'enquête no ADT-2-82.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 31 août et 1er septembre 1992

Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 21 octobre 1992

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
W. Roy Hines, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Selik Shainfarber
Agent de la recherche : Paule Couët
Préposé aux statistiques : Robert Larose

Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault

Agent à l'inscription et à
la distribution : Pierrette Hébert


Participants: G.P. (Patt) MacPherson et
Naila Elfar
pour L'Association des manufacturiers
de chaussures du Canada

A. Lambert International Inc.
Genfoot Inc.
Kaufman Footwear (Division de
William H. Kaufman Inc.)
Vimod Rubber Co.

(fabricants)
Andrew Vanderwal
pour Omnitrade Limitée
SVIT Import Export Ltd.

(importateurs-exportateurs)

Témoins :

Nathan Finkelstein
Président
L'Association des manufacturiers de chaussures du Canada

Lise Desjardins
Directrice - Produits de caoutchouc
A. Lambert International Inc.

Gordon Cook
Président
Genfoot Inc.

Stuart I. Snyder
Vice-président (finances) et secrétaire-trésorier
Kaufman Footwear (Division de William H. Kaufman Inc.)

John Foglietta
Vice-président et chef des finances
Chamberlain Phipps Canada Limited

Julius R. Gadori
Directeur général
Division de la chaussure
Omnitrade Limitée

Veuillez adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

LE CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen effectué en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 22 octobre 1987, dans le cadre du réexamen no R-7-87, prorogeant sans modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 25 mai 1979, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-79, au sujet des chaussures et couvre-chaussures en caoutchouc imperméables originaires ou exportés de la Tchécoslovaquie, de la Pologne, de la République de Corée (la Corée) et de Taïwan, et le 23 avril 1982, dans le cadre de l'enquête no ADT-2-82, au sujet des chaussures et couvre-chaussures en caoutchouc imperméables originaires ou exportés de Hong Kong, de la Malaisie, de la Yougoslavie et de la République populaire de Chine (la Chine).

Conformément au paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé au réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 1er juin 1992. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 13 juin 1992.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux fabricants et aux importateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et confidentiel préalables à l'audience. En outre, le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, l'avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, et les pièces protégées ont été distribu 9‚es aux procureurs indépendants seulement. Des séances publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa (Ontario), les 31 août et 1er septembre 1992.

L'Association des manufacturiers de chaussures du Canada et les fabricants des marchandises en question, soit A. Lambert International Inc., Genfoot Inc. (Genfoot), Kaufman Footwear (Division de William H. Kaufman Inc.) (Kaufman) et Vimod Rubber Co. (Vimod) étaient représentés à l'audience par des procureurs. Ils ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Omnitrade Limitée (Omnitrade) et SVIT Import Export Ltd. (SVIT) étaient représentés à l'audience par un procureur. Ils ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de l'annulation des conclusions ou, comme solution de rechange, de l'exclusion de la Tchécoslovaquie.

La Korean Footwear Industries Association (la Korean Association) a déposé un mémoire à l'appui de l'annulation des conclusions, mais n'était pas représentée à l'audience.

LE PRODUIT

Les marchandises en question dans ce réexamen sont des chaussures et des couvre-chaussures (chaussures) en caoutchouc imperméables fabriqués en tout ou en partie en caoutchouc, avec ou sans chaussons de feutre, doublures, fermetures ou dispositifs de sécurité. Trois catégories de chaussures sont spécifiquement exclues, soit les bottes pour motoneige, les bottes à semelles en caoutchouc et à tiges en cuir et les chaussures de sécurité qui sont spécialement conçues pour protéger des blessures celui qui les porte et qui présentent des caractéristiques spéciales comme des embouts de sécurité, des embouts en acier, des semelles de sécurité en acier, des semelles antidérapantes ou du caoutchouc spécialement composé résistant aux acides et à d'autres produits chimiques. Les chaussures de sécurité qui sont exclues du présent réexamen sont définies comme des chaussures qui satisfont aux normes de sécurité établies par l'Association canadienne de normalisation.

Il existe divers procédés de fabrication des chaussures en caoutchouc. Le procédé de superposition exige la préparation d'un mélange de caoutchouc qui est calandré en feuilles; ces dernières, avec ou sans doublure textile, sont découpées selon la forme des diverses parties de la semelle extérieure et du dessus; les composantes sont assemblées (superposées) avec de la colle de caoutchouc sur une forme placée sur un convoyeur; les bottes ou chaussures ainsi assemblées sont ensuite vulcanisées. Ce procédé permet de fabriquer une vaste gamme de chaussures en caoutchouc, notamment des articles spécialisés, et il est avantageux sur le plan économique pour les productions en petites séries.

Les chaussures en caoutchouc peuvent également être fabriquées par moulage par injection et par moulage par compression. Dans le procédé du moulage par injection, un composé de caoutchouc thermoplastique chaud est injecté sous forte pression dans un moule revêtu de textile; lorsqu'il est refroidi, le produit est retiré du moule, taillé et emballé pour être expédié. Dans le procédé du moulage par compression, des morceaux ou des granules de caoutchouc sont placés dans un moule revêtu d'une doublure textile comme dans le procédé du moulage par injection, puis ils sont simultanément formés et vulcanisés sous l'action de la chaleur et de la pression exercée. Ce procédé de fabrication de chaussures moulées est le plus rentable lors de la production de grandes quantités de chaussures.

Les chaussures en caoutchouc sont vendues à tous les niveaux du circuit de distribution, à partir des grossistes jusqu'aux petits magasins de vente au détail indépendants en passant par d'importants détaillants. On y retrouve des marchandises de type courant comme des bottes imperméables portées à tous les jours de même que des produits spécialisés comme des cuissardes pour la pêche sportive ou commerciale.

