TUYAUX SOUDÉS, EN ACIER INOXYDABLE

Réexamens


CERTAINS TUYAUX SOUDÉS, EN ACIER INOXYDABLE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE TAÏWAN
Réexamen no : RR-96-001

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le jeudi 12 septembre 1996

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 5 septembre 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-91-001, concernant :

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions de préjudice sensible qu’il a rendues le 5 septembre 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-91-001.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par les présentes, les conclusions susmentionnées, sans modification.

Lyle M. Russell

_________________________

Lyle M. Russell

Membre présidant



Anthony T. Eyton

_________________________

Anthony T. Eyton

Membre



Raynald Guay

_________________________

Raynald Guay

Membre



Sussane Grimes

_________________________

Susanne Grimes

Secrétaire intérimaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 5 septembre 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-91-001.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience : Du 29 au 31 juillet 1996

Date de l’ordonnance et des motifs : Le 12 septembre 1996


Membres du Tribunal : Lyle M. Russell, membre présidant

Anthony T. Eyton, membre

Raynald Guay, membre

Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau

Gestionnaire de la recherche : Daryl Poirier

Économiste : Ihn Ho Uhm

Préposés aux statistiques : Nynon Pelland

Lise Lacombe

Avocats pour le Tribunal : John L. Syme

Shelley Rowe

Agent à l’inscription et à la distribution : Gillian Burnett

Participants : Lawrence L. Herman

pour Associated Tube Industries,

A Division of Samuel

Manu-Tech Inc.

C.E. Pipe,

Division of Henderson Barwick, Inc.

(producteurs nationaux)
Richard S. Gottlieb

Peter E. Kirby

Peter Collins

pour Ta Chen Stainless Pipe Co., Ltd.

PAC PVF Trade Inc.

(exportateur - importateur)

Témoins :

R. Scott Sweatman
Vice-président et Directeur général
Associated Tube Industries,
A Division of Samuel Manu-Tech Inc.

Hugh A. Millar
Vice-président, Achats
Marmon/Keystone Canada Inc.

Mark L. Winkler
Contrôleur
Associated Tube Industries,
A Division of Samuel Manu-Tech Inc.

James Chang
Vice-président
Ta Chen Int’l (CA) Corp.

George Martin
Directeur général
C.E. Pipe,
Division of Henderson Barwick, Inc.

R. Dawson Campbell
Directeur
PAC PVF Trade Inc.

R. Brian Harvey
Vice-président
Groupe de produits ouvrés
Atlas Alloys

John Gough
Président
Pinacle Stainless Steel Inc.

Brian Halstead
Vice-président général
Marmon/Keystone Canada Inc.

Adresser toute communication au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 5 septembre 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-91-001, concernant certains tuyaux soudés, en acier inoxydable, originaires ou exportés de Taïwan.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a procédé au réexamen des conclusions et publié un avis de réexamen [2] le 26 avril 1996. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants canadiens de tuyaux soudés, en acier inoxydable, ainsi qu’aux importateurs et acheteurs des tuyaux en question. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience. Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, notamment les conclusions, l’avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats ou autres conseillers indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario), du 29 au 31 juillet 1996.

Les producteurs, Associated Tube Industries, A Division of Samuel Manu-Tech Inc. (ATI) et C.E. Pipe, Division of Henderson Barwick, Inc., ont été représentés par un avocat à l’audience, ont présenté des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Un exportateur, Ta Chen Stainless Pipe Co., Ltd. (Ta Chen), et un importateur, PAC PVF Trade Inc. (PAC), ont été représentés par des avocats et un conseiller à l’audience, ont déposé des éléments de preuve et ont demandé l’annulation des conclusions.

MOTION FAITE AVANT LE DÉBUT DE L’AUDIENCE

Avant le début de l’audience portant sur le présent réexamen, le Tribunal a entendu une motion relativement à certains éléments de preuve et exposés visant PAC et ses directeurs principaux qui avait été déposée par l’avocat des producteurs nationaux et à laquelle les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont répondu. Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont proposé que ces renseignements soient supprimés du dossier.

En décidant de supprimer ces renseignements du dossier, le Tribunal a souligné qu’au cours de son réexamen, il se demanderait : 1) s’il était probable que le dumping reprenne dans le cas où les conclusions seraient annulées, et 2) advenant une reprise du dumping, s’il était probable que celui-ci cause «un dommage sensible à la branche de production nationale [ [Note du réviseur] Conformément aux modifications apportées à la LMSI par la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce , L.C. 1994, ch. 47, la présente expression définie le terme «dommage» qui remplace le terme «préjudice» dans l'expression «préjudice sensible causé à l'industrie nationale». Toutefois, l'ancienne terminologie sera utilisée pour toute référence aux conclusions antérieures du Tribunal.] ». Le Tribunal a conclu que, étant donné que les renseignements litigieux portaient sur des tuyaux importés du Japon il y a plus de 15 ans, et que rien n’indiquait que ces activités d’importation faisaient partie d’un comportement habituel, les éléments de preuve et les exposés n’avaient que peu ou pas de rapport avec le présent réexamen. Le Tribunal a indiqué qu’en règle générale, des éléments de preuve ne sont supprimés du dossier avant d’avoir été examinés au cours d’une audience que dans des circonstances exceptionnelles. Or, selon le Tribunal, de telles circonstances existaient dans le présent réexamen puisque les éléments de preuve en question n’étaient pour ainsi dire pas pertinents et auraient pu causer un grave préjudice à un témoin au cours de sa comparution dans le cadre des présentes procédures.

PRODUITS

Les produits qui font l’objet du présent réexamen sont des tuyaux soudés, en acier inoxydable, originaires ou exportés de Taïwan, de dimensions nominales allant de 1/8 po à 6 po inclusivement, et dont l’épaisseur de la paroi varie de 0,060 po à 0,315 po (1,525 mm à 8,000 mm) inclusivement, fabriqués selon la norme A-312 prescrite par l’American Society for Testing and Materials, la norme SA-312 prescrite par l’American Society of Mechanical Engineers ou les normes équivalentes.

Les tuyaux soudés, en acier inoxydable, sont fabriqués à partir de diverses nuances d’acier résistant à la corrosion (l’acier inoxydable) ou à la chaleur (l’acier réfractaire), ou aux deux. Les nuances d’acier inoxydable les plus couramment utilisées dans la fabrication des tuyaux soudés au Canada sont les alliages 304, 304L, 316 et 316L, les nuances 304L et 316L étant des alliages à teneur plus faible en carbone que les nuances 304 et 316 respectivement. La plupart des tuyaux soudés, en acier inoxydable, fabriqués au Canada et sur le marché international sont doublement certifiés, c’est-à-dire que les tuyaux 304L répondent aux critères de propriétés chimiques et mécaniques des tuyaux 304, la même chose valant pour les tuyaux 316 et 316L.

