ALBUMS PHOTOS À POCHETTES FIXES OU BASCULANTES

Réexamens (article 76)


ALBUMS PHOTOS À POCHETTES FIXES OU BASCULANTES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT) ET LEURS FEUILLES DE RECHANGE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE HONG KONG, DE TAIWAN, DE SINGAPOUR, DE LA MALAISIE ET DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE
Réexamen no : RR-92-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 25 février 1993

Réexamen no : RR-92-003

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 février 1988, dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87, concernant des :

ALBUMS PHOTOS À POCHETTES FIXES OU BASCULANTES (IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT) ET LEURS FEUILLES DE RECHANGE, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU JAPON, DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE HONG KONG, DE TAIWAN, DE SINGAPOUR, DE LA MALAISIE ET DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations, le 26 février 1988, dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur, par la présente, proroge sans modification les conclusions susmentionnées.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 février 1988 dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 18 et 19 janvier 1993
Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 25 février 1993

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Desmond Hallissey, membre
Lise Bergeron, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy
Agent de la recherche : Daryl Poirier
Préposé aux statistiques : Sonya McEachern

Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater

Agent à l'inscription et à
la distribution : Pierrette Hébert


Participants : John D. Richard, c.r.
pour Desmarais & Frère Ltée

(fabricant)
Peter A. Magnus
pour Climax Paper Converters, Limited

Robert H. Wilkinson, MBA
Président
Paget Industries Inc.

(exportateurs-importateur)

Témoins :

André Deschamps, C.A.
Vice-président directeur et Chef de l'exploitation
Desmarais & Frère Ltée

Claude Desmarais
Président
Desmarais et Frère Ltée

Vytas E. Gruodis
Vice-président des ventes et de la commercialisation
Desmarais & Frère Ltée

M. St-Amand, C.G.A., CMA
Contrôleur
Trésorier
Desmarais & Frère Ltée

Garry L. Bilton
Directeur de produit
Black Photo Corporation

Alan Cheung
Vice-président
Climax Paper Converters (Canada), Ltd.

Robert H. Wilkinson, MBA
Président
Paget Industries Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen, effectué aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 26 février 1988, dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87, concernant des albums photos à pochettes fixes ou basculantes (importés ensemble ou séparément) et leurs feuilles de rechange, originaires ou exportés du Japon, de la République de Corée, de la République populaire de Chine, de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de la Malaisie et de la République fédérale d'Allemagne.

Conformément au paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à un réexamen de conclusions et a publié un avis de réexamen le 19 octobre 1992. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 31 octobre 1992.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires aux fabricants et aux importateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience. De plus, le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions d'origine, l'avis de réexamen et les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires. Les réponses aux questionnaires et les exposés à huis clos faits par Desmarais & Frère Ltée (Desmarais) dans le réexamen no RR-89-012 et dans l'enquête no NQ-90-003 ont également été versés au dossier du présent réexamen. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, alors que les pièces protégées ont été distribuées aux avocats indépendants seulement.

Des séances publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 18 et 19 janvier 1993.

Desmarais est un fabricant des marchandises en question. Elle était représentée à l'audience par un avocat, a produit des éléments de preuve et a plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Climax Paper Converters, Limited (Climax) était représentée à l'audience par un avocat, a produit des éléments de preuve et a plaidé en faveur de l'annulation des conclusions.

Paget Industries Inc. (Paget) était représentée par le président de la société, a produit des éléments de preuve et a plaidé en faveur de l'annulation des conclusions.

PRODUIT

Le présent réexamen porte sur des albums photos à pochettes fixes ou basculantes (importés ensemble ou séparément) et leurs feuilles de rechange, originaires ou exportées du Japon, de la République de Corée (la Corée), de la République populaire de Chine (la Chine), de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de la Malaisie et de la République fédérale d'Allemagne (l'Allemagne). Ces albums servent à ranger des photographies dans des pochettes individuelles faites d'une pellicule transparente. Ils sont dans une grande mesure interchangeables avec les albums photos à feuilles auto-adhésives qui tiennent les photos en place à l'aide d'une feuille adhésive et qui font également l'objet de mesures antidumping [2] .

INDUSTRIE NATIONALE

Avec quelque 80 p. 100 de la production nationale de marchandises en question, Desmarais, de Longueuil (Québec), est le principal fabricant canadien d'albums photos à pochettes. C'est le seul fabricant entièrement intégré de marchandises en question au Canada et l'un des grands fabricants en Amérique du Nord. L'entreprise a été fondée en 1951 et a été constituée en société en 1957.

Il existe trois autres fabricants canadiens connus des marchandises en question. Le deuxième plus important fabricant, également installé au Québec, est Belt Manufacture de Papeterie Ltée (Belt), de Montréal. Les deux autres fabricants sont Techmatic Mfg Inc. (Techmatic), de Brampton (Ontario), et Hutchings & Patrick Inc., d'Ottawa (Ontario).

