ÉLECTRODES ET GOUPILLES DE RACCORDEMENT FINIES EN GRAPHITE ARTIFICIEL

Réexamens (article 76)


ÉLECTRODES ET GOUPILLES DE RACCORDEMENT FINIES EN GRAPHITE ARTIFICIEL ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU JAPON, DE LA SUÈDE ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Réexamen no : RR-91-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 27 novembre 1991

Réexamen no : RR-91-002

EU ÉGARD À un réexamen, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre du réexamen no R-5-87, prorogeant avec modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 novembre 1986, dans le cadre de l'enquête no CIT-4-86, concernant les :

ÉLECTRODES ET GOUPILLES DE RACCORDEMENT FINIES EN GRAPHITE ARTIFICIEL ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA BELGIQUE, DU JAPON, DE LA SUÈDE ET DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

O R D O N N A N C E

Conformément au paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre du réexamen no R-5-87, prorogeant avec modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 novembre 1986, dans le cadre de l'enquête no CIT-4-86.

En vertu du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule, par la présente, lesdites conclusions.

W. Roy Hines
_________________________
W. Roy Hines
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il convient d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre du réexamen no R-5-87, prorogeant avec modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 novembre 1986, dans le cadre de l'enquête no CIT-4-86.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 7 et 8 octobre 1991

Date de l'ordonnance et
des motifs : Le 27 novembre 1991

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Robert C. Coates, c.r., membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh
Agent de la recherche : W. Douglas Kemp
Préposé aux statistiques : Margaret Saumweber

Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow

Préposé à l'enregistrement
et à la distribution : Pierrette Hébert


Participants : W. Jack Millar et
James H. Warnock
pour UCAR Carbon Canada Inc. et
G.L.C. Canada Inc.

(fabricants)
Keith Sandford
pour Superior Graphite Canada Ltd. et
Superior Graphite Company

(importateur-exportateur)

Témoins :

Jerry A. Acciarri
Pet-Coke Inc.

Donald K. White
Directeur de marketing
UCAR Carbon Canada Inc.

Lorne D. Walker
Directeur des ventes et Secrétaire
G.L.C. Canada Inc.

W. Ronald Seay
Directeur
Achats et matériaux
Ivaco Rolling Mills, Division of Ivaco Inc.

Adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a réexaminé les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre du réexamen no R-5-87, prorogeant avec modification les conclusions de préjudice sensible causé à la production nationale par les électrodes et goupilles de raccordement finies en graphite artificiel originaires ou exportées de la Belgique, du Japon, de la Suède et des États-Unis d'Amérique qui ont été rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 novembre 1986, dans le cadre de l'enquête no CIT-4-86.

L'industrie nationale se compose de UCAR Carbon Canada Inc. et G.L.C. Canada Inc. Dans un exposé commun, les deux sociétés ont demandé que les conclusions soient prorogées, à l'exception des exportations en provenance de la Suède.

En réexaminant des conclusions, en vertu du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (la LMSI), le Tribunal étudie si les importations sous-évaluées en provenance des pays en question seraient susceptibles de reprendre; et si ce dumping serait susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

L'industrie a soutenu qu'il y aurait une reprise du dumping préjudiciable. Elle a fait valoir que l'industrie mondiale possède une surcapacité importante, et que, selon les prévisions, cette situation se continuera; que des exportateurs japonais et belges font du dumping aux États-Unis, que les exportations américaines feraient probablement du dumping au Canada; et que même la vente en petites quantités, ou le seul fait d'offrir des importations, à des prix sous-évalués, causerait un préjudice sensible.

Le Tribunal a examiné les éléments de preuve soumis relativement à la situation récente de l'importation d'électrodes de graphite aux États-Unis et à l'établissement de leur prix sur ce marché, à l'évolution récente du marché mondial et à la production et au commerce dont ces produits font l'objet au Canada. Le Tribunal a constaté qu'il se pouvait que des importations japonaises fassent leur entrée aux États-Unis à des prix sous-évalués. Cependant, il n'était pas convaincu qu'il en était de même pour les électrodes belges importées dans ce même pays. Le Tribunal a constaté que le prix des électrodes de graphite était bas, et qu'il était à la baisse, sur le marché américain. Quoique l'industrie ait soutenu que les importations au Canada des électrodes américaines à pareil prix seraient sous-évaluées, elle n'a apporté que peu d'éléments de preuve de nature à étayer cette assertion.

Dans l'ensemble, le Tribunal a conclu que la situation chaotique du marché mondial des électrodes pouvait conduire à la pratique du dumping au Canada de la part des pays en question. La capacité de production mondiale est très excédentaire et la demande est faible. Si cette situation se poursuit, il se pourrait que les exportations des pays en question fassent l'objet de dumping. Cependant, le Tribunal a conclu qu'il était peu probable que le volume de ces importations soit important, car les prix peu élevés qui se pratique sur le marché canadien et la pénétrabilité limitée de celui-ci sont de nature à le rendre peu attrayant pour les fournisseurs étrangers.

Le Tribunal a évalué la probabilité du préjudice sensible causé à l'industrie nationale par une petite quantité d'importations sous-évaluées, ou par la simple offre de produits faisant l'objet de dumping sur le marché. Il a conclu que la surcapacité de l'industrie nationale était telle à elle seule que la concurrence interindustrielle pour une part du marché serait féroce et se traduirait d'abord et avant tout par des prix à la baisse. Cette situation pourrait être aggravée par la vente ou l'offre de marchandises à des prix sous-évalués. Cependant, les répercussions négatives de la pratique de bas prix sur le rendement financier de l'industrie seraient liées d'abord et avant tout à la concurrence interindustrielle et non aux importations sous-évaluées.

Compte tenu de ces données, le Tribunal est persuadé que les conclusions devraient être annulées.

LE CONTEXTE

Le présent réexamen est effectué conformément au paragraphe 76(2) de la LMSI. Il porte sur les conclusions de réexamen rendues par le Tribunal canadien des importations le 30 avril 1987, dans le cadre du réexamen no R-5-87, prorogeant avec modification les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 novembre 1986, dans le cadre de l'enquête no CIT-4-86, au sujet des électrodes et goupilles de raccordement finies en graphite artificiel originaires ou exportées de la Belgique, du Japon, de la Suède et des États-Unis d'Amérique.

