ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES ET FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES

Réexamens


ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES, IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT, ET LES FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE HONG KONG, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE SINGAPOUR, DE LA MALAISIE, DE TAIWAN, DE L’INDONÉSIE, DE LA THAÏLANDE ET DES PHILIPPINES
Réexamen no : RR-94-006

TABLE DES MATIERES


Ottawa, le vendredi 25 août 1995

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975, dans le cadre de l’enquête no ADT-4-74, et prorogées le 24 août 1984, dans le cadre du réexamen no R-3-84; des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 avril 1985, dans le cadre de l’enquête no CIT-18-84; des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 14 février 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-10-85; et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 3 novembre 1987, dans le cadre de l’enquête no CIT-5-87, qui ont été prorogées par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 4 septembre 1990, dans le cadre du réexamen no RR-89-012; et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 2 janvier 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-90-003, concernant les :

ALBUMS DE PHOTOS À FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES, IMPORTÉS ENSEMBLE OU SÉPARÉMENT, ET LES FEUILLES AUTO-ADHÉSIVES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE, DE HONG KONG, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE SINGAPOUR, DE LA MALAISIE, DE TAIWAN, DE L’INDONÉSIE, DE LA THAÏLANDE ET DES PHILIPPINES

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions susmentionnées.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur proroge, par la présente, sans modification, les conclusions susmentionnées.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre


Nicole Pelletier
_________________________
Nicole Pelletier
Secrétaire intérimaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975, dans le cadre de l’enquête no ADT-4-74, et prorogées le 24 août 1984, dans le cadre du réexamen no R-3-84; les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 26 avril 1985, dans le cadre de l’enquête no CIT-18-84; les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 14 février 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-10-85; et les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations le 3 novembre 1987, dans le cadre de l’enquête no CIT-5-87, qui ont été prorogées par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 4 septembre 1990, dans le cadre du réexamen no RR-89-012; et les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 2 janvier 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-90-003.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience : Les 27 et 28 juin 1995
Date de l’ordonnance et des motifs : Le 25 août 1995

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Desmond Hallissey, membre
Lise Bergeron, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh

Agent de la recherche : Paule Couët

Économiste : Dennis Featherstone

Préposé aux statistiques : Nynon Pelland

Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins

Agent à l’inscription et à la
distribution : Joël Joyal


Participant : Ronald C. Cheng
Gregory O. Somers
pour Desmarais & Frère Ltée

(fabricant)

Témoins :
Claude Desmarais
Président
Desmarais & Frère Ltée

Michel Goulet
Vice-président, Ventes et marketing
Desmarais & Frère Ltée

Jean-Marc Therrien
Directeur, Service à la clientèle
Desmarais & Frère Ltée

Alfred Gestetner
Belt Stationery MFG Ltd.
Une division de la société Les Fournitures scolaires Banner Ltée

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal antidumping le 24 janvier 1975, dans le cadre de l’enquête no ADT-4-74, et prorogées le 24 août 1984, dans le cadre du réexamen no R-3-84; des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien des importations (le TCI) le 26 avril 1985, dans le cadre de l’enquête no CIT-18-84; des conclusions de préjudice sensible rendues par le TCI le 14 février 1986, dans le cadre de l’enquête no CIT-10-85; et des conclusions de préjudice sensible rendues par le TCI le 3 novembre 1987, dans le cadre de l’enquête no CIT-5-87, qui ont été prorogées par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 4 septembre 1990, dans le cadre du réexamen no RR-89-012; et des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal le 2 janvier 1991, dans le cadre de l’enquête no NQ-90-003, concernant les albums de photos à feuilles auto-adhésives, importés ensemble ou séparément, et les feuilles auto-adhésives, originaires ou exportés de la République de Corée (la Corée), de Hong Kong, de la République populaire de Chine (la Chine), de Singapour, de la Malaisie, de Taiwan, de l’Indonésie, de la Thaïlande et des Philippines (les marchandises en question).

Dans l’avis d’expiration no LE-94-005 [2] daté du 3 janvier 1995, le Tribunal a informé les personnes et les gouvernements que les conclusions du Tribunal antidumping et du TCI devaient expirer le 3 septembre 1995, et que ses conclusions devaient expirer le 1er janvier 1996. Le Tribunal n’a reçu qu’un seul exposé. Desmarais & Frère Ltée (Desmarais) a demandé, dans son exposé du 24 février 1995, que le Tribunal procède à un réexamen des conclusions.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a procédé à un réexamen collectif des conclusions et a publié un avis de réexamen [3] le 21 mars 1995. Cet avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires de réexamen aux fabricants, aux importateurs et aux acheteurs d’albums de photos à feuilles auto-adhésives et de feuilles auto-adhésives. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience. Dans le cadre de ses activités de recherche, le personnel de la recherche du Tribunal a rencontré des fabricants canadiens pour répondre à toutes les questions visant les questionnaires. En outre, le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions initiales, les conclusions de réexamen et l’ordonnance, les rapports public et protégé préalables à l’audience du réexamen et de l’enquête antérieurs du Tribunal, l’avis de réexamen, les parties publiques et confidentielles des réponses aux questionnaires, ainsi que les rapports public et protégé préalables à l’audience du présent réexamen. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition de la partie intéressée, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues à Ottawa (Ontario) les 27 et 28 juin 1995.

Desmarais, un fabricant national d’albums de photos à feuilles auto-adhésives et de feuilles auto-adhésives, était représentée par des avocats à l’audience, a soumis des éléments de preuve et a plaidé en faveur de la prorogation des conclusions.

En outre, le Tribunal a invité un témoin de Belt Stationery MFG Ltd. (Belt), une division de la société Les Fournitures scolaires Banner Ltée (Banner) qui est un autre producteur national d’albums de photos à feuilles auto-adhésives et de feuilles auto-adhésives, à répondre aux questions que lui ont adressées le Tribunal et les avocats au sujet de la production et du marché de ces produits.