Desmarais seule représente l'industrie nationale pour les besoins du paragraphe 42(3) de la LMSI.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1988

Le 26 février 1988, dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87, le TCI a conclu que le dumping au Canada des albums photos à pochettes fixes ou basculantes (importés ensemble ou séparément) et de leurs feuilles de rechange, originaires ou exportés du Japon, de la Corée, de la Chine, de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de la Malaisie et de l'Allemagne, avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le TCI a fait remarquer que l'enquête no CIT-11-87 s'inscrivait dans une tendance qui s'était fait sentir au cours des 13 années précédentes relativement aux albums photos, et a noté en particulier l'existence d'importantes marges de dumping ainsi que la tendance à passer d'un pays à l'autre pour s'approvisionner en produits sous-évalués. Dans le cadre de l'enquête susmentionnée sur les albums photos à pochettes, il avait été reconnu que sept des pays pour lesquels le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) avait conclu qu'ils avaient pratiqué le dumping selon des marges importantes, avaient causé un préjudice sensible à la production au Canada au terme d'enquêtes antérieures sur les albums photos à feuilles auto-adhésives.

Dans le cadre de l'enquête no CIT-11-87, il a été constaté que le marché des albums photos à pochettes en question s'était développé rapidement pendant la période allant de 1984 à 1987. Pendant cette même période, Desmarais, le plus grand fabricant canadien des marchandises en question, avait perdu 23 points de pourcentage de part du marché au profit des importations sous-évaluées. Les volumes des ventes et de production de Desmarais avaient augmenté pendant cette période, mais c'était grâce à la concurrence par les prix faite par Desmarais, laquelle avait eu pour conséquence une baisse accentuée de la rentabilité de la société en 1986 et 1987. L'hypothèse selon laquelle la perte de clientèle de Desmarais était due à la concurrence des autres fabricants canadiens n'a pas été acceptée par le TCI. Ce dernier a jugé que la concurrence des autres fabricants canadiens avait été sensiblement facilitée par l'achat de feuilles importées qui, selon le TCI, avaient été sous-évaluées selon des marges importantes.

Pour la même raison, une demande d'exclusion de feuilles de rechange importées en vrac pour être intégrées dans les albums fabriqués a également été rejetée. Le TCI a considéré que le fait d'accorder une telle exclusion n'aurait que permis aux importateurs, ainsi qu'aux fabricants, d'importer des feuilles de rechange à des prix sous-évalués, et, ce faisant, d'éroder encore davantage la part du marché de Desmarais. Une demande d'exclusion de feuilles de rechange importées de la Malaisie et de Singapour a de même été rejetée quoiqu'il n'y ait pas eu d'importation de feuilles de rechange en provenance de ces pays pendant la période visée par l'enquête du Sous-ministre. Cependant, le TCI a conclu que les albums photos contenant des feuilles de rechange qui avaient été importées de ces pays avaient été sous-évalués selon des marges importantes. De l'avis du TCI, le fait d'exclure les feuilles de rechange de conclusions de préjudice n'aurait fait que donner carte blanche à ces pays pour écouler des feuilles de rechange sous-évaluées au Canada.

En somme, étant donné la rapidité avec laquelle les importations sous-évaluées avaient pénétré le marché en 1986 et en 1987, et compte tenu des répercussions que cela avait eu sur la part du marché, les niveaux de prix et la rentabilité de Desmarais, le TCI a conclu que le dumping des marchandises en question avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

POSITION DES PARTIES

Industrie nationale

L'avocat de Desmarais a plaidé que les conclusions devaient être prorogées parce que l'industrie, de sa nature même, était vulnérable face à la pratique commerciale déloyale que constitue le dumping.

L'avocat a soutenu que Desmarais était vulnérable devant la reprise du dumping préjudiciable en raison de facteurs tels que : 1) la sensibilité aux prix de ce qui est un produit de consommation courant; 2) la nature capitalistique de la production des albums photos et sa sensibilité à l'utilisation de la capacité de production et aux volumes importants; 3) le caractère limité de la clientèle pour les marchandises en question au Canada, où la plupart des décisions d'achat sont prises par 10 grands détaillants; 4) la facilité avec laquelle il est possible de passer d'un pays à l'autre pour importer les marchandises en question; 5) la longue histoire du préjudice causé par le dumping à Desmarais; 6) la nécessité pressante pour Desmarais de maintenir ses prix à un niveau bas afin d'atteindre les volumes de production requis, même dans le cas d'une pénétration limitée du marché canadien par les marchandises sous-évaluées.

L'avocat a fait valoir, en outre, qu'à moins que Desmarais ne se voit donner la possibilité de bénéficier de la protection de conclusions de préjudice pendant une autre période, l'important programme d'investissements qu'il a lancé, et qui se poursuit toujours, serait sérieusement compromis pour la raison que le préjudice qui résulterait de la reprise du dumping de la part des pays visés rendrait l'activité de Desmarais non rentable et empêcherait absolument cette société de rentrer dans les fonds engagés pour ce programme.

L'avocat a allégué que les éléments de preuve montraient que seule une reprise du dumping préjudiciable pourrait faire perdre des volumes ou des ventes à Desmarais. Il a fait remarquer que le témoin de Black Photo Corporation (Black) avait indiqué que la qualité et le prix étaient des critères importants dans les décisions d'achat de Black et que le prix était un facteur déterminant dans le choix entre deux sources d'approvisionnement offrant des marchandises de qualité comparable.

