OUTILS DE TRAVAIL OU DE PRÉPARATION DU SOL

Réexamens (article 76)


COEURS POUR LABOURS PROFONDS, COEURS POUR CULTIVATEURS, POINTES RÉVERSIBLES, LAMES RÉVERSIBLES À GROS USAGE, LAMES VRILLÉES RÉVERSIBLES ET SOCS RÉVERSIBLES, CONNUS SOUS LA DÉSIGNATION D'OUTILS DE TRAVAIL OU DE PRÉPARATION DU SOL, MONTÉS SUR DES CHISELS ET DES CULTIVATEURS AGRICOLES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL
Réexamen no : RR-93-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mardi 23 novembre 1993

Réexamen no : RR-93-001

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de probabilité de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 28 décembre 1983, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-83, prorogées sans modification par le Tribunal canadien des importations le 24 novembre 1988, dans le cadre du réexamen no R-9-88, concernant des :

COEURS POUR LABOURS PROFONDS, COEURS POUR CULTIVATEURS, POINTES RÉVERSIBLES, LAMES RÉVERSIBLES À GROS USAGE, LAMES VRILLÉES RÉVERSIBLES ET SOCS RÉVERSIBLES, CONNUS SOUS LA DÉSIGNATION D'OUTILS DE TRAVAIL OU DE PRÉPARATION DU SOL, MONTÉS SUR DES CHISELS ET DES CULTIVATEURS AGRICOLES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DU BRÉSIL

O R D O N N A N C E

Conformément au paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions de probabilité de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 28 décembre 1983, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-83, prorogées sans modification par le Tribunal canadien des importations le 24 novembre 1988, dans le cadre du réexamen no R-9-88.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur, par la présente, proroge sans modification les conclusions susmentionnées.

Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre présidant


Kathleen E. Macmillan
_________________________
Kathleen E. Macmillan
Membre


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de probabilité de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 28 décembre 1983, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-83, prorogées sans modification par le Tribunal canadien des importations le 24 novembre 1988, dans le cadre du réexamen no R-9-88.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 4, 5 et 6 octobre 1993
Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 23 novembre 1993

Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant
Kathleen E. Macmillan, membre
Sidney A. Fraleigh, membre

Directeur de la recherche : Shiu-Yeu Li
Gestionnaire de la recherche : Ken Campbell

Économiste : Simon Glance

Préposé aux statistiques : Robert Larose

Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham

Agent à l'inscription et à
la distribution : Joël Joyal


Participants : Ronald C. Cheng
Robert R.A. Fry
pour Ralph McKay (Canada) Limited

Thomas R. Lederer
S. Margot Blight
Christine McKenna
pour J.I. Case - Usine de Hamilton

(fabricants)
Peter Clark
Chris Hines
John Haime
pour Baldan Implementos Agricolas S/A
Marchesan Implementos e Maquinas Agricolas
«Tatú» S/A

(exportateurs)

Témoins :

Hans Gaastra
Président et Directeur général
Exploitation nord-américaine
Ralph McKay (Canada) Limited

Carl Suchard
Président
Canadian Farm Supply Ltd.

Bill J. Sallas
Gestionnaire des produits
Commercialisation des pièces
J.I. Case
A Tenneco Company

A. Richard Toogood
Gestionnaire - Comptabilité analytique et contrôle des stocks
J.I. Case
A Tenneco Company

Han Steenmeijer (Agr.)
Services à l'exportation
Directeur général
Baldan Implementos Agricolas S/A

José Luiz Alberto Marchesan
Président
Marktill Corporation
Directeur
Division internationale
Marchesan Implementos e Maquinas Agricolas «Tatú» S/A

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen, effectué aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions de probabilité de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 28 décembre 1983, dans le cadre de l'enquête no ADT-11-83, prorogées sans modification par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 24 novembre 1988, dans le cadre du réexamen no R-9-88, au sujet des coeurs pour labours profonds, des coeurs pour cultivateurs, des pointes réversibles, des lames réversibles à gros usage (des dents réversibles pour gros travaux), des lames vrillées réversibles (des dents spiralées réversibles) et des socs réversibles, connus sous la désignation d'outils de travail ou de préparation du sol, montés sur des chisels et des cultivateurs agricoles, originaires ou exportés du Brésil.