PRODUITS

Les produits qui font l’objet du présent réexamen sont les albums de photos à feuilles auto-adhésives et les feuilles auto-adhésives (ci-après désignés albums de photos et feuilles). Les albums de photos se composent de reliures, le plus souvent à trois anneaux ou à spirale, contenant des feuilles séparées. Ces dernières sont faites d’un carton léger et vêtues des deux côtés d’un adhésif autocollant spécial et d’une pellicule transparente soulevable. Cet adhésif retient, mais non de façon permanente, les photos qui y sont posées et permet de les enlever facilement sans y laisser de matière adhésive. Une fois les photos posées sur le carton vêtu d’adhésif, la pellicule transparente est rabattue sur les photos pour les protéger.

Les détaillants importants situés partout au Canada utilisent habituellement les albums de photos à spirale à des fins de promotion. Les albums de photos à trois anneaux, qui comptent un plus grand nombre de feuilles, soit 50 habituellement, sont davantage en demande. Les feuilles sont vendues pour servir de rechange, le plus souvent en paquets de 4, 10 ou 20 feuilles, ou en vrac à des producteurs d’albums de photos.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Desmarais est un grand fabricant national d’albums de photos et de feuilles depuis qu’elle en a commencé la production à son usine de Longueuil (Québec) au début des années 70. En plus des albums de photos et des feuilles, elle fabrique des albums de photos à pochettes et des feuilles de rechange, des albums de photos de mariage pour photographes professionnels, des cadres pour transparents, des articles en polymères extrudés et en plastique thermoscellés et des produits assortis de papeterie d’affaires.

En 1987, le Groupe Québécor Inc. (Québécor), une société canadienne de portefeuille très présente dans les secteurs de l’imprimerie et de l’édition, a acquis 60 p. 100 des actions de Desmarais. En décembre 1991, M. Claude Desmarais est devenu le propriétaire unique de Desmarais, après avoir racheté la participation majoritaire de Québécor.

En janvier 1994, Desmarais a entrepris une restructuration de ses installations de production. La société a fermé une usine de production située à Lasalle (Québec). En décembre 1994, elle a fermé ses installations de production à Ottawa, qui faisait affaire sous le nom «Desmarais Forever». Cette dernière usine était spécialisée dans la production d’articles faits sur commande pour le commerce de la papeterie. En janvier 1995, le fonds de placement de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec a investi 4,5 millions de dollars dans la société. Les actionnaires majoritaires sont actuellement le fonds, avec la Société de développement industriel du Québec, qui a converti le solde d’un prêt en actions de la société, et Québécor, par l’entremise d’une filiale.

Desmarais produit des albums de photos à spirale, à trois anneaux et à tiges, ainsi que des feuilles détachées. En 1994, les ventes intérieures d’albums de photos et de feuilles ont représenté environ 12 p. 100 du chiffre d’affaires total de Desmarais.

Pendant la période visée par le présent réexamen, deux autres sociétés ont aussi produit des albums de photos. Belt produit des albums de photos à trois anneaux, avec des feuilles importées et des feuilles de fabrication canadienne, à son usine de Ville d’Anjou (Québec), depuis 1987. Crown Photo Album Co. Inc. (Crown) a commencé à produire des albums de photos en 1988. Elle a cessé sa production et fermé ses portes au début de 1993.

Les avocats de Desmarais ont fait remarquer que, lors de la dernière enquête, le Tribunal a considéré que Desmarais constituait à elle seule la branche de production nationale. Ils ont soutenu que, dans le présent réexamen, Desmarais et Belt doivent constituer la branche de production nationale. Le Tribunal constate que les deux fabricants produisent des albums de photos et des feuilles, qu’ils vendent tous deux à un certain nombre des mêmes acheteurs, que les deux sont présents sur le marché, où ils détiennent des parts du marché à peu près comparables [4] , et que les deux ont été victimes de réductions des prix moyens pendant la période visée par le présent réexamen [5] . En outre, tout au long de son témoignage, le témoin de Belt a affirmé que la société était en concurrence avec Desmarais [6] . Il est clair également que Belt considère qu’elle fait partie de la branche de production nationale et a demandé la prorogation des conclusions. Desmarais a aussi appelé Belt [traduction] «notre principal concurrent canadien [7] ». Par conséquent, le Tribunal conclut que Desmarais et Belt constituent ensemble la branche de production nationale aux fins du présent réexamen.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

Le présent réexamen porte sur les conclusions de préjudice sensible rendues au sujet des importations des marchandises en question à la suite de cinq enquêtes distinctes menées en matière de préjudice. Desmarais était la partie plaignante dans chacune des cinq enquêtes. Les premières conclusions remontent à 1975. Elles ont été suivies d’autres conclusions en 1985, en 1986, en 1987 et en 1991, les importateurs ayant changé de sources d’approvisionnement après que les conclusions eurent été rendues. Il s’agit du troisième réexamen des différentes conclusions. Les deux autres ont eu lieu en 1984 et en 1990. Les conclusions concernant les importations en provenance de la Corée, de Hong Kong, de la Chine, de Singapour, de la Malaisie et de Taiwan doivent expirer le 3 septembre 1995. Les conclusions concernant les importations en provenance de l’Indonésie, de la Thaïlande et des Philippines doivent expirer le 1er janvier 1996.

Conclusions de 1975 (enquête no ADT-4-74)

Le 24 janvier 1975, le Tribunal antidumping a conclu que le dumping d’albums de photos en provenance de la Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires et que le dumping d’albums de photos en provenance du Japon était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale. Il n’a pas constaté de préjudice sensible relativement au dumping des feuilles.

Le Tribunal antidumping était convaincu que les importations sous-évaluées en provenance de la Corée avaient accru leur part du marché canadien et avaient empêché Desmarais de majorer ses prix en fonction de l’augmentation de ses coûts, ce que le Tribunal antidumping a considéré comme une forme de dégradation des prix. Le Tribunal antidumping était aussi convaincu que le faible volume de ventes et la rentabilité peu élevée de Desmarais étaient liés directement à la vive concurrence exercée par les produits importés à des prix sous-évalués.