À cet égard, l'avocat a porté à l'attention du Tribunal les importantes majorations du prix à l'exportation imposées par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) sur les importations de marchandises en question en provenance des huit pays visés, qu'il considère comme significatives de l'ampleur du dumping qui pourrait se reproduire si les conclusions étaient annulées.

L'avocat de Desmarais a attiré particulièrement l'attention sur les deux autres participants à l'audience de réexamen : Climax et Paget. Dans le cas de Climax, l'avocat a estimé que les conclusions sont le seul élément qui empêche cette société d'envahir massivement le marché canadien. Son opinion était fondée sur le fait que Climax dispose au Canada du réseau de relations nécessaire pour cela, réseau qu'elle a mis en place dans le cadre de la distribution d'autres produits aux grands magasins et aux détaillants, ainsi qu'à d'autres parties. Elle a également les moyens de pénétrer le marché canadien de façon massive au chapitre des volumes de marchandises. L'avocat a cité les éléments de preuve fournis par Climax quant à l'accroissement des ventes qu'elle a connu en Europe relativement aux albums photos et à d'autres produits, ainsi que les éléments de preuve déposés par Climax au sujet de sa part du marché mondial des albums et d'autres produits. De l'avis de l'avocat, Climax pourrait facilement se tourner vers le marché canadien des albums photos à pochettes si les conclusions étaient annulées, et le ferait effectivement. Pour ce qui est de Paget, l'avocat a fait valoir que le témoignage de M. Robert H. Wilkinson montrait qu'il tirerait parti de l'annulation des conclusions en important directement des albums photos à feuilles de type à pochettes depuis les pays visés.

Exportateurs-importateur

L'avocat de Climax, un fabricant et exportateur des marchandises en question établi à Hong Kong, a plaidé que les conclusions devaient être annulées complètement parce qu'aucun élément de preuve n'a été avancé quand à l'existence du dumping. L'avocat a demandé qu'à défaut, si les conclusions étaient prorogées, le Tribunal exclue de leur champ d'application les exportations au Canada de marchandises en question fabriquées par Climax.

L'argument de l'avocat était fondé pour une bonne part sur les articles 3 et 9 du Code antidumping [3] du GATT (le Code). L'avocat a soutenu plus particulièrement que «in conducting a review inquiry and in arriving at a conclusion as to whether the injury finding should remain in place or be rescinded, ... it is very clear that what the Tribunal is doing is essentially making a future injury finding ... [and] ... you must be satisfied ... that there is evidence of a likelihood of dumping resuming [4] » ([traduction] en procédant à un réexamen et en décidant si des conclusions de préjudice doivent être maintenues ou annulées, il est très clair que le Tribunal rend fondamentalement des conclusions de préjudice futur et vous devez être convaincus qu'il existe un élément de preuve indiquant que le dumping est susceptible de reprendre).

Pour ce qui est du préjudice futur, l'avocat a cité le paragraphe 6 de l'article 3 du Code, qui prévoit que la détermination concluant à une menace de préjudice doit se fonder sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités, et que le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être nettement prévu et imminent. L'avocat a soutenu que tout ce que Desmarais avait fait en fait d'investissement, d'amélioration de l'efficacité, d'innovation, etc., pouvait être considéré comme montrant que Desmarais était maintenant en bien meilleure position pour soutenir la concurrence internationale sur le marché canadien qu'elle ne l'était cinq ans auparavant.

L'avocat a soutenu que le seul élément de preuve avancé par l'avocat de Desmarais quant au fait que le dumping est susceptible de reprendre avait trait aux majorations de prix imposées par Revenu Canada en 1989 sur les importations des marchandises en question depuis les pays visés. L'avocat a estimé que l'absence d'éléments de preuve quant au fait qu'un quelconque dumping est susceptible de reprendre militait en faveur de l'annulation des conclusions. L'avocat a plaidé en outre que des conclusions rétroactives antérieures [5] du Tribunal sur les albums photos à feuilles auto-adhésives importés d'Indonésie, de Thaïlande et des Philippines constitueraient un avertissement pour les importateurs si les conclusions relatives aux albums photos à pochettes étaient annulées.

M. Wilkinson, président de Paget, a plaidé qu'aucun élément de preuve n'avait été présenté qui laissait à entendre que le dumping reprendrait à partir des pays visés. Par conséquent, les marchandises en question n'étaient pas sous-évaluées, et les conclusions devaient être annulées.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Desmarais a été le seul fabricant national de marchandises en question qui a répondu entièrement au questionnaire du Tribunal destiné au fabricant. Par conséquent, presque toutes les données relatives au rendement de l'industrie nationale pendant la période qui fait l'objet du réexamen sont des données confidentielles de cette société.

Le marché apparent des albums photos à pochettes a augmenté régulièrement de 1988 à 1990, avant de régresser de plusieurs points de pourcentage en 1992. La croissance globale du marché apparent de 1988 à 1992 est évaluée à 41 p. 100.

Les ventes des fabricants nationaux ont augmenté légèrement de 1988 à 1992, alors que la part du marché détenue par les fabricants canadiens a perdu 24 points de pourcentage pendant la même période.