Conformément au paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à un réexamen des conclusions et a publié un avis de réexamen le 5 juillet 1993. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 17 juillet 1993.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux fabricants et aux importateurs-exportateurs connus des marchandises en question. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience. De plus, le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions d'origine, l'avis de réexamen, les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience ainsi que la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, alors que les pièces protégées ont été distribuées aux avocats et aux procureurs indépendants seulement. Des séances publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 4, 5 et 6 octobre 1993.

Les sociétés Ralph McKay (Canada) Limited (McKay) et J.I. Case - Usine de Hamilton (Case) fabriquent les marchandises en question. Elles étaient représentées à l'audience par des avocats, ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

Les sociétés Baldan Implementos Agricolas S/A (Baldan) et Marchesan Implementos e Maquinas Agricolas «Tatú» S/A (Marchesan), deux exportatrices brésiliennes, étaient représentées à l'audience par des procureurs, ont produit des éléments de preuve et ont plaidé en faveur de l'annulation des conclusions.

M. C. Suchard, président de la société Canadian Farm Supply Ltd. (Canadian Farm), une distributrice des marchandises en question, a comparu en tant que témoin à l'invitation du Tribunal.

PRODUIT

Les marchandises en question faisant l'objet du présent réexamen sont des coeurs pour labours profonds, des coeurs pour cultivateurs, des pointes réversibles, des lames réversibles à gros usage (des dents réversibles pour gros travaux), des lames vrillées réversibles (des dents spiralées réversibles) et des socs réversibles, connus sous la désignation d'outils de travail ou de préparation du sol, montés sur des chisels et des cultivateurs agricoles, originaires ou exportés du Brésil.

Les outils de travail du sol sont largement utilisés dans les régions en culture sèche des prairies d'Amérique du Nord et en Australie; il existe également un petit marché pour ces outils en Ontario, au Québec, dans les Maritimes et dans la région intérieure de la Colombie-Britannique. Ces outils sont en acier au carbone trempé de haute qualité et sont offerts dans une gamme variée de modèles qui se distinguent par leur taille, la longueur et l'angle du bras, les dimensions des boulons et l'emplacement des trous de boulons. La durée de vie utile varie selon la nature et l'humidité du sol, ainsi que selon la vitesse à laquelle le chisel ou le cultivateur agricole est utilisé.

Les coeurs pour labours profonds, les dents réversibles pour gros travaux, les dents spiralées réversibles et les socs réversibles sont destinés à être montés sur des chisels. Ils sont alors utilisés pour les labours profonds afin de fractionner le sol. Ce sont des outils primaires de travail du sol conçus pour déchaumer.

Les coeurs pour cultivateurs et les pointes réversibles sont conçus pour être montés sur des cultivateurs agricoles. Ils servent alors à ouvrir les sillons pour les semences. Le cultivateur agricole, qui est un instrument beaucoup plus léger que le chisel, retourne le sol et coupe les mauvaises herbes à la racine sans grand déplacement.

Les outils de travail ou de préparation du sol sont fabriqués à partir d'acier au carbone de haute qualité acheté en bobines qui passent dans un dérouleur. Les feuilles d'acier sont ensuite coupées en pièces plus petites qui sont poinçonnées pour leur donner la forme appropriée, puis chauffées et matricées avant le formage final. Les pièces sont ensuite trempées, peintes et emballées en vue de leur expédition.

INDUSTRIE NATIONALE

La société McKay, de Regina (Saskatchewan), la principale productrice canadienne d'outils de travail du sol, a été fondée en 1975 par Ralph McKay Limited d'Australie. En 1985, la société mère s'est portée acquéreur d'Empire Plow Company (Empire) de Cleveland (Ohio). MacKay a par la suite acheté 51 p. 100 des actions d'Empire à la société mère.

La société McKay vend des outils de travail du sol principalement dans l'Ouest canadien et dans le Midwest américain. Les ventes se font soit directement au constructeur de matériel ou par l'entremise de distributeurs qui desservent le marché des pièces de rechange par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires. L'entreprise fabrique aussi des disques et des composants destinés aux machines agricoles.