En vertu de l'article 76 de la LMSI, le Tribunal a procédé à un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 14 juin 1991. Cet avis a été communiqué à toutes les parties intéressées et a été publié dans la partie I de la Gazette du Canada du 22 juin 1991.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux fabricants ainsi qu'aux importateurs et exportateurs des marchandises en question. Le Tribunal a obtenu un rapport sur la situation des marchés mondiaux de l'acier, des électrodes de graphite et de la houille aciculaire intitulée Worldwide Market Analysis and Forecast 1990-1995, August 1991 [1] par M. J.A. Acciarri, président de Pet-Coke Inc. (Pet-Coke), située à Kingwood (Texas), États-Unis. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, y compris le rapport de Pet-Coke, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et confidentiel préalables à l'audience. De plus, le dossier relatif à ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, les conclusions de réexamen, l'avis de réexamen, ainsi que les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, et les pièces confidentielles-protégées ont été distribuées seulement aux avocats indépendants qui avaient soumis un acte d'engagement. Les audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 7 et 8 octobre 1991.

UCAR Carbon Canada Inc. et G.L.C. Canada Inc. sont les fabricants des marchandises en question. Ces sociétés étaient représentées par des avocats, ont soumis des éléments de preuve et des arguments en faveur de la prorogation des conclusions, sauf pour la Suède. Superior Graphite Canada Ltd. et Superior Graphite Company des États-Unis étaient également représentées par un avocat. Celui-ci a soumis des éléments de preuve et des argument en faveur de l'annulation des conclusions ou, si le Tribunal prorogeait les conclusions, d'en exclure les électrodes de graphite artificiel de moins de 350 mm de diamètre.

LES PRODUITS

Les produits sont des électrodes et des goupilles de raccordement finies en graphite artificiel originaires ou exportées de la Belgique, du Japon de la Suède et des États-Unis d'Amérique. Elles sont utilisées dans des fours à arc électrique (FAE) pour la production de fonte en gueuses et de fonte, d'abrasifs et de métaux non ferreux. Les goupilles de raccordement sont des pièces de graphite à extrémités mâle et femelle usinées. Elles servent à raccorder des électrodes installées en groupes de deux ou plus. Certaines petites électrodes ont des extrémités mâle et femelle usinées, et n'ont pas besoin de goupilles de raccordement.

Les électrodes conduisent le courant électrique dans le four où un arc se forme entre la pointe de l'électrode et la charge du four. La très haute température de l'arc fournit la chaleur nécessaire pour engendrer les réactions métallurgiques qui ont lieu dans le four.

Les électrodes et les goupilles de raccordement sont fabriquées en filant un mélange de coke à base de pétrole calciné et de brai de houille pour former des barres cylindriques qui sont ensuite cuites et usinées. Les électrodes peuvent être d'une densité ordinaire ou d'une haute densité. L'électrode à haute densité est imprégnée de bitume et passe par une autre étape de cuisson. Même si les deux produits sont presque identiques du point de vue chimique, l'électrode à haute densité a certaines propriétés physiques et une résistivité électrique additionnelles, ce qui permet d'obtenir un meilleur rendement dans des utilisations à haute densité. La production d'électrodes de graphite est un processus relativement long, qui s'étale sur environ trois mois, et comprend quatre étapes dont le filage, la cuisson, la graphitisation et l'usinage.

Le filage

Le coke est d'abord pilé puis les fragments obtenus sont passés au crible et classés par ordre de grandeur. Les particules de coke de différentes tailles sont mélangées selon des proportions prédéterminées à du brai de houille, qui forme le lien entre les particules. Le mélange est fait à haute température de façon à ce que le brai de houille acquière un caractère pleinement plastique. Le mélange obtenu est alors placé sous une presse à piston hydraulique où la section ronde ou rectangulaire est filée et refroidie. C'est ce qu'on appelle «green stock».

La cuisson

Les électrodes «verts» sont cuits dans des fours dans lesquels chaque barre est enrobée de bitume. Le processus de cuisson suit une courbe d'échauffement progressif prédéterminée, qui atteint une température finale d'environ 900 °C. C'est au cours de cette étape que le brai de houille est converti en coke dur et que les impuretés sont extraites. Pour produire des électrodes de graphite à haute densité, il faut soumettre les électrodes cuites à un traitement spécial dans un autoclave où elles sont imprégnées de bitume liquide sous pression.

La graphitisation

La graphitisation est le processus par lequel le coke cuit est transformé en graphite. Les électrodes sont entassées dans des fours électriques et entourées de particules de carbone de façon à constituer une masse compacte. La température du four est alors portée à environ 3000 °C par la conduction d'un courant électrique. Après refroidissement, les barres sont nettoyées et vérifiées. La graphitisation est faite dans des fours Acheson ou dans des fours de graphitisation longitudinaux. Dans le cas des électrodes de tailles moyenne et grande, les fours de graphitisation longitudinaux produisent des électrodes de graphite de meilleure qualité que les fours Acheson, et pour un coût inférieur. Le processus de cuisson par fours de graphitisation longitudinaux exige moins de travail et une durée de chauffage plus courte.

L'usinage

La taille des électrodes varie de 75 mm à 700 mm. Le diamètre extérieur et les extrémités sont usinés de façon à répondre aux normes internationales. Les goupilles de raccordement requièrent davantage d'usinage, mais sont vendues au même prix par tonne que les électrodes. Sans les électrodes, les goupilles de raccordement n'ont pas de valeur commerciale.

L'INDUSTRIE NATIONALE

En 1986, l'industrie se composait de Union Carbide Canada Limited (UCCL), appartenant à 75 p. 100 à Union Carbide Corporation, de New York; et de G.L.C. Canada Inc. (GLC), une filiale à part entière de Great Lakes Carbon Corporation (GLC U.S.), de Briarcliff Manor (New York). Le 31 décembre 1989, la Carbon Products Division de UCCL est devenue UCAR Carbon Canada Inc. (UCAR), une filiale à part entière de UCAR Carbon Company Inc. (UCAR U.S.), de Danbury (Connecticut). En février 1991, Mitsubishi a acheté 50 p. 100 de pratiquement tout le réseau international de UCAR Carbon Company Inc., y compris UCAR du Canada.

En septembre 1991, Hoechst AG (Hoechst), de Frankfurt (Allemagne), et Horsehead Industries, Inc. (Horsehead), de New York, ont signé une lettre d'intention visant la création d'une nouvelle société de fabrication de produits de carbone et de graphite par la fusion de leurs filiales respectives, SIGRI GmbH (SIGRI), de Meitingen (Allemagne), et la Graphite Products Division de GLC U.S. Horsehead et Hoechst ont avancé la signature des accords définitifs d'ici la fin de la présente année, de façon à permettre à la nouvelle société de commencer ses opérations en janvier 1992.