Après que les conclusions de préjudice sensible eut été rendues le 26 février 1988, les importations en provenance des pays visés ont baissé de plus de 90 p. 100 en 1988 par rapport au niveau auquel elles se trouvaient au cours des neuf premiers mois de 1987. Jusqu'en 1992, les importations en provenance des pays visés sont restées au niveau de 1988, ou sont tombées au-dessous de ce niveau. Il est estimé qu'en 1992, les importations depuis les pays visés ont augmenté de plus de 80 p. 100 par rapport à leur niveau de 1988. Néanmoins, la part du marché canadien des albums photos à pochettes représentée par les importations des pays visés n'est passée, de 5 p. 100 en 1988, qu'à 6 p. 100 en 1992.

Les importations en provenance des pays non visés ont vu passer leur part du marché apparent des marchandises en question de 1 p. 100 en 1988 à 24 p. 100 en 1992. Les importations depuis les États-Unis représentaient 84 p. 100 des importations de tous les pays non visés en 1992, et 21 p. 100 du marché total au cours de cette même année.

Desmarais a investi lourdement de 1988 à 1992, y compris dans les techniques les plus modernes de production des couvertures d'albums photos. Elle s'est également intégrée verticalement dans l'extrusion des polymères et s'est équipée de chaînes de conversion afin de produire surtout des pages de polypropylène destinées aux albums photos à pochettes. Quoique de l'équipement ancien ait été mis de côté à la suite de ces investissements, la productivité du nouvel équipement s'est traduite par un accroissement de la capacité de produire et les couvertures et les pages d'albums photos.

De 1988 à 1990, l'emploi, dans le secteur de la production des albums photos en question et de leurs composants, a augmenté proportionnellement à la production de ces marchandises. En 1991, les niveaux de l'emploi sont alors tombés au-dessous des niveaux de 1988, l'essentiel de cette baisse s'étant produite dans le secteur de la production des composants. La baisse de l'emploi pour la production de l'ensemble des marchandises en question en 1991 était conforme à la baisse de la production des marchandises en question pendant la même année. La baisse générale de l'emploi s'est poursuivie au cours des neuf premiers mois de 1992.

Les bénéfices nets avant impôt de Desmarais sur les marchandises en question sont restés positifs de 1988 à 1990. En 1991 et 1992, la société a déclaré des pertes nettes sur ses ventes de marchandises en question. Les pertes nettes avant impôt, au cours des neuf premiers mois de 1992, étaient plus importantes qu'au cours de la même période en 1991.

Les prix de vente nets moyens pratiqués par Desmarais pour les albums photos en question ont suivi deux tendances différentes. Les prix des albums de petit format ont augmenté chaque année de 1988 à 1991, mais ont baissé en 1992. Les prix des albums de moyen et de grand format ont baissé chaque année à partir de 1988.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Lors de décisions passées, le Tribunal a établi que deux conditions doivent être remplies pour que des conclusions qui doivent venir à expiration aux termes des dispositions du paragraphe 76(5) de la LMSI soient prorogées. Premièrement, le Tribunal doit être convaincu que le dumping des importations est susceptible de reprendre si les conclusions sont annulées. Deuxièmement, le Tribunal doit être en mesure de conclure que la reprise du dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. La situation présente relativement à ces deux conditions est examinée en détail ci-dessous.

PROBABILITÉ DE REPRISE DU DUMPING

De par leur nature même, les réexamens de conclusions de dumping et de préjudice sensible rendent difficile, pour l'industrie nationale, la production d'éléments de preuve significatifs quant au dumping futur des marchandises en question au Canada par les pays nommés. Conformément à l'objet des mesures antidumping, des conclusions servent normalement à supprimer ou à décourager le dumping des marchandises en question par les pays pour lesquels il a été constaté qu'ils ont pratiqué le dumping. Si les conclusions ne produisaient pas de tels effets, nul n'en rechercherait l'imposition, et elles ne seraient pas imposées, en premier lieu.

Par conséquent, l'existence d'éléments de preuve quant au fait que le dumping est susceptible de reprendre en cas d'annulation de conclusions est généralement plus difficile à établir que le dumping qui s'est produit à l'origine. Dans le cas présent, ces difficultés sont aggravées par le fait que les exportations en provenance des pays nommés sont assujetties à des majorations de prix si élevées qu'il arrive souvent que les exportateurs ne puissent plus faire concurrence sur le marché canadien. La situation est plus complexe encore lorsque l'examen des valeurs normales des marchandises en question n'a pas été fait depuis plusieurs années, comme c'est le cas ici. Une propension au dumping peut toujours être discernée en fonction d'un certain nombre de facteurs divers, tels que l'établissement des prix des marchandises en question par les pays nommés dans d'autres pays étrangers, ou l'établissement des prix de produits apparentés aux marchandises en question et fabriqués par ces mêmes pays. Néanmoins, pour prédire le comportement qui serait celui des exportateurs au cas où les conclusions seraient annulées, il faut à tout le moins faire certaines déductions à partir d'actions passées et présentes.