La norme A-312 établit dans quatre séries (séries 5, 10, 40 et 80), pour chaque dimension nominale de tuyau, l’épaisseur des parois et le diamètre extérieur correspondant que doivent avoir les tuyaux. La plupart des tuyaux utilisés au Canada sont conformes aux spécifications énoncées à la série 10 ou à la série 40.

Les tuyaux soudés sont fabriqués à partir de feuillards ou de feuilles en acier inoxydable laminé à chaud ou à froid en longueurs coupées ou en continu, puis soudés. Les tuyaux sont ensuite chauffés dans un four de recuit, puis décapés par immersion dans une solution acide qui rétablit leurs propriétés de résistance à la corrosion, affaiblies pendant le laminage et le soudage.

Les tuyaux A-312 sont utilisés dans les industries des pâtes et papiers, pétrochimiques et minières, ainsi que dans d’autres industries manufacturières où les matières brutes sont traitées à haute température et dans des milieux caustiques.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Il existe trois producteurs nationaux connus de tuyaux soudés, en acier inoxydable, tous situés dans la province de l’Ontario.

ATI, installée à Markham (Ontario), est le plus gros producteur de tuyaux A-312 au Canada. Même si les tuyaux A-312 sont les principaux produits de cette société, celle-ci fabrique également des tubes pour usages mécaniques et de force en acier inoxydable et en alliages à base de nickel ainsi que des tubes de force d’éléments chauffants et des tubes pour instruments, à son usine de Markham. ATI exploite aussi une division de matériel tubulaire ouvré qui transforme les tuyaux ou tubes en pièces finies ou en pièces partiellement assemblées.

Au moment où les conclusions ont été rendues en 1991, il existait au Canada deux autres fabricants de tuyaux A-312 dans les dimensions en question, mais sur une bien moins grande échelle, à savoir : Canadian Erectors Pipe, installée à Kingston (Ontario), qui n’avait commencé à fabriquer des tuyaux A-312 qu’en 1990, et Henderson Barwick Inc., de Brockville (Ontario).

Canadian Erectors Pipe, aujourd’hui connue sous le nom de C.E. Pipe, est une division de Henderson Barwick Inc. C.E. Pipe est le seul autre producteur canadien à participer au réexamen des conclusions du Tribunal. Henderson Barwick Inc. fabrique des tuyaux A-312 de dimensions nominales variant de 8 po à 20 po ainsi que d’autres tuyaux (p. ex. A-778). Par conséquent, ATI et C.E. Pipe constituent l’ensemble de la branche de production nationale des tuyaux soudés, en acier inoxydable, qui font l’objet du présent réexamen.

Sur le marché national, ATI vend des tuyaux soudés, en acier inoxydable, exclusivement à six distributeurs d’acier qui sont des distributeurs autorisés de tuyaux soudés, en acier inoxydable. Trois de ces distributeurs sont des distributeurs «nationaux», ayant des succursales au Canada. Les trois autres sont des distributeurs «régionaux», ayant des succursales à un ou deux endroits. Par ailleurs, ATI recourt à un maître-distributeur qui se spécialise dans la vente de produits exclusivement à des distributeurs d’acier semi-ouvré (incluant à la fois des distributeurs d’ATI autorisés et des distributeurs non autorisés) et non à des constructeurs de matériel. Les tuyaux soudés, en acier inoxydable, d’ATI sont stockés dans plus de 31 entrepôts au Canada.

C.E. Pipe vend également des tuyaux A-312 à des distributeurs mais, en raison de sa capacité de production plus réduite, ses clients sont moins nombreux. Cependant, C.E. Pipe vend ses produits non seulement par l’entremise de distributeurs mais également directement à des utilisateurs finals industriels.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

Dans les conclusions qu’il a rendues le 5 septembre 1991, le Tribunal a déterminé qu’après avoir enregistré un rendement financier relativement stable pendant plusieurs années, l’industrie nationale des tuyaux soudés, en acier inoxydable, a vu ses recettes, sa marge brute et ses profits diminuer de façon marquée en 1990. D’autres indicateurs de préjudice, notamment la part du marché, la production, l’emploi et l’utilisation de la capacité, ont aussi affiché un recul.

Parallèlement, les importations des tuyaux en question ont été multipliées par 30 entre 1987 et 1990, la presque totalité de cette augmentation de la part du marché intérieur détenue par les importations se faisant aux dépens de l’industrie nationale.

Réagissant à cette concurrence accrue de la part des importations, ATI, le principal producteur national, a non seulement révisé ses prix à la baisse mais a aussi apporté plusieurs changements à sa politique de remises. En janvier 1990, la société a augmenté la valeur des remises sur quantité accordées aux distributeurs. Puis, après la publication de sa liste de prix en mai 1991, la politique consistant à accorder des remises en fonction du volume des achats annuels a été abandonnée et remplacée par une politique de taux de remise uniforme pour tous les acheteurs.

Le Tribunal a conclu qu’il existait un lien de causalité entre le préjudice subi par le fabricant national de tuyaux soudés, en acier inoxydable, et les importations sous-évaluées. Non seulement les tuyaux en question ont-ils réalisé une poussée importante sur le marché canadien alors que la production nationale connaissait une diminution considérable, mais les témoins à l’audience ont confirmé l’existence d’un lien entre ces deux phénomènes. Ces témoins ont reconnu que, dans le cas des tuyaux A-312, le prix était le principal critère d’achat et qu’en 1990 le prix directeur sur le marché canadien était établi par le prix des tuyaux en question.

En examinant la probabilité d’un préjudice futur, le Tribunal a souligné que la capacité de production d’ATI et des trois exportateurs taïwanais s’élevait à 6 000 tonnes et 54 000 tonnes respectivement. Il a également tenu compte du fait que d’importantes quantités des tuyaux en question ont continué d’arriver sur le marché canadien au cours du premier trimestre de 1991, même après que le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a ouvert son enquête sur le dumping.