UCAR fabrique des électrodes de graphite artificiel d'un diamètre de 250 mm à 600 mm à son usine de Welland (Ontario). Elle fabrique également des électrodes de carbone et des blocs cathodiques. En 1989, elle a fermé une partie de ses installations anciennes et coûteuses, y compris ses fours Acheson, et a cessé de fabriquer des électrodes de moins de 250 mm de diamètre, lesquelles représentaient jusqu'alors environ 2 p. 100 de ses ventes totales d'électrodes et la totalité de ses exportations. UCAR utilise les fours de graphitisation longitudinaux de Welland. Les clients qui achetaient des électrodes de petit diamètre à UCAR sont maintenant approvisionnés par UCAR U.S. à partir de l'usine de UCAR au Mexique. UCAR importe des goupilles de raccordement semi-traitées de UCAR U.S. et en finit le traitement à son usine de Welland.

GLC produit toute une série d'électrodes, et se charge de toutes les étapes de la production. Elle possède deux usines, dont l'une à Berthierville (Québec) et l'autre à Lachute (Québec). À Lachute, la société produit les grandes électrodes utilisées dans diverses opérations à ultra haute puissance dans le monde entier. Dans l'usine située dans cette dernière ville, le processus commence avec le traitement des électrodes «vertes» produites à Berthierville et dans d'autres installations de GLC. GLC utilise les fours Acheson de Berthierville pour les petites électrodes, qui constituent 50 p. 100 environ de sa production, et les fours de graphitisation longitudinaux de Lachute pour les autres. La société importe de GLC U.S. la plupart des goupilles de raccordement qu'elle vend au Canada.

UCAR achète le coke à UCAR U.S., qui négocie des contrats avec les fournisseurs pour les besoins de la société dans le monde entier. UCAR paye le prix négocié plus une commission. La société achète le brai de houille au Canada et le coke à base de pétrole à une société du Kentucky (États-Unis). GLC achète son coke à base de pétrole à GLC U.S., qui l'achète elle-même à différentes entreprises de raffinage de pétrole.

Les électrodes de graphite d'un diamètre de 75 mm à 600 mm sont vendues à des fonderies ainsi qu'à des entreprises de fabrication de l'acier et d'abrasifs au Canada. Le marché est concentré, et le gros des ventes de UCAR et de GLC est conclu avec environ 15 sociétés. Les deux entreprises vendent directement aux utilisateurs finals. De la même façon, ceux-ci se procurent généralement les produits importés auprès des fabricants étrangers directement. Les industries consommatrices passent généralement leurs contrats d'approvisionnement en électrodes de graphite pour des périodes s'échelonnant entre quatre et douze mois à l'avance. On peut considérer que le marché se caractérise par le fait qu'il ne donne lien qu'à un petit nombre relativement peu élevé de contrats importants tous les ans.

L'industrie internationale

Dans le monde occidental, l'industrie du graphite est répartie entre 13 sociétés environ. Cinq d'entre elles sont des entreprises multinationales qui représentent 79 p. 100 de la capacité. Les voici, classées par ordre de grandeur : UCAR U.S., qui détient 34 p. 100 de la capacité totale et possède des installations au Canada, aux États-Unis, au Mexique, au Brésil, en France, en Italie, en Espagne, en Suède et en Afrique du Sud; GLC U.S., qui représente 14 p. 100 de la capacité totale et possède des usines au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Inde; SIGRI, avec 13 p. 100 de la capacité totale et des installations en Autriche, en Allemagne et en Italie; Showa Denko, qui rend compte de 11 p. 100 de la capacité totale et est installée au Japon et aux États-Unis; et SERS Group, qui détient 7 p. 100 de la capacité totale et exploite des usines en Espagne, en Belgique, en France et en Inde.

Aux États-Unis, UCAR U.S. et GLC U.S. représentent 65 p. 100 de la capacité disponible. Le reste est partagé entre Showa Denko et The Carbon/Graphite Group, Inc., ainsi que Superior Graphite Company (Superior Graphite U.S.), qui produit des électrodes de 350 mm ou plus.

Des électrodes de graphite sont également produites en Chine et en Union des Républiques socialistes soviétiques, lesquelles ont une capacité de production d'environ 185 000 tonnes. Selon le témoignage entendu, leur qualité ne répond pas aux besoins des fours à arc électrique modernes.

LE RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1986 ET DES CONCLUSIONS DE RÉEXAMEN DE 1987

Les électrodes de graphite artificiel importées du Japon ont fait l'objet de conclusions de préjudice en 1978. Ces conclusions ont été annulées en 1985. Peu après, les prix ont chuté sur le marché, et les électrodes japonaises, de pair avec celles de la Belgique, de la Suède et des États-Unis, ont accaparé une part croissante du marché. En 1985, ces importations représentaient 19 p. 100 du marché, par rapport à 13 p. 100 en 1983. Plus de la moitié d'entre elles provenaient du Japon. Après une plainte de l'industrie nationale, le ministère du Revenu national a fait enquête sur les importations d'électrodes de ces pays et, le 29 juin 1986, a publié une décision provisoire de dumping.

Le Tribunal canadien des importations a conclu que le prix des électrodes belges et suédoises était généralement inférieur à celui des électrodes produites au pays, alors que, par le jeu de la concurrence, le prix des électrodes américaines vendues au Canada avait suivi à la baisse celui des autres électrodes vendues au pays. Quoique le prix des électrodes japonaises soit resté quelque peu supérieur à celui des électrodes produites au pays, il n'a pas augmenté après 1985, en dépit du fait que le yen se soit apprécié de 40 p. 100. Le Tribunal canadien des importations a également constaté que le prix des électrodes japonaises était inférieur à celui que pouvait justifier leur rendement supérieur, ce qui leur donnait un avantage supplémentaire.

Parce que les producteurs nationaux n'ont pas été en mesure d'augmenter leurs prix dans la même mesure qu'augmentaient leurs coûts et, en fait, ont dû réduire leur prix pour concurrencer les importations sous-évaluées, le Tribunal canadien des importations a conclu que l'industrie avait subi une pression au niveau des prix par l'effet de ces importations. De plus, en raison de la baisse des prix et de la réduction de sa part du marché, l'industrie a eu un rendement financier rien de moins qu'insatisfaisant et a dû repousser ses projets d'investissement. Le Tribunal canadien des importations a conclu que le dumping avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale d'électrodes.

En 1987, à la demande de Canron Inc., le Tribunal canadien des importations, aux termes du Décret de remise pour le traitement intérieur, a exclu des conclusions les électrodes de graphite que Canron importait pour les enduire d'un revêtement et les renvoyer aux États-Unis.