Dans le cas présent, l'avocat de Desmarais a cité des décisions antérieures du Tribunal et des organismes qui l'ont précédé relatives aux albums photos à feuilles auto-adhésives. Les albums photos à feuilles auto-adhésives peuvent être considérés comme des produits de remplacement des albums photos à pochettes, puisqu'ils sont fabriqués par les mêmes sociétés, servent aux mêmes fins de rangement des photographies, et sont dans une grande mesure substituables aux albums photos à pochettes en fonction du prix.

L'avocat a également plaidé que les conclusions et les ordonnances antérieures du Tribunal relatives aux percées rapides faites par les importations sur le marché des albums photos à feuilles auto-adhésives constituent un élément de preuve révélateur de la rapidité avec laquelle les importations pénétreraient le marché, ainsi que de la tendance des pays pratiquant le dumping à transférer leur activité de production dans un pays non visé.

Sur ce dernier point, le Tribunal trouve pertinent le témoignage de M. Alan Cheung, le témoin de Climax. M. Cheung a déclaré que de nombreux fabricants d'albums photos de Hong Kong avaient transféré leur production en Chine. Quoique Hong Kong et la Chine soient des pays visés pour ce qui est de leurs exportations d'albums photos au Canada, le Tribunal constate que les États-Unis ont rendu des conclusions de préjudice contre Hong Kong, mais non contre la Chine, relativement à ces marchandises. M. Cheung a témoigné que Climax elle-même ne fabriquait plus d'albums photos dans son usine de Hong Kong, et que toute la production d'albums photos était maintenant effectuée dans l'une de ses deux usines de Chine. Le Tribunal remarque que les ventes totales d'albums photos par Climax sont restées pour l'essentiel inchangées de 1989 à 1992, et que les États-Unis étaient, de loin, le principal acheteur de ces albums photos en 1992. M. Cheung a déclaré en outre que, quoique les albums photos ne soient actuellement fabriqués que dans l'une des trois installations de production de Climax, l'équipement des deux autres usines peut également être utilisé pour la fabrication d'albums photos. M. Cheung a reconnu plus particulièrement que Climax disposait actuellement d'une capacité de production excédentaire pour les albums photos en question et que la grande majorité de ses ventes d'albums photos, y compris des marchandises en question, se faisait aux marchés d'exportation.

Le témoin de Desmarais a établi un lien entre la diminution des délais d'exécution des commandes et l'existence d'une capacité de production excédentaire dans les pays visés. Il a déclaré qu'il y a quelques années, les délais d'exécution des commandes de marchandises en question par les fournisseurs étrangers pouvaient aller jusqu'à plusieurs mois. Aujourd'hui, a-t-il soutenu, les délais de chargement des marchandises en question sont de plusieurs semaines, ce qu'il considère comme un signe de l'existence d'une capacité inutilisée. Il a déclaré en outre que les renseignements qu'il a recueillis auprès de distributeurs européens indiquaient que ceux-ci sont en train de constater l'existence d'une énorme capacité excédentaire en Asie du Sud-Est.

Il est significatif que M. Wilkinson n'a pas contesté l'affirmation de Desmarais selon laquelle les délais d'exécution avaient diminué en Asie. En fait, les éléments de preuve qu'il a présentés tendaient à corroborer la prétention de Desmarais. M. Wilkinson a fait remarquer que la réduction des délais d'exécution était une chose normale pendant une récession. Il a déclaré qu'il avait beaucoup voyagé en Asie du Sud-Est, et qu'il avait constaté que les sociétés de cette région qui fabriquent des produits de type nord-américain comme les albums photos, avaient tendance à se doter d'une capacité leur permettant de satisfaire le marché des États-Unis. Il a ajouté que son expérience personnelle l'avait conduit à conclure que les fabricants asiatiques sont très solides.

Pour ce qui est des importations en provenance des autres pays visés, le Tribunal remarque que les conclusions de préjudice de 1988 ont entraîné une baisse importante des importations par rapport à leur niveau de 1987. Les importations totales des marchandises en question ont diminué de plus de 90 p. 100 en 1988 par rapport au niveau auquel elles se trouvaient pendant les neuf premiers mois de 1987, et sont restées à ce niveau réduit, ou sont tombées au-dessous de celui-ci, pendant toute l'année 1991. Il est estimé qu'en 1992, le total des importations en provenance des huit pays visés aura plus que doublé par rapport à son niveau de 1991.

Bien que tous les pays visés n'aient pas augmenté leurs exportations vers le Canada pendant la période faisant l'objet du réexamen, le Tribunal constate que les renseignements fournis par Revenu Canada semblent indiquer que les exportations des fabricants de Chine augmenteront de façon assez importante en 1992 par rapport aux niveaux antérieurs. L'avocat de Climax a fait remarquer au Tribunal que Revenu Canada avait partiellement fondé ses prévisions relatives aux importations de marchandises en question en 1992 sur les données sur l'exécution de 1991, et que l'utilisation des données sur l'exécution de 1990 donnerait lieu à des estimations beaucoup plus basses pour 1992. Quoique le Tribunal suppose que Revenu Canada n'a utilisé que les données les plus récentes disponibles pour établir ses prévisions, il accepte l'observation de l'avocat sur ce point. Cependant, le Tribunal remarque que, quelle que soit la méthode utilisée, la conclusion sera semblable. Revenu Canada avait prévu que les importations depuis la Chine quintupleraient en 1992, mais selon la méthode proposée par l'avocat, les importations tripleraient.