En ce qui a trait au Japon, le Tribunal antidumping a conclu que les exportateurs avaient offert, et étaient disposés à offrir aux acheteurs canadiens de grandes quantités d’albums de photos à des prix sous-évalués. Le Tribunal antidumping a conclu que cela constituait une menace de préjudice sensible à la production canadienne.

Réexamen des conclusions de 1975 (réexamen no R-3-84)

Le 24 août 1984, le Tribunal antidumping a réexaminé ses conclusions de 1975 au sujet des importations d’albums de photos en provenance du Japon et de la Corée. Il n’a pas trouvé de motif pour annuler ou modifier les conclusions. Pour ce qui est de la question de la reprise possible du dumping et de la question de savoir si ce dumping était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires, les éléments de preuve ont révélé que le dumping n’avait jamais cessé. En outre, les éléments de preuve ont indiqué que les facteurs, neuf années plus tard, qui avaient amené le Tribunal antidumping à conclure à un préjudice sensible en janvier 1975, étaient toujours présents, à savoir la présence à des prix sous-évalués d’albums de photos en provenance du Japon et de la Corée, les prix en baisse et les ventes non rentables de l’industrie. Les éléments de preuve ont aussi montré que l’industrie était vulnérable du fait de son incapacité d’augmenter ses ventes depuis 1981, de majorer ses prix de vente ou encore de fonctionner de façon rentable.

Conclusions de 1985 (enquête no CIT-18-84)

Le 26 avril 1985, le TCI a conclu que le dumping d’albums de photos en provenance de Hong Kong et des États-Unis et de feuilles en provenance de Hong Kong, des États-Unis et de la Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Les principales raisons des conclusions du TCI au sujet des importations d’albums de photos en provenance de Hong Kong et des États-Unis étaient l’incapacité de Desmarais, encore alors le premier producteur canadien, d’accroître ses ventes d’albums de photos sur un marché en expansion et la compression ainsi que la dégradation des prix de vente et leurs répercussions directes sur les bénéfices de la société. Le niveau d’importation de marchandises sous-évaluées, à l’époque, a amené le TCI à conclure que Desmarais était susceptible de subir un préjudice, étant donné qu’il n’y avait aucune raison apparente de croire que le volume des importations diminuerait si des droits antidumping n’étaient pas imposés.

En ce qui a trait aux feuilles, le TCI a déterminé que les importations sous-évaluées en provenance des trois pays avaient fait perdre à Desmarais des ventes importantes de feuilles à un client éventuel, présenté comme grand importateur de feuilles, qui intégrait ces feuilles dans une reliure à trois anneaux de sa fabrication. Puisque les feuilles représentaient une partie importante des albums de photos finis, l’achat de feuilles à bas prix avait aussi permis à cet importateur de vendre ses albums de photos finis à meilleur prix que Desmarais.

Conclusions de 1986 (enquête no CIT-10-85)

Le 14 février 1986, le TCI a conclu que le dumping d’albums de photos et de feuilles en provenance de la Chine avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires. Il a rejeté une demande d’imposition rétroactive de droits antidumping pour cause de dumping massif.

Le TCI était persuadé que, face à la menace des importations sous-évaluées en provenance de la Chine, Desmarais n’a eu d’autre choix que de maintenir des prix bas, voire de les réduire, pour protéger son volume de ventes. La société a continué de subir des pertes financières importantes en 1985. Nonobstant la faible pénétration du marché canadien réalisée par les importations sous-évaluées d’albums de photos et de feuilles, le TCI a conclu que le dumping de ces marchandises en provenance de la Chine avait causé et causait un préjudice sensible à la production de marchandises similaires de Desmarais.

Les éléments de preuve avaient aussi indiqué que le volume de marchandises expédiées au Canada représentait une fraction de la capacité de production disponible en Chine. Le TCI était convaincu que le maintien du dumping des albums de photos et des feuilles en provenance de la Chine était aussi susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires de Desmarais.

Conclusions de 1987 (enquête no CIT-5-87)

Le 3 novembre 1987, le TCI a conclu que le dumping d’albums de photos et de feuilles en provenance de Singapour, de la Malaisie et de Taiwan avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires. Il a rejeté une demande d’imposition rétroactive de droits antidumping pour cause de dumping massif.

Le seul grand producteur canadien, Desmarais, avait fait l’objet de façon répétée d’un préjudice attribuable au dumping d’albums de photos et de feuilles, qui remontait à bien avant l’entrée des importations sous-évaluées en provenance de Singapour, de la Malaisie et de Taiwan. Grâce aux conclusions qui avaient été rendues, le producteur canadien avait affiché un redressement de son volume de ventes mais, comme cela s’était produit précédemment, l’origine des importations sous-évaluées s’est simplement déplacée vers d’autres pays, à savoir Singapour, la Malaisie et Taiwan. Le scénario bien connu de la réaction défensive adoptée par Desmarais pour contrer les importations à bas prix, avec la compression des prix et les pertes financières qui en résultent, s’était une nouvelle fois répété. Le TCI a conclu qu’il était fort probable que le préjudice sensible se poursuive, du simple fait que Desmarais aurait été contrainte de répondre aux faibles niveaux de prix sous-évalués afin de maintenir son volume.

Réexamen des conclusions de 1975, de 1985, de 1986 et de 1987 (réexamen no RR-89-012)

Le 4 septembre 1990, le Tribunal a réexaminé l’ensemble des conclusions relatives aux importations d’albums de photos et de feuilles. Il a conclu que les conclusions relatives aux albums de photos et aux feuilles, sauf pour celles visant le Japon et les États-Unis, devaient être prorogées sans modification. Le Tribunal a conclu que les exportateurs japonais et américains n’étaient pas susceptibles de recourir au dumping préjudiciable de marchandises en question. Le Tribunal a toutefois conclu à une forte probabilité de reprise du dumping des albums de photos et des feuilles en provenance de la Corée, de Hong Kong, de la Chine, de Singapour, de la Malaisie et de Taiwan. La décision du Tribunal s’appuyait sur l’historique de changement d’origine des importations sous-évaluées et sur le dumping pratiqué sur les marchés internationaux par les exportateurs d’un grand nombre de ces pays ainsi que sur l’incapacité des importations à bas prix d’être compétitives sur le marché canadien aux valeurs normales ou au-dessus des valeurs normales.