LA POSITION DES PARTIES

L'industrie

La position de l'industrie a été présentée dans un exposé commun et étayée par des éléments de preuve fournis par M. Donald K. White, directeur de marketing de UCAR, et par M. Lorne D. Walker, directeur des ventes et secrétaire de GLC. L'industrie a soumis que la capacité excédentaire mondiale d'électrodes de graphite incite les fournisseurs étrangers à pratiquer le dumping de leurs produits pour couvrir leurs frais généraux et leurs frais d'immobilisations, ainsi que pour faire tourner leurs usines. Si les conclusions sont annulées, le Japon, la Belgique et les États-Unis feront à nouveau leur entrée sur le marché avec des prix sous-évalués pour récupérer la partie du marché qu'ils ont perdue depuis 1986 au profit de l'industrie et des nouvelles importations qui ne font pas l'objet de la présente étude. Ceci conduira à l'érosion et à la compression des prix. L'industrie n'a pas demandé la prorogation des conclusions contre la Suède, parce que le fabricant suédois en question ne produit plus d'électrodes de graphite finies.

La capacité de production et la demande d'électrodes de graphite au Canada

L'industrie a soutenu que la capacité de production combinée de UCAR et de GLC dépasse la demande nationale, et que cet excédent augmente. En 1991, il s'est accru d'environ 25 p. 100, et l'industrie a soutenu qu'elle sera en mesure d'approvisionner la totalité du marché canadien pour plusieurs années à venir.

L'industrie a soumis que la capacité excédentaire augmente en raison de la baisse de la demande de la part de l'industrie de l'acier. Cette baisse est due à deux facteurs. Premièrement, la consommation d'électrodes de graphite par unité d'acier a diminué. Depuis 1985, le taux spécifique de consommation d'électrodes de graphite a baissé de 17 p. 100, passant de 4,49 kg/t à 3,71 kg/t en 1990. On s'attend à ce que cette baisse se poursuive. Deuxièmement, la récession a affaibli le marché de l'acier, entraînant une baisse importante de la production de cette marchandise, ce qui a ralenti sensiblement les achats d'électrodes. Le déclin de la demande a été rendu plus grave encore par la baisse régulière du prix de vente moyen de la tonne d'électrodes de graphite qui a suivi. Dans son témoignage, M. White a souligné qu'en dollars constants, le prix de vente moyen de UCAR a diminué de près de 30 p. 100 entre 1985 et 1990.

UCAR a déclaré qu'elle avait réduit ses coûts de production et amélioré son efficience ainsi que la qualité de ses électrodes. C'est ainsi qu'en faisant un meilleur usage des matériaux bruts et de ses installations, elle a réduit le coût de sa production d'électrodes de 500 mm de diamètre d'environ 25 p. 100 de 1985 à 1990. Cependant, le prix de vente des électrodes ayant baissé régulièrement pendant la même période, la rentabilité ne s'est pas améliorée. Dans le cadre de son programme de rationalisation, UCAR a cessé de produire des électrodes de 75 mm à 230 mm de diamètre, lesquelles avaient représenté 2 p. 100 de la production d'électrodes de Welland. GLC a également rapporté des améliorations dans le coût de la main-d'oeuvre, des matériaux bruts et de la consommation de services, mais la baisse des prix a également limité sa rentabilité.

La capacité excédentaire internationale

Les avocats ont soutenu que la capacité mondiale était sous-évaluée dans une grande mesure. Dans le monde occidental, la demande équivalait à 75 p. 100 de la capacité en 1990, et est évaluée à 76 p. 100 pour 1991. Le taux d'utilisation de la capacité aux États-Unis et au Japon est quelque peu inférieur à la moyenne du monde occidental, et très inférieur en Belgique.

L'industrie a soumis qu'il n'est pas rentable, pour les fournisseurs des États-Unis et ceux d'outre-mer, de travailler à un taux de capacité tellement bas, puisqu'ils sont incités à pratiquer le dumping. L'ampleur de l'excédent de la capacité mondiale a entraîné la chute des prix et des profits dans le monde entier. Les fournisseurs étrangers ont fait des offres à bas prix qui ont eu pour effet de créer une telle pression au niveau des prix que l'industrie nationale a dû, pour éviter des pertes de volume, transmettre à ses clients les économies qu'elle avait faites sur les coûts.

La reprise du dumping

L'industrie a soutenu que l'important volume de la capacité de surproduction au niveau international incite les producteurs étrangers d'électrodes à pratiquer le dumping. Les acheteurs ont joué sur les prix sous-évalués, si bien que les prix se sont érodés progressivement. L'industrie a dû accepter de réduire ses prix pour maintenir son volume de production. Quoique les électrodes importées ne détiennent qu'une petite part du marché, elles ont eu des répercussions considérables sur les prix.

L'industrie a soutenu que, si les conclusions étaient annulées, les exportateurs du Japon, de la Belgique et des États-Unis reprendraient leurs activités de dumping. Les avocats ont fait remarquer qu'en 1985, soit après l'annulation des conclusions de 1978, il y a eu reprise du dumping de la part du Japon. Les États-Unis, la Suède et la Belgique ont peu après fait de même, en pratiquant activement le dumping d'électrodes sur le marché canadien.

Les avocats ont fait remarquer, en outre, que le prix des électrodes aux États-Unis, où il n'y a pas de droits antidumping, est plus bas que partout ailleurs, et qu'il est même inférieur au coût de production au Canada, ce qui est selon eux une indication du fait que ces pays recommenceront probablement le dumping. Quoique certains producteurs américains aient récemment essayé d'augmenter leurs prix à 1,15 $ US la livre, les pressions intenses exercées sur les prix ont eu pour effet de les fixer à 1,02 $ US la livre (soit environ 2 623 $ CAN la tonne). Et pourtant, des produits japonais et belges ont été offerts à des prix de 5 à 12 p. 100 inférieurs à ceux-ci. Les avocats ont fait référence au témoignage de M. Acciarri, selon lequel, en juillet 1991, les électrodes japonaises entraient aux États-Unis au coût d'environ 2 000 $ à 2 100 $ US par C.A.F. la tonne (de 0,91 $ US à 0,95 $ US la livre). Ils ont également fait remarquer que le prix de ces électrodes au Japon était de plus de 2 400 $ US la tonne (1,09 $ US la livre). L'industrie a de plus soutenu que Showa Denko, un important fabricant japonais qui produit également aux États-Unis, reprendrait vraisemblablement ses activités de dumping au Canada à partir de son usine américaine si les conclusions étaient annulées. L'industrie a fondé cette allégation sur le fait que Showa Denko a antérieurement pratiqué le dumping au Canada à partir du Japon.