Tel qu'il a été indiqué plus haut, la Corée et Hong Kong font l'objet de conclusions de préjudice aux États-Unis relativement aux albums photos et aux feuilles de rechange de tous genres. De même, des conclusions de préjudice sont en vigueur au Canada depuis un certain temps relativement aux albums photos à feuilles auto-adhésives importés de fournisseurs de six des huit pays visés par le présent réexamen, en l'occurrence la Corée, Hong Kong, la Chine, Singapour, la Malaisie et Taiwan. De plus, des conclusions de préjudice ont été rendues récemment, en janvier 1991, relativement aux albums photos à feuilles auto-adhésives importés au Canada depuis l'Indonésie, la Thaïlande et les Philippines. Ces trois pays n'avaient pas été, auparavant, des exportateurs notables d'albums photos à feuilles auto-adhésives au Canada, et ne sont pas des pays visés par le présent réexamen des albums photos à pochettes. À cet égard, le Tribunal remarque que l'Indonésie, la Thaïlande et les Philippines ont récemment fait leur apparition comme fournisseurs d'albums photos à pochettes sur le marché canadien. Alors que les Philippines et, dans une mesure moindre, l'Indonésie, ont toutes deux fait des percées notables sur le marché canadien des marchandises en question pendant la période allant de 1990 à 1992, la Thaïlande s'est montrée plus hésitante. En plus des importations depuis les États-Unis, les importations en provenance de ces trois pays ont augmenté le volume et la concurrence dans les prix relativement aux marchandises en question sur le marché canadien.

M. Garry L. Bilton, Directeur de produit chez Black, a témoigné au sujet de la situation des albums photos sur le marché canadien et, en particulier, quant aux principaux facteurs pris en considération par Black dans ses décisions d'approvisionnement en albums photos. M. Bilton a déclaré que la qualité et le prix étaient des facteurs primordiaux, et que la qualité était particulièrement importante pour Black parce qu'une bonne partie des produits vendus par cette société porte son nom. Cependant, M. Bilton a concédé que toutes choses étant égales d'ailleurs, une différence de prix relativement minime pouvait orienter la décision d'achat vers le produit le moins cher. La «sensibilité aux prix» des décisions d'achat d'albums photos avait été invoquée par M. André Deschamps en rapport avec la concentration des décisions d'achats dans les mains de très peu de marchandiseurs au Canada. Cette sensibilité aux prix a également été confirmée par M. Cheung dans son témoignage.

Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que les fabricants d'albums photos à pochettes dans les pays visés reviendront rapidement sur le marché canadien soit de leur propre volonté, soit à la demande des importateurs canadiens, si les conclusions sont annulées. Le degré de pénétration du marché canadien atteint dans le passé par les importations en provenance de ces pays donne une indication des volumes qui pourraient être dirigés vers le marché canadien. En effet, les éléments de preuve ont montré que la production d'albums photos par un seul fabricant (Climax), dans une de ses usines seulement, avait fait de lui l'un des plus grands fabricants d'albums photos au monde. Le Tribunal conclut donc qu'en l'absence d'une prorogation des conclusions, les importations de marchandises en question en provenance des pays visés augmenteront sensiblement, selon toute probabilité, pour s'approcher du niveau record atteint en 1987 et qui avait donné lieu à la plainte de Desmarais. Enfin, une certaine propension à sous-évaluer les produits est aussi prouvée par les conclusions de préjudice actuellement en vigueur aux États-Unis contre les importations d'albums photos de tous genres en provenance de Taiwan et de Hong Kong, et par les conclusions de préjudice actuellement en vigueur au Canada contre les importations d'albums photos à feuilles auto-adhésives depuis Hong Kong, Taiwan, la Corée, la Chine, Singapour et la Malaisie. De plus, une enquête faite par la Communauté économique européenne en 1990 sur des importations d'albums photos de tous genres en provenance de la Corée et de Hong Kong a abouti à la prise d'un engagement en matière de prix par ces deux pays. Compte tenu de l'existence d'une surcapacité de production pour les albums photos en général, de l'orientation vers l'exportation de la plus grande partie de cette capacité de production, et des pressions sur les prix déjà exercées sur le marché canadien des albums photos à pochettes, le Tribunal considère qu'il est probable que les importations d'albums photos à pochettes en provenance des pays visés soient sous-évaluées.

PROBABILITÉ DE PRÉJUDICE SENSIBLE

Au cours de l'audience, l'avocat de Climax a fait remarquer qu'il ressortait des éléments de preuve produits par Desmarais et des réponses de celle-ci au questionnaire que Desmarais avait une usine des plus modernes, et qu'elle disposait de techniques qui lui ont permis d'obtenir des coûts de production peu élevés. L'avocat a estimé que ces éléments de preuve appuyaient son opinion selon laquelle Desmarais est mieux placée aujourd'hui pour soutenir la concurrence internationale sur le marché canadien qu'elle ne l'était au moment de l'enquête de 1987.