Le Tribunal a conclu à la probabilité que cette reprise du dumping cause un préjudice sensible à l’industrie nationale. Les prix n’avaient été que légèrement supérieurs à ceux pratiqués au début des années 80, et Desmarais n’avait enregistré qu’un faible bénéfice sur les ventes d’albums de photos et de feuilles. Cet avantage avait été de courte durée, en raison de nouvelles pressions exercées sur les prix par de nouvelles sources d’importations à bas prix, à savoir l’Indonésie et la Thaïlande. Ces pressions avaient eu un effet négatif sur les prix et sur les bénéfices de l’industrie.

Conclusions de 1991 (enquête no NQ-90-003)

Le 2 janvier 1991, le Tribunal a conclu que le dumping d’albums de photos et de feuilles en provenance de l’Indonésie, de la Thaïlande et des Philippines avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. La partie plaignante, Desmarais, intervenait pour 80 p. 100 de la production nationale. Le Tribunal était d’avis que les éléments de preuve avaient établi la vulnérabilité de l’industrie face aux importations à bas prix. Desmarais avait été incapable d’accroître ses ventes sur un marché en croissance à cause des importations sous-évaluées. Pour faire concurrence à ces importations, Desmarais avait dû maintenir et parfois réduire ses prix de vente moyens, malgré l’augmentation de ses coûts de production. Cela lui avait fait perdre des ventes et avait diminué sa rentabilité. Compte tenu des marges de dumping considérables, de la capacité de transférer la production d’un pays à l’autre et de la propension à le faire, et de la facilité relative avec laquelle les nouvelles exportations pouvaient remplacer les exportations existantes, le Tribunal a conclu à un préjudice passé, présent et futur.

Le Tribunal a aussi conclu à un dumping massif. Les importations sous-évaluées avaient quintuplé, accaparé 24 p. 100 du marché et causé un préjudice sensible.

AUTRES CONCLUSIONS

Les deux fabricants nationaux produisent aussi des albums de photos à pochettes. Bien que les importations d’albums de photos à pochettes ne fassent pas partie des marchandises en question, ces albums présentent des caractéristiques semblables à celles des albums de photos en question. Les mêmes fabricants étrangers produisent des albums de photos à pochettes qui sont achetés par les mêmes détaillants qui achètent les albums de photos en question.

Le 26 février 1988, le TCI a conclu que le dumping d’albums de photos à pochettes et de leurs feuilles de rechange en provenance du Japon, de la Corée, de la Chine, de Hong Kong, de Taiwan, de Singapour, de la Malaisie et de la République fédérale d’Allemagne avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires. Le Tribunal a prorogé ces conclusions, sans modification, le 25 février 1993, dans le cadre du réexamen no RR-92-003.

POSITION DU PARTICIPANT À L’AUDIENCE

Desmarais

Les avocats de Desmarais ont fait valoir que la branche de production nationale est vulnérable à la reprise du dumping et qu’il y a probabilité de reprise du dumping si les conclusions sont annulées.

Les avocats de Desmarais ont soutenu que Desmarais était vulnérable à la reprise du dumping en raison de facteurs comme : 1) le long historique de dumping et de préjudice consécutif subi par Desmarais; 2) la propension à pratiquer le dumping des albums de photos à pochettes, un produit connexe, par les pays visés; 3) les pressions exercées par le produit américain à bas prix forçant Desmarais à réduire ses prix; 4) la sensibilité au prix des albums de photos comme produit de base; 5) les règles économiques de production qui exigent de gros volumes de production; 6) les investissements consentis dans les installations et la R.-D. et le temps requis pour recouvrer ces dépenses; 7) la sous-utilisation de la capacité de production par les deux producteurs nationaux; et 8) la concentration des ventes chez un petit nombre de clients.

Passant à la probabilité de reprise du dumping, les avocats de Desmarais ont soutenu que le manque de collaboration dont ont fait preuve les importateurs et les exportateurs dans la présente cause traduit une propension à pratiquer le dumping. En outre, ils ont signalé les efforts que certains exportateurs auraient faits pour déjouer les conclusions en vigueur en manipulant les emplacements de fabrication et d’expédition des marchandises en question. Un grand nombre de fabricants dans les pays visés ont des installations de production dans divers pays. Les avocats ont aussi invoqué les décisions de la Commission des Communautés européennes rendues à l’endroit de trois des pays visés depuis le dernier réexamen. De même, sur la foi des données d’exécution du ministère du Revenu national (Revenu Canada), les avocats ont démontré que tous les pays visés, à l’exception de la Thaïlande, avaient été actifs dans l’exportation des marchandises en question pendant la période visée par le présent réexamen.

Les avocats de Desmarais ont soutenu que les pays visés avaient une capacité suffisante pour servir le marché canadien et qu’il n’a pas été présenté de nouveaux éléments de preuve montrant une réduction de cette capacité. En outre, les avocats ont fait valoir que le faible niveau des prix des albums de photos aux États-Unis s’expliquait, dans une large mesure, par l’absence de protection contre les mêmes pays visés, sauf la Corée. Les répercussions des importations à bas prix ont eu pour effet d’abaisser les prix généraux pour les albums de photos aux États-Unis. Les avocats ont soutenu que l’annulation des conclusions aurait le même effet au Canada.

Desmarais a demandé au Tribunal de proroger toutes les conclusions, sans modification. Belt a aussi demandé la prorogation des conclusions, faisant valoir qu’une annulation causerait un préjudice grave à la branche de production canadienne.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le marché apparent pour les albums de photos est passé de 12,2 millions de dollars en 1990 à moins de 10,0 millions de dollars en 1994, soit un recul de 20 p. 100 [8] . Les chiffres relatifs au marché pour 1990 ne comprennent pas les ventes provenant de la production de Crown, qui a cessé toute production au début de 1993. Par ailleurs, les estimations des importations comprises dans les chiffres relatifs au marché pour 1990 à 1994 sont peut-être gonflées du fait que tous les types d’albums de photos entrent au Canada sous un même numéro tarifaire [9] . Compte tenu de ces deux considérations, le Tribunal croit que le recul global du marché apparent était probablement plus prononcé que ce que révèlent les statistiques. Les témoins ont aussi affirmé que le volume effectif d’albums de photos vendus sur le marché national pendant la période visée par le présent réexamen n’a pas bougé.