Au début de 1985, la société J.I. Case de Racine (Wisconsin) s'est portée acquéreur de l'International Harvester (IH) et de son usine de fabrication d'outils de travail du sol située à Hamilton (Ontario). Case est une filiale en propriété exclusive de Tenneco Inc. de Houston (Texas). L'usine de Case est une unité de production à intégration verticale qui fabrique des outils de travail du sol ainsi que du matériel agricole comme des semoirs, des herses et des cultivateurs. Environ 80 p. 100 de sa production est exportée. Au Canada, l'entreprise commercialise les outils en question exclusivement par l'intermédiaire des concessionnaires Case-IH.

F.P. Bourgault Tillage Tools Ltd. (Bourgault), une société fermée disposant d'usines de fabrication à St. Brieux (Saskatchewan), a commencé à produire les marchandises en question en 1989. La société a été formée à partir de Cultivator Division of Bourgault Industries, une entreprise qui fabrique du matériel agricole depuis 1972. Bourgault vend ses produits à des concessionnaires dans les Prairies et dans le nord des États-Unis. L'entreprise approvisionne aussi sa société mère en outils de travail du sol destinés à être montés sur le matériel d'origine.

Le plus petit des trois producteurs canadiens au moment du réexamen de 1988, la Société L.S. Edwards Inc. (Edwards), de Lethbridge (Alberta), était une filiale en propriété exclusive de L.S. Laser Systems Ltd. (Laser), de Calgary (Alberta). Laser était une société ouverte dont les actions sont cotées à la bourse de l'Alberta. Avant mars 1988, Edwards était connue sous le nom d'Edwards Rod Weeder Ltd. L'entreprise, y compris la société mère, a mis un terme à ses activités au début de 1990.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1983 ET DES CONCLUSIONS DE RÉEXAMEN DE 1988

Dans ses conclusions du 28 décembre 1983, le Tribunal antidumping a examiné le marché canadien des outils de travail du sol au cours de la période allant de 1980 au milieu de 1983. Il a observé qu'en 1980, les ventes de McKay représentaient environ la moitié des ventes de produits fabriqués au Canada, cette société ayant également réussi à exporter une partie appréciable de sa production aux États-Unis. En 1981, McKay a connu une autre bonne année grâce aux gains considérables réalisés par l'entreprise au niveau des ventes au Canada et de son rendement financier. Le volume des ventes et la part du marché de McKay se sont accrus cette année-là, les gains sur le plan des parts du marché étant réalisés aux dépens des importations en provenance des États-Unis.

Bien que le marché canadien des outils de travail du sol ait connu une diminution de 18 p. 100 en 1982, McKay a, une fois de plus, obtenu de bons résultats. Le Tribunal antidumping a fait remarquer qu'en dépit de la contraction du marché, McKay avait presque égalé le volume élevé de ventes réalisées en 1981 et avait accru sensiblement sa part du marché, une fois de plus aux dépens des importations en provenance des États-Unis.

En 1983, les importations brésiliennes sont apparues en grandes quantités sur le marché des Prairies. Dans ses conclusions, le Tribunal antidumping a fait l'observation suivante : «Même s'il s'agissait d'un produit nouveau pour le marché canadien et qu'il n'y avait pas d'indices de sa performance satisfaisante dans l'agriculture canadienne, les outils de travail du sol brésiliens ont pénétré le marché canadien dans une proportion d'environ 8 pour cent au cours de leur première saison - soit de loin un gain mineur. Leur succès était principalement attribuable à leurs bas prix, qui ont été rendus possibles grâce à une marge de dumping substantielle [2] ». Toutefois, malgré l'incursion brésilienne, le Tribunal antidumping a affirmé que McKay a pu améliorer davantage son rendement (en raison notamment d'une commande importante passée en un seul bloc) et il n'a donc pas été convaincu que le dumping avait causé un préjudice sensible à la production canadienne.

En ce qui a trait à la probabilité que la poursuite du dumping de produits originaires du Brésil cause un préjudice sensible, la majorité des membres du Tribunal était convaincue qu'un tel préjudice était vraisemblable et a conclu que : «En résumé, grâce à l'avantage compétitif que leur confèrent les prix inférieurs permis par le dumping, les importations brésiliennes pourront probablement se substituer davantage aux produits de McKay sur le marché des vendeurs agricoles et prendre la place des produits de McKay sur le marché des fabricants de matériel d'origine, sans compter qu'elles risquent d'empêcher McKay d'évincer les importations américaines [3] ».