Il ne fait pas de doute que Desmarais a tiré profit de la protection assurée par les conclusions pour faire des investissements considérables en matière de technologies, de formation ainsi que de recherche et de développement. Néanmoins, quoique le Tribunal a tendance à être d'accord que Desmarais est plus compétitive aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a quelques années, il est convaincu que le préjudice sensible sera susceptible de se reproduire si les conclusions sont annulées et si le dumping reprend.

Lors de l'examen de la question de savoir si le préjudice sensible se reproduirait, toutes les circonstances entourant l'état du marché national des albums photos à pochettes ont été prises en considération. L'efficacité accrue de l'activité de Desmarais n'exclut pas en elle-même la possibilité de la reprise d'un préjudice sensible. Il ressort des éléments de preuve que les marchandises en question sont très sensibles aux prix et que l'utilisation de la capacité de production est un facteur important pour la santé financière de l'activité de Desmarais. Ces deux facteurs à eux seuls laisseraient supposer qu'il ne serait pas nécessaire que le dumping reprenne sur une très grande échelle pour qu'il porte un préjudice sensible à cette société. Les éléments de preuve produits tout au long de l'audience ont tendu à montrer la sensibilité de la position bénéficiaire de Desmarais à ce qui peut être considéré comme des baisses relativement minimes des prix ou des volumes des ventes dans les autres industries.

Desmarais subit déjà une pression considérable au niveaux des prix de la part des fournisseurs d'albums photos à pochettes des pays non visés qui ont commencé à exporter vers le Canada au cours des dernières années. Les éléments de preuve présentés par Desmarais au sujet des baisses de prix des marchandises en cause n'ont jamais été mis en question ni contredits par l'avocat de la partie adverse. En fait, le témoin de Black a déclaré que les prix des albums photos des fabricants avaient baissé considérablement au cours des dernières années. Les investissements faits par Desmarais ont aidé cette dernière à résister à ces pressions dans les prix, mais ne l'ont pas immédiatement et totalement immunisée contre la concurrence des autres fabricants d'albums photos, tant au Canada que dans les pays non visés tels que les États-Unis.

Il a été noté dans la section intitulée «Indicateurs économiques» que les États-Unis avaient acquis une position solide parmi les exportateurs de marchandises en question au Canada. L'état de santé du secteur de la fabrication d'albums photos aux États-Unis a fait l'objet de beaucoup de discussions pendant l'audience. Alors que le témoin de Desmarais a soutenu que de nombreux grands fabricants d'albums photos américains avaient fermé leurs portes ou s'étaient tournés vers les importations pour satisfaire au moins une partie de leur demande d'albums photos, d'autres témoins ont déposé dans un sens différent. Dans l'ensemble, le Tribunal est convaincu par les éléments de preuve soumis par les témoins de Black, de Climax et de Paget et selon lesquels il existe toujours aux États-Unis une industrie de fabrication des albums photos saine, diversifiée et compétitive, et cela en dépit de plusieurs récentes fermetures d'usines. Quoique l'identité du pays de fabrication de certaines des importations en provenance des États-Unis puisse faire l'objet de discussions, il n'y a pas eu de désaccord entre les parties à l'audience quant au fait que les importations d'albums photos depuis les États-Unis ont joué un rôle important sur le marché canadien et ont ajouté à la diversité des produits offerts aux consommateurs nationaux. En plus de se fournir auprès des États-Unis, les importateurs canadiens d'albums photos à pochettes ont également commencé à s'approvisionner auprès d'autres pays non visés, tels que Singapour, les Philippines et la Thaïlande.

Les éléments de preuve produits à l'audience ont indiqué non seulement l'existence d'une capacité de production totale considérable pour les marchandises en question dans les pays visés, mais également l'existence d'une capacité excédentaire considérable dans ces mêmes pays. Climax seule, qui est l'un des plus grands fabricants mondiaux des marchandises en question, a atteint ce rang avec la production d'une seule de ses trois usines, et en dépit du fait que des installations soient en place dans les trois usines pour produire les marchandises en question. Si ce n'était qu'une petite partie de cette capacité inutilisée qui était réactivée et si sa production était dirigée vers le marché canadien à des prix sous-évalués, il y a beaucoup plus qu'une lointaine possibilité que l'effet en serait sensiblement préjudiciable à la viabilité de Desmarais. La concurrence pour l'obtention d'une part du marché avec les pays visés, les pays non visés et les autres fabricants nationaux tels que Belt et Techmatic donnerait inévitablement lieu à des pressions dans les prix qui ne seraient pas sans conséquence.

Si la reprise du dumping par les pays visés devait se produire, elle aurait selon toute vraisemblance pour effet d'aggraver une situation qui est déjà difficile pour Desmarais. M. Deschamps a déposé des éléments de preuve quant au fait que les marges bénéficiaires brutes de Desmarais ont été réduites par les charges fixes supplémentaires découlant de ses investissements, ainsi que par la baisse des prix et la réduction des volumes des ventes au cours des dernières années. Le Tribunal est convaincu qu'une perte supplémentaire de volume des ventes ou qu'une baisse supplémentaire des prix, ou les deux, auraient des répercussions négatives sur les marges bénéficiaires brutes de Desmarais relatives aux marchandises en question.