La valeur annuelle des ventes d’albums de photos par les producteurs nationaux en 1990 n’a été dépassée que deux fois depuis 1981. Cependant, les ventes n’ont pas cessé de fléchir par après jusqu’en 1993, avant d’augmenter de 3 p. 100 en 1994 [10] . Les fabricants nationaux ont conservé une grande part du marché pendant la période visée par le présent réexamen. Cette part a fluctué légèrement chaque année de la période observée. En 1994, Desmarais et Belt avaient des parts comparables du marché [11] .

Le total des importations apparentes d’albums de photos a diminué au cours de la période visée par le présent réexamen. Les importations en provenance des pays visés ont diminué chaque année pendant la période observée, sauf en 1994, et sont intervenues pour 23 p. 100 du total des importations en 1994. Les importations en provenance de pays non visés ont fluctué pendant la période visée par le présent réexamen, mais accru leur part du total des importations, qui est passée de 56 p. 100 en 1990 à 77 p. 100 en 1994. Les importations en provenance des États-Unis sont intervenues pour plus de la moitié du total des importations pendant la période observée [12] et pour plus de 60 p. 100 en 1994.

La part du marché national détenue par les pays visés est demeurée négligeable pendant la période visée par le présent réexamen, diminuant légèrement de 1990 à 1994. La part du marché détenue par des pays non visés a connu les mêmes fluctuations que les importations pendant la période observée. La part du marché détenue par des pays non visés a été plus du double de la part détenue par les pays visés chaque année de la période visée par le présent réexamen [13] .

Les prix ont diminué pour les deux fabricants nationaux pendant la période visée par le présent réexamen. Les prix moyens de Desmarais pour l’ensemble des albums de photos, à l’exception des albums de photos à tiges, n’ont pas cessé de diminuer. Les prix de Belt pour des produits désignés ont affiché la même tendance [14] . À part le carton ondulé utilisé pour les reliures, le coût des principaux composants des albums de photos fabriqués par Desmarais a diminué entre 1990 et 1994 [15] . Cependant, les deux fabricants ont témoigné qu’ils subissaient des augmentations marquées du coût des matières premières en 1995 [16] . L’un et l’autre ont déclaré qu’ils essayaient d’accroître leurs prix des albums de photos, mais que le marché résistait à leurs initiatives.

Il n’a pas été possible d’évaluer la rentabilité globale de la branche de production en raison de l’absence de renseignements financiers de Belt. Desmarais, toutefois, a subi une diminution de bénéfices sur ses ventes intérieures d’albums de photos chaque année à cause de la diminution des volumes de ventes et de la réduction des prix. Le témoin de Belt a déclaré que la société avait réalisé des profits sur ses ventes d’albums de photos depuis 1990 [17] . Il a aussi confirmé la réponse au questionnaire du Tribunal montrant que Belt avait augmenté son volume de ventes pendant la période visée par le présent réexamen.

Les ventes nettes d’albums de photos de Desmarais ont diminué chaque année pendant la période observée. Son revenu net avant impôt sur ses ventes intérieures d’albums de photos est demeuré positif de 1990 à 1993, mais a quand même diminué chaque année. En 1994, toutefois, la société a fait état d’une perte nette sur ces ventes. Desmarais a procédé à une réorganisation générale en 1994, fermant des usines de production dans deux villes. Cette réorganisation a été suivie d’une restructuration financière qui a pris fin au début de 1995.

PROBABILITÉ DE REPRISE DU DUMPING

Pour décider s’il y a lieu de proroger, avec ou sans modification, les conclusions dans le présent réexamen, le Tribunal doit tenir compte de deux questions. Il doit, en premier lieu, être convaincu qu’en l’absence des conclusions, le dumping pratiqué par les pays visés est susceptible de reprendre et, en second lieu, que la reprise du dumping est susceptible de causer un dommage [18] à la branche de production nationale.

Le Tribunal reconnaît qu’il est difficile d’établir la probabilité de reprise du dumping dans le cadre d’un réexamen. Il reconnaît également le défi que doivent relever les producteurs nationaux qui veulent faire la preuve de la probabilité de reprise du dumping par les pays visés, surtout lorsque les importateurs et les exportateurs ne participent pas, comme dans le cas présent, au réexamen du Tribunal.

Dans le présent réexamen, le Tribunal a pesé plusieurs facteurs pour déterminer s’il y avait probabilité de reprise du dumping par tous les pays visés. Ces facteurs comprennent le comportement passé et actuel des exportateurs à l’égard des albums de photos et des produits connexes, leurs activités sur d’autres marchés et la capacité de production existante dans les pays exportateurs.

Le Tribunal fait remarquer que l’historique de ce dossier et toutes les conclusions antérieures démontrent comment les importateurs, aux prises avec des conclusions de préjudice, trouveront dans d’autres pays des fournisseurs disposés à vendre à des prix sous-évalués ou à des prix qui seront jugés sous-évalués. Au fil des ans, l’approvisionnement d’importations sous-évaluées des marchandises en question est passé d’un pays à l’autre au gré de l’annonce des nouvelles conclusions. Il y a eu cinq enquêtes au cours des ans, la dernière en 1991. Au fil des ans, il y a nettement eu une pratique de changement de pays dont l’objet était d’échapper aux effets des conclusions de préjudice. Le Tribunal est d’avis que, en l’absence des conclusions, les importateurs pourraient encore une fois s’approvisionner en marchandises en question à des prix sous-évalués dans les pays visés.