Dans les conclusions de son réexamen du 24 novembre 1988, le TCI a souligné le parallèle frappant entre les facteurs du marché qui ont conduit la majorité des membres du Tribunal antidumping à conclure à une probabilité de préjudice en 1983 et les facteurs du marché que le TCI a examiné au cours du réexamen. Le TCI a fait valoir que McKay, la partie plaignante de l'enquête d'origine, avait continué d'obtenir de bons résultats depuis 1983. Ses résultats financiers avaient été satisfaisants, l'entreprise avait fait de modestes gains au regard de la part du marché et avait augmenté sa productivité. Les éléments de preuve ont aussi montré que 1988 serait une autre bonne année pour McKay.

Le dumping pratiqué par Marchesan, la seule société exportatrice brésilienne au moment de l'enquête d'origine, avait été négligeable depuis les conclusions de préjudice et l'entreprise avait pu continuer de soutenir la concurrence sur le marché canadien sans avoir recours au dumping. Toutefois, un nouveau fournisseur brésilien sur la scène canadienne, Baldan, avait commencé à faire d'importantes livraisons sur le marché national en 1987. Le TCI était d'avis que Baldan avait clairement révélé une propension à recourir au dumping et que cette entreprise s'était rapidement implantée sur le marché canadien grâce à des prix avantageux et qu'elle pourrait continuer à élargir son assise si elle n'était plus assujettie à des mesures antidumping.

POSITION DES PARTIES

Industrie

Les avocats de McKay ont insisté sur la vulnérabilité des producteurs canadiens face à la réduction inévitable des prix canadiens des outils de travail du sol si les conclusions sont annulées. Les avocats ont soutenu que les marchandises en question sont des produits d'utilisation courante et qu'une marque peut facilement être remplacée par une autre. Il s'agit de marchandises à bas prix dont la vente est largement tributaire du prix, particulièrement au regard de la conjoncture actuelle. De plus, la production des marchandises visées exige d'importants investissements en capitaux; il faut donc en produire de grands volumes pour assurer la survie de l'industrie.

Il a été souligné que McKay avait de nouveaux propriétaires depuis 14 mois seulement et qu'elle avait, au cours de cette période, obtenu des résultats financiers satisfaisants, principalement en raison des améliorations au niveau des coûts. Les avocats ont toutefois soutenu qu'il était peu probable que la société réussisse à réduire davantage ses coûts. Les avocats ont aussi fait valoir que toutes les entreprises présentes sur le marché canadien se livrent une concurrence au niveau des prix et ce, dans un marché très fortement rétréci. De plus, les marchés dans le monde entier se sont contractés, ce qui a entraîné une surcapacité de production.

Quant à la probabilité d'une reprise du dumping par les exportateurs brésiliens, les avocats ont soutenu que la stratégie et le raisonnement utilisés par les exportateurs pour déterminer les prix assurent une reprise du dumping advenant une annulation des conclusions. De plus, les avocats ont souligné les conclusions antidumping rendues récemment en Australie, qui ont établi que ces mêmes exportateurs brésiliens pratiquaient le dumping selon des marges importantes sur ce marché. De l'avis des avocats, le fait que Marchesan ait commencé à produire les marchandises en question aux États-Unis en 1990 constituait une tentative délibérée d'échapper aux contraintes des règlements antidumping sur ses exportations à destination du Canada et de l'Australie. En outre, les avocats estiment que les prix demandés par les exportateurs brésiliens sur le marché américain montrent clairement la probabilité d'une reprise du dumping au Canada.

En dernier lieu, les avocats ont soutenu qu'il serait prématuré d'annuler les conclusions. L'industrie nationale est dans une situation financière incertaine et les programmes de rationalisation des sociétés McKay et Case sont trop récents pour qu'il soit possible d'en déterminer l'incidence sur le rendement financier de celles-ci.

Les avocats de Case ont demandé la prorogation des conclusions parce que le marché national est particulièrement vulnérable à une concurrence par les prix déloyale en ce moment. Le marché canadien s'est resserré en raison de la consolidation des opérations agricoles et de la baisse de l'utilisation de matériel qui s'en est suivie, des conséquences de la récession sur l'agriculture et de l'adoption de nouvelles méthodes de travail du sol qui ont réduit les activités de travail du sol. Cette chute de la demande a, de l'avis des avocats, créé un marché fragile et tributaire des prix.