L'INDUSTRIE CANADIENNE

L'industrie canadienne des chaussures en caoutchouc se compose de quatre fabricants : Vimod, Genfoot, The Acton Rubber Company Ltd. (Acton) et Kaufman. Ces sociétés interviennent pour la totalité de la production canadienne connue de chaussures en caoutchouc visée par le présent réexamen. Kaufman et Acton fabriquent des chaussures en caoutchouc depuis des décennies, principalement en recourant au procédé de superposition. Vimod et Genfoot sont plutôt des nouveaux venus dans l'industrie des chaussures en caoutchouc, ayant pénétré le marché au début des années 80 en utilisant une nouvelle technique fondée sur le moulage par injection. Ces quatre sociétés fabriquent également des produits non visés par le présent réexamen.

LE RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1979, 1982 ET 1987

Le 25 mai 1979, dans le cadre de l'enquête no ADT-4-79, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping de certaines chaussures en caoutchouc imperméables originaires de la Tchécoslovaquie, de la Pologne, de la Corée et de Taïwan causait un préjudice sensible à la production canadienne de telles chaussures.

Le Tribunal a fait remarquer que la quasi-totalité des marchandises en question importées au Canada provenait des quatre pays désignés. Vu, en grande partie, qu'ils ne peuvent pas concurrencer les fabricants de ces marchandises sous-évaluées, les fabricants canadiens n'ont pas été en mesure de desservir les marchés des magasins de rabais et des magasins à très grandes surfaces de vente (grandes surfaces) que les importateurs ont continué de s'accaparer. Le Tribunal n'entrevoyait pas de changement important de cette situation tant que le dumping continuerait. Selon le Tribunal, l'imposition de droits antidumping aurait permis à l'industrie d'accroître sa part du marché et de profiter d'une plus grande utilisation de la capacité; en outre, le Tribunal s'attendait à ce que l'industrie majore ses prix et accroisse par le fait même ses bénéfices.

Le 23 avril 1982, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping de chaussures en caoutchouc imperméables originaires de Hong Kong, de la Malaisie, de la Yougoslavie et de la Chine, qui sont sensiblement semblables aux marchandises visées par les conclusions de 1979, était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Dans sa décision, le Tribunal a fait remarquer que même si l'industrie avait récupéré une certaine part du marché depuis les conclusions de 1979, cette situation était en grande partie attribuable à une reprise des ventes auprès des petits magasins à succursales et des détaillants indépendants. De nombreux importateurs de grande envergure comme les grandes surfaces n'avaient pas recommencé à s'approvisionner auprès des fabricants canadiens. Ils s'étaient plutôt tournés vers de nouveaux fournisseurs et avaient délaissé ceux désignés dans les conclusions de 1979.

Le 22 octobre 1987, le TCI a décidé de proroger sans modification les conclusions de 1979 et de 1982. Dans son réexamen, le TCI a fait remarquer que le rendement commercial de l'industrie était meilleur que celui au cours des années précédant les conclusions et que l'industrie traversait à ce moment une période de transition vers l'emploi de techniques et de méthodes de fabrication plus concurrentielles, en particulier l'adoption du procédé de moulage par injection. Le TCI a noté également que la Tchécoslovaquie, la Corée et Taïwan était demeurés actifs sur le marché canadien et que le dumping pratiqué par ces trois pays n'avait pas diminué depuis les conclusions de 1979. En outre, bien que certains pays désignés dans les conclusions de 1982 n'avaient pas effectué de livraisons au Canada au cours des dernières années, le TCI continuait de s'inquiéter de la facilité et de la rapidité avec lesquelles les importations en provenance des pays assujettis à des mesures antidumping ont diminué après les conclusions de préjudice de 1979.

AUTRE INSTANCE CONCERNANT LES CHAUSSURES EN CAOUTCHOUC IMPERMÉABLES

En 1991, le Tribunal a réexaminé, en vertu de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , le décret de retrait du Tarif de préférence général (TPG) sur les chaussures en caoutchouc. Le TPG est un régime temporaire de préférence tarifaire établi par le Canada en 1974. Il s'inscrit dans un système international visant à aider les pays en développement à accroître leurs exportations vers les pays développés. En vertu de ce régime, les marchandises industrielles originaires de pays en développement peuvent entrer au Canada à un taux de droit inférieur.

En vertu du TPG, les chaussures en caoutchouc importées au Canada bénéficiaient du régime de la franchise de droits. Cependant, en 1975, à la suite de plaintes formulées par des fabricants canadiens, l'avantage du TPG a été retiré à tous les bénéficiaires à l'égard des chaussures en caoutchouc. Ces marchandises ont donc été assujetties à des droits au Tarif de la nation la plus favorisée (NPF) au taux de 20 p. 100, à l'exception des importations originaires de certains pays admissibles au Tarif de préférence britannique. Depuis 1975, la situation des avantages conférés par le TPG [3] à l'égard des chaussures a été examinée à plusieurs occasions et à sept reprises le retrait a été prorogé. Lors de la plus récente prorogation, après un réexamen en 1991, il a été recommandé de proroger la mesure de sauvegarde relative au TPG jusqu'à la date prévue d'expiration du programme du TPG, soit le 30 juin 1994. Le Tribunal a conclu que les fabricants canadiens de chaussures en caoutchouc sont susceptibles de subir un préjudice si le TPG est rétabli à l'égard des diverses chaussures en caoutchouc importées.