Traitant de la probabilité que les pays en question reprennent leurs activités de dumping, l'industrie a déclaré que certains producteurs américains font actuellement des offres à bas prix au Canada. M. White et M. Walker ont témoigné qu'un certain nombre de leurs clients se sont vu proposer des bas prix par des fabricants installés dans les pays en question. De plus, Pechiney World Trade (Canada) Inc. (Pechiney Canada) ayant cessé d'importer des produits de la Belgique après que les conclusions aient été rendues, pour en importer de la France et de l'Espagne, l'industrie s'attend à ce que Pechiney Canada recommence à s'approvisionner en électrodes belges si les conclusions sont annulées.

Le préjudice sensible

UCAR et GLC ont soutenu que les exportateurs du Japon, de la Belgique et des États-Unis recommenceront à faire des offres à bas prix pour essayer de récupérer la part du marché qu'ils ont perdue. Ils s'attendent à ce que les prix tombent en conséquence au niveau de ceux des États-Unis, ce qui fera baisser le volume des ventes et la part du marché de l'industrie, en une période où celle-ci est particulièrement vulnérable en raison de la faiblesse du marché de l'acier, de la baisse du prix des électrodes et de l'importance de la capacité excédentaire.

En raison du caractère élevé de ses frais d'immobilisations et de ses coûts fixes, l'industrie est extrêmement sensible aux changements dans les niveaux de production, et toute baisse de production aurait des conséquences dramatiques sur les coûts. Des pertes de volume conduiraient à des réductions de main-d'oeuvre, à la baisse des profits et peut-être à des pertes. Enfin, l'industrie a soutenu qu'en raison du fait que les acheteurs d'électrodes bloquent leurs approvisionnements de quatre à douze mois à l'avance, la reprise du dumping permettrait aux importations sous-évaluées de prendre une importante partie du marché en peu de temps.

L'importateur et l'exportateur

Superior Graphite U.S., un fabricant qui exporte de petites électrodes au Canada, et Superior Graphite Canada Ltd. (Superior Graphite), un importateur, étaient représentées par le même avocat. Superior Graphite importe des électrodes de graphite artificiel d'un diamètre maximum de 350 mm pour les vendre à des fonderies. L'avocat a soumis que UCAR et GLC s'occupent surtout d'électrodes de grandes dimensions, et a fait remarquer que UCAR, le seul fabricant canadien qui ait jamais produit des électrodes de petites dimensions, a cessé sa production et décidé d'approvisionner le marché avec des produits importés de son usine du Mexique.

Superior Graphite a demandé que les électrodes de moins de 350 mm de diamètre soient exclues des conclusions si celles-ci étaient prorogées. L'avocat a soutenu que ces électrodes sont destinées à un marché à part et indépendant. Elles sont utilisées essentiellement par des fonderies, alors que les électrodes de plus grandes dimensions sont utilisées surtout par l'industrie de l'acier.

L'avocat a ajouté qu'un certain nombre de prises de contrôle et de fusions qui se sont produites récemment dans l'industrie ont considérablement modifié le marché dans le monde et au Canada. À propos de la prise de participation de 50 p. 100 de Mitsubishi dans UCAR, il a fait remarquer que Mitsubishi, en tant que propriétaire partiel des sociétés Tokyo et Tokai Carbon, était l'une des parties coupables des activités initiales de dumping. En outre, il a noté que SIGRI, qui était également impliquée dans ces activités initiales de dumping, et GLC ont signé une lettre d'intention en vue de leur fusion sous le nom de SIGRI-GLC Corporation. L'avocat a soutenu qu'il est difficile de voir la nécessité de continuer à protéger UCAR et GLC. Leurs affiliations avec des fabricants étrangers conduiront inévitablement à la rationalisation de la production entre le Canada et les autres pays concernés, quelles que soient les barrières antidumping en vigueur.

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Des droits antidumping ont été imposés sur les électrodes de graphite depuis 1978, sauf en 1985. Depuis 1983, année qui marque le début de la période sur laquelle a porté l'enquête ayant abouti aux conclusions de 1986, le marché des électrodes de graphite s'est accru constamment, et a atteint des niveaux records en 1988. Le volume des ventes d'électrodes a augmenté de plus de 14 000 tonnes, soit environ 40 millions de dollars. En 1990, le marché était retombé à un niveau proche de celui de 1987, et a continué de se rétrécir en 1991. De 1983 à 1985, la part de l'industrie est tombée de 87 à 81 p. 100. Après 1986, sa part du marché a augmenté de façon constante, pour atteindre 97 p. 100 au premier trimestre de 1991.

Le volume des importations a baissé considérablement depuis 1986. À l'exception d'un petit nombre d'électrodes importées par l'industrie nationale, les pays en question, d'où parvenaient presque toutes les importations, sont à peu près disparus du marché canadien. Quoique les importations ne faisant pas l'objet de la présente étude aient augmenté, leur volume était encore en 1987 très inférieur à celui des importations en provenance des pays en question. Les importations qui ne sont pas en question ont atteint 4 p. 100 du marché en 1990.

Selon les témoignages entendus et les éléments de preuve soumis, presque tous les utilisateurs canadiens d'électrodes de graphite, y compris certains grands producteurs de fer et d'acier tels que Sidbec-Dosco Inc. et QIT-Fer et Titane Inc., s'approvisionnent pour l'essentiel auprès de l'industrie nationale. Quelques utilisateurs se procurent également des électrodes auprès de fournisseurs étrangers. L'industrie a réussi non seulement à conserver ses principaux clients, mais également à s'emparer d'une bonne partie du marché restant pour lequel les importations concurrencent les produits nationaux. La demande des acheteurs nationaux étant stable ou en diminution, le marché d'exportation demeure la seule source de croissance potentielle de l'industrie nationale. Cependant, selon le témoignage de l'industrie, ses politiques de vente ne laissent pas de place à l'exportation. L'industrie a témoigné que ses efforts de vente seraient concentrés exclusivement, ou essentiellement, sur le marché canadien.

L'évolution financière de l'industrie est généralement bonne depuis 1983, à l'exception d'une forte baisse des profits en 1984 et 1985. En 1988, l'industrie a connu une année exceptionnelle et les ventes ainsi que les profits ont atteint un sommet en même temps que la demande atteignait un niveau record. Au cours des deux années qui ont suivi, les ventes ont diminué quelque peu, et les profits sont retombés à leur niveau de 1986, pour un bilan toujours positif en dépit de l'intensification des pressions exercées sur les prix. Les deux sociétés concernées n'ont pas eu des résultats identiques. Les résultats de GLC se sont améliorés tout au long de cette période, pour dépasser ceux de UCAR.