Les avocats ont soutenu que Case est à la croisée des chemins et qu'elle subira un préjudice sensible si les droits de douane sont éliminés. La société a entrepris un programme complet de rationalisation de son entreprise de pièces; elle prévoit faire ses frais en 1994 et réaliser un profit en 1995. D'ici à ce que le resserrement du marché se stabilise et que le programme de rationalisation soit terminé, même une légère diminution des prix pourrait nuire à la capacité concurrentielle de l'entreprise.

Les avocats ont fait valoir que les exportateurs brésiliens ont montré une tendance à pratiquer le dumping, comme en témoignent leurs antécédents et leur approche philosophique en matière de fixation de prix. Cela, ont-ils allégué, a été confirmé par les conclusions rendues par les prédécesseurs du Tribunal en 1983 et en 1988, ainsi que par le dumping récent en Australie. De plus, ces antécédents en matière de dumping ont été mis en évidence par les bas prix brésiliens sur le marché américain, bas prix qui pourraient être pratiqués au Canada en l'absence de conclusions de préjudice. De plus, selon les avocats, le fait que les exportations brésiliennes connaissent une diminution et qu'il y ait absence de dumping sur le marché canadien n'est pas garant des activités futures. Sans les droits antidumping, Marktill Corporation (Marktill) ne serait plus tenue d'approvisionner le marché canadien à partir de sa production américaine et serait libre de s'approvisionner de nouveau au Brésil.

Exportateurs

Les procureurs des sociétés Marchesan et Baldan ont pressé le Tribunal d'annuler les conclusions en soulignant qu'il n'a jamais été établi que l'industrie nationale avait subi un préjudice sensible attribuable aux importations sous-évaluées. Marchesan et Baldan ont montré qu'elles sont en mesure de soutenir la concurrence sur le marché canadien sans recourir au dumping et que, en fait, il n'y pas eu dumping depuis 1989. Les exportateurs brésiliens vendent à profit au Canada et, en dépit du fait qu'ils pourraient augmenter le volume de leurs ventes en diminuant les prix, ils ont choisi de ne pas le faire.

Quant au comportement éventuel des sociétés Marchesan et Baldan, les procureurs ont fait valoir que ces sociétés ont été surveillées de près par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) et le Tribunal pendant plusieurs années et qu'il est peu probable qu'elles courent le risque de s'exposer de nouveau au processus. L'établissement de la valeur normale par Revenu Canada est un processus que les exportateurs ont caractérisé de fastidieux, qui a occasionné des retards dans les livraisons et entraîné des coûts additionnels.

En dernier lieu, les procureurs ont soutenu que la société McKay avait eu beau jeu au cours des 10 dernières années et qu'elle se tire très bien d'affaire sur le marché national. Ils ont aussi prétendu que les renseignements fournis relativement aux ventes et aux résultats financiers de Case étaient insuffisants pour permettre au Tribunal de rendre une décision judicieuse.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le marché intérieur des outils de travail du sol a connu des changements importants au cours de la dernière décennie. La tendance vers une culture minimale, l'augmentation de l'utilisation de produits chimiques et les effets de la récession sur les agriculteurs ont tous entraîné une chute de la demande des marchandises en question. D'un sommet de 3,5 millions d'unités en 1986, le marché est tombé à environ 2,0 millions d'unités en 1992, soit une baisse supérieure à 35 p. 100. Pendant la période visée par le deuxième réexamen, soit de 1988 au milieu de 1993, le secteur a connu des diminutions marquées en 1989, en 1991 et au cours de la première moitié de 1993.

Dans ce marché en baisse, la part du marché de l'industrie a atteint un sommet en 1988 pour retrouver les niveaux habituels d'environ 70 p. 100 du marché entre 1989 et 1992. Au cours de la première moitié de 1993, l'industrie a repris plusieurs points de pourcentage de la part du marché aux dépens des exportations américaines, mais les ventes ont continué de chuter. De même, les ventes à l'exportation des sociétés McKay et Case, quoique plus instables que les ventes intérieures, ont aussi manifesté récemment une tendance à la baisse.