Au cours de l'examen des faits qui lui ont été présentés dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal n'a pas douté que les pays bénéficiant des avantages du TPG pourraient rapidement accroître leur part du marché de la chaussure en caoutchouc si les droits étaient éliminés en raison de leur grande capacité d'exportation par rapport à la taille du marché canadien et de leurs faibles coûts de production. Le Tribunal a également constaté que les effets du rétablissement du TPG se feraient sentir dans tous les segments du marché de la chaussure en caoutchouc, et plus particulièrement celui de la chaussure à bon marché. Ce segment est très sensible aux variations de prix, les bottes importées et les bottes canadiennes étant interchangeables.

LA POSITION DES PARTIES

L'industrie

L'industrie a demandé que les conclusions soient prorogées sans modification. Les avocats ont fait remarquer qu'au cours des années qui ont précédé la première mesure antidumping, en 1979, l'industrie a perdu une part du marché au profit des importations, plus particulièrement dans le cas de ses clients qui exploitent des grandes surfaces. Après les conclusions de 1979, l'industrie avait prévu de récupérer bon nombre de ses clients importants qui s'étaient approvisionnés en chaussures importées sous-évaluées, ce qui ne s'est pas produit parce que les importateurs se sont simplement adressés à des fournisseurs de pays non désignés dans les conclusions de 1979 et que les exportateurs de ces pays ont commencé à pratiquer le dumping.

En 1982, ces nouveaux pays ont fait l'objet d'une deuxième mesure antidumping efficace. Après ces conclusions rendues pour une deuxième fois, l'industrie a amélioré sa compétitivité de façon soutenue et a récupéré une part du marché, y compris ses principaux clients exploitant des grandes surfaces. L'industrie n'a pas abusé de la protection conférée par les deux conclusions et leur prorogation en 1987. Au cours des 10 dernières années, les prix des chaussures en caoutchouc imperméables sont demeurés raisonnables; par ailleurs, l'industrie s'est bien comportée sur le plan de l'investissement.

Si le Tribunal annulait les conclusions, les fabricants canadiens pourraient se retrouver dans la même situation qu'avant les conclusions de 1979. Les grandes surfaces pourraient facilement et rapidement délaisser les produits canadiens pour s'approvisionner en produits importés bon marché, car elles se livrent un rude combat au chapitre des prix. La situation qui a exposé l'industrie canadienne à un préjudice a été décrite dans un rapport que le Tribunal a préparé à l'intention du ministre des Finances et dans lequel il a recommandé de proroger le retrait des avantages du TPG à l'égard des chaussures en caoutchouc imperméables.

Pour appuyer l'industrie, qui affirmait que le dumping reprendrait vraisemblablement en cas d'annulation des conclusions, les avocats ont donné de nombreux exemples de marchandises vendues à faibles prix originaires de la Chine, de la Corée et de la Malaisie. Par exemple, des bottes en caoutchouc à semelles rouges fabriquées en Chine peuvent être exportées au Canada à un prix inférieur au coût des matières premières de bottes comparables produites au Canada. Ils ont également prouvé la faiblesse des prix des marchandises en question originaires des pays en cause par le fait que la plupart de ces derniers sont en mesure d'expédier des quantités appréciables de marchandises vers les États-Unis malgré l'application de droits NPF de 37,5 p. 100.

Les avocats ont également soutenu que les exportateurs en question appliquent des prix qui s'approchent des valeurs normales et que cette situation les incite à pratiquer le dumping à cause des faibles variations des taux de change, par exemple. La tendance au dumping a aussi été mise en évidence; en effet, plusieurs pays désignés recourent maintenant à cette pratique pour écouler sur le marché canadien des chaussures en plastique imperméables, produit qui peut facilement remplacer les marchandises en question. Le ministère du Revenu national - Douanes et Accise (Revenu Canada) fait actuellement enquête sur une plainte déposée par l'industrie à cet égard [4] .

Les avocats ont fait remarquer que les exportateurs tchécoslovaques sont bien implantés sur le marché canadien et qu'ils conservent leur part du marché malgré les conclusions antidumping. La Tchécoslovaquie a connu de nombreux bouleversements ces derniers temps et semble maintenant s'orienter vers une économie de marché, mais il est encore trop tôt pour affirmer quelle sera l'issue de ce dossier. En ce qui touche l'industrie canadienne, les importations de la Tchécoslovaquie posent encore un risque de dumping, car elles représentent une importante source de marchandises en question produites à faible coût.

Les importateurs et les exportateurs

Omnitrade, le seul importateur des chaussures en question originaires de la Tchécoslovaquie, a demandé l'annulation des conclusions, ou à défaut, l'exclusion de la Tchécoslovaquie. L'avocat de cette société a fait valoir que le commerce en Tchécoslovaquie traverse une période de changement irréversible et que le pays s'oriente maintenant vers une économie de marché. Cette situation a engendré une augmentation des coûts de production et des frais d'administration des fabricants tchécoslovaques des marchandises en question et entraîné une hausse immédiate des prix à l'exportation. En effet, depuis septembre 1991, ces derniers ont dépassé les valeurs normales établies par Revenu Canada.

En outre, le principal fabricant tchécoslovaque des marchandises en question, SVIT, a réduit sa capacité de production en transformant ses usines de chaussures en caoutchouc pour produire d'autres types de chaussures. À l'heure actuelle, la demande de chaussures en caoutchouc dépasse la capacité de production à l'usine de SVIT. Cette demande provient en grande partie des marchés européens, à la suite de l'acceptation de la Tchécoslovaquie comme membre associé de l'Association européenne de libre-échange. En conséquence, SVIT a dû réduire ses livraisons au Canada dans une proportion représentant environ 50 p. 100 des commandes initiales d'Omnitrade en 1992.