L'industrie a déclaré au Tribunal que son rendement financier dépend de l'utilisation maximale de sa capacité de production, ainsi que du prix auquel elle vend ses électrodes. À cet égard, le Tribunal constate que, dans l'ensemble, les résultats de l'industrie se sont améliorés au cours des huit dernières années. En fait, en 1987 et en 1988, avec des volumes de ventes exceptionnels, ses profits nets ont atteint des niveaux très supérieurs à ceux qu'elle avait connus pendant la plus grande partie de la décennie.

Le Tribunal a également examiné le marché international des électrodes. L'industrie nationale a présenté des éléments de preuve au sujet de la production, de la capacité de production et des prix des électrodes de graphite. Le Tribunal disposait également d'un rapport de Pet-Coke intitulé Worldwide Market Analysis and Forecast 1990-1995, August 1991. M. Acciarri, président de Pet-Coke, a comparu à l'audience. Appuyant la présentation de l'industrie quant à la trop grande capacité excédentaire, il a noté qu'en 1990, la capacité maximale de production du monde occidental était de 948 000 tonnes, alors que la demande dans les mêmes pays occidentaux était de 681 000 tonnes. La capacité était donc de 28 p. 100 supérieure à la demande. Il a prévu que, dans le monde occidental, la production augmenterait à un taux annuel moyen de 1,9 p. 100 et, dans le monde entier, à un taux légèrement inférieur de 1,5 p. 100 par an. M. Acciarri a fait une réserve quant aux prévisions reliées à la production qui ont été faites dans son rapport écrit en déclarant qu'elles étaient peut-être excessives, attendu que la demande des pays à économie planifiée pourrait s'avérer plus faible que prévu.

Un niveau élevé de capacité excédentaire existera encore dans un avenir rapproché. M. Acciarri a déclaré que cette capacité excédentaire a entraîné la compression des prix des électrodes dans le monde, et que, si le problème n'est pas réglé, les prix continueront à baisser encore davantage. Il a expliqué que, pour remédier à la situation, l'industrie mondiale des électrodes de graphite devait poursuivre ses efforts de rationalisation. Il a fait remarquer que depuis 1980, un certain nombre de fermetures d'usines, de création de coentreprises et de fusions ont permis de réduire la capacité de production de 25 p. 100. Il a expliqué par exemple comment la rationalisation effectuée au Japon depuis le milieu des années 80 a permis de réduire de six à quatre le nombre de fabricants d'électrodes et de réduire le capacité de production par la fermeture de trois usines. M. Acciarri a déclaré qu'il est possible que d'ici deux ans, l'industrie soit méconnaissable. Il a indiqué que les entreprises avaient pris des décisions en vue d'une rationalisation accrue, mais que les effets de ces décisions sur la capacité de production ne s'étaient pas encore faits sentir.

Les éléments de preuve soumis au Tribunal laissent penser qu'à bien des égards, il existe une grande ressemblance entre les marchés national et international des électrodes. De par le monde, la croissance de la demande d'électrodes a été faible et continuera de l'être. C'est pourquoi il y a un niveau important de capacité excédentaire. Il s'en est suivi une concurrence qui a entraîné l'effondrement de la structure des prix sur le marché. Au Canada, de l'avis du Tribunal, la situation ne sera pas meilleure et, si les pr 9‚visions de l'industrie sont exactes, la demande d'électrodes sera encore plus faible au cours des années qui suivront.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

En réexaminant des conclusions, en vertu du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal étudie si les importations sous-évaluées en provenance des pays en question seraient susceptibles de reprendre; et si ce dumping serait susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

LA PROBABILITÉ DE DUMPING

En se penchant sur la question du dumping, le Tribunal a étudié les éléments de preuve et les témoignages, y compris en ce qui a trait à l'évolution récente du commerce au Canada; à la production, au commerce, à l'utilisation de la capacité et au prix des électrodes de graphite dans le monde, et en particulier aux États-Unis. Il a également examiné le comportement des exportateurs japonais et belges sur le marché américain.

Depuis 1987, il n'y a pas eu d'importations d'électrodes de graphite du Japon ou de la Belgique. L'industrie a argué que l'absence d'importations d'électrodes belges ou japonaises au Canada depuis les conclusions indique que leur valeur normale serait hautement supérieur au prix que les électrodes pourraient être concurrentielles. Des électrodes ont été importées des États-Unis, qui, selon les données recueillies par le ministère du Revenu national, ont augmenté depuis 1988. Presque toutes les importations en provenance des États-Unis consistaient en des ventes par des sociétés affiliées des sociétés canadiennes ou en des ventes de Superior Graphite. Presque toutes ces marchandises ont été vendues à leur valeur normale, et des droits de dumping ont été payés par un des fabricants nationaux sur une petite quantité de marchandises achetées à sa société affiliée américaine. Depuis 1986, des exportateurs autrichiens, espagnols, allemands et français ont partiellement rempli le vide laissé sur le marché par la disparition des exportateurs des pays en question, mais leur part du marché reste faible, et même beaucoup plus faible que celle qui était détenue par les pays en question pendant le début et vers le milieu des années 80.

Les témoins de l'industrie et celui du Tribunal, M. Acciarri, ont qualifié le marché mondial des électrodes de graphite de «chaotique». L'importante capacité excédentaire au niveau mondial a considérablement comprimé les prix dans le monde entier. L'industrie mondiale a entrepris un effort considérable de rationalisation dans le but d'éliminer la surcapacité. En dépit de la baisse récente de cet excédent, la capacité continue de dépasser la demande, ce qui entraîne une concurrence importante des prix, tant à l'intérieur, parmi les fabricants nationaux d'électrodes, que de la part des fabricants étrangers. Le Tribunal a recueilli des éléments de preuve selon lesquels l'industrie continuera de se rationaliser et, selon les propres termes de son témoin, sera méconnaissable d'ici quelques années. Le Tribunal a également recueilli des éléments de preuve selon lesquels les prévisions relatives à la demande d'électrodes de graphite, qui faisaient état d'une légère croissance pour les cinq prochaines années, pourraient être quelque peu optimistes compte tenu des événements qui se produisent en Europe de l'Est, laquelle est un marché important pour les électrodes de graphite.

Le Tribunal ne peut prédire quand la situation de l'offre et de la demande se stabilisera sur le marché mondial, et est disposé à accepter la possibilité que persiste dans le proche avenir une certaine mesure de «chaos». Cette situation pourrait, dans l'ensemble, conduire à la pratique du dumping aussi longtemps qu'elle durera. Cependant, compte tenu du caractère concentré de l'industrie mondiale, la possibilité de dumping de la part des pays en question pourrait être moindre qu'il y paraît. Par exemple, il est peu probable que les sociétés affiliées de l'industrie nationale, qui représentent près de la moitié de la capacité du monde occidental, pratiquent le dumping sur le marché canadien. Le témoin de UCAR a avancé à cet effet qu'il serait contre-productif pour les affiliées de UCAR d'exporter sur des marchés où sont présentes des installations de production de cette dernière.