En outre, le Tribunal prend note des conclusions de préjudice sensible rendues par le TCI le 26 février 1988, dans le cadre de l’enquête no CIT-11-87, relativement aux albums de photos à pochettes, que le Tribunal a prorogées le 25 février 1993, dans le cadre du réexamen no RR-92-003. Les albums de photos à pochettes peuvent être considérés comme un substitut des albums de photos pour les consommateurs. Ils sont fabriqués par les mêmes sociétés qui produisent les albums de photos, ils sont vendus sur le marché intérieur par les mêmes exportateurs, ils répondent à la même fonction principale de rangement de photographies et ils sont, dans une large mesure, substituables aux albums de photos, par leur prix et leur qualité. Le Tribunal fait remarquer qu’il a été déterminé, lors du réexamen de 1993 des conclusions visant les albums de photos à pochettes, qu’il y avait probabilité que les mêmes pays pratiquent le dumping des albums de photos à pochettes. Le Tribunal croit que, parce que les deux types d’albums de photos sont relativement interchangeables et se vendent aux mêmes détaillants, souvent dans le cadre d’un programme d’achats, par un grand nombre des mêmes exportateurs et fabricants, il est probable que le dumping des albums de photos reprenne également si les conclusions sont annulées.

Le Tribunal fait remarquer que les exportateurs des pays visés ne peuvent plus faire concurrence sur le marché canadien en raison des valeurs normales fixées par Revenu Canada pour les importations des marchandises en question. Les importations totales en provenance des pays visés pendant la période observée, surtout en 1992 et 1993, en sont à leur plus faible niveau depuis 1981 [19] . Cependant, plusieurs des pays visés ont pu maintenir leur présence sur le marché canadien, et garder le contact avec les importateurs et les canaux de distribution. Le Tribunal croit qu’ils pourraient facilement accroître leurs ventes si les conclusions étaient annulées. Il observe également que trois des pays visés, c’est-à-dire l’Indonésie, la Thaïlande et les Philippines, étaient la source de 73 p. 100 de l’ensemble des importations en provenance des pays visés et qu’il s’agit des pays où les valeurs normales étaient les plus voisines des prix de vente sur le marché canadien [20] . Cependant, pour revenir au marché, les exportateurs de tous ces pays seraient contraints de vendre à des prix bien inférieurs aux valeurs normales, c’est-à-dire à des prix qui seraient vraisemblablement sous-évalués.

Le Tribunal fait remarquer que la menace de reprise du dumping vient des exportateurs d’un même secteur géographique. Les pays de cette région ont d’étroits liens commerciaux et économiques. Le Tribunal a entendu en témoignage que plusieurs fabricants des pays visés possèdent et exploitent des installations de production dans plus d’un des pays visés [21] . Le Tribunal croit que l’annulation des conclusions pour certains pays et pas pour d’autres permettrait aux fabricants étrangers d’approvisionner le marché canadien à partir de leurs usines situées dans des pays non visés par les conclusions, en déplaçant ou en augmentant la production dans ces usines, déjouant ainsi les conclusions demeurant en vigueur. Il a aussi entendu des témoins affirmer qu’un fabricant leur a offert d’expédier les marchandises en question à partir d’un endroit autre que celui où elles sont fabriquées. Dans son exposé protégé, un témoin de Desmarais a rappelé une offre reçue d’une société établie en Corée, ayant des usines en Corée, aux Philippines et en Chine, pour les marchandises en question qui devaient être expédiées de Hong Kong [22] . Ces offres étaient assorties de prix inférieurs aux valeurs normales.

Le Tribunal a aussi recueilli des éléments de preuve sur la capacité de production des pays visés [23] . Un témoin de Desmarais a déclaré que, d’après ses connaissances et compte tenu de l’accroissement du nombre de fabricants, la capacité avait augmenté en Corée, en Chine et en Indonésie [24] . Le Tribunal n’a aucune raison de croire que la capacité de production des pays visés a disparu ou diminué. En réponse à une question du Tribunal au sujet de la capacité de production des pays visés, le témoin de Belt a déclaré que, sans connaître précisément leur capacité, il ne s’était jamais fait dire qu’une commande ne pouvait être exécutée. Il a déclaré que [traduction] : «Nous demandons à nos amis des pays visés : En auriez-vous 100 000? Ils ne sont jamais à court du produit. Ils peuvent toujours livrer et ont une très grande capacité [25] ». Le Tribunal considère que la capacité de production dans les pays visés dépasse de loin la capacité de production combinée des deux producteurs nationaux. Sans les conclusions, le marché canadien ferait vraisemblablement face à des offres d’importations sous-évaluées à grande échelle.

Le Tribunal est conscient de la décision rendue par la Commission des Communautés européennes le 22 mai 1990 au sujet d’un format particulier d’albums de photos originaires de la Corée et de Hong Kong. Il prend également note du règlement du 22 décembre 1993 du Conseil de l’Union européenne qui impose des droits antidumping provisoires sur les importations d’albums de photos reliés en livres et originaires de la Chine. Le Conseil de l’Union européenne a conclu qu’un exportateur, basé initialement à Hong Kong, avait déménagé ses installations de production en Chine, ce qui lui avait permis de déjouer les mesures antidumping décrétées deux ans plus tôt. Le Tribunal croit que d’autres exportateurs sont en cause, tant sur le marché européen que sur le marché canadien [26] , et cette conclusion le confirme dans sa conviction qu’il y aurait probablement une reprise du dumping si les conclusions étaient annulées.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il y a une forte probabilité de reprise du dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives et des feuilles auto-adhésives en provenance de la Corée, de Hong Kong, de la Chine, de Singapour, de la Malaisie, de Taiwan, de l’Indonésie, de la Thaïlande et des Philippines si l’une ou l’autre des conclusions sont annulées.

PROBABILITÉ DE DOMMAGE

Pour en arriver à une décision sur la probabilité de dommage découlant d’une reprise du dumping, le Tribunal a examiné les tendances des volumes et des prix des albums de photos sur le marché national et évalué les répercussions des faibles volumes et des bas prix sur la branche de production nationale. Il a ensuite évalué la mesure dans laquelle une reprise du dumping pourrait causer un dommage.