Les preuves fournies par l'industrie au sujet des marchandises à faibles coûts portaient sur des marchandises originaires de l'Extrême-Orient. Ces marchandises préoccupaient autant les exportateurs tchécoslovaques que l'industrie canadienne. Les marchandises tchécoslovaques se situaient au milieu de l'échelle de prix sur le marché canadien, où elles occupaient un certain créneau, et s'adressaient à une clientèle fidèle. En outre, les marchandises originaires de la Tchécoslovaquie ont été tout au plus assujetties à de faibles droits antidumping au cours des dernières années.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Depuis le milieu des années 80, la demande canadienne de chaussures en caoutchouc imperméables connaît une baisse soutenue. Elle a régressé d'environ 30 p. 100 entre 1985 et 1991, passant d'un sommet de 3,9 millions de paires à 2,7 millions de paires. Pour leur part, les ventes de l'industrie ont été relativement stables; en conséquence, la part du marché détenue par l'industrie canadienne a gagné 15 points au cours de cette période, passant de 54 à 69 p. 100. L'industrie canadienne a gagné 7 de ces 15 points au cours de la période visée par le présent réexamen, c'est-à-dire entre 1987 et 1991.

Les ventes de l'industrie ont connu une croissance modeste entre 1988 et 1990, s'établissant en moyenne à environ deux millions de paires, avant de fléchir légèrement en 1991 à cause de la récession. Elles ont été soutenues au cours des cinq dernières années par les exportations, principalement vers les États-Unis. Plus particulièrement, les exportations ont décuplé entre 1987 et 1991, pour dépasser les 300 000 paires.

Dans l'ensemble, les importations ont chuté du tiers entre 1987 et 1991 et leur part du marché est passée de 38 à 31 p. 100. Cette baisse est imputable aux importations originaires des pays désignés, qui ont vu leur part du marché perdre 14 points au cours de cette période de cinq ans, et plus particulièrement aux importations originaires de la Corée et de Taïwan. Pendant toute cette période, la Tchécoslovaquie est demeurée très active sur le marché et, depuis 1988, elle a été le principal exportateur parmi les pays désignés. La part du marché des pays non visés a doublé au cours de cette période, passant de 5 à 12 p. 100, principalement en raison d'une augmentation appréciable des importations américaines.

Pour ce qui est du rendement financier global des quatre fabricants canadiens de 1988 à 1991, les marges bénéficiaires nettes provenant des ventes de marchandises en question effectuées au pays ont atteint en moyenne environ 9 p. 100 au cours de cette période. Cependant, l'industrie canadienne fonctionne à r 9‚gime réduit.

Si l'on dégroupe les données, on note un écart de rendement entre les deux entreprises qui utilisent le procédé classique de superposition et les deux qui recourent au procédé de moulage par injection. Au cours des cinq dernières années, les premières ont enregistré une diminution au chapitre de la part du marché, des ventes et de la production, et les secondes ont connu la situation inverse.

Quelle que soit la méthodologie utilisée pour réaliser la production, chacune des entreprises de l'industrie s'en remet à la production et aux ventes de chaussures en caoutchouc en question pour garantir l'efficacité de ses séries de production de chaussures non visées renfermant des composantes de caoutchouc. Par conséquent, une baisse de la production des marchandises en question aurait pour effet de majorer le prix de revient à l'unité de toutes les marchandises en question et des marchandises non visées, ce qui nuirait à la compétitivité globale de l'industrie.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION (Opinion majoritaire)

En vertu du paragraphe 76(5) de la LMSI, des conclusions sont annulées après cinq années, à moins qu'elles ne soient réexaminées et prorogées par le Tribunal. Cette disposition est conforme au premier paragraphe de l'Article 9 du Code antidumping du GATT [5] , qui indique que des conclusions ne restent en vigueur que pour neutraliser le dumping qui cause un préjudice.

De l'avis du Tribunal, il ressort clairement de cette disposition que la durée de conclusions n'est assujettie à aucune échéance précise. Le Tribunal doit examiner chaque cas et décider, à partir des éléments de preuve qui lui sont soumis, si les circonstances justifient la prorogation ou l'annulation des conclusions. Si après examen, il conclut qu'il y a risque de préjudice imputable au dumping, les conclusions doivent être prorogées. Dans le cas contraire, elles doivent être annulées.

Le présent réexamen constitue le deuxième réexamen des conclusions de 1979 et de 1982. Dans le premier, en 1987, le TCI a conclu, sur la foi des éléments de preuve qui lui ont été soumis, que les pays désignés posaient un risque permanent de préjudice causé par le dumping et il a prorogé les conclusions. Après avoir examiné les éléments de preuve dans le présent cas, nous croyons que le risque de dumping et la vulnérabilité de l'industrie à ce dumping sont encore présents dans une mesure qui justifie la prorogation des conclusions sans modification. Nous en sommes venus à cette décision pour les motifs énoncés ci-après.

L'industrie canadienne est confrontée depuis cinq ans à un rétrécissement du marché des chaussures en caoutchouc imperméables. En fait, les ventes totales ont diminué de 17 p. 100 entre 1987 et 1991. Bien que l'industrie ait accaparé une part sans cesse croissante de ce marché en perte de vitesse, principalement grâce aux effets bénéfiques des conclusions, ses ventes au Canada ont été peu encourageantes en raison de la faiblesse du marché. Au cours des deux dernières années, le marché a traversé une période particulièrement difficile, non seulement à cause de la récession, mais aussi pour d'autres facteurs comme les effets de la taxe sur les produits et services et l'application de la taxe de vente provinciale du Québec sur les chaussures (articles qui n'étaient pas assujettis auparavant à la taxe de vente du Québec). L'effet jumelé de ces divers éléments crée une situation économique favorable en général à des pressions à la baisse sur les prix.