Pour étayer son argument selon lequel les pays en question reprendraient leurs activités de dumping, l'industrie a de plus prétendu que le Japon et, dans une moindre mesure, la Belgique, pratiquaient présentement le dumping sur le marché américain des électrodes de graphite. Elle a également témoigné, et a à ce sujet renvoyé le Tribunal au témoignage du témoin expert de celui-ci, que les fabricants américains vendaient leurs produits au-dessous de leur coût aux États-Unis, et que la vente de ces produits au même prix au Canada constituerait une activité de dumping.

Dans le cas du Japon, il ressort des éléments de preuve administrés que le prix au débarquement des électrodes japonaises aux États-Unis est inférieur à leur prix de vente au Japon. Le Tribunal ne conteste pas le fait que les électrodes japonaises vendues sur le marché américain puissent faire l'objet de dumping, mais d'autres éléments soulèvent des questions quant à savoir s'il y aura une reprise importante du dumping sur le marché canadien. Le Tribunal a entendu un témoignage selon lequel des fusions et des fermetures d'usines ont réduit la capacité de production du Japon et selon lequel la hausse du yen a nui au potentiel d'exportation de l'industrie japonaise. Ces deux facteurs limiteront vraisemblablement le commerce des électrodes japonaises. Cette opinion est confirmée, en partie, par la récente implantation en Amérique du Nord de sociétés japonaises telles que Showa Denko et Mitsubishi, et par le fait qu'il n'y a pas eu d'importations d'électrodes japonaises depuis les conclusions.

En ce qui a trait à la Belgique, M. Acciarri a témoigné qu'elle vend que très peu sur le marché américain (soit environ 500 tonnes par an). Il ressort des éléments de preuve que la capacité de production de la Belgique est faible. Le Tribunal remarque également qu'il n'y a pas eu d'importations au Canada depuis les conclusions et que les sociétés affiliées de l'entreprise belge en France et en Espagne ne sont maintenant guère présentes sur le marché canadien.

Quant à l'affirmation de l'industrie selon laquelle les exportations des États-Unis vers le Canada aux prix actuellement pratiqués sur le marché américain constituerait une forme de dumping, les éléments de preuve soumis au Tribunal ne sont pas concluants. Le témoin du Tribunal a avancé que les prix actuels étant ce qu'ils sont, un nouveau venu dans l'industrie n'obtiendrait sans doute pas le genre de rendement qui pourrait intéresser un investisseur, compte tenu des autres possibilités qui s'offriraient à lui. Sans mettre en question cette analyse, il aurait fallu, pour que le Tribunal admette que des électrodes américaines exportées à des prix américains sont inférieurs aux coûts, produire des données plus concrètes de nature à montrer que les fabricants américains vendent en fait à perte et que, par conséquent, les électrodes américaines feraient l'objet de dumping sur le marché canadien. De plus, le Tribunal est convaincu qu'il est peu probable, de par la nature même de l'industrie américaine des électrodes, que la majorité des entreprises concernées pratiquent le dumping. Le témoignage était clair quant au fait que les sociétés affiliées des deux sociétés canadiennes contrôlent plus de 65 p. 100 de la capacité de production des électrodes américaines. Superior Graphite parvient actuellement à soutenir la concurrence en pratiquant des prix qui ne font pas l'objet de dumping sur le marché canadien des électrodes de petit diamètre. Le Tribunal prend également note du témoignage selon lequel Showa Denko, qui rend compte de 10 p. 100 de la capacité de production de l'industrie américaine, fonctionne à pleine capacité.

Nonobstant ces considérations, le Tribunal ne peut exclure la possibilité d'une reprise du dumping des pays en question. L'industrie mondiale se trouve dans une situation «chaotique». Tant qu'il n'y aura pas d'augmentation sensible de la demande d'électrodes de graphite, ou que l'industrie ne sera pas davantage rationalisée pour éliminer l'important excédent de la capacité de production, les prix continueront d'être comprimés. À cet égard, le Tribunal prend note du fait que l'industrie et le témoin expert ont avancé que les prix étaient à la baisse. Le Tribunal n'est pas en mesure de dire de combien les prix baisseront, ni, comme l'a déclaré un témoin, qu'il y aura peut-être bientôt une poussée des prix vers la hausse.

En conséquence, le Tribunal estime que si les pays en question reprennent leurs exportations vers le Canada, ces exportations peuvent faire l'objet de dumping. Le Tribunal ne croit cependant pas que les importations sous-évaluées en provenance des pays en question entreraient au Canada en grandes quantités. Cette conclusion est fondée sur trois considérations. Premièrement, pour ce qui est de la situation internationale, le Tribunal ne croit pas que tout l'excédent de la capacité mondiale doive se traduire par une production qui n'attend que l'annulation des conclusions pour se déverser sur le marché canadien. Une grande partie de cet excédent est le fait des sociétés affiliées internationales des fabricants nationaux. Le Tribunal estime que même si la fusion entre SIGRI et GLC ne se concrétise pas, le volume des importations sous-évaluées ne serait sans doute pas important.

Deuxièmement, des événements survenus récemment montrent que la pénétrabilité du marché canadien est limitée. Cette conclusion est étayée par le fait que les exportateurs français, espagnols, allemands et autrichiens ne détiennent qu'une part relativement petite du marché canadien. Ceci corrobore le témoignage entendu par le Tribunal relativement à la capacité de l'industrie à conserver ses clients. Très peu d'utilisateurs canadiens d'électrodes de graphite, et certainement pas les plus importants d'entre eux, semblent vouloir s'approvisionner à l'étranger. Toute importation en provenance des pays en question se heurterait sans doute à la concurrence des importations originaires des autres pays pour la possession du petit segment du marché actuellement détenu par les importations.

Enfin, non seulement les exportateurs des pays en question feraient face à une rude concurrence au Canada, mais les prix qui s'y pratiquent seraient sans doute extrêmement peu attrayants. Les témoignages entendus étaient unanimes quant au fait que les niveaux de prix au Canada approchent maintenant de ceux qui sont pratiqués aux États-Unis. Nonobstant la situation «chaotique» de l'industrie mondiale, il y a peut-être toujours des marchés plus attrayants que le Canada, tant en ce qui a trait aux prix qu'aux volumes, pour les exportateurs des pays en cause.