Pratiquement tous les outils de travail du sol importés au Canada pendant la période visée provenaient du Brésil et des États-Unis. Le sommet des importations s'élevait à environ 800 000 unités en 1990 et celles-ci occupaient près de 30 p. 100 du marché. Bien que l'ensemble des importations aient diminué quelque peu au cours de la période 1991-1992, la part du marché s'est maintenue au niveau de 1990. Toutefois, au cours des six premiers mois de 1993, les importations ont chuté d'environ 50 p. 100 par rapport à la période correspondante de 1992 en raison d'une diminution des importations en provenance des États-Unis, ce qui a coïncidé avec une dépréciation du dollar canadien. Pendant la période vis?E9‚e, la source d'approvisionnement s'est déplacée du Brésil vers les États-Unis, ce qui a entraîné un déplacement correspondant de la part du marché. La part du marché des produits brésiliens, qui se situait aux environs de 10 p. 100 entre 1988 et 1990, a chuté de façon marquée au cours des périodes subséquentes, passant à moins de 5 p. 100. Les importations brésiliennes ont en grande partie été remplacées par des marchandises américaines qui ont accru régulièrement leur part du marché jusqu'en 1993, pour atteindre près de 30 p. 100 en 1991-1992.

Dans ce marché national plus restreint, les sociétés McKay et Case ont toutes deux enregistré des pertes financières importantes au niveau des ventes des marchandises en question pendant une bonne partie de la période visée par le réexamen, en dépit du fait que McKay soit redevenue rentable au cours de la première moitié de 1993. De plus, les niveaux d'emplois et les dépenses d'investissement au regard des marchandises en question ont diminué régulièrement tandis que la sous-utilisation des capacités de production s'est accrue pour les deux producteurs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le Tribunal utilise habituellement deux critères pour déterminer si des conclusions doivent être prorogées. Il doit d'abord être convaincu de la probabilité de la reprise du dumping pratiqué par le Brésil si les conclusions sont annulées. En deuxième lieu, le Tribunal doit être en mesure de conclure que la reprise du dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à l'industrie canadienne. Le Tribunal est d'avis que, dans le cadre d'un deuxième réexamen de conclusions en vigueur depuis près de 10 ans, un fardeau, de toute évidence très lourd, est placé sur l'industrie canadienne qui doit démontrer que ces critères sont satisfaits.

Les éléments de preuve produits dans le cadre du présent réexamen montrent que le contexte du marché au Canada a sensiblement évolué depuis 1988. La demande des outils de travail du sol a connu une diminution abrupte de plus de 30 p. 100 au cours des dernières années. La tendance vers une culture minimale, l'utilisation accrue de produits chimiques aux fins de lutte contre les mauvaises herbes et la récession qui persiste ont entraîné une chute de la demande des marchandises en question. Par ailleurs, les éléments de preuve ont révélé que le marché se contractera encore plus, du moins à court terme, et ce, dans une proportion pouvant atteindre 10 p. 100.

Selon les éléments de preuve fournis, ces conditions ne sont pas uniques au Canada, mais s'appliquent aussi aux États-Unis et à l'Australie, les deux autres marchés importants pour les marchandises en question. Par conséquent, les producteurs d'outils de travail du sol sont en concurrence dans un marché international qui ne cesse de se rétrécir.

L'industrie nationale a aussi connu un autre changement quant à sa composition avec l'arrivée de Bourgault, une société dont le siège social se trouve en Saskatchewan, qui a commencé à produire les marchandises en question en 1989. La production de Bourgault a connu des augmentations annuelles importantes ce qui a, sans aucun doute, eu pour conséquence d'accroître la concurrence sur le marché et d'influer sur les ventes des autres producteurs. Parallèlement, Edwards, la plus petite productrice au moment du réexamen de 1988, a cessé de fabriquer les marchandises en question au début de 1990. De plus, McKay a récemment changé de propriétaire en raison de la fin des activités de sa société mère australienne.

C'est dans ce contexte de débouchés commerciaux de moins en moins nombreux que le Tribunal examine la probabilité d'une reprise du dumping si les conclusions sont annulées. Essentiellement, le Tribunal doit tenir compte du comportement probable des exportateurs brésiliens dans l'établissement des prix dans un marché canadien en perte de vitesse. Il est donc prudent et raisonnable d'évaluer les actions passées. Selon le Tribunal, les antécédents des exportateurs brésiliens en matière de dumping, de commercialisation et de politique des prix permettent de conclure que la menace d'une reprise du dumping est probable.