Le Tribunal a donc conclu que le dumping de certains tuyaux soudés, en acier inoxydable, originaires ou exportés de Taïwan avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

POSITION DES PARTIES

Producteurs nationaux

En guise d’introduction, l’avocat des producteurs nationaux a soutenu que l’objet d’un réexamen est de déterminer si les droits antidumping gardent leur raison d’être et que, dans la présente cause, ils la gardent effectivement. Dans le cadre d’un réexamen, la branche de production nationale présente habituellement beaucoup d’éléments de preuve, tandis que les exportateurs et les importateurs agissent surtout à l’abri des regards. Il a soutenu que le Tribunal doit donc tirer des conclusions raisonnables des documents versés au dossier, en tenant compte du comportement antérieur et de la capacité de production actuelle des exportateurs.

L’avocat des producteurs nationaux a ensuite analysé la situation «macroéconomique» et fait remarquer que, depuis que les conclusions ont été rendues en 1991 : 1) C.E. Pipe est devenue un producteur canadien; 2) la branche de production a retrouvé des niveaux de prix rentables; 3) la demande a connu une expansion considérable en 1995, suivie d’une contraction très rapide à ce jour en 1996; 4) des conclusions ont été rendues contre Taïwan aux États-Unis; 5) les exportateurs taïwanais continuent d’avoir une «énorme capacité». Il a souligné que le réexamen porte sur toutes les exportations en provenance de Taïwan et non seulement sur celles de Ta Chen, et que les tuyaux en question sont des produits facilement interchangeables, sensibles aux prix et de type commercial courant.

L’avocat des producteurs nationaux a allégué que le marché est entré dans sa phase de ralentissement cyclique et que les deux derniers trimestres de 1995 ont été inhabituels. Le moment de la reprise du marché est l’objet de conjectures. Taïwan est de nouveau présent sur le marché canadien et les importations en provenance de tous les pays exercent des pressions sur la branche de production nationale et influent sur son rendement financier.

L’avocat des producteurs nationaux a également soutenu que la prorogation des conclusions est justifiée eu égard au dumping effectué par Taïwan au Canada dans le passé ainsi qu’à l’ampleur du dumping du point de vue de la marge et du pourcentage des marchandises sous-évaluées. Il est probable que le dumping reprendra si les droits antidumping sont supprimés. À son avis, deux des «facteurs cruciaux» dans la présente cause sont la production et la capacité d’exportation taïwanaises. Il a souligné que Ta Chen exporte la plupart de ses produits aux États-Unis mais que cette société ne représente que 28 p. 100 des exportations taïwanaises.

Enfin, l’avocat des producteurs nationaux a allégué que les données financières fournies par ATI sur la baisse des prix et les pressions exercées par les prix étrangers et américains font ressortir la vulnérabilité de la branche de production. Compte tenu de la situation qui prévaut sur le marché et des éléments de preuve versés au dossier, la prorogation des conclusions est justifiée. Il ne faudrait pas accorder une exclusion à Ta Chen puisque aucun élément de preuve au dossier ou dans des précédents établis par le Tribunal ne justifie une telle exclusion.

Exportateur-importateur

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont soutenu que les éléments de preuve au dossier sont en faveur d’une annulation des conclusions mais que, si le Tribunal devait décider de ne pas les annuler, il devrait en exclure Ta Chen. La question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si les conclusions ont ou non encore leur raison d’être.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont allégué qu’après avoir examiné les faits qui lui ont été soumis, le Tribunal devrait, en tenant compte des indices, exclure l’année 1995 parce qu’il s’agissait d’une «année distincte» du point de vue des profits, des prix et des ventes pour la branche de production. En outre, le prix des tuyaux en question suit clairement de pr?E8Šs les prix des bobines de feuillard et ce qui importe, ce n’est pas le prix nominal des tuyaux, mais l’écart entre les prix des tuyaux et des bobines de feuillard.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont pressé le Tribunal de tenir compte de la présence des importations américaines sur le marché canadien et du fait que ces importations ne constituent pas un problème pour la branche de production. On avait, selon eux, fait allusion aux pressions exercées sur les prix par les importations étrangères mais, selon leur examen des activités des principaux importateurs, un grand nombre d’entre eux sont soit des distributeurs d’ATI, soit des importateurs d’autres sources que Taïwan. PAC était donc la seule à importer les produits de Ta Chen et est régie par les profits et non par les prix ou les volumes.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont ensuite répété que le critère pertinent est celui de la tendance à pratiquer le dumping et la vulnérabilité au dommage. Ils ont soutenu que Ta Chen avait franchi une période d’apprentissage et ne pratiquait plus de dumping ni au Canada ni aux États-Unis, où elle est une importante source étrangère d’approvisionnement, et qu’elle n’a aucune intention de recourir au dumping dans l’avenir. À cet égard, la position de Ta Chen par rapport au Canada et aux États-Unis est semblable à celle de la branche de production nationale par rapport aux États-Unis.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont ensuite examin?E9‚ la capacité de production des exportateurs taïwanais, plus précisément celle de Ta Chen, dont les documents à l’appui figurent au dossier. Même s’il est vrai que Ta Chen a accru sa capacité de production, cette société passe actuellement à une production fondée sur un seul quart de travail parce qu’elle a de la difficulté à trouver de la main-d’œuvre disposée à travailler un deuxième quart. De plus, la capacité de production de Ta Chen ne cible pas le marché canadien puisque l’entreprise vend ses produits dans 50 pays.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont souligné que Ta Chen vend directement au Canada, c’est-à-dire qu’elle ne vend pas à des agents qui revendent au Canada, mais garde une mainmise directe sur sa présence sur le marché canadien. Puisque Ta Chen entend ne pas pratiquer le dumping, cela empêchera des tiers d’obtenir les produits de Ta Chen et de les revendre au Canada à des prix sous-évalués.

Les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont souligné que la question du caractère avait été soulevée à cause d’une enquête menée par un grand jury aux États-Unis. Ils ont indiqué que cette enquête a peut-être été menée à l’instigation de la branche de production américaine pour perturber les activités de Ta Chen sur ce marché, puisque cette branche de production ne pouvait s’en prendre à Ta Chen en invoquant la loi sur le dumping. Cette action, selon les avocats et le conseiller, n’est d’aucun intérêt puisqu’elle n’a aucun rapport avec les faits en question dont le Tribunal est saisi. Les avocats et le conseiller ont sugg?E9‚ré que, loin de manifester une tendance à pratiquer le dumping, le comportement passé de Ta Chen et les déclarations du témoin de cette société prouvent que son intention est d’avoir des échanges commerciaux justes et rentables au Canada et d’éviter tout dumping.