Bien que le marché des chaussures en caoutchouc en question se compose de nombreux produits différents, la botte en caoutchouc imperméable ordinaire constitue le plus important sur le plan de la quantité, car elle représente la plus grande partie de la production canadienne et des importations. Ce type de chaussure est un produit de base très sensible aux variations de prix. En outre, un nombre relativement restreint de chaînes de magasins de détail et de grandes surfaces se partagent une part importante du marché de ce produit vendu en grandes quantités. En raison de cette concentration, la perte de quelques clients peut être catastrophique pour l'industrie.

Comme l'a fait remarquer le Tribunal dans le réexamen de la mesure de sauvegarde relative au TPG, en 1991, les grandes surfaces se livrent une concurrence acharnée, principalement sur le plan des prix, pour obtenir une part du marché, plus particulièrement pour les produits de base. Ces tensions concurrentielles les obligent à s'approvisionner en marchandises à faibles coûts auprès de fournisseurs canadiens et étrangers. À notre avis, lorsque le marché est faible, comme c'est le cas à l'heure actuelle, le risque de dumping est particulièrement élevé.

Nous avons remarqué que bon nombre des pays désignés, en particulier la Corée, la Chine, la Malaisie et la Pologne, comptent sur une forte capacité d'exportation par rapport à la taille du marché canadien, comme en font foi les imposantes expéditions destinées aux États-Unis, où la plupart des pays désignés sont bien implantés. Par contre, les marchandises exportées vers le Canada par la plupart des pays désignés ont diminué de façon soutenue au cours des cinq dernières années. Cependant, nous croyons que cette baisse n'est pas imputable au manque d'intérêt pour le marché canadien, mais aux contraintes imposées par les conclusions antidumping, qui rendent le marché canadien moins attrayant que d'autres, comme les États-Unis, où aucune conclusion antidumping n'est en vigueur.

Un fait n'a pas été contesté : bon nombre des pays désignés constituent des sources d'approvisionnement bon marché de chaussures en question, plus particulièrement pour ce qui est des chaussures de base, qui se vendent en grandes quantités. Lorsque le Tribunal a abordé ce point dans le réexamen de la mesure de sauvegarde relative au TPG, en 1991, il a fait remarquer que pour être vraiment concurrentielles sur le marché américain, les marchandises originaires de pays bénéficiant des avantages du TPG ont réussi à surmonter les effets du taux de droit NPF de 37,5 p. 100 aux États-Unis, soit près du double du taux NPF imposé au Canada (20 p. 100). Dans ce cas, le Tribunal a conclu que l'allégement accordé aux marchandises provenant de pays bénéficiant du TPG en raison de l'élimination des droits se traduirait «presque certainement» par une baisse en spirale des prix sur le marché canadien, ce qui causerait un préjudice aux fabricants canadiens. Bien que le réexamen de la mesure de sauvegarde relative au TPG (1991) portait sur les effets d'une éventuelle réduction des droits, nous croyons que les conclusions qui y sont mentionnées s'appliqueraient également à une situation où les prix des marchandises sous-évaluées seraient inférieurs aux prix des marchandises canadiennes.

Dans le cadre du réexamen de 1987, le TCI a fait remarquer que le dumping pratiqué par les pays désignés «n'a pas diminué» depuis les conclusions. De même, dans le présent réexamen, les données sur l'exécution de la loi publiées par Revenu Canada révèlent que les marchandises en question qui ont été importées au cours des cinq dernières années ont été en grande partie sous-évaluées, dans certains cas dans une proportion aussi élevée que 22 p. 100. Bien que la quantité totale des marchandises importées puisse être faible, la preuve de dumping soutenu pose les mêmes préoccupations que celles auxquelles le TCI était confronté lorsqu'il a dû déterminer ce qui surviendrait en l'absence des règles de conduite imposées par les conclusions.

Ces préoccupations sont intensifiées par des éléments de preuve déposés par l'industrie au sujet du coût des chaussures en question originaires de certains pays désignés comme la Chine, la Corée, la Malaisie et Hong Kong. Ces éléments de preuve indiquent que bon nombre de produits fabriqués dans les pays désignés peuvent être exportés au Canada à un coût inférieur au coût de production au Canada. En effet, dans l'un des exemples, on précise qu'une botte en caoutchouc à semelle rouge superposée originaire de la Chine peut être exportée au Canada à un prix inférieur au coût des matières premières de la même botte produite par des fabricants canadiens qui utilisent le même procédé de superposition. Des écarts de prix d'une telle envergure laissent entrevoir qu'il est probable que les marchandises en question sont exportées à des prix inférieurs aux valeurs normales.

Les préoccupations susmentionnées sont renforcées par le fait que, le 7 octobre 1992, après une enquête ouverte le 9 juillet 1992, Revenu Canada a rendu une décision provisoire de dumping contre la Tchécoslovaquie, la Chine, la Corée et Taïwan au sujet des chaussures en plastique imperméables. Une bonne partie des marchandises visées par cette décision peuvent remplacer les marchandises prises en compte dans le présent réexamen.