Les éléments de preuve montrent qu'aussi récemment qu'en 1991, les mêmes exportateurs brésiliens, qui pratiquaient le dumping au Canada en 1983 et en 1988, vendaient également les marchandises en question en Australie à des prix sous-évalués. De l'avis du Tribunal, les conclusions de l'Australie sont importantes pour deux raisons : en premier lieu et, de toute évidence, parce qu'elles indiquent une tendance à pratiquer le dumping de la part des exportateurs brésiliens et, deuxièmement, parce qu'elle limite l'accès au marché australien qui compte pour une part importante des ventes mondiales des marchandises en question. Les témoins des exportateurs ont fait valoir qu' à la suite des conclusions, la gamme des marchandises vendues à l'Australie a changé, les prix ont augmenté et les quantités ont diminué. Sans un accès libre au marché australien, le marché canadien devient plus intéressant pour les exportateurs brésiliens.

En se penchant sur la situation aux États-Unis, le Tribunal constate qu'en 1986 la société Marktill, une entreprise américaine qui appartient à un membre de la famille Marchesan, a acquis Ingersoll Products Corp. (Ingersoll), la plus importante productrice américaine de disques pour outils de travail du sol. Cette acquisition s'est faite au cours de l'année qui a suivi l'imposition par les États-Unis de droits compensateurs sur les disques (outils de travail du sol de forme ronde avec tranchants ordinaires ou dentelés) originaires du Brésil. L'entente commerciale permettait à Marktill de servir le marché américain et, à la suite de l'enquête antidumping australienne de 1990, d'approvisionner le marché australien à partir de son usine américaine.

En 1990, Marktill a commencé à fabriquer les outils de travail du sol en question à son usine d'Ingersoll. Peu après, Marchesan a cessé d'exporter ses produits du Brésil vers le Canada. Les éléments de preuve ont montré que la grande majorité des outils de travail du sol en question produits à l'usine d'Ingersoll sont destinés au marché canadien. Toutefois, bien que Marktill dispose d'installations de production aux États-Unis, cette société continue d'approvisionner le marché américain principalement à partir du Brésil.

Cet arrangement laisse entendre au Tribunal que si les conclusions sont annulées, Marktill sera en mesure de s'approvisionner au Brésil si les prix justifient un tel transfert. De toute évidence, les prix des produits de Marchesan sont intéressants puisque Marktill continue d'acheter du Brésil la très grande majorité des outils de travail du sol destinés au marché américain, marché non régi par des restrictions commerciales sur les importations des outils de travail du sol en question.

Afin de déterminer si les importations en cause sont susceptibles d'entrer au Canada à des prix sous-évalués advenant l'annulation des conclusions, le Tribunal a examiné l'établissement des prix brésiliens sur le marché américain. Plus précisément, il a tenté de comparer les prix américains aux valeurs normales des ventes au Canada. Malheureusement, les éléments de preuve soumis par les parties concernant l'établissement des prix ont permis de faire peu de comparaisons précises entre modèles similaires vendus à des niveaux de circuits de distribution identiques au cours de la même période. De plus, le Tribunal ne disposait que des modèles pour lesquels les exportateurs brésiliens avaient établi des valeurs normales pour le marché canadien. Selon les renseignements mis à la disposition du Tribunal, un certain nombre de ventes ont été réalisées sur le marché américain à des prix supérieurs aux valeurs normales canadiennes. Dans le cas de certains articles de grande vente, toutefois, les prix des produits brésiliens sur le marché américain semblaient être inférieurs aux valeurs normales canadiennes établies pour des articles identiques ou similaires. Le fait que les mêmes exportateurs soient prêts à vendre à de tels prix sur le marché américain, marché qui ressemble beaucoup à celui du Canada, laisse également entendre au Tribunal qu'en l'absence de conclusions de préjudice, et dans un contexte de débouchés moins nombreux, les exportateurs brésiliens seraient disposés à pratiquer le dumping au Canada pour maintenir ou accroître leur part du marché.

Les éléments de preuve soumis par Baldan et, dans une moindre mesure par Marchesan, montrent que les ventes brésiliennes aux seuls autres marchés d'importance pour les marchandises en question, soit les États-Unis et l'Australie, ont diminué de façon marquée au cours des dernières années. Comme au Canada, la demande dans ces deux marchés devrait chuter encore plus au cours des prochaines années, ce qui aggravera les problèmes actuels de surcapacité de production et qui, sans doute, se traduira par une concurrence encore plus vive au niveau des prix.