En ce qui concerne la situation de la branche de production nationale, les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont indiqué que celle-ci n’est pas vulnérable à une reprise du dumping. Le témoignage de C.E. Pipe et les renseignements fournis sur sa situation financière ne font état d’aucune vulnérabilité, et la branche de production vient de connaître sa meilleure année à ce jour. La baisse soudaine des prix en 1996 est due au prix moins élevé des bobines de feuillard, et toute comparaison des prix de 1995 et de 1996 soulève une foule de difficultés. La marge brute est une mesure plus exacte de la situation financière. En ce qui a trait aux perspectives du marché, on a attiré l’attention du Tribunal sur des éléments de preuve prévoyant des investissements dans divers secteurs, signe annonciateur d’une reprise attendue en 1997. Les avocats et le conseiller ont ensuite soutenu que les importations étrangères n’avaient rien à voir avec les investissements effectués par les deux producteurs canadiens et que la branche de production n’avait pas eu de difficulté à constituer des stocks.

Enfin, les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont allégué que, tout compte fait, la branche de production s’en est assez bien tirée et que le temps était venu d’annuler les conclusions puisqu’il n’y a pas au dossier assez d’éléments de preuve justifiant leur prorogation.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

La demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, sur le marché canadien a été assez constante au cours des huit dernières années, s’établissant, en moyenne, à près de 3 000 tonnes par an entre 1987 et 1994 inclusivement. En 1995, la demande est montée en flèche, atteignant un volume nettement supérieur à 4 000 tonnes. Pour 1996, les estimations situent la demande à un niveau légèrement inférieur aux niveaux antérieurs, soit entre 2 000 et 2 500 tonnes. La reprise de la demande n’est pas prévue avant la fin de 1997.

Les livraisons intérieures ont quelque peu augmenté en 1992 et en 1993 avant de diminuer légèrement en 1994. En 1995, le volume et la valeur des livraisons intérieures ont atteint des sommets records. Le volume a augmenté de 30 p. 100 et la valeur, de 34 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 1994. Au cours de la première moitié de 1996, les livraisons intérieures des deux producteurs ont diminué aussi brutalement et radicalement qu’elles avaient augmenté une année auparavant.

Le volume des importations au cours de la période visée par le réexamen a beaucoup varié d’une année à l’autre. À partir d’un niveau d’environ 452 tonnes en 1991, les importations ont plus que doublé pour atteindre presque 1 000 tonnes en 1992 avant de retomber à moins de 500 tonnes en 1993. En 1994, les importations ont de nouveau augmenté pour s’établir à près de 800 tonnes, avant de faire un bond à 2 100 tonnes sur le marché soutenu de 1995. Même si ces importations accrues en 1995 provenaient surtout des États-Unis, des importations en provenance de Taïwan sont aussi réapparues en plus grand nombre cette année-là, tout comme celles de la Malaisie. La réapparition de Taïwan comme fournisseur sur le marché canadien s’est produite après que Revenu Canada eut fixé des valeurs normales à Ta Chen, à la fin de 1994.

La soudaine reprise de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, en 1995 n’était pas propre au marché canadien. La demande mondiale de ces tuyaux semble avoir suivi la même courbe d’augmentation soudaine aberrante en 1995 par rapport aux niveaux de demande antérieurs, suivie d’une chute aussi abrupte en 1996.

La production nationale de tuyaux soudés, en acier inoxydable, est demeurée relativement la même en 1991 et en 1992. Cependant, en 1993 et en 1994, cette production a augmenté sensiblement, et elle a connu une hausse encore plus marquée en 1995. Une portion considérable de cette production accrue au cours de la période allant de 1991 à 1995 est attribuable aux exportations plus fortes vers le marché américain. Les ventes à l’exportation ont ensuite beaucoup diminué au cours de la première moitié de 1996, parallèlement à la diminution des livraisons intérieures au cours de la même période.

La part du marché canadien détenue par la branche de production nationale est demeurée élevée à compter de la date des conclusions de préjudice à la fin de 1991 jusqu’à la fin de 1994. En 1995, malgré des livraisons intérieures accrues effectuées par les producteurs canadiens, leur part du marché a diminué considérablement pour atteindre son niveau le plus bas depuis 1990. Parallèlement, cependant, les taux d’utilisation de la capacité des producteurs nationaux en 1995 étaient à leurs niveaux les plus élevés en cinq ans.

Bien qu’il n’existe pas de données sur les importations pour 1996, les livraisons intérieures du plus gros producteur national ont diminué de façon marquée au cours de la première moitié de l’année, comparativement à la première moitié de 1995. Des renseignements fournis par le producteur national plus petit portant uniquement sur le premier trimestre de 1996 ont également révélé une importante baisse du niveau des livraisons intérieures au cours du premier trimestre de 1995. Par ailleurs, les déclarations du témoin de Ta Chen ont indiqué que les ventes effectuées par les usines de l’entreprise à Taïwan ont diminué en 1996, comparativement à 1995, et que le marché nord-américain était pire que les autres marchés vers lesquels Ta Chen exporte les tuyaux en question [3] .

Les marges brutes des deux producteurs nationaux ont augmenté entre 1991 et 1995 en raison de taux d’utilisation de la capacité plus élevés et du coût fortement réduit des marchandises vendues. La réduction du coût des marchandises vendues était en partie attribuable à la diminution des prix des bobines et des feuillards en acier inoxydable de 1992 à 1994. Ces prix ont ensuite augmenté en 1995 lorsque la demande a atteint un niveau élevé, bien qu’ils aient déjà commencé à suivre une tendance à la baisse à la mi-1995 [4] . Cependant, les profits sont demeurés fermes en 1995, étant donné que la demande du marché a permis de continuer à répercuter ces coûts d’intrants plus élevés sous forme de prix plus élevés.

Les données financières fournies par ATI montrent que son bénéfice net avant impôt au cours des six premiers mois de 1996, exprimé en pourcentage des ventes intérieures nettes, est tombé de plus de 35 p. 100 par rapport à l’ensemble de l’année 1995, de plus de 25 p. 100 par rapport à l’ensemble de l’année 1994 et de plus de 10 p. 100 par rapport à l’ensemble de l’année 1993. Puisque le mois de janvier 1996 a encore enregistré des niveaux élevés de ventes et de profits, la détérioration du bénéfice net en 1996 a été beaucoup plus mauvaise que ne le donnent à penser les chiffres susmentionnés. Exprimé en dollars absolus, le bénéfice net d’ATI sur les ventes intérieures pour la période de cinq mois allant de février à juin 1996 a été moins de la moitié du bénéfice net réalisé en janvier 1996 seulement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 76 de la LMSI, le Tribunal doit, à la fin d’un réexamen, annuler ou proroger une ordonnance ou des conclusions, avec ou sans modification. Avant de proroger des conclusions, le Tribunal doit être convaincu qu’en l’absence des conclusions de dommage, le dumping pratiqué par le pays visé reprendra probablement et que cette reprise du dumping causera probablement un dommage sensible à la branche de production nationale.