En raison de la structure des coûts et du fort coefficient de capitaux qui caractérisent la production d’albums de photos, les deux producteurs nationaux doivent maintenir des volumes relativement élevés de production pour être rentables. La branche de production fait face à un marché intérieur qui a fléchi pendant un certain temps et qui stagne désormais. Même avec les conclusions en vigueur, ce sera un défi pour la branche de production que de maintenir des volumes suffisants et de compenser l’augmentation des coûts des intrants par des majorations de prix.

Les deux sociétés sont aussi vulnérables à la concurrence au niveau des prix. Depuis quelques années, la branche de production a dû affronter une vigoureuse concurrence des prix qui l’a forcée à abaisser ses prix. Il y a eu un témoignage concernant la présence effective d’importations américaines à plus bas prix, qui ont sans doute eu un effet sur les prix sur le marché canadien. Les producteurs nationaux ont témoigné qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’égaler les prix des exportateurs américains [27] . Les témoins de Desmarais et de Belt ont l’un et l’autre déclaré que les prix sont plus bas aux États-Unis, à cause de la présence d’importations à bas prix en provenance de nombreux pays, dont les pays visés. Les fabricants américains ont dû réduire leurs prix pour résister à la concurrence des importations sur leur propre marché [28] . Le Tribunal a entendu que de nombreuses entreprises américaines seraient en difficultés financières. Elles ont en même temps tenté de vendre sur le marché canadien à bas prix. Le Tribunal croit que la situation actuelle aux États-Unis est un très bon indice de ce qui pourrait se produire au Canada si les conclusions étaient annulées.

Le Tribunal croit que, même si les prix sont déjà bas à cause des facteurs mentionnés ci-dessus, les importations sous-évaluées auraient pour effet d’abaisser ces prix encore davantage si elles pouvaient entrer directement sur le marché canadien par suite de l’annulation des conclusions. Les prix seraient bien inférieurs aux valeurs normales actuelles. Le Tribunal s’attend tout à fait à ce que les exportateurs des pays visés reviennent sur le marché canadien avec des importations sous-évaluées si des droits antidumping ne sont pas imposés. Les grands acheteurs, dont certains étaient des importateurs les années antérieures [29] , sont déjà au courant de la gamme de produits qu’offrent les producteurs des pays visés. Les albums de photos ne sont qu’un des nombreux différents produits de papeterie qu’ils achètent et qu’ils peuvent importer en grand nombre. Les grands acheteurs n’hésiteraient pas à rechercher des meilleurs prix, ce qui intensifierait la pression sur les prix dont seraient victimes les fabricants nationaux. Le Tribunal est d’avis que ces prix plus bas causeront un dommage aux fabricants.

Dans cette optique, la déclaration faite par le témoin de Belt était révélatrice. Belt elle-même importe, à certains moments, des feuilles des États-Unis pour produire des albums de photos. Elle achète des feuilles des États-Unis parce qu’il peut être parfois moins coûteux d’importer les feuilles que de les produire dans son usine. À d’autres moments, Belt produit elle-même ses feuilles [30] . En outre, le prix en dollars canadiens des feuilles fabriquées aux États-Unis, livrées à l’usine de Belt, était bien inférieur au prix offert par Desmarais [31] . Dans son témoignage, le témoin de Belt a affirmé que la société importe des feuilles parce qu’elle ne peut les produire au même prix que les fabricants américains et que ses albums de photos finis doivent concurrencer, au Canada, les produits finis des concurrents américains et autres [32] . Selon les éléments de preuve recueillis, le coût des feuilles constitue une proportion importante du coût d’un album de photos fini, selon le nombre de feuilles que renferme l’album. Le témoin de Belt a reconnu que la société importerait les feuilles de n’importe quelle source si son produit fini ne pouvait soutenir la concurrence des albums de photos fabriqués avec des feuilles produites au pays [33] . Il a ajouté que la société ne pourrait pas survivre si des droits antidumping n’étaient pas imposés, en raison des bas prix des importations, parce que la plupart de ses clients importeraient également [34] . Le Tribunal n’a aucune raison de douter de la déclaration du témoin de Belt selon laquelle Belt cesserait la production de feuilles au Canada s’il y avait reprise du dumping des feuilles.

La vulnérabilité de la branche de production aux importations à bas prix vient de la sensibilité au prix des albums de photos et des feuilles. Cela découle de la nature des marchandises elles-mêmes et de la structure du marché. Certains albums de photos à bas prix servent plus souvent d’objets de promotion et se vendent à certains prix cibles de détail. Dans ces circonstances, le prix est le grand déterminant de la décision d’achat. Le Tribunal a entendu en témoignage que la qualité du produit n’est pas une grande considération pour les grandes surfaces, vu qu’elles se font concurrence surtout sur le prix [35] . Le Tribunal a aussi entendu en témoignage que les grands détaillants exercent constamment des pressions sur la branche de production nationale pour obtenir des prix toujours plus bas, utilisant l’influence des importations à bas prix pour forcer les fabricants nationaux à baisser leurs prix [36] .

En outre, le marché est structuré de telle façon qu’un nombre relativement restreint de grands acheteurs font la majorité des ventes d’albums de photos. Selon les éléments de preuve présentés, les 12 premiers clients de la branche de production nationale interviennent pour plus de 60 p. 100 de ses ventes totales d’albums de photos et de feuilles [37] . Dans les circonstances où il y a une grande concentration d’acheteurs, les offres de produits à bas prix à un même acheteur se traduisent inévitablement et rapidement en réductions de prix pour tous les acheteurs. Par conséquent, la branche de production est très vulnérable aux incursions des importations à bas prix. Le Tribunal croit que, si elle ne peut faire face à cette concurrence des bas prix, la branche de production nationale perdra ses volumes de ventes au moment où les détaillants réduiront ou cesseront entièrement leurs achats d’albums de photos de fabrication intérieure et passeront aux importations à bas prix. Compte tenu du nombre limité de grands acheteurs, la perte d’un ou de deux clients au profit des importations sous-évaluées entraînerait une perte considérable de gros volumes pour la branche de production nationale.