Compte tenu de la situation du marché, le Tribunal est d'avis qu'une annulation des conclusions entraînerait une reprise du dumping, intentionnelle ou non, qui exercera une nouvelle pression à la baisse sur les prix intérieurs très compétitifs. Marktill a fait savoir qu'elle souhaitait pouvoir acheter au Brésil au moins une partie des marchandises destinées au Canada. Baldan, en dépit d'une demande fortement réduite, est toujours restée présente sur le marché au cours des dernières années et, en 1993, a fourni les marchandises en question à un nouveau client canadien. De plus, le président de la société Canadian Farm, une importante distributrice canadienne, a fait savoir que son entreprise s'adresserait de nouveau au Brésil pour combler au moins une partie de ses besoins d'outils de travail du sol si les conclusions étaient annulées.

Le Tribunal est convaincu que si les conclusions sont annulées, une reprise du dumping causerait un préjudice sensible à l'industrie nationale. Comme il a déjà été souligné, le marché national a connu une diminution de plus de 30 p. 100 depuis le dernier réexamen en 1988 et il devrait connaître une autre baisse de 10 p. 100 au cours des deux prochaines années. Ces conditions difficiles ont permis de limiter les augmentations de prix de l'industrie canadienne et sont à l'origine des piètres résultats financiers de McKay et de Case pendant une bonne partie de la période visée. Les ventes de ces deux sociétés ont également été restreintes à leur principal marché d'exportation, les États-Unis, où la demande et les niveaux de prix ont aussi fléchi.

En raison du nombre limité de débouchés, l'industrie nationale a connu une augmentation de la surcapacité de production et une forte diminution des niveaux d'emplois. Bien que l'industrie ait réussi à reprendre une part du marché en 1993, les ventes ont continué de régresser.

Bien que les conditions du marché aient placé les sociétés McKay et Case dans une situation difficile au niveau des coûts et des prix, les éléments de preuve montrent que les deux entreprises ont récemment pris des mesures pour assurer leur viabilité sur le marché canadien. En 1992, McKay a changé de propriétaire et, par suite de l'adoption de mesures visant à réduire les coûts, l'entreprise est redevenue rentable pour ce qui est de la vente des marchandises en question au cours de la première moitié de 1993. Pendant cette période, McKay a aussi entrepris de fabriquer à Régina (Saskatchewan) les outils de travail du sol qui étaient produits par la société Empire de Cleveland (Ohio). Ce regroupement devrait permettre à McKay d'améliorer l'utilisation de sa capacité et l'efficacité de sa production à Regina (Saskatchewan).

De même, Case a mis en oeuvre un vaste programme de rationalisation à son usine de Hamilton (Ontario) dans le but de réduire les coûts fixes, d'améliorer les processus de production et de mettre au point de nouveaux produits. La mise en oeuvre de ce programme devrait permettre à l'entreprise d'atteindre le seuil de rentabilité au regard de la vente d'outils de travail du sol en 1994 et de réaliser un profit en 1995. Tout comme McKay, Case soutient qu'il est impossible, pour le moment, de réduire davantage les coûts.

De l'avis du Tribunal, toute reprise du dumping dans la conjoncture du marché déprimé et dans le contexte économique actuels empêchera l'industrie de mettre en oeuvre des programmes destinés à améliorer sa position concurrentielle au cours des années à venir. C'est pourquoi le Tribunal estime qu'il convient de proroger les conclusions.

CONCLUSION

Le Tribunal conclut que la production canadienne d'outils de travail du sol est susceptible de subir un préjudice sensible en raison de la reprise du dumping qui pourrait survenir si les conclusions sont annulées. En conséquence, les conclusions sont prorogées sans modification.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Coeurs pour labours profonds, coeurs pour cultivateurs, pointes réversibles, lames réversibles à gros usage, lames vrillées réversibles et socs réversibles, connus sous la désignation d'outils de travail ou de préparation du sol montés sur des chisels et des cultivateurs agricoles, originaires ou exportés du Brésil, Tribunal anti-dumping, enquête no ADT-11-83, le 28 décembre 1983 à la p. 10.

3. Ibid. à la p. 12.


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Publication initiale : le 26 août 1997