Probabilité de reprise du dumping

L’industrie des pâtes et papiers est le principal marché des tuyaux soudés, en acier inoxydable, au Canada et aux États-Unis [5] . Selon des données récentes de Statistique Canada, les intentions d’investissement des producteurs dans l’industrie nationale des pâtes et papiers sont fortes, ce qui laisse présager une solide reprise de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, sur le marché. D’autres données publiques montrent que l’industrie des pâtes et papiers a enregistré dernièrement d’importantes pertes financières et que, pour ce motif, les investissements prévus ne se concrétiseront peut-être pas exactement selon les prévisions de cette industrie [6] .

Le Tribunal ne doute pas que les investissements prévus dans l’industrie des pâtes et papiers auront finalement lieu. Les réalités économiques concrètes requièrent que les installations soient renouvelées et modernisées à intervalles réguliers pour que les sociétés demeurent en affaires [7] . Cependant, les éléments de preuve ont également persuadé le Tribunal que, compte tenu des pertes récemment enregistrées par l’industrie des pâtes et papiers, une grande incertitude existe concernant le moment exact où ces investissements prévus se matérialiseront.

ATI a prétendu – et des éléments de preuve présentés par d’autres témoins appuient cette position – que la demande ne reprendrait pas sur le marché avant le troisième trimestre de 1997 [8] . À cet égard, le Tribunal a fait remarquer que le témoin de PAC avait reconnu être un peu moins optimiste qu’il ne l’avait été concernant le moment où le marché commencerait à se redresser [9] . De plus, un des témoins de Marmon/Keystone Canada Inc. a déclaré qu’à son avis la reprise ne se produirait pas beaucoup avant 1998 [10] .

Les éléments de preuve indiquent clairement que la capacité taïwanaise de production des tuyaux en question dépasse de beaucoup la demande de Taïwan et que les producteurs des tuyaux en question dépendent largement des exportations pour remplir le carnet de commandes de leurs usines. Ta Chen, en particulier, a déclaré que 88 p. 100 de ses ventes totales sont effectuées sur le marché d’exportation et que seulement 12 p. 100 le sont sur le marché taïwanais [11] . Les éléments de preuve présentés à l’audience ont indiqué que des stocks excédentaires [12] , à la fois intérieurs et étrangers, existent sur le marché. Selon d’autres éléments de preuve, en 1996, Ta Chen a considérablement accru sa capacité de production des tuyaux en question.

Il ressort aussi clairement des éléments de preuve que les producteurs taïwanais ont, dans le passé, vendu les tuyaux en question et des produits connexes à des prix sous-évalués. Le Tribunal a fait remarquer qu’après qu’il a été établi qu’un certain nombre de producteurs taïwanais, incluant Ta Chen, pratiquaient le dumping des tuyaux en question au Canada en 1991, il a été démontré qu’ils vendaient des tuyaux similaires à des prix sous-évalués aux États-Unis en 1992 [13] . Selon les éléments de preuve, Ta Chen exporte aux États-Unis dans le cadre de décisions sur la valeur normale encore en vigueur aujourd’hui.

Les éléments de preuve montrent également que la marge de dumping attribuable à Ta Chen était sensiblement moins élevée que celle attribuable à d’autres producteurs taïwanais et suggèrent que Ta Chen avait pris des mesures pour cesser de pratiquer le dumping au Canada et sur d’autres marchés d’exportation. Néanmoins, aucun élément de preuve n’a été présenté indiquant que les autres producteurs taïwanais des tuyaux en question avaient imprimé une orientation semblable à leur politique de commercialisation des exportations. En réalité, l’absence de participation sur le marché intérieur et le fait que les autres producteurs taïwanais n’aient pas établi de valeurs normales pour leurs exportations au Canada et aux États-Unis pourraient être interprétés comme une incapacité d’être concurrentiels à des prix qui ne sont pas sous-évalués.

Vu que tous les producteurs taïwanais sauf Ta Chen ont été exclus du marché américain et seront donc probablement à la recherche d’autres marchés, vu aussi que ces exportateurs n’ont pas pu ou ne veulent pas pénétrer le marché canadien alors que les conclusions sont en vigueur et enfin vu le niveau important de la capacité de production de la branche de production taïwanaise, le Tribunal est d’avis que, s’il annulait les conclusions, ces producteurs à Taïwan reprendraient probablement leurs activités de dumping au Canada.

Bien que Ta Chen ait indiqué qu’elle a pour politique de ne pas vendre de produits sous-évalués sur ses marchés d’exportation, le Tribunal est persuadé que, si les conclusions sont annulées, Ta Chen subirait d’importantes pressions l’incitant à diminuer ses prix pour concurrencer ses homologues taïwanais sur le marché canadien. Le milieu concurrentiel serait alors tel qu’en dernière analyse, Ta Chen devrait soit abandonner sa part du marché gagnée de haute lutte au Canada, soit pratiquer le dumping pour pouvoir rester sur le marché canadien et y garder ses clients.

En résumé, le Tribunal conclut que l’annulation des conclusions actuellement en vigueur entraînerait probablement une reprise du dumping par Taïwan, compte tenu de la faiblesse continue de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, de l’incertitude concernant le moment où les principaux consommateurs de tuyaux soudés, en acier inoxydable, au Canada feront leurs nouveaux investissements, de la présence de stocks excédentaires de ces tuyaux, de la forte capacité de production de Taïwan, de la surcapacité mondiale de produire des tuyaux soudés, en acier inoxydable, de la forte dépendance des Taïwanais à l’égard des marchés d’exportation et des marges de dumping extrêmement élevées applicables aux exportateurs de Taïwan autres que Ta Chen [14] .

Probabilité qu’un dommage sensible soit causé à la branche de production nationale

Même si les conclusions sont en vigueur depuis cinq ans, le Tribunal constate que la branche de production nationale demeure aujourd’hui encore vulnérable à une reprise du dumping des tuyaux en question. À son avis, la pression exercée par les exportateurs taïwanais sur les prix aurait effectivement une incidence sur les prix auxquels les autres importations et livraisons intérieures de tuyaux soudés, en acier inoxydable, sont vendues. Cette incidence serait négative, puisque les produits taïwanais sous-évalués pousseraient les prix à la baisse sur le marché canadien, dévaluant du même coup les stocks considérables des distributeurs de tuyaux au Canada [15] et obligeant les producteurs nationaux à diminuer leurs prix en conséquence.