Nous remarquons que bon nombre d'indicateurs économiques globaux de l'industrie sont actuellement positifs. L'industrie a vu sa part du marché augmenter de 7 points depuis 1987 et elle est rentable. À notre avis, cette situation découle, entre autres, des investissements de l'industrie et des avantages qu'elle a tirés des conclusions. Cependant, l'industrie en général et les fabricants qui utilisent le procédé de superposition en particulier, sont encore aux prises avec un grave problème de faiblesse de la capacité. Dans les conclusions de 1987, le TCI a fait remarquer que ces fabricants étaient encore très exposés au dumping en raison du niveau élevé de leurs coûts de production comparativement aux fabricants recourant au procédé de moulage par injection. Les éléments de preuve qui nous ont été soumis révèlent que ce segment de l'industrie est actuellement très vulnérable.

Les témoins de l'industrie ont déclaré que les perspectives pourraient passer de positives à négatives en quelques mois si les conclusions étaient annulées. Si un important magasin grande surface importait des marchandises sous-évaluées, les autres lui emboîteraient rapidement le pas dans une réaction en chaîne qui entraînerait une baisse des prix, une augmentation des coûts unitaires de production et un rétrécissement des marges bénéficiaires, menaçant du même coup la viabilité de l'industrie. Nous croyons que ce témoignage expose passablement bien les conséquences d'une reprise probable du dumping, compte tenu des antécédents, faits et circonstances relatifs à la présente cause.

Nous remarquons que parmi les pays désignés, seule la Tchécoslovaquie a pris part aux audiences tenues dans le cadre du présent réexamen. L'avocat de ce pays a demandé que les exportateurs tchécoslovaques soient exclus des conclusions parce que le passage de la Tchécoslovaquie à une économie de marché a éliminé la menace de préjudice imputable au dumping. Bien que l'évolution de la situation en Tchécoslovaquie soit encourageante sur le plan de la réduction du risque de dumping, nous croyons qu'il est encore trop tôt pour conclure que le risque a été suffisamment réduit pour justifier l'exclusion des exportateurs tchécoslovaques. Il est évident que l'économie de la Tchécoslovaquie est toujours en période de transition et il est trop tôt pour anticiper le résultat final. Entre-temps, la Tchécoslovaquie est, parmi les pays désignés, le plus important exportateur de marchandises en question au Canada et est demeurée bien implantée sur le marché canadien depuis le dernier réexamen qui a eu lieu en 1987. De plus, pendant la plus grande partie de la période visée par le réexamen, Revenu Canada a déterminé qu'une part appréciable des marchandises tchécoslovaques était sous-évaluée, les marges atteignant jusqu'à 6 p. 100.

Nous notons également que, par le passé, les importateurs ont manifestement eu tendance à changer de fournisseurs pour éviter l'imposition de droits antidumping. Dans ce contexte, l'exclusion d'un important pays exportateur des marchandises en question, comme la Tchécoslovaquie, pourrait annuler les effets des conclusions en cas de reprise du dumping. Le même raisonnement s'applique aux autres pays désignés, par exemple la Pologne, qui n'a pas participé au réexamen, mais qui demeure une importante source de marchandises importées en question.

Pour ces motifs, la majorité du Tribunal a décidé de proroger sans modification les conclusions.

OPINION DISSIDENTE (du membre Hines)

L'industrie des chaussures en caoutchouc au Canada, comme dans bien des pays, a dû se plier à de profonds changements au cours des 25 dernières années pour s'adapter au nouveau contexte économique mondial et, plus particulièrement, à l'arrivée de fournisseurs de pays à faibles prix de revient. Ce processus a débouché sur un rétrécissement appréciable de l'industrie canadienne, qui se compose maintenant de quatre entreprises seulement : deux utilisant le procédé de moulage par injection et qui concentrent leurs efforts sur la fabrication de produits en grandes quantités, et deux s'en remettant principalement au procédé classique de superposition qui leur permet de fabriquer des séries de marchandises produites en grandes quantités et des marchandises spécialisées destinées à des consommateurs particuliers.

Le gouvernement canadien a reconnu les problèmes auxquels l'industrie est confrontée et il a pris diverses mesures pour que les marchandises importées de pays à faibles prix de revient ne bénéficient pas de taux de droit préférentiels et pour que des droits antidumping soient imposés de manière à protéger l'industrie contre le préjudice que pourrait entraîner le dumping. En conséquence, les principaux indicateurs économiques de ces entreprises et de l'industrie sont maintenant positifs.

À mon avis, il ne fait pas de doute qu'à long terme l'industrie continuera d'être confrontée à une concurrence très vive sur le plan des importations vu que les importateurs recherchent des marchandises au prix le plus bas et que les pays exportateurs tentent d'accaparer une part du marché canadien. Cette situation s'applique plus particulièrement aux chaussures en caoutchouc à faible prix et produites en grandes quantités, mais ne vise pas que cette industrie; il s'agit d'une réalité à laquelle la plupart des industries qui produisent des marchandises vendues à l'échelle internationale doivent s'habituer dans le contexte mondial actuel. L'imposition ou le maintien de droits antidumping ne constitue pas, à mon avis, une solution justifiée ni convenable pour soustraire l'industrie canadienne aux forces habituelles qu'exercent les importations sur la concurrence.

Les présentes conclusions ont été imposées à certains pays en 1979 et à d'autres en 1982. Bien que la durée d'une ordonnance ou de conclusions ne doive pas nécessairement constituer pour le Tribunal un facteur important lors de l'examen d'une demande de prorogation de conclusions, nous devons nous rappeler que lorsque le législateur a établi l'échéance de cinq ans dans la loi (à moins que le Tribunal ne la réexamine et ne la proroge en vertu du paragraphe 76(5) de la LMSI), il voulait expressément que les droits antidumping ne soient pas prorogés indéfiniment. Cette disposition reconnaît la nature de la protection spéciale accordée par la loi et elle est conforme aux obligations du Canada dans le cadre du Code antidumping du GATT. Qui plus est, avant de rendre sa décision, le Tribunal doit soupeser les témoignages et les éléments de preuve qui lui sont soumis au sujet de la tendance au dumping dans l'avenir et déterminer s'il est probable que le dumping causera ou menacera de causer un préjudice à l'industrie canadienne.