En outre, le Tribunal a entendu en témoignage que les producteurs étrangers sont disposés et prêts à offrir les albums de photos en question à des prix inférieurs au coût de production de Desmarais pour des albums de photos similaires. Desmarais a présenté des offres de prix pour les marchandises en question provenant de plusieurs fabricants de la Corée et de l’Indonésie. Les prix rendus [38] étaient, dans tous les cas, inférieurs aux prix offerts par Desmarais dans sa liste des prix les plus bas. Le témoin de Belt a convenu que les prix des marchandises en question sont inférieurs aux prix des albums de photos et des feuilles au Canada et aux États-Unis [39] . Le Tribunal est d’avis que, malgré les investissements que Desmarais a faits pendant la période visée par le présent réexamen pour améliorer son efficience et réduire son coût de production, il serait impossible d’égaler d’une façon soutenue ces bas prix à l’importation.

Le Tribunal croit que Desmarais a franchi le point critique de sa restructuration, que les difficultés qu’elle a éprouvées depuis le début de 1994 sont chose du passé et qu’elle pourrait tirer des bénéfices de ses ventes d’albums de photos dès que les augmentations de prix se matérialiseront. Le Tribunal reconnaît les efforts qu’a faits Desmarais pour investir dans des installations et du matériel, afin de concentrer ses activités futures sur les albums de photos et d’accroître ses prix de vente.

Le Tribunal fait remarquer que Desmarais et Belt font d?E9‚jà face à une concurrence des prix et qu’elles ont à relever le défi de la rentabilisation malgré de faibles volumes se vendant à bas prix. À l’avenir, les deux producteurs nationaux ont besoin de volumes soutenus pour couvrir leur coût de production, en même temps que de prix supérieurs pour compenser les augmentations de coûts des matières premières. Le Tribunal croit également que le prix demeurera la principale considération pour les grands acheteurs dans l’achat d’albums de photos. Sans les conclusions, ces acheteurs et les autres importateurs n’hésiteront pas à se tourner vers les importations à bas prix afin de soutenir la concurrence intense qui existe sur le marché. En outre, le Tribunal n’a pas de raison de croire que les producteurs étrangers ne tenteront pas de vendre des albums de photos à des prix sous-évalués qui sont bien inférieurs au coût de production des producteurs nationaux.

Avec une reprise du dumping, le Tribunal ne croit pas que Desmarais pourra faire face à la concurrence supplémentaire des bas prix qui accompagnera les importations sous-évaluées. Si elle décide de maintenir ses volumes de production, elle devra ramener ses prix à des niveaux qui lui infligeront des pertes financières qui lui causeront un dommage. Si elle ne diminue pas ses prix et perd son volume de ventes, les conséquences financières lui causeront aussi un dommage. Les perspectives d’une reprise du dumping sont les mêmes pour Belt. En outre, le Tribunal croit qu’il est probable que Belt cesse la production de feuilles au Canada. Le Tribunal est sensible au fait que cela pourrait entraîner la cessation de la fabrication d’albums de photos pour au moins un producteur national.

En somme, le Tribunal est persuadé qu’une reprise du dumping des albums de photos à feuilles auto-adhésives et des feuilles auto-adhésives en provenance des pays en question causera un dommage à la branche de production nationale.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal proroge, sans modification, les conclusions.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Gazette du Canada Partie I, vol. 129, no 1, le 7 janvier 1995 à la p. 14.

3. Ibid. , no 13, le 1er avril 1995 à la p. 960.

4. Pièce du fabricant A-3, dossier administratif, vol. 7; et Protected Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 66.

5. Ibid .

6. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 85; et Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 aux pp. 72-73.

7. Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 à la p. 16.

8. Public Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.23.

9. Ibid. aux pp. 0.12-0.13 et 0.20.

10. Ibid . à la p. 023.

11. Pièce du fabricant A-3, dossier administratif, vol. 7; et Protected Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 66.

12. Public Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.21.

13. Protected Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 41.

14. Public Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-5, dossier administratif, vol. 1A aux pp. 0.37-0.38.

15. Public Pre-Hearing Staff Report , révisé le 5 juin 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-5A, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.73.

16. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 aux pp. 12, 72 et 85.

17. Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 aux pp. 71-72.

18. Le paragraphe 2(1) de la LMSI (depuis le 1er janvier 1995) prévoit que «dommage» signifie dommage sensible causé à une branche de production nationale.

19. Protected Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 75.

20. Public Pre-Hearing Staff Report , le 30 mai 1995, pièce du Tribunal RR-94-006-5, dossier administratif, vol. 1A à la p. 0.14.

21. Pièce du fabricant A-4 (protégée), dossier administratif, vol. 8; Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 69; et Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 aux pp. 59, 66 et 89-91.

22. Pièce du fabricant A-4 (protégée), ibid .

23. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 aux pp. 35 et 56; et Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 aux pp. 47 et 58-59.

24. Transcription de la session publique , ibid. à la p. 36.

25. Ibid . à la p. 83.

26. Pièce du fabricant A-3, pièces jointes C et D, dossier administratif, vol. 7.

27. Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 à la p. 37.

28. Transcripion de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 78; et Transcription de la session à huis clos, le 27 juin 1995 aux pp. 36-37.

29. Transcripion de la session à huis clos , ibid. à la p. 74.

30. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 71.

31. Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 à la p. 70.

32. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 71.

33. Ibid. à la p. 87.

34. Ibid. aux pp. 91-92.

35. Transcription de la session publique , ibid. à la p. 84; et Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 aux pp. 31, 38 et 74-75.

36. Transcription de la session publique , ibid. à la p. 82; et Transcription de la session à huis clos , ibid. aux pp. 6 et 73-74.

37. Pièce du fabricant A-2 (protégée), dossier administratif, vol. 8.

38. Pièce du fabricant A-4 (protégée), ibid .

39. Transcription de la session publique , le 27 juin 1995 à la p. 91; et Transcription de la session à huis clos , le 27 juin 1995 à la p. 91.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996