Le Tribunal a souligné, en particulier, la baisse profonde de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, déjà survenue en 1996 et la nette réduction des marges bénéficiaires que cela a provoquée. Ces marges de 1996 sont faibles, non seulement par comparaison aux marges élevées de 1995 mais également par rapport aux marges les plus basses enregistrées par les producteurs nationaux depuis les conclusions en 1991. Le Tribunal n’a relevé aucun élément de preuve indiquant que ces faibles marges bénéficiaires se redresseraient dans un avenir immédiat.

ATI a fait remarquer que le marché des tuyaux soudés, en acier inoxydable, au Canada a oscillé autour de 2 500 à 3 000 tonnes entre 1990 et 1994, avant de faire un bond à 4 000 tonnes en 1995. ATI croit qu’en 1996 le marché se situera à 2 500 tonnes au mieux et peut-être à pas plus de 2 000 tonnes, c’est-à-dire exactement la moitié de celui de 1995 [16] . Tenant compte de ce scénario, la présence d’un volume même relativement faible de produits sous-évalués sur le marché canadien comparativement restreint ne pourrait que mettre en évidence une demande déjà faible et conduirait inévitablement à une nouvelle diminution des volumes de production, à une hausse des coûts de production et à des marges bénéficiaires encore moins élevées pour les producteurs nationaux.

Lorsque les conclusions de préjudice ont été rendues en 1991, les recettes, la marge brute et les profits de l’industrie nationale avaient tous accusé une baisse marquée par rapport à 1990. Au cours de la première moitié de 1996, la branche de production nationale a également dû faire face à une détérioration de ses recettes, de sa marge brute et de ses profits comparativement à 1995 et à la période de demande plus normale allant de 1992 à 1994. Comme en 1991, d’autres indicateurs de dommage, notamment la production et l’utilisation de la capacité, ont également enregistré d’importantes diminutions au cours de la première moitié de 1996.

Entre 1987 et 1990, les importations des tuyaux en question avaient été multipliées par 30, la plus grosse partie de l’augmentation de la part du marché détenue par ces importations étant réalisée aux dépens de l’industrie nationale. Après les conclusions de préjudice de 1991, les importations des tuyaux en question ont nettement diminué, comme on pouvait s’y attendre. Les conclusions ont, à toutes fins utiles, empêché les producteurs taïwanais d’être présents sur le marché canadien à moins de se soumettre aux valeurs normales établies par Revenu Canada. Ta Chen a été la seule société ayant choisi d’obtenir ces valeurs normales, à la fin de 1994, lorsque la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, commençait à se raffermir pour atteindre des niveaux records en 1995. Si Ta Chen a réussi à redevenir concurrentielle sur le marché canadien en 1995, cela est probablement en partie dû au fait que les valeurs normales ont été établies juste avant la forte augmentation de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable, sur le marché, alors que les prix ne constituaient pas un problème du moment que le produit était disponible. En fait, les déclarations du témoin de PAC ont confirmé que le marché était si solide en 1995 que Ta Chen a réussi à être concurrentielle à des prix plus élevés que les valeurs normales fixées par Revenu Canada [17] .

Au cours des cinq premiers mois de 1996, le volume des importations des tuyaux en question au Canada en provenance de Taïwan était le deuxième plus important; celui des importations en provenance des États-Unis se situant au premier rang [18] . Toutefois, maintenant que les prix des tuyaux en question ont connu une baisse si marquée en 1996, la position concurrentielle de Ta Chen s’est trouvée considérablement affaiblie sur le marché canadien. Les valeurs normales établies à la fin de 1994 ont été fixées à des niveaux qui rendent les exportations de Ta Chen au Canada de moins en moins concurrentielles sur un marché où la demande est faible et à un moment où le prix des bobines et des feuillards est tombé parallèlement au rétrécissement de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable [19] . En fait, le témoin de PAC a déclaré que c’est précisément pour cette raison que Ta Chen voudrait que l’on établisse de nouvelles valeurs normales reflétant les coûts moins élevés de l’intrant en acier qui représentent une part si importante des coûts de production des tuyaux soudés, en acier inoxydable.

De l’avis du Tribunal, ce désir de Ta Chen d’obtenir de nouvelles valeurs normales donne encore plus de poids à l’affirmation de la branche de production nationale concernant l’ampleur de la détérioration du marché des tuyaux soudés, en acier inoxydable, en 1996. Les valeurs normales en fonction desquelles Ta Chen mène ses activités actuellement ont été établies à la fin de 1994 et, par conséquent, reposent probablement sur des données remontant à l’été ou à l’automne de 1994. Si Ta Chen est incapable d’être concurrentielle sur le marché d’aujourd’hui en utilisant les valeurs fondées sur la situation et les coûts de 1994, c’est sans doute que le marché est aujourd’hui encore moins ferme qu’en 1994, alors qu’il s’agissait d’une année relativement normale pour ce qui est de la demande de tuyaux soudés, en acier inoxydable.

Il ressort des éléments de preuve que le volume des tuyaux en question pouvant être exportés au Canada est énorme, comparativement aux besoins du marché canadien des tuyaux soudés, en acier inoxydable. Les affirmations non contestées d’ATI ont fixé la capacité de production annuelle de la branche de production taïwanaise à 72 000 tonnes [20] , soit environ 24 fois la taille du marché canadien. De toute évidence, puisque seulement 4 p. 100 du total de la production taïwanaise suffit à approvisionner la presque totalité du marché canadien, cet énorme potentiel de Taïwan peut causer des ravages sur le marché canadien.

Le Tribunal fait remarquer que les deux producteurs nationaux ont fait, ou sont sur le point de faire, d’importants investissements pour accroître leur capacité de production afin d’être en mesure de mieux desservir les marchés intérieur et d’exportation des tuyaux soudés, en acier inoxydable. Dans un cas, cette expansion permettra au producteur d’offrir à ses clients une gamme plus étendue de tuyaux soudés, en acier inoxydable; dans l’autre cas, l’expansion permettra non seulement au producteur de fabriquer des tuyaux soudés, en acier inoxydable, dans des dimensions non visées par l’enquête mais aussi de servir de production supplémentaire pour une certaine gamme de tuyaux soudés, en acier inoxydable. Le Tribunal est convaincu que, si l’on donne à la branche de production nationale l’occasion de mener ces projets à terme, celle-ci augmentera considérablement sa compétitivité sur le marché intérieur.