Dans le cadre de réexamens comme le présent, l'industrie canadienne a déjà profité pendant un certain nombre d'années de la protection spéciale accordée par la législation antidumping pour s'adapter. Cette protection sous-entend un coût habituellement couvert par les consommateurs canadiens qui doivent payer un prix plus élevé pour obtenir les marchandises en question. En raison de ces coûts, il incombe à l'industrie canadienne de préciser, en se fondant sur des éléments de preuve et non sur de pures allégations, les motifs à l'appui de la prorogation des conclusions de dumping. Je ne suis pas convaincu que les arguments et les éléments de preuve soumis dans la présente cause justifient la prorogation des conclusions.

Des huit pays exportateurs visés par les présentes conclusions, seule la Tchécoslovaquie était représentée à l'audience; par ailleurs, un mémoire a été reçu au nom de la Corée. L'absence et le silence des six autres pays n'atténuent pas, à mon avis, l'obligation du Tribunal de tenir compte de tous les faits et renseignements qui lui ont été soumis avant de rendre sa décision. À cet égard, les éléments de preuve présentés au Tribunal peuvent être résumés de la manière suivante :

(1) Aucune marchandise en question n'a été importée de la Pologne ni de la Yougoslavie depuis 1987.

(2) Entre 1987 et 1991, la part du marché des importations détenue par les pays désignés, à l'exception de la Tchécoslovaquie, a diminué pour passer de 49 à 15 p. 100. La Chine et Hong Kong n'ont jamais représenté respectivement plus de 4 et 1 p. 100 du marché des importations. Au cours de cette période, la part du marché des importations détenue par la Corée a chuté, passant de 32 à 5 p. 100, tandis que celle de Taïwan est passée de 14 à 1 p. 100 et celle de la Malaisie a augmenté, de 0 à 6 p. 100. Ensemble, ces pays ont représenté en 1991 un pourcentage bien plus faible du marché des marchandises importées que la Tchécoslovaquie (37 p. 100) ou les États-Unis (40 p. 100).

(3) Revenu Canada a conclu qu'il y avait eu dumping en 1991 à l'égard d'une certaine partie des importations effectuées par chacun des pays désignés au paragraphe précédent. Les avocats de l'industrie canadienne ont laissé entendre que cette situation peut être imputable aux fluctuations des devises ou aux tentatives de ramener les prix à un niveau trop rapproché des valeurs normales établies.

(4) La Tchécoslovaquie a été le deuxième plus important fournisseur de chaussures en caoutchouc imperméables sur le marché canadien en 1991 et elle maintient fermement sa position sur le marché depuis 1988. Le témoin de l'importateur de ce pays, Omnitrade, a déclaré que parce que le passage à une économie de marché était amorcé en Tchécoslovaquie, la hausse du prix de revient se traduit par une augmentation du prix des marchandises exportées et que depuis 1991, ce dernier dépasse sensiblement les valeurs normales. En outre, la demande de chaussures tchécoslovaques s'accroît en Europe pendant que la capacité de production diminue. Il ajoute que les produits tchécoslovaques ne sont pas les meilleurs marché au Canada et que les fournisseurs tchécoslovaques n'approvisionnent plus les principaux clients canadiens.

(5) La Korean Association a fait valoir que les fabricants coréens réduisent leur production des marchandises en question pour se concentrer sur les chaussures athlétiques en cuir. Selon les représentants de cette association, le prix moyen des marchandises coréennes en question est élevé et les fabricants coréens n'ont pas l'intention d'intensifier leur faible présence sur le marché canadien, car leurs principaux marchés d'exportation sont les États-Unis et le Japon.

(6) Les représentants de l'industrie ont fourni certains exemples de prix, notamment deux prix pour les bottes en caoutchouc à semelles rouges, f.a.b., de Chine et de Hong Kong. Ils ont également donné le prix d'une botte en caoutchouc à semelle rouge originaire de Chine et achetée aux États-Unis, prix f.a.b. fondé sur certaines hypothèses de l'industrie ayant trait, entre autres, aux frais de transport. Ce dernier exemple visait à prouver qu'une botte originaire de Chine peut être exportée au Canada à un prix inférieur au coût des matières premières entrant dans la fabrication d'une botte canadienne comparable.

Je conclus que l'industrie canadienne n'a pas fourni de renseignements contredisant les éléments de preuve soumis par le témoin d'Omnitrade ou les déclarations écrites remises par la Korean Association au Tribunal. Je n'ai pas vu l'ombre d'un élément de preuve portant sur l'utilisation de la capacité dans les pays désignés ni sur la perte de ventes sur le marché canadien qui pourrait être directement imputée aux marchandises importées sous-évaluées. En outre, l'industrie canadienne n'a pas prouvé que les principaux importateurs canadiens déploient actuellement des efforts pour s'approvisionner auprès des pays désignés ou pour trouver de nouveaux fournisseurs dans des pays à faibles prix de revient.