Le Tribunal conclut que les mesures positives prises par Desmarais depuis qu'ont été rendues les conclusions de préjudice il y a cinq ans ont déjà commencé à améliorer la position concurrentielle de cette société sur le marché national. Cependant, tous les bénéfices normalement attendus de ces investissements ne se sont pas encore matérialisés en raison du maintien des pressions dans les prix, en particulier de la part des produits importés. Pour toutes les raisons qui précèdent, le Tribunal conclut qu'une reprise du dumping par les pays visés est susceptible de porter un préjudice sensible à la production au Canada d'albums photos à pochettes.

DEMANDE D'EXCLUSION

L'avocat de Climax a demandé que le Tribunal, au cas où il déciderait de proroger les conclusions, exclue de celles-ci les exportations au Canada des marchandises en question fabriquées par Climax.

Cette demande était fondée sur les motifs suivants : Climax n'avait pas exporté les marchandises en question au Canada au cours des trois dernières années et, sauf erreur, n'avait rien exporté pendant toute la période faisant l'objet du réexamen; Climax s'était comportée correctement et devait se voir accorder la possibilité de montrer qu'elle n'a aucun intérêt à faire du dumping sur le marché canadien ni le désir de le faire; et les conclusions ne peuvent être prorogées indéfiniment.

L'avocat de Climax n'a cité aucune décision faisant jurisprudence indiquant qu'un fabricant particulier avait été exclu d'une prorogation de conclusions sur le motif qu'il n'avait pas exporté de marchandises en question au Canada depuis que les conclusions avaient été rendues. Qui plus est, les majorations des prix à l'exportation imposées aux importations au Canada des marchandises en question en provenance de Hong Kong et de la Chine sont respectivement de 175 p. 100 et de 168 p. 100. Il n'est pas étonnant que M. Cheung ait témoigné que l'absence de Climax sur le marché canadien était due à ces droits antidumping. Le Tribunal a remarqué que, quoique Climax ait pu s'être retirée temporairement du marché canadien des marchandises en question, elle a par contre élargi sa présence sur le marché des autres produits qu'elle fabrique. Des éléments de preuve présentés par M. Cheung ont montré que les commandes canadiennes de ces autres produits ont augmenté considérablement pendant la période allant de 1989 à 1992, et qu'elles pourraient augmenter davantage à l'avenir, puisque M. Cheung est maintenant en mesure de consacrer tout son temps et tous ses efforts à l'entreprise canadienne. Avant l'automne de 1991, ses responsabilités couvraient l'hémisphère occidental, y compris les États-Unis et l'Amérique du Sud.

Par conséquent, le fait d'octroyer à Climax une exclusion de la prorogation des conclusions impliquerait que l'absence de cette société sur le marché a dénoté un comportement méritoire, alors qu'elle n'a dénoté rien de plus que son incapacité ou son manque de volonté à faire concurrence sur le marché canadien sous le coup de ces majorations de prix. Cela équivaudrait aussi à ne pas tenir compte du fait que Climax a établi un réseau de nouveaux clients qui, de pair avec les clients déjà approvisionnés par elle avant que soient rendues les conclusions de préjudice, donne à Climax le moyen de fournir une partie plus importante encore du marché canadien des albums photos à pochettes que celle qu'elle détenait antérieurement. En conséquence, le Tribunal conclut qu'il n'a pas été prouvé qu'il y a lieu de traiter Climax différemment des fabricants d'albums photos à pochettes des autres pays visés en l'excluant de la prorogation des conclusions.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en question en provenance des pays visés est susceptible de reprendre si les conclusions sont annulées, et que la reprise du dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada d'albums photos à pochettes. En conséquence, les conclusions sont prorogées sans modification.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires du Japon et de la République de Corée (ADT-4-74), conclusions modifiées le 4 septembre 1990 dans le cadre du réexamen no RR-89-012; Albums de photos à feuilles auto-adhésives originaires ou exportés de Hong Kong et des États-Unis d'Amérique et feuilles auto-adhésives originaires ou exportées de Hong Kong, des États-Unis d'Amérique et de la République de Corée (CIT-18-84), conclusions modifiées le 4 septembre 1990 dans le cadre du réexamen no RR-89-012; Albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) originaires ou exportés de la République populaire de Chine (CIT-10-85), conclusions prorogées le 4 septembre 1990 dans le cadre du réexamen no RR-89-012; Albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et feuilles auto-adhésives originaires ou exportés de Singapour, de la Malaisie et de Taïwan (CIT-5-87), conclusions prorogées le 4 septembre 1990 dans le cadre du réexamen no RR-89-012; et Albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et feuilles auto-adhésives originaires ou exportés d'Indonésie, de Thaïlande et des Philippines (NQ-90-003).

3. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

4. Transcription, le 19 janvier 1993 aux pp. 24 et 25.

5. Albums de photos à feuilles auto-adhésives (importés ensemble ou séparément) et feuilles auto-adhésives originaires ou exportés d'Indonésie, de Thaïlande et des Philippines (NQ-90-003). En plus des conclusions de préjudice sensible, il avait été conclu que le préjudice sensible avait été causé par le fait que les marchandises sous-évaluées représentaient une importation massive au Canada, au sens du sous-alinéa 42(1)b)(ii) de la LMSI.


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Publication initiale : le 26 août 1997