La reprise du dumping menacerait non seulement ces nouveaux investissements mais aussi la viabilité des installations de production existantes. Il est clair, selon les éléments de preuve, que la réussite de la branche de production en 1995 a non seulement été de courte durée mais a aussi été une exception par rapport aux conditions normales du marché. Ces éléments de preuve font nettement ressortir que la situation, en 1996, sera la moins rentable pour les producteurs nationaux depuis les conclusions de 1991. Compte tenu de tous les éléments de preuve énumérés ci-dessus, le Tribunal est convaincu que la branche de production nationale demeure vulnérable à la reprise du dumping.

DEMANDE D’EXCLUSION

À l’audience, les avocats et le conseiller de l’exportateur et de l’importateur ont demandé que Ta Chen soit exclue de l’ordonnance du Tribunal si, au terme du réexamen, le Tribunal décidait de proroger les conclusions. Pour appuyer leur demande, les avocats et le conseiller ont soutenu que Ta Chen se conforme depuis longtemps aux lois canadienne et américaine sur le dumping et qu’aucun élément de preuve ne permet d’affirmer que Ta Chen vendra les tuyaux en question à des prix sous-évalués sur le marché canadien dans l’avenir, d’autant que c’est cette société, et non pas des agents ou des maisons de commerce, qui a la mainmise sur sa présence sur le marché canadien. L’avocat des producteurs nationaux s’est opposé à la demande d’exclusion. À son avis, le Tribunal ne doit accorder ce genre d’exclusion que dans des circonstances tout à fait inhabituelles et exceptionnelles et, en l’instance, rien ne justifie que Ta Chen soit exclue. En particulier, il a fait valoir qu’aucun élément de preuve direct en provenance d’un directeur principal de Ta Chen à Taïwan ne permet de savoir ce que Ta Chen a l’intention de faire si une exclusion lui est accordée.

C’est aux termes du paragraphe 76(4) de la LMSI que le Tribunal a le pouvoir d’exclure un exportateur ou un importateur d’une ordonnance prorogeant des conclusions, puisque ce paragraphe précise qu’à la fin d’un réexamen, le Tribunal doit rendre «une ordonnance motivée annulant ou prorogeant l’ordonnance ou les conclusions avec ou sans modification, selon le cas». La décision d’accorder ou de refuser une exclusion dans le cadre d’un réexamen entrepris aux termes de l’article 76 de la LMSI relève bien de la compétence du Tribunal et est fondée sur des faits précis [21] . De plus, le Tribunal a déjà déclaré qu’une exclusion n’est accordée que dans des circonstances exceptionnelles [22] et que les circonstances dans lesquelles il exclurait un ou plusieurs exportateurs ou importateurs doivent être adéquatement prouvées [23] . En se demandant s’il y a lieu d’accorder une telle exclusion, le Tribunal et ses prédécesseurs ont jugé que divers facteurs étaient pertinents, notamment les suivants : 1) si les ventes de l’exportateur ou de l’importateur ne représentent qu’une petite proportion des marchandises en question en provenance du pays visé [24] ; 2) si les ventes de l’exportateur ou de l’importateur sont des marchandises non visées par l’enquête [25] ; 3) si l’exportateur ou l’importateur vend dans un segment du marché qui n’est pas normalement desservi par la production nationale [26] ; 4) la nature de la présence de l’exportateur ou de l’importateur sur le marché intérieur [27] ; 5) si la branche de production nationale a donné son assentiment à l’exclusion [28] .

Le Tribunal n’a pas été convaincu qu’une exclusion devrait être accordée à Ta Chen. Il fait d’abord remarquer que la demande porte sur des marchandises facilement substituables à des marchandises que la branche de production nationale produit actuellement et qui leur font directement concurrence. Il souligne également que les exportations de Ta Chen aux États-Unis représentent virtuellement 100 p. 100 des exportations vers les États-Unis des tuyaux soudés, en acier inoxydable, en provenance de Taïwan et que pratiquement toutes les exportations de Ta Chen au Canada sont des tuyaux en question.

À l’audience, des témoins de la branche de production nationale et de ses distributeurs se sont dits très inquiets de la capacité elle-même de la production de Ta Chen et des autres producteurs taïwanais comparativement à la quantité de tuyaux soudés, en acier inoxydable, que le marché canadien peut absorber. Le témoin de Ta Chen a déclaré que la société a beaucoup augmenté sa capacité de production pour être en mesure de fonctionner avec un seul quart de travail parce qu’elle a de la difficulté à trouver de la main-d’œuvre disposée à travailler dans un système à deux quarts de travail. Sa capacité actuelle, même avec un seul quart, est plusieurs fois supérieure au nombre de tuyaux soudés, en acier inoxydable, requis par le marché canadien. Aucun élément de preuve n’indique quelle part de cette capacité serait disponible pour satisfaire des commandes au Canada à un moment donné, et le Tribunal ne se fait aucune illusion quant à sa réorientation possible du jour au lendemain en vue d’inonder le marché canadien et d’acculer les deux producteurs canadiens à la faillite. Néanmoins, certains éléments de preuve indiquent que la demande mondiale des tuyaux en question a fléchi sur les marchés au cours de la première moitié de 1996, et le Tribunal craint qu’un pourcentage, même relativement petit, de capacité excédentaire chez Ta Chen seule ne soit, au niveau du tonnage, suffisant pour perturber le modeste marché canadien, si ces produits étaient offerts à des prix sous-évalués.

De toute évidence, Ta Chen a réussi à être concurrentielle au Canada sans pratiquer le dumping lorsque les prix se sont mis à augmenter en 1994 et 1995. Mais comme ses valeurs normales n’ont pas été rajustées pour tenir compte de la baisse des prix au début de 1996, on ne sait pas très bien si elle pourrait continuer d’être concurrentielle à partir de valeurs normales. Tout en reconnaissant qu’une société qui exporte près de 90 p. 100 de sa production est un producteur efficace qui pourrait fort bien poursuivre une politique générale contre le dumping, le Tribunal n’est pas convaincu qu’une société de ce genre, confrontée par exemple à des prix à la baisse sur le marché canadien, ne vendrait pas ses marchandises à des prix sous-évalués pour conserver sa part du marché. Cela dit, le Tribunal souligne que, comme cela est déjà arrivé, Ta Chen peut demander au sous-ministre du Revenu national de réexaminer périodiquement ses valeurs normales pour que celles-ci reflètent les changements, entre autres choses, de ses prix et de ses coûts. Ta Chen pourrait ainsi continuer d’exporter les tuyaux en question au Canada.