LA PROBABILITÉ DE PRÉJUDICE SENSIBLE

La question du préjudice sensible qu'une petite quantité d'importations sous-évaluées pourrait éventuellement causer à l'industrie nationale revient à celle de savoir quel serait l'effet de la perte d'une petite part du marché sur les activités de cette industrie, et quelles en seraient les conséquences pour les prix. De plus, les avocats de l'industrie ont soutenu que, même sans pénétration du marché, la seule disponibilité des importations sous-évaluées entraînerait l'érosion des prix et causerait un préjudice financier à l'industrie; que les importations sous-évaluées en provenance de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Autriche étaient la cause de la baisse dramatique des prix qui s'était produite sur le marché canadien; et que l'industrie canadienne, face au fort ralentissement du marché et aux faibles perspectives de reprise dans un avenir rapproché, n'a pas d'autre choix que de baisser elle aussi ses prix pour faire tourner ses usines.

Pour étudier convenablement ces questions, il est essentiel de comprendre comment les facteurs actuellement en jeu sur le marché national influent sur l'offre et la demande des électrodes de graphite ainsi que sur leur prix de vente. L'industrie a déclaré s'attendre à fonctionner à bas niveaux d'utilisation de la capacité dans un avenir rapproché. Elle a déclaré au Tribunal qu'elle serait en mesure d'approvisionner la totalité du marché canadien pendant les prochaines années. Le fait d'interdire l'entrée au Canada aux petites quantités d'importations qui pourraient faire l'objet de dumping ne serait pas de nature, de l'avis du Tribunal, à améliorer la situation dans laquelle l'industrie s'attend à se trouver en raison de ses faibles taux de fonctionnement.

Le Tribunal s'est penché sur la question de savoir si une petite quantité d'importations sous-évaluées ou possibles d'être sous-évaluées en provenance des pays en question pourrait avoir un effet sensible sur le prix des électrodes de graphite sur le marché canadien. Le Tribunal est conscient du fait qu'il existe une possibilité que des importations à bas prix soient écoulées sur le marché, mais il estime qu'en raison de leur faible quantité, leur effet sur les prix serait peut important. La concurrence des prix au pays est susceptible d'avoir beaucoup plus d'effet sur les prix que les importations sous-évaluées.

Quoique le Tribunal admette qu'à long terme la pratique de prix aussi bas puisse être préjudiciable à l'industrie, peut-être même de façon sensible, il n'est pas persuadé que la pratique de tels prix sera causée par la concurrence des importations sous-évaluées. La demande d'électrodes de graphite a baissé considérablement, et restera faible selon l'industrie. Cette dernière va subir une pression croissante de la part de ses clients de l'industrie de l'acier. Selon les témoignages entendus, l'industrie de l'acier se trouve dans une situation difficile, et ses perspectives ne sont pas bonnes pour l'avenir immédiat. Face à la nécessité de réduire leurs coûts, les fabricants d'acier pourraient demander des prix moins élevés.

Se basant sur l'argument de l'industrie, le Tribunal n'ignore pas qu'une capacité excédentaire dans une industrie à forte densité capitalistique se traduit naturellement par une forte concurrence des prix, attendu que les fabricants essaient de préserver l'utilisation de leur capacité de production et de supporter leurs coûts fixes. Sur un marché national extrêmement concurrentiel, pour lequel l'industrie nationale prévoit n'utiliser que la moitié de sa capacité totale en 1991, une vente manquée est dure à supporter pour l'un comme pour l'autre fabricant national. La concurrence au niveau des prix entre les deux fabricants nationaux se ressentira naturellement du volume considérable de l'excédent de la capacité de chacun d'entre eux, alors que tous deux lutteront pour conserver leur part respective du marché national qu'ils approvisionnent dans une très grande mesure. Le fait que ni l'une ni l'autre des entreprises canadiennes n'ait la possibilité d'accroître sa production au moyen de ventes à l'exportation est de nature à les inciter à accroître leur part du marché et à préserver l'utilisation de la capacité de production de leurs usines.

Dans ces conditions, le Tribunal est convaincu que la concurrence pour la conquête du marché canadien sera rude. Il ressort des éléments de preuve soumis au Tribunal que les deux entreprises se livrent une rude concurrence depuis 1988, année au cours de laquelle la demande et les prix ont commencé à baisser. Durant cette période, l'industrie a également accru sa part du marché. Si les importations des pays en question devaient jouer un rôle quelconque dans cette lutte pour le marché, le Tribunal est convaincu que, comme sur le marché américain, la concurrence nationale aura pour effet de fixer les prix à des niveaux peu attrayants, même pour les fabricants étrangers. Il constate à cet égard que les exportateurs japonais et belges ne se sont pas emparés d'une part importante du marché américain. Compte tenu de ce fait et de la déposition du témoin du Tribunal, il appert que la forte concurrence qui s'exerce sur les prix sur le marché américain est davantage le fait des entreprises nationales que des importateurs. Sur un marché plus favorable, tel que celui qui, selon un témoin, pourrait exister dans un avenir rapproché, l'industrie nationale au Canada, ainsi qu'aux États-Unis, est susceptible d'obtenir de meilleurs prix. Selon cette hypothèse, le prix de toute exportation en provenance des pays en question augmenterait concurremment avec celui des produits vendus sur le marché canadien.

Le Tribunal s'attend à ce que, dans un avenir rapproché, une forte concurrence des prix amoindrisse le rendement financier de l'industrie, qui, jusqu'à présent, est resté relativement constant. Cependant, le Tribunal n'est pas persuadé, compte tenu du fait que la concurrence interindustrielle est susceptible d'avoir un effet plus grand sur le niveau des prix que les importations sous-évaluées en provenance des pays en question, que l'écoulement d'électrodes sous-évaluées sur le marché canadien soit d'une ampleur telle que la production nationale d'électrodes de graphite en subisse un préjudice sensible.

LA CONCLUSION

Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal conclut qu'il est peu probable qu'un dumping préjudiciable de la part d'exportateurs de la Belgique, du Japon, de la Suède et des États-Unis reprenne dans un avenir prévisible. Le Tribunal estime que le volume considérable de la surcapacité de production nationale est de nature à favoriser la concurrence interindustrielle et que cette concurrence comprimera le prix des électrodes de graphite dans une mesure telle que les importations, qu'elles fassent ou non l'objet de dumping, seraient limitées et auraient peu d'effet, ou aucun effet du tout, sur la structure des prix des électrodes de graphite.

Compte tenu de ces données, le Tribunal annule par la présente les conclusions.


1. Pièce du Tribunal RR-91-002-25 (Protégée).


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Publication initiale : le 26 août 1997