J'ai examiné les éléments de preuve déposés par l'industrie au sujet des prix. Bien que les prix mentionnés révèlent de façon non équivoque la disponibilité de marchandises importées à prix concurrentiels, ils n'indiquent pas, à mon avis, que le prix des marchandises importées est, ou est sur le point d'être, inférieur aux valeurs normales. Il n'existe aucune donnée sur les prix ni sur les coûts de production étrangers sur le «marché national». Dans l'un des exemples cités, un représentant de l'industrie a comparé le coût des matières premières d'un fabricant national dont les coûts sont élevés au coût estimatif livré d'une botte de caoutchouc à semelle rouge originaire de Chine. Je ne crois pas que cet exemple nous renseigne sur les coûts de production en Chine ni sur le dumping éventuel de ce type de bottes. Je m'inquiète également du manque de précision des éléments de preuve fournis par l'industrie relativement aux prix. Plus particulièrement, plusieurs exemples de prix comprennent ce que je considère comme des estimations brutes et quelque peu incohérentes des divers coûts, comme les frais de transport, qui doivent être ajoutés au prix f.a.b. à destination pour établir le prix livré au Canada.

Cependant, même si je tiens compte de ces estimations de prix à leur valeur nominale, je ne crois pas qu'elles sont vraiment inférieures aux prix pratiqués par le fabricant canadien le plus efficient. Plus précisément, il me semble qu'au moins un fabricant canadien peut concurrencer directement les importateurs à l'égard des produits d'usage courant fabriqués en grandes quantités. De façon plus générale, la compétitivité accrue de l'industrie canadienne est mise en évidence par le rendement de ses exportations vers les États-Unis, où elle expédie des quantités de plus en plus grandes de marchandises en question malgré la place importante qu'occupent les marchandises à prix concurrentiels importées de la plupart des pays désignés. Il convient également de remarquer que les fabricants américains sont devenus les plus importants concurrents à l'égard des marchandises importées au Canada sur le plan de la quantité, la concurrence exercée par les pays désignés ayant diminué au cours des dernières années.

Bien que certaines données de Revenu Canada révèlent le maintien du dumping de la part de tous les pays désignés, à l'exception de la Pologne et de la Yougoslavie, comme il est mentionné ci-dessus, les importations de marchandises de pays autres que la Tchécoslovaquie ont chuté au cours de la période observée et certains fournisseurs ont à toutes fins utiles délaissé le marché canadien. Vu que la quantité de marchandises en question est relativement faible, je ne crois pas que l'on peut se fier aux données sur l'exécution de la loi pour conclure que les pays désignés ont tendance à pratiquer le dumping. De toute manière, ces données sont, à mon avis, largement compensées par le fait qu'aucune mesure antidumping n'a été prise par les fabricants des États-Unis contre les marchandises importées des pays désignés qui, ensemble, ont occupé une place importante sur le marché américain malgré l'imposition d'un taux de droit NPF de 37,5 p. 100.

Je remarque que le 9 juillet 1992, Revenu Canada a ouvert une enquête de dumping sur les chaussures en plastique imperméables originaires de la Tchécoslovaquie, de la Chine, de la Corée et de Taïwan. Le 7 octobre 1992, une décision provisoire de dumping a été rendue contre chacun des pays susmentionnés. Cette cause en est encore aux premières étapes, mais elle pourrait déboucher sur des conclusions de préjudice et entraîner l'imposition de droits antidumping. À mon avis, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions au sujet de l'importance de cette enquête pour la présente cause.

L'industrie a nettement fait l'objet de dumping par le passé, mais cette constatation ne constitue pas, selon moi, un motif valable pour conclure que la tendance au dumping se maintiendra de façon permanente. Selon les données publiées, la production à l'échelle internationale a diminué au cours des 10 dernières années. Les fabricants n'ont cessé de s'adapter à cette nouvelle réalité et à l'implantation de nouveaux procédés de fabrication. Le Tribunal a entendu de nombreux témoignages de la part de fabricants canadiens au sujet des efforts qu'ils ont déployés à ce chapitre et de l'utilisation de machines et d'équipement à la fine pointe de la technologie. À cet égard, il convient de noter que l'industrie canadienne a toujours accru sa part du marché intérieur, qu'elle est le principal fournisseur de tous les grands détaillants canadiens, qu'elle augmente ses exportations et qu'elle est maintenant rentable. Les éléments de preuve déposés révèlent qu'en pourcentage, les bénéfices qu'a tirés l'industrie de la vente des marchandises en question ont dépassé ceux provenant de la vente de marchandises non visés par le présent réexamen. Toujours selon les éléments de preuve, il semble que même si les quatre fabricants canadiens se livrent bataille pour certaines séries de produits, l'orientation de leur production et leur clientèle ont favorisé une certaine spécialisation et des écarts prononcés de prix à l'intérieur et à l'extérieur de mêmes séries de produits.

Compte tenu de ce qui précède, je dois conclure, en me fondant sur les éléments de preuve qu'a reçus le Tribunal, que la prorogation des présentes conclusions n'est pas justifiée. L'industrie canadienne a prouvé qu'elle est en mesure de supporter une concurrence équitable de la part des importateurs faisant face à la protection douanière normale conférée par le retrait du TPG sur les chaussures en caoutchouc imperméables. Si cette situation devait changer et que le dumping recommençait à poser un important problème pour l'industrie canadienne, je crois que cette dernière demanderait une réparation immédiate en vertu de la LMSI.

Pour les motifs susmentionnés, je crois que les conclusions de préjudice sensible contre les pays désignés doivent être annulées.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

3. Quatre des huit pays visés par les conclusions antidumping, c'est-à-dire la Chine, la Corée, Hong Kong et la Malaisie, ont également été pris en compte dans le cadre de l'examen du TPG.

4. Enquête ouverte par Revenu Canada le 9 juillet 1992. Les pays en cause sont la Tchécoslovaquie, la Chine, la Corée et Taïwan.

5. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'Article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, Genève, le 12 avril 1979, GATT IBDD, suppl. 26, p. 265 (1980).


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Publication initiale : le 26 août 1997