CONCLUSION

Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal conclut que, si les conclusions sont annulées, la reprise du dumping par Taïwan causerait probablement un dommage à la production canadienne de tuyaux soudés, en acier inoxydable. Les conclusions sont donc prorogées, sans modification.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47.

2. Gazette du Canada Partie I, vol. 130, n o 18, le 4 mai 1996 à la p. 1359.

3. Transcription de l'audience publique , le 30 juillet 1996 à la p. 287.

4. Ibid. le 29 juillet 1996 à la p. 90.

5. Ibid. à la p. 14.

6. Ibid. à la p. 15.

7. Ibid. à la p. 134.

8. Ibid. à la p. 13.

9. Ibid. le 30 juillet 1996 à la p. 402.

10. Ibid. le 29 juillet 1996 à la p. 229.

11. Ibid. le 30 juillet 1996 à la p. 301.

12. Ibid. à la p. 361.

13. Certain Welded Stainless Steel Pipes from the Republic of Korea and Taiwan , Décisions de la Commission dans les enquêtes n os 731-TA-540-541 (définitives), publication 2585 de l'USITC (Commission américaine du commerce international), décembre 1992.

14. Supra note 3 à la p. 362.

15. Ibid. le 29 juillet 1996 à la p. 214.

16. Ibid. à la p. 13.

17. Ibid. le 30 juillet 1996 à la p. 407.

18. Ibid. le 29 juillet 1996 à la p. 20.

19. Ibid. le 30 juillet 1996 à la p. 407.

20. Ibid. le 29 juillet 1996 à la p. 138.

21. Hitachi Limited c. Le Tribunal antidumping , [1979] 1 R.C.S. 93; Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping , [1978] 2 C.F. 507 (C.A.F.); Sacilor Aciéries c. Le Tribunal antidumping , Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-1806-83, le 27 juin 1985; et Groupe spécial binational formé en vertu de l'article 1904, décision datée du 11 septembre 1991, Certains moteurs à induction intégrale sous-évalués, d'un horse - power (1 HP) à deux cents horse - power (200 HP) inclusivement, avec exceptions, originaires ou exportés des États - Unis d'Amérique .

22. Voir, par exemple, Certains caissons en acier au carbone pour puits de pétrole et de gaz originaires ou exportés de la République de Corée et des États - Unis d'Amérique , Tribunal canadien du commerce extérieur, réexamen n o RR-95-001, Ordonnance et Exposé des motifs , le 5 juillet 1996; et Certains produits plats de tôle d'acier au carbone laminés à chaud originaires ou exportés des États - Unis , CDA - 93 - 1904-07, Décision et Motifs du groupe spécial , le 18 mai 1994.

23. Voir, par exemple, Aluminium en rouleaux et caissons supérieurs et inférieurs en acier, devant servir à la production de stores vénitiens horizontaux, originaires ou exportés de la Suède , enquête n o NQ-91-004, C onclusions , le 7 février 1992, Exposé des motifs , le 24 février 1992.

24. Voir, par exemple, Électrodes et goupilles de raccordement finies en graphite artificiel originaires ou exportées de la Belgique, du Japon, de la Suède et des États-Unis d'Amérique , Tribunal canadien des importations, enquête n o CIT-4-86, Conclusions , le 26 novembre 1986, Exposé des motifs , le 11 décembre 1986; et Fours à micro-ondes de comptoir dans lesquels la durée de cuisson, le niveau de puissance et (ou) d'autres caractéristiques de fonctionnement sont contrôlés par des dispositifs électromécaniques ou à semi-conducteurs à commande limitée et sans capacité de mémoire (généralement décrits comme «fours à micro-ondes de comptoir à commandes mécaniques»), et de fours à micro-ondes de comptoir dans lesquels la durée de cuisson, le niveau de puissance et (ou) d'autres caractéristiques de fonctionnement sont contrôlés en tout ou en partie par une commande électronique à micro-processeurs (généralement décrits comme «fours à micro-ondes de comptoir à commandes électroniques»), généralement considérés soit pour usage domestique seulement ou pour usage domestique et commercial, à l'exclusion des fours à micro-ondes à commandes mécaniques et des fours à micro-ondes à commandes électroniques généralement considérés pour usage commercial seulement, originaires ou exportés du Japon, de Singapour et de la République de Corée , Tribunal antidumping, enquête n o ADT-9-81, Conclusion , le 30 mars 1982, Exposé des motifs , le 7 mai 1982.

25. Voir, par exemple, Tôles d'acier au carbone, y compris les tôles d'acier allié, qui n'ont subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage ou le traitement à chaud, peu importe si elles sont en rouleaux ou qu'elles possèdent une surface laminée, à l'exclusion des sections de base de jantes de roues, de l'acier au carbone et de l'acier allié pour outils, de l'acier inoxydable, de l'acier à mouler, des tôles à bord tombé ou des tôles embouties, des tôles ouvrées ou enduites, de l'acier rapide, des tôles pour scies et des tôles plaquées d'acier inoxydable, originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la Tchécoslovaquie, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la République de l'Afrique du Sud, de la République de Corée, de la Roumanie, de l'Espagne et du Royaume-Uni , Tribunal antidumping, enquête n o ADT-10-83, Conclusions , le 7 décembre 1983, Exposé des motifs , le 29 décembre 1983.

26. Voir, par exemple, Carbonate de soude, de qualité commerciale, originaire ou exporté des États - Unis d'Amérique , Tribunal antidumping, enquête n o ADT-7-83, Conclusion et Exposé des motifs , le 7 juillet 1983.

27. Voir, par exemple, Filets coupeurs et filets raineurs en acier originaires ou exportés des États - Unis d'Amérique , Tribunal antidumping, enquête n o ADT-1-82, Conclusion et Exposé des motifs , le 8 avril 1982. Le Tribunal antidumping a exclu plusieurs sociétés pour diverses raisons se rapportant à la façon dont chacune participait au marché canadien, notamment parce que les produits importés étaient vendus à des prix plus élevés que les prix intérieurs et que les ventes d'importations étaient retenues pour des motifs autres que les prix, comme les rapports d'affaires établis de longue date.

28. Voir, par exemple, supra note 23.


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Publication initiale : le 17 décembre 1996